Vers une presomption de demission en cas d'abandon de poste

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.
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Par Arthur Humez
Juriste au Centre de documentation du Barreau de Paris

Le 03 Avril 2023


En vertu de la loi sur le marché du travail du 21 Décembre 2022, l’abandon de poste peut être assimilé désormais à une démission.

Dans une étude chiffrée par la DARES[1] sur des entreprises ayant procédé à un licenciement pour faute grave ou lourde au 1er semestre 2022, il en est ressorti que l’abandon de poste est le motif de rupture utilisé dans 71% des cas. Ainsi, l’abandon de poste est l’un des recours les plus utilisés par le salarié dans certains secteurs afin d’entrainer la rupture de son contrat de travail.


Les conditions de la présomption de démission

Une nouvelle présomption de démission a été instauré symboliquement dans l’article L.1237-1-1 du Code du travail[2]. Il dispose désormais que « Le salarié qui a abandonné volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure de justifier son absence et de reprendre son poste, par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge, dans le délai fixé par l'employeur, est présumé avoir démissionné à l'expiration de ce délai. »

- L’acte volontaire du salarié

Avant tout, pour que cette présomption puisse être valable, il faut d’abord que cet abandon de poste soit l’acte volontaire d’un salarié.

Ainsi, il faut qu’il abandonne volontairement son poste évidemment sans motif légitime car dans certains cas de motifs légitimes cela ne pourra pas constituer un acte légitime d’abandon de poste.

Ces motifs légitimes peuvent être par exemple l’exercice du droit de grève, raisons médicales, droit de retrait, refus d’exécuter une instruction contraire à la règlementation ou refus d’une modification unilatérale d’un élément essentiel du contrat de travail.

- La mise en demeure de l’employeur

Ensuite, le salarié ne peut être réputé démissionnaire qu’après avoir été mis en demeure par son employeur dans un délai déterminé.

Ainsi, il faut que l’employeur envoie une mise en demeure par lettre recommandé avec avis de réception ou remette une lettre en main propre contre décharge au salarié afin de l’enjoindre à se justifier de son abandon de poste et qu’il reprenne son poste dans un délai déterminé par l’employeur.

Ce n’est qu’à l’expiration de ce délai fixé par l’employeur et que le salarié n’a pas repris son poste, que l’abandon de poste du salarié sera présumé comme une démission.

Un décret n°2023-275 du 17 Avril 2023[3]sur la mise en œuvre de la présomption de démission en cas d’abandon de poste volontaire salarié, instaure un délai minimal de 15 jours au salarié à compter de la présentation de la lettre recommandée ou de la lettre remise en main propre contre décharge.(Article R.1237-13 du Code du Travail)

Ainsi, l’employeur devra fixer un délai minimum de 15 jours au salarié pour l’enjoindre à se justifier de son abandon de poste et l’inviter à reprendre son poste.


Les conséquences de cette nouvelle présomption de démission

Enfin, au bout du délai fixé par l’employeur, le salarié est présumé avoir démissionné.

Il faudra souligner que cette présomption de démission n’est qu’une présomption simple qui peut être renversé par le salarié s’il souhaite contester la rupture de son contrat de travail. L’article 4 de la loi du 21 Décembre 2022[4] instaure un délai d’un mois à compter de la saisine du Conseil de Prud’hommes pour que celui-ci statue sur la contestation du salarié.

Il est à noter que l’abandon de poste est maintenant présumé comme une démission au bout d’un certain délai, donc comme une rupture volontaire du contrat de travail.

Ainsi, ce mode de rupture du contrat de travail n’ouvrira pas droit à l’ouverture des droits à l’assurance chômage sauf dans les cas de démissions considérées comme légitimes précisées à l’article 2 du règlement d’assurance chômage annexé au décret du 26 juillet 2019.[5]

Sources :

- Légifrance [6]

- DARES, Focus n°12, Combien de salariés abandonnent leur poste et que deviennent-ils? 22 Février 2022 [[7]

- Anne-Lise Castelle - Abandon de poste assimilé à une démission : de nouvelles précisions, 23 Février 2023, Edition Tissot [8]

- Legisocial, L’abandon de poste vaudra bientôt présomption de démission, 17 Janvier 2023 [9]

- Legisocial, Un projet de décret apporte une précision sur la présomption de démission en cas d’abandon de poste, 1er Mars 2023 [10]

- Dalloz, Dictionnaire permanent social agricole, loi « marché du travail » : le salarié abandonnant volontairement son poste sera désormais présumé démissionnaire, 3 Mars 2023 [11]

- Dalloz, Dictionnaire permanent social, loi « marché du travail » : présentation des mesures relatives à l’assurance chômage, 22 Décembre 2022.[12]

- Ministère du Travail, Le droit aux allocations chômage du salarié démissionnaire, 26 Novembre 2019. [13]