Licenciement verbal d’un salarié au cours de l’entretien préalable: l'entretien préalable au licenciement est destiné à recueillir les explications du salarié, l'employeur n'ayant en principe pas encore pris sa décision (fr)
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Franc Muller, avocat au barreau de Paris
Janvier 2019
Il est rare qu’un entretien préalable [1] à un licenciement réserve des surprises, il s’agit souvent d’un moment désagréable pour le salarié qui y est convoqué, où en dépit des explications qu’il pourra donner, sa force de persuasion ne parviendra guère à infléchir l’employeur qui a déjà décidé de son sort.
Et pourtant…. Une trop grande négligence de l’employeur peut lui coûter cher !
Rappelons, en limitant notre sujet à la situation d’un salarié dont le licenciement pour motif personnel est envisagé, qu’avant de procéder à un licenciement, l’employeur convoque par écrit le salarié à un entretien préalable qui doit se tenir au moins cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée, ou la remise en main propre, l’y convoquant (article L 1232-2 du Code du travail).
Au cours de l’entretien « l’employeur indique les motifs de la décision envisagée et recueille les explications du salarié », cette phrase impliquant qu’à ce stade, sa décision n’est pas encore prise.
Le salarié a la possibilité d’être assisté à l’entretien préalable par une personne de son choix, qu’il pourra choisir selon les modalités qui lui sont précisées dans la lettre de convocation (selon la taille de l’entreprise et si elle est dotée, ou non, d’instances représentatives du personnel).
La présence de cette tierce personne au côté du salarié, outre qu’elle peut être de nature à le rassurer, présente également l’intérêt que l’assistant établisse un compte rendu d’entretien préalable dans lequel il consigne la teneur des propos qu’il a entendus, de part et d’autre.
Si la plupart du temps, l’entretien préalable se résume à un jeu de dupes, où le salarié devra entendre les reproches qui lui sont faits, alors que l’employeur a déjà pris sa décision… (et parfois déjà rédigé sa lettre de licenciement), une récente affaire vient utilement rappeler que la méconnaissance des dispositions légales et la précipitation de l’employeur peuvent conduire à invalider le licenciement.
Une salariée avait été convoquée à un entretien préalable, au cours duquel elle s’était présentée assistée d’un conseiller extérieur.
Sitôt l’entretien commencé, l’employeur avait annoncé qu’il avait pris la décision de la licencier et qu’il ne reviendrait pas dessus, ce qu’avait scrupuleusement noté le conseiller de la salariée.
L’intéressée avait ensuite été licenciée pour insuffisance professionnelle [2].
Elle contestait son licenciement et soutenait devant le Juge prud’homal, d’une part, avoir fait l’objet d’un licenciement verbal illicite, et subsidiairement, que les griefs énoncés par l’employeur étaient injustifiés.
La Cour d’appel avait écarté rapidement le licenciement verbal, considérant que « pour regrettables que soient ces propos, la décision de licenciement prise avant la tenue de l’entretien préalable et annoncée en préambule n’a pas pour effet de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse et ne constitue qu’une irrégularité de procédure », et avait jugé par ailleurs que les motifs de licenciement étaient fondés, de sorte que la salariée était déboutée de ses demandes.
La Chambre sociale de la Cour de cassation ne partage cependant cette analyse et juge au contraire, que l’employeur avait, avant l’entretien préalable, manifesté la volonté irrévocable de rompre le contrat de travail, ce dont les Juges du fond auraient dû déduire l’existence d’un licenciement verbal dépourvu de cause réelle et sérieuse' (Cass. Soc. 12 déc. 2018 n° 16-27537 [3]).
Utile rappel à l’adresse de l’employeur, dont l’intransigeance un peu trop vite affichée lui aura été fatale.