Rappel utile : la mise en demeure n'interrompt pas la prescription extinctive.

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.
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Par Louis Thibierge
Agrégé des Facultés de Droit
Professeur à l’Université d’Aix-Marseille
Membre du Centre de Droit Économique
Directeur du Master 2 Recherche Droit Économique
Directeur du DESU Economic Law
Avocat au Barreau de Paris

15 septembre


18 mai 2022 Cour de cassation Pourvoi n° 20-23.204

Un arrêt rendu hier par la Cour de cassation rappelle une règle trop souvent méconnue en pratique.

Selon les termes de l’article 2241 du Code civil, « La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion ».

L’article 2244 y ajoute les mesures conservatoires et les actes d’exécution forcée, tandis que l’article 2240 vise la reconnaissance par le débiteur.

Aucun de ces textes ne fait de la mise en demeure un acte interruptif de prescription.

La mise en demeure joue un rôle procédural non négligeable (intérêts moratoires, possibilité de mettre en œuvre une clause résolutoire ou une résolution par notification, etc.).

Mais, sauf à dénaturer les textes, la mise en demeure ne saurait être assimilée à une « demande en justice » puisque, par définition, elle ne saisit pas la justice.

C’est ce que rappelle la Cour dans un arrêt rendu hier.

Les faits étaient basiques : un créancier assigne le 12 octobre 2016 son débiteur en paiement de loyers impayés. Les juges du fond lui opposent la prescription concernant les loyers antérieurs au 12 octobre 2011.

Notre bailleur se pourvoit en cassation, arguant qu’il a délivré au débiteur plusieurs mises en demeure, de sorte que la prescription aurait été interrompue.

Le pourvoi est, fort logiquement, repoussé, au motif qu’ « une mise en demeure, fût-elle envoyée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, n'interrompt pas le délai de prescription de l'action en paiement des loyers ».

La Cour ajoute que les causes d’interruption de la prescription ci-dessus évoquées (reconnaissance, demande en justice, mesures provisoires ou actes d’exécution forcée) sont limitatives.

Sauf pour les parties à être convenues que la prescription pourra être autrement interrompue, comme le permet l’article 2254 du Code, la liste est exhaustive.

Mettre le débiteur en demeure est une chose. L’assigner en justice en est une autre.

A retenir : si vous souhaitez faire de la mise en demeure une cause d’interruption de la prescription extinctive, stipulez une clause en ce sens.