Troubles anormaux de voisinage : du fondement de la responsabilité

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.
France  > Droit privé > Droit civil > responsabilité civile extracontractuelle


Par Louis Thibierge
Agrégé des Facultés de Droit
Professeur à l’Université d’Aix-Marseille
Membre du Centre de Droit Économique
Directeur du Master 2 Recherche Droit Économique
Directeur du DESU Economic Law
Avocat au Barreau de Paris


Inlassablement, la Cour de cassation reprend son bâton de pèlerin et rappelle que la théorie des troubles anormaux de voisinage instaure une responsabilité purement objective, déconnectée de toute notion de faute.

Au cas d’espèce (Cass. civ. 3e, 16 mars 2022, n° 18-23954), une question simple lui était posée : en cas de vente de l’immeuble à l’origine du trouble, qui du vendeur ou de l’acquéreur est responsable à l’égard des tiers victimes du trouble ?

Un pavillon est vendu en 2007. Quelques jours après la cession, les propriétaires du fonds voisin se plaignent d’infiltrations d’eau en provenance du fonds vendu. Une expertise établit que ces infiltrations trouvent leur cause dans des conduites fuyardes dont les premiers désordres remontaient à 1997 et 2005, soit avant la cession.

La cour d’appel condamne les acquéreurs, ès-qualités de propriétaires de l’immeuble à l’origine du trouble (des infiltrations d’eaux dans le fonds voisin).

Ceux-ci se pourvoient en cassation, arguant que « le vendeur est responsable du trouble anormal de voisinage causé par l'immeuble vendu avant la cession ».

Le pourvoi est rejeté au terme d’un syllogisme limpide.

Majeure : « L'action fondée sur un trouble anormal du voisinage est une action en responsabilité civile extracontractuelle qui, indépendamment de toute faute, permet à la victime de demander réparation au propriétaire de l'immeuble à l'origine du trouble, responsable de plein droit ». Mineure : « Ayant constaté que le trouble subsistait alors que M. et Mme [F] étaient devenus propriétaires du fonds à l'origine des désordres, la cour d'appel en a exactement déduit que leur responsabilité devait être retenue, peu important qu'ils n'aient pas été propriétaires de ce fonds au moment où les infiltrations avaient commencé à se produire ».

En d’autres termes, la responsabilité du fait des troubles anormaux de voisinage est propter rem, indépendamment de toute notion de faute. C'est le "propriétaire de l'immeuble à l'origine du trouble" et non la "personne à l'origine du trouble" qui engage sa responsabilité.