Loi du 27 septembre 2013 sur la psychiatrie (fr)
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Compte-rendu de la réunion du 19 novembre 2013 de la Commission Famille du barreau de Paris, réalisé par Anne-Lise Lonné-Clément, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo — édition privée
Commission ouverte : Famille
Responsable : Hélène Poivey-Leclercq, avocat au barreau de Paris
Sous-commission Majeurs vulnérables
Responsable : Florence Fresnel, avocat au barreau de Paris
Intervenants : Etienne Lesage, avocat au barreau de Paris, Claude Finkelstein, Présidente de la Fédération nationale des associations de patients et ex-patients en psychiatrie, David Causse Coordonnateur du Pôle Santé-Social de la FEHAP (Fédération des Etablissements Hospitaliers et d'Aide à la Personne, Denys Robiliard, député et rapporteur de la loi du 27 septembre 2013
Génèse de la loi du 27 septembre 2013
La loi du 27 septembre 2013 est une loi extrêmement importante en ce qu'elle renforce les droits et garanties accordés aux personnes en soins psychiatriques sans consentement, droits antérieurement définis par la loi n˚ 2011-803 du 5 juillet 2011 (N° Lexbase : L6927IQM), qui avait notamment institué un magistrat, le juge de la liberté et de la détention (JLD), statuant en matière civile, chargé de contrôler et autoriser les hospitalisations sans consentement. Ce magistrat, institué dans le cadre pénal, reste un juge civil ; il a vu ses possibilités d'intervention assez largement étendues par la loi du 27 septembre 2013.
En ce qui concerne ce texte, il est rappelé que le législateur est sous contrainte du Conseil constitutionnel qui lui-même est indirectement sous contrainte de la Cour européenne des droits de l'Homme. Il convient également de rappeler le contexte de la loi du 5 juillet 2011, et notamment le fait que ce texte a une triple filiation :
- une filiation sécuritaire (cf. discours sécuritaire de Nicolas Sarkozy à l'hôpital d'Antony le 2 décembre 2008, stigmatisant les psychiatres et les malades mentaux). A cet égard, il faut souligner que le lien direct entre la criminalité et la maladie mentale est très discuté, ainsi que le met notamment en évidence le rapport de la Haute autorité de santé ;
- une problématique de santé publique. Il s'agit de s'assurer du suivi des soins quand un patient quitte l'hôpital ; c'est ce qui a conduit à la notion de "programme de soins", qui impose des soins sous contrainte, y compris ambulatoires ; cela constitue une véritable avancée, sachant que l'internement constituait, depuis la loi de 1838, la seule mesure de soins sous contrainte ;
- la décision du Conseil constitutionnel du 26 novembre 2010 (Cons. const., décision n˚ 2010-71 QPC du 26 novembre 2010 N° Lexbase : A3871GLX), ayant annulé les dispositions de l'article L. 337 du Code de la santé publique, après avoir retenu que toute hospitalisation sous contrainte doit impérativement faire l'objet d'un contrôle judiciaire dans les 15 jours de l'hospitalisation.
C'est dans ces conditions que la loi du 5 juillet 2011 a été adoptée, et rendue applicable au 1er août 2011. Il faut saluer la mobilisation des juridictions, médecins et avocats pour la mise en application de cette loi à une vitesse déconcertante.
Puis le Conseil constitutionnel, par une décision du 20 avril 2012 (Cons. const., décision n˚ 2012-235 QPC du 20 avril 2012 N° Lexbase : A1145IKM), a annulé certaines dispositions de la loi du 5 juillet 2011, en particulier le régime de l'UMD et celui des irresponsables pénaux, dès lors que ces dispositifs ne sont pas assortis des garanties légales nécessaires. Le Conseil constitutionnel a, cependant, choisi de différer l'effet de sa décision au 1er octobre 2013, afin de laisser un délai nécessaire au nouveau législateur de 2013. A noter également la lecture faite par le Conseil constitutionnel de la loi du 5 juillet 2011 concernant le "programme de soins" rendu obligatoire pour le patient ; le Conseil, indique très clairement qu'il ne peut en aucun cas être appliqué de manière coercitive, dès lors qu'il ne peut être recouru à la contrainte que dans le cas d'une hospitalisation complète.
C'est dans ce contexte que le législateur a été amené à rédiger un nouveau texte, devant intégrer les trois problématiques suivantes. Tout d'abord, le législateur s'est conformé à la lecture du Conseil constitutionnel en prévoyant que les programmes de soins ne peuvent pas être susceptibles d'exécution forcée.
S'agissant, ensuite de la question de l'absence de garanties légales des UMD et des irresponsables pénaux, l'option choisie par le législateur a été celle de supprimer le statut légal des UMD (pour rappel, jusqu'en 2011, ce statut légal n'existait pas, il était simplement réglementaire). Ce choix procède de l'analyse selon laquelle l'UMD est un dispositif thérapeutique de soins intensifs. Concernant les irresponsables pénaux, il faut savoir que la déclaration d'irresponsabilité pénale peut résulter d'un simple classement sans suite, dès lors que le procureur de la République estime que les conditions de l'article 122-1 du Code pénal sont réunies (N° Lexbase : L2244AM3). Il s'agit donc d'une mesure à caractère administratif, sans intervention judiciaire. La loi ancienne ne faisait pas de distinction selon la gravité de l'infraction ; le statut de l'irresponsabilité pénale pouvait être appliqué quelle que soit l'infraction commise. C'est ainsi que la loi du 27 septembre 2013 a prévu de restreindre ce statut dérogatoire aux cas les plus graves, en fonction de la peine encourue (peine de 10 ans, en cas d'atteinte aux biens ; peine de 5 ans, en cas d'atteinte aux personnes). Le législateur a donc décidé de maintenir un statut spécial, non pas pour les patients, mais pour la société. Souhait de préserver le dispositif juridique existant, en l'assortissant des garanties exigées par le Conseil constitutionnel ; l'objectif de cette mesure est d'assurer la société que toutes les précautions ont été prises lors de la levée d'une mesure d'hospitalisation sous contrainte ;
Enfin, concernant les sorties d'essai, le dispositif prévu par la loi du 5 juillet 2011 pour organiser une sortie d'essai était trop dissuasif (levée du placement, puis réinitialiser le placement lors de la réintégration), et était donc très peu pratiqué. Le dispositif a donc été remanié afin de les rendre plus effectives.
S'agissant des mesures relatives au contrôle juridictionnel, pour rappel, dans sa décision du 26 novembre 2010, le Conseil constitutionnel avait posé l'exigence d'un contrôle judiciaire pour toute hospitalisation sous contrainte dans un délai maximum de 15 jours. Le législateur de 2011 avait donc retenu un délai de 15 jours ; après consultation des différents acteurs, et notamment des psychiatres, le législateur de 2013 a estimé qu'un délai plus court pouvait être appliqué, qui a été retenu à 12 jours.
Pour ce qui est du lieu, la quasi-totalité des acteurs s'est accordée sur le fait qu'il en va très clairement de l'intérêt du patient que l'audience se déroule à l'hôpital, et que cet intérêt l'emporte sur celui de la justice. La loi pose néanmoins un certain nombre de conditions, s'agissant de l'aménagement matériel d'une salle destinée à tenir lieu d'audience. Par ailleurs, la suppression de la visio-conférence répond à un principe essentiel en matière psychiatrique, selon lequel le soin procède de la relation humaine.
Pour ce qui est de rendre obligatoire la présence de l'avocat, elle était à l'évidence indispensable.
Avancées de la loi du 27 septembre 2013
La loi du 5 juillet 2011 constituait une véritable avancée pour les personnes internées, souffrantes en psychiatrie, et qui risquent un internement dans leur vie , dans la mesure où elle prévoyait enfin l'intervention d'un juge. Cette loi devait néanmoins faire l'objet d'améliorations ; tel était l'objet de la loi du 27 septembre 2013. Selon elle, les grandes améliorations issues de ce texte concernent effectivement :
— la suppression de la visio-conférence ; ce procédé était à l'opposé de ce qui doit être pratiqué en psychiatrie, dans la mesure où le contact humain est absolument indispensable pour les personnes souffrant de troubles psychiatriques ;
— le déplacement du juge à l'hôpital ; si l'intervention du juge est indispensable dès lors qu'il y a privation de liberté, le fait de se rendre au tribunal signifiait pour l'intéressé, qu'il avait fait quelque chose de mal, ce qui n'était pas satisfaisant ; le déplacement à l'hôpital par le juge lui-même constitue donc une amélioration primordiale ;
— le rétablissement des sorties d'essai ; cette mesure est très importante également en ce qu'elle rend le dispositif moins répressif et plus humanitaire que la loi du 5 juillet 2011.
S'agissant du ministère de l'avocat, on peut rester sceptique sur les conditions d'intervention de l'avocat dans un tel contexte. L'avocat peut-il intervenir sur le fond, sur la forme, ou sur le fond et la forme ? A l'évidence, l'avocat tient toute sa place au regard des conditions de forme de l'internement ; en revanche, sur le fond, cela reste difficile, sauf à disposer d'une véritable formation en psychiatrie. Par ailleurs, il faut savoir que la majorité des personnes internées d'office relèvent des minima sociaux et disposent donc d'un avocat commis d'office ; or, les conditions de rémunération de ce dernier sont incompatibles avec le temps qui doit être consacré à un client interné (84 euros par dossier, et 320 euros pour la permanence à Paris). Malgré tout, le rôle de l'avocat est indispensable dès lors qu'il y a privation de liberté, à condition qu'il puisse disposer des moyens financiers et d'une véritable formation afin de comprendre leurs clients. Néanmoins, il faut préciser que tous les avocats commis d'office dans ce domaine, ont obligatoirement suivi une formation en psychiatrie.
Par ailleurs, la psychiatrie tient un lien direct avec le concept du service public. En effet, les enjeux de l'internement sans consentement sont ceux de liberté publique, de santé publique, et de sécurité publique.
Le juge, l'avocat ou encore l'établissement de santé ne doivent pas être regardés comme un ennemi, le véritable ennemi étant la maladie.
Récapitulatif des douze mesures clés de la loi du 27 septembre 2013
Dispositions d'application immédiate
1. Les unités pour malades difficiles (UMD). Ces unités ne sont pas présentes dans tous les établissements de santé psychiatriques ce qui soulève donc de facto la question du déplacement d'un patient.
2. La modification du nombre et de la périodicité des avis et certificats médicaux. La disponibilité requise pour répondre à la mission expertale pose problème, alors que les équipes médicales se trouvent déjà en nombre très limité ; le déplacement de l'expertise médicale vers la fonction expertale constitue nécessairement une atteinte à la fonction clinique ; le nouvel équilibre issu de la loi du 27 septembre 2013 est nettement plus satisfaisant.
3. Le régime des sorties. Il s'agit d'une mesure emblématique de la loi du 27 septembre 2013, qui s'inscrit dans une politique moins répressive et plus humaniste que celle du 5 juillet 2011. Cette mesure répond à une très forte attente des usagers et professionnels.
4. La procédure du règlement des désaccords potentiels entre le représentant de l'Etat, et le psychiatre. A cet égard, il est important de rappeler que l'établissement de santé constitue un lieu de soin, et non un lieu de rétention administrative.
5. Le "programme de soins" des personnes prises en charge. La programmation d'un parcours de soins sous une forme ambulatoire, autrement dit sans hospitalisation complète, constituait un élément clé de la loi du 5 juillet 2011, qui a fait l'objet d'un certain nombre de modifications par la loi du 27 septembre 2013.
6. Les modalités de réintégration en hospitalisation complète d'un patient en programme de soins. L'idéal est que le patient adhère à un programme de soins, mais parfois l'hospitalisation complète s'avère nécessaire.
7. Le droit de visite des établissements de santé mentale par les parlementaires.
Dispositions applicables à compter du 1er septembre 2014
8. Les délais de saisine et de contrôle du JLD. Le délai, initialement prévu par la loi de 2011 à 15 jours, a été ramené à 12 jours.
9. La tenue de l'audience en établissement de santé. Si cette mesure reste discutée par la communauté judiciaire, elle constitue pour la communauté soignante, une avancée primordiale pour les malades.
10. Le ministère d'avocat rendu obligatoire.
11. La suppression de la visio-conférence.
12. La dématérialisation des registres.
Voir aussi
- Trouver la notion hospitalisation consentement psychiatrie dans l'internet juridique français
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