Prud’hommes : utiliser des enregistrements comme preuve ? (fr)
France > Droit social > Droit du travail > Licenciement
Yves Nicol, avocat au barreau de Lyon [1]
Mars 2021
Dans des précédents posts, j’ai déjà évoqué le problème de l’enregistrement des conversations devenu habituel dans les entreprises, lors des entretiens préalables à licenciement, ou des réunions houleuses.
L’idée est de s’en servir ensuite comme preuve. Un simple téléphone mobile en mode enregistrement, posé sur le bureau fait l’affaire.
Le salarié enregistre son employeur à son insu ou bien c’est l’employeur qui filme ou enregistre le salarié.
La jurisprudence a toujours été claire : cet enregistrement n’est pas une preuve. Il est irrecevable en justice, dès lors qu’il est réalisé à l’insu de la personne enregistrée.
Le Code de procédure civile, article 9 rend irrecevable tout ce qui est obtenu au moyen de stratagèmes variés à l’insu des personnes non-informées de l’existence du moyen de contrôle ou d’enregistrement sonore ou visuel.
Ce type de preuve n’est pas conforme à l’égalité des armes entre les parties et aux règles d’un procès équitable. Une telle preuve est donc contraire aux dispositions de l’article 9 du code civil et celles de l’article 6 al.1 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme.
Ceci vaut aussi bien pour le salarié qui enregistre son employeur que pour l’employeur qui enregistre le salarié.
un simple téléphone mobile en mode enregistrement, posé sur le bureau fait l’affaire.
Du coup, tout enregistrement réalisé à l’insu de la personne enregistrée constitue un procédé déloyal rendant la preuve ainsi obtenue irrecevable.
La Cour de cassation a traditionnellement jugé que l’illicéité d’un moyen de preuve doit entraîner son rejet des débats ». Voir : Cass. Soc 8 octobre 2014, n° 1214991
« l’enregistrement d’une communication téléphonique réalisé à l’insu de l’auteur des propos tenus constitue un procédé déloyal rendant irrecevable sa production à titre de preuve ». Voir Cass.soc 7 janvier 2011, n° 09-14316 [2]
Mais une décision très récente, en date du 25 novembre 2020 n°17-19523 [3], vient tempérer ce principe, lorsque l’employeur produit comme preuve des éléments de preuve portant atteint eà la vie personnelle du salarié.
Dans cette décision , la Cour de cassation précise que « l’illicéité d’un moyen de preuve n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant apprécier si l’utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’un salarié à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi. »
Donc en clair, au cas par cas, et en fonction de la proportionnalité de l’atteinte à la vie personnelle, le juge peut accepter ou rejeter l’élément de preuve.