Procès des attentats du 13 novembre 2015 - Le Live Tweet - Semaine VINGT-HUIT

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.


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Retrouvez sur cette page tous les tweets du procès issus des Live tweets de @ChPiret Charlotte Piret et @sophparm Sophie Parmentier ; elles suivent ce procès pour France Inter et nous ont donné l'autorisation de compiler leurs tweets dans un objectif de consultation et archivage.



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Semaine VINGT-HUIT

Jour 100– Lundi 28 mars – Audition d’un enquêteur de la sous-direction antiterroriste sur l'arrivée des commandos terroristes dans leurs planques des accusés

Bonjour à tous, Aujourd'hui, c'est le 100e jour d'audience au procès des attentats du 13 Novembre 2015. Pour la 100e fois, le président va annoncer la reprise de l'audience et la suite des débats dans ce procès qui doit encore durer jusqu'au 24 juin prochain.

Aujourd'hui, c'est aussi le début de la 28e semaine d'audience, une semaine particulièrement chargée puisque les accusés vont être interrogés sur les attentats eux-mêmes. La cour commencera par entendre Mohamed Abrini demain, puis Salah Abdeslam, Mohamed Amri, Yassine Atar etc.

Mais aujourd'hui c'est un enquêteur de la sous-direction antiterroriste qui doit être entendu sur l'arrivée des commandos terroristes dans leurs planques de région parisienne et les dernières heures jusqu'aux attentats.

L'audience reprend avec l'arrivée à la barre de l'enquêteur de la section antiterroristes BC025. "Vous avez déjà été entendu au tout début du procès", le salue le président, "donc vous n'avez pas à prêter à nouveau serment". Le témoin sort son ordinateur portable à la barre.

L'enquêteur fait projeter sur l'écran géant une carte retraçant le trajet entre Molenbeek et la région parisienne : "environ 315 kilomètres, soit plus ou moins trois heures de route", parcourues par les terroristes le 12 novembre 2015 pour rejoindre leurs planques.

"L'ensemble des protagonistes des attentats vont se déplacer sur Paris le soir du 12 novembre", indique l'enquêteur. "Le téléphone utilisé par Brahim Abdeslam jusque-là va rester en Belgique". Les portables de Salah Abdeslam et Mohamed Abrini sont coupés".

Lors du convoi du 12 novembre, une première voiture Polo part de Jette. A son bord, les quatre terroristes français : les trois membres du commando du Bataclan et Bilal Hadfi (kamikaze du Stade de France), puis vient la Clio avec les frères Abdeslam et Mohamed Abrini.

La troisième voiture, poursuit l'enquêteur, une Seat transporte, Abdelhamid Abaaoud et Chakib Akrouh du commando des terrasses ainsi que les deux kamikazes irakiens du Stade de France. "Dans chaque voiture : un téléphone relié à une ligne en Belgique".

La Polo est la première à entrer sur le territoire français, indique encore l'enquêteur. Puis la Clio passe devant. "Ce qui est assez logique car c'est la seule voiture qui ne transporte pas d'armes. Et c'est à son bord que se trouvent ceux qui ont effectué les locations".

Les commandos rejoignent alors les deux planques louées précédemment. Et, vers minuit, à proximité de la planque de Bobigny, un taxi prend en charge un homme qu'il reconnaîtra comme étant Mohamed Abrini "pour un tarif négocié jusqu'à Bruxelles" où il arriver vers 4h du matin.

Les enquêteurs ont retracé les échanges téléphoniques entre les planques d'Alfortville et de Bobigny et les lignes des coordonnateurs à Bruxelles. Plusieurs échanges ont lieu avant le départ de Mohamed Abrini, dont "une longue communication de 6 minutes", précise l'enquêteur.

L'enquêteur fait maintenant projeter les photos de la planque d'Alfortville. Les terroristes y avaient loué deux chambres dans un appart'hôtel. Sur place, les enquêteurs ont retrouvé des restes de pizza. Mais aussi une serviette avec "un élément pileux de Bilal Hadfi".

Les enquêteurs en ont donc déduit que Bilal Hadfi, qui a voyagé depuis Bruxelles, avec les trois terroristes du Bataclan, a également été avec eux dans la même planque. Avant finalement d'intégrer le commando du Stade de France où il s'est fait exploser.

Place aux constatations réalisées dans la planque de Bobigny, un pavillon loué à des particuliers sur le site Homelidays. Y sont retrouvées "des bandes de tissus rouges comme celle retrouvées sur les ceintures explosives" mais aussi "une besace du FC Barcelone".

Dans cette planque de Bobigny, l'ADN de Bilal Hadfi est également retrouvé "sur une boîte de thon". "On peut donc en conclure scientifiquement que Bilal Hadfi est le seul a avoir été dans les deux planques".

Photo après photo, l'enquêteur fait découvrir à la cour ce pavillon de banlieue parisienne dans lequel les terroristes ont passé leur dernière nuit avant les attentats. Sur les tables, les restes de leurs repas, dans les chambres, des vêtements ici et là.

Place au récit de la journée du 13 Novembre A plusieurs reprises dans la journée, les coordonnateurs restés en Belgique appellent l'une, puis l'autre planque. Dans l'un des téléphones retrouvé dans la planque d'Alfortville : la trace de recherches internet sur le Bataclan.

Au cours de ces recherches internet sur le Bataclan, qui vont durer 1h30, "des images ont été prises : le plan du Bataclan et des images du groupe" indique l'enquêteur antiterroriste.

L'exploitation d'un autre téléphone, par les enquêteurs, a montré qu'au moins un des terroristes de la planque de Bobigny s'est déplacé dans Paris. A 14h07, il est place de la République, passe ensuite par le boulevard Saint-Martin.

Puis, vers 18h, la voiture Clio utilisée par les terroristes est filmée à l'aéroport de Roissy. "Ce que faisait ce véhicule à l'aéroport, on n'en sait rien", confie cependant l'enquêteur antiterroriste qui conclut ainsi son exposé.

Président : "vous avez pu privilégier des hypothèses sur ce passage à Roissy?" Enquêteur : "sincèrement, non. Ça peut être tellement de choses : récupération d'individus, de matériel, repérage ..."

Nicolas Braconnay, avocat général, souhaite "avoir quelques précisions concernant les deux planques". Enquêteur : "l'appart City d'Alfortville a été le premier retrouvé grâce au bornage du téléphone et à la l'adresse de livraison des pizzas"

"Puis, poursuit l'enquêteur, le propriétaire du pavillon de Bobigny va reconnaître Brahim Abdeslam sur un reportage et va nous appeler".

Nicolas Braconnay, avocat général rappelle que, lors de la location, le propriétaire a entendu Brahim Abdeslam dire à Mohamed Abrini : "j'ai choisi ma chambre, tu dormiras en haut". "Ce qui semble montrer qu'il était prévu que Mohamed Abrini dorme dans le pavillon".

Nicolas Le Bris, autre avocat général, revient sur les repérages effectués par la Clio dans l'après-midi du 13 novembre "avec cette question sur l'aéroport de Roissy dont on peut penser que les terroristes aient pu faire des repérages".

Question d'autant plus importante que dans la Clio a été retrouvée une feuille de papier sur laquelle étaient indiqués : "Place de la République, Bd saint Martin, Stade de France, Aéroport Charles de Gaulle", soit toutes des zones d'attentats à l'exception de l'aéroport.

Me Aude Rimailho : "vous avez des éléments laissant à penser que les gilets explosifs ont été constitués sur place?" Enquêteur : "ils n'ont pas été entièrement confectionnés dans ces planques, mais probablement finalisés sur place".

Me Topaloff (PC) : "est-ce qu'il n'était pas envisageable qu'il n'y ait non pas 3 mais 4 terroristes au Bataclan ?" Enquêteur : "ça me semble très probable compte-tenu que les recherches internet faites par les terroristes montrent que la cible principale est le Bataclan"

Enquêteur : "les autres cibles [terrasses et Stade de France, ndlr] ont été probablement prévues pour occuper les services de secours et de sécurité pendant l'attaque du Bataclan qui était la cible principale".

Me Topaloff (PC) ajoute par ailleurs, à l'appui de cette thèse de quatre terroristes intialement prévus au Bataclan "que le départ de Mohamed Abrini n'était pas anticipé". Dans cette hypothèse, Bilal Hadfi aurait été redirigé du commando du Bataclan à celui du Stade de France.

Me Marie Violleau, avocate de Mohamed Abrini évoque l'audition du chauffeur de taxi qui a ramené Mohamed Abrini de Paris vers Bruxelles le 12 novembre. "Cette audition fait à peine trois pages, mais elle a duré 2h30. Vous avez d'autres éléments?" Enquêteur : "non"

Me Violleau rappelle que le domicile de Mohamed Abrini est sous surveillance policière au moment du 13 Novembre 2015. Une caméra le filme ainsi lorsqu'il arrive devant chez lui dans la nuit du 12 au 13 novembre, aux alentours de 4 heures du matin. "Mais il n'a pas les clés".

Me Martin Vettes, avocat de Salah Abdeslam rappelle que les terroristes ne s'appellent jamais directement d'une planque à l'autre. Tout passe pas les coordonnateurs à Bruxelles. "Avec tout le respect que j'ai pour l'armée, c'est un fonctionnement militaire", résume l'enquêteur.

Fin de l'audition de l'enquêteur. Mais fin aussi de cette 100e journée '. "On a fait plus vite que prévu, ça nous permet de finir un peu plus tôt et de nous préparer pour la semaine qui s'annonce chargée avec les interrogatoires des accusés".

Jour 101 – Mardi 29 mars – Interrogatoire de Mohamed Abrini

Jour 101 au procès du 13 Novembre Jour d'interrogatoire de Mohamed Abrini, qui a révélé la semaine dernière que lui aussi était "prévu pour le 13 Novembre 2015". Celui qui est aussi "l'homme au chapeau" des attentats de Bruxelles a promis de s'expliquer.

La cloche retentit. Le président Périès annonce que Osama Krayem refuse de comparaître, comme chaque jour depuis des semaines. Et on envoie l'huissier lui faire les sommations d'usage. Et l'audience est suspendue en à peine trente secondes. Elle reprendra dans peu de temps.

Dans le box des accusés, l'accusé Mohamed Abrini se tient debout, vêtu d'une chemise blanche, masque chirurgical bleu sur le nez. Il discute avec son avocat belge, Me Stanislas Eskenazi. Il a aussi une avocate française, Me Marie Violleau.

"L'audience est reprise", annonce le président Périès. Krayem représenté par ses avocats. Et un avocat de Yassine Atar annonce qu'un tribunal administratif de Melun condamne l'Etat à verser 800 euros à Y. Atar pour des "fouilles à nu illégales".

Président Périès : "Bien, Monsieur Abrini, levez-vous ! Vous aviez eu participation locations de Clio, Polo, et planques, et vous nous aviez dit il y a peu que vous aviez des révélations à faire, que vous étiez prévu pour le 13 Novembre, on vous écoute !"

Mohamed Abrini, voix un peu hésitante, ton posé : "Je confirme ce que j'ai dit, j'étais prévu le 13 novembre Président : Vous pouvez enlever votre masque ! Abrini : vous avez raison, M. le président, bas les masques !"

Mohamed Abrini : "Je dis ça parce que nous portons tous des masques, mais il arrive un jour où il devient difficile de les enlever sans arracher la peau. J’espère qu’aujourd’hui, on va un petit peu avancer".

Mohamed Abrini confirme : "J’étais prévu". 13 Novembre Et il dit : "J’ai rencontré Abaaoud en Syrie, à Raqqa. La 2e fois c’était à Charleroi. Et la 3e fois c’était le 12 novembre, une nuit avant de partir pour Paris".Mohamed Abrini : "Quand je reviens de Syrie, je reprends ma vie tout à fait normale. Je travaille, je suis en pleins préparatifs par rapport au mariage".

Mohamed Abrini : "Brahim Abdeslam me met au courant de la présence d’Abaaoud sur le territoire belge. Il me prévient qu’il est en Belgique et je vais le voir avant le 10 septembre. Quand je le vois, je vais pas vous mentir, je me dis pas va y avoir des attentats".

Mohamed Abrini : "Abaaoud était en Syrie depuis des années. Il est sorti un 1ère fois pour récupérer de l’argent, il est reparti. Il revient une 3e fois pour “kidnapper” son petit frère, il retourne en Syrie avec son petit frère. Et la 4e fois, il ressort"

Mohamed Abrini : "Donc moi au début, il me dit : “tu vas faire partie d’un projet”. Je ne sais même pas que c’est le Bataclan, la France… Je sais qu’il a prévu de m’intégrer dans les préparations".

Mohamed Abrini : "Quand il m’annonce ça, je ne dis pas oui, je ne dis pas non, je ne dis rien en fait. De toute façon, je ne peux pas aller à l’affront avec Abaaoud. Je ne peux pas lui dire non. Je dois être loyal..."

Mohamed Abrini : "Pourquoi ? Parce qu’il a bataillé pendant des années avec mon petit frère, il a risqué sa vie pour aller chercher sa dépouille donc je ne peux pas aller à l’affront", avec Abaaoud.

Mohamed Abrini : "Brahim Abdeslam savait tout. On pense que tout le monde savait tout. Mais ce n’est pas comme ça que ça marche. Si une mission veut être menée à bien, ce n’est pas tout le monde qui est au courant".

Mohamed Abrini : "Pour moi je ne peux pas aller tuer des gens comme ça dans la rue, je ne peux pas tirer sur des gens comme ça, je ne peux pas attaquer des gens non armés".

Mohamed Abrini : "Pour moi Salah Abdeslam ne doit même pas être dans ce box. Il doit au mieux être en Syrie ou en Irak ou mort. Au pire dans une cellule en Turquie avec Dahmani. Mais il n’était pas prévu en fait. C’est son grand frère qui lui dit : fais-ci, fais-ça".

Mohamed Abrini : "Donc le gilet explosif qu’il y a en plus, moi je dis à Abaaoud je le ferai pas. Brahim Abdeslam, il a sûrement parlé avec Salah Abdeslam 1 ou 2 jours avant en lui disant tu feras partie du voyage !"

Mohamed Abrini : "C’est un peu compliqué à comprendre, mais la vérité de l’histoire, elle est là, c’est ça la vérité de l’histoire"

Mohamed Abrini : "Tout le monde n’est pas au courant de ce qui va se passer, quand ça va se passer, comment ça va se passer".

Mohamed Abrini : "Moi, après ça, j’avais du mal parce que certes j’ai accompagné jusqu’à la planque de Bobigny. Je savais que c’était la dernière fois que je les voyais"

Mohamed Abrini : "Abaaoud, on se connaissait depuis 20 ans, Akrouh il est de mon quartier, Salah Abdeslam et Brahim Abdeslam, on est voisins depuis plus de 25 ans".

Président : "Vous étiez prévu pour quelle attaque? Mohamed Abrini : J’étais prévu pour une attaque. Ils pensaient que c’était acquis parce que j’avais été en Syrie quelques mois plus tôt. Ils m’avaient facilité l’entrée et la sortie pour que j’aille voir mon petit frère".

Président : "C’est Abaaoud qui vous dit ça ? Abrini : Oui, début septembre. Mais il ne donne pas de détails. Abaaoud, il parle pas. Il ne dit rien. D’ailleurs chaque fois qu’il vient en Europe, il dit rien à personne, il n’appelle personne. Il vient seul. Il fonctionne comme ça"

Président : "Mais il vous dit quand même que c’est sur Paris ? Sans donner forcément les détails ? Abrini : C’est bien possible, mais je ne pourrais pas vous donner les détails exacts".

Président : "Ce n’est pas un détail, quand vous le voyez en septembre, il y a une cible c’est la France, non ? Abrini : C’est plus que probable".

Président : "A quel moment ont-ils su que vous ne vouliez pas le faire ? Abrini : en 1er je l’ai dit à Brahim. Quand Abaaoud m’annonce ça début septembre à Charleroi, je n’ai pas l’affront de lui dire : je ne fais pas ça, je suis pas capable de tirer sur des gens".

Mohamed Abrini : "Moi je tire pas sur des gens, c’est pareil pour Salah Abdeslam, je peux tirer sur des soldats mais pas des gens sur des terrasses, me faire exploser, c’est impossible en fait".

Mohamed Abrini : "On nous dit : “venez en Syrie aider des innocents”, puis on nous dit : “allez en Europe, tirer sur des innocents”. Donc si on réfléchit, c’est un peu "…

Président : "Et donc quand vous leur dites ? Abrini : Je pense que c’est un ou deux jours avant d’aller avec Brahim louer [les planques] que je lui dis en fait. Président : Vous lui dites quoi ? Abrini : Je lui dis “je ne vais pas participer à ça”

Président : "Pourquoi vous accompagnez quand même Brahim et Salah Abdeslam pour les locations ? Abrini : Faut comprendre qu’à cette époque, moi je suis perdu, j’avais déjà fait 5 ans de prison, mon petit frère a été tué. Pourquoi j’accompagne Brahim, j’en sais rien"

Mohamed Abrini : "Mais au fond de moi, je sais que je ne vais pas aller tuer des gens".

Mohamed Abrini parle avec un ton posé. Il semble s'appliquer. Il est très courtois avec le président Périès. Loin des colères qu'il a laissées éclater d'autres fois à ce procès

Abrini : "Je pensais que j’allais peut-être passer sous les radars. Dans ma tête, j’étais tellement perdu, que je me disais qu’après le 13, je reprendrais ma vie normale".

Président : "Pourquoi le 12 novembre, vous descendez avec eux ? Abrini : Je savais qu’ils allaient aller jusqu’à la fin, tuer des gens, se faire tuer par les forces de l’ordre. Après, je vais parce que … je ne sais pas. Je sais que je passe mes derniers instants avec eux."

Le président lui demande pourquoi il appelle un taxi dans la nuit, après minuit, alors qu'il devait dormir dans la planque de Bobigny. Un taxi qui le ramène en Belgique, puisqu'il n'y avait plus de train. Pourquoi ce départ demande le magistrat : "Vous auriez pu dormir à l'hôtel"

Abrini explique qu'il n'avait plus de papiers, qu'il ne pouvait pas dormir à l'hôtel. Le président s'étonne, étonné qu'on doive montrer des papiers pour un hôtel à Paris.

Abrini : "Moi je veux juste partir. En plus Abaaoud est fâché parce que je vais pas avec eux. Il me dit : “c’est mieux pour toi parce que tu vas te faire attraper, tu vas finir ta vie en prison …” et puis quand je pars, c’est vrai qu’il y a eu un changement de … "

"Apparemment ils devaient être à 4 au Bataclan" poursuit Abrini. Président : vous le saviez ça ? Abrini : Non, je l’ai appris hier. Je ne savais même pas qu’il y allait avoir le Bataclan, je ne savais même pas que ça allait se passer le 13 !"

Président : "Le 12 novembre, vous restez 10 heures avec Abaaoud, Brahim et Salah Abdeslam, Akrouh et les deux Irakiens. Vous restez 10 heures. Vous avez du discuter ! Vous savez qu’il y aurait le Bataclan, les terrasses, le Stade de France. Abrini : Je le sais pas"Président : "Ça semble curieux, on peut avoir du mal à vous croire là-dessus ! Mohamed Abrini : Mais c’est la vérité !"

Mohamed Abrini : "C’est pas parce que je vois des explosifs et des armes que je sais ce qu’il va y avoir. Je ne le sais pas ! Vous pouvez me poser 1000 fois la question, je vous dirai 1000 fois que je ne sais pas".

Mohamed Abrini : "Pourquoi je vous le cacherais ? Je vous dis la vérité. Les cibles je ne les connais pas. Ça ne va rien changer à ma vie si je vous le dis".

Abrini : "Brahim Abdeslam j,e ne lui suis pas redevable. Donc je lui dis clairement et nettement, je lui ai expliqué que moi c’est niet, c’est pas possible, je ne fais pas ça. Par contre, avec Abaaoud, je ne peux pas avoir la même discussion".

Président : "Et donc le 12 novembre, quand vous descendez avec eux, Abaaoud il croit que vous allez participer ? Mohamed Abrini : Vous avez peut-être raison, monsieur le président !"

Abrini : "Brahim Abdeslam dit quelque chose à Salah, Salah s’exécute directement. C’est sûr et certain. C’est pareil partout dans toutes les familles du monde entier : c'est le petit frère qui obéit au grand frère".

A un moment, le président Périès fait un "mmh", pas convaincu par ce qu'Abrini dit. D'un ton posé, Mohamed Abrini : "Pourquoi vous faites comme ça monsieur le président ? Comme si je racontais des mensonges. Depuis tout à l’heure, j’ai pas raconté un mensonge !"

Abrini : "Vous pouvez même me passer au détecteur de mensonges ! "Ça existe pas chez nous !" lui rétorque le président, qui enchaîne avec une autre question.

Président : "Pourquoi vous refaites la même chose le 22 mars ?" Le 22 mars 2016, Abrini, un chapeau sur la tête pousse un chariot avec une bombe aéroport de Zaventem. Abrini : "Ah ? Oui ! C'est une excellente question !" Président : "Faites une excellente réponse !"

Abrini : "Ouais… Quand je suis Khalid El-Bakraoui, je le suis. Il m’emmène dans la planque de la rue Henri Bergé..."

Abrini : "Le 13 Novembre j’étais avec ma femme en train de signer les papiers pour l’appartement, quelques jours avant, j’étais en train de signer le traiteur pour le mariage. Quand vous suivez quelqu’un qui va vous mettre dans une planque, vous savez que c’est fini en fait"...

Abrini : "Mais le 22 mars était pas prévu en fait. C’est suite à l’arrestation de Salah Abdeslam (18 mars). Moi, on me fait changer d’appartement, on me met à Laeken. Et le lendemain, on me dit : “Il y a un groupe qui part à l’aéroport et un autre qui va à la station de métro".

Abrini : "Les El-Bakraoui, c’est eux qui décidaient. Moi je savais que dans ma tête c’était toujours pareil, je savais que j’allais pas me faire exploser. Donc j’ai laissé faire et puis je suis parti. J’ai commencé ma cavale en solitaire qui a duré trois semaines à peu près".

Cela fait tout juste une heure et demie que Mohamed Abrini répond à la cour, debout dans son box. Toujours ce ton posé et appliqué. A un moment, on a entendu dans le prétoire son avocat parler. Souffler ? Le président est intervenu. "Non, mais je parlais toute seule en fait" !

Et on a entendu Abrini dire à son avocate : "Ouais, bah, arrête de parler steuplé !"

Une assesseure, ton sec : "Comment expliquez-vous qu’Abaaoud accepte que vous fassiez partie du "convoi de la mort" alors qu’il sait que vous n’allez pas faire partie des attentats ? Abrini, hésitant : Il accepte ça parce qu’il a combattu avec mon petit frère"...

Abrini : "Il se dit même si je lui ai dit, il le sait, malgré ça, même le 12 il continuait à insister. A la fin, il a même téléphoné à El-Bakraoui pour faire partie d’un 2e projet. Assesseure : Donc jusqu’au bout, il a espéré que vous participiez ? Abrini : Oui".

Abrini : "Et même un policier m’a dit : “comment ça se fait qu’il te fait confiance, il te laisse partir ?” Mais on est ami d’enfance. Il va pas me mettre une balle dans la tête, ça marche pas comme ça !"

Mohamed Abrini : "Et puis, si je raconte tout ça c’est pour les victimes. Le fait que je sois parti, parce que je peux pas tirer sur des gens. Le fait que je sois parti ça a diminué une personne du Bataclan, ça a fait des morts en moins".

L'assesseure, sèchement, dit que donc trois au lieu de quatre au Bataclan ? Abrini, s'énervant : "Faut arrêter de déformer mes propos, sinon, je m’assois et puis c’est bon !"

Une autre assesseure interroge sur les gilets explosifs. Abrini dit qu'il les a vus dans des valises, et assure qu'ils ont été fabriqués avant d'arriver en France. Par qui ? lui demande-t-on. Il cite Akrouh. Dit qu'il a vu dans le dossier le nom de Laachraoui.

Abrini demande si la cour va continuer longtemps à lui poser des questions. Le président annonce une pause.

L'audience reprend avec les questions d'un des trois avocats généraux du parquet antiterroriste, Nicolas Le Bris : "Vous avez parlé beaucoup, mais pour en dire beaucoup moins que j'étais prévu, j'ai le sentiment que vous cherchez à dédouaner Salah Abdeslam "

Mohamed Abrini : "Non, mais vous avez tout à fait raison Monsieur l'avocat général, je comprends ce sentiment-là." Il dit que Abaaoud savait qu'il y aurait ces attentats le 13 Novembre, c'est tout au début.

Avocat général : "Le 11 janvier, vous avez cité un hadith, "ne mourez pas avant de prêter allégeance", vous maintenez ? Il lui demande si en Syrie déjà ne voulait pas mourir. Abrini : "Mais bien sûr monsieur, il y a des milliers de gens allés en Syrie pour vivre leur islam".

Avocat général : "Pourquoi début septembre, Abaaoud qui cloisonne tout peut penser que vous serez un bon candidat ? Abrini : Il sait que j'ai été en Syrie, il se dit que je peux accepter"

L'avocat général lui demande s'il s'est entraîné en Syrie. Abrini assure qu'il ne s'est pas entraîné à tirer là-bas, pas une seule fois, jure-t-il, étant resté que quelques jours.

L'avocat général lui demande s'il a participé vidéo de revendication ? Abrini : "Non"

L'avocat général évoque une lettre que Abrini a laissée pour sa mère dans une planque belge (lettre trouvée après attentats du 22 mars), dans cette lettre il disait ne pas regretter "avoir aidé ces gens-là"

Abrini qui continue à être toujours particulièrement posé et poli, presque à chaque phrase "Monsieur l'avocat général", après "Monsieur le président"...

L'avocat général se demande pourquoi on ne l'a pas "mis de côté" dans une cellule où tout est cloisonné alors que le 8 novembre, Abrini aurait dit "niet" à Brahim Abdeslam... L'avocat général dit que "c'est pas crédible"

Abrini répète qu'il a dit à Brahim Abdeslam qu'il ne voulait pas participer aux commandos, mais qu'il ne pouvait pas encore le dire à Abaaoud, il fallait "que je prenne des pincettes"

Mohamed Abrini : "Ecoutez monsieur l’avocat général, je vous sens énervé par rapport à ce que je vous ai dit. Moi Abaaoud, jusqu’à la fin, il voulait que je reste", pour les attentats du 13 Novembre

Avocat général : "Pour une telle opération, vous pensez bien qu’ils vont pas se contenter de quelqu’un qui hésite. Ils vous font participer parce qu’ils ont confiance en vous! Mohamed Abrini: C’est normal et c’est pas parce que j’ai dit non qu’ils baissent les bras directement!"

Et l'avocat général le met face à des contradictions. Le titille sur les dates. Le 8 novembre, Abrini aurait prévenu Brahim Abdeslam qu'il ne le ferait pas, on aurait compté sur lui quand même jusqu'au bout...

Mais peu après, le 10 novembre, Salah Abdeslam a pleuré devant son petite amie Yasmina. Comme s'il savait déjà son rôle pour le 13 Novembre et qu'on ne comptait pas, plus sur Abrini... ? L’avocat général lui demande ce qu'ils ont écouté dans la voiture ouvreuse qui roulait vers Paris ? Des anasheeds ? Abrini : "C'est plus que probable. Sûrement que Brahim Abdeslam a mis son CD d’anasheeds"

Avocat général : "Il y avait une bonne ambiance ?" Abrini : "Je pas dire que c’était une bonne ambiance"

L'avocat général l'interroge sur "le groupe métro", retrouvé dans un ordinateur. Attaque prévue le 13 novembre "C'était le 22 mars non ?" répond Abrini.

L'avocat général l'interroge sur les 4 grands couteaux retrouvés dans des fourreaux, pour quoi faire le 13 Novembre ? Abrini assure qu'il n'en a jamais entendu parler.Avocat général : "Pourquoi vous avez quitté la France avant le 13 Novembre -en taxi, donc. Vous nous avez dit que ce n'était pas pour tuer, mais ce n'est pas que vous aviez peur ?"

L'avocat général revient sur les membres du commando dans la planque de Bobigny, Abrini a dit qu'ils étaient tous déterminés. Et Salah Abdeslam ? demande le magistrat.

Mohamed Abrini : "Moi Monsieur l’avocat général, je vous le dis en vous regardant droit dans les yeux, j’ai vu la détermination de tout le monde, mais j’ai pas vu ça chez Salah Abdeslam "

Un autre avocat général, Nicolas Braconnay : "Pourquoi vous continuez à vous comporter pendant ces trois jours comme un homme qui est prêt à tout accepter ?"

Il l'interroge sur le pavillon de Bobigny, planque de Mohamed Abrini est allé louer trois jours avant les attentats avec Brahim Abdeslam. Abrini confirme qu'il se doute que ça allait servir pour les attaques.

L'avocat général demande pourquoi il aide ? "Vous avez raison monsieur l'avocat général", répond Mohamed Abrini, toujours ce ton posé, et cette politesse à "Monsieur l'avocat général"

On lui demande autre chose, "mais si vous ne vous souvenez pas..." Abrini : "C'est ce que je me tue à vous dire depuis tout à l'heure, j'ai pas envie d'inventer des réponses !"

L'avocat général note que le 11 novembre, 3h du matin, il coupe son téléphone comme Salah Abdeslam, ensuite ils iront chercher la planque d'Alfortville... "La veille, le lendemain, vous vous comportez comme l’un des auteurs du commando, l’un des futurs auteurs des attentats".

Abrini : "Je vous confirme, après vous dire pourquoi"… Avocat général : "Pourquoi les puces de téléphone achetées les 11 et 12 novembre ?" Abrini : "Ecoutez ceux qui s’occupaient de la logistique, c'était les Bakraoui"…

Me Dewavrin : "A quel moment, vous vous dites là je vais parler ?" Abrini dit qu'un jour, depuis le box : "Je regardais les gens dans la salle, c’est des gens comme nous en fait, c’est compliqué à expliquer, ils sont victimes à cause de la politique de la guerre"

Mohamed Abrini ajoute, à propos des parties civiles du 13 Novembre : "Ils sont coupables de rien, ils ont rien demandé, ils ont été fauchés, donc le minimum que je peux faire c’est apporter des réponses"...

Me Dewavrin estime qu'il n'est pas allé assez loin dans ses réponses et qu'il y a une "frustration" des parties civiles, dit-elle. Abrini : "Ben je la comprends, mais si vous voulez, y a énormément de réponses que la plupart des gens dans le box vont pas vous apporter"

Me Dewavrin lui reproche d'avoir dit que ce serait aujourd'hui "un jour important". Abrini : "J’ai jamais dit que j’allais apporter toutes les réponses. J’ai dit que j’étais prévu pour le 13. Je suis là pour répondre. Si ça vous satisfait pas, je suis désolé pour vous".

Me Topaloff, toujours incisive, se lève à son tour. S'emmêle les pinceaux sur le taxi qu'Abrini a commandé pour aller prendre le train, zappe qu'il a d'abord voulu prendre un train, à minuit, nuit du 12 novembre, conclut que c'était "un départ précipité"...

Me Topaloff rappelle que le 13 Novembre à Bruxelles, où il est donc revenu en taxi, il signe pour un appartement avec sa fiancée, "vous pensez vraiment que vous allez passer sous les radars ?"

Me Topaloff accuse Abrini d'avoir "filé ventre à terre" pour se "constituer un alibi" et elle se demande pourquoi il n'a pas dénoncé ?

Me Topaloff : "Cela ne vous traverse pas l’idée que ce que vous réprouvez vous pouvez l’éviter ! Abrini : Sûrement ça me traverse, mais je suis dans une position compliquée, c’est des amis..."

Me Topaloff : "Vous l’approuvez en fait ! Vous pouvez dénoncer anonymement, vous savez qu'il y a les kalachnikovs, les ceintures d'explosifs, pourquoi vous le faites pas ? Mohamed Abrini, posé : C’est une très bonne question, je n’en sais rien"

Un autre avocat de parties civiles lui demande s'il se considère comme un soldat de EI ? "Je ne suis pas un combattant de EI parce que j’ai jamais combattu", dit Mohamed Abrini.

A propos des attentats, Abrini dit "c’est comme si je me tire dessus moi-même, moi toute l’année je suis dans des cafés et c’est comme si je me tire dessus"

Me Maktouf se lève. Abrini, qui perd son ton posé : "Me Maktouf, j'ai pas changé d'avis", lors d'un précédent interrogatoire il a refusé de lui répondre. De toute façon, le président informe Me Maktouf que ce n'est son tour pour parler. Elle se rassied.

Un autre avocat de PC interroge. Mohamed Abrini répond qu'il ne voulait tuer personne "et pas me tuer par la même occasion" "C'est de la lâcheté alors" note l'avocat. Me Violleau, avocate d'Abrini se lève. Président : "S'il vous plaît, ça s'est bien passé jusqu'à présent.

Me Reinhart, avocat de @13onze15 : "Vous êtes dans un conflit de loyauté, vous cherchez à protéger vos frères d'armes, quand vous vous dites que vous n'avez pas arrêté la machine infernale, ça vous étreint ?"

Mohamed Abrini : "J’aurais aimé que le 13 Novembre n’ait jamais lieu. J’aurais aimé tant de choses. J’aurais aimé que ce conflit en Syrie n'ait pas lieu. Mais faut prendre le mal à la racine. Tout part de là."

Me Maktouf finit par poser sa question. Abrini l'attend au tournant : "Vous avez dit quelque chose de très très grave, vous avez dit que les 11 accusés dans le box étaient imperméables à la douleur des familles. Vous êtes toute contente de montrer votre tête aux journalistes !"

Me Maktouf pose sa question. Pour toute réponse, Mohamed Abrini se rassied. Puis il se relève pour l'avocat suivant.

Après une courte pause, on passe aux questions des avocats de la défense. Me Nogueras, avocat de Mohammed Amri. Mohamed Abrini dédouane totalement Amri, qui selon lui, ne pouvait pas être lié à ces attentats, homme marié, "et tout ce qu'il a fait pour le SAMU social"

Me Stanislas Eskenazi, avocat belge de Mohamed Abrini veut lui faire dire clairement. Il était d'accord avec le fait qu’on tue des innocents ? Abrini : "J'ai jamais été d'accord !" Avocat : "Pour n’importe quelle raison, n’importe quel motif ?" "Oui", dit Abrini.

Me Eskenazi tente une autre question : "Je sais que vous êtes pudique mai quand vous avez entendu les victimes témoigner, qu'est-ce que ça vous a fait ?" Abrini répond qu'il a été frappé par toutes les femmes qu'il a vues témoigner et...

Mohamed Abrini : "J’aurais préféré mille hommes plutôt qu’une seule femme, parce que la guerre, c'est les hommes..." Me Eskenazi ne s'attendait pas à cette réponse. Me Marie Violleau non plus, sur son banc, elle a un sourire embarrassé.

Me Marie Violleau qui se lève et clame que Mohamed Abrini, en faisant ces "révélations" a fait "un pas de géant", "comment vous vous sentez ?" Abrini : "Euh... Je me sens ... léger."

Et c'est la fin de l'interrogatoire de Mohamed Abrini. Qui aura donc duré cinq heures. "Vous pouvez vous rasseoir monsieur Abrini !" lui indique le président.

Fin de ce 101e jour d'audience, au procès du 13 Novembre Compte-rendu web

@franceinter à venir Demain, la cour interrogera Salah Abdeslam

Jour 102 – Mercredi 30 mars – Interrogatoire de Mohamed Abrini (suite)

Bonjour à tous, Aujourd'hui c'est le 102 ieme jour d'audience et LA journée du procès des attentats du 13 Novembre : celle de l'interrogatoire de, Salah Abdeslam sur les attentats eux-mêmes avec la question prédominante de savoir s'il a délibérément renoncé à se faire exploser.

Salah Abdeslam est arrivé dans le box avec les autres accusés (à l'exception d'Ossama Krayem qui refuse toujours de comparaître). T-shirt et masque noir, souriant, il discute avec ses voisins avant son interrogatoire.

L'audience débute. "Monsieur Abdeslam, levez-vous, s'il vous plait" lance le président. "Je comprends que pour votre interrogatoire vous enleviez votre masque, mais je recommande sinon de le garder le plus longtemps possible. On va éviter de nouvelles suspensions".

Le président explique que la cour va étudier les faits à partir du 8 novembre jusqu'aux attaques. Cela débute notamment par des versements d'argent sur le compte de Salah Abdeslam, argent qui servira à la location des voitures et des planques.

Salah Abdeslam : "bonjour monsieur le président, mesdames et messieurs de la cour. Aujourd'hui, je souhaite faire usage de mon droit au silence". Le président : "c'est votre droit, mais c'était pas du tout prévu. Vous vous étiez expliqué jusqu'alors. Donc on comprend mal"

Le président : "c'est un droit absolu, le droit au silence. Mais je me permets d'insister, c'est important pour tout le monde. " Salah Abdeslam : "moi aussi, je me permets d'insister : je ne souhaite pas m'exprimer aujourd'hui".

Président : "je ne comprends pas bien que vous gardiez le silence." Salah Abdeslam : "c'est un droit que j'ai, je n'ai pas à me justifier de ça". - Si vous voulez dire quelque chose pour les parties civiles, c'est le moment. - J'ai déjà fait des efforts.

Salah Abdeslam : "j'ai gardé le silence pendant 6 ans, c'était pas facile. C'était la position que je voulais adopter au début de ce procès. Mais j'ai changé d'avis, j'ai apporté des réponses. Mais là, je ne souhaite plus m'exprimer. C'est au-delà de ... je n'y arrive plus";

Salah Abdeslam : "j'ai beaucoup de raisons. C'est pour qu'on ne me qualifie pas de provocateur que je ne souhaite pas m'exprimer ici." Le président soupire : "bon ... je vais donc poser des questions et je n'aurai pas de réponses. C'est ça ?" - c'est ça. Je peux m’asseoir ? - oui

Le président déroule donc ses questions sur les dépôts d'argent, la location des voitures, la location des planques etc. Tous ces éléments sur lesquels la cour aurait souhaité recueillir les explications du principal accusé, Salah Abdeslam.

Le président aborde les faits du 11 novembre et les déclarations de Mohamed Abrini hier selon lequel "vous lui aviez dit ce jour-là que vous saviez que des gens étaient arrivés de Syrie et qu'il se préparait quelque chose". Dans le box, Salah Abdeslam reste assis, impassible.

"Là aussi, on avait besoin de vos explications ..." lance de temps à autre le président après une questions sans réponse. On en est au 12 novembre, dans la planque de Charleroi. "Qu'est-ce qui se dit à ce moment-là, monsieur Abdeslam ? Il se passe 10 heures !" Silence

"Ce silence ne va nous faire avancer beaucoup sauf à considérer qu'il a pu se dire beaucoup beaucoup de choses à ce moment-là, notamment sur ce que vous deviez faire, vous Salah Abdeslam, où vous deviez le faire ? Ce qui est était prévu ?", tente encore le président. Silence.

Le président aborde le trajet vers Paris le 12 novembre au soir : "on peut se demander ce qu'il s'est passé dans cette voiture. Vous écoutiez des chants djihadistes, quelle était votre détermination ?" Dans le box, Salah Abdeslam, toujours silencieux, regarde fixement devant lui.

"Si vous avez renoncé à actionner votre ceinture, pourquoi aller dans le 18e arrondissement alors que vous êtes au nord de la région parisienne et qu'il est beaucoup plus simple de retourner directement vers la Belgique ?", interroge le président. Silence de Salah Abdeslam.

Président : "pas d'autre explication, monsieur Abdeslam ?" Silence "Répondez par oui ou par non, votre micro est encore allumé." Salah Abdeslam regarde devant lui, silencieux derrière son masque. Fin des questions, sans réponse, du président au principal accusé.

Ainsi que l'impose la règle de l'oralité des débats devant la cour d'assises, malgré le silence de Salah Abdeslam, les assesseurs posent à leurs tour les questions sur lesquelles les explications du principal accusé étaient attendues.

"Pour que vous sachiez quel est le niveau de question que se pose la cour : si votre objectif était de mourir en "inghimasi" ou en "chahid" [en martyr ou tué par les forces de l'ordre, ndlr] est-il concevable que vous n'ayez pas fait de testament ?", interroge une assesseure.

"Bien, on va passer aux questions des parties. Elles vont se lever, ce serait bien que vous vous leviez aussi monsieur Abdeslam", demande le président. Dans le box, le principal accusé se lève.

Nicolas Le Bris, avocat général : "je ne suis pas avocat de parties civiles mais j'ai une pensée aujourd'hui pour les victimes qui attendaient des réponses. Salah Abdeslam aime annoncer qu'il va parler et prendre du plaisir à garder le silence et à voir la déception des victimes"

A son tour, l'avocat général déroule ses questions dans le vide. Cette fois debout dans le box, mains croisées devant lui, Salah Abdeslam regarde obstinément ailleurs qu'en direction du parquet.

Nicolas Le Bris (avocat général) : "moi ça m'intéresse de comprendre comment vous pouviez prendre tranquillement votre repas, discuter avec vos complices et de savoir dans quel état d'esprit vous étiez à la veille de commettre ce massacre. Je pense que c'était important."

Nicolas Le Bris (avocat général) : "ce silence apporte malgré tout à l'audience la confirmation avec vous monsieur Abdeslam que la lâcheté est la marque de fabrique des terroristes. Il n'y a pas une once de courage chez vous, c'est vraiment de la lâcheté à l'état brut."

Place aux questions, toujours sans réponse, des avocats de parties civiles. "Ne pensez-vous pas que vous avez une obligation morale de répondre aux questions vis à vis des victimes ?", interroge Me Sellami en évoquant "la repentance, importante dans la religion musulmane".

Me Topaloff : "d'emblée à ce procès vous avez déclaré : "je suis un combattant de Daech". Or, vous contestez être allé chercher les commandos, vous n'êtes pas allé en Syrie et vous renoncez à déclencher votre ceinture. Qu'est-ce qui fait de vous un combattant de Daech ?" Silence.

Me Josserand-Schmitt (PC) : "on a un petit problème, quand même, vous m'aviez promis une réponse la dernière fois. Alors j'attends ma réponse." Silence de Salah Abdeslam. "Je trouve ça très dommage, vraiment. Les victimes sont capables d'entendre beaucoup de choses."

Me Josserand-Schmitt (PC) : "vous comprenez ? Vous opinez de la tête, je suis sûre que vous avez envie de me répondre." Salah Abdeslam semble sourire derrière son masque. Mais garde le silence.

Me Josserand-Schmitt (PC) : "cette question-là, vous pouvez me répondre : vous avez dit que vous n'aviez pas lu le dossier, c'est ça ?" Salah Abdeslam acquiesce. 'Vous avez vu les photos des scènes des attentats ?' Salah Abdeslam fait non de la tête. Mais reste silencieux.

Me Josserand-Schmitt (PC) : "les parties civiles ne cherchent pas des questions pour chercher à vous piéger. Mais pour chercher à comprendre, à vous comprendre vous". Contrairement aux autres, Salah Abdeslam ne détourne pas le regard face à l'avocate. Mais continue à se taire.

"Si vous n'étiez pas porteur d'une ceinture explosive mais d'une kalachnikov, est-ce que vous auriez renoncé aussi à donner la mort ?", poursuit Me Josserand-Schmitt dans sa série de questions sans réponse à Salah Abdeslam.

Me Josserand-Schmitt (PC) conclut : "c'est dommage autant pour les victimes que pour vous." Salah Abdeslam sort alors de son silence : "je suis navré de ne pas pouvoir répondre à vos questions. Je vous écoute attentivement, c'est un signe de respect."

Salah Abdeslam : "mais je vais quand même répondre à quelques questions parce que je vous avais promis. A partir du moment où je suis allé à Charleroi, la journée du 12 [novembre, ndlr] c'est à ce moment-là que j'ai vu la détermination de mon frère [Brahim Abdeslam, ndlr]."

Salah Abdeslam : "m'exprimer aujourd'hui ne va pas changer les choses pour moi. Si vous regardez que ce que l'Etat islamique a fait et pas ce que vous vous avez fait, vous n'allez pas rendre un jugement équitable."

Salah Abdeslam poursuit très calmement : "vous ne me condamnez pas sévèrement pour la justice mais parce qu'il faut rendre des comptes au personnes qui sont ici."

Salah Abdeslam : "sur ma fiancée, c'est vrai que je l'aimais sincèrement. Si j'ai eu quelques larmes quand je l'ai vue pour la dernière fois, c'est parce qu'elle m'a parlé de projet d'avenir, de mariage, d'enfants ... " 1/2

Salah Abdeslam : "... et moi à ce moment là, je savais que j'allais ... partir en Syrie. C'est que qu'on m'avait proposé parce que j'avais aidé l'Etat islamique et qu'on m'avait proposé de partie en Syrie." 2/2

Me Josserand-Schmitt (PC) : "merci monsieur Abdeslam de répondre. Vous voyez que l'échange est possible. Est-ce que vous acceptez, oui ou non, qu'on poursuive un peu l’échange ?" Salah Abdeslam : "je veux bien écouter vos questions. Sans vouloir manquer de respect au président"

Me Josserand-Schmitt (PC) : "le mardi 10 novembre, vous n'êtes pas encore dans l'optique de porter une ceinture explosive sur vous ?" Salah Abdeslam : "pas encore ..." - ça change quand ?

Salah Abdeslam : "quand je déjeune avec Yasmina [sa fiancée, ndlr], j'ai aucune connaissance de ce qui va se passer. C'est quand je vais en France louer l'appartement d'Alfortville que mon frère Brahim va me dire qu'Abdelhamid Abaaoud est là et qu'il veut me rencontrer."

Salah Abdeslam : "et c'est quand je vais rencontrer [Abdelhamid Abaaoud, ndlr] que ma vie va changer". Mais j'ai pas été jusqu'au bout. J'ai renoncé à enclencher ma ceinture. Pas par lâcheté, pas par peur. Mais parce que je voulais pas, c'est tout."

Me Josserand-Schmitt : "pourquoi vous allez dire à vos frères que la ceinture n'a pas fonctionné. C'est un mensonge". Salah Abdeslam : "oui, c'est ça." - pourquoi ? - j'avais honte de ne pas avoir été jusqu'au bout. J'avais peur du regard des autres. Et j'avais 25 ans."

Me Josserand-Schmitt remercie encore Salah Abdeslam d'avoir répondu à ses questions et passe la parole à ses confrères de parties civiles. Mais Salah Abdeslam se retire à nouveau dans le silence.

Autre avocate de parties civiles, Me Aurélie Coviaux fait projeter un plan du 18e arrondissement à l'audience afin de l'interroger sur l'hypothèse d'un attentat dans le métro. Mais Salah Abdeslam semble ne plus vouloir répondre aux questions.

Me Christidis (PC) lance à Salah Abdeslam : "jusqu'à présent vous vous étiez expliqué. Est-ce que si votre attitude a changé, ce n'est pas parce que vous étiez assis à côté de messieurs Bakkali, El Haddad Asufi et Ayari hier, à rigoler pendant toute l'audition de Mohamed Abrini ?"

Me Mouhou, évoque sa cliente Nadia Mondeguer, mère endeuillée. Salah Abdeslam confirme que son témoignage l'avait ému. Et dit : "j'ai respecté les témoignages des victimes, j'ai été attentif, mais je n'ai pas envie de répondre à vos questions."

Fin de l'interrogatoire de Salah Abdeslam pour l'instant. Le président annonce une suspension d'audience avant l'audition de l'expert en explosifs attendu aujourd'hui.

L'audience reprend avec l'arrivée à la barre de Bruno Vanlerberghe, chef du pôle explosifs de la préfecture de police de Paris. Il vient évoquer la ceinture explosive abandonnée par Salah Abdeslam à Montrouge.

L'expert a dû répondre à la question de savoir si "les éléments du système de mise à feu étaient fonctionnels" sur la ceinture explosive de Salah Abdeslam. Or, il apparaît que "l'inflammateur de la partie arrière [de la ceinture explosive, ndlr] était non-fonctionnel".

"Ce qu'on retient c'est que tel qu'il a été découvert l'engin n'était pas fonctionnel parce qu'il n'avait pas d'interrupteur, ni de pile. Et en plus de cela, il y avait un dommage : une coupe franche", résume le président. "Est-ce qu'on peut déterminer l'origine de cette coupe ?"

Pour l'expert en explosifs, plusieurs hypothèses peuvent expliquer ce dysfonctionnement : un coup de cutter, un élément défectueux. "Mais on ne peut pas aller beaucoup plus loin ..."

Assesseure : "est-ce qu'on peut savoir s'il y a eu une tentative de déclenchement du détonateur [du gilet explosif de Salah Abdeslam, ndlr] ?" Impossible de savoir, répond l'expert à cette question cruciale.

Me Gérard Chemla : "comment peut-on se rendre compte que le gilet est dysfonctionnel sans appuyer sur le bouton ?" L'expert marque un temps d'arrêt. "On n'est bien d'accord qu'on ne peut sans rendre compte qu'en appuyant sur le détonateur ?" "Oui, tout à fait", acquiesce l'expert.

L'expert explique encore que le TATP contenu dans les gilets explosifs utilisés le 13 Novembre 2015 n'était pas assez sec "pour une détonation maximum". L'expert qui se dit encore "très gêné d'expliquer les éléments de fabrication d'un gilet explosif ici".

Me Olivia Ronen : "si vraiment on avait un gilet défectueux mais qu'on avait très envie de déclencher ce gilet, d'autres manoeuvre avaient été prévues : un briquet notamment. Or, vous confirmez qu'il n'y a pas de trace de brûlé ?" Expert : "tout à fait"

Fin de l'audition de l'expert en explosifs. Le président invite Salah Abdeslam à se lever : "je ne sais pas si vous avez changé d'avis ..." L'accusé l'incite à poser les questions. "Le gilet retrouvé à Montrouge c'est bien votre gilet ?" - "c'est bien celui-là"

Président : "et c'est bien là que vous l'avez abandonné ? Parce qu'il a été retrouvé une semaine après ..." Salah Abdeslam : "c'est bien là".

Mais, interrogé sur le nom de celui qui a fabriqué les gilets explosifs, Salah Abdeslam garde à nouveau le silence. "Je veux bien donner une information par rapport au bouton poussoir et comment j'ai abandonné la ceinture explosive, mais pour le reste je garderai le silence".

Salah Abdeslam : "le jour où j'ai abandonné cette ceinture, je l'ai mise dans un endroit où il y a peu de chances qu'elle soit retrouvée, manipulée par quelqu'un. J'ai retiré le bouton poussoir et un fil parce que c'est les éléments qui permettent de déclencher la ceinture."

Salah Abdeslam : "n'importe quelle personne pouvait passer ou même un enfant, c'est pour ça que j'ai retiré le bouton poussoir et la pile". Le président : "il était quand même très dangereux et il aurait pu exploser par manipulation. Ou un gamin avec un briquet."

Le président : "mmm, c'est ce que vous nous dites aujourd'hui en tous cas ..." Salah Abdeslam : "voilà pourquoi je ne veux pas répondre à vos questions, monsieur le président. C'est le meilleur exemple".

Salah Abdeslam : "pourquoi j'aurais fait ça [retirer la pile et le bouton poussoir, ndlr] si c'est pas pour ça [éviter qu'un passant le fasse exploser, ndlr], dites-moi vous qui êtes fort en hypothèses" Le président : "on se calme, vous retombez dans la provocation, là".

Président : "pourquoi après avoir renoncé à vous faire exploser au Stade de France, vous traversez Paris?" Salah Abdeslam refuse à nouveau de répondre.

Me Didier Seban (PC) : "monsieur Abdeslam, vous saviez que dans ce gilet, il y avait des écrous pour tuer plus de monde? Vous saviez que les trois personnes que vous avez déposées au Stade de France ont tué un homme? Vous ne leur répondez rien à ces victimes?"

Face au silence de Salah Abdeslam, Me Didier Seban lance, visivlement agacé : "c'est de la perversité, un coup vous répondez, un coup vous ne répondez pas. C'est vous le maître du jeu"

Pas d'autres questions à Salah Abdeslam. "Bon, je crois qu'on a fini pour aujourd'hui, conclut le président, un peu plus tôt que prévu". L'audience est donc suspendue jusqu'à demain, avec notamment l'interrogatoire de Mohamed Amri, qui a ramené Salah Abdeslam à Bruxelles.

Jour 103 – Jeudi 31 mars – Interrogatoire de Mohammed Amri

Jour 103 au procès du  13Novembre Il était prévu initialement que l'interrogatoire de Salah Abdeslam se poursuive. Mais comme hier il a choisi son "droit au silence", l'interrogatoire est déjà fini. Silence qu'il n'a rompu que brièvement face à une avocate de parties civiles.

C'est face à Me Claire Josserand-Schmidt qu'il a accepté de livrer quelques réponses, sa vérité. Un face-à-face qui fut un moment suspendu, au bout de 6 mois de procès 13 Novembre

Aujourd'hui, c'est Mohammed Amri qui est interrogé. Un Molenbeekois qui était allé chercher son ami Salah  Abdeslam à Paris dans la nuit du 13 Novembre, après les attentats.

Pour l'instant, Mohammed Amri, chemise blanche, est interrogé sur la location de la SEAT le 9/11/2015 avec Brahim Abdeslam Amri répond d'une voix très pâteuse. Amri qui lors d'un précédent interrogatoire avait surtout parlé de sa voiture personnelle, une Golf qu'il adore.

Mohammed Amri a toujours aussi peu de mots dans ses phrases. Débit ultra lent. Il est un ami d'enfance des frères Abdeslam Il est aussi l'accusé qui travaillait au SAMU social à Bruxelles.

Mohammed Amri qui a prêté cette Golf qu'il chérit à Salah Abdeslam le lundi 10 novembre 2015. Quelques heures seulement. Puis Amri part en Allemagne. "Pourquoi déjà ?" demande le président. "Euh, je préfère pas trop en parler... par respect..."

"Bon, on va dire que c'était un rendez-vous, comment dire, un rendez-vous privé" commente le président Périès. "Voilà, ça n'avait rien à voir avec les attentats" assure Amri, gêné de parler de ce voyage.

Amri qui dit beaucoup "euh" et "je ne me souviens pas", d'un débit si lent. Il a des yeux ronds, une tête ronde, cheveux rasés, barbe de deux jours. Et une chemise blanche donc pour cet interrogatoire.

Amri qui pour justifier sa mémoire qui flanche dit qu'après le 13 Novembre, "moi aussi, j’ai vécu un traumatisme, pour pas dire un choc, c’était tellement compliqué. Avec le choc, je me souviens pas de ce que j’ai fait le 9, je me souviens pas même de ce que j’ai fait le 12"...

Nicolas Braconnay, avocat général du parquet antiterroriste ne comprend cet "aller-retour aussi rapide pour un motif aussi futile" en Allemagne, "sur cette phase qu’on peut qualifier d’ultimes préparatifs. Pourquoi ils pouvaient vous faire confiance ?"

Mohammed Amri : "J’ai absolument rien à avoir dans cette histoire. C’est à vous de donner des explications ! Nicolas Braconnay : Mais là c’est votre interrogatoire !"

Mohammed Amri poursuit : "Je croyais que c’était des potes, et voilà. Je me suis retrouvé à cause d’eux dans cette affaire. Voilà, c’est tout ce que je peux dire."

Un avocat de parties civiles se lève et veut revenir encore sur ce voyage en Allemagne, qu'Amri n'ait pas ces "pudeurs de jeune fille", et l'avocat note que c'est incohérent qu'il aille au petit matin avec Attou voir des prostituées et retour immédiat car "jugées trop vieilles".

Incohérent dit l'avocat d'autant que le trajet a été payé par un frère Abdeslam "J'étais sur la réserve" pour l'essence, a dit un peu plus tôt Amri

Me Samia Maktouf, avocate de parties civiles : -"Est-ce qu'aujourd’hui, vous avez peur de balancer quiconque ?" Amri : -Faut savoir une chose, dans les quartiers on balance pas ! -Donc vous ne balancerez personne ? -Ça dépend !"

Me NegarHaeri avocate de Mohammed Amri, se lève. "Vous avez vu comment on a travaillé, les souvenirs reviennent au compte-gouttes", et elle évoque le "traumatisme, vous avez le droit même si vous êtes accusé"

Et d'une voix toujours aussi lente, toujours avec aussi peu de mots, Mohammed Amri évoque des "flashs" qui lui sont revenus parfois, mais peu.

Et pendant qu'il parle, si lentement, on voit l'accusé Yassine Atar alias "la pipelette" qui bavarde sans cesse avec l'accusé Mohamed Bakkali. Ils rient souvent derrière leurs masques. Amri, lui, tente de répondre à son avocate.

Me NegarHaeri qui revient sur le 8/11/2015, Brahim Abdeslam qui demande à Amri de prêter sa Golf. Elle lui fait dire qu’il a "eu du mal à dire non à Brahim, autoritaire". "Je me sentais redevable” répond Amri.

Amri se sentait "redevable" parce que Brahim Abdeslam lui avait vendu cette fameuse Golf qu'il chérit, une Golf qu'il n'avait pas fini de lui rembourser... Et puis Brahim Abdeslam lui "filait des joints"

En à peine une heure, fin de l'interrogatoire de Mohammed Amri.

C'est au tour de Mohamed Bakkali, mais qui exerce depuis deux mois et plusieurs interrogatoires son "droit au silence". "Vous n'avez pas changé d'avis ?" tente le président Périès, déjà sûr de la réponse. "Non, bon". L'accusé Bakkali reste assis, bras croisés. 13 Novembre

C'est au 71e jour du procès 13 Novembre que Mohamed Bakkali a choisi d'exercer son "droit au silence". Il s'en était expliqué posément, de sa voix grave. A (re)lire sur France inter.

La cour se met à interroger Sofien Ayari, qui lui aussi a choisi d'exercer son droit au silence, après avoir livré de longues explications sur les raisons de son engagement avec EI

Au jour 78, Sofien Ayari avait livré ces explications-là...

Puis au jour 94, Sofien Ayari s'était refermé derrière son droit au silence.

Au jour 103, fidèle à sa décision, Sofien Ayari continue à se taire. Le président pose des questions dans le vide. Questions pour l'accusé Ayari et aussi pour l'accusé Osama Krayem, qui boude le box depuis deux mois, sauf les jours d'interrogatoire. Krayem est là, mais muet.

Le président Périès s'adresse donc à Osama Krayem et Sofien Ayari, revenus ensemble de Syrie et allés ensemble aux Pays-Bas le soir du 13 Novembre Etaient-ils le commando prévu à l'aéroport de Schiphol ?Le président rappelle que le soir du 13 Novembre ils sont allés à Amsterdam. Ayari dans une chambre d'hôtel. Ils seraient allés selon les dires de l'un "vérifier des consignes". En fait, ils ne dorment pas à l'hôtel. Pourtant, ils avaient avec eux un sac à dos et un sac trollé.

"Des armes, des explosifs ?" demande le président. Sans réponse des accusés Ayari et Krayem. Ayari écoute bras croisés dans le box. A côté de lui, Krayem se tient la joue.

Camille Hennetier, avocate générale du parquet antiterroriste, se lève pour dire qu'elle pense que "le 13 Novembre quelque chose d’imprévu s’est passé Schiphol et les a obligés à faire demi-tour et revenir à Bruxelles"

Elle insiste, en disant que Sofien Ayari et Osama Krayem étaient des "recrues précieuses". Elle pense qu'ils étaient le "groupe Schiphol" dans l'arborescence de l'ordinateur retrouvé dans une planque, dans un fichier "

Pas de réponse dans le box des accusés Ayari et Krayem.

Puis, l'une des avocates d'Osama Krayem se lève pour son client. Et tient à montrer une vidéo de l'aéroport de Schiphol. On la projette sur le grand écran. Ça bouge dans tous les sens. On a le tournis.

Les images que montre Me Stuyck sont vraiment chaotiques, du hall de l'aéroport à l'escalator. "Alors, c’est une vidéo amateur ?" demande le président. "J’ai été sur place, c’est assez difficile de filmer", répond Me Stuyck. "Ah ? D'accord, c'est votre vidéo !"

Et pendant de longues minutes, avec sa vidéo, Me Stuyck nous emmène aéroport de Schiphol, panneaux ou gens à l'envers, images qui bougent vraiment beaucoup. Certain(e)s ne peuvent réprimer des fous rires.

"Bon, dont acte", finit par conclure le président sans ciller. Et on suspend l'audience. Suivra un débat, très sérieux et grave, sur l'opportunité de projeter des images du Bataclan après les attentats du13 Novembre

L'audience reprend. "Alors nous en venons donc aux débats souhaités par certaines parties civiles", life for paris et Arthur_Dvx à l'origine.

L'avocat de life for paris demande la diffusion de 3 extraits de la bande audio issue du dictaphone resté par terre au Bataclan pendant l'attentat. Des extraits qui durent 3 minutes au total.

L'avocat de life for paris demande la diffusion : 1-d'un extrait de l'arrivée des terroriste 2-d'un extrait des échanges entre otages et police 3-d'un extrait de l'assaut final

Me Delas, avocat de life for paris explique très simplement cette demande, et il s'étonne que cela suscite un débat. Il ne veut surtout pas que cela soit vécu comme "un affrontement"

Me Delas, avocat de Life for Paris plaide : "Un procès, c’est d’abord montrer la scène de crime. Il n’existe pas un procès d’assises dans lequel on ne montre pas, même si c’est totalement douloureux, affreux, morbide."

Me Delas dit qu'il a "bien compris que certains pensaient que ça portait atteinte à la dignité des personnes mortes dans la fosse du Bataclan "

Me Delas estime que l'un des moments les plus forts en six mois de procès a été la diffusion d'un bout de la bande audio, à la demande de Arthur_Dvx le jour où il témoignait et alors même qu'il était à la barre, debout, digne.

Me Delas estime qu'une diffusion d'images et d'autres sons, "ça confronte les accusés à la réalité des faits"

Me Delas cite le procès de Nuremberg. Evoque "la confrontation à Nuremberg des accusés avec l’horreur et voir leurs réactions, les psys avaient relevé ceux qui étaient en pleurs, ceux qui protestaient"

Me Delas explique qu'avec Arthur_Dvx ils ont fait un choix d'une cinquantaine de photos, ils ne veulent pas qu'on montre toutes les photos de la scène de crime au Bataclan , seulement "les corps au sol les moins identifiables"

Me Jean Reinhart, avocat de 13onze15 estime que dans l'association de victimes les avis sont très divers et partagés. Il ne s'oppose pas à cette diffusion/projection, mais demande que si cela est fait, cela soit fait "avec une délicatesse absolue"

"Car sur certaines photos, on voit des victimes dans une situation dégradante et on veut que vous les écartiez dans votre sagesse" plaide Me Reinhart pour 13onze15

Me Reinhart dit que certaines parties civiles lui ont proposé, pour "choquer" si le but est de choquer les accusés, de montrer des photos des terroristes morts le 13 Novembre

Me Reinhart : "Que les parties civiles ne servent pas d’instruments à l’égard des accusés pour les choquer"

Me Reinhart souligne que la diffusion de la bande-son sera vécue comme compliquée par ceux qui étaient à l’intérieur du Bataclan pendant longtemps. Il évoque une victime traumatisée en web radio par la dernière diffusion audio.

Me Reinhart demande qu'il n'y ait pas de diffusion sur la web radio. Evoque aussi la possibilité d'un huis-clos.

Me Reinhart demande aussi que dans cette salle d'audience très sonorisée, "le son soit baissé, qu’on n’augmente pas le son façon cinéma, que le bruit des balles ne soit pas blessant à nouveau"

L'avocate afvt_org dit qu'une telle diffusion "sera une épreuve dans l’épreuve mais il est inconcevable qu’en 10 mois de procès les crimes ne soient pas montrés, nous ne voulons pas d’une audience aseptisée." Nécessaire dit-elle que les accusés y soient confrontés

Une autre avocate demande une diffusion en début d'audience, pour que les parties civiles présentes puissent être ensuite entourées de psychologues.

Me Victor Edou estime qu'il y a "un avis par victime" et parle pour une victime qu'il représente. Il cite l'article 310 du code de procédure pénale : "Le président est investi d'un pouvoir discrétionnaire pour prendre toutes mesures qu'il croit utiles pour découvrir la vérité".

Et Me Victor Edou plaide qu'en l'occurence, il n'est "pas utile pour découvrir la vérité" de diffuser les images des crimes commis au Bataclan le 13 Novembre

Rappelons ici qu'ont été projetés à ce procès 13 Novembre, des images des scènes de crimes sur les terrasses, plans larges ou corps sous des couvertures. Pas d'image du Bataclan où il y avait eu une reconstitution de la scène de crime avec des points pour l'emplacement des corps

Et il y avait donc eu, à la demande de Arthur_Dvxun extrait d'une bande-son avec les revendications des terroristes du Bataclan. On avait entendu les tirs résonner dans la salle d'audience. Cela avait été terrifiant, glaçant. Récit francinter @ChPiret

Un avocat se lève pour dire qu'une famille endeuillée refuse la diffusion car ce "n'est pas un spectacle" et "qu'on les laisse reposer en paix"

Me Mouhou rappelle qu'au procès Merah on avait refusé de projeter la vidéo prise par le terroriste lui-même avec sa go pro, notamment dans la cour de l'école Ozar Hatorah à Toulouse. Pour ne pas rajouter de l'horreur à l'horreur.

Me Aude Rimalho réclame le huis-clos "qui fait consensus". Elle craint la captation audio et des images avec toutes les salles de retransmission et "que cela se retrouve dans la presse". Ce qui est interdit. Elle évoque aussi "le risque de récupération terroriste"

Elle cite aussi le nom d'une famille endeuillée qui "ne veut qu’on entende les derniers instants de leur fille, les derniers gémissements", sur cette bande audio du Bataclan le 13 Novembre

Me Cosima Ouhioun plaide que ce n'est pas possible que cette diffusion soit "vendredi ou jamais" pour des clients qui ne pourront pas être là, alors que le président a dit mardi que ce serait vendredi si cette diffusion a lieu.

Me Cosima Ouhioun demande comme d'autres avocats de verser ces pièces à diffuser aux débats, pour que des victimes puissent les voir/écouter ultérieurement avec leurs avocats. Mais elle plaide aussi la diffusion à l'audience.

Me Cosima Ouhioun qui demande au président de reprendre "la lanterne" annoncée en début de ce procès, qu'il voulait comme "un procès ordinaire", et elle rappelle qu'à un procès d'assises ordinaire, on diffuserait sans se poser la question.

Me Daphné Pugliesi sur les bancs des parties civiles se lève à son tour et résume de manière limpide. Si la cour choisit de diffuser, c'est laisser le choix aux victimes "de voir ou ne pas voir, faire le choix de ne pas diffuser, c’est ne leur en donner aucun"

Camille Hennetier, avocate générale du PNAT : "Nous n'avons pas d'opposition à la diffusion dans la mesure où elle émane des parties civiles. Cette diffusion doit respectée la dignité des personnes décédées."

Camille Hennetier, avocate générale du PNAT : "S'agissant de l'audio, on comprend le besoin de se réapproprier ce qu'elles ont vécues pour certaines victimes, mais il y a vraiment un risque de fuite..."

Elle cite des fuites : des diffusions par PariMatch des photos extraites de l'enquête de l'attentat de Nice, et cite encore diffusion de l'agression contre Yvan Colonna par France3 tv

Me ChStPalais, sur les bancs de la défense se lève, et dit posément qu'il a évolué en entendant ses confrères de parties civiles. Au début il était "pour-pour" et maintenant "pour-contre" (selon la formule de Me Reinhart)

Me ChStPalaisdit qu'il est par principe contre "l'aseptisation" d'un procès d'assises.

Il note que la décision qui sera prise aura une influence sur le reste de l'histoire judiciaire, fera jurisprudence, et qu'il faut y penser.

Me ChStPalais: "Le débat qu'il faut arbitrer c'est tout diffuser sauf..." Sauf ce qui choque ont dit ses confrères. Il le comprend parfaitement. Le respecte. Mais il estime que ce tout-sauf est un élément qui "déséquilibre le procès"

"Bien, la cour va faire une suspension pour que le président puisse délibérer", annonce le président Périès. Il annonce une décision dans une vingtaine de minutes.

La cloche retentit. La cour revient.

Le président Périès annonce qu'il "sera procédé demain en tout début d’audience à la projection de quelques photographies et à la diffusion de passages d’éléments sonores tels que demandés par Me Delas. Il ne sera pas ordonné d’autres versements".

Le président Périès : "Alors j’indique que ces mesures n’auront pas lieu à huis clos mais que par contre il n’y aura pas de diffusion par la web radio".

Le président : "Par ailleurs, pour éviter toute diffusion clandestine, des mesures de précautions renforcées seront prises. Je demanderai aux forces de l’ordre d’être particulièrement vigilantes". Il rappelle que les photos/enregistrements sont toujours interdits en audience.

Le président Périès dit que "toutes les personnes qui ne souhaitent pas assister sont priées de ne pas se déplacer" ce vendredi pour la diffusion de ces images et sons qui seront éprouvants.

Il refera une annonce en début d'audience demain. "L'audience reprendra demain à 12h30"

Jour 104 – vendredi 1er avril – Diffusion des images de l'intérieur du Bataclan et les extraits sonores de l'enregistrement de l'attaque

Bonjour à tous, 104e jour d'audience au procès des attentats du 13 Novembre 2015. Une journée très particulière car c'est aujourd'hui que doivent être diffusés les images de l'intérieur du Bataclan et les extraits sonores de l'enregistrement de l'attaque.

La décision de cette diffusée, réclamée par l'association de victimes @lifeforparis a été prise par le président à l'issue d'un long débat hier.

La salle d'audience est comble. De très nombreuses victimes, principalement du Bataclan sont venues assister à cette audience, d'autant que le président a précisé hier que la diffusion de l'enregistrement sonore ne serait pas retransmise via la webradio dédiée aux parties civiles

L'audience débute, enfin, en l'absence d'Osama Krayem qui refuse toujours de comparaître. Il est question de quelques points de procédure, en l'occurrence le versement de pièces.

Le président annonce : "on va commencer par l'enregistrement audio." Il s'agit donc d'un extrait sonore des 2h30 de l'enregistrement de l'attentat du Bataclan, capté par le dictaphone d'un spectateur, abandonné pendant l'attaque.

Trois extraits vont être diffusés : au début de l'attaque, au moment de la prise d'otage et l'assaut final, explique le président. "Je rappelle que les personnes ne sont pas obligées d'assister à cette séance. L'usage de téléphone ou autre pour de la captation est interdite"

Me Bibal, avocat de parties civiles qu'il existe un dispositif de psychologues présents dans la salle "pour les personnes qui le souhaitent". Un dispositif par téléphone est également en place pour ce week-end, "en cas de contrecoup psychologique".

La diffusion de l'enregistrement sonore débute. La salle frémit. On entend le groupe Eagles of Death Metal jouer, puis les premières détonation, la musique qui s'arrête. D'autres détonations. Des cris. Des détonations. Des cris. Et encore.

Pendant un instant les détonations s'arrêtent. Ne restent que les cris et les hurlements dans la salle. Puis elles reprennent, au coup par coup. Plus disparates que les rafales initiales. Et toujours les cris dans la foule. Les détonations s'accélèrent à nouveau.

Dans la salle comble, chacun retient son souffle. Le 2e extrait sonore est diffusé. On y entend les voix d'un terroriste qui hurle mais ses paroles ne sont pas audibles.

Le 3e extrait, plus long, est maintenant diffusé. C'est le moment de l'assaut. On y entend les voix des policiers à l'intérieur du Bataclan. Il semble y avoir une grande confusion. Plus ce sont des tirs, en rafales. Des cris, de ce qui semblent être les otages du couloir.

Dans cet enregistrement de l'assaut, on entend un mélange de cris, d'ordre, de tirs. Il est difficile de distinguer clairement ce qu'il se passe. Le moment dure longtemps. On entend "évacuez les otages !". Puis "go, go, go". Une femme hurle : "mon mari, il y a mon mari ...."

Règne toujours une grande confusion. "Allez, allez, allez ....", hurle un policier. Vraisemblablement à l'attention des otages. "On lève les bras, on lève les bras.

"Allez, on court, on court". L'évacuation des victimes se poursuit. Les policiers hurlent, les pressent. On entend un membre des forces de l'ordre avertir ses collègues : "attention les gars, il y en a un qui ...." Puis, "est-ce qu'on a les otages, là?" "Ils sont descendus"

Fin de la diffusion des extraits de l'enregistrement sonore. Le président annonce qu'on va procéder au visionnage des images de l'intérieur du Bataclan. Une partie des victimes se lève et quitte la salle. La lumière dans la salle est baissée.

Les premières photos sont projetées sur l'écran géant de la cour d'assises. Il s'agit d'abord des abords de la salle de concert : boulevard Voltaire, puis l'entrée du Bataclan. Au sol, une quantité de bris de verre, un manteau au sol, une chaise.

Les photos suivantes ont été prises à l'intérieur du Bataclan. "On voir la scène et la fosse de loin", précise  le président. Puis, une photo du bar. Au sol, plusieurs corps. Une autre de la fosse avec de longues traînées de sang au sol et quelques effet personnels : sac etc.

Est ensuite projetée une photo de la fosse avec "de nombreux corps au sol", précise le président. Puis une autre, d'un autre angle, avec au fond la scène. Les corps sont emmêlés, comme l'ont décrit à la barre de nombreux survivants dans leurs témoignages.

Une photo de la fosse prise depuis le balcon dévoile encore un peu plus l'ampleur de l'horreur avec de nombreux corps, tombés les uns sur les autres et d'immenses tâches de sang au sol.

La photo suivante dévoile les escaliers "où ont été retrouvés les terroristes". On y voit les marches maculées de sang et de débris humains. "Et le reste du corps du terroriste Foued Mohamed-Aggad", précise le président, après qu'il a explosé.

Les photos continuent à défiler : l'estrade, l'aide droite, le devant de la scène. Et toujours, indique le président "de très nombreux corps". Fin de la projection des images. Le président annonce une suspension d'audience avant les interrogatoires prévus.

L'audience reprend pour l'interrogatoire de Yassine Atar. Visiblement ému, il dit : "je suis un être humain, c'est choquant d'entendre ce qu'on a entendu. Et une fois de plus je veux réitérer mes condoléances."

Yassine Atar : "je n'ai même pas envie de répondre aujourd'hui. Pourtant pour moi c'est très très important de répondre. Je veux m'exprimer, dire que je suis innocent. J'y pense tout le temps, le jour, la nuit. J'imagine que je ne peux pas vous demander de reporter le truc. "

Le président : "on va quand même essayer d'avancer un peu aujourd'hui, d'accord?" Dans le box, Yassine Atar acquiesce. Le président débute alors l'examen des faits du 11 novembre 2015.

Le président s'étonne que Yassine Atar ait pu rencontrer un membre de la cellule terroriste "alors qu'il prenait autant de précaution, qu'il venait d'activer les lignes téléphoniques de la cellule". Yassine Atar maintient qu'"il était tout à fait normal".

Nicolas Braconnay, avocat général, souligne le fait qu'entre "le 11 et le 13 novembre, il y a 95 contacts entre vous et Mohamed Bakkali. C'est assez inhabituel". Yassine Atar rétorque : "ce n'est pas du tout inhabituel".

Yassine Atar, du débit rapide qu'on lui connaît bien désormais, explique que les contacts fréquents qu'il avait avec Mohamed Bakkali ne concernaient que l'achat et la vente de voitures Mini. "A chaque fois qu'on a beaucoup de contacts, c'est au moment où je trouve une voiture"

Yassine Atar, très prolixe, revient sur des éléments antérieurs et dénonce "une enquête extrêmement à charge me concernant". Il continue à plaider son innocence et affirmer qu'il ignorait tout du projet d'attentats du 13 Novembre

Pour la défense de Yassine Atar, son avocat Me Raphael Kempf fait projeter les données de téléphonies récupérées par les enquêteurs. L'interprète est invitée à les traduire, mais Yassine Atar le fait à sa place. "C'est l'interprète normalement qui fait ça", rappelle le président

Dans ces échanges, il est question de dates, de tarif. "J'ai voulu faire une surprise à ma femme et réserver un city trip à Barcelone entre le 10 et le 13 novembre", explique Yassine Atar. Dans un message audio, on entend ensuite Yassine Atar annoncer qu'il renonçait au voyage.

Me Raphaël Kempf continue de dérouler les conversations téléphoniques et mail de Yassine Atar dans les jours qui précèdent les attentats : il est question de vacances à Dubaï pour janvier 2016, de son fils qui est malade, de la salle de sport à laquelle il s'entraîne ...

Fin de l'interrogatoire de Yassine Atar. "On va continuer avec monsieur El Haddad Asufi", indique le président. "Le 11 novembre, votre portable n'a pas émis entre 15h44 et 5h41 le lendemain, souligne le président à l'attention d'Ali El Haddad Asufi.

Ali El Haddad Asufi : "en fait, ce jour-là, c'est une journée tout à fait normale où j'ai été travailler de 6h30 jusqu'à 14 ou 15h et je suis rentré chez moi. Voilà."

Président : "qu'est-ce que vous avez pu faire pendant toutes ces heures?" Ali El Haddad Asufi : "la veille j'ai fait une blanche et je suis parti travaillé. Donc je m'en souviens pas, mais faut que je dorme quoi. Donc probablement que je dors."

Me Arab-Tigrine, avocat d'Ali El Haddad Asufi, procès-verbal de police en main, souligne que les enquêteurs ont relevé "113 périodes de plus de 6 heures d'inactivité téléphonique d'Ali El Haddad Asufi". Elle insiste donc pour dire que l'inactivité de son client était habituelle.

Me Méchin, avocat d'Ali El Haddad Asufi : "vous avez compris pourquoi on vous parle de cette période d'inactivité téléphonique?" Ali Al Haddad Asufi : "j'ai compris pourquoi on m'en parle parce que le jour [11 novembre 2015, ndlr] est problématique. Mais pas ce qu'on me reproche"

Fin de l'interrogatoire d'Ali El Haddad Asufi. Et de cette journée d'audience. Reprise lundi. La semaine prochaine ce sera le retour des enquêteurs belges sur les jours qui ont suivi le 13 Novembre 2015 avec l'exfiltration, notamment, de Salah Abdeslam vers la Belgique.

Un dernier petit mot pour vous remercier collectivement pour vos nombreux messages de remerciement et soutien. Et vous souhaiter un excellent week-end.