Trottinette électrique conducteur ou victime .... Attention danger ! (fr)
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Cabinet Barbier avocats
Février 2019
Les engins de déplacement personnel… à la recherche d’un régime juridique adapté
Selon le Ministère de l’Intérieur, près de 284 personnes ont été blessées et 5 ont été tuées en trottinette et en rollers en 2017 contre 231 personnes blessées et 6 personnes tuées un an plus tôt, soit une hausse de 23% des blessés entre 2016 et 2017.
Depuis 2013, 1378 accidents ont été recensés, notamment des collisions sur la route avec des voitures, des scooters ou des vélos.
Ces statistiques sont d’autant plus alarmantes qu’à l’heure actuelle les véhicules électriques unipersonnels, également appelés engins de déplacement personnels électriques (EDP électriques), regroupant des engins tels que la trottinette électrique, les gyropodes, la monoroue ou l’hoverboard n’appartiennent à aucune catégorie de véhicules actuellement définies dans le code de la route.
Quant à leur circulation dans l’espace public, cette dernière n’en est pas plus réglementée.
Les EDP électriques étant explicitement exclus du règlement européen UE 168/2013 du 15 janvier 2013 relatif à la réception et à la surveillance du marché des véhicules à deux ou trois roues et des quadricycles, chaque Etat membre européen peut définir sa propre réglementation.
En pratique, ce vide juridique entourant les EDP électriques pose de nombreuses difficultés, notamment du point de vue de la responsabilité.
Ces derniers ayant désormais la possibilité de circuler à 20 ou 30 kilomètres heure, la mise en place d’un régime adapté s’avère être une priorité pour la sécurité des usagers de la voie publique.
Les dispositions de la loi du 5 juillet 1985 ont en effet vocation à gouverner la réparation de dommages résultant d’un accident dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur.
L’article L. 110-1 du code de la route définit à ce titre le véhicule à moteur comme « tout véhicule terrestre pourvu d’un moteur de propulsion, y compris les trolleybus, et circulant sur route par des moyens propres, à l’exception des véhicules qui se déplacent sur des rails ».
L’article L. 211-1 du Code des assurances, de son côté, fait du véhicule terrestre à moteur « l’assiette d’une assurance obligatoire ».
Toutefois, s’il est sans doute conforme aux désirs du législateur, cette obligation d’assurance est contraire à la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation, qui comprenant de façon extensive la notion, a retenu la qualification de véhicule terrestre à moteur pour des engins non soumis à une telle obligation.
Ce qui compte c’est l’existence d’un moteur et sa fonction : il doit servir les facultés de déplacement de la machine.
Peu importe qu’il ne soit pas indispensable à son utilisation.
L’engin reste un véhicule terrestre à moteur même si sa construction permet à son conducteur de l’utiliser comme un véhicule terrestre sans moteur.
Ainsi, il a été décidé que la loi Badinter devait s’appliquer à la victime qui pilotait un cyclomoteur de la marque « vélo solex », dont un système de relevage du moteur est essentiellement un engin motorisé.
Pour cette raison, à l’inverse, ne sont pas considérées comme véhicule terrestre à moteur, les bicyclettes à assistance électrique munies d’un petit moteur pour aider le cycliste lors d’efforts important, le moteur électrique ne pouvant être utilisé de façon autonome dans ce cas.
Si l’on revient au EDP électriques, au vue des précisions ci-dessus, il convient sans nul doute que ces engins sont équipés d’un moteur à propulsion électrique et qu’ils disposent d’une faculté d’accélération.
Ils devraient donc par définition être qualifiés de véhicules terrestres à moteur.
Pourtant, parmi les différentes catégories de véhicules appréhendés par le Code de la route, seule une catégorie serait susceptible d’y inclure les EDP électriques : le véhicule de catégorie L1e, c’est-à-dire un « véhicule à deux roues dont la vitesse maximale par construction est égale ou supérieure à 6 km/j et ne dépasse pas 45 km/h et équipé d’un moteur (…) d’une puissance maximale nette n’excédant pas 4 kilowatts ».
Toutefois, des engins qui ne sont pas autorisés à circuler sur la chaussée, du fait de l’absence d’homologation et d’immatriculation, peuvent-il être considérés comme des véhicules terrestres à moteur au titre de l’indemnisation des victimes d’accident de la circulation ?
S’agissant des véhicules jouets et en l’espèce d’une mini-moto, la Cour de cassation a approuvé la Cour d’appel d’Aix en Provence d’avoir retenu la qualification de véhicule terrestre à moteur, au motif qu’il se déplace « sur route au moyen d’un moteur à propulsion avec faculté d’accélération ».
Cette jurisprudence pourrait-elle être transposable aux EDP électriques ? La réponse est mitigée.
En effet, la loi considère les utilisateurs de ces engins comme des piétons.
Dans un arrêt en date du 5 avril 2018, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence semble aller dans ce sens.
En l’espèce il s’agissait d’un utilisateur de trottinette qui, roulant sur un trottoir, a été percutée par un automobiliste.
La Cour d’appel a considéré qu’ « en tout état de cause, le fait d’avoir circulé sur un trottoir avec cette trottinette ne peut constituer une faute d’une gravité telle qu’elle exclut tout droit à indemnisation sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985 ».
Les EDP électriques semblent donc, pour l’heure, être considérés comme des piétons dont les fautes, sauf la faute inexcusable, ne peuvent pas leur être reprochées pour exclure la garantie des dommages par l’assurance de l’auteur de l’accident.
La Cour d’appel a par ailleurs tenu à préciser qu’ « en l’absence de réglementation claire en la matière, il n’appartient pas au juge des référés, juge de l’évidence, de se prononcer sur la qualification de la patinette électrique utilisée, ni sur le droit de la victime de circuler avec cet engin sur un trottoir ».
Dans le cadre du projet de loi d’orientation des mobilités, un cadre va toutefois être défini dans les prochaines semaines avec la création d’une nouvelle catégorie de véhicule dans le code de la route.
Affaire à suivre…