Procès des attentats du 13 novembre 2015 - Le Live Tweet - Semaine VINGT

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.


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Retrouvez sur cette page tous les tweets du procès issus des Live tweets de @ChPiret Charlotte Piret et @sophparm Sophie Parmentier ; elles suivent ce procès pour France Inter et nous ont donné l'autorisation de compiler leurs tweets dans un objectif de consultation et archivage.




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Semaine VINGT

Jour 74 –Mardi 1er février – Interrogatoire sur les faits de l'accusé Yassine Atar

Semaine 20, jour 74 au procès des attentats du 13 Novembre La cour poursuit ses interrogatoires d'accusés. Aujourd'hui, l'accusé Yassine Atar, dans le box. Son frère, Oussama Atar, commanditaire présumé, fait aussi partie des accusés, mais il est absent, présumé mort en Syrie

La cour d'assises a rouvert l'audience un très court instant. Juste pour constater l'absence d'Osama Krayem, qui boude le box depuis longtemps. Un huissier va lui faire des sommations à comparaître, qu'il risque de refuser, comme il le fait invariablement.

Et la cour revient. Le président annonce qu'Osama Krayem refuse de comparaître. L'audience va se poursuivre sans lui mais en présence de ses avocats.

Me @NoguerasXavier avocat de Mohammed Amri prend la parole : "Nous sommes inquiets". Amri a été interrogé vendredi. "Le parquet a posé ses questions 13 minutes, les parties civiles pendant plus d'une heure, et nous à 20h, notre client est épuisé pour nos questions"

Vendredi, la cour avait d'abord entendu le père puis l'épouse de Mohammed Amri, et c'est vrai que l'interrogatoire de l'accusé avait démarré tard, à plus de 17h. A la fin, Mohammed Amri ne semblait plus en capacité de comprendre les questions de ses avocats.

Me @NoguerasXavier demande, d'une voix très calme, et à juste titre, "un équilibre" plus grand. Estimant qu'il y a eu un vrai déséquilibre vendredi. Beaucoup de questions identiques de parties civiles à l'épouse Amri, par exemple. Et donc, interrogatoire tronqué de Amri, en somme

Mohammed Amri se lève dans son box, chemise grise, verbe pâteux. Il dit à quel point c'était difficile pour lui d'être interrogé vendredi, après son père et sa femme. Et "je suis arrivé en Belgique à 17 ans, le français, je l'ai appris dans la rue"

Président Périès : "Merci Monsieur Amri" Et il lui dit qu'il sera interrogé à nouveau plus tard.

Sur le banc des avocats de parties civiles, Me Bibal se lève, voix très posée lui aussi. Il dit son attachement à cet équilibre que demande son confrère @NoguerasXavier en défense, mais il dit la difficulté, mécaniquement, avec le nombre de victimes.

Me Bilal convient qu'il faut éviter les redites dans les questions des avocats de parties civiles. Les avocats qui sont 300. Mais se sont organisés pour ne pas tous parler. Une vingtaine ont surtout la parole. Souci d'efficacité, dit Me Bilal, mais...

...mais certains avocats, souvent les mêmes, ont du mal à ne pas vouloir personnaliser leur propre question, au mépris parfois du groupe et de ce fameux équilibre que réclame Me @NoguerasXavier

A son tour, le PNAT, parquet national antiterroriste dit son attachement à l'équilibre, et un avocat général dit qu'il ne lui semble pas acceptable que de trop longues questions de parties civiles pénalisent la défense d'un accusé.

Me Méchin, avocat de l'accusé El Haddad Asufi insiste surtout sur la nécessité de ne pas poser des questions aux témoins comme aux accusés, "de les passer sur le grill" (ce fut le cas vendredi avec l'épouse Amri), et cela a retardé l'interrogatoire de son mari...

Et l'interrogatoire de l'accusé Yassine Atar commence en ce jour 74. Atar est debout derrière la vitre du box, chemise claire, masque FFP2 sur le nez. Le président a des questions sur sa conception de l'islam, et lit ses notes...

Le président note que Yassine Atar n'a pas voulu de médecin homme pour la péridurale à l'accouchement de sa femme, ne voulait pas fêter le 1er janvier, "cette fête de kouffars..." "Alors", interroge le président. Et Yassine Atar se met à parler. "D'abord, bonjour."

Yassine Atar dit poliment bonjour au président et aux magistrates de la cour. Et il se met à parler à une allure très vive. Les mots se bousculent. "J’ai entendu dire ici ou là que je suis une pipelette, je sais pas mais je parle beaucoup"

Et ce qu'il tient à dire en premier Yassine Atar : "Je clame mon innocence depuis le 1er jour, j’avais hâte de m’exprimer"

Dans sa chemise de jean gris aux boutons nacrés, Yassine Atar se met à répondre aux questions à 200 à l'heure, et il a réponse à tout. Il note d'abord que le président évoque 7, 8, 9 sms, sur 34 000. Il se sent injustement attaqué donc sur sa vision de l'islam.

Concernant l'accouchement de sa femme, Yassine Atar affirme que s'il a refusé le médecin pour la péridurale, c'est parce qu'il "avait mauvaise réputation" mais il assure que finalement sa femme "a été accouchée par un homme"

Yassine Atar ajoute : "Et ce jour-là, j’étais stressé, depuis que je suis petit je rêvais d’avoir un fils. Pendant l’accouchement de ma femme, je suis tombé dans les pommes tellement j’étais stressé".

Autre réponse de l'accusé Atar, qui ne voulait pas que sa femme aille à la piscine, dans un message : "Ma femme est taquine, elle m'a dit qu'elle allait à la piscine O., la justice a condamné cette piscine, y a des connards qui mettent des caméras"

Donc l'accusé Yassine Atar jure qu'il n'interdisait pas à sa femme d'aller à la piscine, ce que font des islamistes radicaux pour des raisons religieuses, dans les piscines mixtes...

Le président évoque aussi des propos sur le maquillage, avec sa sœur, à qui il avait envoyé une vidéo expliquant qu'il ne fallait pas se maquiller, "le maquillage c'est que pour se faire belle devant son mari", mais sans mari, le maquillage ne serait pas nécessaire.

Yassine Atar : "c'est là que je dis ha ha ha !" Sa défense : c'était de l'humour. Il n'aurait jamais ordonné à sa sœur de ne pas se maquiller. Dit-il.

Autre question du président, sur des propos très violents échangés avec sa femme. Yassine Atar assure qu'ils s'aimaient passionnément, "y a pu avoir des invectives mais "j’ai jamais été violent, j’exècre les gens violents"

Yassine Atar explique ensuite qu'ils sont aujourd'hui séparés. Sa femme est venu le voir en prison à Fresnes. "Mais on était mariés depuis 2 ans et demi, on avait un bébé, et du jour au lendemain, je me retrouve dans un dossier terrible, c'est dur pour elle"

Le président passe aux questions sur le compte Facebook. Yassine Atar répond qu'il avait 1500 contacts, et le président lui parle des 3 qu'il a rajoutés (des motards condamnés pour terrorisme). Atar : "Moi on me demande d'être ami, je tape, je suis pas enquêteur, je savais pas"

Parmi ces contacts, Jean-Louis Denis, prédicateur islamiste belge condamné pour propagande et avoir incité des jeunes à partir en Syrie. Yassine Atar dit qu'il ne connaissait pas cet homme. "Jamais envoyé le moindre sms"

Le président poursuit. Cite comme propos : "Belgique de merde". Yassine Atar veut devancer le président "vous m'interrogez sur le 14 novembre ?" "Le 14, je dis que je m'ennuie. Je pense pas que ce soit le cas des vrais protagonistes du dossier".

Yassine Atar assure : "J’y connais rien à la religion ! Vous allez jamais trouver une apologie à Daech sur Facebook, c’est impossible !"

Le président parle d'un anasheed extrait de l'Ipadmini. Yassine Atar : "Je comprends pas, j'utilisais jamais l'Ipad mini !"

Le président parle d'une clé USB sur laquelle on retrouve des tirs d'armes automatiques. Yassine Atar : "on a trouvé 151 supports chez moi (parmi les clés, ordinateurs, ect.) et on me parle de cette clé USB !" Il n'a pas d'explication. "C'est comme pour l'Ipad mini"

Yassine Atar conteste ses accusations. Entre deux phrases, il dit : "je connais pas le dossier par cœur, mais bon". Atar qui parle toujours à une allure ultra rapide continue à avoir réponse à tout, et à tout contester.

D'ailleurs, parmi les 151 supports, beaucoup ne devaient pas être de lui, dit-il. Il dit que certains devaient venir de voitures sans qu'il le sache. Car Yassine Atar vendait des voitures à Bruxelles. Atar et un indéniable bagout qu'on entend ici, à ce procès1

Le président Périès : "Monsieur Atar, je ne sais pas si vous êtes une pipelette, mais vous parlez beaucoup..." L'accusé Yassine Atar : "C'est vrai, je vais m'asseoir..." Le temps que le président lise les PV anciens d'un témoin qui ne viendra pas témoigner à la barre

Le témoin qui disait aux enquêteurs que Yassine Atar, "qui s'intéressait beaucoup aux filles" a changé quand son frère Oussama est rentré d'Irak. "Yassine admirait beaucoup son grand frère". Yassine Atar qui "devenait chiant".

Selon ce témoin, Yassine Atar "ne voulait plus qu'on s'attable avec nos femmes au restaurant", Atar qui s'était marié peu après le retour d'Irak de son frère Oussama Atar.

Le président demande à Yassine Atar de se lever à nouveau, après lecture des PV de celui qui était considéré comme l'un de ses meilleurs amis. Président : "Il décrit le Atar d'avant le mariage et après"

Président : "Avant, vous vous intéressiez pas du tout à la religion, et après vous changez" Yassine Atar : "Alors, d'abord, j'ai remarqué énormément de contradictions de sa part. Par exemple, en 2014, il dit que j'allais chercher une femme, en 2013 j'étais déjà marié"

Yassine Atar : "Il dit j'ai changé après mon mariage, oui, moi après ça m'intéressait plus d'aller à ses petites soirées, je voulais passer du temps avec ma femme..."

Et Yassine Atar dit que ce témoin a menti, retourné sa veste, "je le considérais comme un frère et il m'a volé mon argent, mon garage au Maroc... Jamais j'aurais imaginé qu'il allait me cracher dessus"

Ce témoin n'aurait fait que mentir, "il m'avait même dit qu'il m'offrait une Rolex, d'ailleurs, je l'ai jamais reçue car je devais la recevoir en mai et je suis rentré en mars..."

Président : "Et quand il dit que vous admiriez Oussama ? "(le grand frère) Yassine Atar : "On parlait jamais d'Oussama ! Il savait que le sujet était sensible"

Président : "Pourquoi le sujet était sensible ?" Yassine Atar : "Vous le savez monsieur le président, il m'avait détruit, il avait détruit ma famille" Oussama Atar qui était parti faire le djihad en Irak. Où il avait été incarcéré dans les années 2000 à la prison d'Abou Ghraib.

Oussama Atar considéré par les enquêteurs comme le commanditaire des attentats du 13 Novembre 2015

Une magistrate l'interroge sur ses conversations avec son frère Oussama et un de leurs cousins El Bakraoui (les frères El Bakraoui / logisticiens / coordinateurs des attentats du 13 Novembre Yassine Atar : "C'étaient des sujets de discussion tout à fait banaux !"

Et Yassine Atar répète plusieurs fois "banaux", pour "banals". Quelques rires dans la salle d'audience. Et on suspend pour la pause de l'après-midi.

L'audience reprend, avec un témoin à la barre : Mohamed, masque Adidas sur le nez, veste matelassée noire, cheveux gris, 55 ans.

Mohamed travaille dans la police en Belgique. Il est arrêt maladie. Le meilleur ami de Yassine Atar (Zoubeir, dont la cour a lu les PV un peu plus haut). Mohamed a transmis des renseignements, et a été condamné.

Président : "Y avait-il pas un avantage ?" Mohamed : "Non" Président : "Attendez, laissez-moi finir la question quand même !"

Et un avocat de parties civiles interroge Mohamed. Et l'avocat de Yassine Atar, Me@raphkempf interroge Mohamed. Et Mohamed, policier en arrêt, ne se souvient de rien. Rien. Et Me Raphaël Kempf note "des erreurs ou un mensonge" concernant Yassine Atar

Et Me @raphkempf s'agace contre ce témoin à la barre qui dit une chose et l'inverse "selon la minute à laquelle on vous pose la question"

Et la cour demande à Yassine Atar de se relever, de répondre aux questions par oui ou non. Mais l'accusé Atar a du mal à ne pas être intarissable, "monsieur le président, excusez-moi, je sais que je parle beaucoup, je vais essayer de faire un effort, mais..."

L'avocat général Braconnay se lève pour poser des questions pour l'accusation. Demande pourquoi Yassine Atar avait le contact d'un homme en lien avec d'autres morts en Syrie ? "Il se trouve qu'il travaillait dans la même entreprise que moi", répond Y. Atar.

"Laquelle ?" demande l'avocat général. "Restauration", répond Yassine Atar qui a expliqué plus tôt qu'il vendait surtout des voitures et avait un garage.

L'avocat général a une question sur cette clé USB sur laquelle on entend des bruits de tirs après les anasheeds. Le magistrat lui fait remarquer "votre femme a dit qu'elle passait l'écoute quand c'était les tirs" Yassine Atar : "je croyais qu'elle écoutait le Coran"

Et Yassine Atar répète qu'il n'a jamais fait l'apologie du terrorisme, jamais soutenu l'EI

Et l'avocat général demande pourquoi il a comparé des policiers à des chiens ? Yassine Atar : "Ah oui, c’est vrai monsieur le procureur et je regrette. Sur 34 000 messages, il a pu m’arriver de manière extrêmement rare de dire des choses qu’il ne faudrait pas dire"

Yassine Atar : "J’ai utilisé un mot d’oiseau et je le regrette, une fois de plus faut pas faire de moi quelqu’un qui avait une haine contre la police. J'avais des amis policiers..."

Me Topaloff, avocate de parties civiles, donne son sentiment sur le mariage de Yassine Atar. Elle pense que ce n'est pas le mariage qui l'a changé, mais qu'il s'est marié parce qu'il a changé, plutôt.

Yassine Atar à l'avocate Me Topaloff : "La question a déjà été posée mais je vous réponds avec plaisir !" Président : "Oui, oui, ça a été posé" Atar : "Non, non, mais je vous réponds !"

Face à Me Chemal, autre avocat de parties civiles, qui lui réexplique une chose qu'il fait répéter : "Ah, merci c'est gentil !" Il semble attaché à se montrer poli. Et maîtrise parfaitement le dossier, le cite beaucoup, dans le détail.

Me Chemla revient sur ce message envoyé à sa soeur, conseil pour faire respecter la prière par les enfants : dix coups de fouet ! Yassine Atar dit qu'il regrette d'avoir envoyé ça, qu'il avait fait une recherche google sur prière et c'est ça qu'il serait sorti...

Yassine Atar dit qu'il regrette. Et dit aussi : "Ecoutez, je suis pas un détraqué mental !"

Me Chemla insiste sur le fils de Yassine Atar (prénommé Oussama à la naissance avant d'être rebaptisé...), et reprend des propos dans lesquels Atar disait s'en moquer qu'il soit médecin mais surtout nécessaire qu'il soit pieux. L'avocat tique sur le côté pieux...

Et Yassine Atar répond que c'est important à ses yeux "d'être un bon musulman". Point. Ce qui n'est pas répréhensible aux yeux de la cour d'assises.

Dans ces affaires de terrorisme, les questions autour de la religion sont si souvent épineuses... Rappelons que le crime jugé n'est jamais de croire en Allah. Les questions sont censées éclairer une éventuelle radicalisation et adhésion aux thèses djihadistes.

Et les esprits s'échauffent. Le ton monte entre l'avocat de la défense Me Mallaoui et le président de la cour, l'avocat reprochant les questions précédentes de la partie civile.

Et Me Fanny Vial, à son tour, s'inquiète d'un "glissement dangereux", entre "concept de radicalisation celui de dangerosité", elle se désole qu'il y ait "ce trouble entre les concepts, trouble maintenu en permanence" Le président : "Donc, c'était pas une question !"

Le président qui gère la police de l'audience semble surtout s'évertuer ce soir à veiller à ce qu'on pose seulement des questions, et pas redondantes, alors qu'on a reproché en début d'audience de veiller aux redites et temps perdu au détriment des accusés...

Au tour de Me @raphkempf l'un des avocats de Yassine Atar, de poser des questions "Pourquoi vous aviez demandé à intégrer le QER, quartier évaluation radicalisation ?" "Depuis le début, je suis animé d'une transparence totale !"

Et même face à son avocat, Yassine Atar ne peut pas s'empêcher de vouloir répondre à la question trop tôt : "J'ai pas encore posé ma question", sourit Me @raphkempf Yassine Atar : "Ah ? Pardon"

Me @raphkempf: "Alors, vous avez demandé Monsieur Atar à faire diffuser une vidéo..." Yassine Atar : "Oh, c'est peut-être pas la peine, monsieur le président !" C'était apparemment une vidéo où il chantait "joyeux anniversaire". Vidéo qu'on ne verra donc pas.

Dans son box, "je suis fatigué" souffle Yassine Atar, qui a donc changé d'avis sur la vidéo comprend-on.

Me @ChStPalais, l'autre avocat de Yassine Atar, semble renoncer à poser des questions face à la fatigue de son client. Il se lève et se rassied.

Et avant de clore l'audience, le président Périès : "il n'est pas question de faire des reproches sur telle ou telle religion, je vois pas en quoi la cour aurait pu à un moment donné déraper, c’est normal qu’on pose ces questions pour savoir à qui on a à affaire"

L'audience est suspendue jusqu'à demain.

Jour 75 – Mercredi 2 février – Suite de l’interrogatoire de l'accusé Yassine Atar et de proches

Bonjour à tous, C'est aujourd'hui le 75e jour d'audience au procès des attentats du 13 Novembre 2015. Avec la suite de l'interrogatoire de l'accusé Yassine Atar, l'accusé "pipelette" comme l'a raconté hier @sophparm

Aujourd'hui, suite des questions à Yassine Atar sur les faits. Mais aussi audition de certains de ses proches, comme sa sœur par exemple.

Mais pour cela, il faut, comme tous les jours désormais, attendre les sommations d'huissier à l'accusé Ossama Krayem qui refuse toujours de comparaître.

L'audience reprend. Une nouvelle fois à ce procès, un des témoins cités aujourd'hui a fourni un certificat médical. Cette fois-ci cependant, il semblerait que ce soit en raison de réels problèmes de santé. Les auditions du témoin devant les enquêteurs seront donc lues à l'audience

L'autre témoin du jour, elle, apparaît sur le grand écran de la cour d'assises, en visioconférence depuis Bruxelles. Il s'agit de la sœur aînée de l'accusée Yassine Atar, 39 ans, mère au foyer : "je m'occupe de mes trois enfants".

Iman Atar, voile clair et veste beige déclare : "tout d'abord, j'aimerais faire part aux victimes de ma plus grande compassion. J'aimerais aussi condamner de manière très ferme, ces actes barbares, injustes et inhumains. Cela me tenait vraiment à cœur."

Iman Atar : "je voulais aussi dire que dès le départ on a jugé mon frère Yassine coupable, non pas du fait d'éléments contre lui mais par association. Vous n'êtes pas sans ignorer qu'il est le frère de, le cousin de. Les enquêteurs belges ont mené une enquête uniquement à charge"

Iman Atar : "par rapport aux victimes, celles qui se déplacent tous les jours pour entendre la vérité, j'ai l'impression qu'on leur jette de la poudre aux yeux. On leur doit la vérité et ce n'est pas en enfermant un innocent qu'on leur donnera."

Iman Atar : "j'ai lu qu'on disait de Yassine qu'il parlait beaucoup. C'est vrai. Mais il faut remettre cela dans le contexte : c'est un homme qui attend depuis six ans dans une cellule de pouvoir s'exprimer."

Invitée à s'exprimer sur son frère aîné, Oussama Atar, commanditaire des attentats du 13 Novembre 2015, Iman Atar demande au président : "s'il vous plaît, dîtes "Oussama" mais pas "votre frère". Car je ne le considère plus comme mon frère. Moi, mon frère c'est Yassine."

Iman Atar s'excuse de chercher un peu ses mots et se répéter "mais juste avant de me présenter à vous, un policier a fait un malaise. Je l'ai laissé entouré de médecins, mais je suis encore secouée par cet événement".

Iman Atar au sujet de son frère aîné Oussama, commanditaire des attentats : "c'était quelqu'un de très renfermé sur lui-même, déjà adolescent. Mais quand il est revenu [d'Irak, ndlr], il parlait encore moins. On parlait des choses de la vie, des enfants. Mais pas de religion".

Président : "en 2003, Oussama Atar est parti en Syrie puis en Irak. Il a été arrêté par les forces américaines puis emprisonné. Vous avez fait partie du comité pour sa libération" Iman Atar : "en 2003, il est parti sans prévenir personne. C'est la Croix Rouge qui nous a prévenus"

Président : "il vous a parlé de ce qu'il a fait là-bas?" Iman Atar : "il était déjà renfermé mais après ces 10 ans, il était encore plus dans son monde. Un jour ma soeur a vu des traces sur sa main, elle a demandé si c'était des traces de tortures, il n'a pas voulu répondre."

Iman Atar : "l'image d'Oussama était celle d'une personne renfermée qui ne parlait pas beaucoup. J'ai du mal à me dire que c'était lui qui aurait radicalisé [nos cousins les frères EL-Bakraoui]. Mais, je n'étais pas là pendant les visites [en prison, ndlr]."

Iman Atar : "[Oussama] m'appelait de temps à autres, pour prendre des nouvelles de la famille principalement. Mais c'était toujours très concis. Les dernières nouvelles que j'ai eues c'était pour me dire qu'il s'était marié et qu'ils avaient eu un garçon".

Président : "est-ce qu'Oussama [Atar] avait des contacts avec d'autres membres de la famille?" Iman Atar : "à part moi et ma maman, non je ne pense pas."

Iman Atar : Yassine n'a jamais été radicalisé, il ne tenait même pas ses prières. Son souci c'était son apparence, être bien habillé, bien coiffé, il était très sportif, il aimait sortir tard. On ne parlait pas de religion ensemble, ni même en famille. Il écoutait Aznavour, Zaz."

Iman Atar : "Yassine a toujours été un frère protecteur et même surprotecteur parce mon papa faisait beaucoup d'aller-retour entre la Belgique et le Maroc et donc c'est un peu comme s'il avait pris la place du père. Il a vu les jumelles grandir, il est surprotégeait."

Iman Atar : "les jumelles [soeurs Atar, ndlr] ont suivi une scolarité sans voile, cela ne posait pas problème chez nous."

Le président, cite des conversations entre Yassine et Iman Atar. Iman y dit à Yassine :"Oussama tu crois le connaître, mais tu te trompes". Le président : "vous en parlez souvent d'Oussama ..." Iman Atar : "non, on en parlait pas souvent et ça remonte à il y a 6 ans"

Iman Atar : "les messages que vous citez qui sont des bribes de conversations laissent à penser qu'on se levait Oussama [leur frère et commanditaire des attentats], qu'on vivait Oussama. Mais ce n'était pas du tout le cas. Yassine avait sa vie, moi la mienne."

Assesseure : "à partir de quand vous avez considéré qu'Oussama n'était plus votre frère ?" Iman Atar : "depuis que son nom ressort au procès de Paris et que des informations circulent à son sujet, comme commanditaire des Atar. Il y a beaucoup d'informations qui ont émergé."

Iman Atar : "Yassine et Oussama, il y avait un froid entre eux. Oussama m'avait dit qu'il reniait Yassine en tant que frère devant Dieu. J'ai compris qu'il disait ça à cause de son mode de vie et son dossier de stupéfiants [dans lequel Yassine Atar a été condamné, ndlr]"

Me Kempf, avocat de Yassine Atar : "lorsque votre frère Yassine est arrêté en mars 2016, est-ce que cela a été médiatisé?" Iman Atar :"énormément. Les médias se sont acharnés sur Yassine. On a entendu de tout. Tout était mélangé, les gens ont du mal à faire la part des choses."

Nicolas Le Bris (avocat général) : "vous ne considérez pas qu'il y a un paradoxe a avoir une opinion aussi tranchée au sujet d'Oussama et avoir des doutes sur Yassine?"

Iman Atar : "non, je me sens légitime à dire que je connais assez bien Yassine pour dire qu'il est innocent".

Nicolas Le Bris (avocat général) : "votre frère a été absent pendant presque 10 ans, il repart et vous n'arrivez pas à savoir qu'il est parti en Syrie ?" Iman Atar : "on n'a jamais su exactement où il était. J'ai supposé qu'il était en Syrie ou en Irak."

Nicolas Le Bris : "et vous n'en parlez pas à votre famille, du fait que vous pensez qu'Oussama est en Syrie ou en Irak ?" Iman Atar : non, c'était déjà assez difficile à vivre - vous restez toute seule avec ça - oui - et vous trouvez ça crédible comme réponse ?

Nicolas Le Bris : "quand Oussama est revenu d'Irak, vous ne lui posez aucune question ?" Iman Atar : "il nous a fait savoir que c'était tabou. Il ne voulait pas en parler. On savait qu'il avait été dans des prisons comme Abou Ghraib et on a respecté son choix de ne pas en parler"

Me Chemla (PC) : "je n'arrive pas à comprendre alors que toute la famille s'est mobilisée pendant 10 ans pour faire sortir Oussama Atar de prison en Irak, qu'elle n'ait pas cherché à comprendre ce qui s'était passé" Iman Atar : "on savait que ça susciterait de la souffrance"

Iman Atar : "pour nous, Oussama avait été condamné pour avoir franchi illégalement une frontière, qu'il avait été de prison en prison. Le ministère nous a informé qu'il avait une tumeur, qu'il était gravement malade. Et donc on voulait faire bouger les choses".

Me Chemla : "on a l'impression qu'il y a une espèce de combat entre Oussama et Yassine auprès des femmes de la famille pour être le référent religieux" Iman Atar : "on est dans l'interprétation. Chacun était libre de pratiquer la religion comme il l'entendait."

Me @ChStPalais: "Oussama Atar quand il rentre en Belgique, il dit à la juge qu'il avait été innocenté en Irak des faits de terrorisme et condamné pour avoir franchi illégalement la frontière irakienne. C'est donc ça qui est votre conviction dans la famille ?" Iman Atar : oui.

Me @ChStPalais : "et en 2016, Oussama Atar vous fait croire qu'il n'a rien à voir avec les attentats ? Et vous vous accrochez à cette conviction dans la famille ?"

Iman Atar : "tout à fait, Maître."

Me @ChStPalais: "vous savez que le premier prénom du fils de Yassine, c'était Oussama. Est-ce que vous savez pourquoi ce prénom avait été choisi?" Iman Atar : "c'était la volonté de ma maman. Yassine n'était pas pour mais il avait cédé pour faire plaisir à maman"

Me @ChStPalais : "est-ce que vous savez qu'on reproche à Yassine Atar d'être acquis aux thèses de l'Etat islamique ?" Iman Atar : "je trouve ça totalement ridicule. Yassine n'a jamais eu la tête dans la religion. Au contraire, il parlait plus de choses du quotidien."

Iman Atar : "quand on essaie de lui coller cette étiquette de radicalisé, ça me fait rire nerveusement parce que c'était l'opposé. Il allait boire des verres avec sa femme, dans des piscines mixtes avec sa femme. C'était une vie lambda quoi."

Iman Atar : "on essaie de le faire passer pour ce qu'il n'est pas, je suis dépité d'entendre ce genre de choses. Si on prend un message qui dit qu'il ne veut pas que sa femme aille dans telle piscine, il faut alors aussi dire qu'il allait à la piscine mixte avec sa femme."

Me Fanny Vial, avocate de Farid Kharkhach interroge Iman Atar sur ses cousins germains, les frères El-Bakraoui, logisticiens du  13 Novembre 2015 "Ibrahim était réservé, discret. Khalid c'était l'opposé, il parlait vite. Mais je ne les fréquentais pas."

L'audience reprend après la pause-café habituelle de l'après-midi. Le deuxième témoin du jour s'avance à la barre. Il s'agit de l'oncle de Yassine Atar Mustapha B., : "j'habite à Bruxelles, j'ai bientôt 47 ans et je suis handicapé".

Mustapha B. : " tout d'abord, je m'incline devant les familles des victimes. Quand je le fais sincèrement. Et je peux dire que quand Yassine Atar condamne les attentats, il le fait sincèrement parce qu'il n'a rien à voir avec les attentats."

Mustapha B. : "après les attentats de Bruxelles, je suis arrêté et je comprends que c'est par rapport aux attentats parce que je suis l'oncle [des deux kamikazes les frères El-Bakraoui]. Mais on me dit qu'on me soupçonne de préparer un attentat contre la marche contre la peur"

Mustapha B. : "on nous a mis des micros dans nos voitures à nos insu. Et on avait des conversations retranscrites qui disaient : "on gare les voitures et on sort et bam bam bam bam ..." En fait, pas un de ces mots n'avait été prononcé."

Mustapha B. : "ils ont utilisé des méthodes d'un pays où l'Etat de droit n'existe pas. Ce n'est pas que dans les romans d'Agatha Christie ou les séries Netflix. Alors moi, on m'a annoncé une bonne nouvelle : non-lieu. Mais Yassine Atar, lui, est resté inculpé."

Mustapha B. : "il y a Oussama Atar pour qui j'ai beaucoup d'empathie, le petit rachitique de 19 ans avec ses boutons d'acné. Et il y a Oussama Atar qui revient 10 ans plus tard. Il n'est plus en jean-basket. Quand il regarde le JT, il met un paravent car c'est une présentatrice".

Président : "quand il est revenu, il était radicalisé donc ..." Mustapha B. : "fondamentaliste dans sa pratique, une personne qui répète le dogme à la lettre. Ce n'était plus le Oussama souriant qui se promenait dans le parc main dans la main avec sa petite amie".

Mustapha B. "j'ai eu des contacts avec Ibrahim [El-Bakraoui] quand il était en détention en Turquie [pour aller en Syrie, ndlr]. Mais j'ai été surpris parce qu'Ibrahim n'affichait pas ses idées, à la différence de Khalid [El-Bakraoui] qui ne cachait pas sa radicalisation".

Président : "qu'est-ce qui vous fait dire que Khalid El-Bakraoui était radicalisé ?" Mustapha B. : "des conversations sur les chiites. Il me disait : ce sont des hérétiques. Je suis moi de confession chiite. Khalid approuvait à 100% l'Etat islamique. Mais Ibrahim pas du tout.

Mustapha B., oncle des frères El-Bakraoui, logisticiens du 13 Novembre : "il faut remettre ça dans son contexte. A l'époque [en 2014-2015, ndlr] en Belgique, on n'a pas eu d'attentats. Donc on dénonçait pas quelqu'un de sa famille qui était radicalisé. Aujourd'hui, on le ferait"

Mustapha B. : "je ne me souviens plus de la date mais quand il y a eu le rapt des enfants par Boko Haram, Khalid El-Bakraoui légitimait ça. On a eu une dispute dans la cuisine de sa maman, donc ma sœur".

Mustapha B. sur les SMS litigieux de Yassine Atar : "ce sont des messages d'amour. Car Yassine est infidèle. C'est le fils spirituel de Bacchus, dieu du vice et du sexe. Il fait le tour des bordels de Tanger. Pire quand il est marié, encore pire quand sa femme est enceinte."

Le président résume pudiquement : "visiblement, Yassine Atar menait une vie un peu dissolue. Mais selon un témoin, à partir de 2013, il n'a plus cette vie de barreaux de chaise comme on dit." Mustapha B. : "pas du tout, une personne intégriste ne va pas voir des prostituées".

Mustapha B. : "je vous assure que Yassine Atar, l'Etat islamique ce n'est pas son truc. C'est un poisson d'eau douce et si vous le faites nager en eau de mer, il meurt. Et l'Etat islamique c'est loin d'être les bordels de Tanger".

Mustapha B. : "le maréchal Foch avait l'habitude de dire : "enfin, de quoi s'agit-il ?". Pour Yassine Atar, de quoi s'agit-il ? Vous ne devez pas l'acquitter parce qu'il est sympathique. Vous devez l'acquitter parce qu'il est innocent". Président : "on a déjà une plaidoirie ..."

Président : "la radicalisation de Khalid El-Bakraoui se manifestait comment ?" Mustapha B. : "j'avais un ami chiite, quand il le croisait, il changeait de trottoir." - il ne serait pas la main des femmes ? - je ne l'ai jamais vu en présence de femme, mais ça m'aurait pas étonné

Mustapha B. : "si Khalid El-Bakraoui affichait ses idées envers moi, son oncle, je pense qu'il le faisait avec les autres personnes autour. Mais bon, à ce moment-là, il n'y avait pas encore les attentats. Donc on peut se dire que le radicalisme va s'arrêter là."

1ere assesseure : vous dites qu'Oussama Atar mettait un paravent devant la télé si c'est une femme qui présentait, vous l'avez vu vous-même ? Mustapha B. : non, c'est des bruits qui circulaient dans la famille. - vous en avez parlé avec sa mère ? - non. Pour moi c'est une anecdote.

Assesseure : "quand Oussama Atar est revenu, il ne fallait pas parler de ce qui s'était passé en Irak ?" Mustapha B. : "moi, personnellement je ne lui ai pas demandé : est-ce que tu t'es fait torturer ? est-ce que tu as subi des sévices sexuels à [la prison ndlr] Abou Ghraib ?"

Assesseure : "est-ce que vous avez vu Yassine Atar dans les jours autour du 13 Novembre ?" Mustapha B. : "j'avais des relations très fréquentes avec Yassine, trois ou quatre fois par semaine. Quand je l'ai vu après les attentats, il était effondré et en pleurs."

Assesseure : "pourquoi vous êtes devenu chiite ? Est-ce que c'est une discussion que vous avez eue avec Yassine Atar ?" Mustapha B. : "il s'en fout royalement de ça. Lui, il faut lui parler de belles voitures ... mais la religion, il s'en fout totalement."

Me Arab-Tigrine : "diriez-vous que la radicalisation d'Ibrahim El-Bakraoui n'était pas visible avant les attentats ? " Mustapha B. : "il n'affichait pas vraiment. Autant Khalid [son frère, ndlr] on le voyait. Autant Ibrahim, il avait des projets de vie etc."

Mustapha B. : "dans le cas d'Ibrahim et Khalid El-Bakraoui, la détention n'a pas joué dans leur radicalisme. C'est plutôt les visites d'Oussama Atar." Me Arab-Tigrine : vous confirmez que c'est une déduction que tous ont fait a posteriori. - oui, c'est quand on remonte le film.

Me Arab-Tigrine : "quand vous évoquez ici ce qu'il s'est passé à l'audience, c'est parce que vous lisez ce qui ressort des live-tweets qui vous révèlent la teneur de ce qui se tient devant cette cour d’assises ?" Mustapha B. : "c'est la pression médiatique".

Ce moment où, alors que le témoin finit son propos par une question en l'air, le président rétorque avec un sourire : "la procédure c'est que c'est moi qui pose les questions, je ne peux pas répondre".

Me Vial revient sur la radicalisation affichée de Khalid El-Bakraoui, selon le témoin. Mustapha B. : "en tous cas avec moi, il approuvait l'idéologie de l'Etat islamique. Pas en réunion familiale, mais je pense que s'il l'a fait avec moi, il a pu le faire avec d'autres".

Me Vial poursuit ses questions sur la radicalisation, affichée ou non, de Khalid El-Bakraoui, question cruciale. Le témoin recule quelque peu : "s'il l'a fait avec moi [notamment lors d'une conversation dans leur cuisine, ndlr], j'imagine qu'il a pu le faire avec d'autres.

Me @ChStPalais(avocat de Yassine Atar, neveu du témoin) : "je pense que votre déclaration n'était pas tout à fait ce que Yassine Atar espérait. Parce que les bordels de Tanger, je ne crois pas qu'il pensait qu'il en serait question".

Mustapha B. au sujet des frères El-Bakraoui : "ils n'aurait jamais fait confiance à Yassine [Atar ndlr]. Jamais". Me @ChStPalais: "ils le traitaient de clown, c'est ça ? Au point où vous en êtes, vous pouvez y aller dans les adjectifs dépréciatifs ..." - c'est vrai.

Me @ChStPalais: "on reproche à Yassine Atar d'être acquis aux thèses de l'Etat islamique ..." Mustapha B. : "c'est vraiment pas l'idéal de Yassine Atar. Il aime les belles voitures, les belles motos, les femmes aussi ..." 1/2

Me @ChStPalais: je ne suis pas certain que tous les cadres de l'Etat islamique renoncent au plaisir charnel. Qu'est-ce qui vous fait dire qu'il n'avait pas de volonté d'action violente ? Mustapha B. : sa bonne vie et moeurs. On dit comme ça en France ? Son casier judiciaire. 2/2

Mustapha B. : "ce qui est vraiment au coeur de la vie de Yassine Atar c'est le blé, le flouze, le cash ... l'argent quoi" Me @ChStPalais: "et bien ses avocats s'en souviendront." Rires dans la salle. Le président : "je croyais que c'était une commission d'office."

Fin de l'audition du témoin. Un témoin suivant attend encore dans la salle, rappelle le président. Mais il souhaite au préalable interroger Yassine Atar sur sa relation avec son frère Oussama, commanditaire des attentats du 13 Novembre

Yassine Atar affirme qu'il n'a jamais été en contact avec son frère Oussama après son départ en Syrie en décembre 2013. "J'ai dit à ma soeur que s'il avait quelque chose à me dire, il m'appelle directement. Parce qu'il y avait eu des grosses insultes. Mais il m'a jamais appelé".

Yassine Atar : "Oussama ne mettait pas de qamis. Il était en Adidas." Président : entre les baskets Adidas et le haut, il y avait quelque chose ?" - il mettait un sweatshirt Adidas. Il achetait le même en plusieurs couleurs et en basket. Et il avait une barbe, ça c'est sûr."

Président : "il y a un téléphone saisi à votre domicile dans lequel, il y a Oussama dans le répertoire, avec plusieurs numéros belges et turcs." Yassine Atar : "c'était un très vieux téléphone. Mais s'il y a un numéro Oussama, c'est soit Oussama mon frère, soit un autre Oussama"

Yassine Atar : "Oussama ne voulait pas parler de l'Irak. Parce que c'est difficile de parler de ça. On sait ce qu'il s'est passé à Abou Ghraib. Nous tout ce qu'on voulait c'était qu'il se soigne. Et qu'on passe à autre chose. Donc on n'en parlait pas."

Yassine Atar au sujet de sa tentative de visite d'Oussama en Irak : "moi je ne vous cache pas que je ne voulais pas y aller. Parce que j'aime bien voyager, mais Bagdad, bon ... Je suis arrivé, j'ai été reçu par l'ambassade belge en Jordanie, il m'avait expliqué comme faire." 1/2

Yassine Atar : "arrivé à Bagdad, personne m'attendait. Au téléphone, l'ambassadeur me dit de prendre un taxi. Moi : t'es fou, c'est la guerre ici. J'ai demandé un billet. Bruxelles, Paris il n'y avait pas. On m'a dit Dubai, j'ai pris. On m'aurait dit Mogadiscio, j'aurais dit oui"

Suspension de 15 minutes, annonce le président. Avant l'audition du dernier témoin de la journée.

L'audience reprend. Le dernier témoin s'avance à la barre. "Je m'appelle Paul C., j'ai 76 ans". Le président : "il est très tard, si vous souhaitez une chaise ..." - "Ah non, ça va, je suis resté assis pendant 6 heures ! Je suis vieux mais quand même …" Rires dans la salle.

Paul C. : "je suis là à la demande des avocats de monsieur Atar. J'ai beaucoup hésité. J'ai entendu les parties civiles, j'ai été submergé par l'émotion comme tout le monde. Mais j'ai aussi entendu un désir de vérité. Et je me suis dit que j'avais quelque chose à dire ici."

Paul C. : "je suis retraité de l'éducation nationale, je suis athée, je ne supporte par l'intégrisme religieux, ça c'est clair. Je suis depuis 12 ans visiteur de prison à Fresnes. Et c'est là que j'ai rencontré monsieur Atar."

Paul C. : "j'ai vu monsieur Atar pour la 1ere fois en septembre 2018. Depuis, je l'ai vu à peu près 60 fois au parloir du quartier d'isolement pour des visites de 1h à 2h. Après son transfert, on s'est écrit. Ensuite je l'ai vu 3 fois à Fleury-Merogis depuis le début du procès"

Paul C. : "quand je suis arrivé à Fresnes, le surveillant m'a dit : est-ce qu'un terroriste ça vous convient ? J'ai été un peu surpris. Et ça m'intéressé parce que je me suis demandé ce qu'un djihadiste prêt à tirer sur des gens peut avoir envie de dire à un kouffar comme moi."

Paul C. : "la première fois que j'ai rencontré monsieur Atar, il m'a dit : "monsieur, j'ai honte qu'on vous présente à moi comme un terroriste alors que je suis innocent." Sur les 82 détenus que j'ai rencontrés, aucun ne m'a jamais dit qu'il était innocent."

Paul C. : "Je crois que vous l'avez auditionné hier. Monsieur Atar, c'est quelqu'un qui parle plus vite que son ombre. On a du mal à le suivre. Mais c'est quelqu'un qui a besoin de s'exprimer. Ça a toujours été la caractéristique de monsieur Atar : je veux dire les choses"

Paul C. : "monsieur Atar était son dossier, il en parlait tout le temps. Mais on a aussi parlé de sport, de sa famille et son petit garçon qu'il s'inquiétait de ne pas voir, des émissions qu'on regardait mais bon il était plutôt Cyril Hanouna sur M6 que 28 minutes sur Arte."

Paul C. : "monsieur Atar n'a jamais eu d'incident avec l'administration pénitentiaire. Mais moi, si j'avais été détenu, j'aurais eu des choses à dire sur la façon dont monsieur Atar était traité : l'humiliation n'a jamais fait partie de la peine. Mais bon, c'est comme ça. "

Paul C. : "monsieur Atar m'a aussi parlé de sa femme qui voulait divorcer. Il était sous le choc mais il l'a accepté. Et j'ai trouvé ça bien par rapport à ce qu'on peut dire de la soumission de la femme dans ces dossiers-là."

Président : "à votre connaissance, il avait d'autres visites que vous ?" Paul C. : "une fois je crois. Mais sinon, j'étais tout seul." - il vous a parlé de sa famille ? - il était catastrophé pour ses parents parce qu'un fils qui meurt en djihadiste en Syrie et un autre emprisonné

Paul C. : "les djihadistes et les visiteurs de prison se croisent rarement en prison. Il n'y en a pas beaucoup qui demandent un visiteur de prison. Ils sont dans un autre monde que nous, les kouffars selon eux."

Me Kempf, avocat de Yassine Atar rebondit sur la question des conditions de détention de son client : "même quand il voit ses avocats, il est fouillé à nu après les parloirs. Ce qui sous-entend que ses avocats pourraient lui donner des objets qu'il cacherait dans son anus".

Me Didier Seban (PC) : "est-ce que vous avez parlé de religion, de radicalité ?" Paul C. : "pas du tout. Il était à 1000 kilomètres de ça. Lui, ce qui l'intéressait c'est son dossier. Au début, je lui ai dit : "je suis athée". Lui : "je suis musulman". Et voilà, c'est tout."

Fin de l'audition de ce dernier témoin. "Il est tard, mais il faut qu'on avance dans les lectures", avertit le président. Qui s'apprête donc à donner lecture des auditions de l'un des témoins absents aujourd'hui. Les autres, "on les fera plus tard".

L'audience est suspendue pour aujourd'hui. Reprise demain avec les interrogatoires de Hamza Attou et Ali Oulkadi, qui comparaissent tous les deux libres et sont accusés d'avoir aidé Salah Abdeslam dans sa cavale après les attentats du 13 Novembre.

Jour 76 – Jeudi 3 février - Interrogatoire des accusés Hamza Attou et Ali Oulkadi

Jour 76 au procès des attentats du 13 Novembre La cour se penche aujourd’hui sur Hamza Attou et Ali Oulkadi, deux accusés qui comparaissent libres, sous contrôle judiciaire. Ils sont jugés pour avoir participé à la cavale de Salah

Hamza Attou est accusé d'être allé à Paris chercher Salah Abdeslam, accompagnant l'accusé Mohammed Amri. Dans la nuit du 13 Novembre, Abdeslam leur avait dit qu'il avait eu un accident à Barbès.Hamza Attou comparaît libre sur un strapontin. Mohammed Amri est dans le grand box vitré des accusés.

Ali Oulkadi, lui aussi assis sur un strapontin, est accusé d'avoir permis à Salah Abdeslam de disparaître à Bruxelles, à son retour de Paris, le 14 novembre 2015, début de quatre mois de cavale.

Salah Abdeslam avait été arrêté en Belgique le 18 mars 2016, quatre jours avant les attentats de Bruxelles. Son arrestation précipitant ces attentats par la cellule franco-belge. Plusieurs membres de ces commandos belges sont aussi dans le box de ce procès

La sonnerie retentit. La cour arrive. L'audience reprend. Mais toujours sans l'accusé Krayem dans le box. Krayem qui faisait partie des commandos de Bruxelles justement. Un huissier va lui faire une sommation à comparaître. Comme chaque jour désormais.

La cour entre à nouveau. Annonce qu'elle passe outre le refus de Krayem de comparaître. Et l'interrogatoire de Hamza Attou va démarrer.

Le président rappelle que Hamza Attou n'est pas poursuivi devant cette cour d'assises spéciale pour AMT association de malfaiteurs terroriste. En somme, on ne lui reproche pas d'avoir été radicalisé ou avoir eu conscience de la radicalisation des Abdeslam

Le président lui demande s'il ne s'est pas aperçu de la radicalisation de Brahim Abdeslam au café Les Béguines (où on regardait des vidéos EI) Hamza Attou : "Moi j'étais dans le café mais en électron libre. J'ai pu voir des vidéos sur PC mais ça m'intéressait pas"

Mais Hamza Attou dit que les vidéos que regardait Brahim Abdeslam étaient sur youtube, qu'il voyait pas tout ce qu'il voyait, que le café portable était pour tout le monde dans le café. Et lui surtout, était le plus jeune, se mélangeait pas aux autres, en somme.

Hamza Attou : "Oui je les ai vus regarder des vidéos mais je savais pas si c'était des exactions, tout ça, moi je connaissais pas" Président : "Pourquoi, ils se cachaient alors ?" Hamza Attou : "Je ne sais pas, monsieur le président"

A la barre, Hamza Attou, visage juvénile, cheveux bruns en brosse, jean gris, petit pull noir décontracté. Il s'applique pour répondre. Il est le plus jeune des accusés de ce procès ,Hamza Attou a 27 ans.

Hamza Attou dit que Brahim Abdeslam était autoritaire, "il avait une voix grave, c'était mon patron"

Le président demande qui était le plus autoritaire des deux frères Abdeslam ? Hamza Attou : "Brahim c'était le grand frère de Salah. Quand Brahim disait quelque chose à Salah, Salah l'écoutait. C'est tout ce que je peux vous dire."

Hamza Attou dit qu'il a pas vu de radicalisation de la part de Brahim Abdeslam, "peut-être qu'il allait à la mosquée pour les fêtes musulmanes", mais il ne l'a pas vu prier.

Hamza Attou affirme qu'il ignorait que Brahim Abdeslam partait en Syrie début 2015. C'est lui qui l'a accompagné à l'aéroport de Zaventem avec Ali Oulkadi. Mais il assure que Brahim voyageait suivant, il a cru qu'il partait en Turquie seulement.

C'est Ali Oulkadi qui conduisait la voiture ce matin-là. 6h du matin. Hamza Attou avait accompagné car il ne s'était pas encore couché ("je suis pas un lève-tôt"). Un témoin, Rafik, dit que c'était un adieu à Brahim Abdeslam

Hamza Attou, solennel : "A aucun moment, c'était pour lui dire adieu" (adieu à Brahim Abdeslam) Et il dit que ce témoin, Rafik, qui dit l'inverse "dit beaucoup de mensonges sur moi"

Hamza Attou répète qu'il était persuadé que Brahim Abdeslam allait rentrer, rentrer de vacances. Il précise que Brahim Abdeslam lui avait laissé des stupéfiants en plus, le temps de ses vacances.

Hamza Attou explique à la cour d'assises que lui dealait au café Les Béguines de Brahim Abdeslam.

La 1ère assesseure enchaîne et interroge Hamza Attou sur un voyage au Maroc, été 2014, pour le mariage de Brahim Abdeslam

Elle rappelle : "Vous avez indiqué de manière constante avoir mieux connu Brahim Abdeslam que Salah Abdeslam" Hamza Attou : "Oui"

Hamza Attou : "Oui, j'ai travaillé pendant deux ans pour Brahim Abdeslam, mais pas tous les jours"

La 1ère assesseure note des propos précédents sur PV : Hamza Attou avait dit qu'il vendait tous les jours des stupéfiants au café Les Béguines. Il tempère à la barre : quand il avait trop de drogue, Brahim Abdeslam l'aurait envoyé dehors, pour ne pas risquer de condamnation.

Le nez dans les anciens PV, la juge reparle des séances vidéo évoquées par le témoin Rafik. Hamza Attou : "Moi j'ai jamais assisté à des séances vidéos"

La juge s'étonne. Le témoin, ami de Brahim Abdeslam était dans le même café que Hamza Attou. Comment n'ont-ils pas pu voir la même chose ? "Madame, je vous ai bien dit que y avait des vidéos mais je savais pas de quelle nature c’était" assure Hamza Attou.

Hamza Attou qui est catégorique, à propos de Brahim Abdeslam : "J’ai jamais vu un truc alarmant de radicalisation. Ça peut paraître difficile à croire. Brahim il a bien caché son jeu avant moi, et avec d'autres"

La juge : "Est-ce que vous avez entendu Brahim Abdeslam sur la Syrie ?" Hamza Attou : "Non, madame. Pour moi Brahim était pas radical", à l'époque, "aujourd'hui je peux dire qu'il était radical"

Hamza Attou : "Y a eu des prises de tête dans le café, mais à aucun moment c'était religieux"

Hamza Attou dit que Les Béguines est un café "bien entretenu, c'était propre par rapport aux autres cafés où on deale du stupéfiant"

Et Hamza Attou répète qu'il n'a rien vu de la radicalisation des frères Abdeslam Précise que Salah Abdeslam jouait aussi au Bingo

La juge lui demande finalement ce qu'il aurait fallu pour qu'il se dise que Brahim Abdeslam était radicalisé ? Hamza Attou : "Qu’il ait des propos menaçants envers d’autres personnes, qu’il veuille tuer des innocents mais à aucun moment j’ai entendu tout ça"

Une autre juge a des questions sur l'argent de la drogue et la répartition aux Béguines. Hamza Attou : "à l'époque, c'était 8 euros le gramme. Sur 100 grammes, Brahim Abdeslam prenait 700 et moi 100"

On l'interroge sur les 30 billets de 500 euros trouvés chez lui en perquisition en 2015 ? Hamza Attou affirme que c'étaient ses soeurs et son frère qui lui ont donné pour passer son permis, il voulait devenir livreur de colis, lâcher la vie de trafiquant de drogue.

Hamza Attou avait caché sa vie de trafiquant à ses parents, "je vivais chez mes parents mais mes parents, j’étais aussi hypocrite envers eux, j’avais peur aussi de la prison"

L'avocat général Nicolas Le Bris pose à son tour ses questions et note des divergences entre ce que dit Hamza Attou et ce qu'a dit ce témoin Rafik. Hamza Attou : "Mais Rafik, il devrait être là monsieur le président !" On l'a entendu, mais en visio, pas à la barre.

Me Seban, avocat de parties civiles s'étonne que Hamza Attou n'ait rien vu de la radicalisation des autres dans le café Les Béguines. Hamza Attou : "Je suis pas là pour que vous me croyez, je suis là pour dire la vérité ! Mais oui j’ai rien vu de tout ça"

Me Seban, avocat de parties civiles : "Vous dites Brahim ne serait plus la main aux femmes ?" Hamza Attou : "C'est faux !" Me Seban : "Y avait des femmes qui venaient dans le café ?" Attou : "Oui"

Me Seban : "Pour vous, Brahim Abdeslam, c’était un délinquant quoi ? Comme vous ?" Hamza Attou : "Oui. Un délinquant mais d’un autre niveau ! Vous avez bien pu voir mon casier judiciaire, avant ça, j’ai jamais eu d’incidents"

Hamza Attou : "On vendait que du shit et de la beuh, la beuh, Brahim il aimait pas parce qu’il disait que ça sentait trop fort, on a jamais vendu de cocaïne"

Interrogé sur les perquisitions qu'il y a pu avoir au café ? Hamza Attou : "y en a eu, j'ai eu une étoile, j'étais chez mes parents". Ils avaient eu une dispute le matin, il était passé se réconcilier, quand il est reparti, la perquisition avait commencé, sans lui...

Me Seban insiste sur le voyage à 4 jusqu'à l'aéroport pour accompagner Brahim Abdeslam s'envolant pour Turquie. Hamza Attou : "Vous pouvez pas comprendre, on est pas de la même classe sociale, je suis désolé, des fois on part même à 5 pour chercher une baguette !"

Hamza Attou : "Y a pas de mal à accompagner !" Et cette réplique, du tac-au-tac, rappelle, comme souvent à ces procès, qu'il y a parfois deux mondes qui ne se comprennent pas, entre avocats/magistrats et accusés. Le code social se transforme parfois en soupçon.

Me Olivia Ronen demande si Salah Abdeslam gérait les Béguines à égalité. Hamza Attou : "Non, le café était à un moment donné au nom de Salah, mais c'était le café de Brahim, c'est Brahim qui gérait"

Hamza Attou, sur Salah Abdeslam aux Béguines : "ll était autour des tables à jouer aux cartes, pas gérant"

Me Ronen, avocate de Salah Abdeslam : "Salah Abdeslam comment il était avec vous ?" Hamza Attou : "Il a toujours bienveillant envers moi, toujours respectueux, il a toujours voulu me voir réussir dans la vie"

Hamza Attou : "Après je lui en veux aujourd'hui, c'est normal"

Hamza Attou parle du "coup de fil" de Salah Abdeslam qu'il n'a pas compris. Appel dans la nuit du 13 Novembre pour venir le chercher à Paris.

Me Martin Vettes, autre avocat de Salah Abdeslam se lève à son tour, demande si Les Béguines, un café avec "des barbus ?" Hamza Attou : "C'est complètement faux"

Me @MartinVettes note que le témoin Rafik a sans doute raconté beaucoup de choses fausses, il dit qu'il y a beaucoup de monde qui le pense à ce procès

Me @NoguerasXavier a une question sur sa consommation de drogue à l'époque. Hamza Attou : "Je fumais grave !" L'avocat : "Comment on est après 8 joints le soir ?" Hamza Attou : "Un peu con-con" Attou, donc parti dans la nuit chercher Salah Abdeslam le 13Novembre avec Amri

@NoguerasXavierdont @ChPiretavait brossé le portrait pour @franceinter

Il est l'avocat de Mohammed Amri, avec Me @NegarHaeri

L'avocate de Hamza Attou, @DelphineBOESEL demande à son client de rappeler son âge en 2015 : "J'avais 21 ans"

@DelphineBOESEL l'interroge sur son arrivée en prison en France, dans le quartier d'évaluation de la radicalisation. Ça lui a fait peur, avec cette étiquette terroriste, il n'a pas compris, on ne lui a pas expliqué. Après, il a compris qu'il pourrait intégrer un régime normal.

Et c'est ce qu'il s'est passé. Hamza Attou a intégré un régime normal. Et même placé ensuite sous contrôle judiciaire. Chaque matin et chaque soir, il prend les transports en commun pour venir et repartir de ce procès

Son autre avocate, Me Paci, belge, demande à Hamza Attou s'il y avait un lien de respect envers Brahim Abdeslam, plus âgé ? "Oui". "Vous lui étiez redevable ?" "Oui", répond Hamza Attou.

Et le président invite Hamza Attou à se rasseoir sur son strapontin derrière ses avocates.

Un témoin arrive à la barre. Belge. 45 ans. Coiffure remarquable. Mi-rasé, chignon sur la tête en mode crête punk. Il a travaillé dans une cellule de prévention de la radicalisation de Molenbeek. "J'ai été le monsieur radicalisme"

"Lorsque j'ai commencé mes fonctions, on ne parlait pas encore de radicalisme violent"dit le témoin qui porte aussi une immense barbe grisonnante, en mode hipster.

Le témoin : "En 2014, on est partis de rien, pas beaucoup d'expertise dans la matière, avec les parents. A partir de 2015, plateformes pour détection précoce d'individus soi-disant dans un processus de radicalisation..."

... "et proposer un suivi quand le diagnostic a pu être posé". A la même époque, le même type d'associations au service de la prévention de la radicalisation émergent en France, et un numéro vert est mis en place par @BCazeneuve

Le témoin à la barre est désolé pour toutes les victimes

C'est dans le cadre de son poste qu'il est mis en contact avec Hamza Attou, au sortir de prison. Il décrit quelqu'un de "brisé au niveau psychique, on a clairement identifié qu'il n'était pas dans un processus de radicalisation"

Le témoin insiste sur l'importance de la famille Attou, qui entoure Hamza. Hamza Attou qui avant, "n'était jamais passé par la case prison, pas de ressentiment envers la justice"

Le témoin : "Le niveau religieux de Monsieur Attou proche du niveau zéro"

Le témoin : "Pas de capital guerrier chez monsieur Attou, comme je l'ai découvert chez d'autres jeunes. Je pense qu'on a affaire à un profil de suiveur, pas de leader"

Le témoin : "Pas découvert chez Monsieur Attou de faille qui le fait basculer dans une autre représentation du monde"

Le témoin : "Monsieur Attou ne se définit pas comme victime et les autres seraient des bourreaux"

Le témoin : "Monsieur Attou est le profil type du jeune molenbeekois qui manque de confiance et va chercher de la reconnaissance dans ses pairs, avec le trafic de drogue"

Le témoin : "Monsieur Attou est un profil extrêmement influençable"

Interrogé par Me @NegarHaeri, toujours aussi pertinente, le témoin développe le concept de radicalité. Il fait une différence entre radicalité et radicalité violente. Note de multiples radicalités. Cite aussi les GiletsJaunes et antivax

Le témoin : "J'ai géré de nombreux radicalisés qui fumaient, buvaient, voyaient des femmes, pour moi, ce ne sont pas des éléments pertinents". Il parle de la taqqya, la ruse : montrer l'apparence d'un non-radicalisé mais être islamiste radical. Comme Merah en 2012

Le témoin dit qu'à son poste, à Molenbeek, il a vu deux types de jeunes, "les jeunes qui adhèrent à l'islam par défi, les jeunes qui adhèrent à l'islam par dépit"

Le témoin rappelle que les premiers départs de Belges vers la Syrie dès 2012. Ce n'est qu'en 2014 (après la tuerie du Musée juif de Bruxelles par Mehdi Nemmouche) que les autorités réalisent la dangerosité de cette vague de départs.

Me Ronen se lève pour demander au témoin si jusqu'alors, ce n'est pas comme s'il n'y avait eu qu'une "vision romantique" de ces départs ? Sur fond de géopolitique. En toile de fond à cette époque, les engagements contre Bachar El Assad.

Le témoin explique que le "déclic" pour lui : la première maman qui est venue le voir car son fils était mort en Syrie. Il comprend alors que ce n'est pas qu'une histoire géopolitique.

Me Ronen veut faire dire au témoin qu'il y a eu un décalage entre le moment où les autorités se rendent compte qu'il est dangereux de partir en Syrie, et le moment où la population s'en aperçoit aussi.

Me @NoguerasXavier rappelle qu'on reproche à la plupart des accusés du box de ne pas avoir repéré la radicalisation de ceux qui les entouraient, ou d'avoir été radicalisés. Mais ce concept de radicalisation, "vous avez mis des années à le comprendre !" note l'avocat.

A la barre, le "monsieur radicalisme" de Molenbeek confirme qu'il a souvent vu une "stratégie pour cacher, ne pas éveiller les soupçons", et donc radicalisation pas toujours visible. Et donc une réponse précieuse pour des avocats de la défense.

Et après une suspension, l'audience reprend. C'est désormais l'accusé Ali Oulkadi qui s'approche de la barre. Lui aussi comparaît libre sous contrôle judiciaire.

La cour lui demande ce qu'il a perçu de la radicalisation des frères Abdeslam ? Ali Oulkadi : "Bonjour, M. le président. Donc, j'ai rencontré Brahim Abdeslam en fréquentant son café, hiver 2013-2014, avec mes cousins. Le temps passant, j'ai créé des affinités."

Ali Oulkadi dit qu'il s'entendait bien avec Brahim Abdeslam. Et qu'il jouait aux échecs avec Salah Abdeslam, dans le café Les Béguines. "Voilà"

Ali Oulkadi a la voix presque tremblotante quand il parle. Il semble stressé à la barre. Il avait fait un malaise, dans la salle d'audience, cet hiver, juste avant son premier interrogatoire sur sa personnalité.

Ali Oulkadi rapporte des paroles de Brahim Abdeslam, début 2015 : "On a pas le droit de vivre en Belgique, un Musulman doit aller vivre en islam"

Ali Oulkadi rapporte d'autres paroles de Brahim Abdeslam, début 2015 : "Il disait que ses parents n'avaient pas la bonne pratique de l'islam et qu'ils iraient en enfer, ça m'avait choqué"

Ali Oulkadi parle vite, avale des mots, comme "enfer", semble vraiment stressé.

Ali Oulkadi confirme qu'il regardait des vidéos de Syrie, mais "pas tous les jours", et il dit que tout le monde n'a peut-être pas vu ces vidéos, "Hamza c'est pas quelqu'un qui s'asseyait dans le café, toujours en mouvement"...

Président : "Ouais, c'est ce qu'il a dit... Je comprends que vous alliez dans ce sens-là..." On sent l'embarras de Oulkadi, assis chaque jour sur un strapontin comme Hamza Attou. Président, rassurant : "Oui, mais ça veut pas dire qu'il adhérait hein !"

Ali Oulkadi connaît aussi Ahmed Dahmani, co-accusé de ce procès  mais absent, incarcéré en Turquie, et la Turquie ne l'a pas transféré pour la justice française. Dahmani était surnommé Gégé.

Ali Oulkadi avait dit aux enquêteurs qu'il avait vu les premiers signes de radicalisation chez Salah Abdeslam qui aurait influencé Brahim ? Embarrassé à la barre : "Tout ça, c'est des signes que je me suis fait a posteriori"

Ali Oulkadi a aussi accompagné Brahim Abdeslam jusqu'à l'aéroport de Zaventem pour un départ en Turquie (puis Syrie), il a même conduit. Se doutait qu'il allait en Syrie ? Ali Oulkadi : "Non, non ! Il partait en vacances, en Turquie."

Ali Oulkadi : "Moi ce qui est sûr c'est que je l'emmenais en vacances en Turquie !" Un autre témoin, le fameux Rafik, disait l'inverse, que tout le monde savait que la destination était la Syrie et qu'on lui disait adieu. Oulkadi : "C'est faux !"

Le président note que Brahim Abdeslam est marié depuis l'été 2014. D'ailleurs Oulkadi était invité au mariage au Maroc. "Alors, il est marié depuis six mois et il part tout seul en vacances, quinze jours ?!" tique le président, yeux écarquillés.

Ali Oulkadi : "Ouais, c'est sa décision. Et sa femme, elle est au Maroc" Président : "Ben justement, il aurait pu la rejoindre au Maroc ! Bref"

Et au retour de prétendues vacances en Turquie, Brahim Abdeslam rentre en Belgique, Oulkadi retourne le chercher à l'aéroport. Président : "Il vous dit où il était en vacances ?" Oulkadi : "Un hôtel, avec une grande piscine" Il a oublié les autres détails.

Président :"Il reste en vacances dans un hôtel avec une piscine, seul, ça vous étonne pas ?" Oulkadi : "Ben non, moi aussi je suis allé en Egypte dans une piscine" Président : "Oui mais pas tout seul" Oulkadi : "Oui, avec ma femme et ma fille"

Et Ali Oulkadi raconte ensuite que 6 mois plus tard, été 2015, Brahim Abdeslam ne serre pas la main d'une cliente régulière du café, parce qu'elle était une femme. Oulkadi dit qu'il a pas compris. Globalement il trouvait Brahim Abdeslam "dans son délire"

Ali Oulkadi est le seul à avoir confirmé que Brahim Abdeslam regardait des vidéos de Daech dans le café. Au comptoir ou à table. "Je le savais". Il le voyait faire. Et "moi je jouais aux cartes à côté", dit Oulkadi, se détachant des vidéos, mais qu'il entendait.

Parmi ces vidéos, Ali Oulkadi dit que Brahim Abdeslam lui avait même montré la vidéo du pilote jordanien brûlé vif dans une cage par EI (l'accusé Krayem témoin de l'exécution) Vidéo atroce qu'on a vue à l'audience presque en intégralité.

A la barre, Ali Oulkadi explique qu'il pensait que Brahim Abdeslam allait cesser de regarder ce type de vidéos. Que s'il s'était douté des attentats projetés, il aurait dénoncé. Sur un banc, une victime ricane, ricanement amer et nerveux.

L'avocat général Nicolas Le Bris note que Ali Oulkadi regardait ce type de vidéos avec les autres. Me Judith Lévy du cabinet @DoseLevy_Avocat, qui défend Oulkadi se lève pour protester et préciser que le nom de son client n'est pas du tout cité avec précision !

Et que donc le PNAT ne peut pas affirmer que Ali Oulkadi regardait aussi ces vidéos de Daech. Précisons que Ali Oulkadi, à la différence de Hamza Attou, est poursuivi pour AMT -donc a minima, conscience de la radicalisation des autres, ce qu'il dit à la barre.

Mais Ali Oulkadi affirme que jamais, il n'a su que Brahim Abdeslam était allé en Syrie

Il affirme qu'il l'a appris en prison, par son petit frère, et que ça lui a d'ailleurs fait "un choc"

Me @MartinVettes avocat de Salah Abdeslam revient sur les mots de Oulkadi, qui disait que c'est Salah le cadet qui aurait radicalisé Brahim l'aîné, se basant sur une conversation vantarde dans le café Les Béguines

Habilement, Me souligne que si le grand frère Brahim a fait taire Salah, le cadet qui se vantait avec des propos radicaux, "c'était peut-être pour ne pas attirer l'attention", ça ne prouve pas que Salah Abdeslam a été radical en 1er... Oulkadi : "Oui"

Oulkadi qui explique que ce sont des hypothèses qu'il a échafaudées en prison, à l'isolement. Moment difficile pour lui

Me Olivia Ronen, avocate de Salah Abdeslam se lève, tâcle le PNAT qui lui a dit cet après-midi qu'on ne lui demandait pas son avis alors qu'elle hochait la tête et que ce n'était pas son tour de parole. Haussement de ton. "La police de l'audience c'est moi", gronde le président.

Et Me Ronen, indocile, tient à faire les observations qu'il lui tiennent à cœur, puis elle pose sa question, pour défendre son client, Salah Abdeslam

Et elle cherche à mettre Ali Oulkadi face à des contradictions, des imprécisions. Exemple, "vous avez dit Abdeslam et Abaaoud, des vrais petits voyous", mais "juste la réputation !" Oulkadi : "Oui, jamais rien constaté, Abaaoud, jamais vu !"

Et Me Ronen se rassied, satisfaite, ayant prouvé que Oulkadi n'avait jamais été témoin de l'amitié entre Salah Abdeslam et Abdelhamid Abaaoud.

Me Levy se lève pour défendre Ali Oulkadi, demande combien de fois il allait dans ce café Les Béguines ? "Deux trois fois par semaine", répond-il. Et redit qu'il a commencé à fréquenter ce café avec ses cousins. "On était un groupe 8-10 personnes"

Me Levy cite un témoin qui confirme que Brahim Abdeslam regardait des vidéos. Ce témoin note des vidéos "sur internet". Essayait de ne pas voir. Puis dans les semaines avait, il avait "l'air heureux" selon le témoin

Ali Oulkadi : "J'aurais pas dit "heureux""

Me Levy l'interroge sur l'accompagnement à l'aéroport, et demande ce qu'il savait de la Syrie Oulkadi : "Je suis curieux, mais la politique, je comprends rien, je savais que y avait Bachar El Assad, Daech", mais tout semble flou dans ses mots.

Ali Oulkadi est invité à s'asseoir sur son strapontin, "et on va faire entrer le témoin", annonce le président. L'épouse d'Ali Oulkadi va témoigner.

L'épouse d'Ali Oulkadi s'avance à la barre. Elle porte de très longs cheveux, est non voilée, est vêtue d'un manteau crème sur pull décolleté en V, chaussures type Doc Martens montantes. Elle a 34 ans. "Je suis assistante logistique".

L'épouse d'Ali Oulkadi se tord les mains : "Je suis très stressée, j'espère pouvoir parler. Je suis désolée d'être là dans cette affaire. Et si j'avais eu le moindre doute que mon mari dans cette affaire, je serais pas là aujourd'hui"

Président : "Vous savez ce qu'on lui reproche aujourd'hui ?" Epouse Oulkadi : "Oui, avoir transporté Salah Abdeslam " Président : "Et AMT, association de malfaiteurs terroriste"

Le président lui demande de se tourner vers le box pour dire si elle connaît d'autres accusés. Elle regarde. "Non". Elle ne connaît personne.

Que savait-elle des fréquentations de son mari. L'épouse Oulkadi : "Mon mari fréquentait surtout ses cousins. Et Brahim". Elle ne connaissait pas le nom de famille de ce Brahim, dit-elle, et qu'il était au café Les Béguines.

Son mari lui avait-il dit qu'il avait accompagné Brahim Abdeslam à l'aéroport ? "Non, mais on l'appelait souvent, il était serviable, on l'appelait pour monter un meuble, ça m'aurait pas étonnée"

Savait-elle que des gens de Molenbeek partaient en Syrie ? Elle répond qu'elle n'était pas de Molenbeek. Savait ce qui se passait en Syrie mais de loin.

Président : "Vous vous souvenez ce que votre mari vous a dit après les attentats  ?" L'épouse Oulkadi : "Il m'a dit que c'était des gens de Molenbeek", après elle l'a vue ne plus dormir, ne plus manger pendant des jours...

Mais il ne lui a pas dit qu'il avait transporté Salah Abdeslam Elle comprend en tout cas que Salah est le frère de Brahim (des Béguines) Elle décrit un mari "choqué" Elle pense que c'est parce que Brahim Abdeslam est impliqué et mort dans les attentats

L'épouse Oulkadi pense que son mari ne lui a rien dit : "Je pense qu'il voulait me protéger et qu'il avait peur"

Me Marie Dosé l'autre avocate de Ali Oulkadi se lève et demande : "Vous lui en avez voulu que votre mari ne vous parle de rien ?" L'épouse : "Oui, j'aurais pu l'aider"

Me Marie Dosé demande si elle savait qu'il fumait du cannabis aux Béguines ? Elle : "Oui, mais c'était un sujet de discorde, je savais sans savoir" Me Dosé : "C'est pour ça qu'il ne vous parlait pas de Brahim ?" Abdeslam Elle : "C'est possible"

Me Marie Dosé dit que l'audition de l'épouse Oulkadi a été très difficile, "on m'a mal parlé pendant 6 heures", résume-t-elle, "et vous avez toujours répondu aux questions de la justice", souligne Me Dosé

Me Marie Dosé note des propos, 22 novembre 2015 : "Oui mais lui il a fait plus que fumer"... Puis d'autres propos : "Il regardait tout le temps sur la Syrie, s'ils prennent le PC, c'est tout" Me Dosé : "De qui vous parlez ?"

L'épouse Oulkadi dit qu'elle parlait de Brahim Abdeslam, au café. Que c'est son mari qui lui avait confié qu'il regardait des vidéos. Et que donc, elle ne parlait pas de son mari en train de regarder les vidéos, fait judicieusement souligner l'avocate Me Dosé

Et le 76e jour d'audience de ce procès s’achève ainsi. 

Jour 77 – Vendredi 4 février - Interrogatoire du 3eme accusés Abdellah Chouaa

Bonjour à tous, 77e journée d'audience au procès des attentats du 13 novembre Hier, on a entendu deux des accusés qui comparaissent libres.

Et aujourd'hui, place à l'interrogatoire du 3e accusé qui comparait libre, installé sur un strapontin : Abdellah Chouaa. Sa femme et son ex-femme doivent également être entendues aujourd'hui.

L'audience reprend. Me Sorrentino, avocat d'Abdellah Chouaa, indique en préambule à la cour qu'une plainte a été déposée en Belgique par la mère de son client pour "menaces de mort" : "cela s'est passé dans la nuit de samedi à dimanche dernier."

Me Adrien Sorrentino : "la mère de monsieur Chouaa a reçu des appels malveillants à plusieurs reprises Cette personne a dit à la mère de monsieur Chouaa que celui-ci avait dénoncé des frères musulmans et qu'il allait mourir. Elle a donc immédiatement porté plainte."

Ceci étant dit, place au premier témoin de la journée. Il s'agit d'H. Chouaa, ex-épouse de l'accusé Abdellah Chouaa. Elle témoigne depuis Bruxelles en visioconférence et apparaît, voile mauve tunique assortie et sur le grand écran de la cour d'assises.

H. Chouaa : "Abdellah était mon époux de 2008 à 2013. On a un enfant en commun qui a 11 ans. Abdellah Chouaa est aussi mon cousin. Il était toujours doux, il avait bon caractère, il est un papa poule. Notre divorce était plutôt parce qu'on n'avait pas la même vision des choses".

H. Chouaa : "après le divorce, on n'a plus eu de contact pendant quasi un an. Petit à petit, on a renoué contact mais c'était limité. Je savais qu'il travaillais etc, mais pas ses fréquentations. Quand on était marié, il n'avait pas trop de copains. Il était très axé famille."

H. Chouaa : "moi je ne savais très bien les faits qui lui étaient reprochés. J'avais appris son incarcération par un membre de la famille. Et puis il m'a dit qu'on lui reprochait d'avoir accompagné [Mohamed] Abrini à l'aéroport quand il devait partir en Turquie."

Président : "est-ce qu'il s'intéressait à l'Etat islamique?" H. Chouaa : "non, on n'en a jamais parlé. Abdellah [Chouaa, ndlr] c'était pas quelqu'un de religieux." - ce qui se passait en Syrie ce n'était pas que religieux - oui, on savait ce qui se passait par les médias.

Président : vous connaissez le père d'Abdellah Chouaa? H. Chouaa : c'est mon oncle - il est très rigoureux dans la religion ? - c'est un homme de religion qui prêche la parole de Dieu. Il fait des conférences. Mais de là à dire que c'est un salafiste ou radicalisé, pas du tout.

H. Chouaa : "on l'a accusé de former des futurs combattants. C'est vraiment une grande injustice." Selon l'ex-épouse d'Abdellah Chouaa, les accusations à l'encontre de son ancien beau-père sont fausses et liées au divorce de celui-ci. "La maman d'Abdellah était limite hystérique"

Le président rappelle qu'un frère de d'Abdellah Chouaa a dénoncé leur père à la police qui "envoyait des jeunes en Syrie" : "c'est anodin comme démarche" H. Chouaa : "la vengeance peut amener à des choses folles. Aujourd'hui ils se sont réconciliés, ils ont de très bons rapports"

Le président rappelle aussi que l'accusé Abdellah Chouaa avait lui-même alerté la police suspectant un autre de ses frères de vouloir partir en Syrie. H. Chouaa : "Abdellah m'a dit que sa mère était inquiète. Ils n'avaient plus de nouvelles de lui et il devait partir en Turquie".

H. Chouaa au sujet de son ex-mari, Abdellah Chouaa : "il était très généreux mais ses priorités c'était de s'occuper de lui, ses plaisirs. Il se disait que j'étais là. Je travaillais aussi et du coup je payais le loyer et toutes les charges. Ca explique en partie notre divorce."

Me Adrien Sorrentino, avocat d'Abdellah Chouaa : "vous avez dit que c'était un bon vivant" H. Chouaa : "il était connu dans la famille comme étant le petit rigolo. Il aimait profiter de la vie, de son fils".

Me Adrien Sorrentino : "vous faisiez des reproches à Abdellah sur sa pratique religieuse?" H. Chouaa : "oui, sur la prière notamment. Il la faisait pas. Moi je lui disais qu'en tant que musulman, c'était la base."

H. Chouaa : "Abdellah c'était quelqu'un de serviable. Pour quoi que ce soit, il était là. Je me rappelle d'une fois à 3h du matin, un copain en panne l'a appelé. Il a pas posé de questions, il est parti." Dans cette affaire, "je pense qu'il a juste été utilisé comme un pion".

H. Chouaa : "moi je qualifierais Abdellah [Chouaa, ndlr] de naïf. Quand on était encore ensemble, je me souviens d'un de ses copains qui profitait de lui. Moi je lui disais, mais il me répondait : mais non ..."

Fin de l'audition de l'ex-femme d'Abdellah Chouaa. Place à sa compagne actuelle qui s'avance à la barre. "Je m'appelle Lamia, je travaille dans une société pharmaceutique". La jeune femme, blonde, chemisier noir, paraît très stressée. "Détendez-vous", la rassure le président.

Lamiae : "je présente mes sincères condoléances aux victimes, je partage leur douleur. Parce que c'était choquant pour nous tous. J'ai rencontré mon mari [Abdellah Chouaa, ndlr] en 2016, après les faits. C'était un homme souriant, travailleur, dynamique, un type bien".

Lamiae : "puis, il m'a raconté ce qu'on lui reprochait. Pour moi, ça a été un choc. Même si j'avais des sentiments, j'ai voulu être prudente. Puis, il m'a présenté son fils, sa famille. Et j'ai réalisé que c'était l'homme avec qui je voulais fonder ma famille. On s'est mariés."

Lamiae : "un jour en 2018, j'étais enceinte de six mois, on a défoncé la porte de chez nous. J'ai vu des gens cagoulés, armés. J'étais limite toute nue avec mon mari. J'étais choquée. Ils l'ont menotté, ils l'ont pris. Je suis restée sous le choc. Puis, ils l'ont relâché".

Lamiae : "puis, il y a eu un autre mandat d'arrêt, de France. Ils sont venus le prendre devant tout le monde, dans la rue. Il était sorti chercher le pain. Et il est resté un mois en détention préventive. Puis on a appris qu'il allait passer en cour d'assises"

Lamiae : "je suis très très triste parce que je sais que mon mari n'a rien à voir dans tout cela. C'est quelqu'un de très bien. On a deux enfants. Quand il revient à Bruxelles, il fait les marchés pour qu'on puisse payer les trajets [jusqu'à Paris pour venir au procès, ndlr]

Lamiae : "mon mari n'est pas fait pour être là. Il est vraiment très très loin de ce monde-là. Ce sont des barbares qui ont fait ça, des psychopathes et des malades mentaux. Je souffre vraiment. Qu'est-ce qu'il a fait de mal pour être là ? C'est ça la question ... "

Président : "vous avez rencontré le père d'Abdellah Chouaa ? Certains ont dit qu'il était radical" "J'avais entendu ça. Mais il me voit, il m'appelle "ma fille", "ma fille" et il ne me dit jamais rien du tout sur le foulard ou rien", raconte Lamiae, qui ne porte pas le voile.

Président : "est-ce que votre mari Abdellah Chouaa vous a parlé de Mohamed Abrini?" Lamiae : "oui, il m'a dit qu'il l'avait accompagné à l'aéroport mais il ne savait pas où il allait. Et on lui reproche de lui avoir envoyé un mandat d'argent". - D'accord, il vous a tout raconté.

Me Sorrentino, avocat d'Abdellah Chouaa : "quels sont les habitudes d'Abdellah Chouaa vis à vis de la religion ?" Lamiae : "il est musulman, mais il ne pratique pas. Il n'est jamais allé à la mosquée, il n'a jamais fait ramadan. Moi je fais ramadan mais je ne porte pas le foulard"

Fin de l'audition de l'épouse d'Abdellah Chouaa. Place à l'interrogatoire de l'accusé qui s'avance à la barre, veste de costume noire, chemise blanche. Il s'explique à son tour sur la supposée radicalisation de son père : "mon père, il est imam. Il n'est pas radicalisé."

Abdellah Chouaa : "mon frère, qui était un délinquant, avait été chassé de la maison par mon père. Et quand il y a eu le divorce avec ma mère, il a trouvé l'occasion de se venger, il a fait de fausses accusations contre lui : il a dit dans les médias qu'il était radical".

Président : "en mai 2014, vous êtes allé au commissariat signaler que votre frère avait changé et pris un avion pour la Turquie et vous pensiez qu'il voulait se rendre en Syrie" Abdellah Chouaa : "il a eu de mauvaises fréquentations à Molenbeek et d'un coup il était plus le même"

Abdellah Chouaa : "et puis un jour j'avais plus de nouvelles. Je suis descendu voir ses amis. Ils m'ont dit qu'il venait de prendre un avion pour la Turquie. Alors j'ai décidé d'aller au commissariat. Je me suis dit que je préférais le voir en prison que mort en Syrie."

Président : "il avait quand même essayé d'y aller [en Syrie, ndlr] ?" Abdellah Chouaa : "oui il a essayé. Tous les jeunes à l'époque partaient. Du jour au lendemain, il allait plus à la mosquée, il se levait tôt le matin. Avant, il rentrait tard le soir, il fumait du shit, buvait"

Abdellah Chouaa : "avant il [son petit frère, ndlr] ramenait des filles à la maison. Et puis en une semaine, même pas, 3-4 jours, il ne ramenait plus personne. Il a changé. Et puis il est parti."

Président : "on va évoquer les autres accusés, dont Mohamed Abrini au sujet duquel vous avez fait des déclarations très évolutives ..." Abdellah Chouaa : "oui, c'est vrai." - vous avez d'abord dit que vous n'aviez rien remarqué, puis que vous aviez constaté sa radicalisation

Abdellah Chouaa : "en 2018, j'étais avec ma femme enceinte, on m'interpelle à la maison. Et quand j'arrive devant la juge, elle me dit que je vais être extradé en France, ne plus voir la lumière du jour parce que j'avais tué 130 personnes. J'étais choqué, j'ai dit n'importe quoi"

Aujourd'hui, Abdellah Chouaa explique n'avoir jamais compris que Mohamed Abrini s'était radicalisé. "Certes, j'ai déjà vu Mohamed Abrini regarder des vidéos [de l'Etat islamique, ndlr] mais il regardait son petit frère [Souleiman, parti rejoindre Daech, ndlr]

Abdellah Chouaa : "dans le quartier, j'étais le seul à avoir un grand appartement, un duplex, tout le monde venait et allait sur le PC. Il n'y avait pas de codes. Et Mohamed Abrini, il regardait aussi du foot, des films pornos aussi ... je lui avais même fait la remarque."

Abdellah Chouaa : "Mohamed Abrini et Ahmed Dahmani m'ont jamais montré qu'ils étaient radicalisés. Tous les jeudis, j'allais dans une soirée salsa avec eux. Peut-être parce qu'ils savaient que j'avais dénoncé mon frère [lors de son départ en Syrie, ndlr]."

Abdellah Chouaa au sujet de Mohamed Abrini qu'il accompagne à l'aéroport pour partie en Turquie (et ensuite en Syrie): "moi j'ai vu le billet : c'était dix jours aller-retour, all inclusive. C'est sûr qu'il s'intéressait à son frère [parti en Syrie, ndlr] mais bon j'ai pas pensé"

Abdellah Chouaa : "maintenant, je me dis que j'étais vraiment con" L'accusé revient aussi sur un envoi d'argent à Mohamed Abrini alors qu'il est en Turquie. Le président : "ce n'est pas vous qui avez envoyé cet argent ?" "C'était mon ami, j'aurais pu. Mais je ne l'ai pas envoyé"

"Il y a des éléments qui sont troublants", indique le président au sujet d'une ligne téléphonique qu'Abdellah Chouaa nie avoir jamais utilisée. "Je ne l'ai jamais eu", insiste-t-il. "Même mon avocat m'avait dit de dire que c'était mon numéro. Mais non."

Abdellah Chouaa : "j'ai même rendu ma femme malade avec cette histoire de numéro. Je lui disais : pourquoi on me colle ce numéro ? Moi je suis sincère, je ne l'ai jamais utilisé".

Le numéro en question est une ligne téléphonique qui a de nombreux contacts avec Mohamed Abrini lorsqu'il est en Turquie, y compris au moment de l'envoi d'argent via Western Union. Abdellah Chouaa nie quant à lui être à l'origine de cet envoi d'argent.

Abdellah Chouaa : "un jour Mohamed Abrini m'appelle d'Angleterre. Je lui ai dit : t'es pas en Syrie ? Ta femme m'a dit que t'étais en Syrie. Il m'a dit qu'il était en Angleterre et si je pouvais aller le chercher à l'aéroport de Roissy. Moi j'étais content qu'il revienne".

Président : "et vous, vous vous êtes pas posé de questions, vous allez chercher Mohamed Abrini à l’aéroport ?" Abdellah Chouaa : "voilà, je me suis pas posé de questions. J'étais content qu'il revienne."

Président : "et vous le récupérez où ?" Abdellah Chouaa : "il m'a dit qu'il était porte de Clignancourt. Je me souviens même des magasins de contrefaçon". - et pourquoi pas à Roissy qui depuis Bruxelles est une heure avant Paris ? - je me le demande encore aujourd'hui.

Ce moment où le président fait un petit point sur les différences de langue entre la France et la Belgique : "c'est comme je sais et je peux".

Sur ce, petite suspension avant la suite des questions à l'accusé Abdellah Chouaa. Bonne pause-café !

Suite des questions à Abdellah Chouaa. La 1ere assesseure l'interroge sur des vidéos djihadistes visionnées depuis son ordinateur. "Vous les avez cherchées vous-mêmes ?" "Non, jamais", affirme l'accusé qui explique que ses copains se servaient aussi de son ordinateur.

Abdellah Chouaa ne varie pas : "les seuls vidéos [djihadistes, ndlr] que j'ai vues c'était avec Mohamed Abrini au sujet de son petit frère [Souleiman, partie rejoindre l'Etat islamique, ndlr]. C'était par curiosité pour son petit frère".

Assesseure : "pourquoi, alors que vous en voulez à Mohamed Abrini d'être parti en Syrie, vous allez le chercher à son retour ?" Abdellah Chouaa : "il m'appelle d'Angleterre et il m'a rassuré comme quoi il n'était pas parti en Syrie. Quand on part en Syrie, on ne revient pas."

Assesseure : "et vous l'avez cru ?" Abdellah Chouaa : "je l'ai cru, oui. Il m'a dit qu'il était parti en Turquie se défouler. Et puis il m'a montré des photos de Manchester".

Nicolas Le Bris : "quels éléments vous ont conduit à dénoncer votre frère ?" Abdellah Chouaa : "d'un coup, il change de tenue, il prie plus. Et comme il y en avait beaucoup dans le quartier qui partait en Syrie, j'ai eu peur, je me suis dit : il est en train de se radicaliser"

Nicolas Le Bris (avocat général) : "donc en réalité, avec assez peu d'éléments vous avez compris tout de suite et vous allez voir les services de police ?" Abdellah Chouaa : "tout à fait, c'est mon petit frère" - donc quand on veut voir les choses, on peut les comprendre aisément.

Nicolas Le Bris : "Mohamed Abrini a raconté que tout le quartier venait chez vous. Et ils regardaient des vidéos [djihadistes, ndlr] ?" Abdellah Chouaa : "ils ne venaient pas voir des vidéos, ils venaient s'amuser. Ils savaient que qu'il y avait toujours des copines chez moi."

Me Eric Bourdot (partie civile) : "quel était l'avis de Mohamed Abrini sur la radicalisation de son frère ?" Abdellah Chouaa : "moi je l'avais vu une fois lui mettre une baffe quand il l'a vu traîner ave des jeunes devant la mosquée".

Abdellah Chouaa : "Mohamed Abrini ne m'a jamais montré qu'il était radicalisé. Ce n'est pas le même que celui qui est ici. Je ne le reconnais plus. A l'époque, il aimait faire la fête, l'argent. Il y avait une fille qui venait le chercher, je me disais : si sa copine l’apprend."

Alors que les questions des avocats de parties civiles s'enchaînent, le président s'agace un peu : "de nouvelles questions, svp." Et d'énumérer les sujets qui ont "déjà été abordés en long en large et en travers …"

Ce moment où l'accusé est interrogé sur la photo de profil d'un de ses comptes Facebook. S'agit-il d'un lionceau, un des symboles de l'Etat islamique ? Abdellah Chouaa regarde la photo qu'on lui tend : "c'est un petit chat, j'aime bien les chats."

Me Marie Violleau, avocate de Mohamed Abrini : "on fait un peu de vous aussi, pas seulement un accusé, mais aussi un témoin concernant Mohamed Abrini. C'était qui en 2015 ?" Abdellah Chouaa : "c'était mon ami, quelqu'un qui aimait le casino, les filles, la fête ..."

Abdellah Chouaa au sujet de son ami de l'époque et aujourd'hui co-accusé Mohamed Abrini : "c'est à cause de lui que je suis ici. Et j'espère qu'il s'en rendra compte. Parce que j'ai rien demandé moi." A la barre, Abdellah Chouaa s'interrompt. Pleure.

Me Marie Violleau : "il avait quoi comme pratique de la religion Mohamed Abrini?" Abdellah Chouaa : "aucune. Aucune pratique. C'était quelqu'un qui aimait faire la fête. Et puis je lui faisais confiance et il pouvait me faire confiance. Et aujourd'hui, je lui en veux".

Me Marie Violleau au sujet de la compagne de Mohamed Abrini : "elle était amoureuse ?" Abdellah Chouaa : "elle était folle amoureuse" - Elle portait le voile ? - non, elle portait pas le voile. Elle conduisait une Renault Megane.

Abdellah Chouaa, toujours très ému : "Abrini je le connaissais bien. Je ne comprends pas pourquoi il est devenu comme ça. Ce n'est pas celui que je vois dans le box. Et je ne sais pas si c'est la mort de son frère [Souleiman, mort en Syrie, ndlr] qui fait qu'il a réagi comme ça".

Me Adrien Sorrentino, avocat d'Abdellah Chouaa évoque à son tour "ce fameux numéro qui m'a fait suer longtemps" en l'occurrence la ligne téléphonique que l'accusation attribue à l'accusé, ce que celui-ci a toujours nié. "Vous avez déclaré que ça pouvait être dans votre entourage"

Elément après élément Me Adrien Sorrentino développe l'hypothèse que la ligne attribuée à son client Abdellah Chouaa ce qu'il nie pourrait en fait appartenir à un autre accusé : Ahmed Dahmani. Cet accusé, détenu en Turquie est jugé en son absence.

Me Sorrentino : "j'ai une dernière question : monsieur Chouaa pouvez-vous nous expliquer ce qu'il s'est passé ce week-end?" Abdellah Chouaa : "je suis rentré en Belgique. Le samedi matin j'ai reçu un appel de ma mère qui m'a expliqué qu'elle recevait des appels en numéro privés"

Abdellah Chouaa : "les appels disaient que j'avais dénoncé mes frères musulmans et "on va te faire, on va te faire ...". Ma mère a pris peur et on a porté plainte."

Fin de l'audience pour cette semaine. "Elle reprendra mardi à 12h30", indique le président. Bonne soirée à tous.