Obligation de résultat : un peu de clarté !

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.
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Par Louis Thibierge
Agrégé des Facultés de Droit
Professeur à l’Université d’Aix-Marseille
Membre du Centre de Droit Économique
Directeur du Master 2 Recherche Droit Économique
Directeur du DESU Economic Law
Avocat au Barreau de Paris
16 septembre 2022


11 mai 2022 Cour de cassation Pourvoi n° 20-19.732 [1]

La distinction posée par Demogue entre obligations de moyens et de résultat, quoi qu’ignorée du Code civil, marque les esprits. Donnant lieu à des raffinements parfois sibyllins (obligation de résultat atténuée ou de moyens renforcée), cette dichotomie ne se caractérise pas toujours par sa parfaite limpidité.

Au cas d’espèce, l'acquéreur d'un véhicule d’occasion se plaint de défauts et le confie à plusieurs reprises à un garagiste, qui ne parvient pas à résoudre la panne. Ayant transigé avec le vendeur, il assigne le garagiste, qu'il estime tenu de doit rembourser les dépenses inutilement engagées pour remédier aux défauts.

La cour d’appel le déboute au motif que les défauts n’étaient pas imputables au garagiste mais au vendeur (défaut d'entretien). La seule défaillance du garagiste tenait dans le fait qu’il n’a pas su déceler le vice pour fournir les solutions adéquates.

L’arrêt est censuré par la Cour de cassation, la cour d’appel s’étant prononcée « par des motifs impropres à écarter la présomption de faute pesant sur le garagiste et celle du lien causal ».

Peu de surprise ici : la défaillance du garagiste dans l’identification de la panne constitue bien un manquement contractuels. Cette faute a contribué au préjudice subi par l’acquéreur, tenant dans le paiement de factures inutiles.

Là où l’arrêt innove, c’est sur la terminologie employée. Il a tout d’abord été mis à la charge du garagiste une obligation de résultat (Cass. civ. 1 2 février 1994, n° 91-18764 [2]). Puis jugé que cette obligation de résultat emporte à la fois présomption de faute et présomption de causalité entre la faute et le dommage (Cass. civ. 1, 21 octobre 1997, pourvoi n° 95-16717 [3]).

Cependant, et de manière contradictoire, il a été admis que la responsabilité du garagiste pouvait être écartée, même si le résultat n'a pas été atteint, en prouvant qu'il n'a pas commis de faute (Cass. civ. 1, 2 février 1994, précité ; 17 février 2016, n° 15-14.012 [4]).

La qualification d’obligation de résultats était donc fausse. On ne peut dans le même temps astreindre le garagiste à une obligation de résultat et admettre qu’il s’exonère par la preuve de son absence de faute.

D’où la « clarification » qu’opère la Cour, qui consiste en un abandon de la notion d’obligation de résultat.

Désormais, enseigne la Cour, « si la responsabilité du garagiste au titre des prestations qui lui sont confiées n'est engagée qu'en cas de faute, dès lors que des désordres surviennent ou persistent après son intervention, l'existence d'une faute et celle d'un lien causal entre la faute et ces désordres sont présumées ».

En résumé, exit l’obligation de résultat. La responsabilité du garagiste est une responsabilité pour faute…mais cette faute est présumée si les désordres surviennent ou persistent après la réparation. Le Roi est mort ! Vive le Roi !