Vers la présence de l'avocat lors des perquisitions au domicile (fr)

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Thierry Vallat, avocat au barreau de Paris
Octobre 2018



Article mis à jour le 17 octobre 2018


La spectaculaire perquisition effectuée ce matin au domicile du député Jean-Luc Mélenchon, et filmée par ce dernier en direct via Facebook Live, pose de nouveau le problème de la présence d'un avocat lors de ces opérations.


Le droit à un avocat pendant la perquisition n’est actuellement pas exigé par les textes en vigueur et se trouve même écarté par la jurisprudence interne ( Cass. crim., 6 févr. 2018, n° 17-84380. [1] )


Le Code de procédure pénale ne prévoit en effet pas encore l’assistance de l’avocat pendant une perquisition pénale contrairement aux cas de visites domiciliaires. Il ne l'interdit cependant pas non plus.


Or, la directive 2013/48/UE de 2013 relative au droit d'accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales et tout particulièrement l’article 3 énonce que « Les suspects ou les personnes poursuivies ont accès à un avocat sans retard indu. En tout état de cause, les suspects ou les personnes poursuivies ont accès à un avocat à partir de la survenance du premier en date des événements suivants : » et en premier lieu « avant qu’ils ne soient interrogés par la police ou par une autre autorité répressive ou judiciaire ».


La présence de l’avocat, auxiliaire de justice, participe à la transparence et au bon fonctionnement de la justice.


Elle est déjà prévue – notamment en matière administrative.


D’autre part, elle ne constitue nullement une obstruction au bon fonctionnement de la justice.


L'amendement sénatorial présenté par le sénateur François-Noël Buffet vise donc à prévoir expressément dans le code de procédure pénale, la présence de l’avocat à sa demande lors de la perquisition


Les sénateurs viennent ainsi d 'adopter un amendement au projet de loi de programmation pour la justice en ce sens (article 32 du projet de loi) qui viendrait compléter l'article 56 du code de procédure pénale: « La personne chez qui l’officier de police judiciaire se transporte peut être assistée de son avocat. »


Les débats parlementaires sur la loi Justice ne sont cependant pas encore terminés.


Concernant la perquisition dès potron-minet au domicile du leader de France Insoumise, rappelons que l'accord de l'occupant est obligatoire et doit être donné par écrit dans le cadre d'une enquête préliminaire (Pour les infractions punies de plus de 5 ans de prison, le juge des libertés et de la détention peut autoriser une perquisition sans l'accord de l'occupant)


Ce sont les dispositions du Code de procédure pénale : articles 53 à 74-2 [2] qui vont s'appliquer et qui ne prévoient donc notamment pas l'obligation de remettre le PV de la perquisition au mis en cause (article 57 du CPP), contrairement à une croyance tenace (la même sans doute que celle liée à la production obligatoire d'un "mandat de perquisition" qui n'existe qu'aux USA et les séries américaines, et inapplicable en France)


Enfin, il est tout à fait possible de perquisitionner le domicile d'un élu, l'inviolabilité ne s'appliquant pas.


L'immunité parlementaire n'interdit en effet aucunement que des perquisitions soient effectuées chez lui (lire : http://www2.assemblee-nationale.fr/decouvrir-l-assemblee/role-et-pouvoirs-de-l-assemblee-nationale/le-depute/le-statut-du-depute …) et il n'existe pas de régime particulier de protection des parlementaires concernant les perquisitions effectuées à leur domicile.


Depuis la réforme du 4 août 1995, le régime de l’inviolabilité ne protège en effet plus le député contre l’engagement de poursuites (mise en examen), en revanche, le député ne peut faire l’objet d’une arrestation ou de toute autre mesure privative ou restrictive de liberté (contrôle judiciaire) sans l’autorisation du Bureau, sauf les cas de crime ou délit flagrant, ou de condamnation définitive


Mise à jour le 17 octobre 2018


On vient d'apprendre ce 17 octobre 2018 que le parquet de Paris avait ouvert une enquête préliminaire pour menaces ou actes d'intimidation contre l'autorité judiciaire et violences sur personnes dépositaires de l'autorité publique lors des perquisitions effectuées au domicile de Jean-Luc Mèlenchon et au siège de son parti France Insoumise.


La présence d'un avocat aurait-elle changé le déroulé des opérations et permis de faire retomber la tension ?