Oublier d’inscrire un changement d’adresse sur ses brevets : une erreur potentiellement coûteuse !(fr)

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 Auteure : Rose-Marie Ehanno et Paul Rolland, Consultants Juristes, Novagraaf, France [1] 

Date : le 15 Janvier 2021

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Bien des évènements peuvent affecter la vie d’un brevet. Lorsque ces évènements attraient directement au brevet, tels la conclusion d’une licence ou d’un nantissement, ou à un transfert de propriété, comme une cession, une succession, ou une fusion, il est rare que leur titulaire oublie d’inscrire ces changements. Mais lorsqu’une société change de nom ou d’adresse, l’oubli n’est pas rare, ce qui est loin d’être sans conséquence.

On appelle « inscription » le fait de rendre opposable aux tiers et aux offices nationaux des brevets, par une inscription dans les registres de brevet, tels que le Registre National des Brevets (RNB) en France, un changement affectant le déposant ou le titulaire d’un brevet ou les droits d’autrui sur le brevet, dans le cadre d’une licence ou d’un nantissement. Il s’agit d’un acte de publicité, qui, s’il n’est pas réalisé correctement et à temps peut affecter les droits de ces différents intervenants sur le brevet.

L’importance capitale de la publicité d’une nouvelle adresse

Au cours d’une action en justice en France, l’oubli de l’inscription d’un changement d’adresse n’est pas sans conséquence, essentiellement en ce qu’il mène à une perte de temps (et donc d’argent) considérable. Cet oubli peut mener à des problèmes de service par les huissiers et de saisine de tribunal compétent. La partie adverse ne se privera pas de soulever ce point, nécessitant notamment l’échange de mémoires entre les avocats, l’engagement de frais supplémentaires, et la perte d’un temps précieux.

Lorsqu’un Conseil en Propriété Industrielle (CPI) n’est pas mandaté pour s’occuper d’une demande de brevet, il est important d’informer les offices de brevet de tout changement, pour que chaque correspondance se fasse à la bonne personne, et à la bonne adresse. L’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI) adresse ses courriers relatifs aux demandes de brevets à la dernière adresse enregistrée au RNB. Et à défaut de réponse, il n’a pas à rechercher si cela est dû à un changement d’adresse. Dans ce cas, le brevet ou la demande de brevet est simplement réputée abandonnée. Un problème qui, naturellement, ne se pose pas si vous faites appel à un CPI.

De même, si vous vous occupez vous-même du paiement de vos annuités, une fois votre brevet délivré, les déchéances dues à un changement d’adresse non déclaré ne sont pas rares. Ce fut le cas dans un arrêt de la Cour d’Appel de Paris[1], le titulaire d’un brevet, ayant oublié d’inscrire son changement d’adresse, n’a pas reçu les notifications de paiement et d’impayé de ses taxes de maintien annuelles. Ne les ayant pas payés, il a vu son titre déchu. D’autres arrêts présentent des cas similaires[2].

Un défaut de changement d’adresse peut également impacter la transmission d’un brevet. Dans le cas d’une vente, pour que l’acquéreur inscrive le changement de titulaire, il faut que l’adresse du vendeur soit à jour sur le registre national en question. Sinon, il est nécessaire dans un certain nombre de pays, comme la République de Corée et la Grèce, de procéder à l’inscription du changement d’adresse avant de pouvoir inscrire la transmission. Ce qui engendre des coûts imprévus, et une perte de temps considérable.

Ne pas effectuer l’inscription d’un changement d’adresse dans certains pays peut donc avoir de graves conséquences, pouvant conduire à l’inopposabilité de votre titre, voir même, à la perte de vos droits.


L’inscription d’une nouvelle adresse, un acte simple… ou pas !

Afin d’inscrire votre nouvelle adresse sur vos brevets et demandes de brevet, il est nécessaire de commencer par en demander l’inscription auprès de l’office national des brevets concerné. En France, c’est l’INPI qui doit être prévenue. Attention, faire changer son adresse sur le Registre National du Commerce et des Sociétés (RNCS) n’est pas une démarche suffisante afin de procéder à l’inscription. Ce registre est certes tenu par l’INPI, mais il est distinct du RNB, propre aux brevets, et le rapprochement des deux registres n’est pas automatique. Il est nécessaire de procéder à des démarches spécifiques pour chacun des registres.

Il est ensuite nécessaire de procéder à cette inscription auprès du registre des brevets de chacun des pays où la demande de brevet ou le brevet a été étendu. Un extrait du registre des commerces attestant de ce changement est généralement requis par tous les offices nationaux. Il doit selon le pays, être scanné, notarié ou certifié, apostillé ou légalisé. Des documents supplémentaires peuvent parfois être requis dans certains pays. N’hésitez pas à demander de l’aide à un CPI, qui saura vous faciliter la tâche en déterminant les démarches à accomplir.

Attention aux délais encadrant les inscriptions de brevet

Avant d’inscrire un changement de nom ou d’adresse, comme tout autre changement, il faut porter une attention toute particulière aux demandes PCT et aux demandes et brevets EP. En effet, en respectant certains délais, il est possible de centraliser l’inscription au niveau de l’OMPI ou de l’OEB, et donc d’éviter de démultiplier les coûts dans des démarches nationales.

Au niveau de l’OMPI, les demandes PCT ayant vocation à être étendues dans de nombreux pays, il convient de réaliser l’inscription dès que possible avant les entrées en phases nationales, c’est-à-dire avant que les demandes de brevet basées sur la demande PCT ne soient transmises aux offices des brevets nationaux. Une inscription à ce stade, sera alors reconnue dans tous les pays où sera étendue la demande. Au contraire, lorsque la demande est entrée en phase nationale, il est nécessaire de procéder aux inscriptions de manière individuelle auprès de chacun des offices nationaux.

Les brevets EP sont eux aussi soumis à certaines spécificités[3]. Il est possible de procéder à l’inscription auprès de l’Office Européen des Brevets (OEB) pour une demande de brevet EP, mais également pour un brevet délivré. La possibilité sur un brevet délivré est enfermée dans un délai correspondant à la période d’opposition, c’est-à-dire dans les neuf mois suivant la délivrance du brevet, ou en cas d’opposition, durant toute la procédure d’opposition. Une telle inscription sera alors reconnue dans un grand nombre d’Etats membres de l’OEB. Dans certains pays cette inscription est transmise automatiquement aux offices nationaux, c’est le cas en France et en Espagne. Dans d’autres pays il sera tout de même demandé de transmettre le formulaire fourni par l’OEB attestant de la prise en compte de l’inscription, comme en Allemagne. Le paiement d’une taxe officielle supplémentaire peut également être demandé, c’est par exemple le cas du Royaume-Uni et des Pays-Bas. D’autres pays, enfin, refusent de reconnaître cette inscription européenne, et exigeront une inscription complète, c’est le cas de l’Irlande, mais ces pays restent des exceptions.


Références

  1. CA Paris, 23 févr. 2014, n° 13/23483
  2. A titre d’exemple, CA Lyon, 3 sept. 2009, n° 09/00625 ; CA Toulouse, 17 nov. 2005
  3. Règle 85 de la Convention sur le brevet européen