[Point de vue] Droit douanier : coup d’arrêt sur la chasse aux accises en matière de contributions indirectes
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Jean Pannier, avocat au barreau de Paris
Docteur en droit
Ancien membre du Conseil de l’Ordre
Mai 2023
Dans sa frénésie consistant à recouvrer les accises [1] sur la circulation des alcools à travers l’Europe au préjudice des pays à forte fiscalité, la Direction Nationale des Enquêtes et du Renseignement douanier (DNRED) vient de subir un échec cuisant devant la Juridiction Inter-régionale Spécialisée (JIRS) de Lille qui, par jugement du 2 mars 2023, a rejeté sa demande portant sur plus de 70 millions d’euros de pénalités.
La décision de la plus haute juridiction correctionnelle de premier degré du Nord de la France couvrant 10 départements est d’autant plus remarquable qu’elle est rendue dans une affaire de fraude caractérisée aux accises concernant une vingtaine de prévenus lourdement condamnés pour escroquerie au jugement, association de malfaiteurs, blanchiment aggravé, infractions au CGI etc.
« Sur les demandes de l’administration des douanes sur les pénalités douanières : Le Tribunal relève qu’au terme des escroqueries commises, aucune taxe ou contribution n’a été éludée en France, l’intégralité du préjudice douanier pesant sur les autorités britanniques, et sur les Etats sur le sol desquels les boissons ont été écoulées et consommées sans acquittement ni de la TVA ni des droits d’accises. A ce titre, et au vu notamment de la jurisprudence de la Chambre criminelle de la Cour de Cassation [2], le Tribunal relève que bien que l’infraction fiscale soit constituée, l’administration douanière française ne peut demander une pénalité proportionnelle à des droits qu’elle n’aurait pas perçus même en l’absence de fraude. Dès lors, le Tribunal déboute l’administration des douanes de sa demande tendant au paiement de la pénalité proportionnelle prévue à l’article 1791 du Code général des impôts ».
Les péripéties d’un texte dénaturé à plaisir : l’article 10-4 de la directive 2008/118
L’interprétation de la Juridiction Inter-régionale Spécialisée (JIRS) de la directive, fort différente de celle de la douane, est plus proche de celle de Bruxelles rappelée par le Chef de l’Unité des droits d’accises dans un mail adressé à la défense :
« lorsque les marchandises sont expédiées fictivement et ne sont pas arrivés à leur destination et qu’aucune irrégularité n’a été constatée, les marchandises devraient être taxables dans l’Etat membre d’expédition, sauf s’il est apporté la preuve du lieu de la réelle destination des marchandises ».
L’Union invite la Justice à reprendre la main.
C’est tout le problème énoncé sans nuance par le Tribunal correctionnel « aucune taxe ou contribution n’a été éludée en France » précisant que les vraies victimes sont les budgets des pays où les alcools ont été consommés qui n’ont perçu ni TVA ni accises.
Il s’agit assurément d’une première dans la pratique des tribunaux correctionnels qui accordent encore et toujours trop facilement ce que la douane leur demande au préjudice des pays victimes qui sont tout simplement ignorés grâce à un tour de passe-passe de la douane appuyée souvent par le ministère public sur l’interprétation de la directive.
La JIRS ouvre grand une fenêtre sur le lien qui existe entre les pays pour déterminer qui doit recouvrer les accises peu important la complexité des circuits de fraude qui permettent, par exemple à un camion de bière ou de vin, de circuler fictivement dans un ou plusieurs pays sans avoir quitté la Grande Bretagne où la marchandise sera finalement consommée sans payer les taxes. C’est la technique des Ghost Lorries ou camions fantômes.
Jusqu’à présent, ce lien était ignoré au motif, toujours selon la douane, que la directive autorise un autre schéma pour justifier qu’elle peut rafler la mise en cas de fraude en faisant un pied de nez au pays de consommation. L’administration s’accroche ainsi désespérément à l’article 10-4 de la directive 2008/118 CEE qui, selon elle, l’autorise à recouvrer les accises sur l’entrepositaire agréé expéditeur quand les camions ne sont pas parvenus à destination, situation scabreuse qui pose le problème de la fiabilité des informations transmises à la douane française par leurs collègues des pays destinataires. On peut s’attendre à tout dans ces échanges d’informations totalement incontrôlables.
La pratique montre en effet que cette fiabilité est très aléatoire et oblige parfois les opérateurs menacés par une taxation contestable à vérifier eux-mêmes - donc à leurs frais s’ils en ont les moyens - les affirmations péremptoires des enquêteurs. De fait il y a souvent des surprises car la douane est surtout pressée de recouvrer les accises et se garde bien de révéler qu’elles ont déjà été payées dans le pays de destination. Les enquêteurs sont censés faire appel à l’assistance mutuelle internationale pour savoir si les camions sont vraiment arrivés à destination. Là encore il y a beaucoup à dire quand on découvre les critiques des tribunaux britanniques, voire bulgares qui montrent bien que les exigences réglementaires de l’Union sont trop théoriques (2) et ne protègent pas efficacement les opérateurs qui s’entendent reprocher des infractions qui sont le fruit de la technique bien rôdée des services d’enquêtes pour obtenir des transactions. C’est choquant mais habituel.
C’est, une fois de plus le constat inquiétant qui montre que ces services ont la bride sur le cou et que seul un encadrement sévère permettra d’éviter les tentations. C’est encore plus inquiétant lorsque les services d’enquêtes sont dirigés par un fonctionnaire en fin de carrière qui ne connait rien aux réalités de l’enquête. Il est affligeant de constater le laxisme de la hiérarchie qui est entièrement responsable des conséquences inévitables de ce genre d’erreur pour les justiciables.
L’article 10-4 de la directive vise en réalité les situations où il est impossible de localiser la destination des marchandises, principalement à cause de la sophistication de la fraude, sans pour autant priver le pays destinataire de son droit de recouvrer les accises lorsqu’il est suffisamment identifié ce qui est le cas de la Grande Bretagne puisque les taux d’accises y sont plus élevés qu’ailleurs et depuis toujours.
L’article 10-4 ne doit pas non plus être interprété comme permettant au pays expéditeur de recouvrer les accises alors qu’aucune marchandise n’a été mise à la consommation sur son territoire. La douane française s’offre ici un coup de projecteur sur son manque de coopération avec les vrais pays destinataires qu’elle connait parfaitement.
Sa détermination à interpréter l’article 10 dans le seul but de récupérer les accises dans toutes les situations saute aux yeux quand on constate qu’elle oublie volontairement les deux derniers paragraphes importants du même article :
« 5. Toutefois, dans les situations visées aux paragraphes 2 et 4, si, avant l’expiration d’une période de trois ans à compter de la date à laquelle le mouvement a débuté, conformément à l’article 20, paragraphe 1, l’État membre dans lequel l’irrégularité a réellement été commise vient à être déterminé, les dispositions du paragraphe 1 s’appliquent. Dans ces situations, les autorités compétentes de l’État membre où l’irrégularité a été commise informent les autorités compétentes de l’État membre dans lequel les droits d’accise ont été prélevés, qui les remboursent ou les remettent dès que la preuve du prélèvement des droits d’accise dans l’autre État membre a été fournie. 6. Aux fins du présent article, on entend par « irrégularité » une situation se produisant au cours d’un mouvement de produits soumis à accise sous un régime de suspension de droits, autre que celle visée à l’article 7, paragraphe 4, en raison de laquelle ce mouvement ou une partie de ce mouvement de produits soumis à accise n’a pas pris fin conformément à l’article 20, paragraphe 2 ».
Bien évidemment la douane française ne communique pas ses informations notamment à ses collègues britanniques qui s’en plaignent comme on le découvre dans les décisions judiciaires (Aff : Logfret c/ HMRC) La France est le plus mauvais élève de la classe européenne.
La JIRS, se basant sur les innombrables éléments d’appréciation figurant au dossier (on y trouve même un procès-verbal de la douane judiciaire évaluant à 190 millions d’euros le préjudice britannique) démontrant que les alcools sont réellement passés en Angleterre ou dans des pays à fiscalité plus lourde - donc jamais en France – a décidé logiquement de refuser à la douane les accises et pénalités qui ne peuvent être recouvrées là où les marchandises ne sont pas mises à la consommation. En décider autrement équivaudrait à neutraliser la logique du système énoncé par l’article 7-1 de la directive :
« Les droits d’accise deviennent exigibles au moment de la mise à la consommation et dans l’État membre où celle-ci s’effectue ».
De toute façon la douane ne contestera pas le fait qu’aucune marchandise n’a été mise à la consommation en France puisque le but du jeu, qu’elle connaît parfaitement, est d’expédier la marchandise en Angleterre par tous moyens – la gamme est riche – sans y payer les taxes pour torpiller plus facilement la concurrence… et faire fortune impunément.
On peut s’étonner que les rédacteurs de la directive n’aient pas vu dans leur boule de cristal le flux massif vers l’Angleterre mais l’article 10-4 est cohérent même s’il mériterait une rédaction plus claire offrant moins de tentations aux croupiers que sont devenus les douaniers quand certaines juridictions les laissent triturer le sens d’un texte pour plumer plus facilement la volaille. Avec le coup d’éclat lancé par la JIRS la partie sera très difficile pour la douane.
L’interprétation relève des services contentieux mais la collecte des preuves est un art consommé qui passe aussi par de petits arrangements avec les douaniers des pays de destination qui sont parfois invités à répondre à leurs collègues français dans le sens demandé de manière non subliminale. Toutes ces acrobaties ne sont jamais contrôlées ou recadrées. Y a-t-il un pilote dans l’avion pour protéger les passagers que sont les contribuables ?
Le second avantage de la clarification du jugement de la JIRS qui n’évoque même pas l’article 10-4 puisqu’elle sait très bien, tout comme la douane, où vont les marchandises, c’est qu’elle rétablit de manière ferme et salutaire le pouvoir souverain d’appréciation du juge du fond traditionnellement malmené en cette matière, y compris par la Chambre criminelle qui préfère s’en tenir aux bonnes vieilles présomptions douanières pour cacher les innombrables petites misères de l’enquête.
Et la lumière fut. Nous l’appelions de nos vœux dans nos dernières publications sur ce site sans d’ailleurs trop y croire tant nous sommes habitués à voir privilégier en justice les intérêts budgétaires. La décision est déjà perçue comme un tremblement de terre mais…
La contre-attaque ne devrait pas se faire attendre
L’administration des douanes a, jusqu’à présent, assez bien tiré son épingle du jeu d’abord en taxant à tour de bras les entrepositaires agréés qui ont fini par disparaître à force d’être ponctionnés. C’était devenu un jeu facile, les services d’enquêtes montaient des dossiers dans lesquels apparaissent des affirmations transformées en preuves notamment sur la non-réception des marchandises par les entrepositaires destinataires.
C’était clairement établi y compris par des aveux, dans les circuits de fraude jugés à Lille, ça l’est beaucoup moins dans de nombreuses enquêtes parce que la douane se contrôle elle-même et que les entrepositaires ne savent pas comment s’y prendre pour vérifier la réalité des affirmations des enquêteurs. Ceux-là payent alors des transactions à répétition jusqu’au jour où ils baissent les bras laissant alors le champ libre à la fraude qui n’est, hélas, pas toujours en délicatesse avec l’administration comme on l’a constaté à Lille. Là encore on s’interroge sur le jeu de la hiérarchie.
Dans les affaires soumises aux juridictions correctionnelles les choses se passent aussi très bien pour la douane puisqu’elle obtient les condamnations financières qu’elle demande, sauf à la Cour d’appel de Douai qui a prononcé une relaxe aussitôt cassée par la Chambre criminelle : « Attendu qu’en matière de contributions indirectes, l’intention de commettre les infractions résulte de la violation des prescriptions légales et réglementaires régissant les activités professionnelles des prévenus ; que le prévenu ne peut combattre cette présomption qu’en établissant sa bonne foi » [3].
On fait mieux comme procès équitable.
Sur renvoi après cassation, la Cour d’appel de Douai autrement composée a suivi la douane et le ministère public dans son arrêt du 7 février 2023 :
« Aucun texte ne prévoit que l’apurement par le destinataire est de nature à couvrir la circulation des marchandises sous couvert d’un titre inapplicable ».
Personne n’a jamais soutenu pareille affirmation qui montre un peu plus le risque de passer à côté de l’essentiel. C’est sur ce terrain mouvant du fait aussi de la rédaction alambiquée de l’article 10-4 que va se livrer la nouvelle bataille jusqu’à la Cour de cassation mais après une nouvelle offensive de la douane devant la Cour de Douai pour tenter de récupérer ses 70 million d’euros évaporés à Lille mais que personne ne paiera bien évidemment jamais.
On peut faire dire beaucoup de choses à l’article 10-4, la douane ne s’en est pas privé se livrant à un travail de moine cistercien pour réécrire la bible. Tous les ingrédients ont été utilisés pour lui faire dire le contraire de l’esprit de la directive qui est pourtant limpide.
Le premier ingrédient est la notion d’irrégularité qui, selon la douane de Dunkerque, ne peut en aucun cas être l’apurement bien qu’il soit déclaré fictif. Ainsi, la même douane de Dunkerque semble frappée d’amnésie, quand ça l’arrange, car elle poursuit habituellement des opérateurs devant le Tribunal correctionnel de Douai, qui la suit, précisément pour des apurements fictifs [4].
Le jugement a été confirmé en appel.
La notion d’irrégularité telle que rédigée dans plusieurs paragraphes de l’article 10 de la directive est devenue la porte ouverte à toutes les interprétations – surtout en France mais pas seulement - notamment pour justifier le recouvrement des accises sur l’entrepositaire expéditeur. Elle n’inspire pourtant pas la même lecture dans d’autres pays où les douanes s’estiment fondées à lancer des enquêtes administratives suivies de poursuites judiciaires et de procédures de recouvrement quand les camions ne sont jamais arrivés à destination mais peuvent être retrouvés ailleurs notamment en Angleterre. Situation compliquée liée à l’inventivité des fraudeurs qui caractérise un constat d’échec de la politique européenne pour cause d’ambiguïté du terme « irrégularité » qui favorise les tentations d’au moins deux douanes alors qu’une troisième est la bonne. On peut même comprendre que la JIRS n’ai pas eu envie d’évoquer l’article 10-4 qui risquait finalement de polluer son raisonnement.
L’article 7 de la directive demeure le pilier du système :
1. Les droits d’accise deviennent exigibles au moment de la mise à la consommation et dans l’État membre où celle-ci s’effectue.
2. Aux fins de la présente directive, on entend par « mise à la consommation » :
a) la sortie, y compris la sortie irrégulière, de produits soumis à accise, d’un régime de suspension de droits ;
b) la détention de produits soumis à accise en dehors d’un régime de suspension de droits pour lesquels le droit d’accise n’a pas été prélevé conformément aux dispositions communautaires et à la législation nationale applicables ».
On voit bien que le conflit entre l’article 7 et l’article 10 - source d’incertitudes et d’interprétations divergentes - n’est qu’apparent quand les éléments d’un dossier correctionnel permettent de s’assurer du lieu de la destination réelle des marchandises véritable objectif de la fraude visant évidemment à éluder les accises jusqu’à cent fois plus élevées qu’en France.
La situation devient franchement comique lorsque la douane se livre à une interprétation jésuitique de l’article 10 - adoptée par le parquet - pour justifier sa demande concernant les pénalités alors que le dossier est truffé des certitudes des enquêteurs, du ministère public et des magistrats instructeurs jusqu’à l’ORTC sur la destination réelle des alcools.
Il n’y a surtout pas le moindre effort de l’administration poursuivante pour affirmer que les marchandises ont été mises à la consommation en France, ce qui montre clairement qu’elle n’y croit pas et surtout qu’elle refuse de comprendre l’esprit de la réglementation communautaire obnubilée qu’elle est par sa volonté de faire le croupier au préjudice du budget de la Couronne ce qui explique pourquoi les enquêteurs français tous services confondus ne jouent pas le jeu de l’assistance mutuelle internationale.
C’est avec un culot insupportable de la part d’une administration publique que les Français répondent aux douaniers britanniques qu’ils ne peuvent leur communiquer aucune information d’un dossier qui les concerne « parce que l’affaire est en justice en France ». Mais ça passe.
Ce sont de tels comportements accumulés qui justifient certaines réactions judiciaires, notamment une QPC du 22 juin 2022 qui a persuadé le Conseil constitutionnel de passer à la trappe le droit de visite de l’article 60 du Code des douanes - pourtant bien utile – dans sa version actuelle (Le droit de visite des douanes retoqué par le Conseil constitutionnel).
Le deuxième ingrédient qu’affectionne particulièrement le service contentieux est la notion de « titre inapplicable » qui, il faut le dire, n’existe dans aucun texte communautaire ou national et n’a en outre aucun sens dès lors que les DAE sont émis puisqu’ils sont traçables sur GAMMA. La situation serait différente si, à la faveur d’une surveillance de la DNRED comme on l’a vu dans l’affaire AOE jugée à Lille, les enquêteurs procédaient à la visite du camion pour constater qu’il est vide ce qu’ils ne font pas en réalité pour laisser grossir la fraude, ou mieux pour constater qu’aucun camion correspondant au DAE émis sur GAMMA ne sort de l’entrepôt.
L’administration devient, une fois de plus, le juge-interprète de tout ce qui l’aide à faire main basse sur les accises. Elle se permet même d’ajouter un terme qui n’existe pas dans le texte de l’article 302 P du CGI qui parle d’apurement et non « d’apurement régulier ». Aujourd’hui le dernier mot à la mode est « apurement » conforme, et ça marche (Les contorsions de l’administration des douanes en matière de contributions indirectes).
Le jugement de la JIRS du 2 mars 2023 va assurément rebattre les cartes et réveiller les consciences assoupies depuis des lustres par la jurisprudence de la Chambre criminelle qui estime que la démonstration de l’élément intentionnel n’est pas nécessaire en matière de contributions indirectes. Jugement d’autant plus courageux qu’il renvoi la DNRED dans ses buts dans une affaire où il n’y a que de la fraude à versions multiples exposées comme un catalogue tout au long de 159 pages.
Le problème va t-il évoluer pour les entrepositaires agréés qui sont déclarés fraudeurs par les services d’enquête mais seulement à la faveur d’interprétations très contestables de la directive 2008/118. Ces professionnels voient encore leur tomber sur la tête des avis préalables de taxation suivis de notifications d’infractions puis d’AMR pour des millions d’euros, offensives éminemment critiquables de nature à compromettre leur existence même s’ils sont invités au final à accepter des transactions tant la défense de leurs droits leur semble illusoire. La défense paye aussi le prix de l’absence de formation au droit douanier.
Les espoirs vers une jurisprudence conforme au droit communautaire
Le jugement de la JIRS de Lille est une sorte de bombe à neutrons qui rétablit la logique communautaire du recouvrement des accises sans toucher à la structure proprement pénale des contributions indirectes et à l’environnement du droit commun qui sont traités ensemble pour la première fois « en grand format » devant le juge répressif. Jusqu’à présent la douane se contentait de demander au juge pénal le paiement des accises et des pénalités.
Cette dichotomie est importante pour sortir du piège de l’amalgame entre les infractions pénales et les conséquences fiscales. On veut espérer que la Cour de cassation y trouvera l’opportunité de se débarrasser de sa recette magique de la présomption ou, pire, de la démonstration de la bonne foi – mission impossible évidemment – qui l’amène à privilégier les intérêts du Trésor au mépris de l’esprit de la directive 2008/118 et donc de la protection des intérêts des pays où a lieu la mise à la consommation. Il est étonnant que notre Haute Cour n’ai pas encore perçu, au moins depuis 1992, les arrière-pensées et autres calculs de la douane.
On retiendra de cette affaire que la douane avait les moyens de casser les gros réseaux de fraude qu’elle connaît dans le plus petit détail compte tenu de ses accointances et autres arrangements. En coopérant tout simplement avec les collègues douaniers étrangers au lieu de les tenir à distance ou de se servir d’eux pour garder la main sur les accises et afficher des résultats spectaculaires comme à Lille. L’objectif des enquêteurs est d’exploiter, le plus longtemps possible, les petites et moyennes fraudes comme ils le font depuis toujours avec les mêmes acteurs qui s’étonnent d’être placés en garde à vue alors qu’ils ont été encouragés à continuer leurs combines moyennant quelques transactions. Le jour où la douane s’aventure à monter une procédure exemplaire, la grande fraude n’a vraiment pas de raison de s’inquiéter.
Références
- ↑ 1 Les droits d’accise sont des impôts indirects sur la vente ou l’utilisation de certains produits, notamment l’alcool, le tabac et l’énergie (Source : site internet de la Commission européenne.
- ↑ 2 Notamment Crim. 16 juin 2021, pourvoi n° 20-80.911 ; Crim. 06 juin 2007, pourvoi n°06-82.348.
- ↑ Cass. crim. 12 septembre 2018.
- ↑ Trib. corr. Douai 18/08/2015 Minute n° 670/2015, Baguley M.