Prescription action personnelle et action réelle de l’intérêt des catégories juridiques
France > Droit privé > Droit civil > Droit immobilier
Par Louis Thibierge
Agrégé des Facultés de Droit
Professeur à l’Université d’Aix-Marseille
Membre du Centre de Droit Économique
Directeur du Master 2 Recherche Droit Économique
Directeur du DESU Economic Law
Avocat au Barreau de Paris
27 septembre
Un arrêt de la troisième chambre civile rendu hier (Cass. civ. 3e, 6 avril 2022, n° 21-13891 [1]) offre l’occasion de souligner l’importance des catégories juridiques et, plus largement, de la qualification idoine.
Les faits de l’espèce relevaient d’une certaine banalité : le propriétaire d’un immeuble au sein d’un lotissement avait bâti, en violation du cahier des charges du lotissement, un abri à vélos. Un autre coloti agissait, tant en démolition de l’abri litigieux qu’en indemnisation de son préjudice.
La cour d’appel, manquant semble-t-il de nuance, juge que l’action est personnelle en sa globalité, de sorte qu’elle est soumise à prescription quinquennale et, au cas d’espèce, prescrite.
Cassation au double visa des articles 2224 et 2227 C. Civ. : pour la Haute juridiction, il faut distinguer suivant l’objet de l’action.
D’une part, « L'action tendant à obtenir la démolition d'une construction édifiée en violation d'une charge réelle grevant un lot au profit des autres lots en vertu d'une stipulation du cahier des charges d'un lotissement est une action réelle immobilière soumise à la prescription trentenaire ».
En revanche et d’autre part, « L'action en réparation du préjudice personnel que prétend avoir subi le propriétaire d'un lot en raison de la violation des stipulations du cahier des charges est une action personnelle soumise à la prescription quinquennale ».
La qualification ne prête guère à la critique : lorsqu’elle vise à faire respecter le droit de propriété, l’action est réelle. Lorsqu’elle vise à la réparation d’un préjudice personnel au demandeur, elle est personnelle.
Où l’on voit que d’une qualification idoine résultent des conséquences immédiates.
La première action est encore ouverte, la seconde prescrite (voir également, au sujet de la prescription de l’action en exécution forcée d’une promesse de vente, qualifiée d’action personnelle si le transfert de propriété n’a pas encore eu lieu, Cass. 3e civ., 8 juill. 2021, n° 19-26.342 [2]).
La summa divisio réel / personnel, loin de devoir être cantonnée aux sphères éthérées de la doctrine, a de beaux jours devant elle !