Procès des attentats du 13 novembre 2015 - Le Live Tweet - Semaine VINGT-SIX

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.


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Retrouvez sur cette page tous les tweets du procès issus des Live tweets de @ChPiret Charlotte Piret et @sophparm Sophie Parmentier ; elles suivent ce procès pour France Inter et nous ont donné l'autorisation de compiler leurs tweets dans un objectif de consultation et archivage.



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Semaine VINGT - SIX

Jour 92 – Mardi 15 mars – Nouvel interrogatoire de Salah Abdeslam sur les préparatifs entre août 2015 et le 7 novembre

Jour 92 au procès des attentats du 13 Novembre 2015. Jour d'un nouvel interrogatoire de Salah Abdeslam Sur les préparatifs entre août 2015 et le 7 novembre. Abdeslam qui avait beaucoup parlé lors du dernier interrogatoire.

Pour l'instant, le box des accusés est encore vide. Dans la grande salle d'audience, l'affluence est beaucoup moins importante que la dernière fois.

Le box des accusés s'est désormais rempli. Salah Abdeslam s'y est installé pour son interrogatoire. Masque noir, chemise à petits carreaux gris. Il discute avec son ami et co-accusé Mohammed Amri, qui est venu le chercher à Paris la nuit du 13 Novembre pour le ramener à Bruxelles.

La cour arrive. Président : "L'audience est reprise. Bien, alors M. Osama Krayem refuse toujours de comparaître. Je désigne l'huissier pour les sommations d'usage", et l'audience est aussitôt suspendue un instant. Elle reprendra sans Krayem, avec l'interrogatoire d'Abdeslam

Et l'audience reprend, sans l'accusé Krayem. Le président rappelle à l'assemblée qu'il est préférable de garder le masque. Les accusés ont tous le leur, et le gardent durant les transports avec les escortes.

Président : "Bien, alors, monsieur Abdeslam levez-vous, s'il vous plaît, devant le micro !" L'accusé, seul membre encore en vie des commandos du 13 Novembre, se lève. Président : "On va poursuivre votre interrogatoire avec la récupération des terroristes en Allemagne, Hongrie".

Le président l'interroge d'abord sur un transport en BMW louée fin août. Président : "Vous auriez utilisé ce véhicule pour récupérer deux personnes qui seront identifiées plus tard comme B. Hadfi et C. Akrouh que vous auriez ramené en Belgique..." (deux kamikazes

Salah Abdeslam : "Vous m'entendez bien, là ? Oui, j'ai bien loué ce véhicule, et je l'ai utilisé. En revanche, je conteste être parti chercher ces deux personnes".

Salah Abdeslam : "Je voudrais dire Monsieur le président, je conteste d'avoir ramené toutes ces personnes, mais j'ai effectivement ramené certaines personnes".

Salah Abdeslam : "Ces personnes, ce sont mes frères pour l'islam. Ils vivaient dans une zone de guerre. Il y avait le régime de Bachar Al Assad, Vladimir Poutine. Et tous ces gens combattaient l’islam. Et le prophète nous a interdit d’abandonner nos frères."

Salah Abdeslam : "Je ne pouvais pas abandonner mes frères. Je savais qu’ils avaient besoin de moi, qu’ils étaient là-bas et qu’ils avaient besoin d’aide. Et j’ai répondu présent. Je ne regrette pas".

Le président note qu'il y a eu plusieurs voyages, s'attarde sur l'un des que c'est difficile de contester selon les éléments de l'enquête... Salah Abdeslam : "J’ai rien à cacher, j’ai peur de personne, je dis la vérité, voilà"

Le président l'interroge sur le 1er voyage pour récupérer des terroristes. Abdeslam : "Je conteste" Le 2e ? - "Oui, ça j’ai été -Il s’agit de Laachraoui et Mohamed Belkaïd. -Oui Président : "difficile de le contester, vous êtes contrôlé -Je n’ai rien à cacher!" dit Abdeslam

Président : "Le 4e voyage c’est à Ulm, octobre 2015. C’est Osama Krayem, Sofien Ayari et Ahmad Alkhald Abdeslam : Oui, je le reconnais. Mais je ne dis pas qui était dans la voiture. Parmi les noms que vous citez, il y a des gens qui sont dans le box. C’est à eux de reconnaître"

Abdeslam qui choisit donc ce qu'il dit ou ce qu'il ne dit pas. "C’est pas parce que des gens ne font plus partie de ce monde que je rejette la faute sur eux. Moi je ne balance pas les gens".

Président : "Est-ce que vous suggérez que ça pourrait être l’un des frères El-Bakraoui ?

Salah Abdeslam : "On dirait que vous ne m’avez pas bien entendu monsieur le président !" Abdeslam qui ne veut pas dire qui lui a dit de louer le 1er véhicule, la BMW.

Président : "Si, mais j’insiste, c’est mon devoir. Est-ce que ça pourrait être votre frère Brahim ?" Salah Abdeslam se tait. Regarde le président droit dans les yeux.

Président : "Vous ne voulez pas répondre ? Votre frère, ça ne peut pas être lui parce qu’il était au Maroc à ce moment-là ! Salah Abdeslam : Ah ? En plus, c’était un piège !" Des rires dans la salle.

Président : Dites la vérité, ça ira plus vite. Qui vous a demandé de louer ce véhicule pour quelqu’un d’autre ?

Abdeslam : No comment ! Président : Vous ne voulez pas dire qui vous a demandé, même si c’est quelqu’un de décédé ? Abdeslam : Exactement.

Président : "Et si c'était quelqu'un de vivant ? Abdeslam répond par un silence. Président : C’était bien organisé ! Qui était responsable de cette organisation ? Salah Abdeslam : Je ne peux pas vous dire. Arrêtez !"

Président : "Changez de tonalité ! Vous ne dîtes pas arrêtez au président de la cour d’assises ! Salah Abdeslam : Ne vous sentez pas agressé, j’ai l’impression que vous êtes susceptible !"

Président : "Si je l’étais, je pourrais le noter au PV des débats parce qu’on est à la limite de ce qu’un accusé peut dire. Donc pas de qualificatif de cet ordre" L'interrogatoire se poursuit. Le président qui peut avoir tendance à hausser le ton, garde ici son calme.

Le président l'interroge sur l'achat de détonateurs dans la boutique des Magiciens du feu. Président : Pour faire quoi ? Abdeslam : Pour quelqu'un, pour faire péter des feux d’artifice. -Pourquoi vous n’avez pas acheté les feux d’artifice ? -Parce qu'il les avait déjà !"

Président : Et pourquoi vous allez en France pour ça ?

Abdeslam : Je vous ai dit que je les avais acheté pour quelqu’un et ce quelqu’un m’a dit que ça se vendait pas en Belgique. Président : Il y a bien des feux d’artifice pourtant en Belgique !

Abdeslam : "Je ne sais pas ! Si ça se vendait en Belgique, j’aurais été en Belgique ! C’est plus facile pour moi !"

Le président lui demande si c'est Laachraoui (artificier du 13 Novembre) qui lui a fait cette commande. Abdeslam : "Non, c’est un frère en Islam, on partage la même religion". -Est-ce que vous les connaissiez auparavant ou non ? -Non, je ne les connaissais pas".

Président : "Comment vous avez fait pour les identifier ? Comment ça se passe ? Salah

Abdeslam : Ça, monsieur le président, je ne veux pas rentrer dans ces détails-là ! -Vous acceptez de vous expliquer, c’est très bien. Mais le but c’est de déterminer votre participation !"

Abdeslam : "Si j’ai ramené 5 personnes ou 10 personnes, pour moi ça revient au même ! Mais je ne vais pas reconnaître des choses que je n’ai pas faites. Président : Mais pour nous c’est important de préciser qui vous a demandé ! Abdeslam : Ils étaient dans une zone de guerre !"

Et Salah Abdeslam lâche : "Aujourd’hui, il y a la guerre en Ukraine, il y a des gens qui vont chercher des gens à la frontière, d’autres qui vont là-bas pour faire de l’humanitaire, d’autres pour aller combattre. C’est exactement ce qu’il s’est passé en Syrie "

Et Salah Abdeslam, dans sa chemise à petits carreaux, répète : "Je voulais aider mes frères en islam"

Salah Abdeslam tient tête au président : "Je l’ai dit mais vous ne m’avez pas entendu parce que vous m’avez coupé la parole !

Président : Franchement, il ne faut pas être susceptible avec vous. En tous cas, moi mon but, c’est d’arriver à quelque chose avec vous"

Salah Abdeslam : "Abaaoud, je ne savais pas qu’il était derrière cette affaire ! Président : Et pourtant c’était un ami d’enfance ! Abdeslam : Et aussi un ami à mon frère !" Son frère aîné, Brahim, kamikaze du 13 Novembre

Président : "Les voitures, vous les louez avec quel argent ? Salah Abdeslam : Ce n’est pas des économies que j’avais, c’est de l’argent qui venait de quelque part"

Le président l'interroge sur des fausses cartes d'identité. Abdeslam dit qu'elles ne viennent pas de l'accusé Kharkhach. Qu'avec les photos des cartes, il a pu aller chercher des terroristes venus de Syrie

Salah Abdesam qui dit : "Au pire des cas, je me disais je risque de la prison, mais à aucun moment je pense au terrorisme. J’ai rien fait de mal. Je vous dis la vérité, j’ai rien fait de mal".

Abdeslam qui veut aussi dédouaner l'accusé Bakkali pour une affaire de logistique : "Je l’ai jamais vu avant la prison, je suis ravi de faire sa connaissance d’ailleurs !" Il dit que c'est un "château de cartes qu’on a construit". Se moque de l'enquête : "travail bâclé", dit-il.

Abdeslam qui semble mener l'interrogatoire comme il veut. Entre ses silences, qu'il ponctue de "no comment" (le président lui a demandé de parler, même pour les silences, à cause de l'enregistrement), et ses allusions à la limite de l'insolence par moments.

Puis, comme un cri venu du cœur, sur un ton presque doux, Salah Abdeslam : "Quand je parle pas, ça satisfait personne et quand je parle non plus ! Ce n’est pas parce que je ne dénonce pas la personne que vous allez me mettre ça sur le dos !"

Salah Abdeslam : "Les personnes ne sont plus là, et ceux qui ont tué, assassiné ne sont pas dans le box. Il faut que les gens se mettent ça dans la tête en fait !"

Salah Abdeslam : "Les gens veulent croire que moi j’ai tué 130 personnes, que j’ai loué les véhicules, que j’ai tout su depuis le départ, mais c'est pas la vérité !"

Salah Abdeslam : "Depuis six ans, c'est ça qu'il y a dans les médias. Et les gens, ils ont été endoctrinés. Le père de Amri (son ami), il a dit ici de moi : "c'est un tueur !""

Salah Abdeslam : "Même vous aussi monsieur le président, c’est pas parce que je donne pas certaines informations que je suis responsable !"

Salah Abdeslam qui enchaîne avec son ton moqueur. Au président qui lui pose une question sur le café des Béguines. Réponse de l'accusé : "non comment" Le président insiste.

Abdeslam se moque : "Vous auriez dû faire enquêteur !"

Et le président Périès, qu'on a souvent vu soupe au lait depuis le début de ce procès 13 Novembre, reste imperturbable. Concentré sur cet interrogatoire qu'il veut mener le plus loin possible. Pour la vérité. Comprendre les préparatifs des attentats.

Le président l'interroge sur l'accusé Bakkali, logisticien. L'a-t-il rencontré ce jour-là ? Abdeslam : "Franchement, quand vous me parlez comme ça M. le président, c’est vraiment une insulte !" Le président, qui se contient : "Ah bon ? On ne peut plus vous poser de questions ?"

Abdeslam : "Vous êtes venu avec vos questions, moi avec mes réponses. Je vous réponds comme j’ai envie ! Président : En y mettant les formes, quand même ! Salah Abdeslam : Si je vous manque de respect, il faut le dire ! Président : C’est ce que je viens de vous expliquer !"

Abdeslam qui nie être allé à Irrijardins pour l’achat d’oxygène actif pour fabriquer les ceintures explosives. "C’est pas moi qui ai été acheter ça. En plus moi je suis quelqu’un qui respecte beaucoup le code de la route, je risque pas de me faire flasher !"

"Alors à qui vous avez prêté le véhicule ?" (Qui a donc été flashes ?" Abdeslam ne veut pas le dire.

Abdeslam qui dit de son ami Mohammed Amri (venu le chercher à Paris), "franchement, c’est une énorme injustice que Mohammed Amri soit ici, à sa place depuis 6 ans j'aurais cassé les murs !" Président : "Ben heureusement vous n'êtes pas à sa place !"

Salah Abdeslam : "Vous voulez pas faire une petite pause ?" Le président Périès : "Ah ben, j'allais terminer. Bon, une petite pause, jusqu'à 15 heures !"

L'audience reprend. Abdeslam se lève. La 1ère assesseure qui prend le relais du président Périès pour les questions de la cour. Question sur le 1er véhicule loué (qui aurait rapatrié deux kamikazes de Hongrie / il nie avoir été le chauffeur). Or il a prolongé la location...

"Pourquoi avoir prolongé la location si vous n'êtes pas dans le véhicule ? Le véhicule étant en Hongrie". Abdeslam répète que ce véhicule "pour des fins personnelles", ne sait plus pourquoi il a prolongé la location, "ce qui prouve bien que j'étais pas dans ce véhicule" dit-il.

La 1ère assesseure : "Monsieur, est-ce qu'on vous a choisi pour louer une voiture qui allait ramener des terroristes ?" Abdeslam reconnaît qu'on l'a choisi pour louer une voiture, mais nie avoir su que c'était pour ramener des terroristes.

Elle essaye de le coincer avec le fait qu'il soit parti sans téléphone pour faire les achats aux Magiciens du feu (pour ne pas être repéré ?) Abdeslam rétorque que souvent il ne prend pas son téléphone, "chacun sa manière de vivre"

La 1ère assesseure a une autre question, Abdeslam rétorque qu'il a déjà répondu qu'il ne veut pas répéter, elle lui dit que c'est dans son intérêt, "alors je vais vous réexpliquer"

Salah Abdeslam : "J’ai été cherché des personnes, seulement pour aider. Vous savez que à la 2e Guerre Mondiale quand y avait des juifs se faisaient massacrer, et il y en a d'autres qui vivaient pénards, moi j’ai aidé mes frères"

Salah Abdeslam : "La France a massacré des musulmans avec la coalition et moi j’ai eu le droit de choisir mon camp quand même !"

La magistrate : "Et Hadfi et Akrouh pourquoi pas être allé les chercher ?" (Le 1er voyage qu'il nie)

Abdeslam : "Ben parce qu’on me l’a pas demandé, mais peut-être je l’aurais fait si on me l’avait demandé!"

La 2e assesseure ne comprend pas pourquoi quelqu'un a financé la location de la 1ère voiture si à des fins personnelles ? Il dit qu'il n'a pas dit ça. Elle assure que si. "Je me corrige alors"

La 2e assesseure : "Quel intérêt à faire ces voyages ? Abdeslam : Je ne sais pas si vous croyez en Dieu ou pas... Elle : C'est pas la question... Lui : Mais moi, si mon frère musulman va se faire massacrer et que moi je fais rien pour ça alors je vais aider pour dire à mon Dieu"

Abdeslam : "A cette époque-là, j'ai pas été cherché des personnes que je savais qu'ils allaient commettre des attentats, non" Et il souligne que certains co-accusés ont dit qu'ils savaient qu'ils devaient faire des attentats mais refuseraient de les commettre.

Salah Abdeslam : "Si ces personnes-là avaient dans la tête de faire des attentats, c’est qu’ils avaient de bonnes raisons de le faire !" Puis "je vais pas vous répondre", directement, à la question.

La 2e assesseure insiste : "Vous seriez allé les chercher ?" Abdeslam : "Dans l’état d’esprit que j’étais, j’étais un fêtard, j’avais ma fiancée, si vous demandez à qqn aller chercher des personnes qui vont faire des attentats franchement…" Réponse floue.

Puis Salah Abdeslam lâche : "Aujourd'hui, vous avez bousillé ma vie. 2e assesseure : Qui vous ? Vous, c’est la France, la manière dont vous m’avez traité depuis six ans !", dit Abdeslam. Et la magistrate coupe court, en disant "ce n'est pas ce qu'attendent les parties civiles".

Me Olivia Ronen, avocate de Salah Abdeslam se lève, s'étonne parce que la cour est là "pour la manifestation de la vérité !" Et des parties civiles, en effet, auraient peut-être souhaité l'entendre exprimer le fond de sa pensée.

Camille Hennetier, avocate générale du PNAT, se lève pour ses questions. Ton posé. Elle lui parle de Belkaïd (membre de la cellule terroriste), qui parlait français dit-elle. "Vous l'avez connu ?" dit-il sur un ton insolent. "Arrêtez vos provocations !" prévient le président !

Et Abdeslam continue à provoquer plus ou moins, disant à l'avocate générale, ton ironique, "vous qui êtes amoureuse de la téléphonie !" puis "vous êtes dans l'imaginaire !"

Comme le président de la cour, elle se maîtrise pour garder un ton posé et continuer à poser ses questions.

Elle enchaîne les questions, insiste pour savoir ce qu'il pu entendre de Krayem, Ayari, Darif, qu'il reconnaît avoir ramenés en Belgique ? 28h de voyage, on parle ! "Mais on parle pas 20h dans une voiture, même vous, ce serait insupportable !"

Salah Abdeslam : "J'allais pas dire ouais Salam Aleykoum, et ils allaient pas me déballer ouais on est des combattants, on va faire des attentats, c'est pas comme ça, on voit que c'est pas votre domaine !"

C'est au tour des avocats de parties civiles, Me Topaloff. Elle s'étonne qu'il dise qu'il "assume" avec ces explications-là.

Salah Abdeslam : "Si vous dites que ça ne satisfait pas les victimes, moi, si vous voulez pas me croire, je peux rien faire !"

Me Topaloff note qu'il a changé de version par rapport à son frère, ayant dit antérieurement qu'il avait fait des voyages à la demande de son frère Brahim, ce qu'il nie aujourd'hui, ne voulant plus parler de son frère.

Me Topaloff lui fait remarquer qu'il ne reconnaît que 2 retours sur 5, et il nie les 3 voyages avec les terroristes du 13 Novembre, comme pour minimiser votre implication, ne pas reconnaître les voyages les plus embarrassants. Abdeslam, insolent : "Vous avez accouché ?"

Le président se fâche : "Vous pouvez rester poli !" L'avocate d'Abdeslam, Me Ronen, s'énerve contre les parties civiles qui "plaident au lieu de poser des questions !" Me Topaloff crie sa question. Cris à l'audience.

Abdeslam, énervé : "Peut-être c'est pas poli mais vous c'est pire, vous êtes occupée à me couler dans des choses que j’ai pas faites, si ça ça rentre dans la tête de la cour, alors moi je suis dans la merde !"

Abdeslam : "Après, on peut répondre, on n'a pas besoin de s’engueuler, on peut s’entendre ! Je vous dis la vérité, si elle vous plaît pas, je peux rien y faire !"

Et il dit que tout le monde dit "c’est à cause d’Abdeslam, mais faut un peu assumer vous aussi de votre côté, vous avez mis des innocents en prison, vous avez préféré détruire des vies, parce que là ils ont rien fait (il désigne les co-accusés) !"

Le président, cette fois très autoritaire, qui se fâche : "Bon, monsieur Abdeslam, il va falloir redescendre !" Et le ton se calme. Me Maktouf pose une question. Plusieurs accusés lui ont mal répondu avant. Abdeslam, calme, devant elle : "Vous vous trompez"

Me Josserand-Schmidt lui demande de quand date la détermination de Brahim Abdeslam à "prendre les armes pour EI ?" Salah Abdeslam : "Vous êtes celle qui me laisse sans voix"

Salah Abdeslam : "Mon frère, il m'a pas averti de ça, parce qu'il prend beaucoup de précautions, il est pas très bavard"

Salah Abdeslam : "Je vous le dis franchement, à l'époque des allers-retours, mon frère lui-même il savait pas ceux qui allaient faire des attentats"

Me Josserand-Schmidt : "On va pas se mentir, on apprend pas grand chose, cet après-midi, vous comprenez que ce soit vécu comme extrêmement violent par des victimes ?" Salah Abdeslam : "Oui, bien sûr je comprends, bien sûr"

Me Josserand-Schmidt :"Et on peut pas faire mieux ? Salah Abdeslam : Moi, non" Et il répète "moi, j'ai choisi mon camp" répétant que c'est la France qui a fait la "guerre aux Musulmans, pourquoi pas laisser des gens vivre leur religion en paix ?"

Me Cerceau : "Pourquoi on vous a demandé de louer des voitures ?

  1. Abdeslam : Apparemment, j’ai le bon profil pour faire ça, je suis acceptable, poli, la personne qui n’attire pas l’attention, c’est pas un gros barbu qui va être chargé de cette mission-là, vous comprenez bien ?"

Me @Gerard_Chemla autre avocat de parties civiles, veut savoir pourquoi le mois dernier Salah Abdeslam a parlé de son frère Brahim reconnaissant des choses et plus aujourd'hui ?

Abdeslam : "Je ne suis pas parfait, j’essaye de parfaire ma personne tous les jours"

Abdeslam : "J’assume ce que j’ai fait et vous vous êtes en train de caricaturer les choses. Il n’y a pire sot que celui qui ne veut pas entendre.

Me @Gerard_Chemla: Je vais pas faire une guerre de proverbe avec vous" Et les esprits s'échauffent.

Me @Gerard_Chemla : "Vous avez compris pourquoi les victimes vous ont applaudi ? Vous pouvez comprendre que quand vous vous présentez en victime, les gens qui sont vraiment victimes trouvent que c'est une indécence insupportable ?

Abdeslam : C'est vous qui êtes insupportable"

Et Me @MartinVettes s'insurge, mais on ne l'entend pas, son micro est coupé. Le président de la cour : Mais on n’est pas à l’assemblée nationale, là. C’est insensé. Asseyez-vous !", à l'avocat d'Abdeslam.

Président : "Je sais ce que c’est la police de l’audience, ce n’est pas vous qui allez me l’apprendre !"

Me @MartinVettes a toujours son micro coupé, le président estime que ce n'est pas son tour de parole, lui lance "Ecoutez, changez de métier !"

Applaudissements sur les bancs des parties civiles. On se lève sur les bancs de la défense. Audience suspendue. Dans son box, à la suspension, Abdeslam rigole avec des co-accusés, dont son ami Abrini.

Président Périès : "C'est un appel au calme. Il n'est admissible d'avoir des cris, ni des commentaires de la part du public, ce n'est pas comme ça qu'on doit rendre la justice. Je demande aussi aux avocats d'essayer de respecter la parole des uns et des autres. Bien"

Me @MartinVettes, ton posé : "Je vais faire mon métier d'avocat et vous demander d'acter différents points". D'abord qu'une assesseure ait dit par rapport à une réponse de Salah Abdeslam (qu'elle a coupé) que cela n'allait pas "satisfaire les parties civiles".

Ensuite, @MartinVettesdemande d'acter les applaudissements, et enfin qu'il s'est époumoné en vain micro coupé. Il veut que ce soit acté. Me Ronen autre avocate de Salah Abdeslam prévient que si ce n'est pas acté, la défense va quitter le procès pour aujourd'hui.

Me Ronen : "Sur les bancs de la défense, nous quitterons notre fonction aujourd'hui pour bien signifier que l’audience doit s’effectuer sereinement"

Le président Périès n'a pas l'intention d'acter ce qu'il ne considère pas comme des incidents, il estime avoir réagi comme il faut. Alors, tous les avocats de la défense ramassent leurs affaires et se lèvent, et sortent, pour exprimer leur colère.

Le président de la cour veut en appeler au bâtonnier, demande des représentants. L'un d'eux propose de suspendre l'audience dans ce climat.

Et l'audience est définitivement suspendue pour ce soir par le président de la cour Jean-Louis Périès. Climat électrique.

Juste avant la suspension, Me Reinhart, avocat de parties civiles : "Notre volonté est qu’il y ait de la dignité, il y a eu de la nervosité aujourd’hui, des applaudissements n’étaient pas les bienvenus du côté des parties civiles, elles regrettent elles-mêmes"

Me Reinhart : "Je pense que l’incident est clos. Notre volonté est que ces débats reprennent". Mais les débats ne reprendront donc pas pour ce soir. L'interrogatoire de Salah Abdeslam est ainsi interrompu.

Compte-rendu web @franceinter du jour 92 au procès, Jour d'interrogatoire de Salah Abdeslam Insolence de l'accusé, cris de victimes, coup d'éclat d'avocats de la défense qui ont déserté l'audience, interrompue jusqu'à demain.

Jour 93 – Mercredi 16 mars – Nouvel interrogatoire de Salah Abdeslam sur les préparatifs entre août 2015 et le 7 novembre

Bonjour à tous, 93e jour d'audience au procès des attentats du 13 Novembre 2015. Une ouverture d'audience qui s'annonce un peu particulière aujourd'hui puisqu'elle s'est finie prématurément hier sur un départ collectif des avocats de la défense.

Aujourd'hui l'audience doit donc reprendre avec la suite de l'interrogatoire de Salah Abdeslam : fin des questions des parties civiles, puis de la défense. Puis, ce sera au tour de Mohamed Amri, accusé d'avoir loué une voiture et dont l'interrogatoire était prévu hier.

Et enfin, le programme d'aujourd'hui avec les interrogatoires de accusés Mohamed Abrini, Mohamed Bakkali et Abdellah Chouaa. Bref, grosse journée en perspective.

L'audience reprend. Me Olivia Ronen, avocate de Salah Abdeslam indique qu'elle a déposé des conclusions d'incidents "après ce qu’il s’est passé hier à l’audience. Nous vous avons demandé de donner acte de trois choses, que je vais reprendre ici."

Me Olivia Ronen : "le premier fait c'est la remarque de Mme l'assesseure qui a dit à Salah Abdeslam : "je pense que les parties civiles attendre d'autres réponses." La cour a un devoir de neutralité vis à vis de toutes les parties."

Me Ronen : "le 2e fait c'est les applaudissements qui n'ont fait l'objet d'aucune remarque de la part du président. Si des réactions peuvent exister dans le public, si elles peuvent être naturelles, il nous importe tous qu’elles soient modérées par la police de l'audience."

Me Ronen : "et puis c'est que quand des choses paraissent à la défense sortir du cadre, il est du rôle de la défense de s'élever. Et que s'engage une discussion. Et au cours d'une discussion, il a pu être dit à mon confrère Martin Vettes : "dans ce cas-là, changez de métier"

Me Ronen : "et le 3e fait dont on demande qu'il soit consigné c'est qu'à plusieurs reprises, la défense n'a pas pu prendre la parole. On comprend, que l'on soit dans une grande salle, que les débats soient enregistrés, on s'exprime dans un micro. Mais ce micro nous a été refusé."

Me Olivia Ronen : "aujourd'hui, sur le fondement de l'article 315 du code de procédure pénal et de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'Homme, nous vous demandons de bien vouloir donner acte à ces trois éléments".

Me Martin Vettes, autre avocat de Salah Abdeslam se lève à son tour : "il aura fallu le 92e jour d'audience pour qu'un incident éclate. Preuve que la défense n'est pas dans la gesticulation, ni l'esbrouffe. Mais à un moment il faut acter lorsque des limites ont été franchies."

Me Vettes : "la question que cela pose est celle que nous pouvons faire à votre cour, à votre institution. Nous ne faisons pas cette demande de donner acter de gaité de coeur, nous la faisons à notre niveau pour que les débats se tiennent dans la sérénité".

"Si nous ne la faisions pas, à ce moment-là, oui, il est temps de changer de métier" conclut Me Martin Vettes. A son tour, Me Fédéric Bibal se lève "pour donner un point de vue du côté des parties civiles."

Me Bibal (PC) : "Permettez-moi d'insister sur le travail important des parties civiles sur les efforts que beaucoup de gens ont fait sur eux malgré l'intensité des attentes et des souffrances vécues par les parties civiles qui auraient pu conduire à des débordements".

Me Bibal (PC) : "la question de la neutralité et du respect des règles doit être appréhendée avec cet élément important qui est que les victimes se trouvent dans un état séquellaire c'est-à-dire une incapacité psychique d'avoir la retenue que nous avons, nous, professionnels"

Me Szwarc (PC) se lève et choisit de ne pas parler dans le micro pour "donner acte du fait que, comme devant toute juridiction, on peut parler sans micro" (contrairement à ce qu'on relevé les avocats de Salah Abdeslam) "Dans le micro", réclament certaines personnes dans la salle

Me Szwarc (PC) : "moi je voudrais donner acte aussi que la cour a même été jusqu'à demander aux forces de l'ordre de faire sortir un parent d'une personne décédée par qu'il fixait un accusé et que l'accusé, gêné, s'est tourné vers le président".

Me Szwarc (PC) plaide, clame presque : "la décence a bel et bien été du côté des victimes alors qu'elles n'ont plus d'histoire". Aux avocats de la défense, elle ajoute : "Vous aussi, demain, quand vous allez plaider pour les accusés, vous allez venir chercher cette humanité !"

Me Véronique Truong (PC) : "il ne faut pas pathologiser en permanence les réactions des parties civiles ; Elles sont brisées, elles sont détruites. Et nous sommes des vicariants, c'est tout."

Me Truong (PC) : "pourquoi ceux qui se sont levés comme un seul homme pour quitter la salle, pourquoi ne peuvent-ils pas dire à leur client : "peut-être faut-il mettre un peu d'eau dans votre vin ? Il n'y a pas matière à incident ! Sinon, il faudrait acter toutes les insultes"

Face à Me Truong, côté défense, Me Nogueras lance : "arrêtez, vous mettez de l'huile sur le feu". Les avocats de parties civiles continuent à se succéder. "A partir du moment où on se permet l'arrogance, il va y avoir des réponses à cette arrogance", lance Me Chemla.

Dans le box, Mohamed Abrini se lève : "vous aussi vous avez provoqué !" "Asseyez-vous, monsieur", le rappelle à l'ordre le président. Me Chemla poursuit : "je n'ai pas vu que la cour n'ait recherché à complaire à qui que ce soit."

Me Chemla (PC) : "Effectivement, il y a des réactions dans la salle, elles font partie de la liberté du ton que certains se sont donnés, il n'y a pas de drame. Et la susceptibilité ne peut pas être que d'un seul côté".

"Cet incident que j'ai trouvé totalement artificiel hier, qui n'avait pour but que de mettre un terme à un interrogatoire désagréable doit cesser", conclut Me Chemla. Place à "quelques brèves observations" de Camille Hennetier pour le parquet nationale antiterroriste.

Camille Hennetier (AG) : "mon sentiment c'est qu'hier monsieur Abdelsam a allumé la mèche et qu'il a observé l'incendie qu'il avait allumé avec une profonde délectation. Salah Abdeslam ne sera pas jugé sur les applaudissements pas plus que sur ses multiples provocations."

Camille Hennetier (AG) : "nous sommes des professionnels et Salah Abdeslam sera jugé sur un dossier et un ensemble de faits." Place aux observations de la défense avec l'avocat belge de Mohamed Abrini, Me Stanislas Eskenazi.

Me Eskenazi : "j'aime citer vos présidents et je voudrais dire aux avocats de parties civiles qu'elles n'ont pas le monopole du coeur. Nous ne mettons pas sur le même pied des

Me Stanislas Eskenazi : "nous ne faisons aucune critique, les parties civiles ont le droit de crier, de dire leur douleur. Mais on rappelle que la police de l'audience qui appartient au président, nous lui demandons de l'exercer."

Me Eskenazi : "Rappelons qu'ici, dans le box, il y a des personnes qui plaident l'acquittement. Et quand il y a des applaudissements, elles ont l'impression d'être des bêtes de cirque. La justice ce n'est pas ça, c'est l'impartialité".

Me Raphaël Kempf (@raphkempf), avocat de Yassine Atar reconnaît qu'il "n'était pas là hier, mais je me lève parce que j'ai entendu mon confrère Chemla parler d'arrogance et d'impolitesse. Je défends un homme et si j'ai besoin d'être arrogant, je le serai".

Me Negar Haeri (@NegarHaeri), avocate de Mohamed Amri : "cet incident offre l'occasion de rappeler certains principe. Il peut y avoir une cohabitation des souffrances des uns et des d'autres et il ne faut pas qu'ils puissent s'autocensurer à l'idée de les exposer."

Me @ChStPalais: "la défense, par nature, par nécessité, est disruptive. Je comprends que cela dérange. Mais c'est sa vocation : de perturber ce qui pourrait être le cour immuable de la justice. Si on est de mauvaise foi, on peut y voir de l'arrogance ou de l'impolitesse".

Me @ChStPalais: "hier des parties civiles sont applaudi. Si je vous disais le fond sans filtre de ma pensée, je vous dirais que ça me plait. Des hommes et des femmes ont applaudi. Est-ce que même si ça me plaît, c'est permis ? Ce n'est pas permis."

Me @ChStPalais:"personne doté du pouvoir de police de l'audience n'a ressenti le devoir de rappeler que c'est interdit. Et c'est cela qui naît comme crainte ici, c'est de voir naître dans le public des comportements interdits."

Me @ChStPalais : "compte-tenu du déséquilibre entre la défense avec les moyens misérable qui sont les nôtres et la structure étatique de l'accusation, la défense a depuis toujours la parole en dernier. Et nous continuerons à nous lever, je vous en avertit".

Fin du débat sur cette question. La cour se retire "pour délibérer sur cet incident, annonce le président. L'audience est donc suspendue.

Reprise de l'audience et rendu de la décision de la cour qui estime que les propos de l'assesseure "ne traduisent aucune manifestation d'opinion", qu'"à la suite des applaudissements, le président a ordonné une suspension d'audience et n'a pas manqué de faire des appels au calme"

La cour considère donc "qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de donner acte et qu'il n'y a d'atteinte aux droits de la défense". "Nous allons donc reprendre les débats où nous étions arrêtés", indique le président. A savoir la suite des questions de parties civiles.

Salah Abdeslam poursuit : "Ensuite, je voudrais dire que si ça s'est passé hier, c'est Chemla qui provoqué ça. S'il n'y avait pas eu ce Chemla qui a posé ces questions ...." "Maître Chemla", l'interrompt le président. - On dit que c'est nous les arrogants, mais Me Chemla aussi.

Interrogé sur le coût des voyages qui ont permis de rapatrier les terroristes arrivant de Syrie, Salah Abdeslam finit par répondre : "c'est peut-être cher mais ceux qui m'ont demandé de faire ça, ça valait la peine. L'avarice est quelque chose qui se combat."

Pendant les voyages, vous ne parlez pas du tout [avec les terroristes qu'il ramenait en Belgique, ndlr] ?" interroge encore Me Reinhart. Salah Abdeslam : "j'ai un peu parlé avec eux, mais dans ce genre de trajet, on ne parle pas beaucoup."

Me Reinhart : "qui payait ces voyages ?" Salah Abdeslam : "c'est Dawla al islam, l'état islamique, qui payait". - et vous pouvez nous rappeler qui vous donnait l'argent en liquide ? - je ne vais pas vous le rappeler puisque j'ai refusé de répondre à cette question à la cour.

Au sujet des planques qu'il aurait fréquentées, Salah Abdeslam reconnaît être allé "dans l'appartement de Schaerbeek". - Jette ? - Non - Auvelais? - Non plus - Charleroi ? - C'est possible

Place aux questions de la défense à Salah Abdeslam. Me Xavier Nogueras, avocat se lève. "Vous êtes l'avocat de ?" l'interpelle Salah Abdeslam Sourire de Me Nogueras : "du taxi, monsieur Mohamed Amri" [accusé de l'avoir ramené de Paris la nuit des attentats, ndlr]

Me Xavier Nogueras reprend l'historique de l'aide apportée par Mohamed Amri à Salah Abdeslam dans les locations de voitures. "On comprend mal pourquoi Mohamed Amri vous accompagne pour la restitution d'une Mercedes si vous louez une Audi A6 dans la foulée pour repartir ?"

Salah Abdeslam : "quand je voulais louer un véhicule, la plupart du temps je prenais un taxi de Molenbeek [jusqu'à l'agence ndlr]. A un moment donné, j'ai demandé à Amri de m'accompagner parce qu'il était gentil et souvent, il rend service. Il n'avait rien à faire à ce moment-là"

Salah Abdeslam : "l'agence m'avait dit qu'il n'y avait pas de véhicule disponible, mais quand je suis arrivé pour restituer la Mercedes, l'Audi est revenue à ce moment-là, donc je l'ai prise". Me Nogueras : "monsieur Amri vous l'avez considéré à ce moment-là comme un chauffeur"

Me Negar Haeri, autre avocate de Mohamed Amri : "si on déconnecte les locations des circonstances, on comprend que les locations sont un acte assez banal." Salah Abdeslam : "oui"

Salah Abdeslam : "j'ai demandé à Amri de m'accompagner comme si j'avais appelé un taxi". Me Haeri : "ces personnes n'étaient pas au courant de ce à quoi allait service les voitures". Il sera question à nouveau question du rôle joué par Mohamed Amri dans son interrogatoire.

Mais avant cela, place aux avocats de Salah Abdeslam. Me Ronen : "vous avez dit à l'audience avoir été choisi pour faire ces voyages. Vous entendez quoi par "choisi"? Salah Abdeslam : "je voulais bien le faire, je savais que je faisais pas quelque chose de mal à ce moment-là"

Salah Abdeslam : "pourquoi c'est tombé sur moi ? J'avais une vie simple, banale. C'est dieu qui l'a choisi." Me Ronen : "j'entends votre conception, mais on va essayer de trouver des éléments." - c'est venu à moi et moi j'ai accepté.

Salah Abdeslam : "pour moi, en faisant ces voyages [pour récupérer les membres de la cellule terroriste qui arrivaient de Syrie, ndlr] je n'ai pas fait de pêché. J'ai fait quelque chose de bien." Me Olivia Ronen : "pourquoi ne pas reconnaître les autres voyages alors ?"

Salah Abdeslam : je ne vais pas reconnaître des voyages pour faire plaisir à monsieur Chemla [avocat de parties civiles, ndrl] C'est pas la vérité ! Sur cette dernière remarque, son avocate le met en garde : "essayons d'être plus neutre".

Me Ronen : quand vous faites ces voyages, vous papotez au téléphone avec le coordonnateur ? Salah Abdeslam : non - vous savez qui c'est ? - non - vous avez peu d'informations ! - j'en ai assez pour faire ce que je dois faire. C'est la même tactique utilisée partout.

Me Ronen : pendant le voyage, vous vous parlez avec les gens que vous ramenez ?" Salah Abdeslam : non. Je suis sur l'autoroute, je roule à du 200. - à du 200 ? - En Allemagne, c'est illimité. On peut appuyer sur le champignon. Donc je suis concentré. Je fais pas la causette.

"La charge de la preuve repose sur l'accusation. Mais dans la justice antiterroriste, le vide, le doute profite rarement à l'accusé" explique Me Ronen à Salah Abdeslam au sujet d'une copie de sa carte d'identité retrouvée lors d'un check-in d'hôtel d'un terroriste du Bataclan.

Salah Abdeslam : "je m'exprime parce que les victimes veulent des réponses. Mais aussi pour ma défense. Parce que "qui ne dit rien ..." c'est quoi encore ?" Me Ronen : "consent" - voilà : "qui ne dit rien consent". Moi je croyais que le droit au silence c'était un droit. Pas ça".

Me Ronen : "quelles sont vos occupations en septembre-octobre 2015 ?" Salah Abdeslam : "je suis un peu polyvalent. J'ai fréquenté les casinos, les salles de sport, les cinémas, les restaurants ... comme tout le monde".

Me Olivia Ronen : "une dernière question parce qu'hier on a dit que vous avez pu être provocateur et que cela a pu toucher les parties civiles. Votre but c'est d'offenser ? Est-ce que vous êtes indifférent ?" Salah Abdeslam : "je fais de mon mieux pour respecter les victimes."

Salah Abdeslam : "je prends la parole aujourd'hui entre autres pour les victimes. Elles viennent très nombreuses pour entendre ce que j'ai à dire. Et aujourd'hui, j'essaie de m'exprimer."

Salah Abdeslam : "je fais des efforts parce que, je n'essaie pas de comparer ma souffrance avec la leur, mais ma vie est difficile, cela fait 6 ans que je suis à l'isolement et je ne parle avec personne. Mais en aucun cas, je n'ai intérêt à faire du mal au victimes."

Salah Abdeslam : "je ne suis pas un psychopathe. Mais si je ne suis pas à la hauteur, je n'y peux rien. Je n'ai pas l'habitude de parler et en public, d'habitude je suis quelqu'un de timide".

Me Vettes, autre avocat de Salah Abdeslam intervient à son tour : beaucoup dans cette salle pensent que parce que vous êtes un survivant du commando vous savez tout sur le 13 Novembre et vous êtes un peu comme la boîte noire ?" Salah Abdeslam : "c'est une idée totalement fausse."

Salah Abdeslam : "on attend de moi beaucoup mais je ne peux pas donner ces informations, je ne les ai pas. Je ne peux rien faire pour les satisfaire." Me Vettes : "vous comprenez que pour les parties civiles c'est un peu frustrant ?" - bien sûr, c'est totalement légitime.

Me Vettes : "quand vous faites les trajets [pour récupérer les terroristes, ndlr], vous avez prêté allégeance à l'Etat islamique ?" Salah Abdeslam : "non. J'ai dans le même état d'esprit que les Ukrainiens aujourd'hui qui vivent en dehors de l'Ukraine et soutiennent leur pays"

Fin de l'interrogatoire de Salah Abdeslam. "On va commencer l'interrogatoire de monsieur Amri et puis celui de monsieur Abrini", indique le président. "Par contre, monsieur Abrini et monsieur Chouaa ce sera ultérieurement" du fait du retard pris par l'incident d'audience d'hier.

Mais Salah Abdeslam intervient : "une petite suspension pour Amri parce qu'il est pressé là". Le président prévient : "une suspension de 10 minutes, on reste en salle".

Reprise de l'audience avec donc, Mohamed Amri se lève dans le box, demande à enlever son masque. "Les recommandations c'est de les garder", rappelle le président. Avant d'accepter finalement. Mohamed Amri s'explique de manière assez brouillonne sur la location d'une Mercedes.

Mohamed Amri reconnaît les éléments matériels qu'on lui reproche, notamment sa présence à la location, puis à la restitution d'une voiture Audi. "C'était pas suspect pour moi. C'était juste une location, quoi." Président : "une Audi A6, c'est pas mal quand même !"

Autre location de voiture reprochée à Mohamed Amri, une BMW "qui va être louée par Salah Abdeslam mais à votre nom", rappelle le président. "Pour quelle raison ?" Mohamed Amri : "il m'avait dit qu'il avait déjà loué dans cette agence et que ça c'était mal passé."

Mohamed Amri : "les locations, pour nous à Molenbeek, c'est tellement banal. Je connais des jeunes qui roulent en location toute l'année." Président : "mais pourquoi multiplier les locations ?" - je n'ai pas de réponse par rapport à ça. Je ne me suis pas posé de questions.

Mohamed Amri : "Pour moi, il n'y avait rien de suspect dans les location. Moi-même, je l'ai déjà fait pour aller à la mer avec mon épouse deux ou trois jours. Ou même pour tirer des freins à main, par exemple. Pour s'amuser."

Mohamed Amri : "Salah Abdeslam ne m'a jamais dit qu'il voulait aller en Hongrie ou ailleurs. Il ne m'a pas tenu au courant. Mais je savais qu'il était dans le stup' avec son frère. Et qu'il avait les moyens de se payer des locations. Je l'avais vu avec des liasses de billets"

Mohamed Amri pour expliquer l'aide apportée à Salah Abdeslam : "Brahim Abdeslam m'a vendu sa voiture à bon prix, il m'a laissé ses plaques aussi. Il m'a laissé travailler dans son café. Donc tout ça fait que je me sentais redevable envers lui et son frère."

1ere assesseure : "pour vous c'est une belle affaire de payer un véhicule qui a 19 ans et 280 000 km ?" Mohamed Amri : "il n'y avait pas que ça, il y avait aussi une amende qu'il avait été envoyé à son domicile. Et tout ce que je fumais [de cannabis, ndlr] gratuitement aussi.

Place aux questions du parquet national antiterroriste. Camille Hennetier : "on a quand même du mal à imaginer qu'à Molenbeek tout le monde roule avec des Mercedes et des Audi louées !" Mohamed Amri : "si, si, il y a des gens honnêtes, qui travaillent et louent des voitures"

Camille Hennetier (AG) : "vous n'étiez pas inquiet de cette location à votre nom?" Mohamed Amri : "si, si, j'étais inquiet des amendes. Mais Salah Abdeslam m'a dit que s'il y avait des amendes, il paierait. Donc ça m'a rassuré".

Me Topalov (PC) : "vous nous intriguez quand vous dites que louer des grosses cylindrées est quelque chose de banale." Mohamed Amri : "oui, je le répète, dans mon quartier, louer des locations, c'est quelque chose de banal."

Me Negar Haeri, pour la défense de Mohamed Amri : "je vais mettre les pieds dans le plat : y a-t-il un lien causal entre le fait de louer une voiture et de commettre un acte de terrorisme ?" Mohamed Amri : "Me, lien causal, je ne comprends pas"

Me Negar Haeri : "on sait aujourd'hui que ces voitures ont été utilisées pour des choses graves. Mais sur le coup à l'époque est-ce que vous saviez à quoi serviraient ces véhicules ? Mohamed Amri : "à aucun moment, je me suis dit que ça allait servir à un acte de terrorisme"

Mohamed Amri revient sur la banalité, pour lui ou son entourage, de louer des voitures, "pour roder" : "comme un motard qui aime faire des roues arrière, ceux qui louent des voitures aiment bien rouler sans but, et tirer des freins à mains".

Me Nogueras, autre avocat de Mohamed Amri veut évoquer le rapport "à votre Golf. Vous en êtes fier en fait ?" Mohamed Amri sourit : "c'est un moteur increvable !" - c'est un peu votre 2e chez-vous, vous zonez dedans. - honnêtement, je préfère ma Golf qu'une Audi A6.

Fin de l'interrogatoire de Mohamed Amri. "On va juste commencer l'interrogatoire de Mohamed Abrini". Me Marie Violleau, avocate de Mohamed Abrini se lève. Le président : "non, attendez, Me, il faut qu'on avance, sinon on ne va pas y arriver.".

Me Marie Violleau : "la journée a été longue. Ils sont interrogés trois fois sur les faits en 9 mois. Je vous demande donc de reporter l'interrogatoire de Mohamed Abrini à demain. Sinon, il va vous répondre à côté de la plaque ou n'importe quoi."

Président : d'accord, mais on va décaler d'autant les autres accusés ! Bon alors pour avoir une indication sur le planning : monsieur Bakkali, est-ce que vous comptez garder le silence ?" Mohamed Bakkali se lève dans le box et confirme. Son interrogatoire devrait donc être rapide.

Le président semble totalement dépité : "bon, ben on verra demain si on finit à minuit ou 2 heures du matin .... Bon, l'audience est suspendue jusqu'à demain avec un programme chargé

Jour 94 – Jeudi 17 mars – Interrogatoires des accusés

Jour 94 au procès des attentats du 13 Novembre

Après Salah Abdeslam ces 2 derniers jours et Mohammed Amri hier soir, la cour va poursuivre ses interrogatoires d'accusés. Les accusés sont tous dans le box. Même Krayem, qui le boude depuis des semaines.

Mais Krayem doit être interrogé aujourd'hui. Et même s'il risque de continuer à exercer son droit au silence, il est venu s'installer dans la grande cage de verre avec les autres co-accusés. Doit être interrogé aussi S. Ayari. Krayem et Ayari sont rentrés ensemble de Syrie.

L'audience reprend. Mais on commence avec un expert. "Bonjour monsieur l'expert !" lance le président, ton enjoué.

L'expert est venu parler des cellules retrouvées à l'intérieur des armes. "On a retrouvé 21 empreintes génétiques à l'intérieur de ces armes"

Il énumère des noms de kamikazes : S. Amimour, O. Mostefaï, mais aussi des empreintes inconnues. Comme celle de l'individu 04-16B ect La fréquence génétique est de 1 sur 168 milliards ! explique l'expert, fascinant.

En résumé cette empreinte génétique "inconnue masculine" identifiée 04-16B ect peut en théorie appartenir à quelqu'un d'autre dans la population, mais il y a donc une chance sur 168 milliards que deux individus aient cette même empreinte...

Et l'expert projette la liste de plusieurs empreintes inconnues.

Et le président précise qu'une des empreintes "a été attribuée à Osama Krayem". Travail de fourmi des enquêteurs pour aboutir à ces identifications dans certains cas.

Me Olivia Ronen : "Est-ce que à l'intérieur de ces armes vous avez retrouvé le profil ADN de Salah Abdeslam ? L'expert : Non, pas du tout"

Me Maalaoui avocat de S. Ayari demande si possible que son client ait fabriqué des ceintures explosives sans retrouver son ADN sur éléments de confection ? L'expert : "L'absence de traces d'un individu ne permet pas de dire que la personne n'a jamais touché l'objet"

L'expert dit que le scellé a pu être nettoyé, ou que les cellules peuvent ne pas être détectables. Exemple, on peut retrouver l'ADN d'un seul individu qui a beaucoup manipulé l'objet, et pas l'ADN d'un 2e individu qui l'aurait touché plus furtivement, ou nettoyé.

L'expert, avec humilité : "On n'a pas de certitude. Notre matière pose beaucoup de questions, dans un sens comme dans l'autre"

L'expert : "Si on imagine que la personne pose sur sa peau nue la ceinture explosive, on recueillera toutes les cellules de cette personne et les cellules de celle qui aurait manipulé avant seront totalement masquées"

L'expert explique aussi que si quelqu'un porte son t-shirt pendant des semaines, les cellules seront à l'intérieur mais aussi à l'extérieur, "le recueil dépend de l'hygiène de la personne". Fin de l'exposé de cet expert, passionnant.

La cour demande à Osama Krayem s'il veut répondre aux questions ? Krayem, à toute allure, en arabe. "Non, je réponds pas aux questions", traduit son interprète.

La cour : "Il veut pas de casque, d'écouteurs ?" (pour entendre l'audience en français instantanément traduite dans son casque) Interprète : "Non, il ne veut pas de casque" Président : "Bon, si il change d'avis, on lui donnera"

Et le président revient sur ce qu'on lui reproche. A Ulm, il aurait été ramené par Salah Abdeslam "On aurait bien aimé avec ses explications" Mais donc, silence de Krayem. Depuis des semaines. Il a été le premier accusé à exercer son droit au silence.

Et donc le président lit les anciens PV de Krayem, qui ne parle plus. Il avait parlé au début de ce procès

Puis l'avocate générale énumère des questions. Pas de réponse de Krayem. Puis question de Me Topaloff, qui regrette de ne pas savoir comment s'est organisée la vie dans les planques, "vous sortiez faire les courses". Silence de Krayem dans son box.

Me @LezardLeon avocate d'Osama Krayem : "Monsieur le président, vous vous doutez que je n'ai pas de questions !"

Elle fait diffuser une vidéo de propagande EI On y voit des combattants en treillis combattre, puis déployer le drapeau de Daech et piétiner des portraits de Bachar el Assad. Presque tous les accusés regardent attentivement. Bakkali pas trop, yeux plutôt ailleurs.

Président : "Bien, alors on va poursuivre avec l'interrogatoire de M. Ayari" Sofien Ayari se lève, survêtement Adidas noir bandes blanches, sweat gris, masque chirurgical, grosse barbe noire qui dépasse. Le président lui pose une première question.

Sofien Ayari, voix grave, ton posé, poli : "Monsieur le président, la dernière fois quand j'ai parlé, j'ai expliqué qu'à la base, je souhaitais pas répondre aux questions. Et puis pour plusieurs raisons, sur certains aspects j'estimais que c'était nécessaire..."

Lors de son 1er interrogatoire, Sofien Ayari avait expliqué clairement que le témoignage d'une mère endeuillée l'avait touché et lui avait donné envie de parler. Et il avait parlé, longuement. Mais aujourd'hui, il dit : "Je ne souhaite pas répondre aux questions"

Sofien Ayari : "J'ai parlé de la partie qui n'implique que moi. J’ai essayé la dernière fois de donner une image générale de ce qui s’est passé, la manière dont je réfléchissais à l’époque, maintenant voilà pour ce qui va suivre, ça va être juste une version de plus"

Sofien Ayari : "Ce que je vais dire, ça changera rien du tout. Et je ne veux pas être en contradiction : vous étiez avec qui, vous avez vu qui ? Je ne suis pas en mesure de répondre. Je suis conscient que ça peut en décevoir certains mais c'est ce que j'ai à dire".

Le président lui indique qu'il peut se rasseoir. Lui dit que c'est son droit de garder le silence. Ajoute que c'est dommage de ne pas l'entendre sur certains points. "Je maintiens ma position" dit Sofien Ayari, très posé.

L'un de ses avocats Me Gultaslar se lève et dit qu'il est presque gêné d'avoir une question, car s'il a une réponse il aurait un traitement différent, mais il souhaite que Sofien Ayari explique pourquoi "c'est difficile de répondre" ?

Sofien Ayari : "Parfois quand on explique certaines choses aussi, ça peut être perçu comme si on se plaint. Moi, comme je l'ai dit, le jour où j'ai décidé de parler, c'était pour une raison précise, ça n'avait rien à voir avec la peine ou le jugement"

Sofien Ayari reparle entre les lignes sans le dire de cette mère endeuillée qui lui avait donné envie de parler. "Je l'ai fait pour cette personne-là".

Sofien Ayari : "Pour la suite, j'ai été condamné à 20 ans" (condamné en Belgique, pour avoir tiré sur des policiers lors de sa cavale avec Abdeslam). "Je risque la perpétuité et ensuite je rentre en Belgique où j'aurai les mêmes questions sur les mêmes faits"

Sofien Ayari : "Donc si on combine, je vais me défendre pendant deux ans comme un acharné pour ramasser 80 ans. Pour un gars comme moi, avoir de l’espoir, c’est dangereux. Voilà, c'est clair. Voilà, c'est comme ça"

Et le président a suspendu l'audience .Le prochain accusé interrogé sera Yassine Atar.

Et l'audience reprend avec l'interrogatoire Yassine Atar, chemise bleu ciel, il parle à toute allure : "Excusez-moi monsieur le président, ça vous dérange pas si j'enlève le masque ?" Président : "Allez-y"

Le président l'interroge sur un voyage. Yassine Atar : "Franchement, monsieur le président, votre vision est très cohérente..."

Il s'agit d'un voyage pour déposer un des frères El Bakraoui, logisticien des attentats, à l'aéroport pour aller en Turquie.

Yassine Atar : "Si j’aurais imaginé une demi seconde qu’il allait devenir un terroriste, je l’aurais fui comme la peste !" dit-il à propos de ce frère El Bakraoui -frères logisticiens en chef des attentats

Et Yassine Atar parle très très vite, les mots se bousculent : "Cet homme, El Bakraoui Ibrahim, c’était comme un virus, tous les gens qui l’ont rencontré, après ils ont eu des problèmes !"

On cherche à savoir s'il l'a vu un jour de septembre 2015, vers une planque. Yassine Atar : "Si je l'avais vu, je l'aurais dit ! Qu'est-ce que je vais me casser la tête à dire pendant des ans que je l'ai pas vu ?"

Président : "Pourquoi on s'intéresse à cette date, vous le savez ! C'est l'arrivée, la continuité des trois du Bataclan, on attribue à Bakkali de les avoir amenés dans cette cache de Liège et retourné à Verviers" Yassine Atar près de ces planques ?

Yassine Atar se désole : "Monsieur le président, j'ai tout fait pour prolonger mes vacances avec mon ex-femme, à cette époque-là, j'aurais même pas dû être en Belgique, et je me retrouve dans un dossier terroriste !" (il sous-entend qu'il n'a rien pu préméditer en septembre)

Rappelons que Yassine Atar est le petit frère d'Oussama Atar, commanditaire présumé des attentats du 13 Novembre, présumé mort en Syrie Yassine Atar était aussi le cousin des frères Ibrahim et Khalid El Bakraoui (logisticiens 13-Novembre/ kamikazes attentats Bruxelles 22 mars 2016)

Un avocat général du PNAT lui pose une question sur le mois de septembre 2015. Yassine Atar : "Je peux vous répondre ? Ce que vous dites c'est pas possible !"

Yassine Atar qui dit aussi "moi, je suis pas là pour taper sur les policiers belges, les policiers belges ils ont fait ce qu'ils ont pu". 1ère fois qu'on entend ça, depuis le box, et même à ce procès, où beaucoup de critiques ont émergé envers les enquêteurs belges.

Yassine Atar qui parle, parle, parle, vite, beaucoup. "Ecoutez la question, monsieur, on sait que vous êtes bavard, mais laissez poser la question !" dit le président. Atar avait lui-même rappelé à ce procès qu’on disait de lui qu'il était "une pipelette"

Un des avocats généraux continue à l'interroger. Il lui fait remarquer des contradictions. Avec un co-accusé El Haddad Asufi, Y. Atar avait dit qu'il n'était pas proche, puis aujourd'hui qu'il jouait au foot avec.

Avec l'accusé Bakkali, pas proche non plus, sauf pour quelques affaires commerciales, et là, question de l'avocat général sur un sms en pleine nuit : "tu dors ?"

Yassine Atar qui lâche : "Moi je suis peiné que Monsieur Bakkali ne parle pas. Je sais bien que c’est son droit. Mais j’ai le droit de dire que je suis peiné de ça".

Yassine Atar : "Moi je sais pas si je suis une pipelette, j’aime pas qu’on me dise ça, mais bon..." et en parlant toujours aussi vite et autant, il se défend.

Me @MartinMechin avocat de Ali El Haddad Asufi : "Est-ce que vous pensez que aller voir Ibrahim El Bakraoui un soir à Verviers, ça veut dire forcément qu'on sait qu’il préparait des attentats terroristes ?" Y. Atar, qui réfléchit : "Ben non".

Yassine Atar : "Y a des gens qui voyaient Ibrahim El Bakraoui de manière quotidienne et qui sont libres, tant mieux pour eux !" On a vu en effet à ce procès des témoins ayant vu beaucoup les Bakraoui.

Me @raphkempf l'un des avocats de Yassine Atar a quelques questions rapides et l'interrogatoire s'achève déjà. L'audience d'aujourd'hui n'aura duré que trois heures. Elle reprendra demain à 12h30 avec les interrogatoires des accusés Chouaa et Kharkhach.

Jour 95 – Vendredi 18 mars – Audition des accusés les accusés Farid Kharkhach et Abdellah Chouaa et de plusieurs témoins

Bonjour à tous, 95e jour d'audience et fin d'une semaine un peu mouvementée au procès des attentats du 13 Novembre 2015.

Aujourd'hui, les accusés Farid Kharkhach et Abdellah Chouaa doivent être entendus par la cour, ainsi que plusieurs témoins.

L'audience reprend avec un 1er témoin entendu en visioconférence depuis les locaux du parquet fédéral belge. Hayk T. , informaticien de 31 ans, a déjà été "entendu par la police belge à deux reprise", rappelle le président. "Oui, et je n'ai rien n'à rajouter", indique le témoin

Le témoin indique néanmoins qu'un jeune homme lui a loué son box de garage pendant six mois. "Il a payé le loyer d'avance mais après six mois, je n'ai plus eu de nouvelles". Après six mois, il contacte la police mais celle-ci indique ne pas pouvoir l'aider.

Alors il change la serrure et récupère son garage. "Le garage était vide à l'exception d'un sac rempli de boulons. J'ai laissé le sac à l'intérieur et utilisé le garage jusqu'à ce que la police sonne chez moi, c'était après les attentats", explique le témoin Hayk T.

Le témoin poursuit : "à deux ou trois reprises, j'ai fait des reconnaissances photo pour essayer de reconnaître la personne à qui j'avais eu affaire. Mais je ne l'ai pas vraiment reconnue". La location avait débuté en septembre 2015, rappelle encore Hayk T.

Invité à décrire le jeune homme qui a loué son garage, le témoin indique que c'était "un nord-africain, très posé, très calme". "Parmi les photos qu'on vous a présentées, il y en avait une qui lui ressemblait plus", rappelle le président.

Hayk T. précise cependant : "j'avais aussi indiqué aux policiers que j'avais probablement aussi été influencé par les images que j'avais vues à la télévision".

La 1ere assesseure précise que le sac en plastique retrouvé dans le garage du témoin contenait "une centaine d'écrou". Les enquêteurs, ont également relevé des "taux de saturation à l'explosif TATP très élevés" dans ce box situé au sous-sol d'un immeuble de 11 étages.

"Il y a d'autres personnes dans ce dossier qui ont loué des biens immobiliers à Khalid El-Bakraoui et ce qu'ils décrivent correspond à ce que vous dites", indique Me Marie Lefrancq, avocate de Farid Kharkhac. En l'occurrence "un homme poli parlant bien français, normal"

"C'était un garage box, les gens le louent soit pour leur voiture, soit comme débarras, indique le témoin. "Pour moi, il pouvait l'utiliser comme il voulait ... ... enfin pas comme il l'a fait, bien sûr."

"Je vais vous faire prêter le serment de l'expert", décide le président. Nabil Kanducci, interprète en langue arabe, explique qu'il avait été chargé par le juge d'instruction d'expertiser deux traductions, notamment sur un mot arabe et sa signification en marocain et en algérien

Le mot en question, explique l'expert avec beaucoup de détails, signifie "bandage : pour essayer de soulager une partie du corps qui souffre" qui rappelle que l'arabe est une langue très riche et très imagée. "Il y a par exemple sept façons de traduire le mot lion".

L'expert, toujours aussi prolixe, arrive à "l'utilisation actuelle du mot "essaba" [transcription phonétique, ndlr] qui est souvent utilisé de manière inappropriée dans un cadre de délinquance avec un aspect de dangerosité évidente".

Tout cela pour arriver aux traductions que l'expert a été chargé d'analyser. En l'occurrence, une même phrase traduite différemment par deux traducteurs : "ils en ont besoin aujourd'hui" pour l'un ou "il en a besoin pour aujourd'hui" pour l'autre.

L'expert explique encore : "un traducteur est tenu de faire preuve de distanciation, c'est son rôle, son ADN. La nature de l'affaire sur laquelle il intervient ne doit pas altérer le rendu de sa traduction".

L'expert, fort des 32 ans d'expérience, rappelle-t-il, continue à développer sur sa vision de l'éthique des traducteurs-interprètes : "La traduction n'est pas une science exacte, c'est comme la chirurgie, c'est un art."

Fin de l'exposé du traducteur qui conclut donc que le mot "essaba" utilisé par Farid Kharkhach dans une conversation, peut être traduit par "bande" mais certainement pas "organisation criminelle" comme l'avait écrit l'un des traducteurs, contesté par la défense de l'accusé.

Rectificatif : le terme arabe analysé par l'expert interprète depuis près de trois quart d'heure à la barre est en réalité "aleisaba" et, selon l'expert qui rappelle qu'il maîtrise "les 20 dialectes des 20 pays", se traduit par "bande".

Fin de l'audition de l'expert traducteur-interprète. On repart à Bruxelles pour le 3e témoin du jour qui apparaît sur l'écran géant. Jamal A., "ne connaît rien de cette histoire, à part Farid [Kharkhach, ndlr] mais je ne sais même pas ce qu'il fait là [dans le box, ndlr]

Jamal A ; : "moi mes voisins c'étaient les deux frères ... comme ils s'appellent encore? ... ceux qui ont fait les attentats à Bruxelles ... El-Bakraoui ! Et ils ont été en contact avec Farid [Kharkhach, ndlr] via moi parce que je vendais des voitures".

Jamal A. : "un jour, il y a eu une histoire de voiture ou de remorque à vendre. Voilà. Je crois que c'est la seule raison pour laquelle je témoigne mais en vrai je ne comprends pas trop …"

Le président indique que, selon l'enquête, le témoin Jamal aurait recommandé Farid Kharkach pour des faux-papiers. "C'est faux ! Tout simplement, c'est faux ! Je n'ai jamais dit ça. La seule chose c'est que j'ai présenté Farid aux frères El-Bakraoui pour une vente de remorque".

Jamal A., ancien voisin des frères El-Bakraoui, logisticiens du 13 Novembre et kamikazes du 22 Mars : "ils ont toujours été gâté pourris. Nous, les voisins, ceux qui étaient avec eux à l'école, on comprend pas comment ces enfants-là en sont arrivés là ?"

Jamal A., toujours au sujet de ses anciens voisins, les frères El-Bakraoui : "on est encore choqués. On ne comprend pas. C'est des gens qu'on connaît, monsieur le président."

Me Lefrancq, avocate de Farid Kharkhach rappelle que le témoin Jamal A. a déjeuner chez lui avec Khalid El-Bakraoui après les attentats du 13 Novembre 2015. "Vous n'avez rien remarqué ?" Jamal A. : "non, j'avais pris à emporter, je l'avais invité. Il était tout à fait normal."

Jamal A. : "Farid [Kharkhach, ndlr] est une crème. S'il a fait ces histoires de faux-papiers, je suis sûre qu'il ne savait pas que ça servirait pour les attentats. J'en suis sûr ! Je connais beaucoup de monde à Laeken."

Nicolas Braconnay (AG) : "vous avez vu Jamal El-Bakraoui [père des frères El-Bakraoui, ndlr], il va mieux ?" Jamal A : sa santé ? oui. - il nous adressé un certificat médical disant qu'il ne pouvait pas être entendu pendant 9 mois, je suis donc content de savoir qu'il va mieux".

Jamal A. : "c'est pour Farid [Kharkhach, ndlr] que je suis venu témoigner. Parce que je me reproche de l'avoir présenté à Khalid El-Bakraoui. Si je ne l'avais pas présenté, il ne serait pas là. Farid a des enfants. Et il y a quelque chose de sûr : il est très loin de tout ça."

Fin de l'audition du témoin et son sweat bleu ciel "Feel Good". "Je dis aurevoir à Bruxelles", indique le président. "On se retrouvera la semaine prochaine". L'audience est suspendue avant l'audition du dernier témoin et les interrogatoires des accusés Kharkhach et Chouaa.

Reprise de l'audience et arrivée à la barre du dernier témoin. Veste bleue sur un sweat à capuche gri. Dans un français difficile, il explique que le 13 novembre 2015, il regardait le match France-Allemagne depuis sa cellule de la prison de Forest, en Belgique.

"Je n'avais pas vu Farid Kharkhach depuis 2014", poursuit le témoin visiblement assez secoué d'être là. Lui a été l'intermédiaire entre l'accusé Farid Kharkhach et les fabricants de fausses cartes d'identité qui ont servi aux terroristes. Il a été jugé en Belgique pour ça.

"Vous avez été incarcéré quand ?", l'interroge le président. "Je suis entré en prison le 13 octobre 2015", explique le témoin. Lorsque les enquêteurs belges ont découvert une filière de fabrication de faux-papiers, dont certains ont donc servi aux terroristes du 13 novembre

Le témoin a passé cinq and en prison, explique-t-il, "je suis sorti en 2020." Mais il peine à s'expliquer clairement. Le président propose d'avoir recours à l'interprète. Mais le témoin, un peu vexé semble-t-il, poursuit en français.

"Avec Farid [Kharkhach, ndlr], on a fait des faux-papiers deux ou trois fois", explique le témoin, "il me donnait les photos et les coordonnées de la personne. Et moi je les donne à un intermédiaire".

Farid Kharkhach "m'a demandé une bonne qualité. Je lui ai dit qu'il n'y avait qu'une seule qualité", explique le témoin. Président : "Est-ce qu'il vous a dit pourquoi il voulait ces faux papiers ?" - non, moi je ne pose pas de question.

Le témoin explique que jusqu'alors il avait "uniquement fait des fausses cartes pour des gens qui voulaient venir en Europe pour travailler au noir". Mais cette fois-là, Farid Kharkhach lui explique que les 4 fausses cartes serviront à faire des escroqueries sur Internet.

"J'ai eu peur des escroqueries", explique le témoin. Mais ce n'est qu'une fois interpellé par la police qu'il apprend que les fausses cartes d'identité ont servi à la cellule terroriste, dit-il.

Fin de l'audition du dernier témoin. L'accusé Farid Kharkhach est invité à se lever dans le box. "Personnellement, je n'ai pas de questions, indique le président, mais si vous avez quelque chose à dire spontanément ..."

Farid Kharkhach : "je crois qu'on a compris que le dernier témoin avait beaucoup de contradictions, je le comprends : il y a une pression énorme. Heureusement que tous les témoins ne sont pas comme lui, sinon on finirait ce procès en 2025."

Farid Kharkhach au sujet des fausses cartes d'identité : “je croyais que c’était pour faire des escroqueries sur Internet. Il n’y avait rien d’alarmant. C’était connu à cette époque-là à Bruxelles. Des jeunes achetaient des vêtements de marque sur Internet avec des faux-papiers."

L'avocat général Nicolas Braconnay indique : "vous nous avez dit que vous ne saviez pas que les faux papiers seraient pour faire un attentait. Ça, ça ne vous a jamais été reproché, sinon vous seriez poursuivi pour complicité."

Ce qui est reproché à Farid Kharkhach est de ne pas avoir ignoré la radicalisation de Khalid El-Bakraoui, à qui il a fourni quatre cartes d'identité.

Me Fanny Vial, avocate de Farid Kharkhach : "c'est la dernière fois que vous vous exprimez sur le fond avant les derniers mots et le verdict. Donc si vous avez quelque chose à dire ..." Farid Kharkhach : "je regrette sincèrement, je le dis surtout pour les victimes.

Farid Kharkhach : "Je ne suis pas fier de ce que j'ai fait. C'était vraiment dégueulasse. Il n'arrive pas une journée ou une nuit avant de dormir où je ne pense pas à ce que je fais. "

Farid Kharkhach : "je voudrais m'adresser au président : je suis vraiment désolé de ne pas avoir pu vous aider sur les dates, je vous jure que je ne me souviens pas. Et merci de m'avoir écouté". Fin de l'interrogatoire de Farid Kharkhach.

Etait prévu aujourd'hui encore l'interrogatoire d'Abdellah Chouaa "mais il est un peu tard, on est vendredi, on a eu une semaine difficile, donc on fera ça plus tard", indique le président. Qui suspend donc l'audience jusqu'à mardi prochain. Bon week-end à tous