Nouvelle loi sur l’égalité professionnelle entre hommes et femmes : applicable en particulier aux instances dirigeantes des entreprises et aux cadres dirigeants

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.
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Franc Muller, avocat au barreau de Paris
Janvier 2022



Une lente évolution, qui s’est faite par la Loi

Le monde professionnel s’est longtemps montré rétif à accorder aux femmes une place égale à celle des hommes, et cette inégalité, qui s’illustre avec force en matière salariale (d’après l’INSEE [1], en 2017 [2], les femmes salariées du secteur privé gagnaient en moyenne 16,8 % de moins que les hommes en équivalent temps plein) semble s’être renforcée avec la crise sanitaire [3].


Les évolutions pour parvenir à un changement réel se font à pas comptés et uniquement à travers une incitation législative.


On citera notamment la loi n° 2001-397 du 9 mai 2001 imposant une obligation de négociation triennale sur l’égalité professionnelle, qui obligeait les organisations syndicales à promouvoir la parité aux élections professionnelles et à celles des conseils de prud’hommes, la loi Rebsamen, n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi (modifiée en 2017), instituant une exigence de parité dans les listes électorales présentées en vue des élections au CSE, ainsi que la loi n° 2006-340 du 23 mars 2006 relative à l’égalité salariale [4] entre les hommes et les femmes, prohibant toute discrimination salariale entre hommes et femmes et instaurant une obligation de négociation collective afin de supprimer les écarts de rémunération existant entre les hommes et les femmes.


Une proportion de 30, puis 40 %, dans les instances dirigeantes des entreprises et parmi les cadres dirigeants

Cette impulsion s’est poursuivie aussi au niveau de la direction des entreprises, la loi n° 2011-103 du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle fixant à un nombre somme toute limité de sociétés (celles dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé et celles qui emploient plus de cinq cents salariés et présentent un chiffre d’affaires ou un total de bilan de plus de cinquante millions d’euros) une ambition visant à parvenir graduellement à un objectif minimal de 40 % d’administrateurs ou de membres du conseil de surveillance de chaque sexe.


C’est ce sillon que continue de creuser la nouvelle loi du 24 décembre 2021 [5], votée la veille de Noël (loi n° 2021-1774 visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle).Elle prévoit dans les entreprises qui, pour le troisième exercice consécutif, emploient au moins 1000 salariés, l’obligation pour l’employeur d’atteindre parmi les cadres dirigeants et les membres des instances dirigeantes (définies comme toute instance mise en place au sein de la société aux fins d’assister régulièrement les organes chargés de la direction générale dans l’exercice de leurs missions) une proportion de personnes de chaque sexe qui ne peut être inférieure à 30 % à compter du 1er mars 2026, puis de 40 %, à compter du 1er mars 2029 (article L 1142-11 du Code du travail [6]).


L’employeur doit publier chaque année les écarts éventuels de représentation entre les femmes et les hommes de ces deux catégories, les écarts de représentation seront en outre publiés en synthèse sur le site internet du ministère du travail.


Pour les entreprises qui n’auront pas respecté cette exigence, au bout d’un an, l’employeur devra publier des objectifs de progression et les mesures de correction retenues, selon des modalités qui seront définies par décret.


La base de données économiques, sociales et environnementales (BDESE) doit par ailleurs comporter dorénavant les écarts de rémunération et de répartition entre les femmes et les hommes parmi les cadres dirigeants et les membres des instances dirigeantes (article L2312-18 du code du travail [7]).


Application d’une pénalité aux entreprises récalcitrantes… en 2029

Si les résultats obtenus sont toujours en deçà du taux fixé par la loi, l’employeur pourra se voir appliquer une pénalité financière, fixée au maximum à 1 % des rémunérations et gains versés aux salariés ou assimilés au cours de l’année civile précédant l’expiration du délai.


Ce n’est probablement qu’à ce prix que l’obligation sera respectée, mais les employeurs ont le temps de s’y préparer… car cette pénalité ne s’appliquera qu’à compter du 1er mars 2029.