Secret professionnel et perquisitions en cabinet d’avocats : la QPC de l’ordre de Paris transmise au Conseil constitutionnel ! (art. 56-1 et 56-1-1 du CPP)
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Frédéric Chhum, avocat au barreau de Paris [1]
Octobre 2022
La loi Dupont Moretti n°2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire modifie les règles des perquisitions en cabinet ou un domicile d’un avocat.
La loi instaure notamment des exceptions au secret professionnel du Conseil qui ont été vivement critiquées par les avocats (art. 56-1-2 du CPP).
L’article 56-1-2 du CPP dispose que le secret professionnel du conseil n'est pas opposable aux mesures d'enquête ou d'instruction lorsque celles-ci sont relatives aux délits de fraude fiscale, de corruption, de trafic d’influence, de financement du terrorisme et le blanchiment de ces délits,
La circulaire DACG CRIM -2022- 05/H2 du 28 février 2022 du ministre de la Justice présente les dispositions de la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire renforçant la protection des droits de la défense.
Cette circulaire du 28 février 2022 donne une interprétation de la protection du secret de la défense et de la protection du secret du conseil à l’aune de la loi du 22 décembre 2021.
Le recours de l’ordre des avocats de Paris et de l’ordre des Hauts de Seine contre la circulaire du 22 février 2022
Par des mémoires enregistrés le 28 juillet et le 7 septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l'ordre des avocats au barreau de Paris a demandé au Conseil d’Etat, en application de l’article 23-5 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l’appui de sa requête tendant à l’annulation de la circulaire du garde des sceaux, ministre de la justice du 28 février 2022 présentant les dispositions de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l’article 56-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi du 22 décembre 2021, ainsi que celle de l’article 56-1-2 du même code, créé par cette loi.
L’ordre des avocats au barreau des Hauts-de-Seine a déposé une requête dans le même sens.
L’arrêt du Conseil d’Etat du 18 octobre 2022 (463588, 463683)[2]
Dans son arrêt du 18 octobre 2022, le Conseil d’Etat a rappelé les termes des articles 56-1 et 56-1-1 du Code de procédure pénale.
Le Conseil d’Etat relève que ces articles n’ont pas déjà été déclarés conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel.
Il ajoute que « le moyen tiré de ce qu’elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment aux droits de la défense protégée par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, soulève une question présentant un caractère sérieux ».
Ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité invoquées.
Dans son arrêt du 18 octobre 2022, le Conseil d’Etat décide que :
- Les questions de la conformité à la Constitution des articles 56-1 et 56-1-2 du code de procédure pénale issus de la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire sont renvoyées au Conseil constitutionnel ;
- Il est sursis à statuer sur la requête de l’ordre des avocats au barreau de Paris et sur celle de l’ordre des avocats au barreau des Hauts-de-Seine jusqu’à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché les questions de constitutionnalité ainsi soulevées.
Analyse
Il faut se réjouir de cette décision.
Dans un tweet du 18 novembre 2021 adressé à tous les avocats et à leurs représentants, le Ministre de la justice avait suggéré des modifications du texte litigieux ou à défaut, un retrait de l’article 3 du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire avec maintien des règles en vigueur à l’époque. [3]
Le barreau de Paris avait vivement contesté l’article 3 du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire et avait organisé de nombreuses manifestations pour contester ce texte.
Finalement, les représentants des avocats avait opté pour le retrait du texte comme le suggérait le Ministre mais in fine, le texte de loi a été voté dans des termes proches de la version proposée par le Ministre de la Justice Dupond Moretti.
Cela sera aux sages du Conseil Constitutionnel de trancher de la conformité des articles 56-1 et 56-1-2 du code de procédure pénale à la Constitution.
La décision du conseil constitutionnel est très attendue.