Projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure (fr)

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Thierry Vallat, avocat au barreau de Paris
Juillet 2021





Le projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure a été présenté en conseil des ministres du 19 juillet 2021 par le ministre de l'intérieur, Gérard Darmanin.


Ce projet de loi prévoit notamment:


Limitation de l’irresponsabilité pénale en cas de trouble mental résultant d’une intoxication volontaire

Le projet de loi vise d’abord à clarifier et compléter les dispositions du code pénal concernant l’irresponsabilité des personnes privées de tout discernement lorsque cet état résulte d’une intoxication volontaire.


Il exclut en premier lieu l’irresponsabilité pénale lorsque la personne a volontairement consommé des substances psychoactives dans le dessein de commettre une infraction.


En second lieu, il crée deux nouvelles infractions spécifiques, réprimant la consommation volontaire de substances psychoactives lorsque cette consommation a provoqué une abolition du discernement au cours de laquelle la personne commet un homicide volontaire ou des violences (selon le dommage causé, les peines varieront de deux ans à dix ans d’emprisonnement, et elles seront portées à quinze ans de réclusion criminelle si l’homicide a été commis par une personne ayant déjà été déclarée irresponsable d’un homicide commis dans ces mêmes circonstances).


Augmentation de la répression des atteintes commises contre les forces de sécurité intérieure et création de la réserve de la police nationale

Le projet de loi propose ensuite la création d’une incrimination délictuelle spécifique de violences volontaires commises à l’encontre d’agents chargés de la sécurité et spécialement exposés, de par leurs fonctions et leurs lieux d’exercice : fonctionnaires de la police nationale, militaires de la gendarmerie nationale, agents de la police municipale et de l’administration pénitentiaire, militaires de l’opération Sentinelle. Sont également concernés les personnels administratifs travaillant sous leur autorité.


Le quantum des peines encourues en répression de ce délit autonome est augmenté par rapport au droit commun applicable (sept ans contre cinq ans pour violences ayant entraîné une incapacité totale de travail (ITT) supérieure à huit jours ; cinq ans contre trois ans pour violences volontaires ayant entraîné une ITT inférieure à huit jours).


Le projet prévoit par ailleurs de renforcer les mesures conservatoires et le régime des peines applicables au délit de refus d’obtempérer afin de prévenir la commission de cette infraction en prévoyant le même niveau de répression que celui prévu pour les délits routiers les plus graves, qui sont habituellement à l’origine de cet obstacle au contrôle, et à mieux garantir la protection de l’intégrité physique des agents qui y procèdent.


Il propose aussi de renforcer la lutte contre la pratique des rodéos motorisés.


Le projet de loi vise en outre à transformer la réserve civile de la police nationale en une réserve opérationnelle, à l’instar de celles de la gendarmerie nationale et des armées, "afin de renforcer le lien entre la population et la police, de favoriser le sentiment d’appartenance des réservistes citoyens à l’institution et d’accroître la capacité opérationnelle de la police nationale".


Cadres juridiques relatifs aux dispositifs de captation d’images

Tirant les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel n° 2021-817 DC du 20 mai 2021, le projet de loi propose par ailleurs des cadres juridiques aux garanties renouvelées pour la mise en œuvre, par les services de l’État dans l’exercice de leurs missions, de dispositifs de captation d’images dans le respect du droit à la vie privée (vidéo-surveillance dans les locaux de garde à vue ; caméras aéroportées ; caméras embarquées). Le projet considère qu'il s’agirait en effet d’outils indispensables à la protection de la sécurité et à l’efficacité opérationnelle des forces.


Renforcement du contrôle des armes

Le projet de loi entend également renforcer l’efficacité du fichier national des interdits d’acquisition et de détention d’armes (FINIADA) pour mieux prévenir des passages à l’acte criminel de détenteurs d’armes.


Dispositions améliorant l’efficacité et simplifiant la procédure pénale

Le projet de loi comporte enfin des dispositions ayant pour objet de renforcer l’efficacité et simplifier la procédure pénale. Il permet de garder à la disposition de la justice des prévenus présentés devant une juridiction pénale incompétente du fait d’une erreur sur leur majorité ou leur minorité, le temps de les présenter devant la juridiction compétente.

Il prévoit également, dans des hypothèses précisément encadrées et avec l’autorisation du procureur de la République, qu’il soit procédé au cours d’une enquête, sans le consentement de la personne, au recueil de ses empreintes digitales lorsqu’elle refuse de donner son identité.


Il étend enfin le dispositif d’amende forfaitaire délictuelle, outil efficace de répression et de simplification de la procédure pénale déjà prévu notamment pour l’usage de stupéfiants, aux vols à l’étalage.


Nous reviendrons bien entendu sur ce projet, largement éclipsé par le passe sanitaire présenté lors du même conseil des ministres, mais tout aussi dangereux pour certains droits et libertés.


On attend par ailleurs avec intérêt l'avis de la CNIL sur ce projet.

Lire le projet de loi