Une retenue douaniere qui ne dit pas son nom.

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Jean Pannier, avocat au barreau de Paris
Docteur en droit
Ancien membre du Conseil de l’Ordre
Août 2019


La douane a de tous temps bénéficié de prérogatives exorbitantes du droit commun situation qui explique largement certaines tentations et débordements en dépit des circulaires et autres notes de service destinées aux agents pour prévenir les excès de zèle. Mais la justice veille.

En voici un bel exemple qui concerne le contrôle d’un voyageur dans le train, procédure classique mais qui, ici, a largement bousculé les garanties prévues par le code des douanes c’est-à-dire par la loi :

  • Cour d’appel de Colmar arrêt du 28 février 2019 Chambre des appels correctionnels au nom du peuple français dans l’affaire pénale :


Le ministère public appelant, intimé et M. X prévenu, appelant, intimé, libre, comparant en personne, assisté de ses avocats lesquels, in limine litis, soulève des exceptions de nullités et reprend ses conclusions déposées à l’audience et qui, sur le fond, ont été entendus en leur plaidoirie et de Madame S., interprète, qui a prêté le serment prévu à l’article 407 du Code de Procédure Pénale.

Vu le jugement, rendu le 10 janvier 2018 par le Tribunal Correctionnel de Mulhouse qui, a rejeté la demande de nullité de l’acte intitulé "procès-verbal de constat" du 16 février 2017 et de nullité de procédure subséquente et qui, sur L’ action publique, a déclaré X coupable de détention frauduleuse de plusieurs faux documents administratifs, le 16 février 2017, à Mulhouse, en tout cas sur le territoire national et depuis temps n’emportant pas prescription, infraction prévue par les articles 441-3, 441-2, 441-1 al. 1 du Code Pénal et réprimée par les articles 441-3 al.2, 441-10, 441-11, 131-26-2 du Code Pénal, et qui, en répression :

  • l’a condamné à un emprisonnement délictuel de 6 mois avec sursis,
  • à titre de peine complémentaire, a ordonné la confiscation des scellés, à savoir le passeport et permis de conduire prétendument lettons au nom de Y.


Vu les appels, interjetés contre ce jugement par :

  • M. X, le 10 janvier 2018, par l’intermédiaire de son avocat, Me B.
  • Monsieur le Procureur de la République, le 10 janvier 2018.


La Cour, après avoir à son audience publique du 17 janvier 2019, informé du droit au cours des débats de faire des déclarations, de répondre aux questions qui sont posées ou de se taire, sur le rapport de Monsieur R., Conseiller, accompli dans l’ordre légal les formalités prescrites par l’article 513 du Code de Procédure Pénale, le prévenu interrogé par le truchement de l’interprète, le Ministère Public entendu, le prévenu ayant eu la parole en dernier, après avoir avisé les parties qu’un arrêt serait rendu ce jour 28 Février 2019 et après en avoir délibéré conformément à la loi, a statué comme suit…

Sur ce :

L’appel principal du prévenu du 10 janvier 2018, portant sur les dispositions pénales du jugement et l’appel incident du ministère public du même jour, interjetés dans les formes et délais requis par la loi, sont recevables.

Il fait ainsi notamment valoir :

  • qu’il a fait l’objet d’une mesure de retenue douanière, ayant été mis à disposition de l’administration des douanes durant 3 heures et 10 minutes,
  • que le recours par les services douaniers à l’article 40 du code de procédure pénale caractérise un détournement de procédure,
  • que le procès-verbal rédigé par les services des douanes n’indique pas que les agents verbalisateurs n’ont pas été en mesure de procéder à ce constat sur les lieux de l’infraction, pas plus qu’ils n’ont quitté sans délai les lieux pour se transporter au siège de la brigade.


Sur la régularité de la procédure :

Vu les conclusions en nullité déposées par Me Bonté et Me Pannier, conseils de M. X le 14 janvier 2019,

Vu les débats à l’audience du 17 janvier 2019, les conseils de M. X ayant été mis à même de plaider les exceptions avant toute défense au fond,

Invoquant les articles 323-1 et suivants, 324 à 332 et 338 du code des douanes, l’article 803-5 du code de procédure pénale, ainsi que l’article 6 3 de la, Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales M. X soutient, par la voix de ses conseils, qu’il aurait fait l’objet d’une procédure douanière irrégulière, ce qui aurait eu pour effet d’entacher de nullité la procédure pénale subséquente dont la première procédure serait le support nécessaire.

Il fait ainsi notamment valoir :

  • qu’il a fait I ’objet d’une mesure de retenue douanière, ayant été mis à disposition de l’administration des douanes durant 3 heures et 10 minutes,
  • que le recours par les services douaniers à l’article 40 du code de procédure pénale caractérise un détournement de procédure,
  • que le procès-verbal rédigé par les services des douanes n’indique pas que les agents verbalisateurs n’ont pas été en mesure de procéder à ce constat sur les lieux de l’infraction, pas plus qu’ ils n’ont quitté sans délai les lieux pour se transporter au siège de la brigade des douanes, et qu’il n’est au surplus pas établi qu’ils n’auraient pas accompli d’autres actes relatifs à d’autres procédures, et ce alors même que le temps anormalement long qui s’est écoulé entre le contrôle et l’établissement du procès-verbal litigieux permettrait d’en douter,
  • que ce procès-verbal ne donne aucune indication sur les circonstances de la découverte des documents d’identité présumés falsifiés,
  • que l’intéressé a été soumis à un dépistage de produits stupéfiants sans précision que cette procédure relève de l’article 60 bis du code des douanes,
  • que ses droits au titre de la retenue douanière ne lui ont pas été valablement notifiés, pas plus qu’il n’est établi qu’il ait donné son consentement au dépistage de produits stupéfiants réalisé sur sa personne,
  • qu’il n’a pas été informé, dans une langue qu’il comprenait, au besoin par le truchement d’un traducteur, de la mesure dont il avait fait l’objet, de ses causes et de ses conséquences,
  • qu’en conséquence, il n’a pas été mis en mesure de satisfaire aux obligations imposées par les dispositions du code des douanes, faute d’avoir pu comprendre les sommations d’assister à la rédaction du procès-verbal de constat, d’y insérer ses observations et de le signer.


Cela étant, il résulte des éléments de la procédure que si M. X a fait l’objet d’un contrôle fondé sur l’article 60 du code des douanes, le déroulement de ce contrôle a conduit les agents verbalisateurs à relever des faits susceptibles de caractériser une infraction sans rapport avec l’application de la loi et de la réglementation douanière. A ce titre, le document rédigé par l’administration des douanes indique de manière suffisamment claire et précise que c’est à l’occasion du contrôle des bagages et de la veste de M. X, dans le cadre légal précisé ci-dessus, qu’ont été découverts les effets et documents litigieux.

Et dans ces conditions, aucune circonstance de fait n’apparaît de nature à établir que les agents verbalisateurs n’auraient pas agi à I‘occasion de la mise en œuvre régulière de leurs pouvoirs en appréhendant des objets de nature à révéler les indices de la commission d’une infraction flagrante afin de remise à un officier de police judiciaire disposant du pouvoir d’en opérer saisie dans le cadre d’une enquête de flagrance, à charge pour eux d’en aviser dans les meilleurs délais le procureur de la République conformément à I’article 40 du code de procédure pénale auquel il a été fait à bon droit référence.

Pour autant, si dans ce contexte l’interpellation d’un suspect en flagrance autorisait les agents interpellateurs, en application de l’article 73 du code de procédure pénale, à le garder à disposition le temps nécessaire à sa remise à l’officier de police judiciaire le plus proche, sous réserve d’ instructions en ce sens du procureur de la République dûment avisé comme précisé ci-dessus, c’est à condition de ne pas retenir I’intéressé contre son gré au-delà du temps requis pour les opérations de contrôle et leur consignation par procès-verbal. Au-delà de ce temps, toute mesure de contrainte physique ne peut être exercée que dans le cadre prévu par l’article 323-1 du code des douanes, lequel implique le recours à une mesure de retenue douanière.

Or en l’espèce, il y a lieu d’observer que, préalablement à sa remise aux services de police à 13 heures 10, M. X, qui avait été interpellé à 10h10, soit trois heures plus tôt, a été conduit dans les locaux de la brigade des douanes en gare de Bâle SNCF où il a fait l’objet d’un dépistage de produits stupéfiants, préalablement à l’avis donné, à 11 heures 45, à l’autorité judiciaire.

Ce faisant, les agents verbalisateurs ont effectué à tout le moins un acte d’investigation manifestement sans rapport avec les faits reprochés à M. X et dont la réalisation ne pouvait avoir comme effet que de prolonger la mise à disposition de l’intéressé au-delà du strict temps nécessaire à sa remise à la police et de retarder l’information donnée à l’autorité judiciaire, ce qui impliquait le recours au cadre de la retenue douanière, assorti des garanties y afférentes.

Pourtant, M. X a été maintenu dans les locaux des douanes sans bénéficier de ce régime et sans notamment que lui soient garantis les droits prévus à l’ article 323-5 du code des douanes, parmi lesquels le droit de bénéficier du concours d’un interprète, d’accès à un avocat ou de faire contacter les autorités consulaires de son pays s’agissant d’un ressortissant étranger qui de surcroît ne maîtrise pas la langue française, l’ensemble de ces manquements causant nécessairement grief à I ’intéressé.

Il résulte de ce qui précède, sans même qu’il soit besoin d’examiner le surplus des nullités soulevées, que I’acte intitulé "procès-verbal" de constat établi le 16 février 2017 à 12 heures par les agents verbalisateurs de la brigade de surveillance extérieure de Saint-Louis - Bâle gares, établi en violation des garanties susmentionnées, doit être annulé. Il y a lieu, par suite, de relever que cet acte constitue le support nécessaire de la procédure ouverte pour détention frauduleuse de plusieurs faux documents administratifs par la brigade mobile de recherches de la police aux frontières de Mulhouse.

En effet, le procès-verbal de saisine en date du 16 février 2017 à 13 heures 10 mentionne l’ouverture d’une enquête de flagrance "au vu de ce qui précède", référence étant faite à cet égard au contrôle des agents des douanes et aux documents saisis à cette occasion, ce qui a pour effet de vicier la saisine des services de police, et en conséquence l’intégralité des actes d’enquête et de poursuite effectués subséquemment.

C’est pourquoi il convient de prononcer l’annulation de la procédure portant le no 2017/000019 de la brigade mobile de recherches de la police aux frontières de Mulhouse et les actes de poursuites en résultant, en particulier la convocation par officier ou police judiciaire notifiée à M. X en date du 16 février 2017.

Par ces motifs la Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire à I’encontre de M. X, Infirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Mulhouse le 10 janvier 2018 en ce qu’il a rejeté la demande de nullité de I’acte intitulé procès-verbal de constat du 16 février 2017 et de nullité de la procédure subséquente,

Statuant à nouveau :

Constate la nullité de l’acte intitulé procès-verbal de constat du 16 février 2017,

En conséquence :

Prononce l’annulation de la procédure portant le no 2017/000019 de la brigade mobile de recherches de la police aux frontières de Mulhouse et des actes de poursuites en résultant, en particulier de la convocation par officier ou police judiciaire notifiée à M. X en date du 16 février 2017, Le tout par application des articles visés dans le corps de l’arrêt.

Les faits sont classiques, à priori un banal contrôle douanier dans le train :

Le 16 février 2017 à 10 heures 10, des agents des douanes françaises procédaient à un contrôle des voyageurs dans le TGV no 9203 circulant entre les gares de Mulhouse-Ville et Bâle, en vue de la recherche de la fraude douanière en application de l’article 60 du code des douanes. Lors du contrôle des bagages et de la veste de M. X étaient découverts, outre une lampe à ultraviolets, différents documents d’identité portant sa photographie, certains à son nom, d’autres au nom de Y, s’agissant d’un passeport et d’un permis de conduire lettons.

Les douaniers se transportaient avec M. X au siège de leur unité en gare de Bâle où ils soumettaient M. X à un contrôle de dépistage de produits stupéfiants, avant d’aviser à 1 1 heures 45 le parquet de Mulhouse des faits qu’ ils avaient découverts, puis de dresser à 12 heures un document intitulé "procès-verbal de constat", avant de remettre l’intéressé aux services de la police de l’air et des frontières de Mulhouse en gare de Saint-Louis à 13 heures 20. M. X était alors placé en garde à vue par les policiers avec effet à 10 heures 10, et informé de ce placement et de ses droits par le truchement d’une interprète assermentée, puis entendu par les enquêteurs.

Ces derniers se voyaient également remettre les différents documents d’identité trouvés en possession de M. X, à savoir :

  • un passeport ordinaire de la République populaire de Chine établi au nom de M. X et portant sa photographie, valable du 27 mars 2012 au 26 mars 2022,
  • un passeport ordinaire de la Communauté des Caraïbes de Saint-Christophe-etNiévès au nom de M. X et portant sa photographie, valable jusqu’au 6 septembre 2026,
  • un titre de séjour hongrois au nom de M. X et portant sa photographie, valable jusqu’au 13 avril 2021,
  • un passeport et un permis de conduire lettons, établis au nom de M. Y, portant la photographie de M. X, et valables respectivement jusqu’au 1 5 octobre et 28 novembre 2024.


Lors de son audition, le mis en cause indiquait être présent en France depuis trois jours en provenance de Zurich où il s’était établi à l’été 2016 lors de son arrivée en Europe via Munich, et où il travaillait dans la finance et plus particulièrement dans les placements boursiers. Il ajoutait résider chez sa maîtresse et estimait que son titre de séjour hongrois lui permettait un séjour régulier en Suisse.

Il déclarait avoir acquis en Chine tant son passeport de Saint-Christophe-et-Niévès que son titre de séjour hongrois auprès d’une entreprise chinoise chargée de trouver des solutions pour les candidats à l’émigration.

S’agissant en revanche des deux documents lettons, il les avait acquis en Suisse auprès d’un ressortissant polonais qui lui aurait été recommandé par un ami en Chine, mais s’était aperçu qu’ils étaient faux grâce à la lampe à ultraviolets qu’il avait acquise, et avait sollicité le remboursement partiel des fonds versés, dont il restait en attente. Indiquant avoir été chef d’entreprise en Chine et avoir à ce titre gagné beaucoup d’argent, il précisait avoir consacré quasiment tout son patrimoine financier à l’achat des documents et de la maison à Saint-Christophe.

L’analyse par les services de la police de l’air et des frontières des différents documents dont M. X avait été trouvé porteur venait corroborer les déclarations de ce dernier, dès lors que le passeport chinois à son nom et en cours de validité ne portait aucune trace de contrefaçon ou de falsification, pas plus que les visas qu’il contenait et notamment le visa Schengen portugais expiré depuis le 27 août 2016. Le passeport émis, également à son nom par la Fédération de Saint-Christophe-et-Niévès apparaissait également authentique, tout comme sa carte de séjour hongroise. En revanche, tant le passeport que le permis de conduire lettons se révélaient être des faux, la falsification du passeport concernait la page d’état civil tandis que pour le surplus le ce titre présentait les éléments de sécurité requis pour un document authentique.

La procédure

Le mis en cause était convoqué par un officier ou agent de police judiciaire devant le tribunal correctionnel de Mulhouse, l’audience devant faire l’objet de trois renvois successifs. Il comparaissait à I ’audience du 10 janvier 2018, assisté de son conseil, et devait maintenir le sens de ses déclarations, précisant qu’il était venu en Europe car il rencontrait des soucis avec le pouvoir politique en Chine, car il aurait apporté son soutien à des dissidents tibétains et entendait ainsi déposer une demande d’asile en France. C’est cette situation qui justifiait, selon lui, son besoin d’avoir plusieurs nationalités différentes. Concernant les papiers lettons, il déclarait penser qu’il était possible de changer d’identité en Chine et avoir vérifié leur fausseté grâce à la lampe à ultraviolets que lui avait donnée l’ ami restaurateur chez lequel il s’était rendu à Paris.

A hauteur d’appel, le prévenu a été régulièrement cité à comparaître à l’audience du 20 septembre 2018, lors de laquelle l’examen de l’affaire a été renvoyé contradictoirement à l’audience du 17 janvier 2019. Le prévenu a comparu à cette audience, assisté de ses conseils qui ont plaidé avant toute défense au fond la nullité de la procédure douanière, en particulier du procès-verbal de constat établi le 16 février 2017 à 12 heures 20, et partant de toute la procédure subséquente. L’avocat général a requis la confirmation de la décision attaquée.

Analyse de la décision

La Cour d’appel de Colmar s’est appliquée à rappeler le droit pertinent en la matière et à épingler les manquements sur lesquels le tribunal correctionnel de Mulhouse ne s’était pas attardé :

« Le document intitulé « procès-verbal de constat » ne constitue pas un acte prévu par le code des douanes, mais matérialise, uniquement, des constatations effectuées par des personnes tenues à une obligation de dénonciation de l’existence d’infractions pénales au procureur de la république territorialement compétent. Dès lors, les dispositions du code des douanes ne sont pas applicables, en l’espèce. Le document en cause ne comporte aucune audition, ou tentative d’audition de M. X. Dès lors, les agents du service des douanes n’avaient aucune obligation de faire signer M. X, s’agissant d’de constatations purement matérielles, ni de solliciter les services d’un traducteur dans une langue comprise par M. X. M. X n’a pas fait l’objet d’une procédure de retenue douanière en vue de constater l’existence d’une infraction douanière, mais a été retenu, uniquement, le temps suffisant pour le transport aux services de l’unité en cause, l’information au substitut du procureur de la république compétent, effectuée à 11h45, la rédaction du document intitulé « procès-verbal de constat » terminée à 12h, et la remise, à la demande du procureur de la république, de M. X aux services de police judiciaire, à 13h10-13h20 ».

Autrement dit la Douane, selon le Tribunal correctionnel de Mulhouse, aurait deux casquettes, l’une pour les infractions douanières proprement dites, l’autre pour les infractions de droit commun en application de l’article 40 du Code de procédure pénale. Il est peu probable que la chambre criminelle de la Cour de cassation décide un jour qu’un procès-verbal de constat douanier « ne constitue pas un acte prévu par le Code des douanes ».

Ceci posé le Tribunal correctionnel a fait l’impasse sur certaines circonstances de l’affaire qui rattachent évidemment la procédure au droit douanier. En effet M. X a été soumis à un dépistage de produits stupéfiants dans ses urines en application de l’article 60 bis du Code des douanes qui régit le dépistage « in corpore » [1].

Cette simple circonstance obligeait les agents des douanes à rédiger un procès-verbal de retenue douanière lequel déclenche obligatoirement le respect des garanties prévues par l’article 323-5 du Code des douanes parmi lesquels le droit de bénéficier du concours d’un interprète, d’accès à un avocat ou de faire contacter les autorités consulaires de son pays s’agissant d’un ressortissant étranger qui de surcroît ne maîtrise pas la langue française, l’ensemble de ces manquements, rappelle la Cour, cause nécessairement grief à I ’intéressé. On peut imaginer que cette pratique est courante en frontière en dépit des nombreuses circulaires et notes de la direction générale des douanes diffusées dans les services depuis que le régime de la retenue douanière avait fait l’objet d’une QPC [2]puis avait été modifié par la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 intégré à l’article 323-5 du code des douanes.

Cette affaire illustre une fois de plus la tentation des services douaniers en frontière ou à l’intérieur de s’affranchir des garanties de la procédure. Cela peut aller jusqu’au détournement de procédure. On l’avait constaté notamment dans une affaire de faux documents administratifs quand la police de l’air et des frontières sollicitait l’aide des douaniers pour procéder à des fouilles approfondies de bagages [3]mais surtout à propos de l’ouverture des coffres des véhicules par les douaniers à la demande de la police pour constater la présence d’anti-radars [4].

Ici la tentation est flagrante puisque les agents douaniers affirment en outre dans leur procès-verbal que l’intéressé soumis au dépistage « in corpore » avait signé son accord sur un imprimé en langue chinoise qui, on peut s’en étonner, ne figure pas dans la procédure. La décision de la Cour d’appel de Colmar est importante à plusieurs titres principalement parce qu’elle rappelle à l’ordre des fonctionnaires des douanes un peu trop zélés trop souvent couverts par les parquets et les juridictions du premier degré. Elle est importante aussi lorsqu’elle relève que l’acte attaqué constitue le support nécessaire de la procédure ouverte pour détention frauduleuse de plusieurs faux documents administratifs par la brigade mobile de recherches de la police aux frontières de Mulhouse. Les décisions en la matière sont encore trop rares pour caractériser la contamination qui entraîne la nullité de la procédure subséquente [5].

Ici le lien est établi clairement puisque la procédure policière fait expressément référence au contrôle des agents des douanes et aux documents saisis à cette occasion relation qui entraîne la nullité de toute la procédure subséquente.

Références

  1. Philippe Dehapiot et Jean Pannier Les pouvoirs d’investigation des agents des douanes. 2ème partie Le droit de visite des personnes en matière de stupéfiants. Gaz. Pal. 1992 2 doctr. 558.
  2. Jean Pannier La retenue douanière en "Question" Gaz. Pal. 6-7 octobre 2010 p.10.
  3. Cass. crim. 11 mai 1992 Gaz. Pal. 19-20 mai 1993 note J. Pannier.
  4. Cass.crim. 18 décembre 1989 Bull. crim. n° 485 JCP 1990 II 2531 note Chambon.
  5. Cass. crim. 10 avril 2013 Bull. crim. n° 84.