Prescription et nature de l'action

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.
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Par Louis Thibierge
Agrégé des Facultés de Droit
Professeur à l’Université d’Aix-Marseille
Membre du Centre de Droit Économique
Directeur du Master 2 Recherche Droit Économique
Directeur du DESU Economic Law
Avocat au Barreau de Paris

15 septembre


Bien qualifier est essentiel. Au-delà des débats théoriques, trouver la qualification idoine emporte des conséquences très concrètes sur le terrain de la prescription.

Nous l’avons relevé récemment à plusieurs occasions, qu’il s’agisse de l’action en démolition d’un ouvrage réalisé en violation d’un cahier des charges de lotissement (Cass. Civ. 3, 6 avril 2022, n° 21-13891 [1]), de l’action en résolution d’une vente pour défaut de prix (Cass. Civ. 3, 2 mars 2022, n° 20-23602 [2]) ou de l’action en exécution forcée d’une promesse de vente '(Cass. Civ. 3, 8 juillet 2021, n° 19-26342 [3]).

En voici une nouvelle illustration, offerte par la Cour de cassation (Cass. Civ. 1, 25 mai 2022, n° 21-10250 [4]).

Au fondement du litige, un contrat de LOA portant sur un véhicule automobile. A l’issue du contrat, le preneur ne lève pas l’option. Le bailleur réclame alors la restitution du véhicule.

Question : quelle prescription appliquer à cette action ?

Le preneur se prévalait de l’article L. 218-2 du Code de la consommation et soutenait à ce titre que « l'action en restitution exercée par le crédit-bailleur à l'encontre du crédit-preneur sur le fondement du contrat de crédit-bail est une action personnelle mobilière soumise à la prescription extinctive biennale lorsqu'elle est formée à l'encontre d'un consommateur ».

Pour ce faire, le pourvoi ne déniait pas le byzantinisme, soutenant que le bailleur « n'agissait pas en revendication du véhicule mais exerçait contre l'exposante une action en restitution de nature personnelle et mobilière, soumise à la prescription extinctive biennale », sans que l’on sache bien ce qu’est une « action en restitution » si ce n’est une revendication.

L’argument ne porte pas. En effet, le crédit-bailleur qui réclame la restitution du véhicule n’agit pas en paiement d’une créance.

Il exige la restitution de sa propriété, le véhicule loué.

Dit autrement, son action n’est pas personnelle mais réelle.

Or, le droit de propriété est imprescriptible (art. 2227 C. Civ.) et le preneur, qui ne possède pas pour lui-même, ne peut prétendre usucaper.

La Cour de cassation en déduit très justement que l’article L. 218-2 du Code de la consommation, qui instaure une prescription biennale, n’est pas applicable à l’action du crédit-bailleur visant à la restitution du véhicule loué.