Protection de la résidence principale de l'entrepreneur individuel application de la loi dans le temps

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.
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Par Louis Thibierge
Agrégé des Facultés de Droit
Professeur à l’Université d’Aix-Marseille
Membre du Centre de Droit Économique
Directeur du Master 2 Recherche Droit Économique
Directeur du DESU Economic Law
Avocat au Barreau de Paris

23 septembre 2022




Cass. com., 13 avril 2022, n° 20-23165 [1]


Depuis la loi Macron du 6 août 2015, la résidence de l’entrepreneur principal jouit d’une protection, localisée à l’article L. 526-1 C. Com., lequel dispose : « les droits d'une personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante sur l'immeuble où est fixée sa résidence principale sont de droit insaisissables par les créanciers dont les droits naissent à l'occasion de l'activité professionnelle de la personne ».

L’article 206 IV de la loi Macron prévoit une disposition transitoire selon laquelle la protection « n'a d'effet qu'à l'égard des créanciers dont les droits naissent à l'occasion de l'activité professionnelle après la publication de la présente loi ».

Au cas d’espèce, le liquidateur d’une société avait tenté de saisir la résidence principale d’un peintre, nonobstant l’article L. 526-1 précité. Pour ce faire, il soutenait que « l'essentiel des créances déclarées étaient antérieures au 8 août 2015, date de la publication de la loi », de sorte que la loi serait inapplicable à ces créanciers.

Le liquidateur en déduisait, de manière originale, que la protection serait divisible : l’insaisissabilité serait opposable aux créanciers postérieurs, mais inopposable aux créanciers antérieurs. Rejoignant les juges du fond, la Haute juridiction rejette cette position.

Faisant une application logique de l’article L. 526-1, la Cour juge que « le liquidateur ne peut agir en licitation-partage de l'immeuble indivis constituant la résidence principale de l'indivisaire en liquidation judiciaire, que si tous les créanciers de la procédure ont des créances nées avant la publication de la loi ».

De l’ « essentiel » à la totalité, la nuance est de taille.

L’insaisissabilité ne se divise pas. Soit tous les créanciers sont antérieurs au 8 août 2015 et la protection édictée est inapplicable, soit l’un au moins des créanciers est postérieur et l’action est irrecevable.