Résiliation contractuelle et stricte application de la clause résolutoire (fr)

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Bénédicte Deleporte, avocat au barreau de Paris
Avril 2019




En vertu de l’article 1103 du code civil, “Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits”.
[1] Cette disposition s’applique tant aux conditions d’exécution du contrat qu’aux conditions de résiliation qui ont été prévues par les parties.[2]
La Cour de cassation l’a rappelé dans deux arrêts dans lesquels les juges ont fait une stricte application de la clause résolutoire figurant dans les contrats pour apprécier la régularité de la résiliation. 


Les conditions de mise en oeuvre de la clause résolutoire

Dans une première affaire, la propriétaire d’un immeuble avait vendu son bien, avec une partie en rente viagère.


L’acheteur (débirentier) n’ayant pas réglé des rentes à leur échéance, le 6 avril 2012 la vendeuse (crédirentier) a fait signifier un commandement de payer visant la clause résolutoire figurant au contrat de vente.


Le 9 mai 2012, le crédirentier a assigné le débirentier, alors en redressement judiciaire, pour voir constater l’acquisition de la clause résolutoire du contrat de vente et obtenir le paiement des sommes dues par ce dernier.


La clause résolutoire figurant au contrat de vente stipulait “qu’à défaut par le débirentier de payer exactement les arrérages de la rente, et en cas de mise en demeure par le crédirentier au débirentier d’avoir à acquitter ladite rente, la vente sera résolue de plein droit, après un simple commandement de payer resté infructueux et contenant déclaration par le crédirentier de son intention d’user du bénéfice de ladite clause”.


Le commandement de payer signifié au débirentier faisait effectivement référence à la clause résolutoire du contrat.


Le crédirentier avait en outre manifesté “sans ambiguïté”, sa volonté d’appliquer cette clause, avec effet immédiat.


La Cour d’appel avait ainsi conclu au caractère régulier du commandement de payer.


Dans un arrêt du 17 octobre 2018, la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la Cour d’appel d’Aix en Provence du 1er mars 2017, au motif que cette dernière n’avait pas correctement tiré les conséquences légales de ses constatations sur l’application de la clause résolutoire du contrat.[3]


Selon les termes de cette clause, la résolution du contrat était soumise à un délai accordé au débirentier pour régler les sommes impayées (“commandement de payer resté infructueux”).


En conséquence, la Cour de cassation a décidé que la résolution du contrat devait être impartie d’un délai au débirentier pour régler les sommes impayées, appliquant strictement les termes de la clause résolutoire.


L’incompatibilité d’une faute grave avec l’application d’un préavis de résiliation

Dans cette seconde affaire, un radiologue avait conclu un contrat d’exploitation d’un scanner avec une clinique, en date du 21 décembre 2010.


La clause résolutoire prévoyait que les parties pourraient mettre fin au contrat sous réserve d’un préavis de six mois.


En cas de résiliation par la clinique, celle-ci devait verser au médecin une indemnité correspondant à un an de chiffre d’affaires.


En revanche, en cas de faute grave de la part du médecin, la résiliation serait immédiate et celui-ci n’aurait pas droit à l’indemnité.


Par courrier du 25 juillet 2014, la clinique a résilié le contrat à effet du 31 janvier 2015, s’appuyant sur un certain nombre de griefs, mais en s’opposant au versement de l’indemnité.


Le médecin a assigné la clinique en versement de l’indemnité contractuelle prévue à la clause résolutoire.


Le litige portait notamment sur la qualification de la faute imputable au médecin, et sur les conditions applicables à la résiliation du contrat.


En effet, soit la clinique estimait que le médecin avait commis une faute grave, et dans ce cas la résiliation était immédiate et ne donnait pas lieu au versement de l’indemnité prévue au contrat, soit la faute n’était pas qualifiée de “grave”, et dans ce cas la résiliation était assortie du préavis de 6 mois et du versement de l’indemnité contractuelle.


Dans un arrêt rendu le 14 novembre 2018, la Cour de cassation a une nouvelle fois fait une application stricte des termes du contrat et relève la contradiction entre le fait de retenir une faute grave à l’encontre du cocontractant et refuser de lui régler l’indemnité contractuelle, et le fait d’assortir la résiliation d’un préavis de 6 mois.


Ainsi, les juges soulignent “qu’une faute grave, par son importance, rend impossible le maintien d’un contrat d’exploitation ou d’exercice” conclu entre un médecin et un établissement de santé pendant la durée du préavis. La faute grave “ne peut, dès lors être retenue que si la résiliation a été prononcée avec effet immédiat.” [4]


La Cour d’appel de Paris, dans son arrêt du 15 juin 2017, avait relevé que la clinique avait résilié le contrat en accordant à la société (au médecin) un préavis de six mois.


La qualification de faute grave ne pouvait donc s’appliquer.


La cour de cassation a confirmé l’arrêt d’appel mais a prononcé la cassation partielle sur le montant de l’indemnité due par la clinique au médecin.


La résiliation anticipée d’un contrat est désormais régie par l’article 1225 du code civil, dans sa version en vigueur depuis la réforme du droit des contrats.[5]


Un contrat ne peut être résilié de manière anticipée que sous réserve 1- d’une mise en demeure restée sans effet, et 2- que la mise en demeure mentionne expressément la clause résolutoire figurant au contrat. Les parties peuvent cependant prévoir que le contrat sera résilié du seul fait de l’inexécution de ses obligations par une partie.


Il convient donc d’une part de rédiger les clauses résolutoires dans des termes clairs, en précisant les différentes situations pouvant entraîner la résiliation du contrat (manquement contractuel, faute grave - et éventuellement fournir des exemples de manquements qui pourront être qualifiés de faute grave), et d’autre part de s’assurer de les exécuter correctement en cas de mise en oeuvre de la clause de résiliation anticipée du contrat.


Notes

  1. 1 ancien article 1134 al.1 du code civil dans sa version antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016.
  2. 2 article 1184 du code civil, dans sa version antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, remplacé par les articles 1224 à 1230 du code civil
  3. 3 Cass com, affaire n°17-17935, arrêt du 17 octobre 2018
  4. 4 Cass civ 1, affaire n°17-23135, arrêt du 14 novembre 2018
  5. 5 Art 1225 du code civil “La clause résolutoire précise les engagements dont l'inexécution entraînera la résolution du contrat. La résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse, s'il n'a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l'inexécution. La mise en demeure ne produit effet que si elle mentionne expressément la clause résolutoire.”