Procès des attentats du 13 novembre 2015 - Le Live Tweet - Semaine TRENTE QUATRE

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.


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Retrouvez sur cette page tous les tweets du procès issus des Live tweets de @ChPiret Charlotte Piret et @sophparm Sophie Parmentier ; elles suivent ce procès pour France Inter et nous ont donné l'autorisation de compiler leurs tweets dans un objectif de consultation et archivage.



Semaine UNE Semaine DEUX Semaine TROIS Semaine QUATRE Semaine CINQ Semaine SIX Semaine SEPT Semaine HUIT Semaine NEUF Semaine DIX Semaine ONZE Semaine DOUZE Semaine TREIZE SemaineQUATORZE Semaine QUINZE Semaine SEIZE Semaine DIX-SEPT Semaine DIX-NEUF Semaine VINGT Semaine VINGT-ET-UNE Semaine VINGT-QUATRE Semaine VINGT-CINQ Semaine VINGT-SIX Semaine VINGT-SEPT Semaine VINGT-HUIT Semaine VINGT-NEUF Semaine TRENTE Semaine TRENTE ET UNE Semaine TRENTE DEUX Semaine TRENTE TROIS Semaine TRENTE QUATRE Semaine TRENTE CINQ Semaine TRENTE SIX Semaine TRENTE SEPT Semaine TRENTE HUIT Semaine TRENTE NEUF

Semaine TRENTE QUATRE

Jour 126 – Lundi 23 mai – Premier jour de plaidoiries de parties civiles

Bonjour à tous, 126e jour du procès des attentats du 13 Novembre 2015. 34e semaine d'audience. Et surtout, début d'une nouvelle phase avec les plaidoiries, de parties civiles tout d'abord, ainsi que le veut le code de procédure pénale.

L'audience débute avec un peu de retard. La salle est assez remplie pour ce premier jour de plaidoiries de parties civiles. Le président aborde tout d'abord des points de procédure, notamment le rendu de décision sur certaines constitutions de parties civiles.

Le président annonce "avant les plaidoiries, nous abordons la problématique des questions posées à la cour". Il s'agit des "très nombreuses questions" auxquelles la cour devra répondre au cours du délibéré avant de rendre son verdict.

Président : "il y aura des questions générales sur les infractions principales : les homicides et tentatives volontaires, les séquestrations et tentatives de meurtre sur personnes dépositaires de l'autorité publique."

La cour devra ainsi répondre à "13 premières questions concernant les infractions principales et les circonstances aggravantes", indique encore le président. Viendront ensuite des questions spécifiques à chacun des 14 accusés présents à l'audience et 6 accusés absents.

"Nous allons commencer les plaidoiries" annonce le président. Me Frédérique Giffard, avocate de parties civiles, s'avance à la barre.

Me Giffard : "Monsieur le président, au début de cette audience, vous avez attiré notre attention à tous sur la nécessité, bien que ce procès soit sans précédent, de rester dans la norme. Il y avait un point qui était important : c'était le respect des droits de la défense."

Me Giffard : "j'en profite, en ce début de plaidoirie, pour adresser mes pensées confraternelles aux avocats de la défense. Messieurs les accusés, vous avez d'excellents avocats."

Me Giffard : "cela fait 6 ans qu'on compose pour que nos clients ne soient pas doublement éprouvés : d'abord d'avoir été présents au mauvais endroit au mauvais moment et ensuite pour avoir été trop nombreux pour être reconnu individuellement."

Me Giffard : "soyons honnête, ce procès n'a pu se tenir dans les temps que parce que nombre de parties civiles ont renoncé à leur droit à être entendues. Aujourd'hui, nous devons plaider."

Me Giffard : Comment, en quelques minutes chacun, nous allons pouvoir dire l'infinie diversité des victimes et ce qui les rassemble ? Nous allons donc vous présenter autre chose, une autre forme de plaidoirie, inédite, à laquelle ont participé plus de cent avocats."

Me Giffard : "nous n'allons pas plaider pour nos clients, mais pour toutes une série d'avocat. Des victimes vont être citées, le plus souvent par leur prénom. Soit par leur avocat, soit par un autre avocat à qui aura été confiée leur histoire."

Me Giffard : "cette communauté des parties civiles est traversée par les mêmes clivages, les mêmes lignes de faille que la société en général. Le fait de participer à cette plaidoirie ne signifie pas qu'on adhère à l'ensemble des positions qui vont être évoquées."

Me Giffard : "nous gardons tous comme boussole commune la dignité avec laquelle les victimes se sont exprimées et qui nous oblige. Ce qui se joue aussi en filigrane de ces plaidoiries c'est notre capacité à se comprendre malgré des des différences parfois très profondes."

Me Giffard annonce également que, chaque jour, avant de débuter les plaidoiries, quelques minutes seront consacrées à certaines des victimes décédées dont les proches l'ont souhaité.

Plusieurs avocats se succèdent ainsi pour évoquer Christopher Neuet-Shalter, Thibault Rousse-Lacordaire dont la photo en noir et blanc, le regard tourné vers le ciel est projetée sur le grand écran. Mais aussi Charlotte et Emilie Meaud, Stéphane Grégoire et Fabrice Dubois.

Il est question du buffet gargantuesque que les soeurs jumelles Charlotte et Emilie préparaient ce 13 Novembre novembre 2015 lorsqu'elles ont été tuées. "Elles auraient eu trente ans". Il est question de Stéphane qui "restera greffé aux bourgeons des arbustes de son jardin".

Il est question du post-it sur lequel Fabrice avait griffonné "n'ayons plus peur des autres. C'est bête d'avoir peur des autres". Il est question de Marion Jouanneau, "la petite artistique de la famille" qui travaillait dans les compositions florales".

La famille de Matthieu de Rorthais a, elle, transmis un texte à leur avocate pour évoquer celui qu'elle a perdu, "cette dizaine de billets de concerts retrouvés sur son bureau". Il est question encore de Renaud Le Guen, "l'homme éperdument aimé".

Il est question d'Estelle, "jeune femme pleine d'humour et de joie de vivre" assassinée au Bataclan. L'audience est brièvement suspendue avant le début des premières plaidoiries.

L'audience reprend. La première avocate à plaider est Me Sylvie Topaloff

Me Topaloff : "ils ne portaient d'uniformes. Ils ne défendaient aucune cause. Ils ne voulaient de mal à personne. Ils n'avaient pas d'ennemi. Ils voulaient boire un verre en terrasse, écouter de la musique, regarder un match de foot."

Me Topaloff : "et ils ont été frappés. Et nous avons tous vacillés. Mais on ne choisit pas ses ennemis, ce sont eux qui vous choisissent. Ce dont les djihadistes nous font grief ce ne sont pas nos vices mais nos vertus."

Me Topaloff : "alors pour dire notre effroi face à l'ampleur du drame, on a parlé de guerre. Mais dans la guerre, il y a des prémices, des sirènes, des soldats, des abris où se réfugier. Lâcher une bombe dans la foule c'est autre chose que de tuer à bout portant, 130 fois."

Me Topaloff : "ce n'est pas une fois qu'ils ont du affronter le visage de leurs semblables. 130 fois. Face à face mortel. Et s'ils n'ont pas vu leurs yeux, ils ont entendu leurs voix. Et ils ont continué. De pleine face."

Me Topaloff : "si l'on a appris une chose au cours de cette audience c'est que ceux qui sont dans le box ne sont ni des fous, ni des marginaux, ni des monstres, ni des pauvres personnes manipulées, ni même des parcours de vie chaotiques."

Me Topaloff : "qu'est-ce qui leur est arrivé ? Une image me hante et reste pour moi une énigme. C'est la vidéo d'Abaaoud traînant des cadavres à l'arrière de son pick-up. Tous les tabous sont tombés, à commencer par le respect des morts et des sépultures."

Me Topaloff : "et cette vidéo on se la partage à Molenbeek. Mais comment l'amitié ne s'est-elle pas fracassée sur cette inhumanité ? Les vidéos de Daech c'est les meurtres, les égorgements. C'est un peu comme si les nazis avaient affiché les camps de la mort."

Me Topaloff : "un environnement local et familial où domine le fondamentalisme préexiste toujours à la radicalisation. Leur religion ainsi conçue n'a pas qu'un point de vue spirituel, elle est aussi un idéal politique qui vous élève au niveau de la charia."

Me Topaloff : "on n'a pas besoin de connaître le Coran pour être islamiste. Salah Abdeslam n'est pas un érudit. Mais le soir du 10 novembre, au restaurant, ce sont des adieux qu'il fait à sa compagne Yasmina. Il pleure parce qu'il ne la reverra plus. Il va donner sa vie à Allah."

L'audience reprend. La première avocate à plaider est Me Sylvie Topaloff

Me Topaloff : "ils ne portaient d'uniformes. Ils ne défendaient aucune cause. Ils ne voulaient de mal à personne. Ils n'avaient pas d'ennemi. Ils voulaient boire un verre en terrasse, écouter de la musique, regarder un match de foot."

Me Topaloff : "et ils ont été frappés. Et nous avons tous vacillés. Mais on ne choisit pas ses ennemis, ce sont eux qui vous choisissent. Ce dont les djihadistes nous font grief ce ne sont pas nos vices mais nos vertus."

Me Topaloff : "alors pour dire notre effroi face à l'ampleur du drame, on a parlé de guerre. Mais dans la guerre, il y a des prémices, des sirènes, des soldats, des abris où se réfugier. Lâcher une bombe dans la foule c'est autre chose que de tuer à bout portant, 130 fois."

Me Topaloff : "ce n'est pas une fois qu'ils ont du affronter le visage de leurs semblables. 130 fois. Face à face mortel. Et s'ils n'ont pas vu leurs yeux, ils ont entendu leurs voix. Et ils ont continué. De pleine face."

Me Topaloff : "si l'on a appris une chose au cours de cette audience c'est que ceux qui sont dans le box ne sont ni des fous, ni des marginaux, ni des monstres, ni des pauvres personnes manipulées, ni même des parcours de vie chaotiques."

Me Topaloff : "qu'est-ce qui leur est arrivé ? Une image me hante et reste pour moi une énigme. C'est la vidéo d'Abaaoud traînant des cadavres à l'arrière de son pick-up. Tous les tabous sont tombés, à commencer par le respect des morts et des sépultures."

Me Topaloff : "et cette vidéo on se la partage à Molenbeek. Mais comment l'amitié ne s'est-elle pas fracassée sur cette inhumanité ? Les vidéos de Daech c'est les meurtres, les égorgements. C'est un peu comme si les nazis avaient affiché les camps de la mort."

Me Topaloff : "un environnement local et familial où domine le fondamentalisme préexiste toujours à la radicalisation. Leur religion ainsi conçue n'a pas qu'un point de vue spirituel, elle est aussi un idéal politique qui vous élève au niveau de la charia."

Me Topaloff : "on n'a pas besoin de connaître le Coran pour être islamiste. Salah Abdeslam n'est pas un érudit. Mais le soir du 10 novembre, au restaurant, ce sont des adieux qu'il fait à sa compagne Yasmina. Il pleure parce qu'il ne la reverra plus. Il va donner sa vie à Allah."

Me Topaloff : "ce processus de distanciation du reste du pays où ils sont nés, où ils ont été à l'école. Ils n'habitent pas le pays qu'ils habitent. Tous ne passent pas à l'action violente. Mais vivent dans ce climat où l'on doit loyauté aux frères, quoi qu'il en coûte."

Me Topaloff : "à Molenbeek, on vit en bande, on se connaît depuis l'enfance, on se visite en prison, on fait de la contrebande. Mais à Molenbeek, on ne balance pas. On va chercher un frère dont on sait qu'il vient de participer à un attentat et on va tranquillement se coucher. "

Me Topaloff s'adresse aux accusés, en leur lançant un regard : "les autres ne sont pour vous que des échantillons, des éléments interchangeables d'une humanité mécréante."

Me Topaloff : "le crime qu'ils ont commis ne précède pas d'un crime originel dont ils se disent victimes. Les quatre journalistes français enlevés en 2012 suffisent à eux seuls à démentir le mythe des représailles".

Me Topaloff : "une chose est certaine : nous ne serons pas comme vous. Et nous ne le serons jamais. Nous ne sommes pas comme vous parce que nous avons passé 9 mois à examiner tous les recoins de ce dossier pour que vous puissiez être jugés de façon juste et équitable."

Me Topaloff : "monsieur le président, mesdames et messieurs de la cour, au moment où vous allez vous retirez pour délibérer, je veux vous dire mon respect pour avoir su conduire cette aventure de la raison à bon port quand la tempête grondait dans nos esprits blessés."

Me Jean Reinhart s'avance à son tour. Son portrait, par @sophparm est à retrouver ici > https://franceinter.fr/justice/jean-reinhart-l-avocat-endeuille-par-les-attentats-du-13-novembre-2015… "Tout commença par une inquiétude. En fait, une forte inquiétude. Celle qui est sourde au loin,"

Me Reinhart : "revenons au soir du 13 Novembre quelques secondes seulement avant l'irruption du mal. Tout était bien. Mais dans l'ombre, déjà, le mal était là. Tapi. "

Me Reinhart : "à l'intérieur, dans les gradins d'un stade archi plein, Jean-Luc serre l'épaule de son fils avec toute la ferveur d'un supporter. Au même moment, sa femme Muriel, danse au bataclan. Tout était bien. Mais déjà, dans l'ombre. Le mal était là. Tapi."

Me Reinhart : "au même moment à la Belle Equipe, c'est l'anniversaire d'Hodda et de Jessica. Tout était bien. Mais dans l'ombre, déjà, le mal lâche était là. Il tire dans le dos de ses victimes qui ne se relèveront pas."

Me Reinhart : "la tranquillité d'un soir de novembre a été percutée par le mal en rafales. Voyage au bout du mal, au point de se déchiqueter soi-même. Le 13 Novembre 2015, le mal a surgi dans nos vies à tous."

Me Reinhart : "les terroristes veulent que le calme vole en éclat. Alors le 13 Novembre 2015 nous avons rencontré le mal en rafale. Le mal qui fait terriblement mal. Au 14 novembre au matin, ne restait qu'un seul constat : le mal est là et il existe."

Me Reinhart : "et une question, une seule question. La question vertigineuse, lancinante, qui ne nous quitte pas. Comment des hommes qui ont été un jour des enfants ont-ils basculé, tué et participé à tuer des êtres avec qui ils auraient pu converser ?"

Me Reinhart : "et là, je vais chercher Baudelaire : "mes chers frères, n'oubliez jamais que la plus belle des ruses du diable est de vous persuader qu'il n'existe pas".

Me Reinhart : "après six années d'insupportables souffrance, voilà que la sonnerie a retentit et que vous, mesdames et messieurs de la cour, êtes entrés après des années de vertige. Alors, tous les jours, je suis venu en cette salle et j'ai tendu toute ma volonté de comprendre."

Me Reinhart : "je suis venu m'asseoir sous la balance de la justice et devant le box. C'est ici même que le mal a continué à agir dans le box des accusés. Ils nous ont servi des récits évolutifs et tellement peu crédibles qu'on aurait pu en rire s'il n'y avait eu ce chaos".

Me Reinhart : "il y a 18 mois, j'avais décidé de rencontrer tranquillement mes parties civiles pour leur parler du procès, de ce qu'on peut en attendre. Et puis surtout, sans qu'elles le sachent, je voulais savoir comment elles allaient."

Me Reinhart : "la salle d'audience n'était même pas achevée, mais il fallait vraiment commencer à les accompagner. Et là, j'ai vu s'ouvrir le gouffre infini du malheur. Dans le gouffre du malheur sont les blessés, les grands, les petits, les moyens."

Me Reinhart : "on répare les vivants et on répare des meurtris. Et puis dans le gouffre des malheurs sont les familles endeuillées. Et puis dans le gouffre du malheur, il y a nos victimes traumatisées. Je les appelle "mes traumas". Ils sont silencieux et ne veulent rien dire."

Me Reinhart : "même un enfant sait faire la différence entre le bien et le mal. Même un enfant à une conscience. Mes derniers mots, je les dédie à elle. A la conscience humaine."

Me Reinhart : "j'affirme que ce procès nous aura permis de comprendre que le terrorisme se nourrit du faux et embarque les hommes vers des contrées noires, très éloignées de la belle conscience humaine."

Me Reinhart : "pour finir : faisons comme cette jeune femme perchée sur les toilettes du Bataclan. Cassons le plafond. Et regardons les étoiles car nos disparus sont peut-être là-bas. Et ils y sont très bien."

Place à la plaidoirie de Me Samia Maktouf : "dans le monde idéal des accusés, il y aura à ma place un homme. Et non une femme, même voilée. Or ici, nous sommes devant une cour d'assises de la République française où la justice est rendue au nom du peuple français".

Me Maktouf : "je voudrais inviter votre cour à se concentrer sur un thème majeur : l'endoctrinement islamiste qui a mené à l'acte terroriste. Ce procès n'est pas celui de l'islam. La République ne juge pas l'islam, elle garantit la liberté de conscience à tous"

Me Maktouf : "si l'islam est une religion, l'islamisme est une idéologie. Le djihadiste croit mourir en chahid, en martyr et gagner son billet pour le plus haut degré du paradis. Ce djihadisme désacralise la vie et magnifie la mort."

Me Maktouf : "toutes les victimes ont été ciblées parce qu'elles aimaient la vie. Les accusés que vous avez à juger visaient ce mode de vie."

Me Maktouf : "pour chacune des victimes, le 13 Novembre 2015 c'est tous les jours. Ne vous trompez pas. Identifiez le mal. Car nous sommes face à une idéologie salafiste meurtrière. Cette idéologie appelle à des assassinats de masse."

Me Maktouf : "ce que veulent les djihadistes, faute de pouvoir faire flotter leur drapeau noir sur Paris, c'est détruire nos institutions, notre Etat de droit, notre démocratie. Ils se posent en victimes, en justiciers. Ils espèrent vous convaincre qu'ils sont persécutés".

Me Maktouf :"leur stratégie est simple : elle consiste à abreuver de promesses des jeunes égarés, des proies faciles. Mais soyons clairs. Pourquoi sont-ils poursuivis aujourd’hui ? Parce qu’arabe ? Musulmans ? Enfant d’immigrés ? Non, parce qu'ils ont commis des crimes terroristes"

Me Maktouf : "dans ce procès, il n'est pas question d'islam mais d'islamisme. Et cette confusion, les accusés l'ont servi tout au long du procès. Les islamistes existent, vous en voyez certains ici, dans ce box. Les islamistes radicaux tuent. Ils tuent aussi des musulmans."

Me Maktouf : "cette idéologie est aussi dans tout ce qu'ils écoutent. Elle résonne dans les anasheeds, ces chants religieux sensés galvaniser les combattants. Cette idéologie est dans ce qu'ils lisent."

Me Maktouf : "il faut être humbles et reconnaître que, comme dans tant d'autres procès terroristes, des éléments nous ont échappé tant la matière est technique et complexe."

Me Maktouf : "mais soyons rassurés : votre cour dispose d'un dossier solide, fruit d'une longue instruction menée en France et en Belgique, instruction jalonnée de silence et de non-dits des accusés."

Au tour de Me Gérard Chemla de s'avancer à la barre : "nous en arrivons à une dernière phase de ce procès. On pourrait dire un monstrueux procès ou en tout cas destiné à juger des faits monstrueux."

Me Chemla : "on a un peu l'impression d'être dans une colonie de vacances. On se reconnaît, on se voit. Et les choses se lisses. Et puis, de temps en temps, il va se passer quelque chose : "un enregistrement brutal, une vidéo implacable, une victime qui nous transperce."

Me Chemla : "on s'apprivoise et on recherche une parcelle d'humanité dans ce qu'on entend d'eux. On le recherche tellement qu'on finit pas le trouver même quand elle n'est pas là."

Me Chemla : "j'ai fait partie de ceux qui avec constance ne croit pas. De ceux qui doutent. De ceux qui vont remettre en cause."

Me Chemla : "un certain nombre de mes clients m'ont parlé de l'oeil de celui qui était en train d'essayer de les tuer et qui ne montrait aucune agressivité. Tuer sans empathie nécessite une transcendance."

Me Chemla : "ça peut être la religion qui permet de ne pas avoir peur de donner la mort qu'on donne mais aussi d'exalter sa propre mort."

Me Chemla : "nous avons eu droit dans cette audience à une parole qui est à peu près la même : je ne suis pas radical, simplement musulman, je dois aider mon peuple qui est opprimé, j'ai rejoint une communauté pour des raisons humanitaires".

Me Chemla :"on reste dans un soutien idéologique avec le "moi, je n'ai rien fait" ou "je ne pouvais pas faire autrement" ou "vous ne pouvez pas nous comprendre". Ca c'est pour ceux qui parlent. Parce qu'il y a aussi ceux qui se taisent."

Me Chemla : "alors que nous cherchions de la repentance, du remord, un regret exprimé, nous n'avons eu qu'un système de défense. Aucun n'a véritablement fendu l'armure."

Me Chemla : "les seuls regrets qui sont exprimés ne sont pas des regrets sur ce qu’il s’est passé."

Me Chemla : "comme ils ne continuent à ne penser qu'à eux, au lieu de nous demander pardon, ils nous ont dit : "moi je n'ai rien fait. Et ceux qui ont fait devaient être désespéré donc je ne peux rien n'en dire." Donc messieurs, je pense que vous continuez à ne penser qu'à vous"

Me Chemla :" je n'ai pas cru aux quelques larmes, trop rares. Leurs seuls vrais regrets est ce qui leur arrive à eux."

Me Chemla : "je sais qu'ils sont totalement humains. Parce que le mal est dans l'humanité. Mais le mensonge dans lequel ils se sont enfermés ne me permets pas de partager avec eux la perspective d'un avenir."

Me Chemla : "ils se défendent comme des vendeurs de shit et je n'ai pas senti qu'ils étaient à la hauteur de leur procès."

Me Didier Seban s'avance à la barre pour sa plaidoirie. "La violence des faits se lit dans la comptabilité macabre dont vous avez eux à entendre pendant hit mois : 132 morts, des milliers de victimes. Cette violence institutionnelle, totalitaire est celle de l'état islamique."

Me Seban : "cet Etat qui prône le meurtre et la liquidation des kouffars. C'est cette idéologie que monsieur Abdeslam nous dira revendiquer. Il s'agissait de créer un Etat totalitaire, un système qui pensait à leur place."

Me Seban : "cinq des personnes présentes dans le box sont allés en Syrie, dans le califat. Ils ont ensuite retourné leur fureur, celle qu'ils avaient imposée à tous ceux qui n'adhéraient pas à l'Etat islamique, contre les victimes du #13Novembre "

Me Seban : "leur objectif est de fabriquer des martyrs, semer la mort partout, tuer le maximum de monde. Vous vous rappellerez cette phrase de Lacan : "le jour du triomphe des martyrs c'est l'incendie universel"

Me Seban : "pourquoi la France ? Nous avons posé cette question. Attaquer la France c'est attaquer l'idée de la mixité, de la liberté d'expression, de la liberté religieuse. C'est-à-dire de l'Etat de droit. Pour commettre de tels crimes, il faut nier l'humain en l'Autre."

Me Seban : "l'audience a pu paraître apaisée, quelque fois presque ennuyeuse. Et pourtant, nous avons pu entendre la douleur des victimes, l'immense chagrin."

Me Seban : "il y a trois groupes parmi les accusés présents. Cinq risquent la réclusion à perpétuité. Un sixième, aussi, parce qu'il est en était de récidive légale. Pour les autres c'est 20 ans de réclusion criminelle. Sauf pour un, Attou Hamza : 6 ans de détention.

Me Seban : "cette association de malfaiteurs terroriste, le sentiment que j'en ai, c'est qu'elle a persisté dans le box. Car aucun accusé ne nous a apporté d'élément pour mettre en cause qui que ce soit. Ils se sont tenus par la main."

Me Seban : "Albert Camus disait : le crime impuni, selon les Grecs, infectait la cité. Mais l'innocence condamnée et le crime trop puni, à la longue, ne la souillent pas moins." Vous devrez juger chacun pour les faits qu'il a commis."

Me Seban : "vous avez choisi de ne pas dénoncer. Comme disait Sartre : "je peux toujours choisir, mais je dois savoir que si je ne choisis pas, je choisis encore."

L'audience est suspendue avant la suite des plaidoiries des avocats de parties civiles.

L'audience reprend avec la plaidoirie de Me Olivier Morice. "Les entendez-vous? Les entendez-vous ? Les entendez-vous ?! Ils ne sont plus présents mais ils sont toujours là. Car ils ont vu, ils ont entendu, touchés dans leurs âmes et dans leur chair."

Me Morice : "comme si certains avaient voulu les détruire à jamais. Mais ils sont encore et toujours là. Face à l'indicible, le silence est souvent la seule réponse susceptible d'appréhender et d'accueillir le mystère des êtres."

Me Morice : "Mais ils sont toujours là. Dans cette salle, ils sont omniprésents. Vous allez rendre la justice, dire le droit en respectant l'humanité de chacun. "

Me Morice : "des failles multiples ont permis aux terroristes de revenir en Europe. L'ancien procureur de la République de Paris, François Molins, viendra reconnaître lui aussi que, même si on les redoutait, on n'était pas préparés à des attaques d'une telle ampleur."

Me Morice : "la volonté de frapper la France émerge petit à petit. On sait qu'on nous en veut. Qu'Abaaoud a des projets d'attentats. Tous les signaux sont au rouge."

Me Morice : "pourtant ce devoir de sécurité incombe à l'Etat. La souveraineté d'une nation incombe aussi sur la capacité de l'Etat a assuré la sécurité de ses citoyens. C'est un des fondamentaux de notre pacte social."

Me Morice : "le débat n'est pas seulement de nous interpeller sur ce que nous sommes prêts à sacrifier pour aliéner un peu plus nos libertés pour garantir la sécurité. C'et aussi d'accepter de tirer des constats. Mais qu'a-t-il été fait face à l'ampleur de cette menace?"

Me Morice : "on est en droit de s'interroger sur ce qui a été mis sérieusement en oeuvre pour protéger nos concitoyens face à la menace terroriste. Il est trop tôt pour porter une appréciation approfondie sur ces questions. Ce sont les historiens qui s'attèleront à cette tâche"

Me Morice : "cette impuissance à déjouer ces attentats nous obsède encore. Cette fragilité de l'Etat fait immanquablement écho à notre propre vulnérabilité personnelle. Tout ceux qui ont touché de près la mort savent combien notre vulnérabilité est immense."

Me Morice : "dans quel monde vivons-nous ? Il y a déjà presque 65 dans son discours de Stockholm, Albert Camus proclamait avec humilité et de façon prophétique que "chaque génération sans doute se croit refaire le monde. La mienne sait pourtant qu'elle ne le refera pas"

Me Morice : "ils ne sont plus présents, mais ils sont toujours là. Nul doute que par leur sang et par leurs larmes, ils nous aideront à construire ce monde. Le construire, mais aussi le défendre."

Me Hervé Begeot succède à Me Morice à la barre : "je vais vous entretenir d'une notion qu'on croit connaître et maîtriser, qui est celle du combattant. Et qui est au coeur de notre affaire."

Me Begeot : "la notion de combattant est en fait une notion juridique. A l'issue de la seconde guerre mondiale, les démocraties libérales ont fait ce constat : les bombardements de terreur, il ne faut pas les utiliser à notre compte."

Me Begeot : "un combattant n'est jamais jugé par les crimes qu'il commet à la guerre. mais il doit s'abstenir de s'en prendre aux civiles. Sans quoi, il n'est plus combattant, il devient criminel de guerre."

Me Begeot : "les trois seuls objectifs de l'armée française dans le cadre des opérations en Syrie sont les rassemblements de troupe, les dépôts de munition et surtout les centres de commandement."

Me Begeot : "la ligne de front qui sépare cette salle d'audience continuera à subsister. Il y a en fait deux conceptions de l'honneur. Car il ne s'agit pas que de droit, il s'agit aussi d'honneur. Les gendarmes qui gardent les accusés sont aussi là pour assurer leur sécurité."

Me Begeot : "on ne rend pas les honneurs de la guerre aux assassins du 13 Novembre Et ils seront jugés comme tels."

Me Stephen Monod débute sa plaidoirie : "dans le regard des autres, un criminel se résume à son crime. Une partie civile n'est pas les autres. Elle est d'abord une souffrance. Une blessure irréversible. Cette souffrance se résume, au fil du temps, à une question : pourquoi ?"

Me Monod : "il y a des éléments de réponse dont la somme sera une esquisse imparfaite. Je vous propose une esquisse en me demandait si dans le parcours des accusés on ne trouve pas dans la délinquance le ventre d'où est sorti la bête immonde."

Me Monod : "une question qui se pose à votre cour est comment on glisse de cette délinquance de ces quartiers, Molenbeek et Laeken, à l'islamisme. Le premier point de convergence c'est la violence. Qu'est-ce que l'islamisme sinon une violence?"

Me Monod :"le second point de convergence c'est le projet de modèle sociétal alternatif. L'islamisme propose, lui aussi, un modèle sociétal de substitution. Il est attractif pour les accusés."

Me Monod : "mais je ne voudrais pas que cette explication presque sociologique soit considérée comme exonératoire de responsabilité du fait d'un déterminisme social. A aucun moment les accusés ne pourront vous dire qu'ils ne savaient pas."

Me Monod : "chacun qui a apporté son concours savait à tout le monde qu'il participait à une opération criminelle et probablement à une opération terroriste".

Me Monod : "quand Abdeslam décide de ne pas se faire sauter, il a préalablement déposé trois bombes vivantes au Stade de France. C'est exactement comme si on dépose soi-même une bombe."

Me Monod : "tout au long de ce procès où si souvent l'eau salée du coeur montait aux yeux vous n'avez eu de cesse d'essayer de comprendre et je vous en remercie."

Me Mehanna Mouhou s'est avancé à la barre : "j'aimerais dire à la cour le respect des parties civiles de ce long procès. Ce long procès a permis, peut-être, le pardon, Au début de ce procès je pense que le pardon n'aurait peut-être pas été possible;"

Me Mouhou : "qu'est-ce qui a donc manqué, lorsqu'on regarde les vidéos de l'Etat islamique dans un café comme une sorte d'extension du domaine de la lutte ? Quelle jouissance on peut prendre en voyant la souffrance des autres? Tout cela au nom de quoi?"

Me Mouhou : "vous trouvez dans le Coran des sourates belliqueuses, mais elles étaient valable pour le 7e siècle où il n'y avait que des bédouins et du sable par pour la France."

Me Mouhou : "le mobile ce n'est pas l'islam. C'est la radicalisation islamiste. Et c'est là la grande différence. On sait les exactions, les fillettes de dix an violées 24h/24 par des soldats de l'Etat islamique, on sait les égorgements."

Me Mouhou : "et quand on sait ça, comment peut-on encore se considérer comme un soldat de l'Etat islamique. Et si ce Dieux voyait ce qui est fait en son nom. Je pense qu'Allah serait athée"

Place à Me Catherine Szwarc à la barre : " les victimes sont toutes différentes. Mais toutes sont réunis par ce vendredi rouge. Et leurs récits imbriqués, leur façon de se tendre la main en ont fait des frères et soeur de souffrance et des frères et soeurs d'espérance."

Me Szwarc : "ce procès a respecté fidèlement l'article 6 de la convention européenne des droits de l'Homme. L'égalité des armes avec des avocats pour tous. Et je veux saluer les avocats de la défense qui honorent la République."

Me Szwarc : "il y a eu un respect absolu du contradictoire Chacun a pu s'exprimer. Et ceux qui ont fait usage de ce droit au silence, tant pis. Ils ont préféré se taire."

Me Szwarc : "certes, vous allez étudier chaque responsabilité qui n'est pas à la même hauteur, mais sans perdre de vue le fait que chaque acte a permis cet attentat."

Me Szwarc : "Salah Abdeslam est encore dans a prison intellectuelle et idéologique de l'Etat islamique. Quand les victimes sont venues, on les a vues déposer une culpabilité. Est-ce que du côté des accusés, à un seul instant, on a entendu : "oui, je me sens coupable?". Non".

Me Szwarc : "Salah Abdeslam a demandé à être traité dignement. Et il a raison, c'est ce qui fait la valeur de notre Etat de droit. Vous avez été traité avec dignité. Mais la première des dignité à laquelle avaient droit les victimes c'était de ne pas être victimes d'un attentat."

Me Szwarc : "le jour de l'annonce du verdict j'aimerais pouvoir dire aux victimes que toutes leurs peurs, toutes les larmes, tout le sang ont été entendus."

Place à Me Hervé Gerbi :"de silence parole, de présence en absence, de coupure en reprise, de séquence en séquence, je vous avoue m'être fait surprendre parfois par cette monotonie qui a pu nous saisir."

Me Gerbi : "est-il possible de se dire : messieurs les accusés vous êtes le visage d'une barbarie venue d'ailleurs et en même temps se surprendre à penser que vous êtes si jeunes?"

Me Gerbi : "quel contraste entre d'un côté la mise à nu digne des parties civiles, la mise à nu pudique de centaines de parties civiles auxquelles vous avez opposé votre silence, froid, brutal."

Me Gerbi : "aussi historique qu'est ce procès, messieurs les accusés vous n'avez rien inventés. Vos actes se situent dans la ligne historique du terrorisme."

Me Gerbi s'adressant aux accusés : "vous tomberez dans l'oubli. Et c'est là votre planche de salut. Votre croisade meurtrière s'est achevée avec 132 morts un nombre incalculable de victimes directes et indirectes. Ce silence tombera sur la nuit, aussi noire que vos actes."

"Qui aimera le diable ? Qui entendra sa chanson? J'aimerai le diable, J'aimerai sa chanson. C'est sur ces paroles que Foued Mohamed-Aggad, Ismael Mostefai et Samy Amimour ont fait irruption dans le Bataclan" entame Me Aude Rimailho en référence à la chanson "Kiss the devil"

Me Rimailho : "de quel pouvoir la musique est-elle détentrice pour justifier une telle violence aveugle? Il est vrai que toutes les musiques, quel que soit leur style présentes les mêmes caractéristiques. Elle libèrent des endorphines qui sont l'hormone du plaisir"

Me Rimailho : "une des premières mesures que l'Etat islamique a prise en prenant Raqqa en 2014 c'est qu'il a interdit toute forme de musique. Mais l'Etat islamique a accepté les anasheeds qui sont des chants a capella."

Me Rimailho : "L'Etat islamique a carrément détourné les anasheeds pour servir sa propagande dans une volonté de toucher au plus près les personnes susceptibles de rejoindre l'Etat islamique pour combattre. L'idée est de rendre le djihad cool."

"Les mélodies sont belles, entêtantes, entraînantes. Je ne connais pas une seule personne qui est sortie de la salle sans avoir "Avance, avance" dans la tête", plaide encore Me Rimailho au sujet de l'anasheed qui a accompagné la vidéo de revendication des attentats du #13Novembre

Me Rimailho : "l'Etat islamique a bien compris le pouvoir de la musique. Il en a fait une arme de guerre. On peut alors se demander si, en attaquant, un concert, l'Etat islamique n'a pas voulu détruire l'arme de l'ennemi. Mais Daech n'a pas détruit la musique."

Me Rimailho : "au bout du compte, le soir du #13Novembre 2015, ce sont les terroristes qui ont embrassé le diable." "Nous avons terminé pour aujourd'hui les premières plaidoiries" indique le président avant de suspendre l'audience jusqu'à demain 12h30.

Jour 127 – Mardi 24 mai – Suite des plaidoiries de parties civiles

Bonjour à tous, Les plaidoiries des avocats de parties civiles vont reprendre pour la 127e journée d'audience.

Aujourd'hui, les avocats, qui se sont répartis les plaidoiries par thématique vont plaider sur la question des lieux des attentats. LT à suivre ici.

L'audience reprend. Avant la reprise des plaidoiries. Le président indique : "nous avons actuellement des travaux au niveau de la chambre de l'instruction avec des bruits très très importants. Ne vous inquiétez pas si vous entendez des bruits importants à partir de 17 heures."

Ceci étant dit, on reprend avec, comme chacun jour, tout d'abord des plaidoiries d'hommages aux victimes décédées dont les familles l'ont souhaité. Il est tout d'abord question de Julien Galisson qui "jouait du saxophone, aimait voyager, aimait le basket et le sport en général".

Il est question de Cédric "jeune homme épanoui, amoureux, au Bataclan ce soir-là pour célébrer l'anniversaire de son meilleur ami". De Frédéric Henninot, "tonton titi", "grand de taille et de tolérance". De Claire Maitrot-Tapprest "des projets pleins la tête, la vie devant soi"

Il est question de Richard Rammant, "barbu, papa ours qui aimait que tout le monde soit réuni". De Germain Ferey, "élément fédérateur familial et amical" De Stéphane Hache "qui avait tout d'un gentleman, chevelure poivre et sel impeccablement coiffée en arrière".

Il est question de Suzon Garrigues qui "aujourd'hui serait journaliste, n'aurait pas d'enfant, c'est trop tôt, elle aurait 27 ans" De France-Elodie Besnier qui s'est suicidée après avoir survécu à l'attentat du Carillon, "détruite par cette terreur".

Il est question de De Chloé Boissinot, "emportée dans le silence solaire" selon les mots d'un poème écrit pas un de ses amis. De Justine Moulin, "belle blonde, flamboyante, explosive, couverte de couleurs".

ll est question de Claire Camax, "des yeux clairs, l'air espiègle, mère de Louis et Violette, aujourd'hui 13 et 8 ans seulement". De Véronique Geffroy de Bourgies "qu'on voyait partir à Madagascar avec des sacs remplis de vêtements et de livres d'école".

Il est question de Matthieu Giroud "père d'un garçon de 3 ans, qui n'a pas connu sa petite fille née après sa mort, une douceur magnétique" D'Amine Ibnolmarak qui a laissé Maya, sa compagne et Stella Verry "deux rêves inachevés"

Il est question d'Hodda et Halima Saadi "sœurs indépendantes, solaires et dynamiques". Hodda qui fêtait ses 35 ans à La Belle équipe ce soir-là. D'Antoine Mary, "à la fois unique et n'importe lequel d'entre nous, de ceux qui aurait aimé comprendre."

Fin des hommages aux victimes décédées. L'audience est suspendue un instant avant les plaidoiries de parties civiles du jour.

L'audience reprend avec Me Didier Seban, venu évoquer le Stade de France dans sa plaidoirie. "Il est 20h40, le coup d'envoi du match amical entre la France et l'Allemagne va bientôt être donné. Quatre hommes arrivent aux abords du stade. Le drame va alors débuter".

Me Seban : "pourquoi le Stade de France ? C'est un match amical, le président de la République est venu au dernier moment. Le Stade de France est à Saint-Denis, ville du sacre des rois. Le Stade de France, symbole d'une France heureuse, celle de la coupe du monde de 1998."

Me Seban : "c'est l'endroit où les terroristes ont frappé la première fois. Le Stade de France a été inauguré en 1998, le principal test pour la Coupe du monde c'était la question de la sécurité. On a prévu qu'il puisse être évacué en 15 minutes maximum. 80 000 personnes."

Me Seban : "il faut 20 minutes en temps normal pour aller de Bobigny au Stade de France. On ne sait pas à quelle heure Salah Abdeslam, Bilal Hadfi et les deux Irakiens sont partis du pavillon de Bobigny. On sait juste qu'ils arrivent à 20h01."

Me Seban : "il y a au Stade de France les gens qui travaillent. Pour qu'un tel événement puisse avoir lieu, il faut des centaines de personnes au Stade de France. "Marylin, qui participait à la réalisation d'un documentaire, Louise, agent de sécuritaire, Gwendoline, serveuse."

Me Seban : "Monsieur Dias, réfugié en France parce qu'il avait fui la dictature de Salazar au Portugal. Il était chauffeur de bus et attendait les spectateurs qu'il avait emmené depuis Reims. Il est mort ce soir-là".

Me Seban évoque dans sa plaidoirie les vendeurs d'écharpe du Stade de France. "Ils m'en ont donné une pour se souvenir de ce jour". Elle est posée sur la barre. "Svetlana, Goran ... ils sont tous là quand Bilal Hadfi se fait exploser".

Me Seban : "ils espéraient tous que la fête soit belle, ils espéraient que leur équipe gagne. Ils sont repartis dans la souffrance, dans la douleur que cette meute est venue apporter au Stade de France."

Place à la plaidoirie de Me Aurélie Soria pour évoquer Le Carillon. "Il fait doux ce soir. Tous ceux qui se pressent sur les terrasses ignorent que deux explosions viennent de secouer le Stade de France. En 17 minutes, trois terroristes vont semer la terreur sur les terrasses."

Me Soria : "ils laissent dans leur sillage des spectacles de massacre et de désolation. Six cafés et restaurants ont été pris pour cibles. Ces attaques auront duré 17 minutes. C'est 39 morts, des dizaines de blessés, des quartiers traumatisés. Et un silence de mort."

Me Soria : " pourquoi ces terrasses ? Il y a-t-il eu un repérage précis ? Depuis ce 13 Novembre ces questions n'ont pas obtenu de réponse : qui était prévu pour ce commando ? Pourquoi ces quartiers populaires ? Toutes ces questions sont demeurées sans réponse."

Me Soria : "les enquêteurs venus à la barre vous ont dit : "ils ne veulent pas faire d'hypothèses". Ça tombe bien parce que les parties civiles ne veulent pas d'hypothèses. Elles veulent des réponses. Mais n'en ont pas."

Me Soria : " est-ce que c'est important cette question du choix des terrasses? Bah oui. Pour certaines parties civiles, oui. Pour d'autres, cela n'a aucune importance. Parce qu'à la fin du procès tous soulignent en fin de compte l'absurdité de ces crimes."

Me Soria : "ils ont tenté, en faisant cette attaque, de réduire à néant notre façon d'être. Mais s'attaquer spécifiquement à ces terrasses du 10e et 11e arrondissement c'est s'attaquer spécifiquement à notre volonté de vivre ensemble, quels que soient notre passé, nos croyances"

Me Soria : "s'attaquer à ces lieux, un vendredi soir, à cette heure-là, c'est s'attaquer à de jeunes adultes en devenir. S'attaquer à de jeunes adultes c'est amputer des frères, des sœurs, des conjoints d'une partie de leur vie. C'est aussi laisser de jeunes enfants orphelins"

Me Soria : "la tuerie de masse n'a pas permis à l'instruction de s'intéresser à l'instant d'avant des victimes. La tuerie de masse c'est le risque d'invisibiliser ses victimes".

Me Soria : "Au Carillon, il y a beaucoup d'habitués. Il y en a qui n'ont pas encore de table, ceux qui prennent un apéro. Ce soir-là, il y a des dizaines de groupes. Tout au fond, une dizaine de personnes qui viennent célébrer le départ de Mathilde pour Londres."

Me Soria : "Il y a la table des internes. Et puis devant le bar : des étudiants en pharmacie, un couple en tête-à-tête, la table des architectures de Renzo Piano. Au bar, il y a deux copains, deux sœurs, deux amis. Sur la terrasse, il y a des gens qui arrivent, qui discutent."

Me Soria : "les terrasses du Carillon et du Petit Cambodge s'écroulent en même temps sous les balles des terroristes. Les victimes de l'un peuvent voir celles de l'autre, juste en face. Le bilan de ce massacre ? 13 morts, 10 victimes en urgence absolue, 12 en urgence relative. "

Me Soria : "sur la terrasse du Carillon, les deux soeurs sont décédées. Les tirs fracassent les dernières tables et Maya vous l'a dit : elle était venue à cinq, elle est repartie seule. A côté d'elle, c'est Sébastien qui décèdera de cinq impacts de balles."

Me Soria : "à cette audience, j'ai découvert et je ne suis pas la seule je crois, l'existence de la plus jeune victime directe. Il était dans son couffin, il était âgé d'un an et 10 jours, dans la voiture garée derrière la Seat. Il sursaute encore au moindre bruit"

Me Soria : "l'instant d'après, c'est une portière qui claque et une voiture qui démarre. C'est un silence de mort. Puis l'odeur de poudre, de sang. Et les premiers cris, déchirants. L'instant encore d'après, c'est l'intervention magnifique de tous les valides en état d'agir"

Me Soria : "il y a Marine, une jeune interne, enceinte de quatre mois. Elle s'est occupée de Gilles, de début à la fin, elle a posé sa tête sur ses genoux."

Me Charlotte Boullard poursuit cette plaidoirie collective : "sur place, c'est le tri des blessés. Ceux qui sont intervenus parlent d'un carnage. Pour d'autres, ce fut un confinement forcé au Carillon avec les râles et les soupirs des blessés. C'est une attente impossible".

Me Boullard : "après les feux, les cris, l'agitation, les blessés, les morts. C'est le moment pour beaucoup d'aller déposer au 36, quai des Orfrèvres. De gré ou de force. C'est le moment de rentré chez soi. Seul, à pied, à vélo, en taxi ou en métro."

Me Julia Katlama prend à son tour la suite de cette plaidoirie : "Claire et Gaëlle étaient au Carillon. Elles n'ont pas été touchées physiquement. Elles ont décidé de prendre le meilleur, de ne pas s'encombrer de l'inutile dans leur vie."

Me Katlama : "j'ai l'honneur de porter la voix des victimes qui ont eu la chance de n'avoir pas trouvé cette place en terrasse qui leur aurait coûté la vie. Claire, Gaëlle, Flora et Eleonore, s'étaient réunies car il fallait s'épauler. L'une d'elle connaissait une rupture."

Me Katlama : "121 balles percutées, 130 tirs, 13 vies qu'ils laissent derrière eux. Et puis le silence. Les gens qui se relèvent, hagards, le sang qui se répand et inonde le sol. Il n'y a plus rien que des débris de verre, des douilles, de la chair et des corps."

Me Katlama : "comme nous tous ici, je n'oublierai jamais cette nuit là. Pour la première fois de ma vie, ce ne sont pas des clientes que je représente, ce sont des amies. On aurait tous pu y être et dans un sens, on y était tous un peu. On savait tous ce qu'on faisait ce soir-là"

Me Laure Khalil s'est avancée à la barre. "Le petit Cambodge est né en 2011 dans l'esprit futé et affuté d'un enfant du quartier. Il a trois restaurants désormais, il a envahi le quartier. Il a réussi à créer son endroit de rêve."

Me Khalil : "ce soir-là, certains clients avaient parcouru un long chemin pour arriver à leur table. Ce soir-là, trois hommes, en l'espace de quelques secondes, vont anéantir la vie des personnes présentes, des personnes qui n'y étaient pas, des personnes qui auraient dû y être"

Me Mélanie Sisson s'est avancée, évoque à son tour "cette soirée particulièrement chaude, la promesse d'un week-end doux". Elle évoque "l'ambiance familiale, le parfum d'une cuisine traditionnelle, un lieu où il fait bon vivre" à la Bonne bière.

Me Sisson : "sortis de nulle part, deux hommes balayent à la kalachnikov la terrasse de la Bonne bière. Les vitres volent en éclats, la poussière pique les yeux, l'odeur de la poudre et du sang monte au nez, les premières balles qui traversent les corps se font ressentir."

Me Sisson : " au même moment, à quelques pas de la Bonne bière, le même chaos est en train de se dérouler à la Casa nostra. Ces quelques pas sont ceux empruntés par le troisième terroriste qui s'est dirigé vers le restaurant italien à la devanture violette".

Me Estelle Dhimolea s'est avancée à la barre pour évoquer l'attentat de La Belle Equipe. "Les sont assis, debout. La jeunesse libre qui trinque et s'amuse. Des collègues, des copines, des rendez-vous amoureux : ceux qui s'aiment, ceux qui s'aimeront peut-être."

Me Dhimolea : "il y a des anniversaires : celui de Jessica, qui a réuni sa bande, réservé la veille. Mais ce soir les bougies ne sont pas que pour Jessica, elles sont pour Hodda aussi. C'est son 35e anniversaire. La famille est là, celle qu'on choisit, celle de quartier."

Me Dhimolea : "le restaurant ce soir-là, est exceptionnellement plein. Imaginez toute cette vie : ils trinquent, ils discutent de tout et de rien. Ils mangent. Chacun est à sa place. Il n'aurait pu en être autrement."

Me Dhimolea : "Cris. Hurlement ; Hommes armés. Les gens tombent. Tac tac tac. Impacts de balles. Ramper. Courir. Bruits de chargeur. Rafales. Coup par coup. J'ai reçu ma première balle. C'est la guerre. C'est là que j'ai senti ma deuxième balle. Qui est en vie ? Faire la morte."

Me Dhimolea : "la vie a laissé place à l'analyse froide d'une scène de crime. La vie laisse place au silence. Et le silence laisse place à la peur, à la panique. Des corps enchevêtrés. Des morts et des vivants. Un silence qui laisse place à la douleur. L'état de choc."

Me Dhimolea : "la douleur d'Ambre, de Camille, de Sarah. Le choc de voir les morts : Romain, Lacri et Cyprien qui laisseront deux orphelins, Marie-Aimée, Thierry, Justine, Hyacinthe, Michelli, morts sur la terrasse. Guillaume, Victor, Ludo, Djamila quelques mètres plus loin."Me Dhimolea : "le silence laisse place à la douleur, celle des blessés physiques qui demandent de l'aide. La douleur de Chloé, qui a pris une balle dans le bras. Eva a reçu une balle dans le bras, dans la cuisse, dans le pied, un membre si abîmé qu'il faudra l'amputer."

Me Dhimolea : "ce soir du  13 Novembre que reste-t-il? Une vie de quartier, des familles décimées. Mais la vie a repris un cours. Certains sont revenus pour se dire que oui, ils sont vivants. Certains n'ont pas pu et ne le pourront jamais."

Une avocate de parties civiles s'est avancée pour évoquer Djamila Houd. "Elle est tombée criblée de balles et c'est dans les bras de Greg son compagnon qu'elle a pu dire ses derniers mots. Et ses derniers mots c'était "Tess", le prénom de sa fille."

Elle cite Khalil Gibran : "je vivrai par-delà la mort, Je chanterai à vos oreilles même après avoir été emporté par la grande vague de la mer. Jusqu’au plus profond de l’océan. Je m’assiérai à votre table Bien que mon corps paraisse absent, Je vous accompagnerai dans vos champs"

L'audience est suspendue, le temps d'une pause avant la suite des plaidoiries de parties civiles sur les attentats du Comptoir Voltaire et du Bataclan.

L'audience reprend. "Avant de continuer les plaidoiries, je rappelle qu'il est totalement interdit de filmer dans cette salle ou dans les salles annexes. Il m'a été rapporté que des personnes, des avocats en plus paraît-il, ont été surpris en train de filmer" indique le président

Me Gloria Delgado s'avance à la barre : "je vais clôturer cette partie sur les terrasses avec le Comptoir Voltaire. Je me suis demandée quelle est le rôle des parties civiles et ce que nous pouvons ajouter à l'intensité des témoignages de parties civiles."

Me Delgado : "à peine cinq minutes séparent l'attaque de la Belle Equipe et l'explosion de Brahim Abdeslam au Comptoir Voltaire. C'est la seule terrasse à être attaquée par un seul assaillant, qui en plus est une bombe humaine."

Me Delgado : "le Comptoir Voltaire était une brasserie typiquement parisienne, tenue par des Corses. Elle s'appelait avant la Brasserie de l'Espérance. Ce soir-là, la terrasse chauffée était l'endroit de l'établissement où il y avait le plus de monde."

Me Delgado :"à 21h41, Brahim Abdeslam actionne sa ceinture explosive. Ce soir-là, Brahim Abdeslam a définitivement renoncé à son humanité. Je ne parlerai pas de kamikaze, je préfère dire "attentat-suicide". Car a proprement parler, la technique de kamikaze est militaire"

Me Delgado : "la technique des kamikazes est une technique militaire utilisée contre d'autres militaires. Lorsqu'elle est utilisée contre des civils, ils deviennent des terroristes."

Me Delgado : "si au Comptoir Voltaire, cette explosion n'a pas causé de mort, il n'en est pas moins traumatisant pour les victimes. J'ai envie de dire que l'envie de vivre doit toujours l'emporter sur l'envie de mort. C'est un message pour toutes les parties civiles"

Me Elisabeth Aboucaya plaide à son tour sur l'attentat du Comptoir Voltaire : "comme les autres, David a vu entrer un homme dans le café. Un client comme un autre, certains l'ont trouvé un peu bizarre. Mais des clients bizarres, il y en a. Il heurte la serveuse. Et ne bouge plus"

Me Aboucaya : "soudain, une lumière blanche a jailli dans son dos, que tous ont pris pour une explosion de gaz." L'avocate évoque David qui entame un massage cardiaque sur le corps de Brahim Abdeslam avant de découvrir les fils électriques. "Mais il garde l'information pour lui"

Me Aboucaya : "David continue à prodiguer ce massage cardiaque sur Brahim Abdeslam car c'est un soignant avant tout."

Me Timothée Phélizon s'avance à la barre : "je m'appelle Augustin et j'ai 6 ans. Mes parents, le  13 Novembre , sont au Comptoir Voltaire. Mes parents sont chouettes. Ils étaient heureux. Ma mère était enceinte de cinq mois. Et l'amie de ma mère, Aurélie, était enceinte de 7 mois

Me Phélizon : "et puis, il est 21h41. C'est le moment où tout s'arrête, où la vie est bouleversée. Ma mère est projetée en avant, sur la table. Elle essaie de se relever, elle chancelle, elle tombe. C'est mon père qui va la sortir de là et les secours vont arriver."

Me Phélizon :"ma mère n'est pas sortie pendant 3 semaines. Elle était terrifiée. De cette terreur, elle est passée à la culpabilité. Culpabilité d'être en vie, alors que d'autres étaient morts. Culpabilité, aussi, de mettre demain au monde un enfant. Et lui proposer ce monde".

Me Phélizon : "Je suis né le 9 mai 2016. C'était un soulagement pour ma mère. Mais aussi une nouvelle angoisse. Angoisse de sortir dehors."

Me Phélizon : "j'espère que ce procès vous aura permis, à tous, de comprendre ce qui a pu se passer. Mais surtout d'entendre la souffrance des victimes. Mais plus encore de retenir un certain nombre de choses."

Me Phélizon : "Je m'appelle Augustin, j'ai six ans. Mes parents vont mieux. Et moi, maintenant, ça va."

Place à Me Marie Burguburu au sujet de l'attentat du Bataclan. "Il faut laisser du temps au temps. Et avant le temps, mesdames et messieurs de la cour, vous savez que le Bataclan, a sa place, ici, dans ce procès. Sinon, ça sert à quoi ?"

Me Burguburu : "Le Bataclan. Peut-on passer devant sans y penser ? Combien de temps pour ne plus y penser? Je n'en sais rien. La durée, le temps et le sérieux qui a été consacré à cette affaire, ce n'était pas une évidence mais il fallait ce temps."

Me Burguburu : "et il faut aussi ne pas rejeter les symboles. Et le Bataclan est un symbole. Cette bâtisse aux allures de pagode chinoise, édifiée en 1864, avec des statues de dragons qui ont disparu. Mais reste les couleurs."

Me Burguburu : "puis le Bataclan devient un cinéma, il va être détruit dans un incendie. Puis rien, ou pas grand-chose jusqu'en 1969 où il revient à ses premières amours : la musique et les concerts. John Baez, Bashung, Jane Birking, Telephone. Et bien d'autres."

Me Burguburu : "lieu de métissage et de mixité culturelle. Et un vendredi de novembre, il est devenu le théâtre de la barbarie. De 3 hommes armés de kalachnikov faisant face à un groupe de rock armé de guitares et de baguettes de batterie devant une foule de dos, aux mains nues."

Me Burguburu : "alors oui, la personne morale que je défends n'est pas faite de chair, de sang et de larmes. Mais la personne morale que je défends est faite pour des personnes de chair, de sang et de larmes. C'est sa raison d'être."

Me Burguburu : "le Bataclan, comme faire sans ? Le Bataclan, personne morale, c'est aussi des hommes et femmes qui y travaillent et qui sont humains. Très humains."

Me Burguburu : "après les attentats, le Bataclan a été fermé un an, moins un jour. Il a rouvert ses portes le 12 novembre 2016. C'est Sting qui est monté sur scène. Une salle comble. Une minute de silence et une heure de concert."

Me Burguburu : "Le Bataclan et les attentats du 13  Novembre 2015 n'ont rien à voir avec le supposé sionisme d'un ancien gestionnaire. Les rumeurs n'ont rien à faire ici."

Me Burguburu : "le Bataclan aurait pu disparaître. Il aurait pu ne pas s'en remettre. Et bien, c'est l'inverse. Il s'ouvre, s'agrandit, propose plus de concerts, plus d'expositions. Toujours plus."

Me Burguburu : "en France, on aime la vie, les concerts et les plaisirs populaire. L'espérance n'est pas quelque chose qui s'éteint. Et le Bataclan y veillera. A sa façon".

Me Alexandre Plantevin débute sa plaidoirie : "a 21h45 minutes et 8 secondes, le véhicule Polo vient se stationner devant le Bataclan. 20 secondes plus tard, le moteur est coupé et les phares s'éteignent. Je me demande ce qu'ils se disent ces trois hommes là ?"

Me Plantevin : "à quoi pensent-ils durant ces deux minutes avant de sortir du véhicule ? C'est à 21h47 et 3 secondes que Foued Mohamed-Aggad, Ismael Mostefai et Sami Amimour vont sortir du véhicule pour s'engouffrer 15 secondes plus tard dans le Bataclan."

Me Plantevin : "et déjà dans ces 15 premières secondes, il y a les premières victimes. Les premières victimes d'un carnage qui vient de débuter."

Me Catherine Pompidou prend le relai de cette plaidoirie collective pour "parler des victimes qui se trouvaient dans la fosse et aux abords". "Tout a commencé avec le bruit. La chanson Kiss the Devil a cédé le pas au bruit des balles. Clac clac clac clac."

Me Pompidou : "se jeter sur le sol pour échapper aux balles. Se retrouver couvert de sang, ne pas savoir s'il s'agit de son sang ou de celui d'un autre. On rampe pour fuir, dans le sang, au milieu des douilles, des chargeurs, des sacs, des vêtements, des chaussures".

Me Pompidou : "les parties civiles sont venues témoigner que si l'enfer ressemble à quelque chose, c'est ça. Au Bataclan, la vie s'est arrêtée ou a basculé. Tout un chacun s'est vu mourir au Bataclan."

Me Jean Reinhart plaide à son tour, dresse le parallèle entre la tuerie de Guernica et l'attentat du Bataclan : "et si Picasso avait dû peindre le Bataclan, l'aurait-il fait différemment?"

Me Reinhart : "bienvenue quelques secondes en enfer. Les corps enchevêtrés se tordent. Les monstres rodent. Vite, vite s'échapper, trouver une issue."

Me Reinhart : "monsieur le président, mesdames et messieurs de la cour, vous seuls avez le pouvoir de rétablir l'ordre du monde, de faire en sorte que les victimes ne se sentent plus coupables et sortent du tableau de Guernica".

Me Manon Cornac plaide à son tour : "vient maintenant le temps des otages, le temps des héros. Otages d'un combat qui leur est totalement étranger. Dans le Bataclan, l'odeur de la poudre se mélange au sang."

Me Cornac : "un huis-clos surréaliste s'installe avec les deux terroristes et 11 personnes. Trois femmes et huit hommes. La prise d'otages aura duré plus de deux heures." "Deux heures qui leur est paru comme une éternité", poursuit Me François-Xavier Awatar.

Me Awatar : "le temps des otages aura duré deux heures. Deux heures d'horreur. Mais en réalité une éternité. Alors que feront-ils de cette éternité ? Une éternité pour rire, dansons. Nous l'espérons, nous les y encourageons."

Me Awatar : " pour tous victimes directes ou indirectes, pour tous ceux-là, le temps s'est arrêté ce soir-là et ne reprendra peut-être pas."

Me Hugo Lemont est le dernier à s'avancer à la barre pour aujourd'hui. Il évoque l'enregistrement, par le dictaphone d'un spectateur, qui "permet d'objectiver les témoignages des victimes que vous avez entendus ici."

Me Lemont a décortiqué les éléments de retranscription de cet enregistrement et rappelle ainsi que "je m'en veux de démonter l'ordonnance de mise en accusation, mais les trois terroristes sont monts sur le balcon. C'est attesté".

Me Lemont évoque la prise d'otage, dans ce couloir de l'étage du Bataclan. "Pendant ces deux longues heures, les terroristes ne sont pas inactifs." Puis c'est l'assaut. Foued Mohamed-Aggad déclenche son gilet. Et Mostefai a été tué par son complice.

Me Lemont : "ainsi s'est conclu le plus grand massacre par arme à feu de civils sur le territoire national depuis la seconde guerre mondiale. "

Me Lemont : "Le Bataclan c'est le tombeau de 90 personnes humaines. Mais c'est aussi un champ de héros dans le sens om des personnes, des policiers non spécialisés, s'ils n'ont pas permis d'éviter le massacre, on permit d'éviter l'hécatombe."

Me Lemont : "Les victimes ont été aussi cet élément actif de leur propre survie. Vous avez dit, monsieur le président, à beaucoup de victimes : "vous avez fait ce que vous avez pu". En réalité, ils ont fait bien plus qu'ils ont pu."

Me Lemont : "ils ont tous montré la voie, la sortie, la cachette, une volonté de vivre. Ils ont fait face. Ils se sont opposés au scénario de mort qu'on leur proposait."

Me Lemont : "j'aimerais leur assurer le sentiment de notre très très grande admiration pour ce qu'ils ont fait collectivement dans les murs du Bataclan."

Place à la dernière (pour de vrai cette fois, contrairement à ce que j'ai indiqué dans un précédent tweet) plaidoirie avec Me Casubolo-Ferro venu parler "des voisins", "ces petits gestes qui furent beaucoup pour aider à sortir de l'effroi ou ne pas sombrer."

Fin des plaidoiries de parties civiles du jour. La suite demain à partir de 12h30. L'audience est suspendue.

Jour 128–mercredi 25 mai – Suite des plaidoiries de parties civiles

Bonjour à tous, C'est aujourd'hui le 128e jour d'audience au procès des attentats du 13 Novembre 2015. Avec, au programme, la suite des plaidoiries des avocats de parties civiles.

Aujourd'hui, il sera question "des victimes face à la blessure". LT à suivre ici puisque l'audience reprend à l'instant.

Mais avant les plaidoiries thématiques, comme chaque jour, place aux hommages aux victimes décédées. Avec tout d'abord l'évocation de Cédric Ginestou, "adolescent passionné de foot, adulte travailleur acharné, bienveillant avec les autres".

Il est question de Yannick Minvielle, "plus grand déconneur de la terre qui écumait les concerts" De Nicolas Catinat "autodidacte à la très grande culture musicale" D'Anne Guyomard qui "savait faire ce dont peu de gens sont capables : dire aux autres qu'elle les aimait"

Il est question de Guillaume Le Dramp qui "avait une passion : la vie". De Quentin Boulenger au "sourire espiègle et à la force tranquille, âme créatrice et bienveillante". De Madeleine Sadin, "son sourire, sa force, son amour, sa bienveillante garde".

Il est encore question de Christophe Foultier "un grand brun, un peu armoire à glace, très important pour les déménagements, avec un coeur en or sur lequel beaucoup aimait s'appuyer" De Valeria Solesin, "étudiante de la génération Erasmus qui rayonnait par son enthousiasme"

Il est question de Djalal Sebaa "qui a connu l'exil, le déracinement et un nouveau départ loin de l'Algérie et incarnait la vie et son espoir" De Cédric Mauduit, "lumineux, passionné de David Bowie et des Rolling Stones".

De Kheir Eddine Sahbi, "musicien brillant qui a choisi le violon" et dont son avocat fait projeter plusieurs extraits de concerts. De Ludovic Boumbas qui "avait fondé avec son frère un groupe de hip hop et dont la joie était toujours contagieuse à son contact.

Il est question de Romain Didier "une boule de nerfs concentrée dans un physique de playboy" De Lamia Mondeguer en hommage à laquelle une vidéo est projetée sur laquelle la jeune femme chante, danse. Malheureusement, la vidéo est dépourvue de son.

Il est question de Romain Dunet dont le père a transmis quelques mots lus à la barre : "tu aimais les voyages, la photographie. Tu as vaporisé des graines de bonheur, de joie et d'amitié". Fin des hommages du jour.

Me Olivia Ronen souhaite prendre la parole : "le message que je souhaite porter n'est pas simple. Toutefois, je me sens obligée de me lever car nous assistons à des diffusions de vidéo qui n'ont pas été portées à notre connaissance et qui sont diffusées pendant les plaidoiries"

Me Ronen : "il me semble que le code de procédure pénale s'oppose à ce que ce genre de choses puisse être faites à l'audience" Le président intervient : "je pense qu'il y a eu une maladresse".

Mais Me Isa Gultlasar intervient et indique qu'"en ce qui concerne la défense de Sofien Ayari, que ces vidéos n'aient pas été versées aux débats n'a aucune différence pour nous. Ca ne nous dérange pas." Il demande même à ce que soit redifusée la vidéo dont le son était coupé

Place aux plaidoiries thématiques avec Me Elodie Abraham : "une victime ça n'est personne. D'ailleurs si je vous dit : "victime", vous ne visualisez personne. Mais si je vous dis : "Karena, à qui Nicolas a dit "ta gueule" dans ce local technique."

Me Abraham : "Si je vous dis "Hélène qui arborant son T-shirt "Love always wins" venue nous parler de Nick, l'amour de sa vie, mort au Bataclan. On ne nait pas victime. On le devient, par l'acte d'un autre."

Me Abraham : "depuis le début de ces plaidoiries, on vous a cité beaucoup de textes. Moi je suis plus terre à terre, je vais vous citer le Larousse, celui qu'on regardait avant Internet. A victime, il y a écrit : "qui a péri dans une guerre, une catastrophe, un assassinat."

Me Abraham : "et puis, il y a les vivants. Ceux qui ont été une cible. Et qui en sont sortis. Ceux-là ne sont presque plus des victimes, ce sont des survivants. Ceux là qui se sentent illégitimes, comme coupables d'avoir été là."

Me Abraham : "souvent la victime d'attentat a tout changé dans sa vie : elle s'est éloignée de son travail, son lieu de vie, ses amis, parfois même son conjoint. Mais parfois elle n'a pas bougé, elle attend de voir. "

Me Abraham : "la victime d'attentat ne retrouvera jamais sa tranquillité d'esprit. S'en sortir de ces attentats c'est aussi se demander : qu'ai-je fait pour m'en sortir ? Sur qui ai-je marché ? A qui n'ai-je pas porté secours ? Pourquoi moi ?"

Me Abraham : "depuis ce 13 Novembre 2015, ces victimes ont été amenées à prendre des dizaines de décisions auxquelles elles ne pensaient pas un jour être confrontées. Parmi ces décisions : celle de se constituer partie civile."

Me Abraham : "on a beaucoup fait reproche à ce procès de laisser beaucoup de place aux parties civiles, que leur place était disproportionnée par rapport à la parole des accusés. Mais dans n'importe quel procès, on entend les victimes."

Me Abraham : "votre cour à entendu, si mon compte est bon, 415 parties civiles. C'est énorme. Et en même temps c'est peu par rapport aux 2579 personnes constituées parties civiles."

Me Frédéric Bibal s'avance à la barre. "Aujourd'hui, nous vous parlons de la blessure : la blessure physique, mortelle, 130 fois. La blessure psychique, déjà mortelle deux fois."

Me Bibal : "vous êtes aujourd'hui tous devenus, par le fait de cette audience, des experts de cette blessure. Je ne pense pas que même parmi les professionnels, psychiatres et médecins, l'un d'entre eux ait entendu de manière aussi forte l'exposé incessant de telles blessures"

Me Bibal : "qu'allez-vous faire de cette parole ? Qu'allez-vous faire de ces blessures ? Qu'allez-vous faire de ce que vous avez entendu, de ce que vous avez ressenti ?"

Me Bibal : "il y a une tentation, presqu'une volonté, d'en rester là. D'une certaine manière, de considérer, sur cette question de la blessure, que l'audience, a bienveillance, l'écoute patiente qui a été la votre serait votre seul office."

Me Bibal : "comme si la parole, la souffrance des victimes était une sorte de parenthèse, compassionnelle, mémorielle, dont le procès serait en quelques sorte le réceptacle. Et qu'à l'issue de cette parenthèse, il faudrait en revenir au vrai procès. A ce qui doit être jugé."

Me Bibal : "plusieurs victimes ont été marquées par les mots et sont revenues sur ce mot de "déposition". Plusieurs vous ont dit : "je dépose devant vous, je dépose ma souffrance". Et la question est de savoir ce que vous allez faire de ce dépôt qui vous est confié."

Me Bibal : " mais c'est une question comme les autres. Comme les questions de responsabilité pénale, comme les parcours de personnalité des accusés. La question de la souffrance doit être au coeur. Nous devons travailler cette pâte humaine, brûlante, pour en faire quelque chose."

Me Bibal : "on n'a pas déposé simplement pour nous émouvoir. Les gens ne sont pas venus simplement pour nous faire pleure. Ils ont des amis pour cela. Ils sont venus parce que vous êtes une table de justice. Ce n'est pas un exutoire social."

Me Bibal : "il faut aujourd'hui transformer ces dépositions en motivations. C'est ça l'enjeu. Les atteintes subies par la victimes sont un élément du procès pénal, de la gravité des faits. Et on ne peut pas se contenter de dire : "c'est très grave"."

Me Bibal : "je ne concluerai pas avec une citation. J'espère que vous n'en serez pas trop déçu. Je dirai simplement que se pose la question de la mémoire. De cette mémoire collective, il n'y a qu'une trace incontestable, protégée et garantie par la loi: c'est votre décision".

Me Françoise Regensberg Konopny plaide à son tour et évoque "l'angoisse", "l'acceptation de la mort" qui s'installe peu à peu au Bataclan. "La proximité physique et sensorielle de la mort infligée aux victimes, contraintes pour certaines de se cacher sous le corps des autres"

Me Regensberg Konopny évoque également le préjudice de "l'inquiétude de l'attente des victimes indirectes". "La plupart des victimes s'inséraient dans une communauté familiale, amicale, professionnelle."

Me Regensberg Konopny : "et c'est de l'inquiétude que nait de l'attente de chacune des personnes présentes sur les lieux que naît ce préjudice spécifique"

Me Isabelle Teste s'avance : "je vais vous parler de la violence, la violence du parcours des parties civiles. Nous, avocats de parties civiles avons vécu les victimes dans nos cabinets. Nous avons partagé ces premières confidences de l'horreur, de la terreur, de la violence"

Me Teste : "le parcours des victimes est long, il est difficile et à la violence des faits, s'ajoute très vite la violence de leur parcours, de leur combat. Et puis notre procès est enfin arrivé. Nous les avons accompagnés, entourés, rassurés."

Me Teste : "Leurs blessures physiques, être blessée par balles au 21e siècle dans un pays en paix, sans armes, c'est inouï et pourtant leur chairs sont abîmées. Leurs blessures psychiques, invisibles aux yeux de tous, mais tellement présentes."

Me Teste : "le parcours des victimes est un véritable parcours du combattant. Pour celles et ceux qui ont perdu leur proche : les appels sans réponses, les appels aux hôpitaux, l'annonce du décès au téléphone. Il faut se rendre à l'IML, attendre, 5 minutes pour se recueillir".

Me Teste : " la détresse et l'incompréhension envahissent les victimes. Elle se sentent méprisées. C'est une violence supplémentaire. Le @FONDSDEGARANTIE se montre régulièrement inflexible. Cet outil unique apparaît comme déshumanisé par les victimes."

Me Teste : " la douleur, particulièrement les douleurs psychique ou morales n'ont pas de valeur, elles sont impossibles à quantifier.'

Me Teste : "Emilie, 19 ans, blessée psychiquement au Bataclan. Aurélie, 37 ans, blessée par balle et psychiquement au Bataclan. Matthieu, 34 ans, blessé psychiquement au Bataclan. Niels, 22 ans, blessé psychiquement au Bataclan. Sean, 48 ans, blessé psychiquement au Bataclan."

Me Teste : "Romain, blessé par balles et psychiquement, attablé à l'intérieur du Petit Cambodge. Votre cour doit aussi les réparer car ils croient en notre justice. Ils vous font confiance."

Me Dahbia Zegout plaide au sujet des blessures physiques : "être blessée par des armes de guerre, des kalachnikov, des explosifs c'est en soit un traumatisme auquel aucune victime en soit n'était préparée. Ces balles ont déchiqueté leur corps, arraché leur muscles."

Me Dahbia Zegout : "ces balles ont transformé leur corps en leur pire ennemi. Je pense à Eva, 25 ans, qui a dû prendre la décision d'accepter l'amputation de sa jambe gauche, Gaëlle, 34 ans, une balle dans la joue, le médecin lu a dit à son réveil : "vous êtes une gueule cassée"

Me Dahbia Zegout : "elles ont du survivre, lutter contre le risque infectieux, faire face à une longue rééducation, accepter leurs séquelles, leur handicap, leurs cicatrices, apprendre à vivre avec."

Me Dahbia Zegout : "il y a l'acceptation de ces séquelles, ces limites, ces cicatrices. "Moi, je voudrais vous parler des autres blessures, celles qui ne se voient pas", poursuit Me Sophie Behanzin à son tour. "Ce sont les blessures qu'on n'ose pas évoquer".

Me Behanzin : "ce sont ces blessures de survie. Celles que l'on s'occasionne lorsque l'on tente de sauver sa vie, sauver cette des autres ou lorsqu'on se fait sauver la vie."

Me Behanzin : "ce sont ces blessures qui sont minimisées, parce que finalement elles ne sont pas graves. Ce sont des blessures qui restent dans l'ombre, ne sont pas prises en charge. Ce sont également les blessures de l'esprit qui résonnent sur le corps."

Me Behanzin : "j'aurais voulu vous citer un auteur ou du latin pour vous en parler. Mais au cabinet, on les appelle : "ces autres blessures qui nous pourrissent la vie". Et je pense que c'est bien comme ça."

Suite des plaidoiries de parties civiles avec Me Marie Mescam, venue évoquer "les blessures psychiques : on a toujours l'impression que les blessures psychiques c'est moins grave."

Me Marie Mescam : "mais aussi bien que le corps humain n'est pas fait pour être à l'épreuve des balles, l'être humain n'est pas conçu pour être confronté à l'épreuve de sa propre mort. Les blessures de l'âme restent bien trop souvent négligées."

Me Mescam : "dans les films, lorsque le héros frôle la mort, il en ressort victorieux, grandi, prêt à dévorer la vie. Mais à votre audience, ce n'est pas ce qu'on a vu. Un jeune homme venu déposer ici a dit : "mon dernier moment de bonheur ça a été la 3e chanson du concert".

Me Mescam : "Cela se caractérise par une souffrance morale qui altère profondément la vie. La vie après les attentats est dominée par le stress et l'angoisse. Ce stress qui n'en finit pas, revient comme un boomerang."

Me Mescam : " après avoir été la cible, on se sent toujours dans l'oeil du viseur. La particularité de cette blessure qui atteint le psychisme est qu'elle ne se voit pas, elle est invisible. Et la plupart du temps, on ne croit que ce qu'on voit. Alors elle se vit dans le silence"

Me Mescam : "l'état de stress post-traumatique peut devenir insoutenable, au point de générer des pensées suicidaires. L'état de stress post-traumatique peut diminuer et s'apprivoiser. Mais il ne disparaît jamais. C'est devenu pour beaucoup un compagnon de route."

Me Emma Dinparast poursuit sur la question du stress post-traumatique : "d'abord, il y a la nuit. Alors qu'elle représente un répit pour nous tous, la nuit est pour la victime de stress post-traumatique une épreuve. Un moment redouté. Les nuits sont agitées, moments d'insomnie."

Pour illustrer son propos, Me Dinparast fait projeter pendant sa plaidoirie des dessins de @DewildeFred et @cathbertrand5

"Puis vient le matin, la promesse de l'aube. Mais aussi les bruits, impossibles à supporter. Le stress post-traumatique est présent la nuit, le jour."

Me Dinparast : " partout, le stress post-traumatique accompagne la victime : marcher dans la rue, aller au supermarché, se rendre chez le médecin, aller au restaurant, au cinéma. Toute vie en dehors du domicile est une source de peur."

Me Dinparast : "le stress post-traumatique est tout le temps là, dans toutes les sphères de vie de la victime, notamment au travail. Il engendre des troubles de la mémoire, des troubles cognitifs. Nombreuses ont été les victimes licenciées pour inaptitude."

Me Dinparast : "de nombreux couples ont éclaté. Lorsque le couple n'éclate pas, il se transforme. Le partenaire apprend à apprivoiser les symptômes du stress post-traumatique, à être plus patient."

Me Dinparast : "le stress-post-traumatique est là, il est un boulet que l'on traîne. C'est la souffrance du passé qui ne cesse d'être présente."

Marie Caroline Ardouin Saint-Amand s'est avancée à la barre pour parler "d'une des complications majeures qui découle du syndrome de stress post-traumatique que sont les addictions."

Me Ardouin Saint-Amand : "dans les témoignages que nous avons pu entendre, on peut s'apercevoir que l'addiction prend plusieurs forme. La forme la plus connue touche à l'alcoolisme. Mais aussi cocaïne, cannabis, médicaments."

Me Pierre-Yves Chapeau plaide à son tour pour évoquer le syndrome de Lazare. "Dans la tradition, Lazare est mort depuis quatre jours. Marthe sollicite Jésus qui revient au tombeau et ordonne à Lazare de ressusciter."

Me Clélia Richard prend la suite pour évoquer à son tour "la perte de sens" ressentie par certaines victimes survivantes. Comme ce jeune médecin, victime du Bataclan, qui a prodigué un massage cardiaque sur un mort sans oser arrêter parce que observé par la compagne de ce mort.

Me Audrey Lacroix, à son tour, la "perte de sens professionnel", puis "de sa vie", notamment pour Benoît, ancien plongeur "pour qui le monde du travail n'a pas pu s'adapter".

Me Lacroix : "on vous demande, monsieur le président, de faire de ce procès quelque chose qui a du sens. En disant que les accusés sont coupables de toutes ces souffrances."

Place aux plaidoiries thématiques sur le deuil avec Me Emmanuel Avramesco : "parler du deuil n'est pas chose facile. Si certaines parties civiles ont témoigné à votre barre. D'autres, plus nombreuses encore, ne sont pas parvenues jusqu'à votre barre pour évoquer le deuil"

Me Emmanuel Avramesco : "votre rôle est de juger les accusés, pas de ressusciter les morts. Or leur combat à eux c'est de vivre avec le manque. Comment nommer les parents à qui on a arraché les enfants? Les frères et soeur privés de fêtes d'anniversaires? Les amis? "

Me Emmanuelle Lemoine poursuit sur l'annonce de la mort pour les proches des victimes du #13Novembre 2015. "Comment résister à ce tsunami? Chacun réagit comme il peut à la perte d'un être aimé. Comment ces parents peuvent-ils continuer à vivre alors que leur enfant est mort?"

Me Lemoine : "la mort d'un être proche bouleverse les relations familiales. Me Victoria Hogard poursuit sur "chacun qui vit avec sa peine immense. La question qu'on peut se poser est : est-ce que cette peine et cette affliction ont un sens?"

Me Thomas Amico s'avance à la barre pour évoquer la résilience : "s'il y a bien un mot qui m'a sembler s'imposer comme fil conducteur c'est bien celui de résilience."

Me Aminco : "la résilience c'est le fait de rebondir, de se redresser, de faire preuve d'élasticité. Il est notre radeau de survie pour nous tous qui voulons, demain, trouver la force de se relever, de continuer à écouter de la musique, de boire un peu et de rire beaucoup."

Me Aminco : "la résilience est un voyage, pas une destination. Les escales seront plus ou moins nombreuses. Et pourtant, il faut avancer. Il faut continuer. Il faut vivre. Pour soi, pour ceux qui restent. Déformés, mais pas cassés. Résilients."

Me Aminco : "nous sommes tous, à des degrés divers, des victimes de cette idéologie mortifère qu'est l'islamisme. Idéologie, malheureusement, elle aussi, résiliente."

Me Aminco : "face au flux et reflux résilients de l’islamisme, il faut opposer une résistance collective. Il ne faut pas céder d’un pouce face aux revendications islamistes que sont les poupées sans visage, le burkini et autres."

Me Aminco : "nous sommes tous la génération 13 Novembre Mais si l'islamisme est résilient, ses soldats de pacotille ne le sont pas. Nous avons vaincu."

Pour achever cette journée : deux plaidoiries sur la culpabilité du survivant avec Me Agnès Clément tout d'abord : "ce syndrome de culpabilité de certaines victimes des attentats du 13 Novembre 2015 suscite de l'incompréhension, parfois de l'agacement."

Me Clément : "ce sont ces victimes qui s'accablent de mille maux en raison de leur réaction face à la brutalité des faits, parce qu'elles ont pris la fuite, totalement oublié leurs amis pendant la fuite, parce qu'elles ont entendu la balle qui finalement a atteint l'autre."

Me Clément : " ce syndrome de culpabilité est singulier, intrusif, insidieux. Il faut repérer certaines victimes dont les plaies béantes sont invisibles et veiller à ce qu'elles ne s'enferment pas dans une prison mentale, à ce qu'elles ne portent pas la main sur elles".

Me Clément : "ce procès et les condamnations prononcées seront sans nul doute une étape importante pour les victimes mais ils ne clôtureront pas leur parcours judiciaire et thérapeutique."

Place à Me Aurélie Coviaux à la barre : "il y a la faute la plus terrible qui celle d'aimer, le défaut d'anticipation. On a Stéphane qui a acheté un billet à son fils, Eric qui a emmené sa fille au Bataclan, elle n'en est pas sortie."

Me Coviaux : "on a la culpabilité la plus courante qui est celle d'être vivant. On a Christophe qui nous dit : pourquoi j'en suis sorti ? Je n'ai pas de conjoint, pas d'enfant, pas de frère ou soeur ?"

Me Coviaux : "on a la culpabilité qui se nourrit de l'intégrité du corps, de n'avoir rien d'autre que mal à l'âme, au coeur. Il y a la culpabilité assez particulière de collaborer, d'avoir été otages, d'avoir été le porte-parole."

Me Coviaux : "vous avez la culpabilité vis à vis des proches : coupables de leur faire du mal, coupable de ne pas être de bons parents."

Me Coviaux : "vous avez la culpabilité de ne pas être un héros. Celle-là, elle est terrible. L'injonction d'être meilleur."

Me Coviaux : "après les fautes, il y a les sanctions. Et les sanctions sont terribles car ils sont leur propre procureur. Et n'ont aucune clémence pour eux-mêmes. C'est d'abord le syndrome du survivant : le droit de vivre uniquement pour être meilleur."

Me Coviaux : "vous avez les scarifications : porter les cicatrices que l'on a à l'âme. Vous avez la disparition : ceux qui tellement honteux ne se constituent pas partie civile et on ne les reverra plus."

Me Coviaux : "et puis tout ceux qui refusent d'être réparés et refusent leur indemnisation. Alors nous, gens de robe, nous sommes bien impuissants pour juger les innocents. On ne nous a pas formés pour ça."

Me Coviaux : "finalement, ce sont les victimes elles-mêmes qui les aident. Ces endeuillés qui leur disent : vivez ! On est très mal armé pour lever ces verrous. Mais en revanche, on peut les écouter, les entendre et les reconnaître."

Fin des plaidoiries de parties civiles pour aujourd'hui et de cette semaine d'audience (en raison du pont de l'Ascension). L'audience reprendra donc lundi à 12h30.