Site e-commerce: les fausses promotions dans le viseur de la DGCCRF (fr)
France > Droit privé > Droit de la consommation > E-commerce
Auteur Amélie Ozsevgec, avocat au barreau de Paris
Juillet 2019
La DGCCRF est dotée de pouvoirs d’enquête et de contrôle pour faire cesser toute pratique commerciale trompeuse. Ces pratiques issues de la directive n° 2005/29/CE du 11 mai 2005 comprennent tant les actions trompeuses que les omissions trompeuses. Parmi les actions trompeuses, figurent notamment les pratiques de nature à induire en erreur le consommateur sur le caractère promotionnel du prix.
Les pratiques induisant en erreur le consommateur sur le caractère promotionnel du prix
En raison de leur impact négatif sur le consommateur et de la publicité qui y est attachée, ces pratiques sont systématiquement dans la ligne de mire des agents de la DGCCRF [1].
Dans le cadre de ses missions, la DGCCRF est amenée à vérifier la réalité de ces promotions. A cette fin, elle peut recueillir, sur place ou sur convocation, tout renseignement, toute justification ou tout document qu’elle estime nécessaire y compris lorsque ces éléments sont détenus par un fabricant implanté à l’étranger. Elle peut également réclamer, le cas échéant, à l'annonceur, l'agence de publicité ou au responsable du support, la mise à sa disposition des messages publicitaires diffusés (art. L512-10 c.cons. ; art. L512-15 c.cons.).
En pratique, la DGCCRF va exercer son contrôle sur une certaine période pour vérifier :
- Si le produit ou le service faisant l’objet d’une annonce de réduction de prix était bien commercialisé auparavant ;
- Si la réduction annoncée est bien effective ;
- Que le prix de référence n’est pas fictif ;
- Que cette promotion est exceptionnelle et non habituelle.
Comment appréhender le prix de référence dans le cadre de ces opérations de promotion ?
La DGCCRF constate que, dans le cadre d’une promotion, l’affichage du prix de référence ne fait que rarement défaut. Cependant aux vues de la forte récurrence des opérations de promotion (notamment en ligne), la DGCCRF s’interroge sur la réalité de ce prix de référence.
A titre d’exemple, dans une récente affaire, les autorités de contrôle reprochaient à une société des pratiques consistant à proposer des rabais fictifs sur une certaine gamme de ses produits en dehors des campagnes publicitaires, et en réalité, toute l’année (Cour de cassation, Ch. Com., 20 février 2019, 17-13.215).
Pour que cette pratique soit qualifiée de trompeuse, la Cour de cassation rappelle que :
Une « pratique commerciale est réputée trompeuse si elle contient des informations fausses ou induit ou est susceptible d'induire en erreur le consommateur moyen, notamment sur l'existence d'un avantage spécifique quant au prix »
La Cour fait référence ici à la réalité du prix de référence.
Si celui-ci n’est pas habituellement pratiqué, l’annonce de réduction du prix est fortement susceptible d’induire en erreur le consommateur qui croit pouvoir faire une « bonne affaire » alors que ce n’est pas le cas si le prix de référence affiché n’a jamais ou rarement été appliqué ;
La pratique doit, en outre, amener ou être susceptible d'amener le consommateur à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement.
Il s’agit ici de démontrer l'incidence de la pratique sur le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.
La Cour de cassation facilite la charge de cette preuve vis-à-vis des agents de contrôle puisqu’elle considère qu’il revient au professionnel de démontrer que les prix à partir desquels les offres promotionnelles sont calculées étaient effectivement facturés de manière habituelle à ses clients et qu'ils correspondaient à une réalité commerciale.
En l’absence d’une telle preuve, la Cour considère que « ces pratiques conduisent le consommateur moyen à prendre une décision commerciale qu'il ne prendrait pas autrement, dès lors qu'il ne peut avoir conscience de ce que la remise qui lui est proposée est fictive et de ce que les prix affichés en magasin ne sont jamais pratiqués »
Quels professionnels sont visés par les contrôles de la DGCCRF en matière de pratiques commerciales trompeuses ?
Tous les professionnels commercialisant des biens et services à des consommateurs résidant sur le territoire français peuvent faire l'objet de contrôles.
A cet égard, il convient de noter qu’il ressort du Bilan de l’action 2018 de la DGCCRF publié le 25 mars 2019 que les contrôles des sites internet ont augmentés (+2%). Cette année, la DGCCRF ne compte pas moins de 12.600 sites internet contrôlés à son actif.
Peu importe que le site internet, et notamment les sites marchands, soient exploités par une société basée à l’étranger.
En effet, le délit de pratique commerciale trompeuse est constitué dès lors que la pratique est mise en œuvre ou qu'elle produit ses effets en France (art. L132-1 c.cons.).
Si la pratique en cause touche des consommateurs résidant en France, ces dispositions pourront se voir appliquer quand bien même le commerçant à l’origine de ces pratiques est basé à l’étranger.
=Quelles sont les sanctions encourues en cas de fausses promotions ?
Les pratiques commerciales trompeuses sont punies d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 300 000 euros.
Le montant de l'amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du délit, à 10 % du chiffre d'affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits, ou à 50 % des dépenses engagées pour la réalisation de la publicité ou de la pratique constituant ce délit (art. L132-2 c.cons.).
Par ailleurs les personnes physiques coupables de ce délit encourent également à titre de peines complémentaires l'interdiction, soit d'exercer une fonction publique ou d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise, soit d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d'administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour leur propre compte ou pour le compte d'autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale.
Ces interdictions d'exercice ne peuvent excéder une durée de cinq ans, toutefois elles peuvent être prononcées cumulativement (art. L132-3 c.cons.).