Prescription de l'action garantie des vices cachés la troisième chambre s'entête
France > Droit privé > Droit civil > Droit commercial
Par Louis Thibierge
Agrégé des Facultés de Droit
Professeur à l’Université d’Aix-Marseille
Membre du Centre de Droit Économique
Directeur du Master 2 Recherche Droit Économique
Directeur du DESU Economic Law
Avocat au Barreau de Paris
15 septembre
Il y a quelques semaines, nous relevions la résistance de la troisième chambre civile (Cass. civ. 3, 16 février 2022, n° 20-19.047 [1]), sur la prescription de l’action en garantie des vices cachés.
Rappelons les termes du débat. Pour la première chambre civile et la chambre commerciale, l’action en garantie des vices cachés est enfermée dans un double délai : 2 ans à compter de la découverte du vice (Art. 1648 C. Civ.) et 5 ans de la vente (L. 110-4 C. Com.).
En dépit des critiques, la troisième chambre civile persiste et signe.
Concernant les ventes conclues avant la réforme du droit de la prescription (loi du 17 juin 2008), la Cour réaffirme que « sauf à porter une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge, le constructeur dont la responsabilité est ainsi retenue en raison des vices affectant les matériaux qu'il a mis en œuvre pour la réalisation de l'ouvrage, doit pouvoir exercer une action récursoire contre son vendeur sur le fondement de la garantie des vices cachés sans voir son action enfermée dans un délai de prescription courant à compter de la vente initiale ».
Le délai de l’article L. 110-4, que d’aucuns estiment pourtant plus proche d’un délai de forclusion que de prescription, serait « suspendu jusqu’à ce que la responsabilité de l’entrepreneur soit recherchée par le maître de l’ouvrage ».
Quant aux ventes conclues postérieurement à la réforme précitée, la troisième chambre civile réaffirme que « l'encadrement dans le temps de l'action en garantie des vices cachés ne peut être assuré que par l'article 2232 du code civil qui édicte un délai butoir de vingt ans à compter de la naissance du droit (3e Civ., 8 décembre 2021, n° 20-21.439) ».
Dernier point, et pas des moindres, la troisième chambre civile statue sur le point de départ du délai de 5 ans de l’art. L. 110-4.
Alors que bon nombre d’arrêts le fixait au jour de la vente, la Cour décide que « La loi du 17 juin 2008 ayant réduit le délai de prescription prévu par l'article L. 110-4, I, du code de commerce, sans préciser son point de départ, celui-ci ne peut que résulter du droit commun de l'article 2224 du code civil ». Elle en déduit que l’article L. 110-4 ne peut constituer un délai-butoir.
Le raisonnement ne convainc pas. En quoi est-ce qu’une loi postérieure, transposée dans le Code civil, aurait vocation à fixer le point de départ d’un délai résultant du Code de commerce ? N’y a-t-il pas quelque artifice à raisonner de la sorte, afin de dénier à l’article L. 110-4 la qualité de délai butoir ?
La sécurité juridique gagne-t-elle vraiment à que l’on puisse ainsi étendre sans fin la durée de garantie du vendeur initial ?
Sur ces questions, Louis Thibierge, « Prescription de l’action en garantie des vices cachés : en quête de cohérence », Revue des contrats 2022/3, 30 septembre 2022, à paraître.