Prison: un téléphone va être installé dans chaque cellule (fr)
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Thierry Vallat, avocat au barreau de Paris
Janvier 2018
Le ministère de la Justice a lancé un appel d’offres pour équiper progressivement plus de 50.000 cellules. Seuls les numéros autorisés par l’administration pourront être appelés. Il y aurait donc bientôt un téléphone dans chaque cellule des prisons françaises.
Cet été la ministre de la Justice Nicole Belloubet avait évoqué l’installation de lignes fixes dans les établissements pénitentiaires. Le ministère de la Justice a lancé un appel d’offres pour équiper plus de 50 000 cellules, hors quartier disciplinaire.http://www.leparisien.fr/faits-divers/prisons-un-telephone-va-etre-installe-dans-chaque-cellule-02-01-2018-7479759.php
Les téléphones en prison…Le débat est donc relancé avec cette nouvelle prise de position officielle.
Dans le "Guide du détenu arrivant", tout prisonnier est prévenu que la détention et l'usage d'un téléphone personnel sont interdits (voir Circulaire du 20 février 2012 relative au maintien des liens extérieurs des personnes détenues par les visites et l’envoi ou la réception d’objets voir http://circulaire.legifrance.gouv.fr/pdf/2012/02/cir_34725.pdf)
Mais rien qu’au mois de janvier 2016, 2.500 appareils ont été saisis derrière les murs des prisons françaises…(33.000 en 2016)
Ils arrivent souvent avec la technique dite du ‘’Big Mac’’: deux éponges de chaque côté pour protéger le téléphone au milieu. Bien scotché, le colis est étiqueté avec le nom du détenu afin qu’il arrive à destination
Aujourd'hui, beaucoup, et même certains surveillants, se demandent si, malgré le risque évident qu'ils soient utilisés pour s'adonner à des trafics, la meilleure solution ne serait pourtant pas de les autoriser, tout en encadrant leur utilisation avec les moyens techniques adaptés.
C'est ce que préconise notamment Adeline Hazan, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, qui estime que les téléphones portables devraient pouvoir être utilisés en détention, sous réserve de limiter leur usage à quelques numéros seulement.
Pour le Contrôleur, il faut «faire en sorte que les détenus ne coupent pas les ponts avec leur environnement de façon à préparer dans de meilleures conditions leur sortie et de donc de prévenir les risques de récidive"
Dès le rapport 2013, la conclusion était claire: l'arrivée du "portable en prison est inéluctable" ! (lire notre article: "Présentation du rapport 2013 du Contrôleur des lieux de ...)
L'idée de les autoriser aux personnes placées dans les centres de semi-liberté et de peines aménagées ou les quartiers de semi-liberté et de peines aménagées des maisons d'arrêt.par décret a été abandonnée en 2014, ayant suscité un tollé chez les gardiens de prison, de sorte que le projet de décret a été retiré.
Bien entendu, les détenus ne sont pas totalement privés de tout droit de téléphoner durant leur détention. Il existe des cabines de téléphonie fixe, avec l’utilisation limitative de numéros contrôlés, la conversation pouvant être écoutée par l’Administration pénitentiaire.
Cependant, la localisation des cabines téléphoniques ne permet souvent pas une confidentialité satisfaisante vis à vis des autres détenus et du personnel pénitentiaire. Le respect du droit à la vie privée, de même que de la confidentialité des échanges entre l’avocat et son client sont rendus ineffectifs par le positionnement des cabines, dans les cours de promenade ou dans les coursives de l’établissement, libres d’accès à de nombreuses oreilles indiscrètes.
Se fondant sur l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme garantissant le respect de la vie privée et familiale et des correspondances, le Conseil d’Etat a d’ailleurs confirmé, dans un arrêt du 23 juillet 2014 une ordonnance de référé du Tribunal administratif de Rennes du 23 avril 2014 qui avait enjoint à l’administration pénitentiaire de prendre des mesures pour garantir la confidentialité des appels téléphoniques passés par les détenus du centre pénitentiaire de Rennes-Vezin avec leur avocat quelles qu’en soient les circonstances ou avec leur famille.
Reste le brouillage pour empêcher l'utilisation des portables.
Actuellement plus de 600 brouilleurs sont installés en France, mais le modèle actuel se révèle peu efficace, Mais en augmentant la puissance de ces brouilleurs, les appareils de surveillance et de télécommunication des surveillants sont impactés et les communications des riverains, habitant à proximité des prisons, sont également touchées.
Une expérimentation avec des postes fixes avait été lancée à la prison de Metz.
Pour la plupart des détenus, le téléphone représente avant tout une aide morale, un soutien, et un moyen d'être tout de même présent auprès des siens: le débat des téléphones en milieu carcéral rebondit donc avec cette annonce.