Prélèvement à la source : comment la réforme est-elle mise en place dans les entreprises (fr)

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Auteur : Yves-Charles Zimmermann, avocat
Juin 2017


Par l’adoption de la loi de finance pour 2017, la France modernise sa méthode de recouvrement de l’impôt sur le revenu en instaurant un prélèvement à la source (PAS), reprenant à son compte un système connu dans d’autres pays développés depuis plus de 200 ans.

Outre la neutralisation d’une double charge fiscale pour les contribuables en 2018, la mise en place de ce dispositif doit néanmoins répondre à plusieurs enjeux de garantie de la confidentialité des données fiscales vis-à-vis de l’employeur et de réduction des coûts de gestion du prélèvement supportés par celui-ci.

En effet, la mise en œuvre du PAS concernant les salariés repose sur un partage des responsabilités entre l’administration fiscale, le contribuable, et l’employeur en tant que collecteur. Les employeurs auront à ce titre trois principales obligations :

- Appliquer le taux de PAS communiqué par l’administration fiscale aux revenus qu’ils versent ;
- Déclarer à l’administration fiscale les sommes précomptées ; et
- Reverser à l’administration fiscale en M+1 les sommes précomptées au titre de M (sauf option pour le PAS trimestrielle pour les entreprises de moins de 11 salariés).


Les revenus que l’employeur devra prendre en compte

Toutes les rémunérations liées à un état de subordination sont concernées, comprenant tant la rémunération principale que les revenus accessoires (primes, allocations, gratifications, indemnités de licenciement etc.).

Néanmoins, sont notamment exclus du PAS les revenus de l’actionnariat salarié (stock-options, attributions gratuites d’actions ou encore les BSPCE), dont les modalités de le recouvrement resteront inchangées.


L’employeur devra appliquer le taux déterminé par l’administration fiscale

Ainsi, le logiciel de paie devra intégrer les taux de prélèvement transmis par l’administration fiscale (au plus tard le deuxième mois suivant sa transmission) via le « flux retour » de la déclaration sociale nominative (DSN), qui correspond à l’accusé de réception de la DSN.

En l’absence de taux transmis (cas d’un premier emploi par exemple), l’employeur appliquera la grille de taux par défaut fournie annuellement par l’administration et intégrée automatiquement dans les logiciels de paie.

En cas d’employeurs multiples pour un même salarié, chacun des employeurs se verra communiquer le même taux de prélèvement qui s’appliquera au salaire que chacun verse au salarié.

Les collecteurs devraient recevoir les taux à appliquer sur les rémunérations versées à compter de janvier 2018 au cours des mois d’octobre-novembre 2017.


L’employeur devra déclarer les sommes précomptées à l’administration fiscale

Les échanges entre l’administration fiscale et les collecteurs au titre du PAS seront réalisés via la DSN exclusivement.

Les employeurs devront en principe déposer mensuellement une DSN, qui sera adaptée pour comprendre les informations relatives au montant prélevé par contribuable (deux à trois données supplémentaires par rapport à la version 2017).


L’employeur devra reverser les sommes précomptées à l’administration fiscale

Les employeurs devront collecter le PAS correspondant au taux communiqué par l’administration fiscale appliqué au salaire net imposable. Le salaire net imposable figure déjà sur les bulletins mensuels de paie ou encore la déclaration annuelle des données sociales (DADS U).

Les entreprises de plus de 50 salariés ayant une date limite de dépôt de la DSN au 5 de M+1 devront procéder au reversement du prélèvement le 8 de M+1 (le 18 de M+1 pour les autres, sauf option pour un reversement trimestriel concernant les entreprises de moins de 11 salariés).


Ce que ne fera pas l’employeur

L’administration fiscale reste l’interlocuteur unique du contribuable salarié. Par conséquent, le salarié souhaitant contester le taux appliqué par l’employeur ou encore notifier un changement de situation s’adressera directement à l’administration fiscale.

De même, les régularisations d’impôt N+1 dû au titre de N seront gérées directement entre l’administration et le salarié, à la suite de la déclaration de revenus que ce dernier effectuera.


Les sanctions encourues en cas de défaillance par l’employeur

L’utilisation du taux de prélèvement au sein des entreprises sera protégée par le secret professionnel : toute utilisation inappropriée de ce taux sera pénalement sanctionnée, et la divulgation ou l’utilisation du taux de prélèvement à d’autres fins que l’application de la RAS sera passible de 5 ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende.

En outre, de lourdes sanctions peuvent s’appliquer en cas de manquement par l’employeur à ses obligations déclaratives (hors intérêts de retard de 0,4 % par mois) :

- Absence de dépôt de déclaration dans les délais : 10 % des retenues qui auraient dû être effectuées ou déclarées, porté à 40 % en cas d’absence de dépôt de la déclaration dans les 30 jours suivant une mise en demeure) ;
- Inexactitudes ou omissions : 5 % des retenues omises ou inexactes, porté à 40 % en cas de manquement délibéré (sans pouvoir être inférieur à 500 euros par déclaration) ;
- Retard de paiement : majoration de 5 % ;
- Rétention délibérée : 80 % des retenues effectuées sans avoir été déclarées ou reversées, ainsi qu’une sanction pénale (9 000 euros d’amende et un an d’emprisonnement). L’amende de 80 % et la sanction pénale ne peuvent se cumuler que pour les cas de dissimulation les plus graves.

L’administration fiscale estime néanmoins que ces cas de figure seront très limités, par comparaison avec le fonctionnement des cotisations sociales salariales selon le même schéma.


Enfin, il est à noter que le tiers payeur des revenus est redevable de la RAS précomptée. Dès lors, le contribuable ayant déjà été prélevé ne pourra pas être tenu responsable en cas de défaillance du collecteur.