Procès des attentats du 13 novembre 2015 - Le Live Tweet - Semaine VINGT-NEUF

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.


Twitter-bird.png

Retrouvez sur cette page tous les tweets du procès issus des Live tweets de @ChPiret Charlotte Piret et @sophparm Sophie Parmentier ; elles suivent ce procès pour France Inter et nous ont donné l'autorisation de compiler leurs tweets dans un objectif de consultation et archivage.



Semaine UNE Semaine DEUX Semaine TROIS Semaine QUATRE Semaine CINQ Semaine SIX Semaine SEPT Semaine HUIT Semaine NEUF Semaine DIX Semaine ONZE Semaine DOUZE Semaine TREIZE SemaineQUATORZE Semaine QUINZE Semaine SEIZE Semaine DIX-SEPT Semaine DIX-NEUF Semaine VINGT Semaine VINGT-ET-UNE Semaine VINGT-QUARTE Semaine VINGT-CINQ Semaine VINGT-SIX Semaine VINGT-SEPT Semaine VINGT-HUIT Semaine VINGT-NEUF Semaine TRENTE Semaine TRENTE ET UNE Semaine TRENTE DEUX Semaine TRENTE TROIS Semaine TRENTE QUATRE Semaine TRENTE CINQ Semaine TRENTE SIX Semaine TRENTE SEPT Semaine TRENTE HUIT Semaine TRENTE NEUF

Semaine VINGT-NEUF

Jour 105 – Lundi 4 avril– Audition des enquêteurs sur la fuite de Salah Abdeslam

Jour 105 au procès du 13Novembre 2015 Aujourd'hui, la cour va entendre des enquêteurs sur la fuite de Salah Abdeslam après avoir garé sa voiture de location à Paris 18e, puis avoir jeté sa ceinture explosive dans une poubelle de Montrouge, puis son exfiltration en Belgique.

La semaine dernière a été tellement chargée à ce procès 13 Novembre D'abord, Mohamed Abrini a fait les "révélations" qu'il avait promises et n'ont pas convaincu tout le monde.

Puis Salah Abdeslam a été interrogé sur cette soirée du 13 novembre 2015, lors de laquelle il s'est débarrassé de sa ceinture explosive à Montrouge, après avoir déposé des terroristes au Stade de France. Il a répondu par son "droit au silence", sauf face à Me @CJosseandavocat Abdeslam a lâché face à Me @CJosseandavocat qu'il avait eu "honte" d'avouer à ses amis qu'il avait renoncé à déclencher sa ceinture. Qu'il n'avait même pas essayé puis constaté qu'elle était défectueuse. C'est en tout cas sa version.

La semaine s'est achevée par un moment d'audience très fort. A la demande de

@Arthur_Dvx président de @lifeforparis, la cour a fini par projeter quelques images de la scène de crime du Bataclan et diffusé de nouveaux extraits de la bande-son du dictaphone qui a tout enregistré.

Compte-rendu de cette journée d'audience si particulière, vendredi dernier. La salle était comble. La tension et l'émotion palpables. Avant, et après.

Aujourd'hui, la salle est presque vide. Rangs clairsemés. Quelques parties civiles et journalistes. Dont @franceinter

L'audience reprend. Mais l'accusé Krayem refusant de comparaître, elle est aussitôt suspendue le temps qu'un huissier aille lui faire les sommations d'usage.

L'audience reprend sans Krayem mais avec ses avocats. Et la cour appelle à la barre le premier témoin, un enquêteur français BC025. 3e fois qu'il est entendu à la barre. Il était l'un des patrons des enquêteurs antiterroristes.

BC025 : "Je suis venu pour l'emploi du temps à partir de 21h59, heure à laquelle Salah Abdeslam dépose la Clio place Albert Kahn dans le 18e arrondissement de Paris"

BC025 explique qu'avec un téléphone retrouvé, ils ont remonté le fil, une planque et les précédents voyages de Salah Abdeslam -par exemple le 11 novembre, vu à une station-service avec Mohamed Abrini, "l'homme au chapeau" des attentats de Bruxelles.

BC025 : "La 1ère partie des investigations 18e arrondissement de Paris. Place Albert Kahn (où la Clio de location est garée) puis AfricaPhone, rue Doudeauville, où Abdeslam achète une puce de téléphone"

BC025 : "La Clio est découverte le 17 novembre. Une fois qu'on a le bornage du numéro français, ce bornage couvre le secteur Barbès". Donc avec les caméras, ils retrouvent la Clio, garée depuis le 13 Novembre

Par contre, impossible de retrouver les images caméras du métro. Délai trop long entre le 13 novembre et le 17. Donc impossible de savoir si Abdeslam a pris le métro à Simplon (ligne 4) pour aller jusqu'à Montrouge (où il jettera sa ceinture explosive dans une poubelle)

BC025 : "On a noté un accrochage de bornes qui suit le périph'" quand on suit la téléphonie du nouveau téléphone français d’ Abdeslam. Vers 22h30 (bornes 19e-18e arrondissements : rue Riquet, Suez, Stephenson) puis vers 23h Paris 15e et jusqu'au 92 (Hauts-de-Seine/Montrouge)

BC025 montre les appels du téléphone français de Salah Abdeslam vers la Belgique. 22h31 : Abdeslam appelle Mohammed Amri, lui dit qu'il a eu un accident, qu'il faut venir le chercher. Amri est au travail, au SAMU Social à Bruxelles. 22h38 : Abdeslam rappelle Amri.

BC025 explique qu'ensuite Abdeslam cherche à joindre Hamza Attou (co-accusé de ce procès 13 Novembre) pour être allé chercher Salah Abdeslam avec Mohammed Amri.

Salah Abdeslam rappelle Mohammed Amri vers 2h du matin. Auparavant, vers 1h28, il a tenté de joindre sa tante Fatima à Paris, c'est son cousin qui a décroché, il a refusé de venir lui chercher lui disant qu'il y avait des attentats à Paris,

Du 18e arrondissement de Paris, Abdeslam va donc à Montrouge. Il croise des jeunes qui sortent d'un Mac Do. Il leur demande l'adresse. Allée Vauban. Et il donne l'adresse à Amri qui vient le chercher avec sa Golf. Attou avec lui dans la voiture.

Ils repartent en voiture vers la Belgique. Salah Abdeslam leur avoue dans la voiture qu'ils sont "venus à 10" pour les attentats du 13 Novembre. Puis dira que sa ceinture n'a pas explosé. Plus tard devant un enquêteur, il dira qu'il n'a pas voulu la déclencher dans un café.

BC025 évoque les contrôles sur la route retour. Le 14 novembre 2015, 9h10 contrôle au péage d'Hordain sur l'A2 dans le sens Paris-Bruxelles. L'enquêteur montre ensuite Salah Abdeslam qui fait le plein avec Attou à une station-service une demi-heure plus tard.

Abdeslam qui se débarrasse alors de sa doudoune. Doudoune que les adolescents du Mac Do l'avaient vu porter à Montrouge.

Ce 14 novembre 2015, dernier contrôle à la frontière belge, vers 10h. Salah Abdeslam sera ensuite en cavale pendant quatre mois. Jusqu'à son arrestation, le 18 mars 2016. Quatre jours plus tard, la cellule franco-belge fait les attentats de Bruxelles le 22 mars.

BC025 explique que la ceinture explosive de Salah Abdeslam n'est retrouvée que le 23 novembre 2015 à Montrouge. On voit 2 plaques adossées à un mur. Empreinte d'Omar Darif (co-accusé/ artificier / présumé mort en Syrie) et ADN Bilal Hadfi (kamikaze Stade de France)

BC025 donne des détails supplémentaires sur les deux ados qui ont croisé Salah Abdeslam cette nuit du 13 novembre 2015 à Montrouge. C'était face au Mac Do. Les ados croquaient dans leur dîner dans une cage d'escalier. Il était donc 1h30 du matin.

Abdeslam était lui aussi arrivé avec un Mac Do. Et leur en avait d'ailleurs donné une partie ce 13 novembre 2015 dans la nuit.

BC025 dit que les ados estiment qu'ils sont restés 2h30 à 3h avec Abdeslam Ils sont partis vers 4h30 du matin. Il somnolait. L’attitude de Salah Abdeslam n'était pas véhémente à leur égard. Aucun propos véhément non plus sur le 13 novembre Les ados ont parlé des attentats.

Salah Abdeslam s'était présenté à eux comme "Abdel". Il leur a parlé d’une fiancée en Belgique.

BC025 explique que les ados ont regardé une vidéo des attentats, dit que c'était "barbare", Salah Abdeslam "ne va pas aller à l’encontre de ces propos"

Pendant que BC025 dépose à la barre, à visage découvert, Salah Abdeslam écoute dans son box. Masque et pull noirs. Mains croisées.

Une assesseure note que la "Clio avait été retrouvée portière ouverte, comme s’il y avait précipitation. Couteau de cuisine à l’intérieur". BC025 confirme. La précipitation "comme s'il avait l'intention d'agir ailleurs"

La 1ère assesseure demande si on a recueilli le témoignage du vendeur de l'AfricaPhone ? "Oui mais je vous cacherais pas que je suis assez réservé" dit BC025 car "il disait qu'il y avait eu un seul acheteur vers 19h, qui serait Bilal Hadfi et ça colle pas". Dit-il.

L'autre assesseure, robe de magistrate rouge et pull violet fluorescent assorti à ses branches de lunettes. Elle a une collection de lunettes. Et pose une question sur le temps de voyage entre le Stade de France et la place Albert Kahn ? Environ 30 minutes.

Nicolas Braconnay, avocat général du PNAT revient sur l'appel à sa tante 1h28. Appel a priori pas anticipé par Abdeslam. "Non", confirme BC025. Ce soir-là, Abdeslam n'a pas le numéro, demande à H.Attou qui demande le numéro de la tante à Myriam Abdeslam (la soeur)

@NegarHaeri avocate de Mohammed Amri a une question sur "la chaîne d'appels de Salah Abdeslam pour se sortir du pétrin" : "l’aide de Monsieur Amri n’est en rien préétablie" ? BC025 confirme que Salah Abdeslam "cherche plusieurs solutions" pour s'enfuir après le 13 Novembre

@NoguerasXavier l'autre avocat de Mohammed Amri veut faire dire à l'enquêteur que "improvisation" dans la fuite, quand achat de la puce pour appeler à la rescousse vers 22h30. BC025 confirme encore.

@NoguerasXavier: "Vous n'avez pas de raison de mettre en doute la version de M. Amri quand il dit qu'il ne savait pas que fuite Abdeslam avant d'arriver à Paris ?" BC025, prudent : "Amri ressortissant belge, faut demander à mes collègues belges sur l'islam radical"

@NoguerasXavierpense que le terme "exfiltration" de Salah Abdeslam pas le bon puisqu'Amri ne savait pas que son ami impliqué dans les attentats

BC025 : "Moi j'emploierais le terme exfiltration"! Il dit qu'Amri savait que des attentats à Paris quand il prend la route

Me @MartinVettesavocat de Salah Abdeslam se lève. Il y a quelques jours, BC025 déjà à la barre, expliquait que les attaques avant le Bataclan : surtout pour déstabiliser services police/secours. Plusieurs cibles éparses avant le Bataclan dans ce qu'a échafaudé la cellule.Hypothèse de @MartinVettes: comme Abdeslam gare la Clio 21h59 place A.Kahn, achète sa puce et téléphone à 22h31, dans les 2 cas, après le début de l'attaque au Bataclan, en somme à quoi servirait une nouvelle attaque ? tente l'avocat dans son "monde de l'hypothèse"

BC025 : "Je vois ce que vous voulez dire, mais je me suis posé la même question sur l'intérêt de Bilal Hadfi de se faire exploser au moment où il a explosé" (dernière explosion au Stade de France, alors que l'attaque du Bataclan a commencé depuis plusieurs minutes)

BC025 qui souligne les commandos entre eux n'étaient pas reliés / sauf au " centre de commandement" de Belgique / donc Abdeslam n'avait pas le timing précis du début des attaques selon lui

Me Ronen, l'avocate de Salah Abdeslam se lève à son tour, demande si la police a testé le fonctionnement de cette Clio, S. Abdeslam ayant dit à ses amis qu'il avait eu un accident ? Un dysfonctionnement ?

BC025 dit qu'on n'a jamais expertisé le fonctionnement de la voiture. "Dans la masse, il fallait demander". "Malheureusement je n'étais pas encore saisie" répond Olivia Ronen, qui n'est devenue l'avocate de Salah Abdeslam qu'il y a quelques mois.

Au départ Salah Abdeslam avait choisi Sven Mary, avocat belge qui avait comparé l'intelligence de son client à "un cendrier vide". Puis l'avocat français @frankberton3, avec lequel il est resté silencieux durant l'enquête. Et Olivia Ronen et Martin Vettes à ce procès

Me Olivia Ronen insiste en demandant pourquoi Salah Abdeslam n'est pas rentré directement en Belgique ? Elle revient sur ce potentiel dysfonctionnement de la voiture, ce qui pourrait expliquer qu'elle était garée n'importe comment sur un passage piéton place A. Kahn

Elle demande si on voit Salah Abdeslam sortir de la Clio quand il la gare ce 13 Novembre ? "Non", car "les caméras sont tournantes" dit BC025

Et Me Olivia Ronen ironise sur l'hypothèse du PNAT il y a quelques jours. Sur le couteau de cuisine retrouvé dans la Clio. Pour "commettre un massacre" ? avait demandé un avocat général. L'avocate de Salah Abdeslam hausse les épaules.

Me Olivia Ronen, ironique : "Est-ce que ce couteau avait un dysfonctionnement ?" Elle insiste sur le fait que Salah Abdeslam a délibérément laissé ce couteau dans la voiture. Que s'il avait voulu faire un massacre avec ce couteau, il aurait pu.

Me Olivia Ronen dit aussi que le fameux gilet explosif qui dysfonctionne, Salah Abdeslam aurait pu également l'actionner avec une flamme, ce qu'a confirmé l'expert. Et d'un air triomphant, elle pense avoir démontré "qu'on peut exclure massacre dans Paris" de la part d'Abdeslam

Suspension jusqu'au prochain témoin, un enquêteur belge.

"L'audience est reprise, veuillez-vous asseoir ! Bon, on va se mettre en contact avec Bruxelles." On entend un bip bip, puis une voix de synthèse, puis quelqu'un qui grommelle et enfin "Bonjour, on vous entend très bien !"

Et l'enquêteur belge entendu démarre. Voix et ton de robot : Abdeslam Salah commence-t-il, en détachant chaque syllabe, Ab-des-lam Sa-lah, et on entend encore des bips, et des bips encore, le président Périès demande à la couper, "ça vient pas de chez nous" dit la Belgique.

"Je pense que le problème vient de votre côté" dit la Belgique, "parce qu'on l'entend dans la télé, ça vient de chez vous", et le bip revient tous les quelques mots, et entre le bip et la voix de robot de l'enquêteur, c'est dur de suivre. Et soudain la liaison coupe.

Le président Périès soupire. Depuis des mois, à ce procès, tous ces témoignages d'enquêteurs belges auront été recueillis dans des circonstances étonnantes, tournant parfois au gag, et suscitant plusieurs fois la colère des victimes.

L'enquêteur à la voix de robot a repris. Et lit mot à mot son texte. Ce qui est normalement non toléré devant une cour d'assises. Les notes sont acceptées pour s'appuyer dessus, mais pas pour les lire intégralement. Le problème s'est plusieurs fois posé à ce procès

L'enquêteur belge résume : arrivé à Bruxelles le 14 novembre 2015, Salah Abdeslam change de vêtements et va chez le coiffeur. Et achète un GSM, carte Sim et recharge.

Amri laisse sa Golf à Attou et Abdeslam Amri rentre chez lui.

"Les vé-ri-fi-ca-tions pour i-den-ti-fier le coif-feur n'ont pas été po-si-ti-ves" dit l'enquêteur, débit d'escargot, comme s'il découvrait le texte qu'il est en train de lire.

Et la liaison coupe encore. Pour la énième fois en très peu de minutes. "Atendez, on a eu encore une coupure, ça devient particulièrement compliqué" dit le président Périès qui garde son calme. Mais dur de suivre convenablement, vraiment.

Et l'enquêteur belge montre maintenant "une silhouette" censée correspondre à Abdeslam Salah. Il décrit sa tenue vestimentaire. Mais il ne prouve rien à l'écran. Car on ne voit rien d'autre qu'une tâche noire.

Le président Périès demande à régler le problème technique, parce que "c'est infernal". En effet, impossible de suivre ainsi. "Là vraiment, pffffff" dit Jean-Louis Périès.

Bruxelles croit l'avoir réglé. L'enquêteur dit des choses essentielles. Interrogatoires de Amri. Amri avait déclaré en interrogatoire que Salah Abdeslam l'avait appelé en lui disant qu'il avait un "crash" à Paris.

Puis Salah Abdeslam avait dit qu'ils étaient 10 pour les attentats. Qu'il avait renoncé à se faire exploser dans un café car "il n'y avait que des jeunes". Plus tard, il avait dit que sa ceinture avait dysfonctionné.

Et ça continue à couper, non-stop. Toutes les deux phrases. "On peut pas suivre même si on connaît le dossier" dit le président Périès. La technique essaye de résoudre ce problème très gênant sur la forme comme sur le fond.

On reprend la liaison malgré tout. Interrogatoire d'Hamza Attou : "Salah était agité." Ils l'ont déposé vers midi. Il a déclaré que Salah Abdeslam avait "parlé de la mort de son frère, et a dit qu'il fallait le ramener à Bruxelles."

Attou a aussi déclaré que Salah Abdeslam avait changé de vêtements et était allé chez le coiffeur. Se faisant raser un sourcil. Puis Ali Oulkadi est arrivé en voiture. Salah Abdeslam a ensuite visé une planque à Schaerbeek. Abdeslam qui a dit : "Ne me balance pas !"

L'enquêteur qui continue à lire mot à mot lit que Salah Abdeslam dit avoir tenu une kalachnikov le 13Novembre et laissé la carte de Brahim son frère dans la Clio garée dans le 18e arrondissement de Paris.

Et pendant que l'enquêteur parle, la salle semble assommée. Une avocate de la défense ferme les yeux. Dans le box, des accusés papotent.

Puis quelques questions sont posées à l'enquêteur belge. Dont les réponses ne font pas avancer grand-chose. En tout cas, l'enquêteur confirme que Amri savait qu'il y avait eu des attentats en partant à Paris le 13 novembre récupérer Abdeslam mais "ne pouvait faire le lien"

En tout cas l'enquêteur n'a pas la preuve. C'est ce qu'il dit à Me @NoguerasXavier l'un des avocats de Mohammed Amri.

Me @DelphineBOESEL avocate de Hamza Attou demande à l'enquêteur de dire ce que faisait son jeune client quand Abdeslam l'appelle : "Il était au quartier, il dealait" rappelle-t-elle.

Et après une dernière question de l'avocate Judith Levy avocat pour défendre Ali Oulkadi, "l'audience est levée" annonce le président Périès.

Jour 106 – Mardi 5 avril – Suite de l’audition des enquêteurs sur la fuite et la coordination des attentats depuis la Belgique

Bonjour à tous, Au procès des attentats du #13Novembe 2015, c'est aujourd'hui le 106e jour d'audience. Et l'audition d'un nouvel enquêteur belge sur la manière dont les attentats, puis la fuite des deux terroristes survivants des terrasses ont été coordonnée depuis la Belgique

L'audience débute. Connection établie avec Bruxelles. Grand écran déployé. Et apparaît à l'écran une enquêtrice belge déjà entendue à plusieurs reprises tout au long du procès. Son audition va porter sur la coordination depuis la Belgique des attentats et après.

L'enquêtrice explique ainsi que le coordinateur belge a aidé les deux survivants du commando des terrasses, Abdelhamid Abaaoud et Chakib Akrouh à trouver une planque après le 13 novembre 2015 Il va ainsi contacter Hasna Ait Boulhacen, cousine d'Abdelhamid Abaaoud.

"Au total 33 contacts sont échangés entre le 15 et le 17 novembre" entre Hasna Aït Boulhacen et le coordinateur en Belgique, explique l'enquêtrice. Ces contacts vont mener les deux survivants du commando des terrasses jusqu'à un appartement squatté par Jawad Bendaoud.

Le 14 novembre, rappelle l'enquêtrice belge, les deux survivants du commando des terrasses, Abdelhamid Abaaoud et Chakib Akrouh "n'ont pas de planque, sont en fuite et cherchent par tous les moyens une cache où se réfugier".

Ce même jour en Belgique, l'enquêtrice belge explique que le coordinateur belge (aujourd'hui mort) et deux des accusés, Mohamed Bakkali et Yassine Atar se rencontrent. "Mais Yassine Atar conteste cette rencontre".

"La première rencontre en Abdelhamid Abaaoud et Hasna Aït Boulhacen a lieu le 15 novembre à 21h35", explique l'enquêtrice. Au même moment, deux coordinateurs au téléphone en Belgique "donnent des informations pratiques pour leur permettre de se retrouver à Aubervilliers"

Le 17 novembre, l'un des membres de la cellule terroriste en Belgique effectue un virement Western Union de 750 euros, poursuit l'enquêtrice belge. Argent destiné à Hasna Aït Boulahcen, cousine d'Abdelhamid Abaaoud chargée de lui trouver un logement.

Ce logement sera donc un appartement squatté par celui qu'on a surnommé le logeur, à savoir Jawad Bendaoud. Un assaut y est mené dans la nuit du 18 novembre 2015, au cours duquel les deux survivants du commando des terrasses mais aussi Hasna Aït Boulahcen, sont tués.

Nicolas Le Bris, avocat général : "on l'impression que la journée du 14 novembre est très chargée" pour la cellule terroriste ? Enquêtrice belge : "ils se sont activés par mal pour essayer de trouver une planque qui n'était pas prévue, pour Abdelhamid Abaaoud et Chakib Akrouh"

Me Orly Rezlan, avocate de Mohamed Bakkali rappelle que le 13 novembre 2015, les deux téléphones coordonnateurs bornent à proximité de la gare du Midi à Bruxelles. Enquêtrice : "on peut penser qu'ils vont dans des endroits où il y a du monde". Pour être moins repérables.

Me Orly Rezlan : "vous avez des éléments qui vous permettent d'affirmer que Mohamed Bakkali était au courant que des attentats allaient se produire ?" Enquêtrice belge : "en tous cas, on n'a pas d'éléments prouvant qu'il était au courant de la soirée du 13 Novembre 2015"

Me Orly Rezlan : "ça vous paraît cohérent que Mohamed Bakkali n'a pas été sollicité pour apporter une aide à Abdelhamid Abaaoud, caché dans un buisson, alors qu'il est inconnu des services de police, qu'il a le permis ?" Enquêtrice belge : "je n'ai pas d'éléments à apporter"

Interrogée sur le sujet, l'enquêtrice belge reconnaît qu'alors qu'il coordonnait la fuite des terroristes survivants du 13 Novembre 2015, Ibrahim El-Bakraoui "continuait à vivre une vie normale, ne se cachait pas, avait son commerce d'électroménager. Il avait d'autres activités"

Me Lucas Chataigner, avocat de Yassine Atar souligne que les contacts que son client pouvait avoir avec Ibrahim El-Bakraoui dans cette période cruciale pour la cellule terroriste, pouvaient n'avoir rien à voir avec les attentats. Il est notamment question de la vente d'un terrain

Me Kempf : "vous ne nous avez pas parlé de Yassine Atar le 13 Novembre ?" Enquêtrice belge : "il faisait ses affaires, à gauche à droite." - or pendant des années, les contacts de Yassine Atar avec Khalid El-Bakraoui le 13 Novembre 2015 ont été des éléments à charge."

Le ton monte entre Me Raphaël Kempf "très en colère" et l'enquêtrice belge. Le président intervient : "pas sur ce ton" Me Kempf : "oui, monsieur l'instituteur" Président : "on est très limite là. Vous pourriez avoir un minimum de considération pour l'institution judiciaire."

Dans le box, Yassine Atar s'agace à son tour : "moi, ça fait 5 ans que je suis en prison pour rien !!" Son avocat tente de le calme, baisse lui-même le ton. Et poursuit ses questions à l'enquêtrice belge.

Me Kempf : "vous vous rendez compte, c'est le procès des attentats du 13 Novembre 2015, Yassine Atar encourt la perpétuité, il a passé des années à l'isolement. Et là, vous nous dites : "possiblement, il y a des rencontres ?" Enquêtrice belge : "j'ai toujours dit "possiblement"."

Fin de l'audition de l'enquêtrice belge, "c'était votre dernière audition", souligne le président en la saluant. "A demain Bruxelles pour la dernière audition".

Le président fait un point après la renonciation par les parties civiles de faire citer les témoins "l'ancien otage Didier François, le chercheur Gilles Kepel, ou des personnes impliquées dans d'autres dossiers terroristes Sonia Mejri, Mourad Fares, Samy Rettoun etc."

"On va profiter de cet après-midi pour travailler ce dossier", indique le président avant de suspendre l'audience jusqu'à demain.

Jour 107 – Mercredi 6 avril – Suite de l’audition des enquêteurs sur la fuite et Sur la cavale de Salah Abdeslam et d'autres co-accusés

Jour 107 au procès des attentats du 13 Novembre 2015 La cour va entendre des enquêteurs belges. Sur la cavale de Salah Abdeslam et d'autres co-accusés, impliqués dans les attentats de Bruxelles. On évoquera leurs interpellations. Abdeslam a été arrêté le 18 mars 2016 en Belgique

En ce jour 107, la salle d'audience est très peu remplie. Quelques parties civiles sur les bancs. Les accusés discutent dans le box. Ils sont tous là sauf Krayem. L'audience reprend sans lui, comme toujours ou presque.

Président : "Alors, on va se mettre en relation avec Bruxelles". Le bruit de bis-bips puis "Bienvenue dans la réunion", dit une voix de synthèse, "vous êtes le seul participant connecté". A chaque liaison, cela semble toujours un peu étrange, à ce procès historique

Le premier enquêteur belge entendu vient parler d'Ahmed Dahmani, l'un des six accusés jugés à ce procès en son absence. Absent car il est incarcéré en Turquie. Les 5 autres absents sont présumés morts en Syrie

Le 13 Novembre, Ahmed Dahmani réserve un voyage dans une agence, "un séjour de 8 jours dans un hôtel avec spa". Il a payé cash 400 euros. "Voulait partir rapidement". Si vite qu'il avait oublié sa carte d'identité à l'agence de voyage.

Dahmani passe sa soirée du #13Novembre au café le Time Out où se rendait souvent Salah #Abdeslam. 21h05, il arrive au bar. On voit Dahmani sur une image de vidéosurveillance. Doudoune, casquette. A 21h13, il se prend une photo, sourit. "Heure des 1ères attaques Stade de France".

L'enquêteur belge explique que ce soir-là, Dahmani rentre et sort plein de fois de ce café Time Out. Et vers 5h22, on le voit à l'aéroport d'Amsterdam, "sac en bandoulière et sorte de sac de provisions"

Puis le 14 novembre, 11h48, on le voit marcher sur vidéo à l'aéroport d'Antalya, en Turquie.

Les passeurs de Dahmani se font arrêter le 16 novembre 2015. Ahmed Dahmani se fera lui-même interpeller le même jour, à son hôtel d'Antalya.

Une assesseure de la cour a une question sur le départ de Dahmani : a-t-il organisé son départ en Syrie en ayant connaissance des attentats ? Ou une fuite sans rapport ? On apprend qu'il devait avoir un bracelet électronique posé peu après. A-t-il fui ça ?

Assesseure : "Est-ce que vous pensez que quand Dahmani quitte la Belgique précipitamment, il est au courant des attentats ?" Enquêteur : "Pour moi, oui, je pense" Mais il ne fournit pas de preuve intangible.

Assesseure : "Est-ce que vous pensez qu'il est plausible qu'il soit le seul à savoir que ça allait se dérouler cette nuit-là ?" Enquêteur : "Je pense, oui" Sans convaincre.

Nicolas Braconnay, avocat général du PNAT rappelle que Ahmed Dahmani a été condamné en Turquie (en 2016), à 8 ans et 3 mois pour "appartenance à une organisation terroriste"

Me Olivia Ronen, avocate de Salah Abdeslam note, comme l'a souligné l'avocat général : "Si Dahmani prend un vol à l'aéroport de Schiphol le 14 novembre au matin c'est qu'il ne sait pas qu'il va y avoir des attentats" le 13 Novembre dans cet aéroport d'Amsterdam ? 1/2

Me Olivia Ronen : "Sinon c'est qu'il n'y avait pas d'attentat programmé à Schiphol mais c'est autre chose"... 2/2

Me Olivia Ronen souligne que le départ d'Ahmed Dahmani est "précipité" mais "organisation bien huilée", des gens qui l'attendent en Syrie, ect.

Me Olivia Ronen : "L'idée de l'exfiltration, elle sort pas du chapeau. Vous êtes d'accord ?" L'enquêteur bafouille. L'avocate de Salah Abdeslam : "Je pense que vous pouvez être d'accord mais vous n'avez pas forcément envie de le dire" Elle sourit.

Me Olivia Ronen s'étonne que Salah Abdeslam considéré comme "le meilleur ami de Dahmani" ne le prévienne pas plus tôt qu'il faille partir s'il est au courant que des attentats le 13 Novembre

Me Olivia Ronen cherche à démontrer que : - "le mécanisme d'exfiltration était bien huilé" - "ici, exemple fort de cloisonnement, temporel et relationnel, même deux personnes qui sont très proches ne vont pas se parler de choses extrêmement graves"

Elle veut démontrer que le mécanisme d'exfiltration "qui était bien huilé" pour Dahmani, ne l'était donc pas pour Salah Abdeslam qui a appelé à la rescousse Amri et Attou dans la nuit du 13 NovembreOn passe au 2e enquêteur, qui va parler des cavales de plusieurs accusés après le 13-Novembre. C'est l'enquêteur N°441157616 En visio depuis Bruxelles. Il commence par la cavale de Mohamed Abrini.

Abrini "l'homme au chapeau" des attentats de Bruxelles a "révélé" à ce procès qu'il était "prévu" pour se faire exploser et tirer à Paris. Après son désistement, son gilet aurait été attribué à Salah Abdeslam son ami Abrini a fui la France dans la nuit du 12 au 13/11

Abrini avait fui en taxi, à la va-vite. Arrivé devant chez lui à 5h19, sans clé. Comme s'il n'avait pas prévu de rentrer en Belgique. Il rentre finalement chez lui à 13h06, explique l'enquêteur. Puis Abrini rejoint la planque de la rue Henri-Berger.

L'enquêteur N°441157616 : "A propos de son arrivée dans cette planque, Monsieur Abrini a donné plusieurs versions", arrivée le 13/11 puis le 14, puis plus tard. La bonne version ?

Abrini qui voit d'abord dans cette planque une machine à coudre, "l'objet le plus gentil parmi tous les objets qui étaient là". Il voit aussi des "boulons, un bac pour le TATP, des armes, une arme par matelas" Salah Abdeslam arrive le 14 novembre 2015 dans cette planque.

Salah Abdeslam qui aurait parlé du "dysfonctionnement" de sa ceinture explosive à un frère El Bakraoui (logisticien en chef) et N. Laachraoui (artificier) : ils font remarquer que la ceinture aurait explosé s'il avait fait "usage d'un briquet" dit l'enquêteur.

Dans cette planque, il y a aussi les co-accusés Ayari et Krayem (qui participeront aux attentats de Bruxelles le 22 mars). But de la cellule après la mort de Abaaoud (chef à Paris). La cellule change d'orientation après la mort d'Abaaoud par le RAID le 18/11/2015.

Mais c'est surtout en mars 2016 que "tout va se bousculer" pour "la cellule". Le 18 mars 2016 : arrestation de Salah Abdeslam Les enquêteurs apprennent tout ça dans un ordinateur trouvé dans un poubelle, "ordi Max Roos" devant cette autre planque, Max-Roos.

L'enquêteur parle d'un audio intitulé "Carved001884" créé entre le 13 et le 15 mars 2016. Le destinataire est Abou Ahmed, alias Oussama Atar -le commanditaire des attentats du 13 Novembre. C'est un frère El Bakraoui qui parle de "nécessité de réorganisation" de la cellule.

Les frères El Bakraoui (logisticiens) et N. Laachraoui (artificier) correspondent avec Oussama Atar (commanditaire) dans cet audio que l'on fait résonner dans la grande salle d'audience. On entend des voix nasillardes. Les mots "frères". Mais on entend très mal.

"Non, on entend rien", regrette le président Périès. "Enfin, on devine, mais mal". La Belgique tente de régler le micro pour mieux faire entendre ce document. Avant, le président a prévenu qu'il y avait un mineur dans la salle, redoutant une écoute choquante pour cet enfant.

A ce procès, c'est frappant, il y a régulièrement des enfants qui viennent assister aux débats, un cordon rouge autour du cou, cordon de parties civiles.

Et au bout du compte, on n'a toujours pas entendu l'audio, car on entend trop mal, Bruxelles tente d'envoyer ses fichiers à Paris pour que le son passe mieux. Le président Périès s'agace des bugs. Il y a quelque chose d'ubuesque cet après-midi encore

Les fichiers ont fini par arriver. La cour vient de lancer le premier. Il a duré de très longues minutes. On a entendu la voix de Najim Laachraoui, artificier du 13 Novembre, "qui a parlé à son émir Abou Ahmed" alias Oussama Atar (commanditaire, co-accusé présumé mort en Syrie)

La voix résonne dans la salle d'audience. Une voix posée, très calme, celle de Laachraoui : "Salam, je t’envoie ce message en audio pour répondre à ta question et aussi parce que pas mal de sujets dont il faut que je te parle"...

Voix de Laachraoui -précisons que Najim Laachraoui, artificier du 13 Novembre est devenu ensuite un kamikaze du 22 mars 2016 dans les attentats de Bruxelles. Laachraoui, dans son audio à Oussama Atar : "Faut que je te parle pour que tu aies une meilleure vue d’ensemble"

Laachraoui, dans son audio à Oussama Atar : "J’espère que vous allez bien tous. Que Allah vous préserve, Inch Allah ! Ici, tout se passe bien. On est préservés".

Laachraoui parle d'abord fabrication de TATP. ll évoque des dosages. Songe à en modifier certains. Demande l'avis de son émir-commanditaire. Cet audio date de mars 2016. Entre le 13 et le 15 mars, donc.

Laachraoui parle de dosages de TATP avec un ton si banal et détaché. Comme s'il parlait d'une recette de cuisine. "Une fois, tu vois, au lieu de mettre 10 ml, j’en avais mis 30, ça avait bien donné tu vois" dit-il par exemple.

Laachraoui qui dit encore à son commanditaire : "Envoie une vidéo, pour nous, c'est bien, on est là, on n'a rien à faire, on est toute la journée dans l’appart". L'une des planques. Il y en a plusieurs en Belgique.

Laachraoui artificier du 13 Novembre qui disait encore sur cet audio, mi-mars 2016 : "en dix jours on a fait plus de 100 kilos de TATP, plus de 130, en fin de semaine on en aura 200. Je pensais à une camionnette, tu mets 600 kilos et tu déchires". Sa voix est toujours calme.

Et de cette voix calme, Laachraoui demande aussi à Oussama Atar "un schéma" pour "la commande à distance". Il parle aussi de mettre quelques kilos de TATP sous des rails.

Laachraoui, artificier, dans cet audio mi-mars 2016 : "Les frères ils demandent : est-ce que tu veux qu’on travaille à long terme ou on sort tous et c’est fini ? C’est toi qui décides". Plus tard, il ajoute : "La Belgique ça reste toujours une base de repli"Laachraoui, artificier, dans cet audio mi-mars 2016 : "Les frères, ils préfèreraient se focaliser sur la France, parce que y a l'Euro, ils aimeraient annuler cet Euro, ça servira de leçon à tous ceux qui veulent s’engager dans des frappes"

Laachraoui, artificier, dans cet audio mi-mars 2016, propose de kidnapper 1 ou 2 personnes, pour la "libération" de frères comme Nemmouche ou Bakkali, "ce serait une grosse victoire". Dans son box, Bakkali baisse la tête.

Laachraoui dit qu'il ne manque pas ces cibles en Belgique, demande aussi si "des frères" peuvent travailler en France. "Travailler" c'est commettre des attentats, traduit l'enquêteur belge.

L'enquêteur lance un autre audio. Enregistré celui-ci juste après l'arrestation de Salah Abdeslam (arrêté le 18 mars 2016). Sur l'audio, Ibrahim El Bakraoui, logisticien en chef  et cette cellule terroriste. Il semble aux abois dans ses mots.

Ibrahim El Bakraoui, sur cet audio du 21 mars 2016 : "On sait plus faire quoi que ce soit ici. On est recherchés partout. Et si on s’éternise, on risque de terminer dans un cellule"

Ce 21 mars 2016 plusieurs fichiers ont été enregistrés dans l'ordinateur retrouvés dans une poubelle devant la plaque de la rue Max-Roos. Un de ces fichiers s'intitule "Avocat". Ibrahim El Bakraoui dédouane Mohamed Bakkali dans ce fichier.

On entend sa voix: "EL Bakraoui Ibrahim, en mars 2016, je parle librement, pas sous la contrainte, ni sous l'emprise de stupéfiants ni de boissons alcoolisées". Il répète cela. Et dit que Bakkali a loué voitures et planques par amitié, sans savoir pourquoi, dit-il.

Ibrahim El Bakraoui qui se présente comme Abou Souleymane et dit avoir "prêté allégeance à EI en 2014 mais dans mon cœur bien avant cela"

Ibrahim El Bakraoui qui justifie son djihad, pour se venger "des bombes qui tombent sur nos écoles", et il appelle à tuer des mécréants dans cet audio du 21 mars 2016. Le lendemain, il se fera exploser dans les attentats de Bruxelles. 22 mars 32 morts et des centaines de blessés.

Puis l'enquêteur belge montre des textes. L'un probablement adressé à Mohamed Abrini. A qui son interlocuteur dit : "Tu as déjà raté une fois l’entrée au Firdaws, ne la rate pas une deuxième fois". Firdaws : le plus haut degré du paradis.

L'enquêteur montre une lettre d'Abrini à sa mère : "Pardon de pas t’avoir dit toute la vérité (sic) sur mon départ/retour de Syrie. Quand mon petit frère est tombé martyr j'ai eu que le désir de le rejoindre. Le combat qu’il menait contre le régime était légitime, obligatoire"

Dans cette lettre d'Abrini à sa mère : "Tu dois savoir que le jihad c’est des sacrifices, pour ce qui s’est passé le 13 Novembre, c'est rien d’autre que le châtiment d'Allah .../... Ce nest que le début de leurs cauchemars, Inch Allah"

Enfin, l'enquêteur montre des courriers attribués à Salah Abdeslam sous le nom Abu Abderrahman.

Courrier attribué à Abdeslam : "la 1ère attaque, j'aurais voulu être parmi les shahid, Allah en a décidé autrement et j'ai réussi à rejoindre le reste des frères car il y avait un défaut dans ma ceinture .../... J’aimerais juste pour l'avenir être mieux équipé"

Salah Abdeslam qui écrit qu'il a voulu faire sa hijra, émigrer en Syrie, et qu'on lui a demandé de "travailler" en Europe avec "les frères"

Dans une lettre à sa petite soeur, Salah Abdeslam : "Sache que nous avons seulement terrorisé le peuple mécréant. J'ai fait ça pour Allah, c’est mon choix, mais c’est aussi le choix d’Allah car c’est lui qui décide pour toutes choses"

L'enquêteur montre aussi sur grand écran une lettre de Salah Abdeslam à sa fiancée qui l'a vu pleurer le 10 novembre 2015 : "Je te demande mes sincère excuses je t’ai quitter (sic) alors que je t’avais promis le mariage, ce n’est pas une trahison mais un choix..."

Camille Hennetier, avocate générale du PNAT se lève, note qu'avec ces courriers, "on est loin d'un engagement de dernière minute de la part de Monsieur Salah Abdeslam"

Quelques avocats de parties civiles posent des questions. Me Aurelie Coviaux note que 10 kilos de TATP ont été utilisés le 13 Novembre et "c'est effrayant" d'entendre Laachraoui parler de sa fabrication en centaines de kilos en mars 2016...On passe aux questions des avocats de la défense. Parmi eux, Me Abraham Johnson, avocat de Mohamed Bakkali note que le terme "travailler" ne veut pas forcément dire préparer des attentats ainsi que le disait le PNAT.

Me Abraham Johnson qui souligne que son client a pu être soumis à Ibrahim El Bakraoui ainsi que le logisticien des attentats du 13 Novembre l'a dit dans un audio. L'avocat dit qu'on peut croire à cette version.

Me @MeJonathanDeTa1 avocat belge sent l'embarras de l'enquêteur belge sur certaines questions pour des accusés. Me De Taye lâche "qu'il n'y aurait dû y avoir qu'un seul procès ", pas un en France, un en Belgique.

Et pendant que d'autres avocats de la défense posent des questions à l'enquêteur belge en visio qui n'a plus trop les réponses, des gendarmes français viennent de ravitailler les accusés en petites bouteilles d'eau dans le box.

@MartinVettes avocat de Salah #Abdeslam note "qu'on a pas du tout retrouvé de testaments pour le #13Novembre" Seulement avant le #22mars2016, dans l'ordinateur Max-Roos.

Me @MartinVettes, avocat de Salah #Abdeslam : "Pourquoi tous les membres de la cellule ne font pas de testament ?" Enquêteur : "Peut-être qu'ils en ont faits et qu'ils n'ont pas été retrouvés !"

Me Olivia Ronen, avocate de Salah Abdeslam revient sur les lettres que l'enquêteur a attribuées à son client. Lettres signées Abu Abderrahman. Elle ne nie pas ces lettres, mais regrette que tout n'ait pas été lu.

Et Me Ronen lit d'autres passages que l'enquêteur n'a pas lus. Des passages dans lesquels Salah Abdeslam écrit qu'il "aime trop" sa mère, et qui dit à sa petite soeur Myriam qu'il l'aime, et il lui demande : "prends soin de nos parents".

Me Ronen qui demande à l'enquêteur s'il a trouvé d'autres courriers dans lesquels on parlerait d'Abderrahman ? -"Non, dit-il. Elle : "Et on l'appelle par son prénom ?" -"Non" Elle a tout épluché minutieusement et "si, il est appelé Salah par Laachraoui"

Me Ronen note comme Me @MartinVettes que c'est le commanditaire qui aurait exigé des testaments en mars 2016. Elle conteste l'un des testaments évoqués, celui d'Abu Abderrahman alias Salah #Abdeslam "Est-ce qu'on peut considérer que c'est un testament ?" convient l'enquêteur.

Et elle lit des bouts de ce texte, démontrant qu'il ne s'agit pas tant que ça d'un testament. Me Olivia Ronen : "Monsieur l'enquêteur vous êtes bien d'accord c'est pas un testament ?" Enquêteur belge : "Non, c'est pas un testament"

Me Olivia Ronen : "Ce qui m'ennuie c'est que de ce document, on veut montrer une radicalisation antérieure, ect. Je vous remercie de votre aide monsieur l'enquêteur !"

Me @ChStPalais avocat de Yassine Atar, petit frère du commanditaire : "Je m'excuse, il est tard, on vous garde longtemps sur le grill" dit-il à l'enquêteur belge. "Je vous rassure, on dit de moi que je suis le plus gentil" de la bande !Me @ChStPalais, ton malicieux : "Je vous laisse Me  @raphkempf pour la fin, je vous préviens, gardez des forces !" Me Kempf, très pugnace face aux enquêteurs belges, qu'il réclamait à cette barre et pas en visio. La visio, souvent si décevante, lui a donné raison au fil des mois.

Et Me @ChStPalais , pour la défense de Yassine Atar, qui ne s'est pas privé d'attaquer subtilement l'enquêteur belge au passage, ironisant au passage sur le "président-instituteur". Petite référence à Me @raphkempf qui avait comparé hier le président Périès à un instit'

Le président Périès n'avait pas apprécié. Me @ChStPalais avec son accent chantant, lui rappelle que c'était son premier métier avant de devenir avocat. L'un des avocats pénalises parisiens parmi les plus brillants.

Me @raphkempf demande à l'enquêteur quelle aide Yassine Atar a apportée pour les attentats du 13 Novembre ? L'enquêteur de répondre qu'il n'y a pas de preuve de l'aide apportée. "Je vous remercie, j'en prends bonne note !" conclut Me Raphaël Kempf. Ainsi s'achève cette audience.C'était aussi la dernière visio avec un enquêteur de la police fédérale belge. Demain, la cour verra à la barre la juge belge Isabelle Panou.

Jour 108 – Jeudi 7avril – Audition de la juge d'instruction belge Isabelle Panou

Bonjour à tous, De retour au procès des attentats du 13 Novembre 2015 après une journée d'arrêt forcé pour cause de virus.

Aujourd'hui, pour la 108e journée d'audience, la juge d'instruction belge Isabelle Panou est de nouveau attendue. Elle était déjà venue témoigner de longues heures devant la cour d'assises. On était alors au 5e jour d'audience !

A tout à l'heure après ce qu'on appelle désormais la "suspension Krayem", soit la suspension nécessaire pour permettre à un huissier de constater le refus de comparaître de l'accusé Osama Krayem. L'audience débute. "Monsieur l'huissier, si vous voulez bien faire entrer le témoin", demande le président. Comme pour sa précédente audition, une chaise a été installée devant la barre pour permettre à la juge d'instruction belge de déposer assise.

La juge Isabelle Panou arrive dans la salle. "Bonjour Madame, asseyez-vous, prenez place", la salue son confrère français, le président Jean-Louis Périès. Qui note également :"il y a une grosse hilarité dans le box, je ne sais pas pourquoi".

Président : "ce procès est suivi par la presse nationale et internationale donc j'imagine que vous avez eu des échos de certaines déclarations comme monsieur Abrini qui a indiqué qu'il était prévu pour le 13 Novembre 2015 et ne faisait pas qu'accompagner"

Le président résume, à l'attention de la juge d'instruction belge, les déclarations de Mohamed Abrini qui a affirmé à l'audience qu'il pensait qu'il était prévu pour faire partie du commando des terrasses le 13 Novembre 2015.

Que vous inspire les déclarations de Mohamed Abrini ? demande Jean-Louis Périès à la juge d'instruction belge. "Un peu de vrai, beaucoup d'étonnement. S'il y a une personne que j'ai entendu longuement, c'est bien Mohamed Abrini. Mais il a le droit d'évoluer dans ses déclarations"

Juge Panou : "le but de ma venue c'est aussi pour vous livrer un peu ce que j'en pense. Une chose est certaine, c'est que quand il y a eu défection dans l'attentat du Thalys et il y en a eu une, ça a été un vent de panique. La défection n'est pas admise."

Juge Panou : "dans le dossier du Thalys, Abdelhamid Abaaoud a fait des pieds et des mains pour récupérer celui qui avait fait défection. Et là, on va laisser quelqu'un sortir en dernière minute alors qu'il y a des caches, des gens armés jusqu'aux dents ?"

Juge Panou : "pour moi, Mohamed Abrini est quelqu'un installé dans le radicalisme depuis longtemps. Il fait partie des candidats sérieux. Si on est allé le chercher c'est qu'il y avait des raisons. On est en train de parler de personnes qui font faire des attentats !"

Juge Panou au sujet de Mohamed Abrini "dès le mois de juin [2015, ndlr], on lui a confié des missions. Il y a la mission "argent Angleterre" qui pour moi était un repérage. Je sais bien qu'il la conteste et que c'est une hypothèse, mais c'est une hypothèse qu'il faut énoncer."

Juge Panou : "je ne nie pas l'impact qu'a pu avoir son frère sur lui [Mohamed Abrini, ndlr] mais quand il part en Syrie, qui il rencontre ? Abdelhamid Abaaoud. Il voulait aller sur les traces de son frère, mais son frère a combattu en Syrie ! Donc Abrini est un candidat sérieux"

Président : "alors comment interprétez-vous son départ de la cache de Bobigny le 12 novembre au soir ?" Juge Panou : "parce que c'est un être humain et ce n'est pas évident. Il a peut-être hésité mais ça ne veut pas dire qu'il n'a pas été appelé à la cause".

Le président rappelle qu'à la différence de Mohamed Abrini, Salah Abdeslam, lui "a gardé le silence sur les jours qui ont précédé le 13 Novembre " "Mais il a pu dire qu'il aurait renoncé à déclencher sa ceinture et qu'il l'a abandonnée en ôtant la pile et le bouton poussoir"

"Magie de la cour d'assises. Etonnant", sourit la juge Panou. "Le radicalisme de Salah Abdeslam est ancien et ancré. Ça va monter en puissance. On a regardé des vidéos [de Daech, ndlr] en boucle et on discutait avec Abdelhamid Abaaoud en Syrie. On discutait de quoi à votre avis ?"

Juge Panou : "Brahim Abdeslam est parti en Syrie et tout le monde le savait. Qu'on ne vienne pas me dire le contraire. Et le fait, pour Salah Abdeslam, d'aller conduire son frère à l'aéroport, est un acte de participation, au moins au regard de la loi belge."

Juge Panou : "le déplacement de Salah Abdeslam à Patras ..." Le président : "il dit que c'était pour des vacances" - écoutez, moi je suis d'origine grecque, j'irai ailleurs qu'à Patras. Qu'on soit un peu sérieux ! C'est un point de passage [depuis la Turquie, ndlr]

Dans le box, plusieurs accusés s'agitent face aux déclarations très à charge de la juge d'instruction belge, Isabelle Panou. Mohamed Abrini échange quelques mots avec son avocate. Imperturbable, la juge Panou continue de dérouler son raisonnement.

Le président évoque maintenant les déclarations à l'audience de Farid Kharkhach qui "a dit qu'on avait fait pression sur lui, en utilisant notamment son épouse et que son avocate l'aurait giflé devant vous sans que vous interveniez" Juge Panou : "c'est un étonnant scénario"

Juge Panou : "monsieur Kharkhach a dû comparaître 7 ou 8 fois [devant la chambre du conseil, ndlr]. Et son nouvel avocat n'aurait rien dit ? Etonnant quand même. Son audition aurait été alors frappée de nullité, c'est du pénal ! C'est même une cause de récusation."

Première assesseure : "il a beaucoup été question que le café des Béguines, tenu par les frères Abdeslam était un repère de vente de stupéfiants ..." Juge Panou : "c'est une évidence mais je ne pense pas qu'on était au centre d'un trafic international entre Bogota et Bruxelles"

"Ce café était certainement un endroit où il y avait un commerce de stupéfiants. Hélas comme dans beaucoup d'endroits dans le coin. C'est un peu la problématique, "poursuit le juge Panou au sujet du café des Béguines des frères Abdeslam en particulier et de Molenbeek en général.

Interrogée sur les activités de Brahim Abdeslam en juillet 2015, la juge Panou indique "l'été 2015 est un été extrêmement chaud dans la préparation des attentats. Donc oui, en juillet 2015, Brahim Abdeslam est dedans. Pour moi, il y est même depuis son retour de Syrie en février"

La 1ere assesseure interroge la juge Panou au sujet d'un 2e ordinateur abandonné par la cellule terroriste mais jamais retrouvé. Juge Panou : "il manquait des touches donc les éboueurs l'ont mis à la benne. Tout le monde a fouillé pour le retrouver Ils ont fait les poubelles."

Juge Panou : "est-ce qu'il est possible de se procurer des armes à Bruxelles ? Oui. Comme à Paris, à Dublin ou à Anvers. Mais de là à se dire qu'on s'en procure facilement ... bah, si on paie, on trouve. Mais c'est la même problématique que pour toutes les villes d'Europe."

Juge Panou : "... mais ne me demandez pas de vous détailler la législation sur les armes. C'est tellement compliqué. C'est une histoire belge." La cour sourit.

Interrogée sur l'hypothèse d'un testament de Salah Abdeslam qui n'aurait pas été retrouvé par les enquêteurs, la juge Panou reconnaît : "lorsqu'on a interpellé Salah Abdeslam, quelque chose qui est tombé. Et on l'a cherché ! On a fait les poubelles et les rues !"

Nicolas Braconnay, avocat général : "hier soir, l'enquêteur a indiqué que l'enquête n'avait pas permis d'objectiver une aide apportée par Yassine Atar à Ibrahim El-Bakraoui. Peut-être que la qualité de la défense de Yassine Atar et l'heure tardive ont joué, mais cela a été dit"

Juge Panou : "s'il n'y avait pas d'indices, il aurait été en liberté. Je n'ai pas l'habitude de maintenir en détention des personnes contre lesquelles il n'y a plus d'indices. C'est plus difficile pour un juge de placer quelqu'un sous mandat d'arrêt que de le remettre en liberté"

Juge Panou :"je le dis avec gentillesse, je trouve que la défense de Yassine Atar fait avec beaucoup d'habileté une forme de séquençage des données. On les analyse une par une et on les démonte. Il faut étudier les rencontres dans leur globalité. C'est là qu'on se rend compte."

Juge Panou au sujet d'une des rencontres jugées suspectes : "on va me dire : "on discutait". Vous croyez sérieusement qu'après le rapatriement des trois du Bataclan dans une planque, on va discuter de la pluie et du beau temps ?"

La juge Panou évoque encore l'audio d'Ibrahim El-Bakraoui, "il est enregistré à la veille des attentats de Bruxelles. Ces gens vont frapper la Belgique, exploser un aéroport, un métro, ils vont mourir. Et il pense à quoi ? A remercier Yassine Atar !"

Juge Panou : "Yassin Atar a des contacts avec les "Kamikazes Riders". Il me dit qu'il a parlé moto. Mais on parle moto avec le club communal ! Pas avec les "Kamikazes Riders" ! Ils sont ultra radicalisés et pas plus bikers que moi."

Fin des questions du parquet antiterroriste, le président annonce "une petite pause". "On reprend à 15h".

Reprise de l'audience et de l'audition de la juge Isabelle Panou. "Est-ce que je peux vous interrompre, monsieur le président ? Il est évident que se pose la question de ma mémoire du dossier. Je ne l'ai plus instruit depuis des années. Et la nature mérite des réponses précises"

Juge Panou : "donc si une question me pose difficulté, je répondrai : "je vais y réfléchir et je reviendrai" Clameur sur les bancs de la défense. "J'ai sorti mon carnet, mes notes et mon bic [stylo en Belgique, ndlr]" Rappelons qu'Isabelle Panou en est déjà à sa 2e audition.

Me Topaloff (parties civiles) interroge la juge Panou sur le désistement (ou pas) de Salah Abdeslam. "Il a actionné ou pas actionné, l'acte de participation est là. Il est avec une ceinture explosive en plein cœur de Paris. C'est une réponse que lui seul sait."

La juge Panou a sujet de la présence de Mohamed Abrini dans le convoi des terroristes jusqu'à Paris : "faire 300 km avec 3 voitures, des explosifs, des armes. C'est quand même des risques inconsidérés qu'Abrini prend pour dire aurevoir à quelqu'un à qui il a déjà dit au revoir!"

Me Topaloff : "vous pensez que Mohamed Abrini a pu fuir [le 12 novembre, ndlr] sans qu'Abdeslam soit au courant" Juge Panou : "je sais qu'on reproche souvent aux juges d'instructions d'être à charge, mais là je préfère m'avancer prudemment. Je ne veux pas faire d'interprétation."

Juge Panou : "il y a toujours deux choses très délicates : parler d'un mort et charger les morts. Donc parler de Brahim Abdeslam est délicat. Mais ce qui est certain c'est que les destins des deux frères sont liés. Ils sont allés sur des scènes de crimes ensemble"

Interrogée sur le fait qu'elle n'a pas entendu Mohamed Bakkali pendant plusieurs mois au cours de l'instruction la juge Panou indique : "il a fait valoir 3 fois son droit au silence. Je n'ai pas de souci avec le droit au silence. C'est extrêmement frustrant, mais c'est un droit."

Me Chemla (PC) : "Mohamed Bakkali, quand on dit qu'il a "travaillé" ce n'est pas à la vente d’électroménager ?" Juge Panou : "je ne pense pas. Si vous faites référence aux audios, le terme "travailler" désigne la fabrication d'explosifs etc. en tous cas des activités illégales"

Juge Panou : "la liberté d'expression d'un avocat est un droit fondamental. J'ai été avocate. Et c'est absolu. Mais on veut me dire quoi ? Que Mohamed Bakkali a été oublié dans une cellule et qu'il n'a plus voulu me parler ? Mais pourquoi il ne me l'a pas dit à la 1ere audition ?"

Me Lévy (défense) : "on vous soumet les déclarations des accusés, cet exercice m'apparaît inédit, je le comprends pas. J'ai l'impression d'avoir assisté à une distribution de bons et mauvais points, que vous nous avez donné vos sentiments et vos convictions parfois très fortes"

Me Lefrancq (défense) : "je vous ai écoutée attentivement et on a chacun pu constater comment ce dossier vous habite. Et quand on instruit seule un tel dossier, la pression, on peut la comprendre. Lors des interrogatoires que vous avez pu mener, il vous fallait des réponses."

Me Lefrancq : "aujourd'hui, Farid Kharkhach souhaite dire quelques mots en présence de madame Panou. Nous vous demandons, monsieur le président, que monsieur Kharkhach puisse avoir quelques mots, n'ayez pas d'inquiétude, il ne sera pas véhément. Il ne sera pas long non plus".

Président : "monsieur Kharkhach, levez vous" Farid Kharkhach : "j'aimerais vous parler en présence de Mme Panou. J'aimerais dire que je n'en veux qu'à moi-même dans cette histoire, à personne d'autres. Mais pourquoi Mme Panou m'a ramenée une avocate qui a été 2 fois en prison?"

Farid Kharkhach, très ému : "pourquoi Mme Panou m'a ramené ma femme qui venait d'accoucher avec les menottes devant moi ? Ma femme qui allaitait encore ma fille, qui pleurait parce qu'elle avait du lait qui sortait de sa poitrine. J'étais prêt à avouer tout ce qu'elle voulait"

Farid Kharkhach : "Mme Panou a libéré ma femme et elle m'a dit : "je verrais pour votre libération le lundi". Cela fait 5 ans que je pourris en prison. Et ce jour-là, Mme Panou, je vous ai cru. Pourquoi il n'y avait pas d'interprète alors que je parlais mal français à l’époque ?"

Farid Kharkhach : "je ne suis pas en train de remettre en cause le travail de Mme Panou. C'est juste mon ressenti : on m'a menti. On m’a demandé de collaborer, de dire le mot radical, et je ne savais même pas ce que ça voulait dire. Il y avait une telle pression, je comprends"

La juge Panou répond à l'accusé : "vidéo, en Belgique, il n'y en a pas. Dans les cabinets des juges d'instruction, il n'y en a pas. J'ai prêté serment en 1995 de respecter le roi, la loi et le peuple belge. Et je les respecte. Il n'y a pas de vidéo."

Juge Panou : "j'ai estimé que le niveau de français de monsieur Kharkhach était suffisant. Il dit que non. Soit."

Juge Panou : Ensuite, si un magistrat se met à faire subir des pressions pour obtenir des aveux, cela veut dire que je n'ai plus mon libre-arbitre. Ses avocats pouvaient exercer un contrôle de la légalité de l'instruction. Et cela n'a pas été fait".

Me Martin Vettes, avocat de Salah Abdeslam se lève : "vous n'avez pas assisté à un seul jour d'audience, ici ?" Juge Panou : "je ne peux pas" - on vous a demandé de réagir sur ce qui s'était dit à cette audience, repris par bribes par le président. L'exercice est périlleux."

Me Vettes : "je vais vous donner mon sentiment. J'ai le sentiment d'un retour vers le futur, l'impression que nous sommes simplement bloqués au 14 septembre 2021. Je regrette que vous ne soyez pas venue à cette audience, vous auriez vu les failles de l'enquête belge"

Me Vettes : "je regrette que vous ne soyez pas venue à cette audience ces 7 derniers mois car je suis absolument convaincu que si vous étiez venue, vous seriez présente aujourd'hui à cette barre avec un tout petit peu plus d'humilité." Juge Panou : "je n'en prends pas ombrage."

Juge Panou : "moi j'ai tourné la page du terrorisme, je n'ai donc pas suivi cette audience. Et je vous rappelle que j'ai un métier. S'il y a des failles dans l'instruction, je m'en doute. Si elles étaient si béantes, je m'étonne qu'on ne me les ai pas signalées en 5 ans."

Me Kempf rappelle qu'à la demande de Yassine Atar des milliers de SMS ont été versés au dossier. "Quelqu'un qui expose sa vie de manière aussi transparente est dans la dissimulation comme vous l'avez dit ?" Juge Panou : "je pense. La dissimulation a plusieurs aspects"

Dans le box, Yassine Atar s'agite, s'exprime à voix haute. Son propre avocat s'agace. Me Krempf : "monsieur Atar, s'il vous plait".

Juge Panou : "je suis ici en tant que témoin. Je souhaiterais que le ton diminue. Je pense que je le mérite. Nous sommes tous fatigués. Monsieur l'avocat, vous pouvez me reprocher un certain nombre de choses mais vous pouvez le faire avec élégance et cordialité"

Me Kempf baisse le ton mais poursuit : "vous dites qu'il y a des contacts entre Yassine Atar et Jean-Louis Denis [condamné pour terrorisme, ndlr]. Sur les milliers de pages Facebook, il n'y a aucun message, aucun like". Juge Panou : "peut-être pas contact, mais ils sont amis."

Le face à face entre Me Raphaël Kempf, avocat de Yassine Atar et la juge d'instruction belge Isabelle Panou se poursuit. Il est question de points très techniques, notamment des données brutes du téléphone de Yassine Atar en juillet 2015. Tous deux se défendent pied à pied.

Me Saint-Palais, autre avocat de Yassine Atar : "l'exercice auquel nous vous demandons de vous livrer est assez difficile, mais j'ai eu l'impression que vous vous y livriez sans réel déplaisir" Juge Panou : "c'est vous qui le dites. J'adore Paris, mais à part ça ..."

Me Saint-Palais : "qu'est-ce que Yassine Atar encourait comme peine en Belgique, où il était mis en examen des mêmes faits ?" Juge Panou : "ce n'est pas moi qui qualifie, c'est le ministère public. IL faudrait que je relise ce qu'on a retenu ou pas à l'encontre de Yassine Atar".

Me Saint-Palais : Yassine Atar se caractérise par la dissimulation ? Juge Panou : Je pense qu'il y a une partie de dissimulation sur la religion. Mais c'est mon opinion. J'ai ce sentiment-là. Il est évolutif par rapport à Oussama Atar [son frère, commanditaire des attentats, ndlr]

Me Saint-Palais : "vous avez été avocat, vous savez comment on pense. Vous disiez, vous séquencez tout mais il faut prendre de la hauteur. Bon moi, je n'ai pas réussi le concours de la magistrature ..." Juge Panou : "ça c'est votre interprétation de mes propos"

Me Saint-Palais : "à part être présent, qu'est-ce que vous reprochez à Yassine Atar en terme d'action ?" Juge Panou : "vous appelez ça action, moi je dis "actes de participation", comme c'est inscrit dans le code pénal belge. - oui, nous aussi nous avons un code pénal

Juge Panou : "il y a par exemple conduire Ibrahim El-Bakraoui ..." Me Saint-Palais : "qui vous a dit conduire ?" - conduire, vous savez ce que c'est - c'est la même chose en France et en Belgique - se mettre dans une voiture avec quelqu'un ... Le président : "accompagner"

Me Violleau : "bonjour, madame le juge. Je vous entends soupirer, vous voulez ....?" Juge Panou : "simplement, j'avais compris que mon témoignage durerait deux ou trois heures. Comme vous savez, je n'habite pas ici. Et je dois être demain au tribunal. Mais l'enjeu est important"

Me Violleau : "vous avez dit plein de choses sur Mohamed Abrini qui pourrait remettre en cause son attitude depuis le début de cette audience et cette "marche vers la vérité" que vous avez évoquée". Juge Panou : "j'ai dit qu'il y avait une partie de vérité" - merci Mme le juge.

Me Orly Rezlan : "des témoins ou les accusés, tous se sont plaints des conditions dans lesquelles ils ont été interrogés. Certains avocats ont porté plainte. Pourquoi n'avez-vous pas demandé à vos enquêteurs de filmer les auditions ?" Juge Panou : "en Belgique, on ne filme pas."

Juge Panou : "c'est très étonnant. Je ne dis pas que tout se fait pas calmement. Mais où sont les plaintes alors ? Mais je suis étonnée qu'on me dise : "pourquoi on ne filme pas ?" Parce qu'en Belgique, on ne filme pas !"

Juge Panou : "s'il y a véritablement un problème dans une audition, j'attends d'un avocat qu'il agisse. Je n'ai vu aucune plainte à la police. Et s'ils n'aiment pas la police, alors qu'ils aillent chez le procureur du roi. C'est très simple, c'est une plainte."

Me Orly Rezlan (défense) : "dans une affaire aussi grave que celle-là, nous savons tous que les conditions de recueil sont fondamentales dans la vérité qui s'installe. Vous savez bien que dans une enquête pénale, ce qui compte, ce sont les premières auditions."

Me de Taye, avocat belge se lève pour "quelques observations car j'ai croisé les regards de mes confrères qui m'appelaient presque à l'aide". Il rappelle que les personnes poursuivies en Belgique dans le volet belge des attentats du 13 Novembre encourent 5 ou 10 ans de détention.

"Il n'y a plus de questions, sourit le président. Merci Madame Panou, vous êtes libre. Vous pouvez vous levez. Et on va se lever nous aussi pour faire une suspension avant l'enquêteur qu'on doit encore entendre".

L'audience reprend pour l'audition, par visioconférence de l'enquêteur SDAT 135, cité par les avocats de Mohamed Amri. "Je vais vous donner tout de suite la parole" indique d'ailleurs le président à Mes Haeri et Nogueras.

"Bonjour monsieur, ou madame, je ne sais pas", lance le président à l'ombre qui apparaît à l'écran, comme c'est le cas lors des auditions d'enquêteurs de la SDAT. "Bonjour", fait la voix à l'écran. "Ah monsieur, alors".

Me Nogueras, avocat de Mohamed Amri fait projeter à l'écran des photos retrouvées dans "les supports" (téléphone, ordinateur, tablette etc.). Certaines photos sont à connotation djihadistes, comme par exemple, des femmes en burqas arborant des kalachnikovs.

Me Nogueras : "on a sept photos qui peuvent laisser penser que ça provient d'une personne qui s'intéresse à la matière terroriste". L'avocat de Mohamed Amri souligne "les métadonnées" de ces photos : "selon vous, ce sont des photos de tailles réduites ou lourdes ?"

L'enquêteur de la SDAT précise qu'il s'agit de photo de taille réduite, rappelant que "dans les téléphones, les photos sont souvent compressées". Il précise par ailleurs que ces photos proviennent d'un agrégateur de contenu en fonction de thèmes présélectionnés.

Le président souligne que les photos litigieuses sont indiquées comme "modifiées à certaines dates" : "ça veut dire quoi ?" Enquêteur : "je l'interprète comme le fait que le visionnage des photos s'est fait à ces dates. Mais je ne peux pas vous en dire plus".

Me Nogueras rappelle que selon le poids des photos, il s'agit "de photos miniatures". "Pourquoi vous n'indiquez pas dans votre procès-verbal que ce sont des photos miniatures qui ne peuvent pas avoir été téléchargées?" Enquêteur : "pour moi ces fichiers ont été a minima visionnés"

Nicolas Braconnay, avocate général indique qu'"il suffit de rechercher une image sur Google, je viens de le faire. Et une image de presse, cela correspond à ce poids-là".

Fin de l'audition de l'enquêteur de la SDAT et de cette 108e journée d'audience. Reprise demain à 12h30 avec un nouvel enquêteur antiterroriste mais aussi la témoin qui a permis l'interpellation d'Abdelhamid Abaaoud avant qu'il ne commette un nouvel attentat.

Jour 109 – Vendredi 8 avril – Audition d’un policier antiterroriste et du témoin qui a dénoncé Abaaoud

Jour 109 au procès du 13Novembre.

A 15h30 est attendue la témoin qui avait dénoncé Abaaoud, après l'avoir identifié devant le buisson où il se cachait durant sa cavale. Elle s'était confiée à France Inter.

L'audience reprend. Jour 109. Comme presque toujours, sans l'accusé Krayem. La cour appelle le 1er témoin du jour, un policier antiterroriste, SDAT 99. Il est à la barre. On déplie le grand écran.

SDAT 99 vient raconter comment "une centaine d'heures après les attentats", la police a lancé "une traque sans précédent" le 16 novembre 2015 contre Hasna Aït Boulahcen, la cousine d'Abdelhamid Abaaoud.

Juste après les attentats du 13 Novembre, les policiers savent qu'il y a un auteur en fuite. Puis ils se rendent compte qu'il y a plusieurs terroristes en fuite. Il y a Abaaoud et Akrouh, du commando des terrasses. Au départ, les policiers n'ont pas les identités.

Le 14 novembre 2015, ils retrouvent la Seat louée le 9/11/15 par Brahim Abdeslam. "Nous savons qu'il s'agit du frère de Salah Abdeslam alors en fuite". La Seat louée était équipée d'un tracker. C'est grâce au tracker que la police belge dit aux Français où la Seat est garée.

"Sur la banquette arrière, on retrouve 3 fusils d'assaut, 81 cartouches non percutés, des chargeurs scotchés, trois couteaux de boucher avec une lame de 17 cm, équipés de fourreaux artisanaux". On voit les couteaux sur grand écran. Glaçant.

SDAT 99 : "Il y a donc au nombre de fusils mitrailleurs dans la voiture, des terroristes en fuite". Car dans la Seat, Brahim Abdeslam s'était fait exploser, mais ensuite, les policiers remontent les images vidéos qui montrent 3 tireurs sur les terrasses.

SDAT 99 explique que le 14 novembre, l'attention médiatique est surtout portée sur Salah Abdeslam dont l'identité est révélée. On sait qu'il est en fuite.

Puis le 16 novembre 2015, la police reçoit "le 2473e appel sur la ligne verte qui vise à recueillir les déclarations du public. Cet appel est passé par madame Soraya M. Son propos est confus", raconte SDAT 99. "Il retient notre attention".

SDAT 99 : "Elle dit héberger chez elle Hasna Aït Boulahcen qui aurait eu un rendez-vous avec son cousin". Elle dit que Hasna cherche une planque pour son cousin Abaaoud. La témoin dit aussi qu'elle "a appris que Salah Abdeslam serait arrivé en Syrie "

SDAT 99 : "Son témoignage nous semble crucial. Nous la convoquons pour une audition à 18h30", le 16/11/15. Elle raconte aux policiers que le 15 novembre au soir, Hasna Aït Boulahcen retrouve son cousin, "elle va lui sauter au cou en disant Hamid, tu es vivant !"

SDAT 99 : "La témoin raconte qu'il va réclamer 2 costumes à sa cousine, pour bien passer". La témoin dit que Abaaoud ce soir-là est avec "des chaussures orange, un bob couleur crème, un bombers, cheveux mi-longs bouclés, elle nous dit qu'il ressemble à un Roumain"

SDAT 99 explique que la témoin assure que Abaaoud veut faire des nouveaux attentats pendant les fêtes fin d’année. Il voudrait viser "les écoles, les transports et les quartiers juifs. Les informations communiquées nous semblent solides".

SDAT 99 : "On pense à deux scenarii. 1/Abaaoud en France, ce serait un cataclysme sans précédent que la cible numéro 1 des services de renseignement en France... 2/Possibilité d’un piège EI nous faisant miroiter la présence d’Abaaoud pour nous attirer dans un guet- apens"

SDAT 99 explique que la police vérifie très vite l'identité de Hasna Aït Boulahcen. "Elle est née en 89 et nous vérifions que c'est bien la cousine d'Abdelhamid Abaaoud. Leurs mères respectives sont sœurs"

SDAT 99 : "On trouve une trace d’elle, une plainte pour un viol dont elle a été victime. Ses proches parlent d'une radicalisation récente lors de séjours au Maroc. Instabilité psychologique"

SDAT 99 : "Une course contre la montre sans précédent s’engage" 14 lignes téléphoniques sont mises sur écoute.

Le 17 novembre 2015 à 17h, nouvel appel de la témoin. Elle dit à la police que Abaaoud est toujours à Aubervilliers. Qu'il se trouverait désormais avec Salah Abdeslam et qu'un attentat serait prévu le 19 novembre à La Défense

Les écoutes téléphoniques permettent de constater que le 17 novembre, Hasna Aït Boulahcen "est en contact tout l'après-midi avec un correspondant, accent belge prononcé, identité inconnue, il lui dit d'aller récupérer un Western Union"

Au téléphone, le correspondant belge lui dit aussi de se débarrasser de son téléphone, d'en acheter un autre, mais "elle est désordonnée", explique SDAT 99. Elle cherche surtout un VTC pour emmener son cousin de son buisson jusqu'à une planque à St Denis.

Dans la planque trouvée, un squat, crainte qu'il puisse "accueillir jusque 90 djhadistes. C'est dans ces conditions que nous voyons arriver le trio", descendant d'un VTC le soir du 17 novembre 2015.

Le trio : Abdelhamid Abaaoud et Chakib Akrouh, du commando des terrasses et Hasna Aït Boulahcen qui les accompagne. Elle a payé le VTC 20 euros. La police a filé le trio sans intervenir au buisson. Trop de risques explique SDAT 99 à la barre.

SDAT 99 : "Nous savons que nous avons à faire face à des combattants qui ont assassiné 39 personnes en douze minutes à l’arme lourde dans les rues de Paris"

SDAT 99 explique qu'une fois cerné dans la planque de St Denis, le RAID est intervenu à l'aube du 18 novembre 2015. Début de l'assaut à 4h20 du matin. "Feu nourri, on nous annonce des hommes fuyant par le toit, des canalisations tombent, huit heures d'intervention"

SDAT 99 projette des images de la fin de l'assaut. Trous dans les murs. Décombres. Il montre un bout de trottoir sur lequel on a retrouvé "un scalpel humain et des écrous", et dans une cour extérieure, "un pied".

Puis il projette des diapositives de la planque dévastée. Au milieu des débris, on voit des jambes. "Un corps en un seul morceau, cet individu est bel et bien Abdelhamid Abaaoud, identifié le 19 novembre 2015", dit SDAT 99.

SDAT 99 explique qu'est aussi retrouvé "le corps intact d'Hasna Aït Boulahcen, tuée par asphyxie sous les débris"

SDAT 99 évoque "dans le fond de l'appartement, une jambe, un bras, une oreille. Tous les fragments de corps sont ceux de Chakib Akrouh", le terroriste du 13 Novembre qui sera identifié en dernier.

Dans les débris, on voit aussi la dépouille d'un chien. C'était Diesel, le chien du RAID, mort dans cet assaut de plusieurs heures, record de balles tirées dans un assaut de la police.

A l'image, SDAT montre aussi une photo d'une basket orange. Les baskets d'Abaaoud. Son ADN trouvé dessus. Puis on voit Abaaoud encore vivant, sur d'autres images captées dans le métro, le soir du 13 Novembre 2015, ligne 9, station Croix-de-Chavaux vers 22h.

Abaaoud marche alors tranquille avec Akrouh derrière lui. Puis on les voit sortir, station Nation, 22h14. Abaaoud est en haut de l'escalator, téléphone à la main, et ses baskets orange aux pieds.

Le bornage téléphonique ne permet pas de reconstituer tout l'itinéraire de Abaaoud, du métro au buisson, ce buisson que le procureur François Molins avait baptisé "le buisson conspiratif"

SDAT 99 explique que dans le buisson, dont il montre des photos, les policiers avaient ensuite retrouvé des restes de barres chocolatées et des canettes, et les ADN de Abaaoud et Akrouh.

SDAT 99 qui livre avec brio son analyse sur ce qui semble ne pas s'être déroulé comme prévu le 13 Novembre, car difficile d'expliquer que "Abaaoud, ennemi numéro 1 qui a organisé les attentats, traversé l'Europe, se retrouve dans un buisson, obligé de faire appel à sa cousine".

SDAT 99 pense que dans les imprévus le 13 Novembre 2015, il y a : -"l'arrivée tardive du commando du Stade de France -la fuite voire la défection évetuelle de Salah Abdeslam et qui va ne regagner la planque H.Berger le lendemain" en Belgique

SDAT 99 note que Abaaoud "ne peut pas être au courant de cette défection, car quand Salah Abdeslam achète un téléphone rue Doudeauville, il appelle le seul numéro qu’il connaît par cœur, celui de son ami Amri". Il ne connaît pas denuméro belge dédiés à la cellule.

SDAT 99 pense qu'il y avait 5 groupes prévus le soir du 13 novembre Ce qui ressort de l'ordinateur trouvé dans une poubelle. L'un de ces groupes, le "groupe Schiphol" (accusés Ayari/Krayem) semble ne pas avoir agi comme prévu. Aller simple à Schiphol le 13/11 et pas d'attaques.SDAT pense que le commando des terrasses parisiennes, dont Abaaoud est le chef, a pu apprendre "en plein périple meurtrier que quelque chose ne s'est pas passé comme prévu à Schiphol et le duo arrête plus tôt que prévu ?"

Ainsi SDAT 99 trouve une explication au fait qu'après le massacre des terrasses, Abaaoud abandonne soudainement la Seat à Montreuil avec des kalachnikovs et 81 cartouches non percutées et des couteaux tout neufs. Cela lui semble précipité et étrange comme abandon.

Et après "le duo improvise". Abaaoud et Akrouh ne sont plus que 2, Brahim Abdeslam s'étant fait exploser au Comptoir Voltaire.

SDAT 99 : Après l'abandon de la SEAT, "le duo improvise, Abaaoud va appeler 8 fois la cellule belge en 40 minutes, et se retrouver dans un buisson crasseux pendant 4 jours, y avait pas de plan B"

SDAT 99 : "On peut imaginer que le duo ait précipité la fin de périple, abandonné le véhicule en attendant une exfiltration"

Me Seban, avocat de parties civiles, demande pourquoi Brahim Abdeslam se fait exploser et Abaaoud et Akrouh continuent jusqu'à échouer dans ce buisson à Aubervilliers.

SDAT 99 n'a pas la réponse mais pense que "Brahim Abdeslam n'a pas la même valeur que Abaaoud et Akrouh. Abaaoud et Akrouh sont des combattants aguerris. Abaaoud organisateur avait un autre destin". SDAT 99 pense qu'Abaaoud avait d'autres cibles après les terrasses.

"La Défense était une cible", confirme SDAT 99. Des recherches sur le quartier de La Défense retrouvées dans l'ordinateur retrouvé dans la poubelle rue Max-Roos en Belgique.

SDAT 99 : "Cette cellule terroriste avait pour but de mener une campagne d’attentats séquencés. Ils étaient extrêmement patients, déterminés. Cette cellule était là pour agir sur le long terme".

Et à la barre depuis plus de deux heures, SDAT 99 démontre une connaissance parfaite de l'enquête. Il est extrêmement précis. Brillant. Ce qui tranche avec les témoignages très flous d'un certain nombre d'enquêteurs belges.

SDAT 99 qui agace l'avocat de Sofien Ayari, sur les bancs de la défense. Me Maallaoui ne voit pas la preuve que son client "combattant de haute valeur" comme le dit SDAT 99. Le commissaire à la barre conseille à l'avocat de lire Dabiq.

Me Maallaoui insiste, persiste dans ses questions. Et SDAT 99 dans ses réponses, et le commissaire finit par lâcher "j'ai rien de plus à vous offrir mec, euh, pardon, maître".

Me Maallaoui qui ironise sur le concours de commissaire "bien plus dur que l'ENM !" l'école nationale de la magistrature. Le président Périès, scotché : "Ah je l'avais pas vue venir, celle-là !"

Et l'audience est suspendue en attendant l'arrivée de la témoin qui a dénoncé Abaaoud. Elle ne sera pas présente à la barre mais derrière un paravent, voix déformée par un brouilleur.

L'audience reprend, la cour établit une communication, "Vous avez bien vérifié que notre témoin qui témoignera de manière anonyme est bien Sonia ?" Le président donne le prénom qu'elle s'était choisie. Et on la voit apparaître : une ombre derrière un paravent, voix masquée.

Nous continuerons à l'appeler ici Sonia. Le prénom qu'elle s'était choisie pour rester anonyme. Sonia est donc face à la cour une ombre sur grand écran. Président : "Votre âge ?" Sonia : "48 ans" -"Profession ?" Sonia : "Agent". Et elle donne une adresse de la PJ.

Ses premiers mots sont ses "condoléances" pour toutes les victimes. Et elle commence à raconter son incroyable histoire. "J'hébergeais chez moi Hasna Aït Boulahcen. Je ne savais pas qu'elle avait de la famille radicalisée"

Le soir du 13 Novembre, Sonia est avec Hasna devant la télé, "on regardait le match comme tout citoyen". Les attentats surviennent. Sonia dit tout de suite "c'est pas normal"

Deux jours plus tard, Hasna reçoit un coup de téléphone, "elle était surexcitée", Hasna dit qu'il faut aller chercher dehors "un petit cousin qui dort dehors". Sonia s'inquiète et prévient que "s'il a fait quelque chose de mal", elle le dira.

Et Sonia raconte ce 15 novembre 2015 au soir, quand elle accompagne Hasna Aït Boulahcen et se retrouve devant un buisson. Elle voit sortir de ce buisson Abaaoud. "Ce qui m’a choqué, c’était ses chaussures, je me suis dit pourquoi il a des chaussures orange ?"

Sonia raconte son face-à-face avec Abaaoud, devant un talus au pied de l'A86 à Aubervilliers, alors qu'Hasna Aït Boulahcen vient de sauter au cou de son cousin. Sonia est à côté d'eux : "Il m’a serré la main, jusqu'à aujourd'hui, je le regrette".

Sonia face à Abaaoud, le 15 novembre 2015 : "Il m’a donné son identité. Il m’a dit les terrasses, c’est moi. Je me suis figée, écœurée. Je l’ai trouvé inhumain. Il avait un regard froid et vide".

Sonia voudrait qu'Hasna appelle la police, mais Hasna Aït Boulahcen ne le fera pas. "On a attendu des heures que Hasna parte et j’ai vu le numéro vert" de la police. C'est le 16 novembre 2015 que Sonia téléphone. Et dénonce Abaaoud.

Sonia : "Je ne voulais pas aller au commissariat à côté de chez moi". Elle appelle donc. Au bout du fil, la police a du mal à la croire. On lui dit qu'on va la rappeler. Ça prend des heures. A la fin, "c'est la SDAT ou la DGSI". On la convoque.

Sonia amasse des informations, en faisant parler Hasna Aït Boulahcen malgré elle. La police lui conseille de la faire boire pour la faire parler, explique Sonia. Qui obtient l'adresse de la planque de St Denis où le RAID mènera son assaut le 18 novembre 2015.

Mais d'abord, Sonia décrit le "choc" qu'elle a ressenti, dans les locaux de la police. "Car j’ai vu un jeune homme qui venait récupérer ses effets personnels. Il cherchait une besace avec ses clés à l’intérieur". Une victime des terrasses, précise-t-elle.

Lors de sa première déposition devant la police, Sonia leur demande "de faire vite, je leur ai dit qu’ils étaient cachés dans un buisson à Aubervilliers. Je leur ai proposé d’aller là-bas, je voulais faire vite, je voulais que ça s’arrête".

Sonia : "On m’a ramené une planche photo, j’ai très bien reconnu Abaaoud"

Sonia prévient les policiers qu'il va y avoir de nouvelles attaques. Le jeudi 19 novembre lui a dit Hasna Aït Boulahcen. "Ils devaient attaquer La Défense, un centre commercial, une crèche, un commissariat pour moi c’était pas possible, la vie elle a pas de prix".

Sonia dit : "J'aurais pas pu laisser faire ça". Sonia qui parle avec la voix déformée par un brouilleur. On entend l'écho dans la salle où elle se trouve, derrière un paravent. On ne voit qu'une ombre.

Sonia parle peu, et la cour lui pose questions. A une question du président, Sonia répond qu'elle a dit à Abaaoud : "Je lui dis qu’il a tué des innocents que l’islam c’est pas ça, c’est là qu’il a commencé à s’énerver, il a dit que j’étais une mécréante".

Sonia : "Il a dit que quand il se levait le matin, il nous voyait comme du pain blanc, il voulait tous nous faire sauter"

Sonia dit qu'Abdelhamid Abaaoud lui a dit : "Salah Abdeslam on a réussi à le faire partir, il est déjà loin". Sonia précise que Abaaoud l'a tutoyée. Abaaoud lui a dit : "Je vais te dire toute la vérité".

Sonia qui dit à la cour : "Je ne regrette pas ce que j'ai fait. Je ne regretterai jamais, et si je devais le refaire je le referai, mais j'espère que je n'aurai pas le même déroulé par la suite".

Son avocate, Me @samiamaktouf qui la connaît depuis longtemps, se lève pour quelques questions. "On se connaît depuis un moment, j’ai beaucoup de mal à vous appeler, vous avez beaucoup de noms..." Car Sonia a une nouvelle identité depuis sa dénonciation, pour se protéger.

"Quelle est votre vie aujourd'hui ?" demande Me @samiamaktouf "Alors, je me permets d'intervenir soyez prudente dans vos réponses !" s'inquiète le président Périès. "Et soyez prudente dans vos questions, maître !"

Sonia résume sa vie après le 13 Novembre : "On tombe, on se relève, c’est une vie qui m’a coûté cher, très cher, aussi pour mes enfants, mon compagnon. La question que je me pose : est-ce que je mérite cette vie-là ? Peut-être que oui, c’est un sacrifice, mais il est lourd".

Plusieurs avocats de parties civiles la remercient d'avoir été "une citoyenne exemplaire". Le président Périès lui aussi l'a remerciée pour son "geste courageux qui a permis d’éviter qu’il y ait d’autres attentats".

Au fond de la salle, quelques applaudissements sur des bancs de victimes. Le président rappelle qu'il n'est pas possible de manifester ainsi son ressenti. Et l'audience s'achève. Ni le PNAT ni la défense n'ont eu de questions. On coupe l'écran. Sonia disparaît.