Procès des attentats du 13 novembre 2015 - Le Live Tweet - Semaine ONZE
Retrouvez sur cette page tous les tweets du procès issus des Live tweets de @ChPiret Charlotte Piret et @sophparm Sophie Parmentier ; elles suivent ce procès pour France Inter et nous ont donné l'autorisation de compiler leurs tweets dans un objectif de consultation et archivage.
(© Photo "Salle d'audience" Sophie Parmentier |Twitter)
Semaine ONZE
Jour 43 – mardi 16 novembre – Auditions d’Hugo Micheron (spécialiste du djihadisme) et des ex-patrons DGSE & DGSI
Semaine 11, jour 43 au procès des attentats du 13 Novembre . Aujourd'hui, la cour va entendre un brillant chercheur, spécialiste du djihadisme, Micheron Hugo puis les ex-patrons DGSE & DGSI en 2015. Après avoir entendu la semaine dernière, François Hollande
L'audience avait été suspendue pendant cinq jours. Durant ces cinq jours, les commémorations en hommage aux victimes du 13 Novembre, samedi, six ans après les attentats. Week-end douloureux pour beaucoup de parties civiles, certaines reviennent assister au procès aujourd'hui.
L'audience reprend. Jour 43. Semaine 11.
L'audience reprend avec des demandes de nouvelles constitutions de parties civiles.
Puis un avocat de la défense, Me Kempf demande l'a réouverture des débats sur l'anonymisation des enquêteurs belges, qui doivent venir témoigner à ce procès. Le président accepte le débat. Le débat aura lieu ce vendredi 19 novembre, en chambre du conseil, à 10 heures.
Président : "Monsieur l'huissier, si vous voulez bien faire entrer le témoin : Monsieur Micheron" arrive à la barre.
Hugo Micheron , 33 ans, chercheur en sciences politiques, actuellement enseignant à Princetown, aux USA et à Sciences po est l'un des plus brillants spécialistes sur les djihadistes partis en Syrie et en Irak rejoindre EI.
Hugo Micheron a commencé ses recherches en 2013, " à ma modeste échelle, en tant que doctorat", et ce travail "a pris tout son sens le 13 Novembre"
Hugo Michéron explique que ses recherches ont été exclusivement pour recenser le terrain, "reconnecter le maillon manquant entre l'empirique et le conceptuel". Son travail de terrain est ce qui fait l'une des forces immenses du chercheur.
Hugo Michéron est d'abord allé sur le terrain syrien. Lui-même a vécu en Syrie avant 2014. Et parle couramment arabe.
Hugo Micheron a aussi enquêté sur les zones de départ vers la Syrie, EI. Il a aussi mené un travail d'envergure avec des djihadistes incarcérés dans des prisons françaises.
Hugo Micheron : "Les attentats ce n’est en aucun cas la cause du djihadisme. Il y a un djihadisme qui existe entre deux attentats".
Hugo Micheron : "Le djihadisme n’est en aucun cas réductible aux organisations. Vous pouvez détruire une organisation et une idéologie va encore être en extension"
Hugo Micheron retrace l'histoire du djihadisme. Les lieux où il a éclos. Exemple : Londonistan. Puis Molenbeek. Mais aussi Malmö. Deux villes d'où viennent un certain nombre d'accusés du box.
Hugo Micheron rappelle que pendant longtemps, l'Europe n'était pas visée par le djihad. Premier "pic" qu'il retient : 11 Septembre 2001, avec les attentats Al-Qaeda contre les USA.
Puis, dans les années 2000, des départs de l'Europe vers les terres de djihad. Et finalement,
Micheron Hugo note que "quand Daech apparaît, c’est l’aboutissement de trente ans de dynamique qui ont été plus ou moins bien comprises, bien pensées"
Pour rappel, le Califat de Daech a été créé le 29 juin 2014 par Abou Bakr Al Baghdadi. Tué par les Américains en octobre 2019. La même année, chute de EI à Baghouz.
Hugo Micheron note que la France, la Grande-Bretagne, l'Allemagne, la Belgique, ont été les quatre pays européens d'où sont partis le plus de djihadistes européens vers Daech
Hugo Micheron souligne les mystères des départs. Pourquoi aucun à Marseille ? Mais 20 départs en 2014 de la petite ville de Lunel dans l'Hérault. 65 départs de Trappes, presque aucun de la ville voisine de Chanteloup-les-Vignes.
Hugo Micheron : "Si on se concentre que sur l’attentat, on arrive à la fin du film". Il faut comprendre toute la phase qui fait que l'on arrive à l'attentat. La phase d'ombre pendant laquelle l'attentat est pensé.
Hugo Micheron estime que la question : "comprendre comment on est passé de quelques dizaines de djihadistes partis en Bosnie à 6000 Européens, 20 ans plus tard ?"
Hugo Micheron résume les départs vers Daech. Exemple Lunel, et tant d'autres filières (Nice, Strasbourg, Trappes) : "Ces départs se sont faits par grappes, les premiers sont les pionniers qui ont entraîné les autres, un frère, un ami proche, ect".
Des djihadistes disent qu'ils sont partis faire de l'humanitaire ? 1er argumentaire des djihadistes français devant les tribunaux depuis 2014. Hugo Micheron : "Mes étudiants quand ils partent faire de l'humanitaire, ils ont une blouse blanche". Pas une kalach.
A la barre, Hugo Micheron note qu'aucun djhadiste n'est parti "faire un safari". Ils sont arrivés dans des organisations structurées. Jabbat Al Nosra. Puis EI à partir 2014. Et plus difficile de s'enfuir de Syrie à partir de 2015 pour les déçus.
Hugo Micheron note que beaucoup de djihadistes partis rejoindre EI n'avaient aucun regret de faire le djihad.
Hugo Micheron : "Il faut faire très attention, les djihadistes si on les écoute, ils veulent sauver le monde, ils disent pas qu'ils veulent tuer"...
Hugo Micheron que ce qui va déclencher la campagne de frappes sur l'Irak, "c'est les décapitations" d'Occidentaux.
Hugo Micheron rappelle qu'au printemps 2014, un attentat a frappé l'Europe. Mehdi Nemmouche au musée juif de Bruxelles. Avant les premières frappes donc.
Pour Hugo Micheron, frapper la France était "un fantasme djihadiste". Et "mon sentiment c'est qu'on a envoyé les meilleurs", pour frapper le 13 Novembre
La cour l'interroge sur la place de la religion sur les candidats au djihad. Hugo Micheron : "C'est une question qu'on leur poser directement. Le djihadisme, c'est pas statique". Et il prend l'exemple des frères Clain.
Dans les années 90, les frères Fabien et Jean-Michel Clain avaient des notions "frustes" selon Hugo Micheron, et quand ils sont partis en Syrie, ils étaient devenus des sachants "très respectés".
Hugo Micheron : "Vous pouvez partir avec le Coran pour les nuls dans un sac à dos, et revenir et donner des cours à tout le monde".
Hugo Micheron donne "la dimension évolutive" énorme. Ne pas avoir de connaissance religieuse au départ n'est pas rédhibitoire dans le monde du djihad.
La cour : "est-ce que les actes barbares, des décapitations, obligatoire pour revenir frapper ?" Hugo Micheron n'en a pas la certitude.
Me Chemla, avocat de parties civiles, lui rappelle qu'il y a eu un débat sur sa venue à la barre. Certains l'accusant d'être "le tenant d'une école de pensée". Ecole Kepel (sans le nommer).
A la barre, Hugo Micheron dit que "l'université, c'est pas l'armée". Il a sa liberté de pensée. Depuis un an, enseignant à Princeton University & Sciences po
Il avait fait sa thèse avec Gilles Kepel (ne le nomme pas), comme la plupart des chercheurs sur ces questions de djihad.
Hugo Micheron : "La question djihadiste n’est pas que sécuritaire, mais intellectuelle, sociétale".
Me Chemla : "A quoi ça sert les attentats dans la logique de ces hommes-là ?"
Hugo Micheron : "Pour chaque attentat, il faut regarder qui ils visent". Et il note les différences "criantes" entre les cibles de janvier 2015 -Charlie_Hebdo_des policiers et Hyper Cacher- et les cibles du 13 Novembre
Me Edou, avocat de parties civiles a une question sur la prison. Hugo Micheron a eu des entretiens avec 80 détenus incarcérés pour terrorisme islamiste : "Les prisonniers sont presque considérés comme des demi-martyrs"
Hugo Micheron : "C'est la première fois qu'on se retrouve avec autant de djihadistes derrière les barreaux. La prison c'est pas un espace clos où le djihadisme finit sa route".
Me Giffard, avocate de parties civiles a une question sur Fabien Clain. "Comment il a poursuivi sa route après la prison ?" Hugo Micheron cite Sanabil, association pour les détenus musulmans, aujourd'hui dissoute par l'Etat. Avec Sanabil, "l'extérieur est entré dans la prison".
Hugo Micheron note que les surveillants avec qui il s'est entretenu "n'ont jamais eu à se plaindre de Fabien Clain qui participait à la paix sociale en prison" Fabien Clain, une des voix de la revendication des attentats du 13 Novembre
Hugo Micheron interrogé par Me Topaloff, avocate de parties civiles, affirme que des djihadistes ont pu partir facilement en 2012 ou 2013 en Syrie. "Cynisme à courte vue". Et les pionniers ayant rejoint Daech ont "agrégé les autres".
Après une courte pause, questions d'un avocat général sur Molenbeek. Hugo Micheron s'y est rendu en 2015, 2016, mais ne s'est pas rendu en prison en Belgique.
Me Ilyacine Maallaoui, avocate de l'accusé Ayari a une question sur le Danemark, cité parmi les pays liés au djihad. "Presque pas d'attentats", note l'avocat qui veut comprendre. "Le djihadisme n'est pas que des attentats", redit le chercheur Hugo Micheron.
Me Ilyacine Maallaoui a une question sur la radicalisation de l'islam ou l'islamisation de la radicalité. Deux écoles s'opposent. Gilles Kepel vs Olivier Roy. Hugo Micheron nomme Kepel comme son directeur de thèse, "comme les 3/4 de l'université, mais certains pas de son avis".
Me Negar Haeri demande si on peut dire quelles "caractéristiques" pour devenir djihadiste ? En gros. "Vous pouvez être djihadiste et à peu près tout", répond Hugo Micheron. Certains bons en doctrine, d'autres prêts à passer à l'action
Me Negar Haeri, avocate de l'accusé Amri : "quelle est la définition du djihadisme ?" Hugo Micheron : "L'idéologie d’individus qui vont mener la guerre contre l’impiété et les systèmes mécréants qu’ils considèrent comme apostats et mettre en place des attentats".
Me Negar Haeri : "Quel lien entre idéologie et violence ? La violence peut-elle précéder l'idéologie ?" Hugo Micheron : "Parfois, oui"
Bernard Bajolet, ex-patron de la DGSE dit que la DGSI était "le chef de file" en matière de terrorisme.
Bernard Bajolet, ex-patron de la DGSE est physiquement à la barre, pas en ombre chinoise derrière un écran flouté. Il porte un costume-cravate sombre, cheveux gris et petit bouc, lunettes rectangulaires.
Bernard Bajolet, ex-patron de la DGSE explique comment il obtenait du renseignement. Avec des sources humaines. Mais aussi avec de la technique, électromagnétique, surveillance des communications. Et puis "le renseignement à mains nues".
Bernard Bajolet parle des agents de la DGSE : "dévouement sans limite, pas de protection à l'étranger, risquent leurs vies, parfois la perdent, leur nom n'est gravé sur aucun monument, telles sont les grandeurs et servitudes du métier que nous exerçons"
Président Périès : "Quel était l'état de la menace précise contre la France ?" le 13 Novembre Bernard Bajolet : "Nous la savons très forte. Prononcée par le n°2 EI Al-Adnani le 21 septembre 2014 qui demandait de tuer "les sales français"
Bernard Bajolet : "Nous savons que la menace est là, caractérisée, mais nous ne savons pas ni où, ni le comment ni le qui"
Bernard Bajolet : "Nous n'avions pas d'élément qui annonçait une menace particulière sur le Bataclan
Bernard Bajolet : "Abaaoud est dans nos radars depuis 2013, mais en 2013 pour nous il est un djihadiste comme un autre. Puis on le voit sur une vidéo traîner des cadavres, 2014. Ensuite, il devient un djihadiste d'intérêt, qu'on suit particulièrement"
Bernard Bajolet : "Le 2 janvier 2015, nos collègues belges nous parlent d'un certain Omar qui appelle de Grèce". C'est Abaaoud. Il laisse les Belges gérer avec les Grecs. Puis après les attentats du 7, 8, 9 janvier, ils informent la DGSI.
Bernard Bajolet : "Sur la base des renseignements fournis, les Belges décident de passer à l'action. Verviers. Elle s'avèrera décevante, permettra d'avoir peu de renseignement"
Et après cet assaut à Verviers (Belgique), Omar échappe aux policiers Grecs à Athènes. "Et entre cette date et le 16 novembre, nous ne saurons jamais où est Abaaoud"
Bernard Bajolet : "Nous considérons qu'il est l'une des chevilles ouvrières qui menace la France. L'une des priorités est de l'arrêter"
Bernard Bajolet : "Il porte le nom de Abou Omar Al Belgiki". Mais on ne sait pas lequel. Confusion à un moment avec un autre Abou Omar à Deir Ezzor.
Bernard Bajolet : "Nous savons qu'il utilise des sélecteurs techniques, mais ils sont mutualisés, on est jamais sûrs que c'est lui", jamais sûrs qu'il est en Syrie "c'est juste une hypothèse"
Bernard Bajolet, ex-patron de la DGSE donne des noms de djhadistes avec un accent arabe : Foued Mohamed-Aggad, Bilal Hadfi et il cite un nom... inconnu ! Se trompe sur le nom d'Akrouh.
Président Périès : "Vous avez des moyens pour mettre des alertes sur les retours de ces individus ?"
Question du président sur les fichés S. "Sous la responsabilité exclusivement de la DGSI, hein !" note l'ex-patron de la DGSI. Président : "D'accord, on posera la question à la DGSI" Mais pas aujourd'hui donc.
Bernard Bajolet parle d'un temps avant 2015, d'un temps où DGSE/DGSI "ne se parlent pas, les directeurs écrivent des choses" les uns sur les autres... Ça change après 2012 (post attentats Merah) Et en 2015 une cellule commune DGSE/DGSI pour des échanges de données.
Bernard Bajolet : "Pendant quatre ans que j'ai dirigé la DGSE, je n'ai jamais surpris mes collègues de la DGSI en flagrant délit de me cacher quoique ce soit"
La cour lui demande comment des djihadistes fichés, tel Samy Amimour (qui était sous contrôle judiciaire quand il a fui en Syrie) ont pu s'envoler sans être inquiétés ? Bernard Bajolet : "La France n'est pas un état policier", et il y a forcément des failles.
Me Seban : "Y a-t-il eu cette vision des services français, si des djihadistes partent en Syrie, on s'en débarrasse ?" Bernard Bajolet : "Pas du tout, les djihadistes qui partent en Syrie/Irak une menace beaucoup plus forte, quand on peut on cherche à les récupérer"
Me Casubolo-Ferro lui demande pourquoi le Bataclan était visé par une menace depuis 2009 et pas de suivi ? Bernard Bajolet pense que cette salle avait été menacée comme une autre aurait pu l'être. La salle ciblée pour ce qu'elle représente, la musique. Selon lui.
A une question de la défense, Bernard Bajolet assure "jamais nous n'avons été tentés par le moindre accommodement" en Syrie
Dernière question de la défense : "Est-ce que vos services s'attendaient à un crime d'une telle ampleur ?"
Bernard Bajolet : "On le redoutait, l'ampleur ne nous a pas surpris, il s'est produit, hélas, ce que nous redoutions". Et l'ex-patron de la DGSE quitte la barre. "Merci beaucoup Monsieur l'ambassadeur", dit le président Périès.
Et l'audience s'achève ainsi. Jour 43. Semaine 11. Compte-rendu web France inter à suivre.
Demain, jour 44, l'audience reprendra à 12h30. Avec à la barre, Bernard Cazeneuve, ex-ministre de l'Intérieur le 13 novembre 2015. Puis François Molins, alors procureur de la République de Paris.
Jour 44 – mercredi 17 novembre – Auditions de Bernard Cazeneuve ex-ministre de l’Intérieur et de François Morin procureur de la République de Paris
Bonjour à tous, c'est aujourd'hui le 44e jour d'audience au procès des attentats du 13 Novembre.
Au programme aujourd'hui : les auditions du ministre de l'Intérieur et du procureur de la République de Paris de l'époque : Bernard Cazeneuve et François Molins.
L'audience reprend pour aujourd'hui. Quelques points de procédure avec le versement de différentes pièces aux débats, de nouvelles constitutions de parties civiles également.
Bernard Cazeneuve
Place à l'audition de Bernard Cazeneuve qui arrive à la barre depuis la salle des témoins. Costume sombre, cravate à motifs vert. "Bonjour monsieur le Premier ministre", l'accueille le président de la cour d'assises spécialement composée.
Bernard Cazeneuve débute son propos liminaire, comme le veut la règle en cours d'assises : "je suis ici pour témoigner de ce que fut mon action. Pendant la période où j'étais ministre de l'Intérieur, notre pays a été secoué par une vague d'attentats sans précédent".
Bernard Cazeneuve : "j'ai eu à voir de près le choc occasionné par ces attentats sur les victimes. Et j'ai suivi de très près depuis le début de ce procès leurs témoignages devant votre cour. J'ai été très impressionné et touché au cœur par la force de ces témoignages."
Bernard Cazeneuve : "cette dignité [des victimes du 13 Novembre ndlr] nous oblige. Et m'oblige également à être extrêmement précis. Vous me permettrez de rendre hommage aux magistrats qui ont conduit les investigations et permis que ce procès ait lieu".
Bernard Cazeneuve : "vous me pardonnerez d'évoquer le rôle joué par certains qui au sein du ministère de l'Intérieur ont déployé toute leur énergie pour assurer la protection des Français durant cette période tragique et dont certains ont perdu leur vie."
Bernard Cazeneuve : "Je pense à Ahmed Merabet, à Franck Brinsolaro, Jessica Schneider et Jean-Baptiste Salvaing et Arnaud Beltrame. Je pense à tous les policiers valeureux des services spécialisés qui sont intervenus."
Bernard Cazeneuve : "lorsqu'un attentat survient après qu'une mobilisation aussi grande est intervenue, c'est un échec. C'est un échec pour ceux qui se sont mobilisés et leur rôle est de tirer les enseignements pour améliorer la lutte contre la corruption ... pardon le terrorisme"
Bernard Cazeneuve : "à partir d'avril 2014, nous avons constaté qu'un nombre de plus en plus important de ressortissants français et européens partaient sur le théâtre des organisations terroristes."
Bernard Cazeneuve : "3 semaines après mon arrivée place Beauvau, j'ai été amené à présenter un ensemble de dispositions : la mise en place du centre national de prévention de la radicalisation avec un numéro vert. Des dispositions législatives ont été présentées le même jour."
"Ces dispositions ont donné naissance à la loi du 13 novembre 2014" explique l'ancien ministre de l'Intérieur qui cite notamment la possibilité de perquisitions administratives, un meilleur contrôle des contenus à connotation terroriste sur Internet.
Bernard Cazeneuve : "cette loi ne suffisait pas à prévenir le risque d'attentats. Les individus qui préparaient ces attentats communiquaient par des moyens cryptés. Et la loi sur le renseignement dont nous disposions datait de 1991 à une époque où il n'y avait pas internet."
Bernard Cazeneuve : "c'est ainsi que nous avons engagé un débat qui a abouti à la loi de juillet 2015 qui a permis aux services de renseignement d'être dotés d'outils qui n'existaient pas jusqu'alors."
Bernard Cazeneuve : "en dépit de ces dispositions législatives, la montée en puissance de Daech et le départ de citoyens français avant l'adoption de la loi de novembre 2014 a fait peser sur notre pays une menace réelle. On souhaitait nous frapper en raison de ce que nous étions"
Bernard Cazeneuve : "nous étions, pour des raisons tenant à ce que la France représentait en termes de valeurs à travers le monde, particulièrement visés. La menace s'était exprimée bien avant que les frappes de la coalition [en Irak et en Syrie, ndlr] ne commencent."
Bernard Cazeneuve : "à la veille des attentats de novembre 2015, les services de renseignement suivaient 158 dossiers, concernant 941 terroristes exactement. A peu près 300 avaient été interpellés et la moitié à peu près incarcérée. C'est dire l'importance du sujet."
Bernard Cazeneuve : "en 2015, nous sentions que la menace s'intensifiait en raison du nombre d'attentats déjoués. En juillet 2015, est arrêté Tyler Vilus, un attentat est déjoué concernant des individus qui se proposaient de décapiter le commandant de Fort Béart."
Bernard Cazeneuve : "au lendemain des attentats de janvier 2015, nous sommes allés au-delà des engagements pris par le président de la république qui consistaient à créer chaque année 500 postes de policiers et gendarmes pendant cinq ans."
Bernard Cazeneuve : "au lendemain des attentats de janvier 2015, un plan de lutte antiterroriste a été présenté par le gouvernement qui s'est traduit par 800 effectifs supplémentaires pour permettre aux services de renseignement à faire face à la menace accrue."
Bernard Cazeneuve détaille encore l'augmentation des effectifs de police, de gendarmerie, les budgets de dotation en matériel pour les forces de l'ordre etc. L'ancien ministre de l'Intérieur développe encore les dispositions de "renforcement du plan Vigipirate".
Bernard Cazeneuve : "après les attentats de janvier 20215, les forces spécialisées [GIGN, Raid, BRI, ndlr] ont décidé d'engager des modifications pour améliorer leurs conditions d'intervention : le développement de forces d'intervention rapide, d'un plan d'assaut ..."
Bernard Cazeneuve : "nous avons été amenés à renforcer considérablement la coopération sur le plan européen car il y avait beaucoup d'angles morts, d'insuffisances, de manquements, avec le sentiment d'être toujours dans une course contre la montre."
Bernard Cazeneuve : "nous avions un dispositif de contrôle aux frontières extérieures de l'Union européenne insuffisant. Frontex disposait d'un budget insuffisant. Ce budget sera porté de 250 millions à 500 millions d'euros, ses effectifs à 1700."
Bernard Cazeneuve : "la journée du 13 novembre commence par des réunions le matin place Beauvau en vue de la déclinaison d'un plan de lutte contre le trafic d'armes. Puis il y a une remise de décoration à Montrouge pour remercier les collègues de Clarissa Jean-Philippe".
Bernard Cazeneuve : "c'est au moment de la pause du dîner que je reçois un coup de fil du président de la République. Il me dit : "je viens d'entendre une explosion, je suis au match de football, pourriez-vous vous renseigner auprès du préfet de police de Paris ?"
Bernard Cazeneuve : "les informations sont encore confuses. Je quitte Beauvau immédiatement pour rejoindre le président la République sur place. J'arrive 25 minutes plus tard au Stade de France. Pendant le trajet, le préfet de police m'informe d'une 2e explosion et de fusillades"
Bernard Cazeneuve : "lorsque j'arrive au Stade de France, j'ai la conviction que nous sommes face à une situation d'attaques massives. Le Premier ministre [Manuel Valls ndlr] active la cellule de crise."
Bernard Cazeneuve : "nous sommes informés de l'attaque du Bataclan et qu'il y a des otages. Il est décidé de mobiliser les forces d'intervention pour faire libérer les otages. Au sein de la cellule de crise, nous avons pour objectif d'éviter des surattentats."
Bernard Cazeneuve : "il est décidé, compte-tenu de la gravité de l'attaque, de déclencher l'état d'urgence et pour se faire d'organiser un conseil des ministres aux alentours de minuit."
Bernard Cazeneuve : "dès le lendemain se déclenchent l'ensemble des mesures de l'état d'urgence. Ce sont près de 4000 perquisitions qui interviendront. Elles permettront de déclencher 597 poursuites, qui aboutiront à la récupération de 600 armes."
Bernard Cazeneuve : "je veux rendre hommage à ceux qui sont intervenus dès les premiers minutes : le commissaire de la BAC et son chauffeur. Ces policiers sont des héros. Comme les policiers de la BAC qui sont entrés dans des conditions de risque extrêmes. Comme les pompiers."
Bernard Cazeneuve évoque le documentaire diffusé sur Arte "Les ombres du Bataclan" selon lequel d'autres forces auraient pu intervenir plus tôt au Bataclan. "L'intervention destinée à sauver des otages est difficile. Seule la BRI et le Raid pouvait intervenir".
Bernard Cazeneuve revient également sur la polémique selon laquelle "les soldats de Sentinelle auraient pu intervenir". "Nous avions 11 000 sites protégés par l'opération Sentinelle, mais nous étions aussi obsédés par les 77 000 écoles primaires, plus les lieux de cultes."
Bernard Cazeneuve : "on ne peut pas faire rentrer des militaires qui n'ont pas été formés pour cela pour mettre fin à une prise d'otages. Et pour utiliser leurs armes dans les conditions de légitime défense, encore aurait-il fallu que les terroristes soient visibles."
Bernard Cazeneuve poursuit, cette fois au sujet des menaces éventuelles pesant sur le Bataclan : "je n'ai jamais reçu de note m'informant d'une menace sur le Bataclan. Il est évident que si j'avais été alerté, j'aurais pris des dispositions pour sécuriser ce lieu."
Bernard Cazeneuve : "enfin, il y a eu une polémique sur les conditions dans lesquelles Salah Abdeslam a été interpellé ..." Il se reprend. "... contrôlé le 14 novembre par les forces de gendarmerie sur l'autoroute."
Bernard Cazeneuve indique que le cadre légal en vigueur à l'époque "n'a pas permis de procéder à l'interpellation" de Salah Abdeslam lors de son contrôle, par la gendarmerie, quelques heures après les attentats du 13 Novembre️ Il sera arrêté à Bruxelles 4 mois plus tard.
Fin de la disposition spontanée. Le président l'interroge sur l'importante délégation d'officiels, dont François Hollande et Bernard Cazeneuve, qui s'est rendue au Bataclan juste après les attentats. "J'ai toujours considéré que la délégation ministérielle était trop nombreuse".
Bernard Cazeneuve : "l'attaque commencer à 21h40. Les forces de secours de la BSPP arrivent à 21h49 sous les tirs, les BAC arrivent dans la foulée. La BRI est informée autour de 21h50, elle entre autour de 22h20."
Notons que l'ancien ministre de l'Intérieur (et plus tard Premier ministre) Bernard Cazeneuve, qui cite de nombreux chiffres, dates, horaires etc, dans sa déposition s'exprime sans aucune note depuis maintenant près d'une heure 30.
Bernard Cazeneuve : "j'ai été très blessé, mais pas à titre personnel, pour eux, quand j'ai vu la manière dont [les policiers de la BRI, ndlr] étaient mis en cause par certains commentaires. J'ai vu à travers leur regard ce qu'ils avaient pu éprouver et ressentir."
Le président : "certains primo-intervenants auraient voulu profiter de l'armement de l'opération Sentinelle ..." Bernard Cazeneuve :"ces armes n'étaient pas celles utilisées par la police nationale". Il indique que celle-ci est désormais formée en ce sens.
Bernard Cazeneuve évoque "la relation de très grande confiance professionnelle entre [le procureur de la République de Paris ndlr] François Molins et moi. Nous estimions que nous étions l'un et l'autre comptable de la sécurité des Français."
Bernard Cazeneuve : "depuis les attentats, il ne s'est pas écoulé un jour sans que je me sois posé la question de savoir s'il y avait quelque chose que j'aurais pu faire et que je n'ai pas fait. Cette question me hante en permanence."
Bernard Cazeneuve : "les attentats sont survenus, des vies ont été brisées, des Français sont inconsolables. Comment ne pourrais-je pas me poser la question de savoir si nous aurions pu faire autrement. Je continuerai à m'interroger jusqu'à mon dernier souffle."
Bernard Cazeneuve reconnaît, même si cela n'était pas de la responsabilité de son ministère dit-il, les "dysfonctionnements majeurs" du numéro d'appel, "des conditions d'accueil des familles à l'école militaire" dans les heures et les jours qui ont suivi les attentats.
Bernard Cazeneuve : "ce soir-là, il y a des informations qui remontent du préfet de police de Paris. Elles nous rendent compte de l'état d'intervention des forces et de la prise d'otages. Et la conclusion à laquelle nous arrivons, est qu'il faudrait donner l'assaut".
Bernard Cazeneuve : "me rendant sur les lieux du Bataclan, je vois sortir après l’assaut, une jeune femme dont le regard est perdu, j’éprouve ce qu’éprouvent tous les Français devant leur écran de télévision et qui sont au bord des larmes."
Bernard Cazeneuve : "il y a ce que je ressens en tant que citoyen mais je suis ministre de l'Intérieur. Je dois agir. Et ce que j'ai éprouvé n'est rien par rapport à la douleur des familles qui est insondable. Et c'est pour cela que je n'ai jamais exprimé ces sentiments"
Bernard Cazeneuve, une nouvelle fois interrogée sur la connaissance d'éventuelles sur le Bataclan : "quelle eut été la logique qui voulait, alors que la mobilisation était absolue, que nous aurions écarté des informations ? Par quelle logique aurions-nous agi de la trier ?"
Bernard Cazeneuve : "les mosquées pour lesquelles nous avions des informations que s'y tenaient des propos à caractère terroriste ont systématiquement fait l'objet de démarches pour obtenir leur fermeture. Les dispositions de l'état d'urgence nous ont facilité ces démarches"
Bernard Cazeneuve : "l'islamisme est un totalitarisme. C'est une idéologie totalitaire qui est destinée à priver de la liberté. Donc je n'ai jamais considéré qu'il pouvait y avoir des explications justifiant des crimes terroristes."
Bernard Cazeneuve : "aucune explication au monde ne peut justifier qu'on ait la moindre complaisance à l'égard d'une idéologie totalitaire qui a pour objectif, dans la plus grande violence, de semer la désolation."
Me Claudette Eleini : "vous avez évoqué plusieurs angles morts. J'en ajouterai un : Abdelhamid Abaaoud. Angle mort à double titre puisqu'il est mort." Bernard Cazeneuve : "Abaaoud n'a jamais résidé en Belgique. En 2013, il va sur le théâtre des opérations terroristes".
Bernard Cazeneuve : "nous ne savions pas qu'[Abdelhamid Abaaoud] était sur le territoire national au moment où les faits se sont produits." Me Claudette Eleini (PC) : "ça fait peur de savoir que des terroristes ne sont pas localisés lorsqu'ils pénètrent sur le territoire français".
Bernard Cazeneuve : "en nous attaquant, les terroristes veulent remettre en cause l'unité et l'indivisibilité de la nation France... Et donc la difficulté de la lutte antiterroriste c'est à la fois d'être implacable et en même temps de ne pas céder sur les principes de droit".
Bernard Cazeneuve : "il fallait accepter d'aller devant le Parlement, des heures durant, rendre compte de la manière dont nous mettions en œuvre des mesures de police administrative. C'était fondamental."
Me Szwarc (PC) :"est-ce qu'il n'y a pas eu une sous-évaluation laissant penser que la crise syrienne n'aurait pas de conséquences en France ?" Le président : "vous avez trois heures …" Rires dans la salle. Bernard Cazeneuve : "ce n'est pas assez monsieur le président …"
L'audience est suspendue "pour une petite pause. Monsieur le premier ministre, vous avez déjà répondu à beaucoup de questions", indique le président.
L'audience a reprise avec la suite des questions d'avocats de parties civiles à Bernard Cazeneuve. Me Reinhart l'interroge : "est-ce que les attentats du 13 Novembre sont le fruit d'une politique migratoire défaillante ?"
Bernard Cazeneuve : "les terroristes ont emprunté les flux migratoires, non pas parce qu'ils en avaient la possibilité. Mais parce qu'en le faisant, ils créent les conditions de la fracturation de la société française. Donc ils avaient un intérêt stratégique à le faire."
Me de Montbrial (PC) : "une jeune femme dont le compagnon a été tué au Bataclan m'a spécifiquement demandé de poser la question suivante : il avait été question de décorer les intervenants de la légion d'honneur. Elle voulait savoir si ça avait été le cas ?"
Bernard Cazeneuve :"500 médailles de la sécurité intérieure et une dizaine de légion d'honneur ont été distribuées. Je ne peux pas vous dire à qui."
Devant l'absence de questions et des avocats et de la défense, que le président salue d'un "merci", au vu de l'heure tardive, Bernard Cazeneuve peut quitter la salle d'audience. C'est donc au tour de l'ancien procureur de la République François Molins de venir à la barre.
Mais avant cela, Me Raphaël Kempf (avocat de Yassine Atar) souhaite intervenir sur le refus manifesté par les enquêteurs belges de venir témoigner à l'audience. "C'est quand même sur la base du travail des enquêteurs belges que Yassine Atar se trouve dans ce box".
Me Kempf : "nous ne comprenons pas pourquoi les enquêteurs belges ne veulent pas se présenter. Nous avons un certain nombre de questions précises à leur poser."
Me Eskenazi, avocat belge de Mohamed Abrini se lève à son tour "il y a toujours le bon Belge qui arrive à la fin". Il plaide, lui aussi, pour la venue des enquêteurs belges. Et finit son argumentaire par la formule d'usage en Belgique : "j'ai dit et je vous remercie".
Ce débat était initialement prévu pour se tenir vendredi matin en chambre du conseil, c'est-à-dire lors d'une audience de réunissant que la cour, les avocats généraux et les avocats de défense et de parties civiles. Sans les accusés, le public et la presse.
Alors que Me Raphaël Kempf avocat de Yassine Atar) s'agace, le président le reprend : "ne vous énervez pas, vous pouvez le dire calmement". - je n'y arrive pas monsieur le président, je suis trop jeune pour ça, peut-être. - merci pour les moins jeunes.
François Molins
François Molins : "c'est pas moins de 2000 Français qui ont été concernés, soit parce qu'ils avaient quitté la France pour la zone irako-syrienne, soit parce qu'ils avaient des projets de départs, soit parce qu'ils aidaient des personnes à concrétiser leur projet de départ".
François Molins : "on était bien conscients que la détection de ses individus devait se faire dans des délais très raccourcis. Donc on a progressivement construit une politique pénale adaptée aux enjeux de la situation."
François Molins : "on a assisté à une montée en puissance de Daech avec la proclamation du califat en juin 2014 et en septembre 2014 l'appel de Daech au meurtre pour tuer tous les Français mécréants en quel qu’endroit qu'ils se trouvent. Avec une année 2015 particulièrement dure"
François Molins : "2015 est une année dramatique, ponctuée d'attaques terroristes lourdes et au cours de laquelle les services de renseignement nous disent régulièrement que la menace n'avait jamais été aussi élevée. Et que la question n'est plus si mais quand, où, comment."
François Molins explique que le 13 novembre il sort d'une semaine à Marrakech à la rencontre d'autres magistrats antiterroriste. "Le vendredi, je suis donc assez fatigué, je vais me coucher tôt". Jusqu'à la première alerte d'une explosion au Stade de France.
François Molins active alors la cellule de crise du parquet de Paris. "Je vais y passer tous les jours qui suivent. Elle constitue une sorte de permanence pour tous les services de police, les hôpitaux de Paris, les pompiers etc. Ça fonctionne comme une salle d'état-major".
François Molins : "j'ai rappelé mes officiers de sécurité et je suis parti à la Bonne bière et au Carillon. Il est 22h15 ou 30 pas plus. Il n'y a encore aucun enquêteur. En arrivant, je suis tombé sur un brigadier du 11e qui a enlevé son gilet pare-balle pour me le mettre."
François Molins : "je suis parti au Carillon, c'était pareil : des corps couchés sur le trottoir. J'ai discuté avec une dame derrière le bar qui m'a raconté la scène : la voiture noire, les individus qui rafalent au fusil d'assaut. Et ensuite, je vais au Bataclan."
François Molins : "le chef de la BRI vient nous voir et nous soumet un plan d'assaut. Avec le préfet de police de Paris, on va valider très vite ce plan. L'assaut va être donné à 00h20, on le suit à l'aide de la radio. Et on va comprendre que les otages sont sains et saufs."
François Molins entre ensuite dans le Bataclan : "c'est l'horreur, c'est dantesque. J'avais jamais vu un bilan aussi lourd. Je n'oublierai jamais le corps d'une dame, les cheveux au carré avec la tête posée sur un sac à main où un portable n'arrêtait pas de sonner. "
A la barre, François Molins revient sur sa découverte de la scène de crime du Bataclan : "en fait, je ne sais pas si je n'arrivais pas à y croire ou si je refusais d'y croire. Je suis rentré trois fois dans le Bataclan."
François Molins détaille ensuite les premières investigations. Dès "4h10, on apprend qu'une voiture a été loué en Belgique à Etterbeek". "On va très vite mettre en oeuvre une coopération pénale avec le parquet fédéral" belge.
François Molins : "le samedi à 13h50, on a deux appels. Le premier de la DGSI qui nous donne l'identité de Salah Abdeslam et nous informe qu'il a été contrôlé le matin à Cambrai. Et au même moment, le parquet fédéral [belge, ndlr] nous informe qu'il délivre un mandat d'arrêt".
François Molins : "à ce stade, si on fait les comptes, il apparaît que sont dans la nature : Salah Abdeslam et deux membres du commando des terrasses."
François Molins : "les recherches vont rester vaines jusqu'au lundi 16 novembre. Les enquêteurs nous informent qu'un témoin que j'appellerai Sonia explique qu'elle a vu un homme sortant d'un buisson à Aubervilliers et qu'elle a immédiatement reconnu : Abaaoud."
François Molins : "ce sont des déclarations incroyables qu'on prend avec beaucoup de prudence et on se demande si le témoin n'a pas été manipulée pour attirer la police dans un guet-apens. On met une surveillance en place devant le buisson d'Aubervilliers."
François Molins : "on sait désormais où sont les 2 terroristes. On prend la décision de les interpeller. L'assaut va être donné au cours de la nuit à 4h10. A un moment donné, l'un des deux terroristes va déclencher son gilet explosif qui va entraîner l'effondrement du plancher"
François Molins conclut sur "le devoir impérieux" selon lui, du procureur de communiquer "et de donner à la presse des informations sérieuses". "C'est ce qu'on a essayé de faire dans ce dossier. C'est des centaines de médias qui téléphonaient. Il y a 4 conférences de presse"
François Molins : "on a vite compris que la communication que nous organisions permettait de gérer les peurs, rassurer nos concitoyens. Je pense avec le recul que cet exercice est indispensable et j'espère qu'il a contribué à renforcer la confiance du public en la justice".
François Molins, interrogé à son tour sur la menace qui pouvait peser sur le Bataclan : "à l'époque, à aucun moment, on est en état de penser que le Bataclan est une cible. Par contre, il y a eu une époque où le Bataclan a pu apparaître comme une cible terroriste éventuelle."
Président : "certaines parties civiles ont manifesté le regret que la BRI soit intervenue avec un certain délai" François Molins : "je comprends les questionnements sur ce point. Je connais aussi des situations où on a essayé de faire mieux et on a fait bien pire".
François Molins cite des exemples d'interventions sur des braquages de gens bien intentionné mais par formé et qui se sont mal terminées pour les victimes, des passants : "on n'est pas au far-west où on entre dans un saloon avec des portes qui s'ouvrent et on tire de partout".
François Molins : "un plan d'assaut n'est jamais identique, il est adapté à la situation. Et une fois qu'on l'a construit, on va le soumettre. C'est vrai qu'il s'écoule près d'une heure. Mais je ne suis pas persuadé qu'on aurait pu faire mieux."
François Molins interrogé sur l'improvisation des terroristes survivants du commando des terrasses : "je me suis posé la même question et je me la pose encore. Il y a quelque chose de tout à fait irrationnel. Pourquoi être allé se réfugier dans un buisson ? Je ne sais pas."
Interrogé sur les autopsies des terroristes, François Molins rappelle "il y a eu l'histoire du Captagon que les terroristes auraient pris pour se donner du courage. En réalité, il n'y en avait pas. Il y a pu avoir chez [Samy] Amimour des traces d'alcool, mais pas grand-chose."
François Molins, interrogé sur le fait que les terroristes du Stade de France n'avaient pas de billet leur permettant d'entrer : "c'est quelque chose qu'on a du mal à expliquer, cette petite part d'amateurisme alors qu'on est dans une organisation extrêmement structurée."
François Molins au sujet de l'intervention du 18 novembre à Saint-Denis : "j'étais tellement sensible à la situation de ces braves gens que deux jours après, j'ai téléphoné à la préfète pour insister sur le devoir de reloger ces gens-là dans les meilleurs délais"
Après une nouvelle question de Me Mouhou (PC) sur l'intervention du Raid à Saint-Denis, le 18 novembre, le président s'agace : "monsieur Molins a déjà répondu. Je vous propose, si vous avez de bonnes idées, d'intégrer le Raid. On n'est pas au tribunal administratif !"
Le président, agacé une nouvelle fois par la question d'un avocat de parties civiles sur la règle en matière d'avis à victimes : "attendez, le juge d'instruction fait ce qu'il veut. Il avise au début, au milieu ou à la fin. J'ai une petite expérience en la matière".
Les avocats généraux n'ont pas de question à poser à François Molins "suite à ce propos très complet", précise Camille Hennetier. "D'autant plus que nous ne sommes pas impartiaux en la matière", ajoute celle qui fut le bras droit du procureur de la République de Paris.
Fin de l'audition de François Molins. L'audience est suspendue jusqu'à demain. Elle reprendra à 12h30.
Jour 45 - jeudi 18 novembre – Auditions des enquêteurs de la DGSI sur le parcours en Syrie du commanditaire présumé des attentats et du coordinateur, Abdelhamid Abaaoud
Jour 45 au procès du 13 novembre . La cour va entendre aujourd'hui [null des enquêteurs de la DGSI], notamment [null sur les parcours en] Syrie du commanditaire présumé des attentats, Oussama Atar, [null et du coordinateur, Abdelhamid Abaaoud], qui était aussi un membre du commando des terrasses.
L'audience reprend. La cour cherche à établir la liaison avec le premier témoin, un enquêteur de la DGSI, qui ne sera donc pas physiquement présent à la barre. Mais flouté derrière un écran.
La cour déplie le grand écran au fond de la salle d'audience.
Enquêteur 1 : matricule 948SI
Le témoin 948SI apparaît sur grand écran. Enfin, plutôt une très très vague ombre sur fond blanc. Seule sa voix est perceptible. Voix métallique.
"Donc je suis 948SI. Je travaillais en tant qu'enquêteur au sein de la DGSI", "un travail de judiciarisation". Il vient éclairer la cour sur "le parcours des individus et le rôle qu'ils ont joué dans les attentats"
948SI veut expliquer ce qu'est "judiciariser". Au départ, un travail d'enquête des services de renseignement afin de rassembler informations qui peuvent être pertinentes pour une enquête. Puis demande à judiciariser auprès de la justice.
Le souci de la DGSI dit 948SI : "protéger les sources à l'origine de ces informations", donc souvent dit-il "on judiciarise le renseignement brut mais on tait la source"
C'est ce qui s'est passé pour l'enquête. 948SI annonce donc qu'il ne va pas donner les sources qui ont donné des infos.
948SI : "Il faut comprendre que pour EI les attentats représentaient un intérêt stratégique. En revendiquant les attentats, EI veut acquérir une renommée, démontrer sa puissance, s'affirmer comme leader du djihad".
948SI : "Nous distinguons deux types d'attentats, les attaques inspirées et les attaques projetées. Les attaques inspirées commises par des sympathisants EI dans le pays cible" Elles nécessitent peu de moyens.
948SI : "Les attaques projetées directement dirigées depuis le califat", avec des combattants entraînés qui ont été formés, il faut ensuite organiser leur exfiltration. C'est ce qui s'est passé pour le 13 novembre
948SI : "Les attaques de Paris, le 13 novembre, sont un des exemples les plus aboutis de ce type d'attaques", attaques projetées.
D'autres attaques projetées dans des pays divers, note 948SI, de l'Iran à l'Arabie saoudite. Il parle "d'industrie de la menace projetée".
948SI parle de la Liwa As Saddiq fondée en 2014 par le n°2 EI. Elle était la brigade personnelle d'Al-Adnani. Meilleurs combattants de EI. Apparentée à "une garde prétorienne EI. Une unité facilement projetable, en fonction de l'état du champ de bataille"
Les combattants de la Liwa As Saddiq n'avaient pas le droit de se marier, explique 948SI. Ils étaient l'élite. Formation approfondie pour acquérir attitudes opérationnelles, tactiques de combat propres aux unités spéciales.
Entraînement militaire et formation idéologique intensive, pour cette Liwa As Saddiq. Numéro 1 : Al Adnani, qui fut porte-parole EI. Son bras droit, Oussama Atar, commanditaire présumé des attentats du 13 novembre
Autre membre important : Boubakeur Al Hakim, franco-tunisien tué par un drone en 2016. Il était l'un des membres de la filière des Buttes-Chaumont, fut un modèle pour les frères Kouachi qui ont attaqué Charlie_Hebdo_le 7 janvier 2015.
948SI décrit maintenant la cellule OPEX : dédiée aux attaques projetées. Pour les "opérations extérieures". Créée en 2014 par Al-Adnani.
948SI : "Parmi les djihadistes qui ont intégré cette cellule, Abdelhamid Abaaoud ou Abdelnasser Benyoucef". Benyoucef considéré comme le commanditaire de l'attentat à l’HyperCacher le 9 janvier 2015
948SI évoque l'Amni, qui dépendait d'une autre autorité, pas la même que la Copex (cellule Opex)
948SI détaille à l'écran "les portefeuilles" de la COPEX. Dix portefeuilles : Turquie, Tunisie, Algérie, Egypte, Liban, Europe, Russie, Arabie Saoudite, Iran, Explosifs. Donc 9 portefeuilles géographiques et un dédié aux explosifs.
948SI : "La COPEX avait 4 types de mission. Recruter d'abord les candidats aux attentats, pour leur loyauté et leur capacité à s'infiltrer dans un pays"
948SI : "Dans les personnes recrutées de cette matière, on peut penser à Reda Hame, ou Sid Ahmed Ghlam".
Hame a balancé aux enquêteurs à l'été 2015 que des attentats se préparaient avec des combattants, et il avait parlé de salles de concert. Ghlam est l'auteur de l'attentat raté à Villejuif. Une jeune femme, Aurélie Châtelain, a été tuée dans cette attaque qui visait une église.
948SI explique que tout projet d'attentat devait être validé par l'émir de la COPEX. Puis validé encore par un comité délégué. Qui évaluait l'intérêt pour EI de commettre cette attaque. EI voulait soit acquérir de nouveaux membres / soit un nouveau territoire.
948SI : "Dans les attentats projetés, grande autonomie" aux opérationnels qui avaient la charge de définir la cible, la date, ect.
948SI : "Ce process a été en grande partie respecté pour les attaques du 13 novembre"
948SI cite une audition de Osama Krayem (audition mai 2018), accusé dans le box à ce procès Pour étayer ses propos selon lesquels le process développé avant a été respecté.
948SI : "En ce qui concerne les choix précis des cibles et de la date, 13 novembre, Osama Krayem explique que ce sont les opérationnels qui ont choisi". Les opérationnels, selon Krayem, les frères Bakraoui en Belgique et Abaaoud.
Les frères Ibrahim et Khalid El Bakraoui, délinquants belges, sont considérés par les enquêteurs du 13 novembre comme "les opérationnels". Opérationnels donc pour les attentats parisiens. Les Bakraoui devenus kamikazes des attentats de Bruxelles le 22 mars 2016.
948SI parle d'Oussama Atar, vraisemblablement "à l'origine du projet" des attentats du 13 novembre Il est l'un des accusés de ce procès Mais un accusé présumé mort. Son petit frère, Yassine Atar, est lui dans le box.
948SI montre aussi à l'écran Najim Laachraoui, qui a été considéré comme artificier du 13 novembre, est mort lui aussi en kamikaze dans les attentats de Bruxelles le 22 mars 2016.
948SI montre aussi à l'écran Omar Darif, considéré comme les enquêteurs comme l'artificier en chef des attentats du 13 novembre Accusé présumé mort de ce procès.
948SI parle d'Oussama Atar. Une photo apparaît sur grand écran. Brun, sourcils épais, barbe très fournie. Kunya (nom de combattant) : Abu Ahmad Al Iraqi. Oussama Atar, né en 84 à Bruxelles, part en Irak en 2004. Arrêté en 2005. Emprisonné à Abou Ghraib.
C'est à Abou Ghraib, prison gérée par les Américains, que Oussama Atar a rencontré Al-Adnani. Futurs cadres EI se sont rencontrés dans cette prison en Irak.
948SI explique que Oussama Atar "a géré les otages occidentaux" dont Pierre Torrès, Edouard Elias, emprisonnés en Syrie avec Nicolas Hénin et Didier François entre 2013 et 2014.
Oussama Atar était le cousin des frères Bakraoui ("les opérationnels" qu'il aurait désignés). Oussama Atar se serait marié en Syrie en 2015 et a eu un enfant. Serait mort en 2017.
948SI présente à l'écran un autre djihadiste, haut cadre EI : Obeida Dibo. Sur la photo projetée, énorme barbe, doigt levé vers le ciel, il fait peur. Accusé présumé mort de ce procès Présumé mort en Syrie lors d'un bombardement.
948SI considère que Obeida Dibo a été "facilitateur" pour EI avec falsification de documents (ses cousins étaient considérés comme faussaires). Obeida Dibo aurait aussi "facilité" le passage d'accusés de ce procès
948SI présente plus en détails Omar Darif "qui avait des connaissances en explosifs", son ADN retrouvé dans une planque de Bruxelles, et sur les gilets explosifs de Brahim et Salah Abdeslam
948SI montre une photo de Najim Laachraoui, visage allongé, grosse barbe, il fait un clin d'oeil sur un cliché où il apparaît en habit de combattant. Arrivé en Syrie en 2013. Plusieurs otages occidentaux dont N_Henin l'ont reconnu comme l'un de leurs geôliers.
Selon ces otages, Najim Laachraoui n'aurait pas été le plus violent avec eux. Mais ils l'auraient entendu participer à des séances de tortures avec Mehdi Nemmouche. Laachraoui a transporté les otages avec Oussama Atar (sous les ordres d'Atar) explique 948SI.
948SI : "Najim Laachraoui quitte la Syrie le 21 août 2015 pour rejoindre la cellule en Europe". Ce que développera un autre enquêteur, plus tard, durant le procès
948SI : "Osama Krayem aurait été un membre de la Liwa As Saddiq". Krayem écoute derrière la vitre de son box, longs cheveux, masque chirurgical bleu sur le visage. A l'écran, il apparaît en habit de combat, crâne rasé, grosse barbe.
Osama Krayem est l'accusé né en Malmö en Suède, en 1992. Son nom de combattant était Abou Omar. Osama Krayem était présent lors de l'atroce éxécution par l'EI du pilote jordanien brûlé vif dans une cage en 2015.
La cour va diffuser cette vidéo. Le président prévient que "s'il y a des personnes sensibles, ce sont des images assez difficiles". Des personnes se lèvent et quittent la salle d'audience.
948SI précise que "la vidéo est en langue arabe et anglaise. Dans les trois premières minutes, commentaires par une voix off qui incrimine la Jordanie dans son ensemble"
Puis la capture du pilote, l'exécution, et on ne verra pas "la lente agonie du pilote" annonce 948SI. La vidéo a démarré mais sans son. Le président a suspendu l'audience le temps que soient réglés ces problèmes de son.
L'audience reprend, mais le problème technique n'est pas entièrement résolu. La cour attend une clé USB d'un technicien.
Le président appelle la régie à l'aide et murmure : "le président ne peut pas être aussi technicien, informaticien…" La vidéo semble désormais prête à être lancée.
La vidéo démarre. Elle commence par des images de propagande de Daech. Photos terribles de plusieurs enfants. Ensanglantés ou carbonisés ou intubés. Des flammes en effets spéciaux sur chacune de ces images. Images très dures.
Puis apparaît le pilote jordanien. Vêtu d'un habit orange. Comme les détenus de Guantanamo. Mise en scène de Daech. Le pilote, entouré de combattants armés, regarde autour de lui, on le fait regarder "les dégâts causés par son intervention" dit 948SI : on voit des victimes.
Puis le pilote se retrouve enfermé dans une grande cage noire. Il s'y tient debout. Les yeux levés au ciel. Tout autour, des combattants de Daech, armés. Parmi ceux qui regardent, Osama Krayem, un des accusés de ce Procès, assis dans son box.
Sur le grand écran de la salle d'audience, on voit le combattant muni d'une torche qui enflamme lentement la torche. La torche enflamme le sol. La flamme atteint la cage. Puis le pilote jordanien. Brûlé vif.
948SI a raccourci la vidéo pour ne pas montrer "la lente agonie" du pilote jordanien. On passe des flammes qui avalent son corps. A son corps carbonisé. Puis un engin déverse des gravats. Image d'une main carbonisée sous les gravats. Barbarie au dernier degré.
Puis 948SI présente des photos d'Osama Krayem, hilare, avec d'autres combattants. Krayem qui a rencontré Al-Adnani en personne (qui fut n°2 EI)
958SI : "Krayem participe à la préparation d'explosifs. On le voit en faut à droite. Les bombes créées produites sont des engins pour s'attaquer aux véhicules blindés"
958SI : "Osama Krayem confirmait la préparation d'explosifs. Cette usine près de Raqqa". 948SI lit une déclaration de Krayem : "On utilisait des produits agricoles, on mélange avec du diesel, on laisse tourner, comme dans un moulin"
948SI souligne une conversation entre Krayem et sa soeur : il lui disait "je ne peux pas me marier avant 1 an, si j'avais été dans une autre katiba, j'aurais pu au bout d'une semaine". Seule katiba où pas de mariage immédiat : Liwa As Saddiq.
On le voit s'amuser dans un cours d'eau, plongeant, on le voit aussi allongé, et avec un talkie-walkie.
Puis 948SI montre les photos de deux Irakiens. Deux des trois kamikazes du Stade de France le 13 Novembre
On les voit en habits de combat EI, barbe, treillis. Puis photos identité, cheveux courts, barbe de trois jours. Identité incertaine pour l'un. Ils auraient pu être tous les deux des gardes du corps de Oussama Atar.
La cour a une question sur le recours aux exactions ? 948SI : "banaliser la violence, et un rôle médiatique. EI cherche à asseoir son image de leader du djihad, du combat, et asseoir sa légitimité"
Une assesseuse demande à 948SI s'il sait quelles cibles étaient en premier visées le 13 Novembre : "Paris ? La jeunesse ? Le projet initial" 948SI : "Malheureusement, on n'a pas d'informations sur le projet initial"
Un avocat général a des questions sur Oussama Atar, le commanditaire présumé. Son nom apparaît aussi lié à Al Qaeda ? Oui, dit 948SI sans beaucoup d'éléments supplémentaires.
Un avocat général se demande quand, pourquoi Oussama Atar nommé à la Copex ? 948SI : "son prédécesseur, un Irakien, jugé pas compétent mais pas identifié de manière claire". Problème d'identification fréquents, quand les combattants EI ont la même kounia.
Avocat général : "Oussama Atar en remplacement de Benyoucef ?" -commanditaire présumé
948SI : "pas de preuve que Benyoucef a été émir de la Copex"
L'avocate générale se lève à son tour. Ils sont trois avocats généraux pour l'accusation.
Elle demande si le mois d'août 2015, quand des terroristes du 13 Novembre ont coupé le lien avec leurs familles, fait leurs adieux par téléphone, a pu correspondre avec le début de l'entraînement intensif ? Possible, dit 948SI.
Au moment de leurs adieux, des terroristes du 13 Novembre avaient parlé à leurs familles d'opérations suicides à Mossoul. L'avocate générale se demande si ce n'était pas une feinte.
Question d'un avocat de parties civiles, Me Rivière : "Est-ce que le 13 Novembre considéré comme une réussite par EI ?" 948SI confirme l'évidence, "vu la renommée de ces attentats dans le monde entier"
Une avocate de Osama Krayem prend la parole pour dire que son client n'appartenait pas forcément à la Liwa As Saddiq, elle dit que la tenue qu'il avait ne correspondait pas. 948SI : "Les membres sur la vidéo du pilote jordanien sont les membres de la Liwa As Saddiq"
Enquêteur 2 : matricule 1310SI
L'audience reprend avec un autre enquêteur DGSI 1310SI. Une voix de femme s'élève : "Bonsoir, monsieur le président, vous m'entendez bien ?" C'est donc une enquêtrice. Elle aussi est une vague ombre sur écran blanc.
1310SI va présenter à la cour le parcours d'Abdelhamid Abaaoud, considéré comme coordinateur des attentats du 13 Novembre, et il a fait partie du commando des terrasses. Il a été tué le 18 novembre 2015 dans l'assaut du RAID à St Denis.
1310SI : "Il faut avoir à l'esprit qu'Abaaoud a fait un 1er séjour en Syrie en 2013. Puis retour par la Belgique en passant par le Maroc. Puis retour en Syrie en 2014. Le 16 janvier 2014, contacté par téléphone par Mehdi Nemmouche (qui revient en Europe commettre un attentat)
1310SI : "Abaaoud a fait partie de la brigade Al Muhajirin", basée dans la région d'Alep en 2013. Katiba composée de plusieurs groupes dont une vingtaine de combattants francophones.
1310SI : "Dans cette katiba, il a fréquenté Najim Laachraoui. Ils s'installent dans des demeures luxueuses", à Hreytan. Le groupe franco-belge s'est attribué la Beyt al Muhajirin
Abdelhamid Abaaoud et Tyler Vilus étaient très proches, dit 1310SI. Vilus, djihadiste condamné par une cour d'assises française ; sa mère Christine Rivière a aussi été condamnée par un tribunal pour avoir rejoint son fils en Syrie.
1310SI présente une photo extraite du téléphone d'Abaaoud. On le voit avec son chapeau afghan. Et avec Souleymane Abrini, petit frère de Mohamed Abrini (accusé de ce procès). Le petit frère est mort en Syrie.
1310SI : "J'en viens à la tristement célèbre vidéo d'Abaaoud dans son pick-up. Elle dure 2 minutes 46. Abaaoud au volant d'un pick up. Il plaisante au sujet des remorques tractées avant pour partir en vacances. "Avant, on tractait des jets-skis", blague-t-il. Là, 8 corps tractés"
1310SI diffuse la vidéo. Abaaoud, doigt levé vers le ciel, comme le font les djihadistes. Abaaoud est au volant d'un pick-up bleu, hilare. "Avant, on tractait des jets-skis, des quads, des motocross, maintenant, des kouffars", des mécréants pour EI
Et on voit à l'image huit corps entremêlés, entassés les uns sur les autres, ficelés sur un bout de bois tracté par le pick-up, certains corps sont ensanglantés ou en état de putréfaction. "Ça pue mon frère ! Ça schlingue !" crie un homme rigolard à l'arrière du 4/4. Barbarie.
Un homme crie "Allah Akbar ! Ça pue ! Vas-y, vas-y, continue ! La tombe elle se trouve à 50m normalement !" Abaaoud continue à tracter les corps, au milieu d'un champ de terre. Les corps se détachent. Abaaoud, cruel, rit.
1310SI explique que Abaaoud avait des projets d'attentats dès 2014. Confidence d'un revenant de Syrie, Nicolas Moreau, qui l'avait entendu dans son restaurant à Raqqa.
1310SI : décembre 2014, Abaaoud traverse la mer Egée. Bloqué en Grèce. 15 janvier 2015, opération antiterroriste à Verviers en Belgique. Abaaoud échappe aux policiers grecs qui voulaient l'interpeller aussi.
Deux jours plus tard, on découvre dans une perquisition à Athènes un de ses téléphones. Dans un téléphone d'Abaaoud, des croquis de l'aéroport de Zaventem (qui sera frappé le 22 mars 2016)
1310SI : "2015, Abaaoud monte en grade, consécration médiatique, le 26 janvier 2015 le porte-parole EI a adoubé le projet des "martyrs de Belgique" et en février, Abaaoud interviewé en pleine page dans Dabiq, itw de Abu Omar Al Belgiki. "Popularité croissante"
1310SI : "J'en viens à la menace projetée par Abdelhmid Abaaoud. D'autres projets après Verviers"
1310SI explique que Abaaoud avait été sélectionné pour des attentats projetés en Europe. Lui-même sélectionnait des candidats.
1310SI explique que Abaaoud entraînait des candidats au maniement des armes.
Et 1310 cite des candidats. Dont Reda Hame qui a dévoilé aux enquêteurs français à l'été 2015 que Abaaoud lui avait proposé de s'attaquer à une salle de rock pour faire changer la politique. Hame a assuré que Abaaoud lui avait mis une kalachnikov entre les mains en Syrie.
Abaaoud l'a aussi entraîné à une arme de poing et une grenade. Hame a été blessé par cette grenade, soigné à Raqqa. Abaaoud lui disait "qu'avec un chargeur on pouvait tuer jusqu'à 90 personnes". Et il lui a dit d'attendre les forces de l'ordre et déclencher son gilet.
Hame a raconté tout ça aux enquêteurs. En précisant que Abaaoud était une personne "très dangereuse" dit 1310SI.
1310SI évoque aussi l'auteur de l'attentat du Thalys. "Comme Reda Hame, il devait rejoindre un numéro belge une fois en Europe" Comme Hame, Ayoub El Khazzani a été entraîné par Abaaoud.
Et l'audience s'achève pour ce soir.
Jour 46 - Vendredi 19 novembre – Suite des auditions des enquêteurs de la DGSI et des enquêteurs belges sur les parcours des trois terroristes du commando du Bataclan, notamment
Bonjour à tous, 46e jour d'audience au procès des attentats du 13 novembre
L'audience du jour ne débutera pas avant 14h30 en raison ce matin d'un débat en chambre du conseil (c'est-à-dire dans les accusés, parties civiles, presse, public) sur la question de l'anonymisation réclamée par les enquêteurs belges qui doivent être entendus la semaine prochaine
Au programme aujourd'hui, la suite des auditions des enquêteurs de la DGSI avec les parcours des trois terroristes du commando du Bataclan, notamment.
L'audience reprend. A noter qu'à l'issue du débat en chambre du conseil ce matin, la cour a décidé que les enquêteurs belges pourraient être entendus de manière anonyme, par visioconférence, mais à visage découvert (contrairement aux enquêteurs de la DGSI ces jours-ci).
Enquêteur 1 : matricule 209SI
Le premier enquêteur de la DGSI témoigne sous le matricule 209SI. Il explique travailler sur la matière djihadiste depuis 2001. A l'écran, s'affiche la première page du Power Point qu'il a préparée : "Samy Amimour et Ismaël Mostefai : profils et parcours".
Enquêteur 209SI : "on vous a dit qu'on s'attendait à être frappés, ce qui était vrai. Mais, passée la sidération du 13 novembre on a travaillé beaucoup en action. Et quand est arrivée l'identité des membres du commandos du Bataclan, est apparu un axe prioritaire."
Enquêteur 209SI : "Samy Amimour était né le 15 octobre 1987 à Paris. Il a deux sœurs. Pour comprendre sa personnalité, on s'est basé sur deux sources d'informations : les garde à vue des membres de sa famille et la documentation (fichiers police, base de données DGSI)."
209SI : "sa sœur aînée nous parle de [Samy Amimour] qui a un intérêt pour la religion dès le collège, via internet. Elle précise que c'est sa seule fenêtre sur le monde. Et pour leurs parents, Internet est surtout un moyen de s'assurer qu'il ne sorte pas trop".
Enquêteur 209SI : "mais sa sœur ne remarque pas de différence et elle continue à parler avec lui de Louis de Funès, de leurs références communes etc. Donc il y a un décalage avec sa radicalisation".
Enquêteur 209SI : "sa sœur cadette qui vivait encore avec lui à la maison décrit plutôt un frère certes réservé, mais aussi impulsif. Elle explique qu'il pouvait traiter leur mère de mécréante. Il fréquentait les mosquées du Blanc Mesnil et du Bourget".
Enquêteur 209SI : "son père Azzédine Amimour décrit lui aussi un fils introverti, toujours sur Internet et sans interaction avec sa famille. Il va aller jusqu'à jeter les bouteilles d'alcool à la poubelle et décrocher les décorations de papyrus égyptien."
Enquêteur 209SI : "la mère de Samy Amimour décrit aussi un fils renfermé, fragile, ayant du mal à communiquer. Elle avait le sentiment qu'il pouvait servir de bouc émissaire à l'école, un peu brimé. Ce qui ne l'empêchera pas d'avoir son bac L et de tenter la fac de Droit. "
Enquêteur 209SI : "Samy Amimour, dès septembre 2012, commence à vider progressivement ses comptes courants. Et en août 2013, il confie une procuration à Rachid El Fakir qui fera lui aussi des retraits d'espèce."
Enquêteur 209SI : "en avril 2013, il verse 21 285 euros qui servent à financer l'achat d'un appartement. Il sera revendu 30 000 euros en septembre 2013."
Enquêteur 209SI : "Samy Amimour était impliqué dans une affaire de 2012 de tentative de départ vers une terre de djihad, en Somalie et faisait l'objet dans ce cadre d'un contrôle judiciaire."
Enquêteur 209SI : "en audition, Samy Amimour reconnaît avoir eu pour projet de rejoindre une terre de djihad avec deux amis, il hésitait entre l'Afghanistan ou le Yémen. Mais expliquait avoir renoncé pour éviter de mauvaises retombées sur sa famille."
Enquêteur 209SI : " on découvrait aussi que Samy Amimour était un admirateur d'Oussama Ben Laden, dont il visionnait les vidéos et qu'il aimait parce que selon lui il était le seul a avoir réussi à faire plier l'Amérique."
Enquêteur 209SI : "c'est en constatant que son contrôle judiciaire n'était plus respecté à partir de septembre 2013 qu'on comprenait qu'il avait quitté la France. On apprenait également qu'un certain Ismaël Mostefai était avec lui."
Enquêteur 209SI : "sur zone, Samy Amimour a joué un double rôle. Il a été un combattant de l'Etat islamique, mais aussi un recruteur de l'Etat islamique. Nous avons sa fiche d'enrôlement et un registre sur lequel il est mentionné : décédé comme kamikaze en laissant une veuve".
Enquêteur 209SI : " on va se rendre compte que sa sœur Maya va servir d'intermédiaire pour faire venir des femmes en Syrie. Samy Amimour tentera de faire venir à lui deux jeunes femmes : Kahina et Marion. Kahina partait à l'âge de 17 ans."
Enquêteur 209SI : "On a auditionné une amie de Kahina, grâce à qui on apprenait de Kahina vivait avec Samy Amimour, qu'elle était enceinte. Elle avait montré à son amie une kalachnikov et une ceinture explosive."
L'enquêteur 209SI passe au parcours d'Ismaël Mostefai : il a plusieurs frères et soeurs et est marié à une certaine Kadidja ; Ce qui nous a frappé c'est l'environnement religieux plus dense autour d'Ismaël Omar Mostefai".
Enquêteur 209SI : "on nous parle d'un individu gentil, calme, mais qui sur les questions religieuses pouvait se montrer violent avec ses proches. Mais son père ne voit pas de signe de radicalité. Pour lui, son fils pratique un islam modéré."
Enquêteur 209SI : "mais on est quand même sur une famille qui semble pratiquer un islam rigoriste ; Pendant les repas, hommes et femmes étaient par exemple séparés. "
Enquêteur 209SI : "toute la famille garde le secret du départ en Syrie d'Ismaël Mosfefai, ne prévient pas la police. Elle va même aider matériellement Khadidja à rejoindre son fils en l'accompagnant à l'aéroport."
Enquêteur 209SI : "un ami évoque un changement de comportement d'Ismaël Mostefai dès 2010 et la fréquentation d'un certain Rachid à Chartres. Son environnement religieux se regroupe autour de deux mosquées."
Enquêteur 209SI : "entre Samy Amimour l'autodidacte à travers internet et Ismaël Mostefaï qui baigne dans un environnement religieux assez fondamentaliste, on a deux parcours assez différents. Ils ne se connaissent pas avant leur départ en Syrie."
Enquêteur 209SI : "Ismaël Mostefai était bien combattant. Et plusieurs éléments laissent à penser qu'il avait une position de chef." L'enquêteur fait projeter la photo d'une réunion entre djihadistes français sur laquelle Mostefai, est présenté comme le chef des Français."
Enquêteur 209SI : "on a essayé de comprendre pourquoi le trio du Bataclan est constitué. Pourquoi eux et pas d'autres ? La paire Amimour et Mostefai est constituée depuis le début, ils passent le poste frontière ensemble et ne se quitteront plus."
Enquêteur 209SI : "c'est sans doute dans la ville de Shaddadi que Foued Mohamed-Aggad rencontre le duo Amimour-Mostefai. C'est le lieu potentiel d'une réunion où se sont préparés les attentats [du 13 novembre ndlr]. On a la constitution opérationnelle du trio [du Bataclan ndlr]"
L'enquêteur 209SI évoque le "pacte de sang" que constitue une vidéo de propagande sur laquelle Foued Mohamad-Aggad, Ismaël Mostefaï et Samy Amimour apparaissent en train de procéder à des décapitations d'otages. "Cette vidéo, on a fait le choix de ne pas la diffuser
Enquêteur 209SI : "le 23 août à 20h39, Foued Mohamed-Aggad adresse un message d'adieu à son frère Karim. Le trio va rejoindre l'Europe fin août 2015, en utilisant la route migratoire. On suppose un passage en Macédoine. Finalement, on retrouve trace du trio en Hongrie."
Enquêteur 209SI : "On peut situer l'arrivée du trio à Budapest dans la nuit du 9 au 10 septembre. Le 16 septembre, un individu adresse via Western Union une somme de 1000 euros à Ismaël Mostefai. C'est la dernière trace que l'on a avant le retour en Belgique."
Assesseure : "selon vous la famille de Samy Amimour avait une connaissance de ses activités en Syrie ?" Enquêteur 209SI : "ils savaient qu'il était blessé, que ce n'était pas un accident du travail. Mais une blessure au combat au tibia."
Camille Henetier (AG) revient sur le virement de 3000 euros effectué par la famille de la femme de Samy Amimour juste avant le départ de ce dernier pour l'Europe. Enquêteur 209SI : "on peut imaginer que c'était de l'argent pour la femme qui allait rester sur zone."
L'enquêteur 209SI revient sur ce qu'il a appelé "le pacte de sang" des futurs membres des commandos du 13 novembre : "quand on est prêt à couper la tête d'un individu désarmé, c'est qu'il n'y a plus de retour en arrière possible, on est prêt à faire tout ce qu'on nous demande".
Me Chemla (PC) s'étonne que Samy Amimour, alors qu'il faisait l'objet d'une surveillance en 2012, s'entraînait au club de tir de la police nationale. Enquêteur 209SI : "c'était compliqué d'interdire l'accès à un membre sans dévoiler le fait qu'il était sous surveillance".
Il est question de Kahina, jeune femme qui a épousé Samy Amimour en Syrie à 17 ans. Enquêteur 209SI : "elle était très fière de son mari kamikaze" Me Chemla : "on a de ses nouvelles ?" - elle serait dans un camp en Syrie. - ces camps dont on sort moyennant 7000 dollars ..."
Ce moment où Me Kempf (défense), demande à l'enquêteur en visioconférence derrière une vitre opaque, s'il voit les dessinateurs à l'audience (dont ValPSQR) : "je me demande comment ils vont vous représenter …" L'enquêteur 209SI ironique : "j'ai un très beau profil"
Fin de l'audition du premier enquêteur de la DGSI. L'audience est suspendue avant l'audition suivante.
L'audience reprend avec l'audition du deuxième enquêteur de la DGSI, en l'occurrence une enquêtrice 020SI, "officier de police judiciaire depuis de nombreuses années à la DGSI", qui tient "à exprimer [s]a plus profonde compassion à l'ensemble des victimes".
Petit point vocabulaire en passant. Alors que les avocats ou magistrats de cette audience ont tendance à parler de la "zone irako-syrienne" rejointe par les djihadistes, les enquêteurs de la DGSI, eux, préfèrent la qualification de "zone syro-irakienne".
Après Samy Amimour et Ismaël Mostefai, l'enquêtrice 020SI évoque dans son audition le parcours de Foued Mohamed-Aggad, troisième membre du commando du Bataclan. " Il est né le 18 septembre 1992 à Strasbourg, issu d'une fratrie de quatre enfants, de nationalité française."
Enquêtrice 020SI : "Foued Mohamed-Aggad est un musulman non-pratiquant jusqu'à l'été 2013 et sa rencontre avec Mourad Farès". Sa femme "décrit un changement d'attitude : il devient de plus en plus haineux, violent avec elle".
Enquêtrice 020SI : "Foued Mohamed-Aggad va devenir de plus en plus intransigeant. Mourad Fares a participé activement à la radicalisation de Foued Mohamed-Aggad et de l'ensemble du groupe de Strasbourg."
L'enquêtrice 020SI fait projeter à l'audience la fiche d'enrôlement de Foued Mohamed-Aggad dans l'Etat islamique. Outre sa date de naissance, nom, sa date d'arrivée "qui correspond dans notre calendrier au 19 décembre 2013", "il est enregistré comme combattant".
Enquêtrice 020SI : "Foued Mohamed-Aggad envoie beaucoup de photos à ses proches en France. Donc on a énormément de photos de lui en armes. Il envoie aussi un message à l'un de ses proches qui dit : "bientôt, vous allez connaître l'invraisemblable".
L'enquêtrice 020SI évoque aussi le message d'un proche de Foued Mohamed-Aggad selon lequel celui-ci "veut faire dogma. C'est-à-dire qu'il souhaite commettre un attentat suicide".
Enquêtrice 020SI : "Foued Mohamed-Aggad va essayer de faire venir des jeunes filles sur la zone syro-irakienne." Son ex-petite amie tout d'abord, puis une autre jeune fille qui semble plus encline à venir le rejoindre. "Il lui dit qu'il s'entraîne, combat, nettoie des villes"
Enquêtrice 020SI : "ça marche puisqu'en avril 2014 la jeune fille le rejoint en Syrie." Plus tôt dans sa présentation, l'enquêtrice nous a précisé qu'une fille était née de leur union. Et que la jeune femme comme l'enfant étaient présumées mortes depuis.
Enquêtrice 020SI : "en 2015, Foued Mohamed-Aggad n'est plus un simple combattant de l'Etat islamique. En août 2014, il est nommé émir d'un groupe de 300 combattants. Il discute avec sa mère et dit que s'il rentre en France "ce sera pour faire un sale truc"."
Enquêteur 020SI : "Foued Mohamed-Aggad a fréquenté des groupes d'élites et opérationnels. Avant de quitter la zone syro-irakienne, les membres des commandos vont tourner des vidéos testamentaires. Foued y tient les propos : "on fera couler le sang". Il égorge ensuite sa victime"
L'enquêteur 020SI explique que Foued Mohamed-Aggad évoque la perspective d'une opération suivie avec son frère Karim, incarcéré en France. "Karim lui demande si l'opération a lieu en Syrie ou en Irak. Foued Mohamed-Aggad lui répond :"ou pas"."
Enquêteur 020SI : "Foued Mohamed-Aggad a toujours tenu sa famille au courant et n'a jamais caché son dessein qui était de mourir en kamikaze."
Sur le cloisonnement des informations, l'enquêtrice 020SI : "vue l'ampleur du projet, ceux qui ont organisé cette opération ont dû prendre le maximum de précaution. Sinon, le risque de fuite est énorme. Donc on a dit aux commandos : "vous ne donnez plus de nouvelles à personne"."
L'enquêtrice 020SI s'apprête à aborder maintenant la deuxième partie de son témoignage, consacrée aux frères Clain. "Vous avez évalué à combien de temps votre présentation » ? s'enquiert le président. "Je pense une bonne heure de présentation ..." Flottement dans la salle.
Le président se plonge dans le planning. "On peut peut-être envisager de reporter …" tente le président à la vue de l'heure tardive. La deuxième partie du témoignage de l'enquêtrice est reporté à mercredi 24 novembre. Fin donc de l'audience pour aujourd'hui.
"Bah je vois que tout le monde s'en va", plaisante le président devant la levée massive des robes noires. "L'audience est suspendue, elle reprendra mardi à 12h30". Rappelons au passage qu'il n'y a plus d'audience les lundis désormais.