Procès des attentats du 13 novembre 2015 - Le Live Tweet - Semaine TRENTE CINQ
Retrouvez sur cette page tous les tweets du procès issus des Live tweets de @ChPiret Charlotte Piret et @sophparm Sophie Parmentier ; elles suivent ce procès pour France Inter et nous ont donné l'autorisation de compiler leurs tweets dans un objectif de consultation et archivage.
Semaine TRENTE CINQ
Jour 129 – Lundi 30 mai – Suite des plaidoiries de parties civiles
Jour 129 au procès des attentats du 13 Novembre Toute cette semaine, des avocats de parties civiles continuent leurs plaidoiries. LT @franceinter sur ce fil aujourd'hui.
Le reportage radio que vous pourrez écouter dimanche 5 juin sur @franceinter dans l'émission #nterception raconte 9 mois de ce procès les bancs, à travers des confidences de victimes et de robes noires. Ils m'ont confié au micro comment ce procès les a changés.
La cour arrive. Deux phrases du président Périès. Juste le temps d'annoncer que l'accusé Usman refusait de comparaître, pour la 1ère fois depuis 9 mois. Audience suspendue le temps qu'on lui envoie l'huissier pour les sommations d'usage.
Et le président Périès revient et l'audience reprend enfin : "Bien, Monsieur Usman refuse de comparaître pour des raisons médicales, on va faire le nécessaire". Le magistrat en robe rouge n'en dit pas plus.
Et les plaidoiries des parties civiles reprennent. Me Petit s'avance à la barre. Fait projeter sur grand écran une photo de Fabien S. mort au Bataclan à 51 ans. "Son petit-fils n'aura pas la chance de connaître celui qui aurait été un formidable grand-père".
Me Bayssières s'approche de la barre pour la maman d'Hugo Sarrade, son "enfant chéri" assassiné au Bataclan, à l'âge de 23 ans.
"Tout démarrait alors pour lui. Après son enfance, période durant laquelle il a été choyé. Hugo avait une certaine bienveillance, une grande tolérance, un immense respect pour toute personne"
"Merci à toi Hugo pour ta bienveillance ici-bas. Que justice soit faite", conclut l'avocate de la maman d'Hugo Sarrade. Une autre prend la parole à son tour pour le portrait d'Hugo : "discret, il avait plusieurs passions dans la vie, la BD et la musique"
Les avocates parlent de la passion d'Hugo pour la culture manga, un tatouage qu'il s'était fait faire au Japon. Sa passion du rock aussi, de Daft Punk à EODM Et son amour pour "son petit frère de deux ans"
Et pour son père Stéphane Sarrade, qui était venu dire sa peine à cette barre.
Une avocate s'approche pour Raphaël, mort au Carillon. Elle fait projeter une photo. Sa famille en Allemagne demande juste à l'audience de faire un instant de silence. Silence, dans la grande salle d'audience.
L'avocate de Nicolas Classeau, mort au Bataclan lit un poème de Paul Eluard : "La nuit n’est jamais complète Il y a toujours un rêve qui veille Une vie : la vie à se partager La nuit n’est jamais complète" répète l'avocate
L'avocate de Baptiste Chevreau : "Baptiste avait 24 ans, une amoureuse, sa vie s’annonçait remplie, il a été fauché en plein vol". Il reste "le kiosque à Baptiste, ce monument construit pour lui".
L'avocate poursuit : "Baptiste, c’était une guitare et un sourire. Ce sourire nous y pensons tous les jours, il fait partie de nous pour toujours"
Un avocat parle de Nicolas, assassiné à La Bonne Bière, à 32 ans. Une photo de lui est projetée, une petite fille sur les épaules. Son enfant, de 7 ans. L'avocat, pour Nicolas, regrette "une mort absurde qui nous met en colère, on ne pourra jamais l’accepter "
Un avocat plaide pour Fanny, 29 ans : "décédée au Bataclan sous les balles. Sa maman est décédée au cours de cette audience, en avril". Silence dans la salle d'audience.
Les avocats se succèdent pour parler de Thomas, Justine, Assa, Emmanuel ou Michelli. L'avocat de Michelli projette une photo de la jeune mexicaine qui aimait tant Paris. Michelli a un magnifique sourire, dans un champ de blé.
L'avocat qui demande aux accusés : "Gardez vos têtes baissées" pour ne pas "souiller" ce sourire, de Michelli.
Un avocat projette une photo d'Emmanuel, souriant. Rappelle les mots d'Aurore, sa femme venue à la barre à l'automne : "pendant 30 ans, on a été heureux". Ils avaient deux enfants, Wilfried et Agathe. Wilfried était avec son père au Bataclan
Wilfried avait réussi à sortir de la salle, couvert de sang, avant d'apprendre la mort de son père
Les avocats rendent hommage à Maxime Bouffard, Alban Denuit, Pierre-Yves Guyomard, mort sous les yeux de sa femme Anne, qui elle-même a été assassinée au Bataclan
Une avocate, pour la famille de Guillaume Barreau-Decherf, assassiné à 43 ans, au Bataclan. Il était "un éternel insouciant, un fin gastronome, un ami serviable curieux de tout et de tous, une encyclopédie du rock, il produisait des articles de rock brillant".
L'avocate parle de Guillaume Barreau-Decherf, ses boucles d'oreilles légendaires, et toutes ces nuits passées à écumer les salles de concert pour ses articles de rock, pour de très grands journaux.
Et l'avocate parle du fond d'écran de l'ordinateur de Guillaume : "la photo de Séraphine, 4 ans et demi, Salomé, 7 ans, et Carine, sa compagne adorée depuis les bancs de l’école de journalisme" @ESJLille
L'avocate rappelle que Guillaume Barreau-Decherf avait échappé à plusieurs attentats. "En 1995, il était sorti à St-Michel de la rame qui précédait la bombe. Le 7 janvier 2015, il était passé près de @Charlie_Hebdo_
Il était porte de Vincennes deux jours plus tard"...
"Guillaume était né un 8 mai, jour de paix. Il partirait un 13 Novembre, jour de pénombre."
L'avocate parle de la "lumière" du 13 Novembre, incarnée par William, le riverain qui a épongé le sang de Guillaume passage St-Pierre-Amelot, devant l'une des sorties de secours du Bataclan
L'avocate conclut avec les mots de Salomé, 13 ans, dans l'une de ses rédactions. Le souvenir de ce samedi où sa mère lui a dit dans les yeux : "il y a eu un attentat au concert de papa" puis "papa est mort".
Salomé qui implore : "trouvons la force de nous unir et de vaincre l’obscurantisme dans notre pays au moins"
Ainsi s'achève la plaidoirie pour Guillaume Barreau-Decherf
Moi aussi, je me souviens de Guillaume, son sourire, ses boucles d'oreilles, et son manteau rock, déjà, dans la cour de @ESJLille #73e Bien avant le 13 Novembre 2015
Arrivent des avocats qui plaident sur "la liberté de haïr ou de ne pas haïr". L'un lit le texte bouleversant qu'avait écrit Antoine Leiris après le 13 Novembre, après avoir appris la mort de l'amour de sa vie au Bataclan, Hélène Muyal-Leiris : "Vous n'aurez pas ma haine".
"Vous n'aurez pas ma haine". Ces mots d'Antoine Leiris, juste après le 13 Novembre 2015, sur les réseaux sociaux, avait bouleversé des millions de lecteurs. Ce texte, devenu un livre, reste à ce procès d'une force incroyable.
Ce texte "Vous n'aurez pas ma haine", Antoine Leiris, l'avait écrit alors qu'il venait de devenir veuf, à 34 ans, perdant en une nuit d'horreur, l'amour de sa vie, Hélène Muyal-Leiris, mère de leur petit garçon qui n'avait alors que 17 mois, Melvil.
L'avocat a des trémolos dans la voix quand il parle d'Antoine Leiris qui marche seul dans sa nouvelle vie en tenant la main de son fils Melvil. Antoine Leiris qui vient discrètement à ce procès, n'a pas témoigné à la barre dans cette salle d'audience.
Antoine Leiris qui avait déjà tout écrit dans ce texte si fort, "Vous n'aurez pas ma haine", écrit comme une plaidoirie, plaide aujourd'hui son avocat qui répète, six ans après les attaques : "Vous n’aurez la haine de personne".
L'avocat qui lit à haute voix les mots, les mots qu'Antoine Leiris "offre à Hélène. A Melvil qui les écoutera". "Pour que la haine ne passe pas dans le moindre interstice de douleur. Ces mots qui servent tous les jours aux vivants".
Les mots d'Antoine Leiris : "Hélène était multiple et une seule voix ne suffirait pas pour la raconter Une amie sincère, fidèle, une fille indépendante, aventurière, une soeur qui ne se défilait pas"...
Les mots d'Antoine Leiris pour sa femme Helène : "Une mère si belle si tendre dont les baisers guérissent les chagrins. Un amour vivant. Il faudrait toutes ces voix pour la raconter..."
Hélène Muyal-Leiris, écrit Antoine Leiris "a laissé derrière elle malgré les accusés, une lumière : la lune son 2e prénom, qui éclaire". La lune, "un astre, la dernière lumière avant de voir le jour".
Et je reviens ici un peu en arrière dans le LT. Pour remettre ces quelques tweets qui ne se sont pas affichés correctement. Quand sur le grand écran, la salle d'audience, la cour a vu et entendu Lamia, Lamia Mondeguer, 30 ans, assassinée à La Belle Equipe.
Lamia Mondeguer, magnifique jeune fille qui était inscrite dans une école de cinéma. Clap de début, on la voit et on l'entend se présenter à l'écran. Sourire. Humour. On la voit faire du rap. Retour à la présentation. Ça coupe, brutalement. Comme sa vie, arrachée.
Me Frédérique Giffard arrive à la barre, et se met à plaider sur l'amour, voix émue. "Viens, suis-moi, je te tiens. Ferme les yeux, regarde pas, surtout regarde pas. T’inquiète pas tu vas t’en sortir. Et une heure avant : je t'aime, des tonnes de je t'aime."
"Je t'aime. Tu es la femme de ma vie. Tu es l'homme de ma vie. Il y avait des tas d'amoureux" ce 13 Novembre rappelle Me Giffard. Elle en cite plusieurs. "Lamia et Romain, Priscilla et Manu, Thierry et Marie- Aimée sont morts ensemble". D'autres ont été séparés par la mort.
Me Giffard : "Parfois, celui qui est mort a protégé celui qui est vivant, d'autres ont survécu ensemble". Et l'avocate rappelle que parmi ces amoureux, il y avait des couples mariés, remariés, des homosexuels, un homme qui aimait sa collègue en secret..."
Me Giffard : "Il y avait des amours secrètes, des premiers rendez-vous, des mariages prévus, des remariages prévus, on attendait des enfants…"
Me Giffard plaide de manière sensible et émouvante. Elle plaide pour les survivants, "le préjudice sexuel, comment on s'autorise un peu de plaisir quand on s'en veut déjà d'être vivant, les amoureux ont fait ce qu'ils ont pu avec leurs séquelles".
Me Giffard : "Il y a eu beaucoup d’enfants. Et puis il y a eu des rencontres. Les victimes ont choisi parfois quelqu’un de neuf, qui ne sait rien de tout ça et qui accepte de vous prendre sans tout savoir, sans tout comprendre".
Me Giffard : "Il y a eu des rencontres entre survivants, entre survivants et endeuillés. Et même des rencontres un peu interdites avec des soignants ou des pompiers qui ont repris contact avec ceux qu’ils ont soignés".
Me Giffard : "De l’autre côté de la barre, il n’y a pas eu beaucoup d’amour. Pour ceux qui, comme moi, sont venus pendant neuf mois en cherchant à comprendre, cette histoire de paradis reste une énigme".
Me Giffard parle de l'énigme de ces 72 vierges promises au paradis pour les candidats aux attentats-suicides, dans la propagande de Daech Me Giffard : "Ces 72 vierges, jeunes femmes prépubères, déjà le chiffre, je bloque un peu".
Me Giffard : "Comment on peut inciter des jeunes hommes à tuer des personnes en évoquant un fantasme avec de très jeunes filles ?"
Me Giffard : "Comment envoyer autant de jeunes hommes pour une mort aussi atroce et aussi grotesque ?" Et elle évoque Samy Amimour "parti en confettis". Avant les confettis, "c'était la fête, aujourd'hui, c'est le dernier état d’un homme de 28 ans"
Me Giffard : "Brahim Abdeslam a été accueilli par un couple gay dans un nuage de plumes de sa doudoune et dans d’atroces souffrance, parce qu'il s’est fait à moitié sauter et quelqu'un qui n'a pas compris son projet tente de le réanimer".
Me Giffard : "Foued Mohammed-Aggad, il ne reste que la partie inférieure de son corps, dénudé par le souffle de l'explosion".
L'avocate se tourne vers les accusés. "Le plus difficile, messieurs les accusés, est que vous n'ayez jamais montré votre distance avec tout ça"
Me Giffard : "Je parle de ce qu’on promet aux hommes : les humilier, leur fournir des fantasmes sexuels absolument misérables et les envoyer à une mort atroce".
Me Giffard : "Pour en sortir le plus indemne de ce procès, il faudra accepter cette part insondable de la haine du 13 Novembre et de se lover dans les mystères de l’amour. Mysteries of love when war is no more"
Après la brillante plaidoirie de Me Frédérique Giffard, d'autres avocats se succèdent. L'un plaide sur la mémoire, mémoire individuelle et collective, et cite les précieux travaux de @DenisPeschanski et de Francis Eustache.
Me Maugendre plaide ensuite sur la liberté de créer. Et cite @Baboobabounettesurvivante du #13Novembre, qui sur un banc des victimes s'est mise à créer à ce procès. Chaque jour désormais, elle dessine des planches formidables, création et rigueur mêlées pour raconter l'audience.
@Baboobabounette a rebaptisé le président Jean-Louis Périès "Loulou", et à la barre, dans sa plaidoirie, Me Maugendre cite "Loulou". Le président de la cour, qui ne manque pourtant pas d'humour, semble impassible dans sa robe rouge à col d'hermine.
Me Maugendre plaide que "aucun djihad ne peut effacer nos dessins, ne peut taire notre musique, la création est plus éternelle que tous les Dieux réunis"
Me Maugendre : "La création n’est pas une résistance au mal qui a été fait, la création est une résistance à la répression à l’oppression, à toutes les répressions" #13Novembre
Me Maugendre qui termine sa plaidoirie par un "big up à @Baboobabounette " Tellement mérité.
L'audience reprend avec la plaidoirie de Me @HChristidis gorge à demi-nouée dès les 1ers mots : "2 syllabes, que 69 enfants ne prononceront plus jamais. 47 ne diront plus jamais Papa. 20 ne diront plus jamais Maman. Et 2 ne diront plus jamais ni Maman, ni Papa".
Me @HChristidis prononce des prénoms d'enfants, 69 orphelins du 13 Novembre : Iris, Hector, Mathilde, Emilie, Micha, Tamia, Kevin, Sami, Elsa et les autres. Et aussi Gary. Et sa petite soeur Thelma, qui est née après les attaques.
Me @HChristidis parle aussi de Gabriel, qui était lui aussi dans le ventre dans sa mère le soir du 13 Novembre Elle a cru perdre son enfant au Bataclan Elle a envoyé ce message à son chéri : "je t'aime"
Me @HChristidis: "finis les anniversaires, les bougies, les instants d'amour, les fêtes des mères, des pères". L'avocate dit la difficulté de "se souvenir de l'odeur d'un père, de la chaleur d'une mère, se souvenir de sa voix, de leur voix".
"Et puis, comme Gary, faire la liste de toutes les choses qu'il ne fera plus jamais avec son papa" dit l'avocate. La maman de Gary avait confié la douleur de son fils au micro de
@ChPiret dans un reportage @franceinter que vous pouvez réécouter ici
Me @HChristidis: "Etre enfant victime du terrorisme, c’est un mois et demi sans câlin de ce père qui a peur de la mort. C’est faire des dessins de ses parents avec des visages tristes et apeurés, plein de stupeur".
Me @HChristidis: "C’est imaginer mettre du miel dans les cheveux du méchants parce que ça colle. C’est Charlie et cette question quotidienne : tu rentres bien ce soir papa ? "
Me @HChristidis: "C’est dormir dans le lit parental à cette place vide et alterner avec son frère ou sa soeur. C’est être avec des copains qui ne comprennent rien. Qui ne comprennent pas que ce deuil puisse être pathologique".
Me @HChristidis: "C’est entendre cette petite remarque : ça fait 6 mois maintenant que ton père est mort, tu peux arrêter de faire la tête ? C’est si destructeur que certains, à ce si jeune âge, sont déjà sous anxiolytiques".
Me @HChristidis: "Messieurs les accusés, vous avez contribué à ces tueries de masse. 69 orphelins et des centaines d’enfants de survivants, marqués à vie, devenus hélas adultes bien trop tôt".
Me @HChristidis: "Etre enfant victime de terrorisme, c’est aussi être sur place. Comme Eliot qui va à son premier concert avec ses deux frères et ne rentrera à la maison qu’avec un seul".
Me @HChristidis: "Ce sont aussi tous ces enfants dans les camps de l’EI. Ce petit Fabien décrit par Rachid Benzine dans "Voyage au bout de l'enfance" : n’être plus Fabien devenir Farid"
Me @HChristidis: "Ce sont aussi Zaineb, Assia, Oussama, enfants des accusés. Oui, messieurs les accusés, vos enfants n’ont pas demandé à naître dans ce monde. Dans ce monde que vous avez choisi. Que vous avez empli de terreur".
Me @HChristidis: "Vous avez raison, monsieur Bakkali, face à un enfant, on n’a pas le droit au silence. Cet enfant comme Micha, dont la mère conserve tous les comptes-rendus d’audience, tous ces enfants seront bien démunis face au silence"
D'autres avocats se succèdent pour parler des enfants. L'une plaide pour cet enfant qui n'était qu'un bébé, dans la voiture de sa tante, quand les balles de kalachnikov ont traversé la voiture et tué sa tata.
A propos de cette jeune femme, victime musulmane, Salah Abdeslam avait parlé de victime par accident. Et l'avocate plaide que cet enfant ne pourra jamais accepter cette explication-là.
Les avocats se succèdent pour les 69 orphelins du 13 Novembre L'une plaide pour Milan : "Papa, je crois que j’ai marché sur des corps. Ces mots sont inconcevables, encore plus dans la bouche d’un enfant. Milan avait 10 ans."
L'avocate : "Milan avait 10 ans, il en a 17. ll n’est pas venu témoigner devant cette cour. A 10 ans, on ne connaît que des premières fois, et c’était le premier concert de Milan. Quand les tirs ont commencé, il a cru à des pétards. Son père l’a collé au sol".
L'avocate : "Il se sont ensuite recroquevillés au fond d’un couloir. Pendant plus d’une heure et quart, ils sont restés cachés au fond de ce couloir".
L'avocate : "Il aurait dû découvrir la musique. Il a découvert la terreur. La peur de voir son père mourir. Cette soirée a bouleversé son enfance. Leur vie est bouleversée à jamais".
Puis c'est l'avocate de Samy, qui s'est approchée de la barre, pour clore les plaidoiries sur l'enfance. Samy qui avait 13 ans, quand sa maman, Marie-Aimée, est morte assassinée par des terroristes sur la terrasse de La Belle Equipe.
Samy est resté "debout" pour "se construire et ne pas devenir uniquement une victime des attentats". Samy qui a dû se construire "une armure pour continuer entendre les autres prononcer le mot Maman".
Samy qui comme tant d'autres a dit : "Je ne serai plus jamais le même". Samy qui "ne peut comprendre cette mort qui n’a pas de sens", plaide son avocate. Elle parle de son "profond désespoir".
L'avocate raconte Samy aujourd'hui, "devenu serveur". L'avocate se demande si Samy n'a pas choisi d'être serveur "pour être en terrasse avec sa mère". Sur un banc de la salle d'audience, Samy pleure, et sort. L'un des moments d'une infinie tristesse à ce procès
Et un autre avocat enchaîne, pour plaider sur un autre thème, la musique. Et un autre encore sur le football. Les avocats de parties civiles depuis dix jours se sont organisés pour plaider par thèmes, chaque jour, tout en rendant hommage aux victimes.
Ce moment où le président Périès commente la plaidoirie foot à propos de ballon d'or mbappe Benzema Jean-Louis Périès qui a aussi plusieurs fois fait des clins d'oeil rugby à ce procès
Un autre avocat se met à plaider sur le thème de la fête.
Un autre vient plaider pour toutes les victimes étrangères. Nombreuses. "Cette difficulté d'être étranger dans cette série d'attentats". Dans la salle d'audience, Nancy, maman chilienne, écoute, comme presque chaque jour depuis neuf mois.
Nancy, qui a perdu son fils Luis Felipe Zschoche Valle au Bataclan. Il était venu s'installer en France et s'était marié. Sa mère a quitté le Chili en septembre pour suivre ce procès Voir la justice pour son fils assassiné à l'âge de 33 ans.
Elle est quasiment la seule victime étrangère présente presque tout le temps dans la salle d'audience. Ce sont des interprètes attentionnés qui lui traduisent en temps réel tout ce qui est dit à ce procès
Me Burguburu s'avance en dernier vers la barre pour la dernière plaidoirie du jour, le dernier thème du jour : "le goût du plaisir", "superflu" et à la fois "essentiel".
Après le 13 Novembre, "quel goût ? Le même qu'avant ?" demande Me Burguburu.
Me Burguburu : Parfois "le goût du plaisir est devenu douloureux". L'avocate parle de la maman de Justine Moulin, qu'on a vue forte à ce procès debout, mais "une partie d'elle anesthésiée" à jamais.
Me Burguburu : "Parler du goût du plaisir, ce n'est ni inutile, ni indécent. C'est dire aux terroristes, voilà où nous en sommes. Le plaisir laisse toujours des traces, celles de la vie, ne vous en déplaise !" Fin de cette 129e journée du procès
Jour 130 – Mardi 31 mai – Suite des plaidoiries de parties civiles
Bonjour à tous, C'est aujourd'hui, le 130e jour d'audience au procès des attentats du 13 novembre 2015. Et la suite des plaidoiries de parties civiles avec, au programme, les thématiques de la solidarité, des forces de l'ordre, du sens du procès, notamment.
Hier, d'émouvantes plaidoiries ont évoqué les 69 orphelins du 13 novembre 2015. Le LT du jour sera à suivre ici ... ... une fois que l'audience pourra débuter. Car pour l'instant, les accusés ne sont pas encore arrivés dans le box.
En réalité, à l'exception de Mohamed Amri, les accusés refusent pour l'instant de venir dans le box pour assister à l'audience. Celle-ci ne peut donc débuter, du moins tant que les sommations d'huissier pour chacun des accusés absents n'ont pas été effectuées.
L'audience reprend. Avec un box essentiellement vide. "Nous avons dix détenus sur onze qui refusent de comparaître", constate le président alors que seule Mohamed Amri et les trois accusés qui comparaissent libres sont présents. "Nous allons donc faire les sommations d'usage".
L'audience n'a toujours pas repris. Mais l'accusé Farid Kharkhach est, lui aussi, arrivé dans le box. Ils sont donc deux accusés désormais, en plus des trois qui comparaissent libres.
L'audience reprend. "A l'issue des sommations, on a encore neuf détenus qui refusent de comparaître", indique le président. "Petite précision sur ce mouvement qui est lié au fait que l'un des détenus doit avoir un suivi médical et s'impatiente par rapport à la date de ce suivi".
Le président poursuit : "j'ai essayé de rassurer ses avocats, j'ai pris attache avec la maison d'arrêt. Depuis ce matin, on est sur ce sujet et on fait en sorte d'accélérer cette prise de rendez-vous. On fait le nécessaire. Depuis ce matin, je suis sur ce sujet."
Me Edward Huylebrouck, avocat de Muhamad Usman se lève : "le refus de comparaître de Muhamad Usman est dicté uniquement par les craintes qu'il peut avoir sur son état de santé. Cela fait 13 mois qu'il attend sa deuxième intervention qui devait avoir lieu dans les quatre mois."
Me Huylebrouck : "le 16 mai, Muhamad Usman a pu voir un spécialiste qui était stupéfait qu'on ait attendu aussi longtemps et a indiqué qu'il devait le revoir dans 15 jours. Il ne l'a toujours pas revu. Monsieur Usman, légitimement, est donc inquiet pour son état de santé."
Me Huylebrouck : "notre demande est donc que Muhamad Usman puisse avoir un rendez-vous en urgence avec ce spécialiste. A défaut, on sera contraint de solliciter une expertise pour voir s'il est en état de comparaître"
Me Huylebrouck : "monsieur Usman est navré qu'on doive en arriver là. Ce n'est de gaîté de cœur, ni pour nous, ni pour lui"
L'audience peut reprendre son cours. Avec, comme chaque jour, les hommages aux victimes décédées. Il est question de Quentin Mourier "humain, brillant, les mots qui le caractérisent le mieux". De Thierry Hardouin, "son avenir volé, cette injustice qui ne pourra être réparée".
Il est question de Mathieu Hoche,, "son fils Basile, 9 ans, qu'il adorait et se réjouissait de voir grandir". De Mayeul Gaubert, "bourguignon de coeur, adepte de poésie, d'histoire, de littérature, de dessin et de rock".
Il est question de Maud Serrault et "son T-shirt préféré sur lequel était écrit "All about love"." De Romain Feuillade "abattu à 31 ans, l'âge où beaucoup de projets s'accomplissent et d'autres mûrissent".
Il est question de Jean-Jacques Kirchheim dont "sa mort, son agonie et la solitude de ses derniers instants hantent sa maman" D'Alva Berglund, "suédoise de 23 ans, en visite chez une amie à Paris" De Milko Jozic et "ce petit sourire en coin qu'il ne quittait pas"
Il est question d'Elif Dogan et sa "passion qui ne peut que la rendre sympathique : elle aimait le vin". De Stéphane Albertini, "plus d'une corde à son arc et son enthousiasme qui se glissait dans toutes les parties de sa vie".
Il est question de Manuel Colaco-Dias, "qui, à tout instant, avait besoin de parler à son épouse. Il est celui pour qui le téléphone portable a été inventé" D'Aurélie de Peretti, "créative, baroudeuse à ses heures, musicienne, cavalière"
Il est question de Thomas Duperron, "son don hors du commun : celui d'accueillir le public et les artistes dans sa salle comme s'ils faisaient partie de la famille" De Pierre-Antoine Henry qui avait prévu un tour du monde alors qu'un volcan islandais est rentré en éruption.
Il est question de Marie Lausch et Mathias Dymarski : "on va les mettre ensemble, hors de question de les séparer. Du haut de leur 22 et 23 ans, ils avaient déjà compris qu'on a le droit de s'aimer fort" De Gilles Leclerc, "fleuriste, contemplatif heureux."
Il est question de Victor Munoz, "un peu taquin dans l'âme, un coeur en or, qui adorait emmener ses copains en Espagne" D'Hélène Muyal, "maman d'un petit garçon de 17 mois qui enchantait le monde : elle était maquilleuse".
Il est question de Romain Naufle, "luthier exceptionnel, attentionné qui soignait ses instruments de musique". De Manuel Perez Paredes, "wikipedia des pourquoi, copain inlassable de jeux, cuistot 72 étoiles, monsieur câlin infatigable"
Il est question de Priscillia Correia, "une fée qui fabrique des tabliers, des coussins, des bonnets et chaussettes avec le talent inestimable de la création" De Franck Pitiot, "des rires à revendre, habité par la volonté de rencontrer tous ceux qui croisaient son chemin"
Il est question de Lola Salines, "bout en train, petit bout de femme qui à chaque instant savait relancer l'ambiance". De Valentin Ribert, avocat au barreau de Paris, une facilité assez déconcertante qui lui permettait d'oser, étourdi, champion du monde de la procrastination"
L'audience se poursuit avec (enfin) les premières plaidoiries de la journée. Me Chine Feger s'approche de la barre pour évoquer la solidarité. "La première forme de solidarité est la défense contre l'agression, un mécanisme de survie, un sentiment instinctif"
Me Feger : "une main tendue, une main tenue dans la fosse du Bataclan. Des encouragements de soutien envers les plus grièvement blessés. Du soutien entre deux inconnus, blessés, allongés tête bêche qui échangent la promesse d'aller boire une bière s'il s'en sortent vivants"
Me Feger : "ils se sont entraidés, de la manière la plus simple qui soit : en se parlant, en se touchant, en se regardant. Pour chacun, ces gestes ont permis de garder leurs sens acérés face à une scène d'une cruauté sans nom".
Me Feger : "tant d'autres élans de solidarité ont eu lieu ce 13 Novembre 2015. Mais il s'agit d'élans malgré soi. On ne choisit pas d'avoir été solidaire envers un autre. D'un point de vue extérieur, tout le monde a envie de se sentir solidaire, d'être qualifié de héros."
Me Feger : "ces hommes et ces femmes n'ont rien demandé. Ils se sont retrouvés dans une tempête. Il y en a qui ont été des héros sans le savoir. Et nous sommes là aussi pour leur rappeler. Parce que ce qui est particulièrement héroïque c'est d'être debout et continuer à avancer"
Me Feger : "les responsables de ces attentats ne sont pas parvenus à diviser. Les victimes nous ont donné de formidables leçons d'humanité. Elles livrent leur plus belle victoire contre le terrorisme."
Me Aurélie Coviaux plaide à son tour sur le thème de la solidarité et évoque Didi "qui a ouvert la l'issue de secours et a sauvé des centaines de vies", "Sébastien qui entend cette femme, enceinte, accroché à la fenêtre, qui la remonte".
Me Coviaux : "je pense à tous ces joueurs de jeux vidéos qui ont compté les balles et qui savaient quand les chargeurs allaient devoir être changés et on fait Go, go, go et ont emmené d'autres avec eux".
Me Coviaux : "je voudrai dire quelques mots de ce maire de Grandville, dans le Cotentin, qui a mis son chauffeur et sa voiture à disposition des victimes".
Me Coviaux : "peut-être que la définition du héros grec qui est "celui qui fait le mieux possible en fonction de ses capacités", peut-être pourrons-nous nous souvenir que les victimes du 13 Novembre n'ont pas choisi d'être là, qu'elles ont toutes fait du mieux possible"
Me Coviaux : ... qu'elles ont toutes été solidaires et que si chez Homère, la plupart des héros étaient des demi-dieux, les victimes du 13 Novembre n'étaient que de simples mortels"
Me Bessard du Parc vient évoquer à la barre Jonathan. "Il lui a fallu très peu de temps pour réaliser qu'il est pris dans le piège d'un attentat. Son instinct le pousse à sauver sa peau, il se retrouver au milieu d'un champ de bataille."
Me Bessard du Parc : "Jonathan aperçoit une porte coupe-feu. En chemin, il bute contre un homme tétanisé, incapable de bouger. L'homme s'avérant anglophone, Jonathan lui chuchote "Go, go, go". Il parvient à le faire se déplacer vers cette porte coupe-feu".
Me Bessard du Parc : "aujourd'hui Jonathan est toujours hanté par la scène d'horreur qu'il a vécue. Il ne voulait plus entendre parler du Bataclan, ni de près, ni de loin. Il a été incapable de reprendre une vie professionnelle."
Me Bessard du Parc : "Jonathan est incontestablement un de ces héros ordinaires du 13 Novembre 2015, drame au cours duquel toutes formes de solidarité se sont exprimés et chacun a fait ce qu'il a pu"
Me Pascale Billing poursuit sur le thème de la solidarité : "en même temps que certains tuaient, d'autres cherchaient à sauver des vies. La solidarité c'est s'oublier soi-même pour aller vers les autres. Un sentiment profonde de fraternité, qui oblige à aider, sans calcul."
Me Stéphane Levi : "ce vendredi 13 Novembre 2015, deux groupes d'internes des hôpitaux de Paris vont relâcher la pression de la semaine en allant boire un verre ensemble au Carillon. Tous ont porté secours immédiatement."
Me Levi : "Coralie a pratiqué un massage cardiaque sur un homme de 25 ans qui est décédé dans ses bras. Les secours ont mis beaucoup de temps à arriver et se sont les internes qui ont pratiqué les premiers soins."
Me Levi : "c'est une médecine de guerre en période de paix. La vie est plus forte que la mort. Sauver des vies, donner la vie, ainsi la solidarité est le lieu où se nouent les liens les plus profonds de la nation."
Me Levi : "c'est cette capacité immédiate d'empathie qui fait entrer des internes dans le cercle des héros du quotidien et de l'humanité retrouvée face à la barbarie."
Me Gastone prend la parole : "je suis terriblement prêt, mais pas comme ça. J'ai jamais eu à plaider devant un box vide. Je ne vois pas comment, aujourd'hui, je pourrais plaider pour la protection civile sans eux [il montre le box]. Alors pardonnez-moi, je plaiderai plus tard."
"Bien, conclut le président, j'espère qu'on aura encore des créneaux. Parce que vous êtes très très nombreux à devoir intervenir." Place à la plaidoirie de Me Clémentine Vergnais qui "prend la parole pour Daniel Psenny qui a eu ces mots :"j'ai été témoin, acteur puis victime"
Me Vergnais : "Daniel Psenny a souhaité que je prenne la parole un instant pour que la mémoire de son vécu de ces événements reste". Place à Me Reinhart: "la solidarité se passe aussi à travers deux associations : @13onze15 et @lifeforparis qui se sont créés après les attentats.
Me Reinhart : "ces souffrances se sont rassemblées au sein de ces associations et qui ont fait beaucoup; Discrètement, toutes ces victimes ont pu se retrouver au sein de réunions. Les adhérents ont été heureux de trouver une main qui se tend, une expérience qui se croise"
Me Astrid Ronzel s'avance à son tour à la barre : "Mesdames, messieurs de la cour, comment vous sentez-vous ? Comment allez-vous émotionnellement, physiquement, Vous êtes présents depuis 130 jours, vous avez entendu 415 témoignages de parties civiles ..."
Me Ronzel : "ici, dans cette salle, les victimes, leurs proches mais aussi l'ensemble des professionnels, nous tous pouvons nous poser la question : est-ce que depuis septembre nous avons la même capacité émotionnelle pour faire face à ce que nous entendons ?"
Me Ronzel : "c'est se poser la question sur un moment d'audience. Le professeur
@TBaubet avait rappelé qu'il y avait un désarroi, une souffrance familiale souvent peu pris en charge. Peut-être que vous vous souvenez, il nous avait parlé des traumatismes vicariants"
Me Ronzel : "ce sont les traumatismes des professionnels. Il a commencé à lire et on a pris nos stylos et on a compté dans nos têtes. Combien de points, monsieur le président, mesdames et messieurs de la cour et nous tous ici ?"
Me Ronzel : "traumatisme vicariant, un peu de latin, qui prend la place de l'autre. Il a été constaté pour les professionnels et les proches des personnes survivantes, qu'on appelle les aidants. Le point commun c'est la compassion."
Me Ronzel : "l'objet n'est pas de culpabiliser les victimes, leur parole est indispensable, elle est utile. Par contre c'est de permettre à ceux qui en souffre de déculpabiliser. Et identifier plus clairement une des fameuses ondes de choc de l'événement."
Me Ronzel :"il y a ces personnes aidantes, celles qui ont pu être présentes dès les premiers moments, ils ont été présents dans cette salle, sur les bancs. Il y a les professionnels : les enquêteurs, les pompiers, les policiers, les gendarmes, la protection civile, les soignants"
Me Ronzel : "les médecins experts, la presse, la cour, greffier, avocats et élèves avocats, la régie. Et puis, il y a une catégorie particulière : les personnes qui ont un lien affectif et aussi professionnel avec ces victimes."
Me Ronzel : "accepter de se pencher sur ces questions c'est réfléchir collectivement aux outils qu'on peut trouver pour continuer à assurer son rôle auprès de ceux qui en ont besoin"
Place aux plaidoiries sur la question des forces de l'ordre. Me Géraldine Berger-Stenger : " lorsqu'on épluche le très volumineux dossier dit V13 on ne peut qu'être surpris qu'aucun garde républicain n'ait été entendu."
Me Berger-Stenger : "non seulement, ils n'ont pas été entendus, mais ils n'ont pas non plus été inscrits sur la liste unique des victimes. Ce n'est qu'en 2018 qu'ils ont décidé, timidement, de se constituer parties civiles"
Me Berger-Stenger : "au fil des mois, il leur a fallu réapprendre à s'ouvrir aux autres. A commencer par les proches. Ce procès a permis de libérer leur parole publiquement. Pour les gardes républicains du Stade de France, seule la justice des hommes clôturera cet épisode."
Me Jérôme Andrei plaide à son tour : "je voudrais rappeler ici les interventions décisives de chaque équipage qui ont permis de sauver des vies ce soir-là, au risque de perdre la leur. Je commence par les policiers qui étaient en charge de la sécurisation du match."
Me Andrei : "au Bataclan, la bac, mais également six sapeurs-pompiers qui se trouvent actuellement dans la salle, en tenue d'honneur, et qui se sont retrouvés, sans le savoir, en plein milieu du champs de tirs".
Me Andrei : "il y a aussi le commissaire de la BAC et son chauffeur. Tout aussi héroïque, à l'extérieur, la BAC 94 qui se trouvait passage Amelot"
Me Andrei : "et puis les six pompiers qui n'ont aucune arme, aucune protection. Et pour autant, ils continuent leur mission. C'est dans leur ADN de porter les premiers secours, venir en aide aux victimes tout autour d'eux. "
Me Andrei : "ils entendaient les balles ricocher à quelques mètres d'eux. Et ils pensaient qu'ils n'allaient revoir ni leur famille, ni leurs amis pour certains. Et ils ont poursuivi leur mission sans répit, toute la nuit."
Me Andrei : "de cette soirée d'horreur, où ils sont arrivés parmi les premiers et repartis parmi les derniers, ils sont repartis avec ces images gravés dans leurs esprits. Je terminerai avec la BRI et l'assaut inespéré : pas un mort parmi les otages."
Me Andrei : "plus que jamais, ils ont appliqué leurs devises. "Protéger et servir", pour la policer. 'Sauver ou périr", pour les sapeurs-pompiers de Paris. Je tiens à leur témoigner notre reconnaissance éternelle"
Place à Me Hector Bernardini qui s'interroge, lui aussi "sur le sens d'une plaidoirie devant un box vide. Entre deux maux, je choisis le moindre parce qu'aujourd'hui, j'ai dix de mes clients qui sont venus. Dont certains de Bretagne. Donc je vais plaider vaille que vaille."
Me Bernardini : "j'interviens pour les membres dela BAC 75 nuit qui sont intervenus le 13 Novembre 2015 au péril de leur vie. Je repense à tous les efforts déployés pour qu'ils finissent par prendre leur place dans le grand récit du 13 Novembre 2015."
Me Bernardini : "avaient-ils le temps de penser à eux? Pouvaient-ils se plaindre ? Aller porter plainte ? Eux qui ont le devoir statutaire d'être en bonne santé physique et psychologique. Pourquoi ont-ils été effacés du grand récit des attentats du 13 Novembre 2015?"
Me Bernardini : "le grand récit a une fonction matricielle dans la mémoire collective. Comment chacun va se positionner par rapport à ce grand récit ? La place que trouve chacun dans le grand récit est essentiel dans la reconstruction."
Me Bernardini : "grâce à la mémoire partagée des magistrats, des journalistes, des innombrables victimes et leurs conseils, grâce à toutes ces mémoires individuelles additionnées, la BAC 75N a pris sa place dans le grand récit des attentats du 13 Novembre 2015. Et il était temps"
Me Sandra Chirac Kollarik plaide sur "la violence que ces hommes et ces femmes ont du s'infliger ce soir là pour agir en professionnel, avec les moyens qui étaient les leurs, dans une asymétrie criante."
Me Chirac Kollarik : "des policiers sont rentrés chez eux après un service d'éprouvante avec des images indélébiles, des cris, des sifflements, l'odeur de la mort quand ils sont rentrés dans leur foyer. Soutenir le regard de sa femme, de ses gosses."
Me Morgan de Sauw-Laporte conclut les plaidoiries sur le thème des forces de l'ordre. "A quoi pense-t-on quand on évoque les héros ? Dans le chaos du 13 Novembre des hommes du monde réel se sont distingués par leurs actions, leur courage, leur bravoure et leur vertu".
Me de Sauw-Laporte : "les forces de l’ordre, les sapeurs-pompiers qui sont intervenus le soir du 13 Novembre l'ont fait de manière désintéressée. Leur dévotion et leur humanité ont dépassé toute haine et tout clivage, quels qu'ils soient."
Me de Sauw-Laporte évoque Christophe, venu témoigner il y a quelques jours à l'audience "qui a agi en héros. Sans ces comportements vertueux et héroïques, les morts auraient été plus nombreux."
Me de Sauw-Laporte : "ce sont des résistants à la médiocrité, des sentinelles d'humanité". Petite suspension avant "la petite douzaine de plaidoiries qui restent", annonce le président.
Place à la suite des plaidoiries, sur la thématique de l'après. Me Karine Shebabo plaide "pour la liberté de changer de vie". "On a choisi des gens faciles à tuer. Et il y a quoi de plus facile à tuer que des gens dans un pays en paix. Le terroriste veut faire du chiffre"
Me Shebabo : " c'est quand même un désir terrible celui de l'homme qui veut tuer, assassiner, inféoder. Par cette terreur, c'est comme si on cherchait la mort une réponse à une menace hypothétique, qu'on croit réelle. Le terroriste choisit, sait, anticipe, provoque l'événement."
Me Shebabo : "on n'est plus jamais le même quand on a vécu le Stade de France, les terrasses, le Bataclan. On n'est plus jamais le même quand on a vécu un attentat. Moi j'ai vu 3 profils se dessiner à votre audience. Le premier c'est celui de ceux qui décident de changer de vie"
Me Shebabo : "et puis il y a le profil de ceux qui sont enfermés dans l'événement, dans le lieu, dans la culpabilité. Et vous avez enfin ceux qui sont dans l'évitement."
Me Shebabo : "ils sont nombreux, ceux que vous n'avez pas vus, qui sont dans l'ombre, qui n'arrivent pas à s'approcher de cet événement qu'est le procès. Ce qu'on a vu ici, pendant neuf mois, c'est la partie émergée de l'iceberg."
Me Shebabo : "on a vécu quelque chose ici pendant neuf mois. Quelque chose s'est passé. Tout la France est partie civile à ce procès. Nous sommes tous touchés par ce qui est arrivé à la France le 13 Novembre . On a tous un proche ou un très proche qui a été une victime directe"
Me Shebabo : "ce procès est historique. Votre décision va faire l'Histoire. Par votre décision, on attend que vous rameniez de l'ordre dans le désordre."
Me Elisabeth Aboucaya s'avance à la barre confie qu'elle a hésité à plaider et évoque "le problème de l'accès au soin en détention" Le président l'interrompt, annonce Muhammad Usman "sera pris en charge dans les meilleurs délais. Et il n'y a pas de risque pour sa santé".
Me Aboucaya : "nous sommes réunis ici depuis 130 jours pour écouter les mots qui vont permettre au droit d'élaborer une réponse juste à des événements profondément injustes"
Me Aboucaya : "le meurtre de masse auquel nous sommes confrontés dans ce procès devient le refus sanglant imposé à leur adversaire d'échanger. Dans cette enceinte, beaucoup de mots ont été dits. A cette barre, ont été déposés tous les mots qui permettent d'exprimer l'horreur"
Me Aboucaya : "on a aussi attendu, puis entendu les mots des accusés. En tous cas ceux qui ont joué le jeu, même si on est loin d'un jeu. Les auteurs ont précipité leurs victimes dans le mur du réel, en mettant en acte ce que leurs mots ne peuvent dire"
Me Aboucaya : " nous avons tous entendu des phrases qui résonnent comme des ondes de choc sans qu'un temps ait été pris pour en extraire tout le sens."
Me Aboucaya : "quelque chose qu'on a entendu souvent de la part des parties civiles : "finir le travail". On a entendu cette phrase qui renvoie à la terreur de ne pas être libéré de la menace. Parce que ça ne peut être que provisoire de s'en être sorti."
Me Aboucaya : "cette phrase pose la question d'un présupposé inscrit dans le récit que chacun se fait du déroulé de sa vie. On a tous le fantasme de mourir tranquillement, sans souffrance, à un âge avancé, de préférence sans délabrement."
Me Aboucaya : "être victime de terroriste, cela ne faisait pas partie jusqu'en 2015 de notre inconscient collectif."
Me Aboucaya : "on nous a parlé aussi des témoins malheureux. Est-ce à dire qu'il y aurait des témoins heureux. Quelle est cette catégorie créée par le parquet et le @FONDSDEGARANTIE pour refuser de les regarder en face, de les indemniser".
Me Aboucaya : "et puis "vous n'aurez pas ma haine". Nombreux ont été surpris. Comme si la haine était une position attendue, acceptable et même légitime des victimes. Pour haïr, il faut reconnaître l'autre. Alors qu'en se détournant de lui, on le nie comme sujet, on l'exclut."
Me Aboucaya : "c'est probablement un effort immense pour les parties civiles que de s'éloigner du chemin de haine. Mais quelle victoire que d'y parvenir. Avec leurs mots, dans ce bouillants mélange des genres, les parties civiles ont dit aux accusés qu'ils ont perdu"
Me Aboucaya : "si votre cour porte la responsabilité de dire les mots de la justice, les parties civiles nous ont montré avec éclat qu'elles acceptent de porter la responsabilité de la vie."
Me Lucie Leibel-Perrois poursuit sur le thème des mots. "Les victimes des attentats du 13 Novemre 2015 ont été visées car elles étaient porteuses de ces mots, nos valeurs communes."
Me Leibel-Perrois : "par ls mots qui se sont échangés tout au long de cette audience, il s'est noué et renoué mille choses. Il y a également cette forme d'échange qui semble s'être noué entre des parties civiles et des accusés."
Me Leibel-Perrois : "quelle force et quel courage il faut pour se relever, ne pas s'abandonner totalement à la haine, à la mort."
Me Leibel-Perrois : "Et au lieu de cela, se relever, prendre le chemin de cette cour, se tenir seul à cette barre et dire avec leurs mots l'indicible, ce que personne ne veut voir, ni vivre, jamais."
Me Leibel-Perrois : "ces plaidoiries sont aussi l'occasion de dire la grande humilité que nous éprouvons à nous tenir à leur côté. Les parties civiles ont tout mon respect."
Me Leibel-Perrois : "quand la fin semble proche, que tout est sur le point de s'arrêter, ce qu'il reste ce sont les mots. Les mots sont tout. Même après la vie, dans la mort, il reste les mots. Et quand il n'y a plus de mots, il reste la mémoire dans la peau."
Me Audrey Lacroix : "à la lecture des tatouages des victimes, la peau est devenue un langage. Le tatouage signe l'appartenance à une histoire, l'histoire inscrite dans la chair des victimes comme le sont désormais tous ces mots et ces dessins tatoués à fleur de peau".
Me Lacroix : "les tatouages, c'est une façon de se scarifier, de se faire mal parce que sa blessure est invisible. " Des photos de victimes tatouées sont projetées sur l'écran géant de la cour d'assises.
Me Clémence Jouy Chamontin débute sa plaidoirie sur le mot Bataclan et "le sentiment d'oubli partagé par les victimes des terrasses et du Stade de France. Les oublier c'est rajouter de la souffrance à ce qu'ils ont vécu"
Place à Me Alexandra Prassoloff : "les absents du procès existent et ils ont leur importance. Pourquoi ne vient-on pas au procès du 13 Novembre quand on est partie civile ? Venir au procès c'est déjà se sentir capable d'affronter. Il y a toutes celles qui ne lisent rien."
Me Prassoloff : "venir au procès c'est affronter le decorum de la justice, les contrôles de sécurité des gendarmes. Pour certaines victimes terrorisées, il est impossible d'imaginer se retrouver dans un espace commun avec les accusés, fusse-t-il une salle d'audience".
Me Prassoloff : "il y a la colère aussi qui peut être débordante et empêcher certaines parties civiles de venir assister au procès. De nombreuses parties civiles qui ont assisté aux audiences ont pu y trouver une forme d'apaisement"
Me Cosima Ouhioun : "il a beaucoup été question du silence des accusés pendant les débats et beaucoup moins de celui de certains parties civiles. Parler c'est espérer être entendu et peut-être que certains, des deux côtés de la barre ont craint de ne pas être entendus"
Me Cosima Ouhioun : "parmi les raisons de ce silence, il y a eu la peur d'être noyé dans la masse, la peur d'être submergé, que les mots ne viennent pas, d'être submergés par la haine aussi. Certaines se sont dit qu'elles ne seraient pas au niveau, pas de "bonnes victimes".
Me Ouhioun : "il y a ceux qui ont ressenti le besoin d'écouter avant de parler. Il y a aussi Ismael, d'origine marocaine qui a un jour dit qu'il était au Bataclan et à qui on a répondu, dans ce qui se voulait un trait d'humour : "ah oui, de quel côté ? Victime ou auteur ?"
Me Constance Dewavrin s'avance pour "la conclusion". "Le premier jour de cette plaidoirie, un quotidien a parlé de plaidoirie chorale. J'aime bien ce mot. Cinq jours plus tard cette plaidoirie chorale touche à sa fin."
Me Dewavrin : "nécessité a fait loi et nous avons choisi de faire cette proposition. Peut-être que certains ont trouvé que la chorale a chanté un peu faux par moments. Peut-être qu'il y a eu un peu trop d'échos. Mais nos confrères se sont soutenus les uns les autres."
Me Dewavrin : "parce que nous portons tous la responsabilité de clients qui ne sont pas les nôtres."
Me Dewavrin : "certains témoignages à la barre ont permis à certaines victimes de mieux appréhender leur propre vécu. Enfin les parties civiles ont pu appréhender le passage du statut de victime à celui de partie civile."
Me Victor Edou s'avance. "pour conclure, nous tentons de répondre modestement à cette question fondamentale de l'utilité de ce procès pour les parties civiles. Hugo Micheron l'a dit à cette barre : le procès est au-delà de la question judiciaire l'occasion de faire débat"
Me Edou :"les parties civiles ont pour la première fois eu le sentiment que nous sommes collectivement à la hauteur de l’enjeu, qu’un lieu a été créé pour elles, pour les accueillir et recueillir leur parole."
Me Edou : "durant cette audience l’accueil quotidien qui a été fait aux parties civiles, la mise à disposition de psychologues, beaucoup de ceux qui n’osaient pas venir ici ont grâce à cela franchi les portes du palais sans appréhension."
Me Edou : "les accusés sont particulièrement bien défendus, par de jeunes et talentueux confrères qui ont pu je crois user de l’indépendance, de l’irrévérence et de l’impertinence nécessaires à l’exercice des droits de la défense."
Me Edou : "lorsqu’après avoir subi toute une journée les outrances de l’un des accusés, certaines parties civiles ont mal réagi en applaudissant ironiquement, et que la défense a cru à ce moment devoir quitter la salle, oui cela a été mal vécu par les victimes."
Me Edou : "lorsque certains accusés ont décidé de se murer dans le silence, ou de ne pas monter à l’audience oui cela été mal vécu par des PC venues chercher des réponses et des explications, oui cela a été mal vécu par les victimes"
Me Edou : "mais il nous appartient à nous avocats de parties civiles qui portons la même robe de l’expliquer à nos clients : l’exercice de ces droits fondamentaux est notre victoire face au totalitarisme."
Me Edou : "ce procès a permis de mettre la parole des rescapés et des endeuillés au centre, les victimes sont venues ici déposer leurs souffrances, et surtout leurs espoirs à la barre."
Me Edou : "on ne peut pas dire que cela guérit mais cela a une place incontestable dans leur parcours et dans leur reconstruction."
Me Edou : "grâce à cette audience, certaines PC ont pu passer du « je » au « nous », et s’il est illusoire de croire à l’existence de la « grande famille » des parties civiles, nombre d’entre elles ont pris conscience de la dimension collective de leur souffrance."
Me Edou : "cette audience a permis de créer des liens extraordinaires, comme si cette salle construite dans la salle des pas perdus, était devenu la salle des liens retrouvés."
Me Edou : "il y aurait des dizaines d’histoires à vous raconter sur ces liens qui se sont créés. Il y a Laura rescapée du Bataclan qui a reçu six impact de balle et qui a retrouvé dans cette salle le pompier qui l’avait évacuée, qui lui a tenu la main pour pas qu’elle ne parte."
Me Edou : "il y a ces étreintes entre parties civiles à chaque suspension, et ces amitiés qui ont pu naitre comme si l’on se connaissait depuis toujours. Il y a aussi ces nombreux verres échangés aux deux palais et à l’annexe entre les différentes parties aux procès."
Me Edou : "il y a ce soir du mois de décembre où nous nous sommes attablés avec des parties civiles, les avocats généraux, et des avocats de la défense."
Me Edou : "il y a ces mots, ces gestes échangés, chaque jour avec messieurs Oulkadi, Chouaa et Atou, Monsieur Oulkadi dans une audition bouleversante qui nous explique que grâce à cela il redevient « Ali »."
Me Edou : "le temps long a permis cela, recréer des liens et se dire qu’au milieu de la violence et du néant il y a de belles histoires qui peuvent voir le jour. C’est une forme de justice restaurative."
Me Edou : "alors évidemment le procès ce n’est pas que cela, mais c’est aussi ce que l’on a envie de retenir."
Me Edou : "Je ne sais pas si cette salle est le « pays dans lequel nous voudrions vivre » mais ces moments passés ensemble de dignité, d’humanité, et de fraternité sont de loin la meilleure réponse que nous pouvions offrir à la barbarie terroriste."
Me Ludovic De Villele pour la dernière plaidoirie de la journée : "dans quelques semaines vous reviendrez dans cette salle pour accomplir votre devoir de magistrat, vous regardez dans les yeux les accusés et les victimes. Vous direz le droit".
Me De Villele : "les mots que vous écrirez et que vous prononcerez nous, professionnels du droit, nous en comprendrons les subtilités, mais les très nombreuses parties civiles pourront-elles décrypter toutes les nuances de votre verdict ?"
Me De Villele : "les victimes vous invitent à prendre le temps de la pédagogie pour que que chacune d'elle puisse comprendre le sens et la portée de votre arrêt. Ce travail c'est le supplément d'humanité que la cour doit à toutes les victimes."
Me De Villele : "vous êtes ici au nom de la France. La France a été attaquée, ceux qui l'aimaient ont été visés. Vous allez rendre un verdict qui n’a pas besoin du pardon, qui n'a besoin que du droit et de la vérité. Vous rendrez ainsi un verdict de paix, d'honneur et de justice."
Jour 131 – Mercredi 1er juin – Suite des plaidoiries de parties civiles
Jour 131 au procès des attentats du 13 Novembre Les accusés sont revenus dans le box On va continuer à entendre les plaidoiries d'avocats de parties civiles. Ceux qui s'étaient concertés pour une plaidoirie commune ont conclu hier soir. Aujourd'hui, plaidoiries individuelles.
L'audience reprend, avec donc tous les accusés. Et Me Mathieu Riberolles s'avance vers la barre : "Une audience comme on n'en avait jamais vue". Le ton est très grave, solennel. "Des larmes et des peines à en crever", plaide-t-il.
Me Riberolles parle des témoignages du mois d'octobre, de toutes celles et tous ceux qui ont dit leur culpabilité de ne pas avoir été tués. Si injuste ressenti d'une culpabilité qui ne devrait pas exister.
Me Riberolles plaide pour Anne-Laure Arruebo, assassinée à la terrasse de La Belle Equipe, "d'une balle dans la tête". "Elle ne viendra pas témoigner". Elle était avec une amie, Cécile.
Me Riberolles : "Pour se protéger des terroristes, elle avait un dé à coudre et du fil à tisser". Elle seule sait quel terroriste lui a tiré dessus avant qu'elle ne s'écroule, dit l'avocat.
Pendant que Me Riberolles plaide, 2 photos d'Anne-Laure Arruebo sur grand écran : sourire sur une, sourire triste sur l'autre. "Elle avait 36 ans, elle était douce et discrète comme sa mère, et pouvait se montrer intransigeante comme son père" dit l'avocat.
Me Riberolles rappelle qu'Anne-Laure Arruebo était douanière. "De là où elle est, elle continue à être douanière, même s'il n'y a plus de frontière".
Me Riberolles : "Pour sa famille et tous ceux qui l'aimaient, Anne-Laure Arruebo était une étoile. Anne-Laure était un roc, et les rocs ne meurent jamais".
Me Riberolles qui a plaidé avec beaucoup de justesse et de gravité se rassied.
Me @MontbrialAvocat commence à plaider pour Guillaume Barreau-Decherf, l'un des journalistes rock les plus brillants. "Il laisse derrière lui l'amour de sa vie, Carine, et leurs deux petites filles, Séraphine et Salomé". Guillaume a été assassiné au Bataclan
Me @MontbrialAvocat plaide aussi pour Arnaud Beldon, policier, qu'on a vu à la barre en fauteuil roulant, un policier blessé alors qu'il était en concert au Bataclan, spectateur
Me @MontbrialAvocat plaide pour une vingtaine de victimes au total, dont certaines au Stade de France. Il plaide crûment, parle de cette victime qui n'a pas compris "la viande" qu'elle avait dans la bouche ce 13 Novembre
Et Me @MontbrialAvocat entame une plaidoirie politique : "le terrorisme, c'est un crime commis pour des raisons politiques au nom d'une idéologie"
Me @MontbrialAvocat plaide contre la barbarie de l'islamisme.
Me @MontbrialAvocat : "Nous avons été attaqués pour ce que nous étions, cette liberté formidable dans notre démocratie, insupportable pour le totalitarisme"
Me @MontbrialAvocat : "C'est votre dernier procès, Monsieur le président" (Jean-Louis Périès va prendre sa retraite après le verdict), "c'est peut-être aussi mon dernier"... L'avocat ne le dit pas, mais il fait campagne pour les législatives.
Me @MontbrialAvocat : "C’est ma fierté d’avoir fait partie de ce procès" #13Novembre
Me @MontbrialAvocat : "Je suis fier du courage et de la force de mes clients, et bien au-delà de toutes les victimes"
Me @MontbrialAvocat : "Je vais me retirer en pensant à Carine et à sa fille" et les autres victimes... "Je vais me retirer fier et je vais vous dire un dernier mot, ce procès, la réaction des uns et des autres : ça me donne de l’espoir".
Arrive l'avocat d'Elodie Breuil. Elle avait 23 ans. "Elle était joyeuse, belle, désordonnée, le soleil de sa mère". Elle a été assassinée au Bataclan Une balle dans le visage "comme un baiser du diable, elle n'a pas souffert", dit l'avocat, Me Fournier.
Me Fournier parle de la maman d'Elodie, Sylvie. Une partie du coeur de Sylvie a cessé de battre le soir du 13 Novembre 2015 quand elle a appris la mort de sa fille. "La douleur irradie".L'avocat parle des deux frères d'Elodie qui eux aussi, souffrent tant depuis l'assassinat de leur sœur.
Pendant que Me Fournier plaide, une photo noire et blanc d'Elodie, souriante, pétillante, jolie jeune fille, fauchée à 23 ans. Puis l'avocat en fait projeter une autre, en couleur. Elodie, ses longs cheveux blonds, ses yeux bleus. "Elle nous regarde" dit l'avocat.
L'avocat explique qu'au début de ce procès 13 Novembre, Sylvie, la maman d'Elodie voulait la perpétuité pour tous les accusés, et "elle a compris qu'ils étaient impliqués à des degrés divers"
L'avocat explique qu'au début, elle en voulait à la France ne pas avoir protéger sa fille, et puis durant ces mois d'audience, elle a compris que des policiers avaient fait tout ce qu'ils pouvaient.
Me Fournier, au président de la cour : "Sylvie, la maman d'Elodie Sylvie a été touchée par l’humanité que vous dégagez à travers l’inhumanité de cette tragédie"
Me Fournier dit que la famille d'Elodie a compris que les accusés n'étaient pas "des fous furieux", mais le grand frère, Arnaud "ne pardonnera jamais, non monsieur Salah Abdeslam on vous oubliera pas, on ne vous laissera jamais tranquille !" En référence aux mots d'Abdeslam
Puis une avocate plaide pour David, tombé au Bataclan et qui laisse derrière lui une femme et deux enfants, dont l'avocate parle pudiquement.
Un autre avocat plaide pour Suzon, morte au Bataclan Suzon avait 21 ans. A ses côtés, son frère Paul, 17 ans, a survécu. Avec une culpabilité dévastatrice. Et le jeune avocat, Me Pierre Thevenet, raconte cette famille dévastée.
Chaque soir, le papa de Suzon, médecin, dépose une bougie devant une photo de sa fille disparue. Suzon avait un amoureux le 13 Novembre, Tristan, lui aussi brisé.
Suit à la barre l'avocat de la famille de Chloé Boissinot, assassinée au Petit Cambodge. Elle avait 25 ans. Elle avait une soeur jumelle. Dans ses yeux bleus, la maman continue à voir le regard de Chloé.
La maman de Chloé Boissinot qui pendant longtemps a tenté d'aller voir Salah Abdeslam en prison. Elle a fait de nombreuses demandes, toutes refusées. Elle voulait dire à cet "homme de la terreur" qu'il était d'une grande "lâcheté"
La maman de Chloé Boissinot veut dire aux accusés qu'ils ont perdu. Ils ont voulu "éteindre la musique" en attaquant une salle de concert et des terrasses mais "Paris reste la ville de la lumière, eux, ils restent dans l’obscurité de leur cachot"
Vient l'avocate de la famille de Jean-Jacques Amiot, assassiné à 68 ans, alors qu'il s'enfuyait du Bataclan Il s'est écroulé devant la sortie de secours, "une balle dans la tête, face contre terre", dit l'avocate.
"Jean-Jacques Amiot était tout près de la vie sauve". Il avait 68 ans.
L'avocate parle des deux filles de Jean-Jacques, Laetitia et Bérengère, à qui leur père manque tant. Elle parle des petits-enfants, qui n'ont que trop peu de souvenirs de leur grand-père, et qui savent qu'il y a "un silence" quand on parle du 13 Novembre
Mais les petits-enfants se souviennent que leur grand-père était un homme qui avait "beaucoup d’humour" et racontent encore cette blague, quand leur papy avait éteint la télé et dit : "le dessin animé, c’est moi maintenant !"
Et l'avocate parle de Joëlle, la femme de Jean-Jacques. Ils ont vécu 38 ans ensemble. "Ils se sont rencontrés un jour et ne se sont plus jamais quittés"
L'avocate raconte Jean-Jacques et son métier de "sérigraphiste, il avait fait des autocollants : Je suis Charlie"
L'avocate brosse le portrait de Jean-Jacques Amiot, "un homme pudique, élégant, qui avait eu une enfance difficile, le gardait pour lui". Un homme qui avait "un humour corrosif qui faisait que toute personne qui le rencontrait avait envie de le rencontrer"
L'avocate parle de Jean-Jacques Amiot comme quelqu'un de "tellement généreux" qui "aurait été du genre à ouvrir les bras à ceux qui l’ont abattu"
L'avocate de la famille de Jean-Jacques Amiot : "Il fait partie de ces personnes qui manquent un peu plus à notre planète." Dans la salle, discrète, sur un banc, sa femme Joëlle, écoute.
Puis Me Pierre-François Rousseau prend la parole. Pour trois victimes : Léa, Christian et Nicolas. Trois victimes qui ne se connaissaient pas avant d'aller au Bataclan
Me Rousseau entame sa plaidoirie en se rappelant le premier jour de ce procès, le 8 septembre 2021, sous le soleil et le début d'un "long voyage" dans cette salle d'audience, pendant neuf mois. "On a voyagé en Syrie, on a voyagé dans l'intime" dit l'avocat, ton juste.
Me Rousseau parle de Léa, Christian et Nicolas avec des mots justes. Il décrit les "intranquilles" du 13 Novembre Léa s'en est sortie grâce à sa copine Sophie, mais un homme est mort à côté d'elle et son corps a été comme un bouclier.
Me Rousseau raconte Christian, "colosse de 55 ans fissuré depuis le 1Novembre. Comme dit Miossec, faut surtout pas le secouer, il est plein de larmes"
Me Rousseau : "Christian, il s'est sauvé mais il a marché sur des gens". Christian, la musique c'est sa vie. Batteur, puis régisseur. Et donc l'avant, et l'après 13Novembre
Et Me Rousseau raconte Nicolas, 30 ans : "Il a fui le Bataclan, il a fui dans le cannabis, et maintenant il est libraire, il fuit dans la fiction"
Me Rousseau : "Il est seul mais pas tout à fait seul, il a trouvé une voie, celle du Seigneur". Me Rousseau cite Bernanos, un extrait que lui a envoyé Nicolas, pour les accusés, "dans le cachot en attendant la miséricorde"
Les accusés qui ont si souvent fait référence à leur Seigneur, leur Dieu, Allah.
Me Rousseau sur ce procès 13 Novembre : "Comme tout voyage, on connait le départ et la fin mais on savait pas comment ça allait se passer". Comment allaient se passer tous ces mois dans la salle d'audience.
Me Rousseau rappelle au président le premier jour, le 8 septembre : "Salah Abdeslam s'est proclamé soldat EI et vous avez dit j’avais noté intérimaire sur ma fiche et on a ri."
Me Rousseau : "Et ce que je retiens, il n'y a pas eu de haine, il y a eu de la fraternité dès le 10 septembre, un soir une partie civile vient apporter des biscuits aux accusés"
Me Rousseau : "beaucoup de parties civiles sont angoissées à l'idée que la fin du procès va laisser un grand vide. Vous devez montrer que votre verdict pas la fin d’un voyage mais le début"
Me Rousseau cite un avocat "jeune dans sa tête", l'immense Me Henri Leclerc qui a pour devise : "Je crois au matin"
Me Rousseau : "Si on porte cette robe, c’est qu’on croit au matin. Votre verdict doit nous faire croire au matin. Aussi pour tous ces enfants qui étaient dans le Bataclan , ces orphelins, ces enfants du 13 Novembre "
Me Rousseau veut croire au matin pour "ces enfants du 13 Novembre qui sont nés de parents blessés dans leur chair, dans leur âme et aussi pour ces enfants qui sont nés en Syrie, dans des camps".
Me Rousseau espère que les accusés pourront faire un matin "le vrai djihad". "Celui que madame Mondeguer a si bien décrit, le djihad c’est pas la guerre, ça veut dire effort, celui qu’on fait sur soi-même", pacifiquement.
Me Rousseau clôt sa plaidoirie en pensant au matin, "où nous en aurons fini avec le 13 Novembre " Magnifique plaidoirie, juste et puissante, sobre et sensible, l'une des plus marquantes de ce procès.
Ce procès des attentats du 13Novembre doit s'achever à la fin du mois. Sur @franceinter
, ce dimanche 5 juin à 9h10 dans l'émission #Interception, je vous raconterai neuf mois d'audience sur les bancs. A travers les confidences de Nadia, Aurélie, Yann, Catherine et d'autres.
Me Deniau arrive à la barre : "Je viens d'un des plus petits barreaux de France". Il vient de Normandie, pour plaider pour Cédric, dans l'immense salle d'audience du procès des attentats du 13 Novembre
Me Deniau plaide pour Cédric, "1m90 de gentillesse". Il s'était installé en Normandie avec Fabienne et leurs deux bouts de choux. Le soir du 13 Novembre, Cédric était au Bataclan
Me Deniau : "Cédric s'est effondré juste avant de sortir. Il a été lâchement assassiné de deux balles dans le dos". Il a le temps de dire à son copain de concert qu'il se sent mourir. Le copain s'en sort et s'en veut.
Me Deniau décrit le chagrin des enfants de Cédric et de leur maman. Qui eux, "n'ont pas eu des larmes de crocodiles".
Et Me Deniau raconte que le fils de Cédric est venu à l'automne dans la salle d'audience. Depuis qu'il a vu les accusés, il a un peu retrouvé le sommeil, dit l'avocat.
Suit Me Virginie Le Roy qui vient plaider : "nous ne pouvons pas comprendre cette barbarie gratuite". Elle parle de "l'absurde, l'absurde qui rend fou, qui rend dingue"
Elle parle des accusés qui n'ont pas convaincu. Et de la solidarité de cette salle d'audience, avec humanité. "Solidarité coagulée", dit-elle en reprenant l'image d'un de ses clients.
Me Le Roy, à la cour : "Les victimes vous demandent de les protéger. Nous n'avons pas le droit à l'erreur".
Me Marine Schwalbert, jeune avocate, s'approche de la barre : "Il y a des blessures qui ne pourront jamais guérir". Elle plaide pour la famille de Germain, mort au Bataclan le
Germain Ferey était au concert du Bataclan avec la femme de sa vie, Anne. Il lui a dit de courir quand elle s'est retrouvée face à un terroriste. Anne a couru et survécu. Germain est mort, à 36 ans. Ils avaient une petite fille de 17 mois. Me Da Silva qui plaide aussi pour eux.
Me Da Silva qui dit que la maman de Germain a été convaincue par les excuses de Salah Abdeslam. Et même que "ça lui a fait du bien".
Un autre avocat, Me Mary, arrive à la barre. Changement de ton. Il parle des accusés comme des gens "banals", de la "voyoucratie occidentale", des hommes qui "fument", "vont aux putes", dit l'avocat.
Me Mary qui dit qu'il entend dire que "l'amour va triompher, que la fête va continuer" mais "la fin de la légèreté, ça nous concerne tous".
Me Mary : "Mais il faut vivre, retourner au travail avec un hurlement dans l'estomac. Il faudra vivre, amputé de cette légèreté". #13Novembre
Me Mary qui plaide pour Olivier, qui a continué à vivre, qui "a aimé très sincèrement", mais qui a au fond de lui cette colère, depuis le #13Novembre
Quelques dernières plaidoiries très brèves, et s'achève le 131e jour d'audience.
Jour 132 – Jeudi 2 juin – Suite des plaidoiries de parties civiles
Bonjour à tous, Suite des plaidoiries d'avocats de parties civiles au 132e jour du procès des attentat du 13 Novembre 2015.
L'audience reprend. Tous les accusés sont présents dans le box donc on va pouvoir démarrer immédiatement. Le LT des plaidoiries du jour est à suivre ici.
Me Patrick Klugman est le premier à plaider aujourd'hui : "Une cigarette sur le bitume. On trinque à un départ, on trinque pour n'importe quel prétexte. On fonce à un concert. Paris c'est une terrasse de café où l'on rit, Paris c'est une salle de concert bondée."
Me Klugman : "Le 13 Novembre ce n'est pas un attentat à Paris, c'est un attentat contre Paris. Je plaide pour Paris. Paris qu'on a atteint, qui s'est assis, éteint, obscurci, relevé. Paris qui est debout, Paris qui est là."
Me Klugman : "je suis si fier de plaider pour Paris. Ses 105 km carrés, ses 260 salles de concert, ses 12 000 terrasses, ses vélos, ses embouteillages. Je plaide pour la maire de Paris, pour cette équipe municipale que je connais si bien. Je plaide pour Rémi, le maire du 10e"
Me Klugman : "je plaide pour François, le maire du 11e. Je plaide pour Philippe, Colombe, Mathias, Jean-François, tous ceux qui ont tenus bons, pour les agents municipaux dont le travail a été impacté."
Me Klugman : "Je plaide pour le petit Mickaël ou la petite Zoé qui ont eu peur de retourner à l'école. Je plaide pour François, leur maitre d'école qui a du expliquer à ses élèves de sept ans, ce qu'on ne comprend pas sept ans plus tard."
Me Klugman : "je plaide pour ceux de partout qui ont affiché, proclamé, posté, tweeté, notre devise : Fluctuat Nec Mergitur, pour nous donner espoir. On délimite une ville pas sa géographie. Paris c'est autre chose, des dates : 14 juillet, 25 août. C'est aussi le 13 Novembre "
Me Klugman : "le 13 Novembre la ville a été là, au-delà d'elle-même, comme elle sait le faire quand le drame frappe à sa porte. Le 13 Novembre Paris a souffert de toutes les manières possibles. Parce qu'une ville ça vit, ça souffre."
Me Klugman : "je suis ici parce que Paris est indissociablement lié au 13 Novembre 2015. Paris demeure après les attentats, ces attaques coulent au milieu de nous comme la Seine qui nous traverse. Les New-Yorkais ont le 11 Septembre , nous avons le 13 novembre."
Me Klugman : "je voudrais m'accuser aux accusés : vous avez perdus. Vous avez perdu parce que vous avez voulu nous tuer et nous sommes de ce côté, debout et ensemble. Vous avez perdu parce qu'au milieu de notre ville meurtrie, se tient ce palais."
Me Klugman : "vous avez perdu parce que le califat de l'Etat islamique n'est plus et que ce soir, à 21h30, la tour Eiffel scintillera et que depuis 2015, 4500 terrasses ont ouvert. Paris est votre démenti."
Me Klugman : "de tous ces morts, de toutes ces larmes, je ne sais plus si Paris est une fête. Mais au-delà de cette salle, que ceux qui vont ont armé, que ceux qui vous ont inspiré, qui voudraient vous imiter l'entendent avec vous : Paris est votre défaite".
Me Elsa Rener s'avance à son tour à la barre pour "parle d'Audrey, stadière au Stade de France. Qui, ce soir-là, a du poursuivre son travail. Et pendant des mois, elle a tenu. Et puis, elle s'est effondrée. Sa fille, Elina, avait 7 ans lors des attentats."
Me Rener : "Elina a assisté à l'effondrement de sa mère. Elle est devenue celle qui veille, qui se soucie, qui vérifie que sa mère prend ses médicaments. Elle a été atteinte par l'onde de choc."
Me Claudette Eleini plaide à son tour : "vous avez entendu de nombreuses victimes venues témoigner, qui ont surmonté leur angoisse de se voir replonger dans l'horreur de ces attentats barbares. Vous avez entendu l'appel et la détresse des victimes qualifiées de contestées"
Me Eleini : "pour les victimes du 13 Novembre des moyens furent immédiatement mis en place pour leur venir en aide. D'autres victimes, réduites au silence, souffrent depuis 6 ans : les victimes du 48 rue de la République à Saint-Denis où s'étaient réfugiés Abaaoud et Akrouh"
Me Eleini : "ces victimes n'ont nullement été aidées, elles n'ont bénéficié d'aucune aide matérielle, de réunion d'information, n'ont pas été contactées par l'Etat. Au contraire, ces victimes ont été humiliées, traînées dans la boue, non indemnisées et maintenant spoliées".
Me Eleini : "ces victimes ont été prises en otage entre la mairie de Saint-Denis et l'Etat. Pour la mairie, cette opération a été une aubaine car elle avait des vues sur cet immeuble extrêmement bien placé. Elle a tout fait pour le déclarer inhabitable."
Me Eleini : "chaque personne de cet immeuble a été livrée à elle-même. Ils ont abandonnés tous leurs meubles et à ce jour n'ont pas pu les récupérer. Certaines pièces de mobilier ont été achetés à crédit et ils ont du continuer à payer les crédits."
Me Eleini : "les factures d'électricité continuaient à être prélevées sur leurs comptes, ils ont dû continuer à payer les charges de copropriété. Voilà comment la mairie est venue au secours de ses administrés, comment l'Etat a brillé par son silence."
Me Eleini : "et qu'on ne vienne pas nous dire ensuite que les préjudices des habitants du 48, rue de la République sont uniquement dus à l'opération de police judiciaire. Les dégâts sont dus également à l'explosion d'une violence terrifiante [d'une ceinture explosive, ndlr]"
Me Eleini : "le parquet, en leur contestant le statu de victime de terrorisme, leur inflige de nouvelles souffrances. Y aurait-il deux catégories de victimes ? Je demande à la cour de ne pas infliger de nouvelles souffrances à ces victimes oubliées : redonnez-leur la dignité"
Me Johana Gameiro débute sa plaidoirie : "mon client va bien. Eddy est devenu père pour la seconde fois, sa fille Soline est née en 2017. Avec Sophie, ils ont pu acheter une maison. C'est une vie qui se poursuit normalement. En apparence. En apparence seulement."
Me Gameiro : "en réalité, c'est une fuite en avant. Le soir des faits, Eddy a perçu la mort. Mon client se souvient encore d'un homme gémir de douleur après avoir reçu une balle jusqu'à ce qu'une 2e balle le fasse taire"
Me Gameiro : "cette nuit s'est achevée par le retour d'Eddy auprès de sa famille. Mon client n'est pas mort au sens clinique du terme, mais une partie de lui est morte, psychologiquement."
Me Gameiro : "ce procès a été l'occasion pour mon client de devenir acteur après avoir été trop longtemps spectateur dans cette fosse. En se constituant partie civile, il vous a confié la première étape de sa reconstruction."
Me Franck Serfati s'avance à la barre : "je ne vais pas plaider au sens habituel, je vais simplement poser quelques observations. J'aimerais rappeler aux accusés que seul l'Etat français a pu organiser un procès de ce type avec un contradictoire magnifiquement respecté."
Me Géraldine Berger-Stenger plaide à son tour pour des victimes du Carillon et du Bataclan. Dont Claire et Romain, pour qui ce concert est leur première sortie en amoureux depuis la naissance de leur bébé, laissé à sa grand-mère.
Me Berger-Stenger : "ces femmes et ses hommes qui ne se connaissaient pas ont désormais un point commun : celui d'avoir connu la barbarie à l'état pur. Même avec la plus grand imagination, nous ne pourrons toucher du doigt ce qu'ont vécu ces victimes. Et tant mieux."
Me Berger-Stenger : "aujourd'hui, nombreux sont ceux qui ont déménagé. De nombreuses reconversion professionnelles ont eu lieu avec des choix parfois peu conventionnels comme celui de travailler dans un cimetière américain."
Me Berger-Stenger : "des enfants sont nés depuis 7 ans et à chaque fois c'est une victoire, une nouvelle page, pleine d'espoir à écrire. Tous sont sur le chemin de la reconstruction, à des stades plus ou moins avancés".
Me Berger-Stenger : "certains disent que votre décision ne changera rien à leur destin. Mais nombreux sont ceux qui, en réalité, l'attendent."
Au tour de Me Arnaud Ducrocq : "elle avait 31 ans, elle était régisseuse lumière de la salle du Bataclan, elle aimait profondément cette salle. Elle ne travaillait pas ce soir-là, mais assistait au concert. Elle est vraisemblablement l'une des premières victimes des terroristes"
Me Ducrocq : "son papa, monsieur Patrick Jardin, a souhaité que je prenne la parole pour exprimer sa colère, sa rage. On lui a dit que le temps passe, que ça guérira. Mais le temps passe et ça ne guérit pas. Et sa colère n'en est pas moindre."
Me Ducrocq : "que reste-t-il à cet homme? Peut-on lui reprocher sa haine à l'égard des responsables ? Il a autant de haine envers ceux-là [il montre le box ndlr] qu'envers les hommes politiques. Vous n'imaginez pas à quel point, il considère que l'Etat a failli."
Me Ducrocq : "monsieur Jardin est un père qui a aimé sa fille et ne retrouvera jamais les moments qu'il partageait avec elle. Pour que cette colère ne se transforme pas en injustice, je vous demande dans votre délibéré, respectueusement, de ne pas oublier Nathalie Jardin."
Me Olivier Pacheu plaide à son tour : "Charlotte et Alexandre n'ont pas mis un pied dans cette salle d'audience, n'ont pas écouté la webradio. Depuis n9mois, vous jugez ce qui a marqué leur vie pour toujours. Et eux, Charlotte et Alexandre, ne connaissent même pas votre visage"
Me Pacheu : "ils ne connaissent pas votre voix, monsieur le président, même votre très léger accent, ils ne garderont pas un seul souvenir. Alors, à quoi vont-ils se raccrocher? A cet arrêt que vous allez rendre dans quelques semaines. Et puis à ce qui a été dit dans cette salle"
Me Pacheu : "Charlotte et Alexandre sont un couple d'amoureux qui voyagent, sortent, vont au concert. Ce soir-là, ils ne vont pas dans la fosse. Il y a une bonne raison à cela c'est que Charlotte est enceinte, enceinte de 11 semaines. Elle est coiffeuse."
Me Pacheu : "Alexandre est policier, alors il comprend très vite que ce ne sont pas des pétards. Pendant trois heures, ils vont être séparés. "
Me Pacheu : "Charlotte n'est pas toute seule, elle se retrouve dans un local technique pendant deux heures. Deux heures, c'est 7200 secondes. Alors on pourrait compter ces 7200 secondes en pensant à la mort."
Me Pacheu : "Charlotte et Alexandre ont quitté Paris. Ils ont eu une petite fille : elle s'appelle Juliette."
Place à la plaidoirie de Me Samuel Djian dont le client a été blessé au Bataclan et qui y a perdu sa compagne. En octobre 2016, ce client lui a dressé une liste, qu'il lit à l'audience.
Me Djian : "voici la liste : "troubles de la concentration, réminiscences, je suis terrifié par le caractère aléatoire de ma survie, j'ai une anxiété quant à l'évolution de mon état physique avec l'âge, perte significative de patience, perte d'émotion, de compassion, d'envie"
Me Julia Courvoisier plaide "pour trois merveilleuses personnes, des combattants de la vie et des amoureux de la liberté. Ils sont plus que des rescapés, ils sont mes exemples. Et j'espère qu'ils seront également les votre."
Me Courvoisier : "dès les premiers tirs, Bruno a pris une balle dans l'abdomen. Puis Annabelle. Elle a hurlé :"le bébé, le bébé, je vais mourir".
Me Courvoisier : "Annabelle a pu accoucher d'un petit garçon qui est en bonne santé. Dans un premier temps, Bruno avait envie de "tout faire péter", partie en Syrie, abattre de sang froid ceux qui avaient causé ça".
Me Courvoisier évoque également Maeva qui "quand elle parle de vous, monsieur Abdeslam, dit toujours "monsieur". Comme si, malgré l'horreur que vous lui avez infligé, elle avait toujours du respect pour la personne humaine que vous êtes."
Me Courvoisier : "ces victimes font partie de nous. Pas seulement depuis le 8 septembre 2021, depuis le 13 Novembre 2015. Vous leur devez la justice. Cette justice, messieurs les accusés, sera toujours sur votre route."
Me Arnaud Godefroy s'avance à la barre : "comme avocat et encore plus comme français, on n'est contents de rien. C'est consubstantiel à notre robe, se plaint tout le temps. Mais quelle chance avons-nous d'être dans notre pays."
Me Godefroy : "rien n'effacera ces actes de rouge et de noir. Rouge tel le sang qu'ils ont fait couler. Noir telles les ténèbres dans lesquels ils ont voulu nous placer : sans musique, sans rire, sans sport. Rouge et noir comme nos robes aujourd'hui."
Me Godefroy : "après les ténèbres, le déluge, il y a toujours la lumière, toujours un matin."
Me Axel Metzker s'avance pour plaider : "où étiez-vous ce jour-là ? Que faisiez-vous quand nous avons appris? Le 13 Novembre 2015 fut un moment unique, un de ces moments- rares dans une vie où l'on a l'impression de toucher l'histoire."
Me Metzker : "au procès de Nuremberg, un seul accusé a plaidé coupable : Hans Frank . Il a dit "ce n'est que mon devoir de répondre affirmativement à cette question. Mille ans passeront avec le poids de la culpabilité de l'Allemagne Hans Frank fut déclaré coupable et pendu."
Me Metzker : "des historiens étudient ce procès comme un sujet d'Histoire, comme l'a été le procès de Nuremberg, première dans l'histoire judiciaire."
Me Metzker : "je souhaite que mon client puisse s'en sortir, reprendre le cours de sa vie comme si de rien n'était. Comme si tout cela n'avait existé."
Place à Me Sacha Ghozlan : "les personnes qui ont été visées le 13 Novembre 2015 ont été la cible d'une idéologie. Une idéologie emplie de violence, qui enferme et confisque la parole de ceux qui ont été visés. On ne choisit pas d'être victime du terrorisme."
Me Ghozlan raconte David qui "tire une femme vers la sortie du Bataclan. Mais se rend compte que s'il continue de la tirer, il ne pourra peut-être pas s'en sortir. Alors, il l'abandonne, contraint. David finira la soirée sur le toit aux côtés de gens qu'il a essayé de rassurer"
Me Ghozlan : "je n'avais pas prévu de prendre la parole à cette audience. Mais il y a quelques jours, un rescapé des camps est décédé. Pendant 50 ans, il s'était tu, puis il a témoigné. Il disait : "vous êtes désormais les témoins des témoins."
Me Ghoslan cite Elie Wiesel et Jorge Semprun "qui se sont croisés dans les camps, sans se connaître et qui dialoguent : "se taire est interdit, parler est impossible." Je souhaite que leur silence devienne vos mots. Et que ces mots brisent le tourbillon de violence et de silence"
Me Delas, avocat de plusieurs victimes mais aussi de l'association @lifeforparis
s'avance à la barre : "je m'appelle Maureen, j'étais au Bataclan avec mon mari le 13 Novembre Nous sommes plus de 1000 à être sortis de cette salle."
Me Delas : "plus de 1000 personnes pour qui les choses ne seront plus jamais les mêmes. Dans notre malheur, notre seule chance est d'être nombreux. Je propose de créer @lifeforparis
C'étaient les mots de Maureen, postés le 1er décembre 2015 sur Facebook. Tout est dit"
Me Delas : "en décembre 2015, il y avait une urgence : celle de sortir pour ne pas se terrer, de partager, de se rencontrer. Je voudrais dire quelques mots pour Françoise Rudzetski, à qui un hommage a été rendu hier."
Me Delas : "et qui avait ces mots très simples : on peut être victime et farouchement indépendante. On ne combat les ennemis de la démocratie sans utiliser les armes de la démocratie. Le droit, rien que le droit. C'est son premier enseignement."
Me Delas : "le deuxième c'est en 1985, elle s'élève avec la plus grande fermeté contre la peine de mort. Et puis un troisième point : il n'y a pas de justice d'exception pour les actes de terrorisme."
Me Delas : "au sujet de @lifeforparis et le procès, on a abordé cela avec un principe extrêmement simple : une liberté de ton, un souci extrême du respect des droits de la défense et on ne vient pas au soutien de l'accusation car nul besoin."
Me Delas : "vous avez vu très peu de grand blessés ici. Mais il y en as. Et certains ne sont pas venus du tout. Pour certains la douleur est tellement insoutenable qu'ils n'ont pas pu y participer."
Me Delas plaide aussi pour la plus jeune victime décédée, Lola 0. En lisant un texte écrit par sa mère : "13 mai 1998 - 13 novembre 2015. Soit 17 ans et demi exactement Elle était à l'aube de sa vie d'adulte. "
Me Delas : "elle lisait beaucoup depuis son enfance et avait choisi de s'orienter vers des études littéraires. Elle a tout juste eu le temps de faire deux mois de philosophie en Terminale. Et sa première dissertation était sur le thème du désir."
Me Delas poursuit la lecture du texte de la mère de Lola O. : "avec ma fille m'a été enlevé tout le bonheur de la voir s’épanouir, devenir femme et peut-être mère, ce qui fut pour moi, le plus grand bonheur de ma vie".
Me Delas poursuit sur les conclusions de ce procès : "cela a été évoqué par le docteur Zagury : la banalité du mal. L'affligeante banalité du mal. C'est ce que vous avez à juger."
Me Delas : "Vous n'aurez pas ma haine", c'est un idéal vers lequel on doit tendre. C'est au futur. Et certains le peuvent, d'autres ne le peuvent pas. Il y a la même relation entre la haine et la justice qu'entre la peur et le courage. La justice, c'est dominer la haine."
Me Delas :"et puisqu'on évoque l'avenir, je vais finir sur l'avenir de l'association
@lifeforparis: il n'y en a pas. Vous avez entendu @Arthur_Dvxici : "je serai un président à la retraite, je ne veux pas être une victime à vie". Donc la dissolution est prévue."
Place à la plaidoirie de Me Ferdinand de Vareilles-Sommières pour quatre amis "qui ont vu la mort ce soir-là". "Ils ne sont pas venus, vous ne les avez pas entendus vous dire que la mort était, à cet instant, une certitude absolue".
Me de Vareilles-Sommières : "écouter c'est le début de la consolation. Vous avez écouté pendant des semaines de nombreuses parties civiles. Nombre d'entre elles vous ont remercié."
Me Frédéric Pichon plaide à son tour : "ce qu'attendent les victimes c'est la justice et la vérité. La sagesse des Hommes a voulu que face à la loi du Talion, l'Etat s'est arrogé le monopole de la fonction rétributive."
Me Pichon : " dans la même enceinte cohabitent les victimes, ceux qui portent les stigmates de ce crime et ceux qui ont minutieusement préparé ce carnage. Dans ce dossier que vous aurez à juger, on tue pour tuer et pour provoquer un effet de sidération".
Me Pichon : "je voudrais dire aux accusés: je respecte les combattants, ceux qui ont un idéal. Quand j'avais 21 ans, je suis parti me battre en Croatie. Mais un combattant a un code de l'honneur. IL ne touche pas à des civils. D'autant que ces civils là ne vous avaient rien fait"
Me Pichon : "vous avez encore le temps de briser cette carapace et de demander pardon. Pas un pardon de taqiya, un pardon contrit et sincère"
Me Florence Loty Porzier lui succède à la barre : "on a tous voulu les réconforter. On se souvient tous d'où on était ce soir là, ce qu'on faisait. Eux, certains sont mort complètement. D'autres partiellement."
Me Loty Porzier : "pour que ça aille vraiment, aujourd'hui, votre verdict devra démontrer que ça a un sens. On ne rendra jamais ces vies volées, ces vies brisées. Mais on peut leur dire qu'il sont été entendus, que la justice est passée et qu'ils n'ont pas fait tout ça pour rien"
Me Ludovic Baron plaide "pour deux parties civiles". "Quelques mots pour tenter de participer à ce temps de participer à ce temps nécessaire pour juger : l'audience."
Me Baron : "si procès du siècle, audience du siècle, cela ferait de vous, monsieur le président, le président du siècle ? Non, je pense que cela est plus simple. C'est une audience à laquelle chacun aura pu librement exercer ses droits. Et c'est l'essentiel."
Me Baron : "monsieur Abdeslam nous explique avoir renoncé à se faire exploser par humanité. Il aurait donc renoncé? Que vaut cette parole? Je vous ai écouté, monsieur Abdeslam et vous ai aussi entendu pendant vos longs silence".
Me Baron : "monsieur Abdeslam, vous faite partie des premiers survivants du 13 Novembre 2015, vous êtes un miraculé. C'est comme si d'un coup de bouton poussoir, vous avez transformé votre gilet explosif en gilet de sauvetage"Me Baron : "monsieur Abdeslam, alors que vous nous dites partir pour la Syrie, vous vous retrouvez à Paris pour finalement arriver en Absurdie. Je crains que vous soyez arrivé au bout du bout de la sangle d'équilibriste tendue jusqu'à cette barre depuis le 13 Novembre 2015."
Me Baron : "finalement, c'est la vérité que je vous propose comme nouveau point de départ. Je suis persuadé que vous pouvez mieux faire. Et vous vous l'avez promis : "je ferai de mon mieux".
Me Baron :" si vous voulez que le petit gars de Molenbeek ne soit pas complètement écrasé par Abou Abderrahmane, si vous voulez que demeure le petit gars de Molenbeek que vous êtes avant tout, faites le pour lui, faites le pour vous."
Me Baron : "après ces quelques mois traversés ensemble, j'ai le sentiment que nous allons nous manquer. Oui, nous allons nous manquer."
Me Philippe Sarda est le dernier à s'avancer à la barre : "je suis là pour un très court instant, de façon presque symbolique, déchirer le silence dans lequel se sont enfouis Lea et Quentin, ils avaient 13 et 14 ans dont le père a été tué à la terrasse de la Belle équipe."
Fin de l'audience pour aujourd'hui. Reprise demain à 12h30 pour la suite des plaidoiries des avocats de parties civiles.
Jour 133 – Vendredi 3 juin – Suite des plaidoiries de parties civiles
Jour 133 au procès des attentats du 13 Novembre Des avocats de parties civiles vont plaider à nouveau toute la journée.
A la barre, en ce 133e jour, la première avocate plaide pour une jeune fille de 16 ans, qui était en 1ère au lycée Hélène Boucher le 13 Novembre 2015, et sa vie a basculé au Bataclan, dans la fosse
Naïma était au concert avec son amoureux. Des "confettis" du corps du terroriste leur sont tombés dessus. Naïma a lu un texte à la barre en mai dernier. Naïma est devenue une brillante étudiante en architecture, mais "elle souffre" toujours dit son avocate.
Son avocate qui s'adresse à sa cliente à la barre, et conclut sa plaidoirie : "Je n'ai aucun doute sur ta capacité à rebondir, et ta joie de vivre"
Une autre avocate s'approche de la barre, pour plusieurs survivants. L'une "dans sa tête, elle aura toujours le sentiment d’avoir marché sur des corps, et ça, c’est ineffaçable"
Arrive Me Sylvain Cormier, qui fait partie de ces avocats qu'on a peu vus à ce procès jusqu’à cette plaidoirie, et il plaide qu'il s'inquiétait sur la tenue ce procès...
Et Me Cormier poursuit que ce procès a "permis aux journalistes de découvrir qu'un procès n'était pas une série télévisée !" Sur les bancs de la presse, les journalistes se regardent avec étonnement. Surtout ceux qui sont là depuis 133 jours, et habitués des procès...
Et la plaidoirie de Me Cormier sonne étonnamment décalée dans le prétoire où il s'est passé tant de choses depuis neuf mois. Etrangeté de plusieurs plaidoiries cet après-midi, on sent que certains plaideurs n'ont pas beaucoup assisté au procès Jour 133.
Lui succède Me Le Bras, qui plaide pour le père de Christophe Foultier, assassiné au Bataclan à 39 ans. Le 22 octobre dernier, Caroline, la femme de Christophe, avait livré un témoignage bouleversant.
Me Laurent arrive à la barre pour plaider d'abord au nom d'une survivante du Stade de France, qui a vu un des terroristes exploser. Elle reste traumatisée six ans après, peur de tout.
Tellement peur de tout qu'elle a fini à un moment par déscolariser son fils, de peur qu'il lui arrive quelque chose à l'école.
L'avocate plaide aussi pour une victime du Bataclan Espère pour tous un verdict "exemplaire"
Me Hennemann plaide pour Vincent, secouriste qui a été appelé au Bataclan et reste marqué six ans après. Ce 13 Novembre, il était passage Amelot "pour récupérer au plus vite un maximum de blessés"
Quelques minutes avant, les terroristes tiraient encore à cet endroit-là. Vincent avait donc conscience de "ce risque de mort", mêlé à une "culpabilité" de ne peut-être pas sauver toutes les vies.
Toute cette nuit, "il agit par automatisme", jusqu'à 5h du matin, puis part faire une garde pour le SAMU, puis enchaîne à l'école militaire, il n'arrive pas à s'arrêter, "il se dit situation exceptionnelle, j'y vais"
Après les blessures, il fait face à la détresse des victimes. Puis le dimanche soir, Vincent, secouriste bénévole, se retrouve seul, sous le choc. Le lundi, trois jours après les attentats, il se retrouve à son poste de commercial. Et ne parle plus du 13 Novembre
Puis il est envahi par la culpabilité de ne pas avoir sauvé plus de victimes. Cauchemars peuplés de terroristes. Transforme son domicile en bunker. Sombre dans une dépression. Puis est atteint d'un cancer rarissime.
Me Hennemann : "J'aimerais savoir si ce cancer rarissime a un lien avec le 13 Novembre ? Il est de nouveau confronté à l'idée de mort imminente", car on lui diagnostique un cancer fulgurant.
Vincent s'en sort, se porte partie civile en 2020 dans ce procès. Son avocate : "Il est un primo-intervenant, une catégorie trop oubliée de l'Histoire"
Son avocate qui conclut sa plaidoirie en disant qu'elle a "livré le secret du calvaire" de Vincent. Vincent qui est toujours secouriste réserviste. Vincent qui dit : "Si c'était à refaire, je le referais". Toujours "le goût d'aider les autres".
Arrive un autre avocat. Autre ton. Colère dans le ton de sa plaidoirie : "Cette mort qui rôde dans la fosse" commente-t-il, en faisant des gestes avec son bras comme s'il avait lui-même une arme : "il verra les douilles ricocher"
Me Bensadoun plaide pour son client, Aymeric, survivant, resté deux heures dans la fosse, à tenir son copain Cyprien par un petit doigt, et des pressions du petit doigt, pour se dire qu'ils étaient vivants.
Me Bensadoun plaide en citant d'abord Primo Levi, puis Confucius : "On a deux vies. La deuxième commence quand on réalise qu'on n'en a qu'une". Me Bensadoun qui crie dans sa plaidoirie.
Me Bensadoun qui achève sa plaidoirie d'un ton plus doux. Il donne l'âge d'Aymeric : 19 ans, quand il a vécu le cauchemar du Bataclan
Puis l'avocat parle du papa d'Aymeric. Le père aussi était au concert des Eagles of Death Metal. Après le 13 Novembre il a sombré dans la dépression. Le père est mort, à 58 ans. L'avocat demande une pensée pour lui, au nom de ses enfants, Aymeric et Valentine.
Une autre avocate plaide pour Franck, survivant du Bataclan. "Il y pense tous les jours, aucun ne ressort indemne de l'horreur". Franck qui était "sous-directeur à la Santé", Franck qui a été marqué par le rire des terroristes au Bataclan.
Franck que son avocate qualifie de "héros". Franck qui avait témoigné en octobre dernier.
Après la pause, une autre avocate vient plaider pour Philippe, survivant du Stade de France, qui désormais a déserté tous les matchs de foot. Désormais, il vit "une demi-vie", n'a plus la vie paisible d'avant.
Puis une avocate plaide pour deux jumelles survivantes du Carillon, qui font partie de "la cohorte des silencieux" à ce procès
Une autre avocate plaide pour Chloé, qui " a demandé pardon en marchant sur des corps" au Bataclan
Arrive Me Mathieu qui plaide pour l'Etat. Plaide "un préjudice personnel et direct de l'Etat". Il cite l'arrêt Merah "qui a reconnu ce préjudice" dit-il.
Me Mathieu cite un extrait de l'arrêt : le terroriste voulait instiller la terreur. Et donc l'Etat a été affaibli par ce climat. Et donc préjudice aussi pour le 13 Novembre veut démontrer Me Mathieu dans sa plaidoirie.
Me Mathieu : "L'Etat a déclaré l'état d'urgence, on a vécu l'état de sidération"
Suit Me Truong, pour des victimes du 13 Novembre dont elle dit qu'on les a "arrachées au temps". Me Truong qui a très souvent pris la parole à ce procès durant les débats, sans toujours être comprise.
Me Truong qui parle du "silence de contrebande" des accusés du box. Elle précise qu'elle ne remet pas en cause "le droit au silence". Elle se plaint des "silences bavards".
Puis elle parle des mots. En vrac. "Culpabilité du box qui glisse, comment on dit ? Sur les plumes d'un canard", plaide-t-elle.
Et elle dit qu'elle a appris à ce procès "la culpabilité du survivant", souvent évoquée à la barre par les victimes. Me Truong plaide donc pour des victimes.
Elle parle du mot fraternité. Toutes sortes. Et de Dieu. "Avec la violence comme adoration". Et enchaîne : "Leurs paroles, je trouve qu'elles manquent". Me Truong enchaîne sur les regrets, puis aussitôt "c'est quoi une idéologie ?" On a beaucoup du mal à suivre.
Sur les bancs des parties civiles, beaucoup se regardent entre elles, visiblement décontenancées elles aussi par cette plaidoirie vraiment décousue. On passe en deux minutes de l'Irak, à Gérard de Nerval puis phrase suivante "les conditions criminogènes".
Me Truong : "Je voudrais quand même avoir une pensée pour les victimes" alors que le procès est sur le point de s'achever. Elle craint les victimes "sursitaires", cite la guerre du Vietnam, et a une pensée pour Guillaume Valette.
Guillaume Valette est la 131e victime de ces attentats du 13 Novembre souffrant trop douloureusement du stress post-traumatique, il a mis fin à ses jours deux ans après avoir survécu physiquement à l'attaque du Bataclan
Me Etrillard vient plaider. Autre ton. Il demande qui va se souvenir du nom des accusés ? Qui se souvient des accusés de Nuremberg ?
Il plaide qu'après le 13 Novembre, les attaques, les attentats, on se souviendra maintenant du procès du 13 Novembre
Me Etrillard pose la question de la place de la victime dans le procès
Me Etrillard : "Les personnes que je représente voient le procès comme d'abord pour les victimes", comme une catharsis, "pour elles, le procès est d'abord mémoriel"
Me Etrillard : "Ce procès est tenu pour l'Histoire. Certaines victimes que je représente sont venues que pour la mémoire. Et que se passera-t-il s'il y a un appel ? Faudra-t-il refaire mémoire ?"
Me Etrillard achève sa plaidoirie centrée sur la place dans l'Histoire de ce procès historique .
Arrive Me Jean Tamalet, qui plaide pour Julien Pearce et sa compagne Claire. "Nous sommes plongés ici au cœur d'une tragédie grecque, politique, religieuse, et le dépassement du tragique"
Julien Pearce, journaliste, a réussi à s'enfuir du #Bataclan mais il a vu un homme mourir sur lui, puis a tenté de sauver une femme en sang dont il ne sait si elle a survécu. Me Tamalet raconte sobrement 6 ans de souffrances psychologiques pour Julien.
Une autre avocate plaide pour une jeune fille qui a perdu le #13Novembre l'insouciance de la vingtaine après les attentats. "Et malgré tout, elle garde espoir qu'un jour, elle pourra reprendre une vie normale et arrêtera elle aussi de culpabiliser".
Et l'avocate conclut par les mots que sa cliente lui a demandé de prononcer à la barre. Citation d'André Malraux : "Une vie ne vaut rien, mais rien ne vaut une vie".
Sur un banc de la salle d'audience, la formidable
@Baboobabounette : "C'était pas Souchon, cette citation ?" Et au jour 133, au procès 13 Novembre, mélodie d'Alain Souchon dans la tête. Un autre avocat de parties civiles se met à plaider.
L'avocat : "Même si les accusés n'ont pas appuyé sur la gâchette, ils ont tous participé à ce massacre organisé. Messieurs, vous êtes tous, à des degrés divers certes, mais vous êtes tous pénalement responsables de ce massacre".
Cet avocat plaide pour trois jeunes secouristes bénévoles : Luc, Baudouin et Jérôme, qui se sont retrouvés en première ligne le 13 Novembre "sans protection sans information"
Cet avocat : "Les secouristes bénévoles du 13 Novembre n'ont reçu aucun geste de reconnaissance de la Nation. Alors, pourquoi rien n'a été fait de leur engagement total ?"
L'avocat : "Mes clients et les autres ont tous été surpris par cette non-considération. Ils portent encore les stigmates du 13 Novembre"
Le procès reprendra mardi 7 juin pour le dernier jour de plaidoiries de parties civiles, avant trois jours de réquisitoire.