Responsabilité pour insuffisance d'actif la simple négligence ne suffit pas.

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.
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Par Louis Thibierge
Agrégé des Facultés de Droit
Professeur à l’Université d’Aix-Marseille
Membre du Centre de Droit Économique
Directeur du Master 2 Recherche Droit Économique
Directeur du DESU Economic Law
Avocat au Barreau de Paris

21 septembre 2022


Un récent arrêt (Cass. com., 13 avril 2022, n° 20-20137 [1]) offre à la Cour l’occasion de rappeler que la simple négligence d’un dirigeant ne suffit pas à engager sa responsabilité pour insuffisance d’actif.

La règle, posée à l’article L. 651-2 du Code de commerce est claire : « en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la personne morale, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée ».

L’arrêt présenté ne prodigue qu’une illustration de la règle.

Au cas d’espèce, il était reproché à un dirigeant d’avoir « manqué de vigilance en engageant sa société dans une activité reposant sur un seul client sans trouver de moyen de garantir la pérennité des relations commerciales ».

De fait, son unique client lui avait imposé de lourds investissements avant de rompre brutalement toute relation commerciale, plongeant la société dans les affres de la liquidation judiciaire.

La cour d’appel (Aix-en-Provence, 9 juillet 2020) avait condamné notre dirigeant pour manque de vigilance.

La cassation surprendra peu : « En statuant par de tels motifs tirés seulement d'un manque de vigilance de M. [P], impropres à établir que celui-ci aurait commis une faute de gestion non susceptible d'être analysée en une simple négligence, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ».

Dit autrement, le manque de vigilance n’est qu’une négligence. Il ne peut fonder une action en responsabilité pour insuffisance d’actif.

Du moins est-ce là notre formulation, qui s’inscrit dans la lignée de l’article L. 651-2, selon lequel la responsabilité « ne peut être engagée ». Dans l’arrêt étudié, la Cour adopte autre formulation, qui nous paraît plus incertaine : elle affirme que la responsabilité « est écartée ».

Par-delà la sémantique, l’on se réjouira de voir l’esprit de la loi respecté, et les dirigeants quelque peu rassérénés. .