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'''Guillaume Lasmoles, avocat au barreau de Montpellier '''<br><br />
'''Février 2024<br><br />
{{AddThis}}<br />
{{DISPLAYTITLE:La responsabilite du vendeur professionnel en cas de vice cache rappel des règles applicables}}<br><br />
'''Lorsqu’un acheteur découvre un défaut sur la chose qu’il a acquise, il peut se prévaloir de la garantie des vices cachés prévue par les articles 1641 à 1649 du Code civil.'''<br />
<br />
Cette garantie permet à l’acheteur d’obtenir la résolution ou la réduction du prix de la vente, ainsi que des dommages-intérêts si le vendeur connaissait le vice. Mais qu’en est-il lorsque le vendeur est un professionnel ? Quelles sont les conditions et les modalités de sa responsabilité ? Quels sont les délais pour agir en garantie des vices cachés ? C’est à ces questions qu’à répondu la Cour de cassation le 17 janvier 2024 '''''(Com. 17 janvier 2024, n°21-23909 [https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000048990970?init=true&page=1&query=21-23909&searchField=ALL&tab_selection=all])'''''<br />
<br />
=La présomption de mauvaise foi du vendeur professionnel=<br />
<br />
Le premier critère qui conditionne la responsabilité du vendeur en cas de vice caché est sa bonne ou mauvaise foi. En effet, l’article 1645 du Code civil dispose que ''"si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu’il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l’acheteur"''. <br />
<br />
Ainsi, le vendeur de mauvaise foi doit indemniser l’acheteur de l’intégralité de son préjudice, alors que le vendeur de bonne foi n’est tenu qu’à la restitution du prix ou à la réduction du prix.<br />
<br />
La question qui se pose alors est de savoir comment établir la connaissance du vice par le vendeur. <br />
<br />
La réponse varie selon que le vendeur est un professionnel ou non. Pour le vendeur non professionnel, il appartient à l’acheteur de rapporter la preuve que le vendeur avait connaissance du vice au moment de la vente. <br />
<br />
Cette preuve peut être apportée par tout moyen, mais elle est souvent difficile à rapporter. <br />
<br />
Pour le vendeur professionnel, en revanche, la Cour de cassation a instauré une présomption irréfragable de connaissance du vice. <br />
<br />
Autrement dit, le vendeur professionnel est toujours présumé connaître les vices de la chose vendue, et il ne peut pas s’exonérer de sa responsabilité en prouvant qu’il ignorait le vice. <br />
<br />
Cette présomption repose sur l’idée que le vendeur professionnel dispose d’une compétence technique et d’une expérience qui lui permettent de détecter les vices de la chose vendue.<br />
<br />
Mais qu’entend-on par vendeur professionnel ? Selon la jurisprudence, il s’agit de celui qui se livre de façon habituelle à la vente de biens de même nature que celui qui fait l’objet du litige. <br />
<br />
Ainsi, le vendeur professionnel n’est pas nécessairement celui qui exerce une activité commerciale, mais celui qui vend des biens qui relèvent de son domaine d’expertise. <br />
<br />
Par exemple, un agriculteur qui vend un tracteur est considéré comme un vendeur professionnel, alors qu’un particulier qui vend sa voiture n’est pas un vendeur professionnel. <br />
<br />
La qualification de vendeur professionnel est donc une question de fait qui relève de l’appréciation souveraine des juges du fond.<br />
<br />
=Le délai-butoir pour agir en garantie des vices cachés=<br />
<br />
Le second critère qui conditionne la responsabilité du vendeur en cas de vice caché est le respect du délai pour agir en garantie des vices cachés. <br />
<br />
En effet, '''l’article 1648 alinéa 1''' du Code civil dispose que ''“l’action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l’acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice”''. <br />
<br />
Ce délai de deux ans est un délai de prescription, c’est-à-dire un délai au-delà duquel l’action n’est plus recevable. Ce délai commence à courir à partir du moment où l’acheteur découvre le vice, et non pas à partir du moment où il achète la chose. <br />
<br />
Ainsi, si l’acheteur découvre le vice plusieurs années après la vente, il peut encore agir en garantie des vices cachés, à condition de le faire dans les deux ans suivant la découverte du vice.<br />
<br />
Toutefois, ce délai de deux ans n’est pas le seul délai à prendre en compte. <br />
<br />
En effet, il existe également un délai-butoir, qui est le délai maximal pour agir en garantie des vices cachés, quel que soit le moment de la découverte du vice. <br />
<br />
Ce délai-butoir est fixé par '''l’article 2232''' du Code civil, qui dispose que ''“le report du point de départ, la suspension ou l’interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit”''. <br />
<br />
Ainsi, l’action en garantie des vices cachés doit être exercée dans les vingt ans à compter du jour de la vente, même si le vice est découvert après ce délai. <br />
<br />
Ce délai-butoir est applicable aux ventes commerciales ou mixtes conclues avant ou après l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, qui a réformé le droit de la prescription.<br />
<br />
=Que faut-il retenir ?=<br />
<br />
*La responsabilité du vendeur en cas de vice caché dépend de sa bonne ou mauvaise foi, qui se détermine selon qu’il est un professionnel ou non.<br />
<br />
*Le vendeur professionnel est présumé connaître les vices de la chose vendue, et il doit indemniser l’acheteur de l’intégralité de son préjudice.<br />
<br />
*Le vendeur professionnel est celui qui se livre de façon habituelle à la vente de biens de même nature que celui qui fait l’objet du litige.<br />
<br />
*L’action en garantie des vices cachés doit être intentée dans les deux ans à compter de la découverte du vice, sans pouvoir dépasser le délai-butoir de vingt ans à compter du jour de la vente.</div>Asecretanhttps://www.lagbd.org/index.php?title=La_responsabilite_du_vendeur_professionnel_en_cas_de_vice_cache_rappel_des_regles_applicables&diff=79587La responsabilite du vendeur professionnel en cas de vice cache rappel des regles applicables2024-02-12T12:32:28Z<p>Asecretan : </p>
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[[Catégorie:France]][[Catégorie:Droit civil (fr)]][[Catégorie: Droit commercial (fr)]][[Catégorie : Article juridique]]<br />
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[https://www.france.tv/documentaires/voyages/5717727-robert-badinter-la-vie-avant-tout.html Robert Badinter la vie avant tout]<br />
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'''Guillaume Lasmoles, avocat au barreau de Montpellier '''<br><br />
'''Février 2024<br><br />
{{AddThis}}<br />
{{DISPLAYTITLE:La responsabilite du vendeur professionnel en cas de vice cache rappel des règles applicables}}<br><br />
'''Lorsqu’un acheteur découvre un défaut sur la chose qu’il a acquise, il peut se prévaloir de la garantie des vices cachés prévue par les articles 1641 à 1649 du Code civil.'''<br />
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Cette garantie permet à l’acheteur d’obtenir la résolution ou la réduction du prix de la vente, ainsi que des dommages-intérêts si le vendeur connaissait le vice. Mais qu’en est-il lorsque le vendeur est un professionnel ? Quelles sont les conditions et les modalités de sa responsabilité ? Quels sont les délais pour agir en garantie des vices cachés ? C’est à ces questions qu’à répondu la Cour de cassation le 17 janvier 2024 '''''(Com. 17 janvier 2024, n°21-23909 [https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000048990970?init=true&page=1&query=21-23909&searchField=ALL&tab_selection=all])'''''<br />
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=La présomption de mauvaise foi du vendeur professionnel=<br />
<br />
Le premier critère qui conditionne la responsabilité du vendeur en cas de vice caché est sa bonne ou mauvaise foi. En effet, l’article 1645 du Code civil dispose que ''"si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu’il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l’acheteur"''. <br />
<br />
Ainsi, le vendeur de mauvaise foi doit indemniser l’acheteur de l’intégralité de son préjudice, alors que le vendeur de bonne foi n’est tenu qu’à la restitution du prix ou à la réduction du prix.<br />
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La question qui se pose alors est de savoir comment établir la connaissance du vice par le vendeur. <br />
<br />
La réponse varie selon que le vendeur est un professionnel ou non. Pour le vendeur non professionnel, il appartient à l’acheteur de rapporter la preuve que le vendeur avait connaissance du vice au moment de la vente. <br />
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Cette preuve peut être apportée par tout moyen, mais elle est souvent difficile à rapporter. <br />
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Pour le vendeur professionnel, en revanche, la Cour de cassation a instauré une présomption irréfragable de connaissance du vice. <br />
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Autrement dit, le vendeur professionnel est toujours présumé connaître les vices de la chose vendue, et il ne peut pas s’exonérer de sa responsabilité en prouvant qu’il ignorait le vice. <br />
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Cette présomption repose sur l’idée que le vendeur professionnel dispose d’une compétence technique et d’une expérience qui lui permettent de détecter les vices de la chose vendue.<br />
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Mais qu’entend-on par vendeur professionnel ? Selon la jurisprudence, il s’agit de celui qui se livre de façon habituelle à la vente de biens de même nature que celui qui fait l’objet du litige. <br />
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Ainsi, le vendeur professionnel n’est pas nécessairement celui qui exerce une activité commerciale, mais celui qui vend des biens qui relèvent de son domaine d’expertise. <br />
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Par exemple, un agriculteur qui vend un tracteur est considéré comme un vendeur professionnel, alors qu’un particulier qui vend sa voiture n’est pas un vendeur professionnel. <br />
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La qualification de vendeur professionnel est donc une question de fait qui relève de l’appréciation souveraine des juges du fond.<br />
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=Le délai-butoir pour agir en garantie des vices cachés=<br />
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Le second critère qui conditionne la responsabilité du vendeur en cas de vice caché est le respect du délai pour agir en garantie des vices cachés. <br />
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En effet, '''l’article 1648 alinéa 1''' du Code civil dispose que ''“l’action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l’acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice”''. <br />
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Ce délai de deux ans est un délai de prescription, c’est-à-dire un délai au-delà duquel l’action n’est plus recevable. Ce délai commence à courir à partir du moment où l’acheteur découvre le vice, et non pas à partir du moment où il achète la chose. <br />
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Ainsi, si l’acheteur découvre le vice plusieurs années après la vente, il peut encore agir en garantie des vices cachés, à condition de le faire dans les deux ans suivant la découverte du vice.<br />
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Toutefois, ce délai de deux ans n’est pas le seul délai à prendre en compte. <br />
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En effet, il existe également un délai-butoir, qui est le délai maximal pour agir en garantie des vices cachés, quel que soit le moment de la découverte du vice. <br />
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Ce délai-butoir est fixé par '''l’article 2232''' du Code civil, qui dispose que ''“le report du point de départ, la suspension ou l’interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit”''. <br />
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Ainsi, l’action en garantie des vices cachés doit être exercée dans les vingt ans à compter du jour de la vente, même si le vice est découvert après ce délai. <br />
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Ce délai-butoir est applicable aux ventes commerciales ou mixtes conclues avant ou après l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, qui a réformé le droit de la prescription.<br />
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=Que faut-il retenir ?=<br />
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*La responsabilité du vendeur en cas de vice caché dépend de sa bonne ou mauvaise foi, qui se détermine selon qu’il est un professionnel ou non.<br />
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*Le vendeur professionnel est présumé connaître les vices de la chose vendue, et il doit indemniser l’acheteur de l’intégralité de son préjudice.<br />
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*Le vendeur professionnel est celui qui se livre de façon habituelle à la vente de biens de même nature que celui qui fait l’objet du litige.<br />
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*L’action en garantie des vices cachés doit être intentée dans les deux ans à compter de la découverte du vice, sans pouvoir dépasser le délai-butoir de vingt ans à compter du jour de la vente.</div>Asecretanhttps://www.lagbd.org/index.php?title=La_responsabilite_du_vendeur_professionnel_en_cas_de_vice_cache_rappel_des_regles_applicables&diff=79586La responsabilite du vendeur professionnel en cas de vice cache rappel des regles applicables2024-02-12T12:32:01Z<p>Asecretan : </p>
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[[Catégorie:France]][[Catégorie:Droit civil (fr)]][[Catégorie: Droit commercial (fr)]][[Catégorie : Article juridique]]<br />
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'''Guillaume Lasmoles, avocat au barreau de Montpellier '''<br><br />
'''Février 2024<br><br />
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{{DISPLAYTITLE:La responsabilite du vendeur professionnel en cas de vice cache rappel des règles applicables}}<br><br />
'''Lorsqu’un acheteur découvre un défaut sur la chose qu’il a acquise, il peut se prévaloir de la garantie des vices cachés prévue par les articles 1641 à 1649 du Code civil.'''<br />
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Cette garantie permet à l’acheteur d’obtenir la résolution ou la réduction du prix de la vente, ainsi que des dommages-intérêts si le vendeur connaissait le vice. Mais qu’en est-il lorsque le vendeur est un professionnel ? Quelles sont les conditions et les modalités de sa responsabilité ? Quels sont les délais pour agir en garantie des vices cachés ? C’est à ces questions qu’à répondu la Cour de cassation le 17 janvier 2024 '''''(Com. 17 janvier 2024, n°21-23909 [https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000048990970?init=true&page=1&query=21-23909&searchField=ALL&tab_selection=all])'''''<br />
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=La présomption de mauvaise foi du vendeur professionnel=<br />
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Le premier critère qui conditionne la responsabilité du vendeur en cas de vice caché est sa bonne ou mauvaise foi. En effet, l’article 1645 du Code civil dispose que ''"si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu’il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l’acheteur"''. <br />
<br />
Ainsi, le vendeur de mauvaise foi doit indemniser l’acheteur de l’intégralité de son préjudice, alors que le vendeur de bonne foi n’est tenu qu’à la restitution du prix ou à la réduction du prix.<br />
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La question qui se pose alors est de savoir comment établir la connaissance du vice par le vendeur. <br />
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La réponse varie selon que le vendeur est un professionnel ou non. Pour le vendeur non professionnel, il appartient à l’acheteur de rapporter la preuve que le vendeur avait connaissance du vice au moment de la vente. <br />
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Cette preuve peut être apportée par tout moyen, mais elle est souvent difficile à rapporter. <br />
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Pour le vendeur professionnel, en revanche, la Cour de cassation a instauré une présomption irréfragable de connaissance du vice. <br />
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Autrement dit, le vendeur professionnel est toujours présumé connaître les vices de la chose vendue, et il ne peut pas s’exonérer de sa responsabilité en prouvant qu’il ignorait le vice. <br />
<br />
Cette présomption repose sur l’idée que le vendeur professionnel dispose d’une compétence technique et d’une expérience qui lui permettent de détecter les vices de la chose vendue.<br />
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Mais qu’entend-on par vendeur professionnel ? Selon la jurisprudence, il s’agit de celui qui se livre de façon habituelle à la vente de biens de même nature que celui qui fait l’objet du litige. <br />
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Ainsi, le vendeur professionnel n’est pas nécessairement celui qui exerce une activité commerciale, mais celui qui vend des biens qui relèvent de son domaine d’expertise. <br />
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Par exemple, un agriculteur qui vend un tracteur est considéré comme un vendeur professionnel, alors qu’un particulier qui vend sa voiture n’est pas un vendeur professionnel. <br />
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La qualification de vendeur professionnel est donc une question de fait qui relève de l’appréciation souveraine des juges du fond.<br />
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=Le délai-butoir pour agir en garantie des vices cachés=<br />
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Le second critère qui conditionne la responsabilité du vendeur en cas de vice caché est le respect du délai pour agir en garantie des vices cachés. <br />
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En effet, '''l’article 1648 alinéa 1''' du Code civil dispose que ''“l’action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l’acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice”''. <br />
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Ce délai de deux ans est un délai de prescription, c’est-à-dire un délai au-delà duquel l’action n’est plus recevable. Ce délai commence à courir à partir du moment où l’acheteur découvre le vice, et non pas à partir du moment où il achète la chose. <br />
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Ainsi, si l’acheteur découvre le vice plusieurs années après la vente, il peut encore agir en garantie des vices cachés, à condition de le faire dans les deux ans suivant la découverte du vice.<br />
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Toutefois, ce délai de deux ans n’est pas le seul délai à prendre en compte. <br />
<br />
En effet, il existe également un délai-butoir, qui est le délai maximal pour agir en garantie des vices cachés, quel que soit le moment de la découverte du vice. <br />
<br />
Ce délai-butoir est fixé par '''l’article 2232''' du Code civil, qui dispose que ''“le report du point de départ, la suspension ou l’interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit”''. <br />
<br />
Ainsi, l’action en garantie des vices cachés doit être exercée dans les vingt ans à compter du jour de la vente, même si le vice est découvert après ce délai. <br />
<br />
Ce délai-butoir est applicable aux ventes commerciales ou mixtes conclues avant ou après l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, qui a réformé le droit de la prescription.<br />
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=Que faut-il retenir ?=<br />
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*La responsabilité du vendeur en cas de vice caché dépend de sa bonne ou mauvaise foi, qui se détermine selon qu’il est un professionnel ou non.<br />
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*Le vendeur professionnel est présumé connaître les vices de la chose vendue, et il doit indemniser l’acheteur de l’intégralité de son préjudice.<br />
<br />
*Le vendeur professionnel est celui qui se livre de façon habituelle à la vente de biens de même nature que celui qui fait l’objet du litige.<br />
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*L’action en garantie des vices cachés doit être intentée dans les deux ans à compter de la découverte du vice, sans pouvoir dépasser le délai-butoir de vingt ans à compter du jour de la vente.</div>Asecretanhttps://www.lagbd.org/index.php?title=La_responsabilite_du_vendeur_professionnel_en_cas_de_vice_cache_rappel_des_regles_applicables&diff=79585La responsabilite du vendeur professionnel en cas de vice cache rappel des regles applicables2024-02-12T12:31:36Z<p>Asecretan : </p>
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'''Guillaume Lasmoles, avocat au barreau de Montpellier '''<br><br />
'''Février 2024<br><br />
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'''Lorsqu’un acheteur découvre un défaut sur la chose qu’il a acquise, il peut se prévaloir de la garantie des vices cachés prévue par les articles 1641 à 1649 du Code civil.'''<br />
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Cette garantie permet à l’acheteur d’obtenir la résolution ou la réduction du prix de la vente, ainsi que des dommages-intérêts si le vendeur connaissait le vice. Mais qu’en est-il lorsque le vendeur est un professionnel ? Quelles sont les conditions et les modalités de sa responsabilité ? Quels sont les délais pour agir en garantie des vices cachés ? C’est à ces questions qu’à répondu la Cour de cassation le 17 janvier 2024 '''''(Com. 17 janvier 2024, n°21-23909 [https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000048990970?init=true&page=1&query=21-23909&searchField=ALL&tab_selection=all])'''''<br />
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=La présomption de mauvaise foi du vendeur professionnel=<br />
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Le premier critère qui conditionne la responsabilité du vendeur en cas de vice caché est sa bonne ou mauvaise foi. En effet, l’article 1645 du Code civil dispose que ''"si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu’il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l’acheteur"''. <br />
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Ainsi, le vendeur de mauvaise foi doit indemniser l’acheteur de l’intégralité de son préjudice, alors que le vendeur de bonne foi n’est tenu qu’à la restitution du prix ou à la réduction du prix.<br />
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La question qui se pose alors est de savoir comment établir la connaissance du vice par le vendeur. <br />
<br />
La réponse varie selon que le vendeur est un professionnel ou non. Pour le vendeur non professionnel, il appartient à l’acheteur de rapporter la preuve que le vendeur avait connaissance du vice au moment de la vente. <br />
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Cette preuve peut être apportée par tout moyen, mais elle est souvent difficile à rapporter. <br />
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Pour le vendeur professionnel, en revanche, la Cour de cassation a instauré une présomption irréfragable de connaissance du vice. <br />
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Autrement dit, le vendeur professionnel est toujours présumé connaître les vices de la chose vendue, et il ne peut pas s’exonérer de sa responsabilité en prouvant qu’il ignorait le vice. <br />
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Cette présomption repose sur l’idée que le vendeur professionnel dispose d’une compétence technique et d’une expérience qui lui permettent de détecter les vices de la chose vendue.<br />
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Mais qu’entend-on par vendeur professionnel ? Selon la jurisprudence, il s’agit de celui qui se livre de façon habituelle à la vente de biens de même nature que celui qui fait l’objet du litige. <br />
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Ainsi, le vendeur professionnel n’est pas nécessairement celui qui exerce une activité commerciale, mais celui qui vend des biens qui relèvent de son domaine d’expertise. <br />
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Par exemple, un agriculteur qui vend un tracteur est considéré comme un vendeur professionnel, alors qu’un particulier qui vend sa voiture n’est pas un vendeur professionnel. <br />
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La qualification de vendeur professionnel est donc une question de fait qui relève de l’appréciation souveraine des juges du fond.<br />
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=Le délai-butoir pour agir en garantie des vices cachés=<br />
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Le second critère qui conditionne la responsabilité du vendeur en cas de vice caché est le respect du délai pour agir en garantie des vices cachés. <br />
<br />
En effet, '''l’article 1648 alinéa 1''' du Code civil dispose que ''“l’action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l’acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice”''. <br />
<br />
Ce délai de deux ans est un délai de prescription, c’est-à-dire un délai au-delà duquel l’action n’est plus recevable. Ce délai commence à courir à partir du moment où l’acheteur découvre le vice, et non pas à partir du moment où il achète la chose. <br />
<br />
Ainsi, si l’acheteur découvre le vice plusieurs années après la vente, il peut encore agir en garantie des vices cachés, à condition de le faire dans les deux ans suivant la découverte du vice.<br />
<br />
Toutefois, ce délai de deux ans n’est pas le seul délai à prendre en compte. <br />
<br />
En effet, il existe également un délai-butoir, qui est le délai maximal pour agir en garantie des vices cachés, quel que soit le moment de la découverte du vice. <br />
<br />
Ce délai-butoir est fixé par '''l’article 2232''' du Code civil, qui dispose que ''“le report du point de départ, la suspension ou l’interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit”''. <br />
<br />
Ainsi, l’action en garantie des vices cachés doit être exercée dans les vingt ans à compter du jour de la vente, même si le vice est découvert après ce délai. <br />
<br />
Ce délai-butoir est applicable aux ventes commerciales ou mixtes conclues avant ou après l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, qui a réformé le droit de la prescription.<br />
<br />
=Que faut-il retenir ?=<br />
<br />
*La responsabilité du vendeur en cas de vice caché dépend de sa bonne ou mauvaise foi, qui se détermine selon qu’il est un professionnel ou non.<br />
<br />
*Le vendeur professionnel est présumé connaître les vices de la chose vendue, et il doit indemniser l’acheteur de l’intégralité de son préjudice.<br />
<br />
*Le vendeur professionnel est celui qui se livre de façon habituelle à la vente de biens de même nature que celui qui fait l’objet du litige.<br />
<br />
*L’action en garantie des vices cachés doit être intentée dans les deux ans à compter de la découverte du vice, sans pouvoir dépasser le délai-butoir de vingt ans à compter du jour de la vente.</div>Asecretanhttps://www.lagbd.org/index.php?title=La_responsabilite_du_vendeur_professionnel_en_cas_de_vice_cache_rappel_des_regles_applicables&diff=79584La responsabilite du vendeur professionnel en cas de vice cache rappel des regles applicables2024-02-12T12:30:47Z<p>Asecretan : </p>
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<div> [[France]] > [[:Catégorie: Droit civil (fr)|Droit civil]] > [[:Catégorie: Droit commercial (fr)| Droit commercial]] <br />
[[Catégorie:France]][[Catégorie:Droit civil (fr)]][[Catégorie: Droit commercial (fr)]][[Catégorie : Article juridique]]<br />
<br />
[Robert Badinter la vie avant tout|https://www.https://www.france.tv/documentaires/voyages/5717727-robert-badinter-la-vie-avant-tout.html- ]<br />
<br />
'''Guillaume Lasmoles, avocat au barreau de Montpellier '''<br><br />
'''Février 2024<br><br />
{{AddThis}}<br />
{{DISPLAYTITLE:La responsabilite du vendeur professionnel en cas de vice cache rappel des règles applicables}}<br><br />
'''Lorsqu’un acheteur découvre un défaut sur la chose qu’il a acquise, il peut se prévaloir de la garantie des vices cachés prévue par les articles 1641 à 1649 du Code civil.'''<br />
<br />
Cette garantie permet à l’acheteur d’obtenir la résolution ou la réduction du prix de la vente, ainsi que des dommages-intérêts si le vendeur connaissait le vice. Mais qu’en est-il lorsque le vendeur est un professionnel ? Quelles sont les conditions et les modalités de sa responsabilité ? Quels sont les délais pour agir en garantie des vices cachés ? C’est à ces questions qu’à répondu la Cour de cassation le 17 janvier 2024 '''''(Com. 17 janvier 2024, n°21-23909 [https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000048990970?init=true&page=1&query=21-23909&searchField=ALL&tab_selection=all])'''''<br />
<br />
=La présomption de mauvaise foi du vendeur professionnel=<br />
<br />
Le premier critère qui conditionne la responsabilité du vendeur en cas de vice caché est sa bonne ou mauvaise foi. En effet, l’article 1645 du Code civil dispose que ''"si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu’il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l’acheteur"''. <br />
<br />
Ainsi, le vendeur de mauvaise foi doit indemniser l’acheteur de l’intégralité de son préjudice, alors que le vendeur de bonne foi n’est tenu qu’à la restitution du prix ou à la réduction du prix.<br />
<br />
La question qui se pose alors est de savoir comment établir la connaissance du vice par le vendeur. <br />
<br />
La réponse varie selon que le vendeur est un professionnel ou non. Pour le vendeur non professionnel, il appartient à l’acheteur de rapporter la preuve que le vendeur avait connaissance du vice au moment de la vente. <br />
<br />
Cette preuve peut être apportée par tout moyen, mais elle est souvent difficile à rapporter. <br />
<br />
Pour le vendeur professionnel, en revanche, la Cour de cassation a instauré une présomption irréfragable de connaissance du vice. <br />
<br />
Autrement dit, le vendeur professionnel est toujours présumé connaître les vices de la chose vendue, et il ne peut pas s’exonérer de sa responsabilité en prouvant qu’il ignorait le vice. <br />
<br />
Cette présomption repose sur l’idée que le vendeur professionnel dispose d’une compétence technique et d’une expérience qui lui permettent de détecter les vices de la chose vendue.<br />
<br />
Mais qu’entend-on par vendeur professionnel ? Selon la jurisprudence, il s’agit de celui qui se livre de façon habituelle à la vente de biens de même nature que celui qui fait l’objet du litige. <br />
<br />
Ainsi, le vendeur professionnel n’est pas nécessairement celui qui exerce une activité commerciale, mais celui qui vend des biens qui relèvent de son domaine d’expertise. <br />
<br />
Par exemple, un agriculteur qui vend un tracteur est considéré comme un vendeur professionnel, alors qu’un particulier qui vend sa voiture n’est pas un vendeur professionnel. <br />
<br />
La qualification de vendeur professionnel est donc une question de fait qui relève de l’appréciation souveraine des juges du fond.<br />
<br />
=Le délai-butoir pour agir en garantie des vices cachés=<br />
<br />
Le second critère qui conditionne la responsabilité du vendeur en cas de vice caché est le respect du délai pour agir en garantie des vices cachés. <br />
<br />
En effet, '''l’article 1648 alinéa 1''' du Code civil dispose que ''“l’action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l’acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice”''. <br />
<br />
Ce délai de deux ans est un délai de prescription, c’est-à-dire un délai au-delà duquel l’action n’est plus recevable. Ce délai commence à courir à partir du moment où l’acheteur découvre le vice, et non pas à partir du moment où il achète la chose. <br />
<br />
Ainsi, si l’acheteur découvre le vice plusieurs années après la vente, il peut encore agir en garantie des vices cachés, à condition de le faire dans les deux ans suivant la découverte du vice.<br />
<br />
Toutefois, ce délai de deux ans n’est pas le seul délai à prendre en compte. <br />
<br />
En effet, il existe également un délai-butoir, qui est le délai maximal pour agir en garantie des vices cachés, quel que soit le moment de la découverte du vice. <br />
<br />
Ce délai-butoir est fixé par '''l’article 2232''' du Code civil, qui dispose que ''“le report du point de départ, la suspension ou l’interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit”''. <br />
<br />
Ainsi, l’action en garantie des vices cachés doit être exercée dans les vingt ans à compter du jour de la vente, même si le vice est découvert après ce délai. <br />
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Ce délai-butoir est applicable aux ventes commerciales ou mixtes conclues avant ou après l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, qui a réformé le droit de la prescription.<br />
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=Que faut-il retenir ?=<br />
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*La responsabilité du vendeur en cas de vice caché dépend de sa bonne ou mauvaise foi, qui se détermine selon qu’il est un professionnel ou non.<br />
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*Le vendeur professionnel est présumé connaître les vices de la chose vendue, et il doit indemniser l’acheteur de l’intégralité de son préjudice.<br />
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*Le vendeur professionnel est celui qui se livre de façon habituelle à la vente de biens de même nature que celui qui fait l’objet du litige.<br />
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*L’action en garantie des vices cachés doit être intentée dans les deux ans à compter de la découverte du vice, sans pouvoir dépasser le délai-butoir de vingt ans à compter du jour de la vente.</div>Asecretanhttps://www.lagbd.org/index.php?title=La_responsabilite_du_vendeur_professionnel_en_cas_de_vice_cache_rappel_des_regles_applicables&diff=79583La responsabilite du vendeur professionnel en cas de vice cache rappel des regles applicables2024-02-12T12:29:55Z<p>Asecretan : </p>
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'''''[https://www.https://www.france.tv/documentaires/voyages/5717727-robert-badinter-la-vie-avant-tout.html- | Robert Badinter la vie avant tout]'''''<br />
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'''Guillaume Lasmoles, avocat au barreau de Montpellier '''<br><br />
'''Février 2024<br><br />
{{AddThis}}<br />
{{DISPLAYTITLE:La responsabilite du vendeur professionnel en cas de vice cache rappel des règles applicables}}<br><br />
'''Lorsqu’un acheteur découvre un défaut sur la chose qu’il a acquise, il peut se prévaloir de la garantie des vices cachés prévue par les articles 1641 à 1649 du Code civil.'''<br />
<br />
Cette garantie permet à l’acheteur d’obtenir la résolution ou la réduction du prix de la vente, ainsi que des dommages-intérêts si le vendeur connaissait le vice. Mais qu’en est-il lorsque le vendeur est un professionnel ? Quelles sont les conditions et les modalités de sa responsabilité ? Quels sont les délais pour agir en garantie des vices cachés ? C’est à ces questions qu’à répondu la Cour de cassation le 17 janvier 2024 '''''(Com. 17 janvier 2024, n°21-23909 [https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000048990970?init=true&page=1&query=21-23909&searchField=ALL&tab_selection=all])'''''<br />
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=La présomption de mauvaise foi du vendeur professionnel=<br />
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Le premier critère qui conditionne la responsabilité du vendeur en cas de vice caché est sa bonne ou mauvaise foi. En effet, l’article 1645 du Code civil dispose que ''"si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu’il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l’acheteur"''. <br />
<br />
Ainsi, le vendeur de mauvaise foi doit indemniser l’acheteur de l’intégralité de son préjudice, alors que le vendeur de bonne foi n’est tenu qu’à la restitution du prix ou à la réduction du prix.<br />
<br />
La question qui se pose alors est de savoir comment établir la connaissance du vice par le vendeur. <br />
<br />
La réponse varie selon que le vendeur est un professionnel ou non. Pour le vendeur non professionnel, il appartient à l’acheteur de rapporter la preuve que le vendeur avait connaissance du vice au moment de la vente. <br />
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Cette preuve peut être apportée par tout moyen, mais elle est souvent difficile à rapporter. <br />
<br />
Pour le vendeur professionnel, en revanche, la Cour de cassation a instauré une présomption irréfragable de connaissance du vice. <br />
<br />
Autrement dit, le vendeur professionnel est toujours présumé connaître les vices de la chose vendue, et il ne peut pas s’exonérer de sa responsabilité en prouvant qu’il ignorait le vice. <br />
<br />
Cette présomption repose sur l’idée que le vendeur professionnel dispose d’une compétence technique et d’une expérience qui lui permettent de détecter les vices de la chose vendue.<br />
<br />
Mais qu’entend-on par vendeur professionnel ? Selon la jurisprudence, il s’agit de celui qui se livre de façon habituelle à la vente de biens de même nature que celui qui fait l’objet du litige. <br />
<br />
Ainsi, le vendeur professionnel n’est pas nécessairement celui qui exerce une activité commerciale, mais celui qui vend des biens qui relèvent de son domaine d’expertise. <br />
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Par exemple, un agriculteur qui vend un tracteur est considéré comme un vendeur professionnel, alors qu’un particulier qui vend sa voiture n’est pas un vendeur professionnel. <br />
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La qualification de vendeur professionnel est donc une question de fait qui relève de l’appréciation souveraine des juges du fond.<br />
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=Le délai-butoir pour agir en garantie des vices cachés=<br />
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Le second critère qui conditionne la responsabilité du vendeur en cas de vice caché est le respect du délai pour agir en garantie des vices cachés. <br />
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En effet, '''l’article 1648 alinéa 1''' du Code civil dispose que ''“l’action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l’acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice”''. <br />
<br />
Ce délai de deux ans est un délai de prescription, c’est-à-dire un délai au-delà duquel l’action n’est plus recevable. Ce délai commence à courir à partir du moment où l’acheteur découvre le vice, et non pas à partir du moment où il achète la chose. <br />
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Ainsi, si l’acheteur découvre le vice plusieurs années après la vente, il peut encore agir en garantie des vices cachés, à condition de le faire dans les deux ans suivant la découverte du vice.<br />
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Toutefois, ce délai de deux ans n’est pas le seul délai à prendre en compte. <br />
<br />
En effet, il existe également un délai-butoir, qui est le délai maximal pour agir en garantie des vices cachés, quel que soit le moment de la découverte du vice. <br />
<br />
Ce délai-butoir est fixé par '''l’article 2232''' du Code civil, qui dispose que ''“le report du point de départ, la suspension ou l’interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit”''. <br />
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Ainsi, l’action en garantie des vices cachés doit être exercée dans les vingt ans à compter du jour de la vente, même si le vice est découvert après ce délai. <br />
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Ce délai-butoir est applicable aux ventes commerciales ou mixtes conclues avant ou après l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, qui a réformé le droit de la prescription.<br />
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=Que faut-il retenir ?=<br />
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*La responsabilité du vendeur en cas de vice caché dépend de sa bonne ou mauvaise foi, qui se détermine selon qu’il est un professionnel ou non.<br />
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*Le vendeur professionnel est présumé connaître les vices de la chose vendue, et il doit indemniser l’acheteur de l’intégralité de son préjudice.<br />
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*Le vendeur professionnel est celui qui se livre de façon habituelle à la vente de biens de même nature que celui qui fait l’objet du litige.<br />
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*L’action en garantie des vices cachés doit être intentée dans les deux ans à compter de la découverte du vice, sans pouvoir dépasser le délai-butoir de vingt ans à compter du jour de la vente.</div>Asecretanhttps://www.lagbd.org/index.php?title=La_responsabilite_du_vendeur_professionnel_en_cas_de_vice_cache_rappel_des_regles_applicables&diff=79582La responsabilite du vendeur professionnel en cas de vice cache rappel des regles applicables2024-02-12T12:29:35Z<p>Asecretan : </p>
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'''Guillaume Lasmoles, avocat au barreau de Montpellier '''<br><br />
'''Février 2024<br><br />
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'''Lorsqu’un acheteur découvre un défaut sur la chose qu’il a acquise, il peut se prévaloir de la garantie des vices cachés prévue par les articles 1641 à 1649 du Code civil.'''<br />
<br />
Cette garantie permet à l’acheteur d’obtenir la résolution ou la réduction du prix de la vente, ainsi que des dommages-intérêts si le vendeur connaissait le vice. Mais qu’en est-il lorsque le vendeur est un professionnel ? Quelles sont les conditions et les modalités de sa responsabilité ? Quels sont les délais pour agir en garantie des vices cachés ? C’est à ces questions qu’à répondu la Cour de cassation le 17 janvier 2024 '''''(Com. 17 janvier 2024, n°21-23909 [https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000048990970?init=true&page=1&query=21-23909&searchField=ALL&tab_selection=all])'''''<br />
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=La présomption de mauvaise foi du vendeur professionnel=<br />
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Le premier critère qui conditionne la responsabilité du vendeur en cas de vice caché est sa bonne ou mauvaise foi. En effet, l’article 1645 du Code civil dispose que ''"si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu’il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l’acheteur"''. <br />
<br />
Ainsi, le vendeur de mauvaise foi doit indemniser l’acheteur de l’intégralité de son préjudice, alors que le vendeur de bonne foi n’est tenu qu’à la restitution du prix ou à la réduction du prix.<br />
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La question qui se pose alors est de savoir comment établir la connaissance du vice par le vendeur. <br />
<br />
La réponse varie selon que le vendeur est un professionnel ou non. Pour le vendeur non professionnel, il appartient à l’acheteur de rapporter la preuve que le vendeur avait connaissance du vice au moment de la vente. <br />
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Cette preuve peut être apportée par tout moyen, mais elle est souvent difficile à rapporter. <br />
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Pour le vendeur professionnel, en revanche, la Cour de cassation a instauré une présomption irréfragable de connaissance du vice. <br />
<br />
Autrement dit, le vendeur professionnel est toujours présumé connaître les vices de la chose vendue, et il ne peut pas s’exonérer de sa responsabilité en prouvant qu’il ignorait le vice. <br />
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Cette présomption repose sur l’idée que le vendeur professionnel dispose d’une compétence technique et d’une expérience qui lui permettent de détecter les vices de la chose vendue.<br />
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Mais qu’entend-on par vendeur professionnel ? Selon la jurisprudence, il s’agit de celui qui se livre de façon habituelle à la vente de biens de même nature que celui qui fait l’objet du litige. <br />
<br />
Ainsi, le vendeur professionnel n’est pas nécessairement celui qui exerce une activité commerciale, mais celui qui vend des biens qui relèvent de son domaine d’expertise. <br />
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Par exemple, un agriculteur qui vend un tracteur est considéré comme un vendeur professionnel, alors qu’un particulier qui vend sa voiture n’est pas un vendeur professionnel. <br />
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La qualification de vendeur professionnel est donc une question de fait qui relève de l’appréciation souveraine des juges du fond.<br />
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=Le délai-butoir pour agir en garantie des vices cachés=<br />
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Le second critère qui conditionne la responsabilité du vendeur en cas de vice caché est le respect du délai pour agir en garantie des vices cachés. <br />
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En effet, '''l’article 1648 alinéa 1''' du Code civil dispose que ''“l’action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l’acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice”''. <br />
<br />
Ce délai de deux ans est un délai de prescription, c’est-à-dire un délai au-delà duquel l’action n’est plus recevable. Ce délai commence à courir à partir du moment où l’acheteur découvre le vice, et non pas à partir du moment où il achète la chose. <br />
<br />
Ainsi, si l’acheteur découvre le vice plusieurs années après la vente, il peut encore agir en garantie des vices cachés, à condition de le faire dans les deux ans suivant la découverte du vice.<br />
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Toutefois, ce délai de deux ans n’est pas le seul délai à prendre en compte. <br />
<br />
En effet, il existe également un délai-butoir, qui est le délai maximal pour agir en garantie des vices cachés, quel que soit le moment de la découverte du vice. <br />
<br />
Ce délai-butoir est fixé par '''l’article 2232''' du Code civil, qui dispose que ''“le report du point de départ, la suspension ou l’interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit”''. <br />
<br />
Ainsi, l’action en garantie des vices cachés doit être exercée dans les vingt ans à compter du jour de la vente, même si le vice est découvert après ce délai. <br />
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Ce délai-butoir est applicable aux ventes commerciales ou mixtes conclues avant ou après l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, qui a réformé le droit de la prescription.<br />
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=Que faut-il retenir ?=<br />
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*La responsabilité du vendeur en cas de vice caché dépend de sa bonne ou mauvaise foi, qui se détermine selon qu’il est un professionnel ou non.<br />
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*Le vendeur professionnel est présumé connaître les vices de la chose vendue, et il doit indemniser l’acheteur de l’intégralité de son préjudice.<br />
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*Le vendeur professionnel est celui qui se livre de façon habituelle à la vente de biens de même nature que celui qui fait l’objet du litige.<br />
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*L’action en garantie des vices cachés doit être intentée dans les deux ans à compter de la découverte du vice, sans pouvoir dépasser le délai-butoir de vingt ans à compter du jour de la vente.</div>Asecretanhttps://www.lagbd.org/index.php?title=La_responsabilite_du_vendeur_professionnel_en_cas_de_vice_cache_rappel_des_regles_applicables&diff=79581La responsabilite du vendeur professionnel en cas de vice cache rappel des regles applicables2024-02-12T12:29:18Z<p>Asecretan : </p>
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'''''[[https://www.https://www.france.tv/documentaires/voyages/5717727-robert-badinter-la-vie-avant-tout.html- Robert Badinter la vie avant tout]]'''''<br />
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'''Guillaume Lasmoles, avocat au barreau de Montpellier '''<br><br />
'''Février 2024<br><br />
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{{DISPLAYTITLE:La responsabilite du vendeur professionnel en cas de vice cache rappel des règles applicables}}<br><br />
'''Lorsqu’un acheteur découvre un défaut sur la chose qu’il a acquise, il peut se prévaloir de la garantie des vices cachés prévue par les articles 1641 à 1649 du Code civil.'''<br />
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Cette garantie permet à l’acheteur d’obtenir la résolution ou la réduction du prix de la vente, ainsi que des dommages-intérêts si le vendeur connaissait le vice. Mais qu’en est-il lorsque le vendeur est un professionnel ? Quelles sont les conditions et les modalités de sa responsabilité ? Quels sont les délais pour agir en garantie des vices cachés ? C’est à ces questions qu’à répondu la Cour de cassation le 17 janvier 2024 '''''(Com. 17 janvier 2024, n°21-23909 [https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000048990970?init=true&page=1&query=21-23909&searchField=ALL&tab_selection=all])'''''<br />
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=La présomption de mauvaise foi du vendeur professionnel=<br />
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Le premier critère qui conditionne la responsabilité du vendeur en cas de vice caché est sa bonne ou mauvaise foi. En effet, l’article 1645 du Code civil dispose que ''"si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu’il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l’acheteur"''. <br />
<br />
Ainsi, le vendeur de mauvaise foi doit indemniser l’acheteur de l’intégralité de son préjudice, alors que le vendeur de bonne foi n’est tenu qu’à la restitution du prix ou à la réduction du prix.<br />
<br />
La question qui se pose alors est de savoir comment établir la connaissance du vice par le vendeur. <br />
<br />
La réponse varie selon que le vendeur est un professionnel ou non. Pour le vendeur non professionnel, il appartient à l’acheteur de rapporter la preuve que le vendeur avait connaissance du vice au moment de la vente. <br />
<br />
Cette preuve peut être apportée par tout moyen, mais elle est souvent difficile à rapporter. <br />
<br />
Pour le vendeur professionnel, en revanche, la Cour de cassation a instauré une présomption irréfragable de connaissance du vice. <br />
<br />
Autrement dit, le vendeur professionnel est toujours présumé connaître les vices de la chose vendue, et il ne peut pas s’exonérer de sa responsabilité en prouvant qu’il ignorait le vice. <br />
<br />
Cette présomption repose sur l’idée que le vendeur professionnel dispose d’une compétence technique et d’une expérience qui lui permettent de détecter les vices de la chose vendue.<br />
<br />
Mais qu’entend-on par vendeur professionnel ? Selon la jurisprudence, il s’agit de celui qui se livre de façon habituelle à la vente de biens de même nature que celui qui fait l’objet du litige. <br />
<br />
Ainsi, le vendeur professionnel n’est pas nécessairement celui qui exerce une activité commerciale, mais celui qui vend des biens qui relèvent de son domaine d’expertise. <br />
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Par exemple, un agriculteur qui vend un tracteur est considéré comme un vendeur professionnel, alors qu’un particulier qui vend sa voiture n’est pas un vendeur professionnel. <br />
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La qualification de vendeur professionnel est donc une question de fait qui relève de l’appréciation souveraine des juges du fond.<br />
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=Le délai-butoir pour agir en garantie des vices cachés=<br />
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Le second critère qui conditionne la responsabilité du vendeur en cas de vice caché est le respect du délai pour agir en garantie des vices cachés. <br />
<br />
En effet, '''l’article 1648 alinéa 1''' du Code civil dispose que ''“l’action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l’acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice”''. <br />
<br />
Ce délai de deux ans est un délai de prescription, c’est-à-dire un délai au-delà duquel l’action n’est plus recevable. Ce délai commence à courir à partir du moment où l’acheteur découvre le vice, et non pas à partir du moment où il achète la chose. <br />
<br />
Ainsi, si l’acheteur découvre le vice plusieurs années après la vente, il peut encore agir en garantie des vices cachés, à condition de le faire dans les deux ans suivant la découverte du vice.<br />
<br />
Toutefois, ce délai de deux ans n’est pas le seul délai à prendre en compte. <br />
<br />
En effet, il existe également un délai-butoir, qui est le délai maximal pour agir en garantie des vices cachés, quel que soit le moment de la découverte du vice. <br />
<br />
Ce délai-butoir est fixé par '''l’article 2232''' du Code civil, qui dispose que ''“le report du point de départ, la suspension ou l’interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit”''. <br />
<br />
Ainsi, l’action en garantie des vices cachés doit être exercée dans les vingt ans à compter du jour de la vente, même si le vice est découvert après ce délai. <br />
<br />
Ce délai-butoir est applicable aux ventes commerciales ou mixtes conclues avant ou après l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, qui a réformé le droit de la prescription.<br />
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=Que faut-il retenir ?=<br />
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*La responsabilité du vendeur en cas de vice caché dépend de sa bonne ou mauvaise foi, qui se détermine selon qu’il est un professionnel ou non.<br />
<br />
*Le vendeur professionnel est présumé connaître les vices de la chose vendue, et il doit indemniser l’acheteur de l’intégralité de son préjudice.<br />
<br />
*Le vendeur professionnel est celui qui se livre de façon habituelle à la vente de biens de même nature que celui qui fait l’objet du litige.<br />
<br />
*L’action en garantie des vices cachés doit être intentée dans les deux ans à compter de la découverte du vice, sans pouvoir dépasser le délai-butoir de vingt ans à compter du jour de la vente.</div>Asecretanhttps://www.lagbd.org/index.php?title=La_responsabilite_du_vendeur_professionnel_en_cas_de_vice_cache_rappel_des_regles_applicables&diff=79580La responsabilite du vendeur professionnel en cas de vice cache rappel des regles applicables2024-02-12T12:28:44Z<p>Asecretan : </p>
<hr />
<div> [[France]] > [[:Catégorie: Droit civil (fr)|Droit civil]] > [[:Catégorie: Droit commercial (fr)| Droit commercial]] <br />
[[Catégorie:France]][[Catégorie:Droit civil (fr)]][[Catégorie: Droit commercial (fr)]][[Catégorie : Article juridique]]<br />
<br />
'''''[https://www.https://www.france.tv/documentaires/voyages/5717727-robert-badinter-la-vie-avant-tout.html- Robert Badinter la vie avant tout]'''''<br />
<br />
'''Guillaume Lasmoles, avocat au barreau de Montpellier '''<br><br />
'''Février 2024<br><br />
{{AddThis}}<br />
{{DISPLAYTITLE:La responsabilite du vendeur professionnel en cas de vice cache rappel des règles applicables}}<br><br />
'''Lorsqu’un acheteur découvre un défaut sur la chose qu’il a acquise, il peut se prévaloir de la garantie des vices cachés prévue par les articles 1641 à 1649 du Code civil.'''<br />
<br />
Cette garantie permet à l’acheteur d’obtenir la résolution ou la réduction du prix de la vente, ainsi que des dommages-intérêts si le vendeur connaissait le vice. Mais qu’en est-il lorsque le vendeur est un professionnel ? Quelles sont les conditions et les modalités de sa responsabilité ? Quels sont les délais pour agir en garantie des vices cachés ? C’est à ces questions qu’à répondu la Cour de cassation le 17 janvier 2024 '''''(Com. 17 janvier 2024, n°21-23909 [https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000048990970?init=true&page=1&query=21-23909&searchField=ALL&tab_selection=all])'''''<br />
<br />
=La présomption de mauvaise foi du vendeur professionnel=<br />
<br />
Le premier critère qui conditionne la responsabilité du vendeur en cas de vice caché est sa bonne ou mauvaise foi. En effet, l’article 1645 du Code civil dispose que ''"si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu’il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l’acheteur"''. <br />
<br />
Ainsi, le vendeur de mauvaise foi doit indemniser l’acheteur de l’intégralité de son préjudice, alors que le vendeur de bonne foi n’est tenu qu’à la restitution du prix ou à la réduction du prix.<br />
<br />
La question qui se pose alors est de savoir comment établir la connaissance du vice par le vendeur. <br />
<br />
La réponse varie selon que le vendeur est un professionnel ou non. Pour le vendeur non professionnel, il appartient à l’acheteur de rapporter la preuve que le vendeur avait connaissance du vice au moment de la vente. <br />
<br />
Cette preuve peut être apportée par tout moyen, mais elle est souvent difficile à rapporter. <br />
<br />
Pour le vendeur professionnel, en revanche, la Cour de cassation a instauré une présomption irréfragable de connaissance du vice. <br />
<br />
Autrement dit, le vendeur professionnel est toujours présumé connaître les vices de la chose vendue, et il ne peut pas s’exonérer de sa responsabilité en prouvant qu’il ignorait le vice. <br />
<br />
Cette présomption repose sur l’idée que le vendeur professionnel dispose d’une compétence technique et d’une expérience qui lui permettent de détecter les vices de la chose vendue.<br />
<br />
Mais qu’entend-on par vendeur professionnel ? Selon la jurisprudence, il s’agit de celui qui se livre de façon habituelle à la vente de biens de même nature que celui qui fait l’objet du litige. <br />
<br />
Ainsi, le vendeur professionnel n’est pas nécessairement celui qui exerce une activité commerciale, mais celui qui vend des biens qui relèvent de son domaine d’expertise. <br />
<br />
Par exemple, un agriculteur qui vend un tracteur est considéré comme un vendeur professionnel, alors qu’un particulier qui vend sa voiture n’est pas un vendeur professionnel. <br />
<br />
La qualification de vendeur professionnel est donc une question de fait qui relève de l’appréciation souveraine des juges du fond.<br />
<br />
=Le délai-butoir pour agir en garantie des vices cachés=<br />
<br />
Le second critère qui conditionne la responsabilité du vendeur en cas de vice caché est le respect du délai pour agir en garantie des vices cachés. <br />
<br />
En effet, '''l’article 1648 alinéa 1''' du Code civil dispose que ''“l’action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l’acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice”''. <br />
<br />
Ce délai de deux ans est un délai de prescription, c’est-à-dire un délai au-delà duquel l’action n’est plus recevable. Ce délai commence à courir à partir du moment où l’acheteur découvre le vice, et non pas à partir du moment où il achète la chose. <br />
<br />
Ainsi, si l’acheteur découvre le vice plusieurs années après la vente, il peut encore agir en garantie des vices cachés, à condition de le faire dans les deux ans suivant la découverte du vice.<br />
<br />
Toutefois, ce délai de deux ans n’est pas le seul délai à prendre en compte. <br />
<br />
En effet, il existe également un délai-butoir, qui est le délai maximal pour agir en garantie des vices cachés, quel que soit le moment de la découverte du vice. <br />
<br />
Ce délai-butoir est fixé par '''l’article 2232''' du Code civil, qui dispose que ''“le report du point de départ, la suspension ou l’interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit”''. <br />
<br />
Ainsi, l’action en garantie des vices cachés doit être exercée dans les vingt ans à compter du jour de la vente, même si le vice est découvert après ce délai. <br />
<br />
Ce délai-butoir est applicable aux ventes commerciales ou mixtes conclues avant ou après l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, qui a réformé le droit de la prescription.<br />
<br />
=Que faut-il retenir ?=<br />
<br />
*La responsabilité du vendeur en cas de vice caché dépend de sa bonne ou mauvaise foi, qui se détermine selon qu’il est un professionnel ou non.<br />
<br />
*Le vendeur professionnel est présumé connaître les vices de la chose vendue, et il doit indemniser l’acheteur de l’intégralité de son préjudice.<br />
<br />
*Le vendeur professionnel est celui qui se livre de façon habituelle à la vente de biens de même nature que celui qui fait l’objet du litige.<br />
<br />
*L’action en garantie des vices cachés doit être intentée dans les deux ans à compter de la découverte du vice, sans pouvoir dépasser le délai-butoir de vingt ans à compter du jour de la vente.</div>Asecretanhttps://www.lagbd.org/index.php?title=Clauses_de_mobilite_en_entreprise_entre_droits_devoirs_et_enjeux_actuels_pour_salaries_et_employeurs&diff=79453Clauses de mobilite en entreprise entre droits devoirs et enjeux actuels pour salaries et employeurs2023-12-15T10:35:45Z<p>Asecretan : /* FAQ sur la Clause de Mobilité du salarié */</p>
<hr />
<div>{{DISPLAYTITLE:Clauses de mobilité en entreprise : entre droits, devoirs et enjeux actuels pour salariés et employeurs}}<br />
[[France]] > [[:Catégorie:Droit social (fr)|Droit social]] > [[:Catégorie: Droit du travail (fr)| Droit du travail ]]<br />
<br />
[[Catégorie:France]] [[Catégorie : Droit social (fr)]] [[Catégorie : Droit du travail (fr)]] [[Catégorie: Article juridique]] <br />
<br />
'''Noémie Le Bouard, avocate au barreau de Versailles [https://www.lebouard-avocats.fr/] <br>'''<br />
'''Octobre 2023<br>'''<br />
<br />
{{AddThis}} <br />
'''La clause de mobilité, un élément contractuel de plus en plus courant dans les contrats de travail, suscite de nombreuses interrogations tant du côté des employeurs que des salariés. Cette disposition, qui permet de modifier le lieu de travail du salarié, doit être mise en œuvre avec précaution, en respectant les droits et obligations de chaque partie. Dans un contexte professionnel en constante évolution, il est essentiel de comprendre les enjeux et les implications de cette clause.'''<br />
<br />
'''<u>Présentation de la notion de clause de mobilité dans les contrats de travail</u>'''<br />
<br />
Selon le site officiel du service public, une clause de mobilité est une disposition prévue dans le contrat de travail ou la convention collective. Elle stipule que le salarié accepte, à l'avance, une modification éventuelle de son lieu de travail. Cette clause permet à l'employeur de répondre à des nécessités économiques ou organisationnelles, tout en offrant une certaine flexibilité dans la gestion de ses ressources humaines.<br />
<br />
'''<u>Importance de cette clause pour les employeurs et les salariés</u>'''<br />
<br />
Pour les employeurs, la clause de mobilité est un outil précieux. Elle leur permet d'adapter rapidement leur organisation face à des impératifs économiques, tels que l'ouverture d'un nouveau site, la fermeture d'une succursale ou la restructuration de l'entreprise. Cette clause offre une marge de manœuvre pour réorganiser les équipes sans avoir à renégocier chaque contrat de travail.<br />
<br />
Du côté des salariés, si la clause de mobilité offre une certaine sécurité en garantissant la continuité de l'emploi malgré les changements géographiques, elle peut également être source d'inquiétudes. En effet, un déménagement non anticipé peut avoir des conséquences sur la vie personnelle et familiale du salarié. Il est donc essentiel que cette clause soit mise en œuvre de manière équitable et en respectant les droits du salarié.<br />
<br />
Le Code du travail prévoit que tout salarié a droit au respect de la vie privée et familiale, de son domicile et de ses obligations familiales. Le lieu de travail est donc un élément essentiel de l’équilibre du salarié. Cependant, la mobilité géographique peut être attendue d’un salarié en fonction de ses responsabilités et des besoins réels et sérieux de son employeur. La clause de mobilité intervient alors pour encadrer cette mobilité, en définissant les conditions et les limites.<br />
<br />
=Qu'est-ce qu'une clause de mobilité ?=<br />
<br />
La clause de mobilité est une disposition contractuelle qui prévoit que le salarié accepte la modification de son lieu de travail. Cette disposition doit être prévue dans le contrat de travail du salarié. Elle n'est pas explicitement réglementée par le code du travail, ce qui a conduit les juges à définir ses conditions de validité et ses modalités de mise en œuvre.<br />
<br />
<br />
'''<u>Objectifs poursuivis par les employeurs en insérant cette clause</u>'''<br />
<br />
L'insertion d'une clause de mobilité répond à des besoins spécifiques de l'employeur. Elle peut être insérée aussi bien dans une convention collective que dans le contrat de travail. Lorsqu'elle est insérée dans une convention collective, l'employeur peut directement s'en prévaloir, sans qu'une stipulation soit nécessaire dans le contrat individuel. Cependant, le salarié doit avoir été informé de l'existence de cet accord au moment de son engagement et mis en mesure d'en prendre connaissance.<br />
<br />
Lorsqu'elle est insérée dans le contrat de travail, l'accord du salarié est requis. À défaut d'un tel accord, la mise en œuvre d'une telle clause caractérise une modification du contrat de travail que le salarié peut refuser.<br />
<br />
'''<u>Définition et portée de la clause de mobilité</u>'''<br />
<br />
'''Qu'est-ce qu'une clause de mobilité ?'''<br />
<br />
La clause de mobilité est une stipulation contractuelle insérée dans le contrat de travail. Elle permet à l'employeur de changer le lieu de travail du salarié, dans les limites définies par la clause, sans que cela constitue une modification du contrat de travail. La définition d'une clause de mobilité est la suivante : c'est une mention du contrat de travail par laquelle le salarié donne son accord à un éventuel changement de son lieu de travail. Il s'agit donc d'une clause de mobilité géographique.<br />
<br />
Objectifs poursuivis par les employeurs en insérant cette clause :<br />
<br />
L'insertion d'une clause de mobilité dans le contrat de travail répond à plusieurs objectifs pour l'employeur :<br />
<br />
*Flexibilité organisationnelle : Dans un contexte économique et commercial en constante évolution, les entreprises peuvent avoir besoin de réorganiser leurs équipes, d'ouvrir de nouveaux sites ou de fermer certaines unités. La clause de mobilité offre à l'employeur la flexibilité nécessaire pour répondre à ces besoins sans avoir à renégocier le contrat de travail à chaque fois.<br />
<br />
*Réponse aux fluctuations du marché : Les entreprises peuvent avoir besoin de déplacer leurs employés pour répondre à des besoins spécifiques du marché, que ce soit pour se rapprocher de nouveaux marchés, répondre à des demandes clients ou suivre une stratégie d’expansion.<br />
<br />
*Sécurité juridique : La clause de mobilité, lorsqu'elle est bien rédigée et respecte les conditions de validité, offre une sécurité juridique à l'employeur. Elle limite les risques de litiges liés à la modification du lieu de travail du salarié.<br />
<br />
Il est à noter que pour être valide, la clause de mobilité doit indiquer de façon précise la zone géographique d'application. L'employeur ne peut pas étendre la zone unilatéralement sans l'accord du salarié. De plus, la clause vaut uniquement au sein de l'entreprise et ne peut pas être applicable aux entreprises du même groupe.<br />
<br />
En conclusion, la clause de mobilité est un outil juridique qui offre aux employeurs la flexibilité nécessaire pour s'adapter à un environnement changeant, tout en offrant une certaine sécurité juridique. Cependant, elle doit être utilisée avec précaution et dans le respect des droits du salarié.<br />
<br />
=Les conditions de validité de la clause de mobilité=<br />
<br />
La clause de mobilité, bien qu'elle ne soit pas explicitement réglementée par le Code du travail, a été façonnée par la jurisprudence au fil des années pour garantir un équilibre entre les intérêts de l'employeur et les droits du salarié.<br />
<br />
'''a. Nécessité d'une rédaction claire et précise'''<br />
<br />
La première condition de validité de la clause de mobilité est qu'elle doit être clairement stipulée dans le contrat de travail. En effet, pour que l'employeur puisse s'en prévaloir, la clause doit impérativement figurer dans le contrat. Cela signifie que l'employeur ne peut pas imposer une mutation à un salarié en l'absence d'une telle clause dans son contrat.<br />
<br />
'''b. importance du "périmètre de mutation" dans la clause'''<br />
<br />
La Cour de cassation a précisé que pour être valable, la clause de mobilité doit comporter des précisions sur sa zone géographique d'application. Autrement dit, il n'est pas possible de stipuler que le salarié exercera son activité "dans tout lieu que son employeur lui désignera" ou "dans tous les établissements que la Société ouvrira". <br />
<br />
Par exemple, une clause stipulant que "le secteur initial d'intervention du salarié sera susceptible d'être modifié à tout moment selon les besoins de l'entreprise" a été jugée invalide. De même, une clause prévoyant toute mutation entre sociétés filiales d'un groupe est nulle, car tout changement d'employeur nécessite l'accord express du salarié.<br />
<br />
'''c. Jurisprudence récente : l'arrêt de la Cour de cassation du 23 janvier 2008'''<br />
<br />
La Cour de cassation, dans son arrêt du 2 octobre 2019, a sanctionné une clause de mobilité qui ne définissait pas de façon précise sa zone géographique d'application et qui conférait à l'employeur le pouvoir d'en étendre unilatéralement la portée. Dans cette affaire, la clause autorisait l'employeur "à tout moment, et selon sa propre initiative, d'élargir, réduire ou modifier le secteur ci-dessus défini, de même que la qualification de la zone". Il est donc essentiel que les clauses de mobilité définissent précisément leur périmètre géographique d'application et ne permettent pas à l'employeur d'en modifier unilatéralement la portée.<br />
<br />
La clause de mobilité est un outil précieux pour les employeurs, leur permettant de s'adapter aux évolutions et aux besoins de l'entreprise. Cependant, pour être valable, elle doit respecter certaines conditions de fond et de forme, garantissant ainsi le respect des droits du salarié. Il est donc essentiel pour les employeurs de rédiger ces clauses avec soin et précision, en tenant compte de la jurisprudence récente.<br />
<br />
=Le refus du salarié et ses conséquences=<br />
<br />
Le monde professionnel est en constante évolution, et les entreprises doivent s'adapter rapidement pour rester compétitives. Dans ce contexte, la clause de mobilité, qui permet à l'employeur de changer le lieu de travail du salarié, est devenue un outil essentiel pour nombre d'entre elles. Cependant, cette clause peut parfois être source de conflits, notamment lorsque le salarié refuse de se conformer à une mutation. Examinons les conséquences juridiques d'un tel refus.<br />
<br />
'''a. Les raisons légitimes du refus par le salarié'''<br />
<br />
Il est essentiel de comprendre que le salarié n'est pas sans droits face à une mutation imposée par une clause de mobilité. Si le salarié estime que la mutation est abusive ou qu'elle porte atteinte à ses droits, il peut la contester. Par exemple, si le délai de prévenance est jugé insuffisant ou si la mobilité est associée à une modification substantielle des conditions de travail, le salarié peut légitimement refuser la mutation.<br />
<br />
'''b. Les implications pour l'employeur : licenciement pour cause réelle et sérieuse'''<br />
<br />
En cas de refus du salarié, l'employeur peut être tenté de procéder à un licenciement. Cependant, il doit agir avec prudence. Si les conditions de la clause de mobilité étaient légitimes et respectées, l'employeur pourrait licencier le salarié pour faute grave. Toutefois, si le salarié parvient à démontrer que la clause était abusive ou que ses droits ont été bafoués, le licenciement pourrait être jugé sans cause réelle et sérieuse, exposant l'employeur à des sanctions financières.<br />
<br />
'''c. La position de la Cour de cassation sur le refus du salarié'''<br />
<br />
La jurisprudence joue un rôle crucial dans l'interprétation et l'application des clauses de mobilité. Dans un arrêt du 16 novembre 2022, la Cour de cassation a rappelé que le refus d'un salarié de se conformer à une mutation basée sur une clause de mobilité doit être justifié par des raisons objectives et sérieuses. Elle a également souligné que l'employeur doit démontrer que la mutation répond à un besoin réel de l'entreprise et que le refus du salarié porte préjudice à l’entreprise.<br />
<br />
La clause de mobilité est un outil précieux pour les employeurs, mais elle doit être utilisée avec discernement et dans le respect des droits des salariés. En cas de litige, il est essentiel de consulter un avocat spécialisé pour s'assurer que les droits de chacune des parties sont respectés.<br />
<br />
=Actualités et évolutions récentes=<br />
<br />
La clause de mobilité, bien que courante dans les contrats de travail, a connu des évolutions notables, notamment en raison de la pandémie et des récentes décisions judiciaires. Ces évolutions ont des implications tant pour les employeurs que pour les salariés.<br />
<br />
'''<u>Les défis posés par la pandémie et le télétravail</u>'''<br />
<br />
La pandémie de COVID-19 a bouleversé le monde du travail. Le télétravail est devenu la norme pour de nombreuses entreprises, remettant en question la pertinence et l'application des clauses de mobilité. Dans un contexte où le travail à distance est privilégié, la nécessité pour un salarié de se déplacer dans un autre établissement ou une autre ville peut sembler contre-productive. De plus, la pandémie a mis en lumière l'importance de la flexibilité et de l'adaptabilité, tant pour les employeurs que pour les salariés. Dans ce contexte, la mise en œuvre stricte d'une clause de mobilité peut être perçue comme rigide et inadaptée.<br />
<br />
'''<u>Les décisions judiciaires récentes ayant un impact sur l'application de la clause de mobilité</u>'''<br />
<br />
L'évolution jurisprudentielle a également joué un rôle crucial dans la manière dont les clauses de mobilité sont perçues et appliquées. Par exemple, selon un article publié par Amado Avocats, la Cour de Cassation a rendu plusieurs arrêts importants concernant la clause de mobilité.<br />
<br />
Parmi ces décisions :<br />
<br />
*Cass. Soc. 7 Juin 2006 : Une clause de mobilité doit définir de façon précise sa zone géographique d'application et ne peut conférer à l'employeur le pouvoir d'en étendre unilatéralement la portée.<br />
<br />
*Cass. Soc. 12 Juin 2006 : Une clause de mobilité rédigée de manière vague, telle que "les évolutions dans l'organisation de l'entreprise pourront amener cette dernière à modifier tant l'établissement que le bureau de rattachement", a été jugée inapplicable, même si les lieux de travail étaient distants de seulement 50 kilomètres.<br />
<br />
<br />
Ces décisions montrent que la jurisprudence tend à encadrer strictement l'application des clauses de mobilité, veillant à ce qu'elles ne portent pas atteinte aux droits des salariés. Elles soulignent également l'importance d'une rédaction claire et précise de ces clauses pour garantir leur validité.<br />
<br />
Les clauses de mobilité, bien qu'essentielles pour de nombreuses entreprises, doivent être rédigées et appliquées avec prudence. La pandémie de COVID-19 et les récentes évolutions jurisprudentielles ont mis en évidence la nécessité pour les employeurs de faire preuve de flexibilité et d'adaptabilité. En fin de compte, une approche équilibrée, qui tient compte des intérêts de l'entreprise tout en respectant les droits des salariés, est essentielle pour garantir une relation de travail harmonieuse.<br />
<br />
=Conseils pratiques=<br />
<br />
'''<u>Pour les employeurs : comment rédiger une clause de mobilité valide et équilibrée</u>'''<br />
<br />
La rédaction d'une clause de mobilité nécessite une attention particulière pour garantir sa validité juridique. Voici quelques recommandations pour les employeurs :<br />
<br />
*Précision des lieux : Il est impératif de définir avec précision les lieux où le salarié pourrait être affecté. Si un établissement est omis, le salarié pourrait légitimement refuser d'y être affecté.<br />
<br />
*Conformité avec la convention collective : Avant d'insérer une clause de mobilité dans un contrat, il est essentiel de vérifier la convention collective applicable. Cette dernière peut imposer des critères supplémentaires ou spécifiques qui doivent être respectés.<br />
<br />
*Justification de la mutation : Toute mutation doit être justifiée par l'intérêt de l'entreprise tout en veillant au respect des droits et du bien-être du salarié. Une mutation considérée comme préjudiciable pour le salarié pourrait être invalidée par les tribunaux.<br />
<br />
*Délai de prévenance : Bien que la loi ne spécifie pas de délai précis, il est conseillé de respecter un délai raisonnable pour informer le salarié d'une mutation, lui permettant ainsi de s'organiser.<br />
<br />
<br />
'''<u>Pour les salariés : comment appréhender une clause de mobilité et connaître ses droits</u>'''<br />
<br />
La clause de mobilité, si elle est bien rédigée, ne doit pas être perçue comme une contrainte, mais comme une possibilité d'évolution professionnelle. Cependant, le salarié doit être conscient de ses droits :<br />
<br />
*Connaissance des lieux de mutation : Le salarié doit être informé des lieux précis où il pourrait être muté. Une clause vague ou trop générale pourrait être contestée.<br />
<br />
*Droit au refus : Si la clause de mobilité n'est pas conforme ou si la mutation proposée n'est pas justifiée, le salarié a le droit de refuser sans que cela ne constitue une faute.<br />
<br />
*Consultation de la convention collective : Il est toujours recommandé au salarié de consulter sa convention collective pour connaître ses droits et obligations en matière de mobilité.<br />
<br />
=Conclusion=<br />
<br />
La clause de mobilité, bien que bénéfique pour l'entreprise en termes de flexibilité, doit être rédigée avec précaution pour garantir le respect des droits du salarié. Dans un contexte juridique en constante évolution, il est essentiel pour les employeurs et les salariés de rester informés et de consulter régulièrement la jurisprudence et les conventions collectives applicables. La recherche d'un équilibre entre les besoins de l'entreprise et les droits du salarié est primordiale pour assurer une relation de travail harmonieuse et productive.<br />
<br />
<br />
=FAQ sur la clause de mobilité du salarié=<br />
<br />
'''''1. Qu'est-ce qu'une clause de mobilité ?'''''<br />
<br />
'''R''' : Une clause de mobilité est une stipulation contractuelle insérée dans le contrat de travail qui permet à l'employeur de modifier le lieu de travail du salarié, dans un périmètre défini, sans que cela constitue une modification du contrat.<br />
<br />
'''''2. Est-ce que la clause de mobilité est obligatoire dans un contrat de travail ?'''''<br />
<br />
'''R''' : Non, la clause de mobilité n'est pas obligatoire. Elle est insérée à la discrétion de l'employeur et doit être acceptée par le salarié lors de la signature du contrat.<br />
<br />
'''''3. Comment doit être rédigée une clause de mobilité pour être valide ?'''''<br />
<br />
'''R''' : Pour être valide, la clause de mobilité doit définir clairement et précisément sa zone géographique d'application. Elle ne peut pas conférer à l'employeur le pouvoir d'en étendre unilatéralement la portée.<br />
<br />
'''''4. Un salarié peut-il refuser une mutation prévue par la clause de mobilité ?'''''<br />
<br />
'''R''' : Si la clause de mobilité est valide et que la mutation est justifiée par l'intérêt de l'entreprise, le salarié ne peut généralement pas refuser. Cependant, si la mutation entraîne un préjudice pour le salarié ou si la clause est jugée abusive, le salarié pourrait avoir des motifs légitimes de refus.<br />
<br />
'''''5. Quelles sont les conséquences d'un refus de mutation par le salarié ?'''''<br />
<br />
'''R''' : En cas de refus non justifié d'une mutation prévue par une clause de mobilité valide, l'employeur peut engager une procédure de licenciement pour cause réelle et sérieuse.<br />
<br />
'''''6. La clause de mobilité peut-elle prévoir une mutation à l'étranger ?'''''<br />
<br />
'''R''' : Oui, mais la clause doit alors mentionner explicitement cette possibilité et définir clairement les pays ou zones géographiques concernés.<br />
<br />
'''''7. Comment la jurisprudence récente influence-t-elle l'application de la clause de mobilité ?'''''<br />
<br />
'''R''' : La jurisprudence, notamment celle de la Cour de cassation, veille à ce que la clause de mobilité respecte les droits du salarié et ne soit pas abusive. Elle a, par exemple, invalidé des clauses trop vagues ou celles qui permettent à l'employeur de modifier unilatéralement le périmètre de mutation.<br />
<br />
'''''8. La pandémie de COVID-19 a-t-elle eu un impact sur l'application des clauses de mobilité ?'''''<br />
<br />
'''R''': La pandémie a entraîné une augmentation du télétravail, ce qui a pu poser des questions sur l'application des clauses de mobilité. Certains salariés ont pu être amenés à travailler depuis leur domicile, ce qui a pu nécessiter des ajustements contractuels.<br />
<br />
'''''9. Quels conseils donner aux employeurs pour rédiger une clause de mobilité équilibrée ?'''''<br />
<br />
'''R''' : Il est recommandé de définir clairement le périmètre géographique, de se conformer à la convention collective, de justifier toute mutation par l'intérêt de l'entreprise et de respecter un délai de prévenance raisonnable.<br />
<br />
'''''10. En tant que salarié, comment puis-je connaître mes droits liés à la clause de mobilité ?'''''<br />
<br />
'''R''' : Il est conseillé de consulter sa convention collective, de se renseigner sur la jurisprudence récente et, en cas de doute, de consulter un avocat spécialisé en droit du travail.</div>Asecretanhttps://www.lagbd.org/index.php?title=SCI_familiale_et_contestation_des_pretentions_de_la_banque_et_du_fonds_de_titrisation&diff=79452SCI familiale et contestation des pretentions de la banque et du fonds de titrisation2023-12-15T10:34:57Z<p>Asecretan : </p>
<hr />
<div>{{Commentaires d'arrêts<br />
|Territoire=France<br />
|Domaine=Droit privé<br />
|Matière=Droit immobilier<br />
|Sous-matière=Droit bancaire<br />
}}<br />
{{DISPLAYTITLE:SCI familiale et contestation des prétentions de la banque et du fonds de titrisation}}<br />
'''Laurent Latapie , avocat au barreau de Draguignan [https://www.legavox.fr/]<br>'''<br />
'''Novembre 2023<br>'''<br />
<br />
[[Catégorie: Droit privé]] [[Catégorie: Droit immobilier (fr)]] [[Catégorie: Droit bancaire (fr)]]<br />
<br />
{{AddThis}}<br />
<br />
'''Une SCI familiale poursuivie en paiement par un établissement bancaire oppose des moyens de prescription ou encore de manquements aux obligations de conseil et de mise en garde, mais quid de la cession de créance et le retrait litigieux ?'''<br />
<br />
Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour d’Appel de Chambéry le 30 mars 2023, n° RG 21/00767, qui vient aborder le cas particulier d’une SCI qui est poursuivi par un établissement bancaire, mais aussi par le fonds de titrisation.<br />
<br />
La SCI tentant d’échapper à ses obligations en venant opposer à la banque, mais aussi au fonds commun de titrisation, des problématiques de prescription. <br />
<br />
La SCI vient également reprocher à la banque plusieurs manquements au titre de ses obligations de conseil et de mise en garde. <br />
<br />
<u>Quels sont les faits ?</u><br />
<br />
Dans cette affaire, et par acte authentique en date du 17 juillet 2009, la banque avait consenti à une SCI familiale, qui souhaitait acquérir leur résidence principale, un prêt immobilier d’un montant de 304 137 € destiné à financer l’acquisition et la réalisation de travaux de remise en état du bien.<br />
<br />
En garantie de ce prêt, la banque avait bien fait inscrire un privilège de prêteur de deniers.<br />
<br />
Malheureusement suite à quelques impayés la banque avait, par acte d’huissier du 12 juin 2014, fait délivrer à la SCI H. une sommation de payer la somme de 163 000 € accompagnée de l’information qu’elle entendait faire valoir la clause d’exigibilité de tout le prêt à défaut de paiement sous 8 jours.<br />
<br />
S’en est suivie, le 11 août 2014, la signification d’un commandement de payer valant saisie immobilière pour l’intégralité du prix du prêt pour 381 908,00 € outre intérêts contractuels.<br />
<br />
La signification de montants réclamés par la banque passé la déchéance du terme, frappée d’une vraie hémorragie de frais et intérêts divers et variés peut surprendre,<br />
<br />
'''Une déchéance du terme à grand renfort de frais, intérêts et pénalités,'''<br />
<br />
Rappelons en effet que le prêt avait été contracté en 2009 pour 300 000 € et avait forcément fait l’objet de règlements jusqu’en 2014.<br />
<br />
Le lecteur raisonnable ne peut que s’étonner qu’en 2014, soit 5 ans après l’obtention du crédit, alors que le débiteur a forcément réglé 2, 3 à 4 années d’échéances, la créance est désormais de 380 000 € alors que le prêt initial était de 300 000 €.<br />
<br />
Cette hémorragie de la créance bancaire est toujours critiquable. <br />
<br />
C’est dans ces circonstances qu’un commandement de payer valant saisie immobilière a été ensuite signifié par la banque qui a ensuite assigné SCI H. devant le Juge de l’Exécution immobilière afin d’envisager la vente immobilière du bien.<br />
<br />
'''Le commandement de payer valant saisie immobilière'''<br />
<br />
Pour autant, par jugement du 7 avril 2015, le Juge de l’Exécution du Tribunal de Grande Instance de Chambéry a débouté la SCI H. de ses demandes tendant à voir l’action de la banque prescrite.<br />
<br />
Par arrêt en date du 24 septembre 2015, la Cour d’Appel de CAHMBERY a quant à elle infirmé le jugement en toutes ses dispositions et a dit que l’action de la banque était prescrite au titre de la prescription biennale ordonnant ainsi la mainlevée de la procédure de saisie immobilière.<br />
<br />
Pour autant, l’affaire n’en n’est pas restée là puisque s’en est suivi un arrêt de Cour de cassation du 12 décembre 2016 qui a cassé et annulé la décision en litige lorsqu’elle a justement dit que l’action de la banque était prescrite et a renvoyé les parties devant la Cour d’Appel de GRENOBLE qui a constaté la péremption du commandement du 22 octobre 2014 aux fins de saisie immobilière.<br />
<br />
'''La péremption du commandement et une nouvelle procédure judiciaire'''<br />
<br />
Cela a forcément amené une nouvelle procédure judiciaire.<br />
<br />
Cependant, et contre toute attente, la banque a fait le choix d’assigner la SCI non plus devant le juge de l’orientation mais devant le Tribunal judiciaire dans le cadre d’un contentieux au fond au paiement de la somme de 300 000 €.<br />
<br />
De même suite, la société E., représentant le fonds commun de titrisation est intervenue volontairement à l’instance en qualité de cessionnaire de la créance détenue par la banque.<br />
<br />
'''L’intervention volontaire du fonds commun de titrisation'''<br />
<br />
La SCI H. s’est alors opposée aux demandes en soulevant une nouvelle fois la prescription de l’action en paiement sur le fondement de l’article L.137-2 du Code de la consommation ancien et a également formé une demande reconventionnelle en paiement d’une somme équivalente à celle qui lui est réclamée à titre de dommages et intérêts sur le fondement de la faute commise par la banque au titre de son manquement au devoir de mise en garde.<br />
<br />
C’est dans ces circonstances que la Cour d’Appel de Chambéry a dû se prononcer.<br />
<br />
La question de la prescription de l’action en paiement de la banque<br />
<br />
La SCI H. réitère en appel la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en paiement engagée contre elle sur le fondement de l’article L.218-2 du Code de la Consommation, ancien article L.137-2 et soutient à cet effet qu’elle doit être considérée comme un consommateur.<br />
<br />
Le fonds de titrisation soutient que ce moyen a été irrecevable compte-tenu de l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 12 octobre 2012.<br />
<br />
C’est sur le fond que l’action n’est évidemment à l’évidence pas prescrite, la SCI H. n’étant pas un consommateur au sens de l’article L.218-2 du Code de la Consommation.<br />
<br />
Concernant la recevabilité du moyen, il convient de rappeler que la Cour d’Appel de GRENOBLE n’a pas statué sur la prescription dès lors que le commandement de payer valant saisie immobilière avait été déclaré caduc.<br />
<br />
L’arrêt de la Cour de cassation n’a pas pour effet de rendre le moyen recevable puisqu’elle a renvoyé l’affaire devant la Cour d’Appel de GRENOBLE pour qu’il soit statué sur ce point. <br />
<br />
Il convient donc d’examiner la fin de non-recevoir soulevée par la SCI H.<br />
<br />
C’est par des motifs pertinents que la Cour retient qu’au visa des articles L.110-4 du Code du Commerce, L.137-2 devenu L.218-2 du Code de la Consommation et des articles 2243 et 2244 du Code Civil que le prêt du 17 juillet 2009 a été consentit à une SCI H., personne morale et non à ses associés, personnes physiques de telle sorte que ladite SCI ne peut donc être considérée comme un consommateur au sens de l’article L.218-2.<br />
<br />
Le délai de prescription applicable est le délai quinquennal de l’article L.110-4 du Code du Commerce ainsi que l’a rappelé la Cour de cassation dans maintes jurisprudences et notamment dans celle rendue le 12 octobre 2016.<br />
<br />
'''Une prescription à 5 ans pour poursuivre une SCI'''<br />
<br />
Le délai de prescription qui a commencé à courir au premier incident de paiement non régularisé, soit le 5 avril 2011, a été interrompu par le commandement de payer valant saisie immobilière délivré par le prêteur le 11 août 2014, effet interruptif qui n’a pas été anéanti par la caducité ultérieurement prononcée par l’arrêt de la Cour de Grenoble du 24 octobre 2018.<br />
<br />
Le délai de prescription a encore été interrompu par la signification le 29 septembre 2014 et l’opposition au paiement des loyers par le locataire de la SCI H.<br />
<br />
Ainsi, au jour de l’acte introductif d’instance, le 3 juillet 2017, l’action du créancier n’était donc pas prescrite.<br />
<br />
Il sera ajouté que l’article liminaire du Code de la Consommation introduit par la Loi du 17 mars 2014 est recodifié par ordonnance du 14 mars 2016 invoquée par l’appelant, défini le consommateur comme toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale et libérale ou agricole.<br />
<br />
Une telle définition exclut par principe les personnes morales, <br />
<br />
L’article L.218-2 du Code de la Consommation instaure une prescription biennale de l’action des professionnels pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, lesquelles sont donc nécessairement des personnes physiques.<br />
<br />
Il sera ainsi rappelé que l’opération financée par le prêt litigieux sera rattachée à l’objet social de la SCI H. de sorte que, quand bien même nous soyons en présence d’une SCI familiale, elle ne peut se prétendre consommateur et bénéficier des dispositions protectrices du Code de la Consommation, de telle sorte que la SCI H. est déboutée sur ce point.<br />
<br />
'''Concernant l’obligation de conseil et de mise en garde'''<br />
<br />
Sur le devoir de mise en garde, la SCI H. a également formé une demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts contre le prêteur sur le fondement de la violation de devoir de mise en garde.<br />
<br />
Cette demande a été déclarée irrecevable comme étant prescrite par le premier Juge.<br />
<br />
En effet, la SCI H. réitère le moyen en le présentant comme une simple défense au fond visant au rejet des prétentions adverses, de sorte qu’aucune prescription ne sera encourue.<br />
<br />
La SCI ne sollicite plus la condamnation de l’intimée au paiement de dommages et intérêts sur le fondement du manquement de devoir de mise en garde.<br />
<br />
Le fonds commun de titrisation quant à lui ne réitère pas la fin de non-recevoir tiré de la prescription compte-tenu de la nouvelle présentation de moyens qui sera donc examinée au fonds sans qu’il soit nécessaire d’examiner la prescription.<br />
<br />
Il est de jurisprudence constante que le banquier dispensateur de crédit est tenu à l’égard de l’emprunteur non averti d’une obligation de mise en garde lors de la conclusion du contrat,<br />
<br />
La banque étant tenue de justifier avoir satisfait à cette obligation à raison des capacités financières de l’emprunteur et du risque d’endettement né de l’octroi des prêts.<br />
<br />
Toutefois, le prêteur n’a pas d’obligation de mise en garde qu’en cas de crédit excessif même si le prêt est consenti à un emprunteur non averti.<br />
<br />
'''La responsabilité de la banque en cas de crédit excessif'''<br />
<br />
Il appartient dès lors à l’emprunteur, qui invoque un manquement au devoir de mise en garde de la banque d’apporter la preuve de l’inadaptation du crédit octroyé au capacités de remboursement de l’emprunteur au jour où il a été souscrit ou du risque d’endettement excessif.<br />
<br />
La SCI H. soutient, pour sa part, que le montage qui prévoyait un revenu locatif mensuel de 2 570 € était illusoire, les locataires ayant cessé de régler leur loyer peu de temps après la signature des baux.<br />
<br />
Toutefois, le montant des échéances mensuelles du prêt était de 2 000 € pour des revenus locatifs prévisionnels alors fixés selon l’appelante à 2 570 €, <br />
<br />
'''Des incidents de paiement du locataire empêchant le paiement du prêt par la SCI'''<br />
<br />
La Cour considère que la banque ne peut être tenue responsable du défaut de paiement des locataires choisis par la SCI H., celle-ci ne démontrant d’ailleurs aucunement que le loyer locatif prévisionnel aurait été surévalué.<br />
<br />
Au demeurant, la SCI H. a remboursé le prêt pendant les deux premières années sans difficultés.<br />
<br />
En l’espèce, le fond commun de titrisation soutient que la SCI H. n’était pas créancière d’un quelconque devoir de mise en garde dès lors que le crédit consentit était proportionné à l’opération puisque la SCI H. faisait l’acquisition d’un studio, d’un local commercial et de deux appartements destinés à être mis en location et dont les loyers étaient suffisants pour couvrir le remboursement de l’emprunt.<br />
<br />
'''Le fonds commun de titrisation assujetti à l’obligation de mise en garde ? '''<br />
<br />
En outre, la Cour reproche à la SCI de ne produire aucun élément relatif à sa situation financière, ne justifie pas des baux qu’elle a consenti, ni des prétendus impayés de ses locataires, de sorte que le caractère excessif du crédit n’est pas établi au regard des revenus qui pouvaient être raisonnablement escomptés de l’opération.<br />
<br />
Le fait qu’au jour du procès-verbal descriptif de l’huissier établi le 22 octobre 2014 pour les besoins de la procédure de saisie immobilière, seuls 3 lots avaient été loués pour un total de loyer hors charges de 1 089,00 € étaient insuffisants pour établir qu’au jour de l’octroi du crédit il existait un risque d’endettement excessif.<br />
<br />
'''De revenus locatifs insuffisants pour faire face aux échéances ?'''<br />
<br />
Par ailleurs, il est indifférent que les associés de la SCI H. n’aient pas disposés de revenus suffisants pour faire face au remboursement de l’emprunt puisque les biens acquis par la SCI H. devaient fournir à celle-ci les revenus nécessaires au remboursement du prêt.<br />
<br />
Le placement en liquidation judiciaire ultérieur de Monsieur B., un des associés de la SCI, est également indifférent puisque l’appréciation de l’existence du devoir de mise en garde est faite au jour de l’octroi des concours bancaires, de telle sorte qu’il résulte de ce qui précède pour la Cour d’Appel de Chambéry que la SCI H. ne démontre pas que la banque était tenue d’un devoir de mise en garde à son égard, aucun risque d’endettement excessif n’étant établi au jour de la souscription du crédit.<br />
<br />
'''Sur l’absence de retrait litigieux,''' <br />
<br />
On ne peut que s’étonner de cette bataille judiciaire faite par la SCI H. qui s’est entêtée à croire à une prescription biennale alors que la réforme du Code de la Consommation a été extrêmement claire et qu’effectivement, dans la mesure où les SCI personnes morales pas nature sont désormais écartée du Code de la Consommation, la prescription biennale ne peut plus être revendiquée par ces dernières et ces derniers sont immanquablement assujettis à une prescription quinquennale de 5 ans, délai pour lequel la banque a immanquablement pris soin de faire des actes interruptifs de prescriptions.<br />
<br />
Dès lors, il est assez curieux pour la SCI F. de venir s’entêter à solliciter une acquisition d’une prescription biennale alors que la législation en la matière a clairement évolué pour une prescription quinquennale qui n’est absolument plus remise en question de quelque manière que ce soit à ce jour.<br />
<br />
Qu’il en est également de même concernant l’application qui aurait pu être faite de l’obligation de conseil et de mise en garde, étant précisé d’ailleurs que là encore la SCI s’est entêtée à soutenir une argumentation qui, à mon sens, était fragile et risquait de la mettre à défaut.<br />
<br />
Pour autant, la vraie question qui se pose, quand on reprend la lecture des faits, est l’apparition du fonds commun de titrisation.<br />
<br />
En effet, nous avons bien vu dans l’historique présenté que nous sommes en présence d’un acte authentique qui a été conclu en 2009 que la banque a effectivement enclenché une première procédure de saisie immobilière en 2014 et finalement en 2017, alors que la Cour d’Appel de Grenoble est effectivement déclaré constater la péremption du commandement de payer, la banque a, par acte du 3 juillet 2017, assigné la SCI H. en paiement devant le Tribunal de Grande Instance de Chambéry enclenchant ainsi une procédure au fond.<br />
<br />
'''Une cession de créance en pleine procédure judiciaire'''<br />
<br />
C’est dans ces circonstances alors que la SCI était défenderesse à la procédure, que le fonds commun de titrisation est intervenu volontairement à l’instance en qualité de cessionnaire de la créance, sans que pour autant à aucun moment donné la SCI H. envisage de quelque manière que ce soit une demande en retrait litigieux, ce qui aurait permis d’obtenir le prix de vente de la créance en question entre la banque et le fonds commun de titrisation qui était immanquablement très inférieur à la somme de 300 000 € et qui aurait permis à la SCI en question de faire une action en retrait litigieux, c’est-à-dire de racheter une créance au prix de cession entre cédant et cessionnaire, ce qui aurait été beaucoup plus intéressant.<br />
<br />
D’ailleurs, la Cour souligne qu’en rejetant à la fois l’argumentation relative à la problématique de prescription et à la fois à la problématique liée au devoir de mise en garde que celle-ci n’a jamais formalisé de demande quelle qu’elle soit à l’encontre du fonds commun de titrisation alors qu’à mon sens l’enjeu procédural se situait-là.<br />
<br />
Nous pouvons notamment retenir une phrase de l’arrêt de la Cour qui indique qu’il convient de rappeler que la créance de la banque a été cédée au fonds commun de titrisation le 29 avril 2019, ce qui n’est pas contesté par la SCI H.<br />
<br />
A mon sens, l’enjeu de la procédure se joue ici et ce qui est regrettable c’est que la SCI n’a pas jugée utile d’envisager une action en retrait litigieux alors que l’ensemble des critères lié à l’action en retrait litigieux me semble pourtant caractérisé.<br />
<br />
'''Erreur stratégique et juridique de la SCI ?'''<br />
<br />
Erreur stratégique, erreur juridique qui immanquablement met la SCI à défaut en ce qu’elle a bataillé pendant près de 9 ans sur une illusion de prescription biennale qui est perdue depuis longtemps alors que le seul moyen juridique pertinent était d’envisager une action en retrait litigieux qu’elle n’a pas envisagée.<br />
<br />
Cela rappelle que les axes de défense d’un débiteur, fusse-t-il une SCI familiale, face à un établissement bancaire et un fonds de titrisation sont nombreux.<br />
<br />
Il convient de ne pas négliger les moyens de contestation propres au fonds commun de titrisation, notamment en ce qu’il permet lorsque l’on est défendeur à une procédure d’envisager une action en retrait litigieux qui était pourtant clairement envisageable dans ce dossier, <br />
<br />
À mon sens, la SCI et son conseil n’ont pas su mettre en avant cette approche juridique et judiciaire, et ont effectivement été défaillants dans ce raisonnement juridique qui aurait pourtant été à mon sens salvateur. <br />
<br />
Comme à chacun sait les cessions de créances se font à vil prix, bien souvent sur la base de portefeuilles très important cédés à bas prix par la banque qui voit ces créances sorties de leur propre comptabilité interne et racheté sur des fonds de titrisation qui achètent ces créances une « poignée de figues » pour pouvoir ensuite récupérer l’intégralité de la créance.<br />
<br />
Ce n’est pas pour rien que le législateur a prévu une action en retrait litigieux, pour permettre justement au débiteur de s’en sortir à bon compte, ce qui n’a pas été exploité par la SCI H. dans cette affaire ce qui est bien regrettable.</div>Asecretanhttps://www.lagbd.org/index.php?title=Plainte_pour_vols_de_donnees_utilisees_dans_un_divorce&diff=79451Plainte pour vols de donnees utilisees dans un divorce2023-12-15T10:26:52Z<p>Asecretan : </p>
<hr />
<div>{{DISPLAYTITLE: Plainte pour vols de données utilisées dans un divorce}}<br />
[[France]] > [[:Catégorie: Droit privé| Droit privé]] > [[:Catégorie: Protection des données personnelles (fr)| Protection des données personnelles]]<br />
<br />
[[Catégorie:France]] [[Catégorie: Droit privé]] [[Catégorie: Protection des données personnelles (eu)]] [[Catégorie: Commentaires d'arrêts (fr)]][[Catégorie: Article juridique]] [[Catégorie: Divorce (fr)]]<br />
<br />
'''Murielle Cahen, avocat au barreau de Paris [https://www.legavox.fr/]'''<br><br />
'''Novembre 2020'''<br><br />
{{AddThis}}<br><br />
<br />
'''Nous vivons dans une ère de numérique où les échanges se font de plus en plus facilement et de plus en plus rapidement. Ces échanges se font surtout par voie électronique. Cependant, tous ces échanges impliquent une transmission de données qui peuvent être personnelles.'''<br />
<br />
Les données électroniques à caractère personnel sont de nos jours génitrices de beaucoup d’argent. Elles sont donc commercialisables, mais aussi susceptibles de vol. Est dès lors apparu le vol de données électroniques à caractère personnel.<br />
<br />
Le vol à de données électroniques à caractère personnel est problématique, car il s’agit tout d’abord d’un vol, mais de plus, il affecte la vie privée de la victime. Étant devenu de plus en plus fréquent, le vol de données électroniques à caractère personnel a dû être combattu. Le combat du vol de données électroniques à caractère personnel est mené au niveau national ainsi qu’européen.<br />
<br />
En 2018 est entré en vigueur le règlement général sur la protection des données. Ce règlement européen s’inscrit dans la continuité de la Loi informatique et Libertés de 1978. Il vient renforcer la protection des données personnelles et créer un cadre juridique commun au sein de l’Union.<br />
<br />
Une donnée personnelle se définit comme « toute information se rapportant à une personne physique identifiée ou identifiable » peu importe qu’elle puisse être identifiée directement ou indirectement.<br />
<br />
Les opérateurs de télécommunications et les fournisseurs de services internet ainsi que les entreprises détiennent une série de données personnelles concernant leur clientèle. En effet, s’ajoutent à leur nom, adresse et coordonnées bancaires, l’historique de leurs appels téléphoniques et la liste des sites internet consultés.<br />
<br />
'''L’article 4 '''du règlement général sur la protection (RGPD) des données définit la violation de données à caractère personnel comme « une violation de la sécurité entraînant, de manière accidentelle ou illicite, la destruction, la perte, l'altération, la divulgation non autorisée de données à caractère personnel transmises, conservées ou traitées d'une autre manière, ou l'accès non autorisé à de telles données ».<br />
<br />
Ainsi, il peut arriver que les données personnelles soient volées ou égarées ou qu’elles soient consultées par des personnes qui n’ont pas d’autorisation, ceci étant donc appelé des « violations de données à caractère personnel ».<br />
<br />
Toutefois, l’article 2.c) dispose que le règlement ne s’applique pas aux traitements de données à caractère personnel effectué « par une personne physique dans le cadre d’une activité strictement personnelle ou domestique ».<br />
<br />
=Non application du RGPD dans le cadre d'une activité strictement personnelle ou domestique=<br />
<br />
La Chambre Contentieuse procède en premier lieu à un classement sans suite technique, dans la mesure où les traitements soulevés dans la plainte ne tombent pas dans le champ d’application matériel du RGPD ou autres lois de protection des données personnelles. En effet, le traitement en cause (installation avec les comptes des enfants de l’application que le plaignant et les enfants utilisent pour chatter et s’appeler, sur un téléphone détenu par la défenderesse, ce qui permet ainsi à celle-ci l’accès à l’historique des conversations entre le plaignant et leurs enfants) est effectué par une personne physique dans le cadre d’une activité strictement personnelle ou domestique.<br />
<br />
A ce sujet, l’article 2.2.c) du RGPD dispose que le règlement ne s’applique pas au traitement de données à caractère personnel effectué par une personne physique dans le cadre d’une activité strictement personnelle. Le considérant 18 du RGPD précise que les traitements rentrant dans ce cadre n’ont pas de liens avec une activité professionnelle ou commerciale, et que les activités personnelles et domestiques pourraient inclure l’échange de correspondance. Cette exemption dans le cadre d’une activité domestique doit être évaluée de façon globale avec la situation en cause. La CJUE estime que cette exemption doit « être interprétée comme visant uniquement les activités qui s’insèrent dans le cadre de la vie privée ou familiale des particuliers »<br />
<br />
En outre, il convient de prendre en compte si les données en question sont ou non rendues accessibles à un grand nombre de personnes manifestement étrangères à la sphère privée des personnes concernées. En l’occurrence, les conversations s’insèrent ici dans un cadre strictement privé et limité. La Chambre Contentieuse estime donc que les traitements en cause ont lieu dans le cadre d’activités strictement personnelles ou domestiques, et que le RGPD ne s’applique par conséquent pas.<br />
<br />
<br />
'''La jurisprudence et en particulier l’arrêt Bodil Lindqvist de la CJUE [https://www.gdpr-expert.eu/article.html?id=2#caselaw]''' adopte également cette approche plutôt restrictive : cette exception qui figurait déjà dans la directive de 1995 « vise uniquement les activités qui s’insèrent dans le cadre de la vie privée ou familiale des particuliers. » En l’occurrence, il s’agissait d’un professeur de catéchisme qui s’était blessé lors d’une activité privée et qui se retrouvait, de ce coup, empêché de donner un cours : la Cour a estimé que cette information publiée sur le site de la paroisse ne relevait pas de l’activité strictement personnelle ou domestique.<br />
<br />
Appliquant ceci au cas d’espèce, la chambre contentieuse estime que « le traitement en cause (installation avec les comptes des enfants de l’application que le plaignant et les enfants utilisent pour chatter et s’appeler, sur un téléphone détenu par la défenderesse, ce qui permet ainsi à celle-ci l’accès à l’historique des conversations entre le plaignant et leurs enfants) est effectué par une personne physique dans le cadre d’une activité strictement personnelle ou domestique. »<br />
<br />
<br />
<br />
=Le prononcé du classement sans suite de la plainte=<br />
<br />
En dernier lieu, et sans préjudice de ce qui précède, la Chambre Contentieuse procède à un classement sans suite pour motif d’opportunité. En effet, le plaignant indique être en procédure de divorce avec la défenderesse, et spécifie utiliser certaines données personnelles présentes dans ses conversations chats avec les enfants dans le cadre de cette procédure, conversations qu’il allègue être traitées par la défenderesse. Or, la Chambre Contentieuse n’a pas pour priorité d’intervenir dans les procédures judiciaires ou administratives en cours.<br />
<br />
Elle peut par ailleurs estimer que la plainte est accessoire à un litige plus large qui nécessite d’être débattu devant les cours et tribunaux judiciaires et administratifs ou une autre autorité compétente. En l’espèce, la Chambre Contentieuse estime que la plainte est accessoire à la procédure de divorce devant les juridictions de l’ordre judiciaire. La Chambre Contentieuse considère pour ces raisons qu’il est inopportun de poursuivre le suivi du dossier, et décide en conséquence de ne pas procéder, entre autres, à un examen de l’affaire quant au fond.<br />
<br />
<br />
<br />
'''<u>Pour rappel</u>'''<br />
<br />
Selon '''l’article 2.1 du RGPD''', le présent règlement s'applique au traitement de données à caractère personnel, automatisé en tout ou en partie, ainsi qu'au traitement non automatisé de données à caractère personnel contenues ou appelées à figurer dans un fichier.<br />
<br />
Selon l’article 2.2 du RGPD, Le présent règlement ne s'applique pas au traitement de données à caractère personnel effectué :<br />
<br />
a) dans le cadre d'une activité qui ne relève pas du champ d'application du droit de l’Union ;<br />
<br />
b) par les États membres dans le cadre d'activités qui relèvent du champ d'application du chapitre 2 du titre V du traité sur l'Union européenne ;<br />
<br />
c) par une personne physique dans le cadre d'une activité strictement personnelle ou domestique ;<br />
<br />
d) par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d'enquêtes et de poursuites en la matière ou d'exécution de sanctions pénales, y compris la protection contre des menaces pour la sécurité publique et la prévention de telles menaces.</div>Asecretanhttps://www.lagbd.org/index.php?title=Plainte_pour_vols_de_donnees_utilisees_dans_un_divorce&diff=79450Plainte pour vols de donnees utilisees dans un divorce2023-12-15T10:26:25Z<p>Asecretan : </p>
<hr />
<div>{{DISPLAYTITLE: Plainte pour vols de données utilisées dans un divorce}}<br />
[[France]] > [[:Catégorie: Droit privé| Droit privé]] > [[:Catégorie: Protection des données personnelles (fr)| Protection des données personnelles]]<br />
<br />
[[Catégorie:France]] [[Catégorie: Droit privé]] [[Catégorie: Protection des données personnelles (eu)]] [[Catégorie: Commentaires d'arrêts (fr)]][[Catégorie: Article juridique]] [Catégorie: Divorce (fr)]]<br />
<br />
'''Murielle Cahen, avocat au barreau de Paris [https://www.legavox.fr/]'''<br><br />
'''Novembre 2020'''<br><br />
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<br />
'''Nous vivons dans une ère de numérique où les échanges se font de plus en plus facilement et de plus en plus rapidement. Ces échanges se font surtout par voie électronique. Cependant, tous ces échanges impliquent une transmission de données qui peuvent être personnelles.'''<br />
<br />
Les données électroniques à caractère personnel sont de nos jours génitrices de beaucoup d’argent. Elles sont donc commercialisables, mais aussi susceptibles de vol. Est dès lors apparu le vol de données électroniques à caractère personnel.<br />
<br />
Le vol à de données électroniques à caractère personnel est problématique, car il s’agit tout d’abord d’un vol, mais de plus, il affecte la vie privée de la victime. Étant devenu de plus en plus fréquent, le vol de données électroniques à caractère personnel a dû être combattu. Le combat du vol de données électroniques à caractère personnel est mené au niveau national ainsi qu’européen.<br />
<br />
En 2018 est entré en vigueur le règlement général sur la protection des données. Ce règlement européen s’inscrit dans la continuité de la Loi informatique et Libertés de 1978. Il vient renforcer la protection des données personnelles et créer un cadre juridique commun au sein de l’Union.<br />
<br />
Une donnée personnelle se définit comme « toute information se rapportant à une personne physique identifiée ou identifiable » peu importe qu’elle puisse être identifiée directement ou indirectement.<br />
<br />
Les opérateurs de télécommunications et les fournisseurs de services internet ainsi que les entreprises détiennent une série de données personnelles concernant leur clientèle. En effet, s’ajoutent à leur nom, adresse et coordonnées bancaires, l’historique de leurs appels téléphoniques et la liste des sites internet consultés.<br />
<br />
'''L’article 4 '''du règlement général sur la protection (RGPD) des données définit la violation de données à caractère personnel comme « une violation de la sécurité entraînant, de manière accidentelle ou illicite, la destruction, la perte, l'altération, la divulgation non autorisée de données à caractère personnel transmises, conservées ou traitées d'une autre manière, ou l'accès non autorisé à de telles données ».<br />
<br />
Ainsi, il peut arriver que les données personnelles soient volées ou égarées ou qu’elles soient consultées par des personnes qui n’ont pas d’autorisation, ceci étant donc appelé des « violations de données à caractère personnel ».<br />
<br />
Toutefois, l’article 2.c) dispose que le règlement ne s’applique pas aux traitements de données à caractère personnel effectué « par une personne physique dans le cadre d’une activité strictement personnelle ou domestique ».<br />
<br />
=Non application du RGPD dans le cadre d'une activité strictement personnelle ou domestique=<br />
<br />
La Chambre Contentieuse procède en premier lieu à un classement sans suite technique, dans la mesure où les traitements soulevés dans la plainte ne tombent pas dans le champ d’application matériel du RGPD ou autres lois de protection des données personnelles. En effet, le traitement en cause (installation avec les comptes des enfants de l’application que le plaignant et les enfants utilisent pour chatter et s’appeler, sur un téléphone détenu par la défenderesse, ce qui permet ainsi à celle-ci l’accès à l’historique des conversations entre le plaignant et leurs enfants) est effectué par une personne physique dans le cadre d’une activité strictement personnelle ou domestique.<br />
<br />
A ce sujet, l’article 2.2.c) du RGPD dispose que le règlement ne s’applique pas au traitement de données à caractère personnel effectué par une personne physique dans le cadre d’une activité strictement personnelle. Le considérant 18 du RGPD précise que les traitements rentrant dans ce cadre n’ont pas de liens avec une activité professionnelle ou commerciale, et que les activités personnelles et domestiques pourraient inclure l’échange de correspondance. Cette exemption dans le cadre d’une activité domestique doit être évaluée de façon globale avec la situation en cause. La CJUE estime que cette exemption doit « être interprétée comme visant uniquement les activités qui s’insèrent dans le cadre de la vie privée ou familiale des particuliers »<br />
<br />
En outre, il convient de prendre en compte si les données en question sont ou non rendues accessibles à un grand nombre de personnes manifestement étrangères à la sphère privée des personnes concernées. En l’occurrence, les conversations s’insèrent ici dans un cadre strictement privé et limité. La Chambre Contentieuse estime donc que les traitements en cause ont lieu dans le cadre d’activités strictement personnelles ou domestiques, et que le RGPD ne s’applique par conséquent pas.<br />
<br />
<br />
'''La jurisprudence et en particulier l’arrêt Bodil Lindqvist de la CJUE [https://www.gdpr-expert.eu/article.html?id=2#caselaw]''' adopte également cette approche plutôt restrictive : cette exception qui figurait déjà dans la directive de 1995 « vise uniquement les activités qui s’insèrent dans le cadre de la vie privée ou familiale des particuliers. » En l’occurrence, il s’agissait d’un professeur de catéchisme qui s’était blessé lors d’une activité privée et qui se retrouvait, de ce coup, empêché de donner un cours : la Cour a estimé que cette information publiée sur le site de la paroisse ne relevait pas de l’activité strictement personnelle ou domestique.<br />
<br />
Appliquant ceci au cas d’espèce, la chambre contentieuse estime que « le traitement en cause (installation avec les comptes des enfants de l’application que le plaignant et les enfants utilisent pour chatter et s’appeler, sur un téléphone détenu par la défenderesse, ce qui permet ainsi à celle-ci l’accès à l’historique des conversations entre le plaignant et leurs enfants) est effectué par une personne physique dans le cadre d’une activité strictement personnelle ou domestique. »<br />
<br />
<br />
<br />
=Le prononcé du classement sans suite de la plainte=<br />
<br />
En dernier lieu, et sans préjudice de ce qui précède, la Chambre Contentieuse procède à un classement sans suite pour motif d’opportunité. En effet, le plaignant indique être en procédure de divorce avec la défenderesse, et spécifie utiliser certaines données personnelles présentes dans ses conversations chats avec les enfants dans le cadre de cette procédure, conversations qu’il allègue être traitées par la défenderesse. Or, la Chambre Contentieuse n’a pas pour priorité d’intervenir dans les procédures judiciaires ou administratives en cours.<br />
<br />
Elle peut par ailleurs estimer que la plainte est accessoire à un litige plus large qui nécessite d’être débattu devant les cours et tribunaux judiciaires et administratifs ou une autre autorité compétente. En l’espèce, la Chambre Contentieuse estime que la plainte est accessoire à la procédure de divorce devant les juridictions de l’ordre judiciaire. La Chambre Contentieuse considère pour ces raisons qu’il est inopportun de poursuivre le suivi du dossier, et décide en conséquence de ne pas procéder, entre autres, à un examen de l’affaire quant au fond.<br />
<br />
<br />
<br />
'''<u>Pour rappel</u>'''<br />
<br />
Selon '''l’article 2.1 du RGPD''', le présent règlement s'applique au traitement de données à caractère personnel, automatisé en tout ou en partie, ainsi qu'au traitement non automatisé de données à caractère personnel contenues ou appelées à figurer dans un fichier.<br />
<br />
Selon l’article 2.2 du RGPD, Le présent règlement ne s'applique pas au traitement de données à caractère personnel effectué :<br />
<br />
a) dans le cadre d'une activité qui ne relève pas du champ d'application du droit de l’Union ;<br />
<br />
b) par les États membres dans le cadre d'activités qui relèvent du champ d'application du chapitre 2 du titre V du traité sur l'Union européenne ;<br />
<br />
c) par une personne physique dans le cadre d'une activité strictement personnelle ou domestique ;<br />
<br />
d) par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d'enquêtes et de poursuites en la matière ou d'exécution de sanctions pénales, y compris la protection contre des menaces pour la sécurité publique et la prévention de telles menaces.</div>Asecretanhttps://www.lagbd.org/index.php?title=SCI_familiale_et_contestation_des_pretentions_de_la_banque_et_du_fonds_de_titrisation&diff=79449SCI familiale et contestation des pretentions de la banque et du fonds de titrisation2023-12-15T10:04:21Z<p>Asecretan : </p>
<hr />
<div>{{Commentaires d'arrêts<br />
|Territoire=France<br />
|Domaine=Droit privé<br />
|Matière=Droit immobilier<br />
|Sous-matière=Droit bancaire<br />
}}<br />
{{DISPLAYTITLE:SCI familiale et contestation des prétentions de la banque et du fonds de titrisation}}<br />
'''Laurent Latapie , avocat au barreau de Draguignan [https://www.legavox.fr/]<br>'''<br />
'''Novembre 2023<br>'''<br />
<br />
[[Catégorie: Droit privé]] [[Catégorie: Droit immobilier (fr)]] [[Catégorie: Droit bancaire (fr)]]<br />
<br />
{{AddThis}}<br />
<br />
'''Une SCI familiale poursuivie en paiement par un établissement bancaire oppose des moyens de prescription ou encore de manquements aux obligations de conseil et de mise en garde, mais quid de la cession de créance et le retrait litigieux ?'''<br />
<br />
Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour d’Appel de Chambéry le 30 mars 2023, n° RG 21/00767, qui vient aborder le cas particulier d’une SCI qui est poursuivi par un établissement bancaire, mais aussi par le fonds de titrisation.<br />
<br />
La SCI tentant d’échapper à ses obligations en venant opposer à la banque, mais aussi au fonds commun de titrisation, des problématiques de prescription. <br />
<br />
La SCI vient également reprocher à la banque plusieurs manquements au titre de ses obligations de conseil et de mise en garde. <br />
<br />
<u>Quels sont les faits ?</u><br />
<br />
Dans cette affaire, et par acte authentique en date du 17 juillet 2009, la banque avait consenti à une SCI familiale, qui souhaitait acquérir leur résidence principale, un prêt immobilier d’un montant de 304 137 € destiné à financer l’acquisition et la réalisation de travaux de remise en état du bien.<br />
<br />
En garantie de ce prêt, la banque avait bien fait inscrire un privilège de prêteur de deniers.<br />
<br />
Malheureusement suite à quelques impayés la banque avait, par acte d’huissier du 12 juin 2014, fait délivrer à la SCI H. une sommation de payer la somme de 163 000 € accompagnée de l’information qu’elle entendait faire valoir la clause d’exigibilité de tout le prêt à défaut de paiement sous 8 jours.<br />
<br />
S’en est suivie, le 11 août 2014, la signification d’un commandement de payer valant saisie immobilière pour l’intégralité du prix du prêt pour 381 908,00 € outre intérêts contractuels.<br />
<br />
La signification de montants réclamés par la banque passé la déchéance du terme, frappée d’une vraie hémorragie de frais et intérêts divers et variés peut surprendre,<br />
<br />
'''Une déchéance du terme à grand renfort de frais, intérêts et pénalités,'''<br />
<br />
Rappelons en effet que le prêt avait été contracté en 2009 pour 300 000 € et avait forcément fait l’objet de règlements jusqu’en 2014.<br />
<br />
Le lecteur raisonnable ne peut que s’étonner qu’en 2014, soit 5 ans après l’obtention du crédit, alors que le débiteur a forcément réglé 2, 3 à 4 années d’échéances, la créance est désormais de 380 000 € alors que le prêt initial était de 300 000 €.<br />
<br />
Cette hémorragie de la créance bancaire est toujours critiquable. <br />
<br />
C’est dans ces circonstances qu’un commandement de payer valant saisie immobilière a été ensuite signifié par la banque qui a ensuite assigné SCI H. devant le Juge de l’Exécution immobilière afin d’envisager la vente immobilière du bien.<br />
<br />
'''Le commandement de payer valant saisie immobilière'''<br />
<br />
Pour autant, par jugement du 7 avril 2015, le Juge de l’Exécution du Tribunal de Grande Instance de CHAMBERY a débouté la SCI H. de ses demandes tendant à voir l’action de la banque prescrite.<br />
<br />
Par arrêt en date du 24 septembre 2015, la Cour d’Appel de CAHMBERY a quant à elle infirmé le jugement en toutes ses dispositions et a dit que l’action de la banque était prescrite au titre de la prescription biennale ordonnant ainsi la mainlevée de la procédure de saisie immobilière.<br />
<br />
Pour autant, l’affaire n’en n’est pas restée là puisque s’en est suivi un arrêt de Cour de cassation du 12 décembre 2016 qui a cassé et annulé la décision en litige lorsqu’elle a justement dit que l’action de la banque était prescrite et a renvoyé les parties devant la Cour d’Appel de GRENOBLE qui a constaté la péremption du commandement du 22 octobre 2014 aux fins de saisie immobilière.<br />
<br />
'''La péremption du commandement et une nouvelle procédure judiciaire'''<br />
<br />
Cela a forcément amené une nouvelle procédure judiciaire.<br />
<br />
Cependant, et contre toute attente, la banque a fait le choix d’assigner la SCI non plus devant le juge de l’orientation mais devant le Tribunal judiciaire dans le cadre d’un contentieux au fond au paiement de la somme de 300 000 €.<br />
<br />
De même suite, la société E., représentant le fonds commun de titrisation est intervenue volontairement à l’instance en qualité de cessionnaire de la créance détenue par la banque.<br />
<br />
'''L’intervention volontaire du fonds commun de titrisation'''<br />
<br />
La SCI H. s’est alors opposée aux demandes en soulevant une nouvelle fois la prescription de l’action en paiement sur le fondement de l’article L.137-2 du Code de la consommation ancien et a également formé une demande reconventionnelle en paiement d’une somme équivalente à celle qui lui est réclamée à titre de dommages et intérêts sur le fondement de la faute commise par la banque au titre de son manquement au devoir de mise en garde.<br />
<br />
C’est dans ces circonstances que la Cour d’Appel de Chambéry a dû se prononcer.<br />
<br />
La question de la prescription de l’action en paiement de la banque<br />
<br />
La SCI H. réitère en appel la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en paiement engagée contre elle sur le fondement de l’article L.218-2 du Code de la Consommation, ancien article L.137-2 et soutient à cet effet qu’elle doit être considérée comme un consommateur.<br />
<br />
Le fonds de titrisation soutient que ce moyen a été irrecevable compte-tenu de l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 12 octobre 2012.<br />
<br />
C’est sur le fond que l’action n’est évidemment à l’évidence pas prescrite, la SCI H. n’étant pas un consommateur au sens de l’article L.218-2 du Code de la Consommation.<br />
<br />
Concernant la recevabilité du moyen, il convient de rappeler que la Cour d’Appel de GRENOBLE n’a pas statué sur la prescription dès lors que le commandement de payer valant saisie immobilière avait été déclaré caduc.<br />
<br />
L’arrêt de la Cour de cassation n’a pas pour effet de rendre le moyen recevable puisqu’elle a renvoyé l’affaire devant la Cour d’Appel de GRENOBLE pour qu’il soit statué sur ce point. <br />
<br />
Il convient donc d’examiner la fin de non-recevoir soulevée par la SCI H.<br />
<br />
C’est par des motifs pertinents que la Cour retient qu’au visa des articles L.110-4 du Code du Commerce, L.137-2 devenu L.218-2 du Code de la Consommation et des articles 2243 et 2244 du Code Civil que le prêt du 17 juillet 2009 a été consentit à une SCI H., personne morale et non à ses associés, personnes physiques de telle sorte que ladite SCI ne peut donc être considérée comme un consommateur au sens de l’article L.218-2.<br />
<br />
Le délai de prescription applicable est le délai quinquennal de l’article L.110-4 du Code du Commerce ainsi que l’a rappelé la Cour de cassation dans maintes jurisprudences et notamment dans celle rendue le 12 octobre 2016.<br />
<br />
'''Une prescription à 5 ans pour poursuivre une SCI'''<br />
<br />
Le délai de prescription qui a commencé à courir au premier incident de paiement non régularisé, soit le 5 avril 2011, a été interrompu par le commandement de payer valant saisie immobilière délivré par le prêteur le 11 août 2014, effet interruptif qui n’a pas été anéanti par la caducité ultérieurement prononcée par l’arrêt de la Cour de Grenoble du 24 octobre 2018.<br />
<br />
Le délai de prescription a encore été interrompu par la signification le 29 septembre 2014 et l’opposition au paiement des loyers par le locataire de la SCI H.<br />
<br />
Ainsi, au jour de l’acte introductif d’instance, le 3 juillet 2017, l’action du créancier n’était donc pas prescrite.<br />
<br />
Il sera ajouté que l’article liminaire du Code de la Consommation introduit par la Loi du 17 mars 2014 est recodifié par ordonnance du 14 mars 2016 invoquée par l’appelant, défini le consommateur comme toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale et libérale ou agricole.<br />
<br />
Une telle définition exclut par principe les personnes morales, <br />
<br />
L’article L.218-2 du Code de la Consommation instaure une prescription biennale de l’action des professionnels pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, lesquelles sont donc nécessairement des personnes physiques.<br />
<br />
Il sera ainsi rappelé que l’opération financée par le prêt litigieux sera rattachée à l’objet social de la SCI H. de sorte que, quand bien même nous soyons en présence d’une SCI familiale, elle ne peut se prétendre consommateur et bénéficier des dispositions protectrices du Code de la Consommation, de telle sorte que la SCI H. est déboutée sur ce point.<br />
<br />
'''Concernant l’obligation de conseil et de mise en garde'''<br />
<br />
Sur le devoir de mise en garde, la SCI H. a également formé une demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts contre le prêteur sur le fondement de la violation de devoir de mise en garde.<br />
<br />
Cette demande a été déclarée irrecevable comme étant prescrite par le premier Juge.<br />
<br />
En effet, la SCI H. réitère le moyen en le présentant comme une simple défense au fond visant au rejet des prétentions adverses, de sorte qu’aucune prescription ne sera encourue.<br />
<br />
La SCI ne sollicite plus la condamnation de l’intimée au paiement de dommages et intérêts sur le fondement du manquement de devoir de mise en garde.<br />
<br />
Le fonds commun de titrisation quant à lui ne réitère pas la fin de non-recevoir tiré de la prescription compte-tenu de la nouvelle présentation de moyens qui sera donc examinée au fonds sans qu’il soit nécessaire d’examiner la prescription.<br />
<br />
Il est de jurisprudence constante que le banquier dispensateur de crédit est tenu à l’égard de l’emprunteur non averti d’une obligation de mise en garde lors de la conclusion du contrat,<br />
<br />
La banque étant tenue de justifier avoir satisfait à cette obligation à raison des capacités financières de l’emprunteur et du risque d’endettement né de l’octroi des prêts.<br />
<br />
Toutefois, le prêteur n’a pas d’obligation de mise en garde qu’en cas de crédit excessif même si le prêt est consenti à un emprunteur non averti.<br />
<br />
'''La responsabilité de la banque en cas de crédit excessif'''<br />
<br />
Il appartient dès lors à l’emprunteur, qui invoque un manquement au devoir de mise en garde de la banque d’apporter la preuve de l’inadaptation du crédit octroyé au capacités de remboursement de l’emprunteur au jour où il a été souscrit ou du risque d’endettement excessif.<br />
<br />
La SCI H. soutient, pour sa part, que le montage qui prévoyait un revenu locatif mensuel de 2 570 € était illusoire, les locataires ayant cessé de régler leur loyer peu de temps après la signature des baux.<br />
<br />
Toutefois, le montant des échéances mensuelles du prêt était de 2 000 € pour des revenus locatifs prévisionnels alors fixés selon l’appelante à 2 570 €, <br />
<br />
'''Des incidents de paiement du locataire empêchant le paiement du prêt par la SCI'''<br />
<br />
La Cour considère que la banque ne peut être tenue responsable du défaut de paiement des locataires choisis par la SCI H., celle-ci ne démontrant d’ailleurs aucunement que le loyer locatif prévisionnel aurait été surévalué.<br />
<br />
Au demeurant, la SCI H. a remboursé le prêt pendant les deux premières années sans difficultés.<br />
<br />
En l’espèce, le fond commun de titrisation soutient que la SCI H. n’était pas créancière d’un quelconque devoir de mise en garde dès lors que le crédit consentit était proportionné à l’opération puisque la SCI H. faisait l’acquisition d’un studio, d’un local commercial et de deux appartements destinés à être mis en location et dont les loyers étaient suffisants pour couvrir le remboursement de l’emprunt.<br />
<br />
'''Le fonds commun de titrisation assujetti à l’obligation de mise en garde ? '''<br />
<br />
En outre, la Cour reproche à la SCI de ne produire aucun élément relatif à sa situation financière, ne justifie pas des baux qu’elle a consenti, ni des prétendus impayés de ses locataires, de sorte que le caractère excessif du crédit n’est pas établi au regard des revenus qui pouvaient être raisonnablement escomptés de l’opération.<br />
<br />
Le fait qu’au jour du procès-verbal descriptif de l’huissier établi le 22 octobre 2014 pour les besoins de la procédure de saisie immobilière, seuls 3 lots avaient été loués pour un total de loyer hors charges de 1 089,00 € étaient insuffisants pour établir qu’au jour de l’octroi du crédit il existait un risque d’endettement excessif.<br />
<br />
'''De revenus locatifs insuffisants pour faire face aux échéances ?'''<br />
<br />
Par ailleurs, il est indifférent que les associés de la SCI H. n’aient pas disposés de revenus suffisants pour faire face au remboursement de l’emprunt puisque les biens acquis par la SCI H. devaient fournir à celle-ci les revenus nécessaires au remboursement du prêt.<br />
<br />
Le placement en liquidation judiciaire ultérieur de Monsieur B., un des associés de la SCI, est également indifférent puisque l’appréciation de l’existence du devoir de mise en garde est faite au jour de l’octroi des concours bancaires, de telle sorte qu’il résulte de ce qui précède pour la Cour d’Appel de CHAMBERY que la SCI H. ne démontre pas que la banque était tenue d’un devoir de mise en garde à son égard, aucun risque d’endettement excessif n’étant établi au jour de la souscription du crédit.<br />
<br />
'''Sur l’absence de retrait litigieux,''' <br />
<br />
On ne peut que s’étonner de cette bataille judiciaire faite par la SCI H. qui s’est entêtée à croire à une prescription biennale alors que la réforme du Code de la Consommation a été extrêmement claire et qu’effectivement, dans la mesure où les SCI personnes morales pas nature sont désormais écartée du Code de la Consommation, la prescription biennale ne peut plus être revendiquée par ces dernières et ces derniers sont immanquablement assujettis à une prescription quinquennale de 5 ans, délai pour lequel la banque a immanquablement pris soin de faire des actes interruptifs de prescriptions.<br />
<br />
Dès lors, il est assez curieux pour la SCI F. de venir s’entêter à solliciter une acquisition d’une prescription biennale alors que la législation en la matière a clairement évolué pour une prescription quinquennale qui n’est absolument plus remise en question de quelque manière que ce soit à ce jour.<br />
<br />
Qu’il en est également de même concernant l’application qui aurait pu être faite de l’obligation de conseil et de mise en garde, étant précisé d’ailleurs que là encore la SCI s’est entêtée à soutenir une argumentation qui, à mon sens, était fragile et risquait de la mettre à défaut.<br />
<br />
Pour autant, la vraie question qui se pose, quand on reprend la lecture des faits, est l’apparition du fonds commun de titrisation.<br />
<br />
En effet, nous avons bien vu dans l’historique présenté que nous sommes en présence d’un acte authentique qui a été conclu en 2009 que la banque a effectivement enclenché une première procédure de saisie immobilière en 2014 et finalement en 2017, alors que la Cour d’Appel de Grenoble est effectivement déclaré constater la péremption du commandement de payer, la banque a, par acte du 3 juillet 2017, assigné la SCI H. en paiement devant le Tribunal de Grande Instance de Chambéry enclenchant ainsi une procédure au fond.<br />
<br />
'''Une cession de créance en pleine procédure judiciaire'''<br />
<br />
C’est dans ces circonstances alors que la SCI était défenderesse à la procédure, que le fonds commun de titrisation est intervenu volontairement à l’instance en qualité de cessionnaire de la créance, sans que pour autant à aucun moment donné la SCI H. envisage de quelque manière que ce soit une demande en retrait litigieux, ce qui aurait permis d’obtenir le prix de vente de la créance en question entre la banque et le fonds commun de titrisation qui était immanquablement très inférieur à la somme de 300 000 € et qui aurait permis à la SCI en question de faire une action en retrait litigieux, c’est-à-dire de racheter une créance au prix de cession entre cédant et cessionnaire, ce qui aurait été beaucoup plus intéressant.<br />
<br />
D’ailleurs, la Cour souligne qu’en rejetant à la fois l’argumentation relative à la problématique de prescription et à la fois à la problématique liée au devoir de mise en garde que celle-ci n’a jamais formalisé de demande quelle qu’elle soit à l’encontre du fonds commun de titrisation alors qu’à mon sens l’enjeu procédural se situait-là.<br />
<br />
Nous pouvons notamment retenir une phrase de l’arrêt de la Cour qui indique qu’il convient de rappeler que la créance de la banque a été cédée au fonds commun de titrisation le 29 avril 2019, ce qui n’est pas contesté par la SCI H.<br />
<br />
A mon sens, l’enjeu de la procédure se joue ici et ce qui est regrettable c’est que la SCI n’a pas jugée utile d’envisager une action en retrait litigieux alors que l’ensemble des critères lié à l’action en retrait litigieux me semble pourtant caractérisé.<br />
<br />
'''Erreur stratégique et juridique de la SCI ?'''<br />
<br />
Erreur stratégique, erreur juridique qui immanquablement met la SCI à défaut en ce qu’elle a bataillé pendant près de 9 ans sur une illusion de prescription biennale qui est perdue depuis longtemps alors que le seul moyen juridique pertinent était d’envisager une action en retrait litigieux qu’elle n’a pas envisagée.<br />
<br />
Cela rappelle que les axes de défense d’un débiteur, fusse-t-il une SCI familiale, face à un établissement bancaire et un fonds de titrisation sont nombreux.<br />
<br />
Il convient de ne pas négliger les moyens de contestation propres au fonds commun de titrisation, notamment en ce qu’il permet lorsque l’on est défendeur à une procédure d’envisager une action en retrait litigieux qui était pourtant clairement envisageable dans ce dossier, <br />
<br />
À mon sens, la SCI et son conseil n’ont pas su mettre en avant cette approche juridique et judiciaire, et ont effectivement été défaillants dans ce raisonnement juridique qui aurait pourtant été à mon sens salvateur. <br />
<br />
Comme à chacun sait les cessions de créances se font à vil prix, bien souvent sur la base de portefeuilles très important cédés à bas prix par la banque qui voit ces créances sorties de leur propre comptabilité interne et racheté sur des fonds de titrisation qui achètent ces créances une « poignée de figues » pour pouvoir ensuite récupérer l’intégralité de la créance.<br />
<br />
Ce n’est pas pour rien que le législateur a prévu une action en retrait litigieux, pour permettre justement au débiteur de s’en sortir à bon compte, ce qui n’a pas été exploité par la SCI H. dans cette affaire ce qui est bien regrettable.</div>Asecretanhttps://www.lagbd.org/index.php?title=SCI_familiale_et_contestation_des_pretentions_de_la_banque_et_du_fonds_de_titrisation&diff=79448SCI familiale et contestation des pretentions de la banque et du fonds de titrisation2023-12-15T09:59:28Z<p>Asecretan : </p>
<hr />
<div>{{Commentaires d'arrêts<br />
|Territoire=France<br />
|Domaine=Droit privé<br />
|Matière=Droit des affaires<br />
|Sous-matière=Droit bancaire<br />
}}<br />
{{DISPLAYTITLE:SCI familiale et contestation des prétentions de la banque et du fonds de titrisation}}<br />
'''Laurent Latapie , avocat au barreau de Draguignan [https://www.legavox.fr/]<br>'''<br />
'''Novembre 2023<br>'''<br />
<br />
{{AddThis}}<br />
<br />
'''Une SCI familiale poursuivie en paiement par un établissement bancaire oppose des moyens de prescription ou encore de manquements aux obligations de conseil et de mise en garde, mais quid de la cession de créance et le retrait litigieux ?'''<br />
<br />
Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour d’Appel de Chambéry le 30 mars 2023, n° RG 21/00767, qui vient aborder le cas particulier d’une SCI qui est poursuivi par un établissement bancaire, mais aussi par le fonds de titrisation.<br />
<br />
La SCI tentant d’échapper à ses obligations en venant opposer à la banque, mais aussi au fonds commun de titrisation, des problématiques de prescription. <br />
<br />
La SCI vient également reprocher à la banque plusieurs manquements au titre de ses obligations de conseil et de mise en garde. <br />
<br />
<u>Quels sont les faits ?</u><br />
<br />
Dans cette affaire, et par acte authentique en date du 17 juillet 2009, la banque avait consenti à une SCI familiale, qui souhaitait acquérir leur résidence principale, un prêt immobilier d’un montant de 304 137 € destiné à financer l’acquisition et la réalisation de travaux de remise en état du bien.<br />
<br />
En garantie de ce prêt, la banque avait bien fait inscrire un privilège de prêteur de deniers.<br />
<br />
Malheureusement suite à quelques impayés la banque avait, par acte d’huissier du 12 juin 2014, fait délivrer à la SCI H. une sommation de payer la somme de 163 000 € accompagnée de l’information qu’elle entendait faire valoir la clause d’exigibilité de tout le prêt à défaut de paiement sous 8 jours.<br />
<br />
S’en est suivie, le 11 août 2014, la signification d’un commandement de payer valant saisie immobilière pour l’intégralité du prix du prêt pour 381 908,00 € outre intérêts contractuels.<br />
<br />
La signification de montants réclamés par la banque passé la déchéance du terme, frappée d’une vraie hémorragie de frais et intérêts divers et variés peut surprendre,<br />
<br />
'''Une déchéance du terme à grand renfort de frais, intérêts et pénalités,'''<br />
<br />
Rappelons en effet que le prêt avait été contracté en 2009 pour 300 000 € et avait forcément fait l’objet de règlements jusqu’en 2014.<br />
<br />
Le lecteur raisonnable ne peut que s’étonner qu’en 2014, soit 5 ans après l’obtention du crédit, alors que le débiteur a forcément réglé 2, 3 à 4 années d’échéances, la créance est désormais de 380 000 € alors que le prêt initial était de 300 000 €.<br />
<br />
Cette hémorragie de la créance bancaire est toujours critiquable. <br />
<br />
C’est dans ces circonstances qu’un commandement de payer valant saisie immobilière a été ensuite signifié par la banque qui a ensuite assigné SCI H. devant le Juge de l’Exécution immobilière afin d’envisager la vente immobilière du bien.<br />
<br />
'''Le commandement de payer valant saisie immobilière'''<br />
<br />
Pour autant, par jugement du 7 avril 2015, le Juge de l’Exécution du Tribunal de Grande Instance de CHAMBERY a débouté la SCI H. de ses demandes tendant à voir l’action de la banque prescrite.<br />
<br />
Par arrêt en date du 24 septembre 2015, la Cour d’Appel de CAHMBERY a quant à elle infirmé le jugement en toutes ses dispositions et a dit que l’action de la banque était prescrite au titre de la prescription biennale ordonnant ainsi la mainlevée de la procédure de saisie immobilière.<br />
<br />
Pour autant, l’affaire n’en n’est pas restée là puisque s’en est suivi un arrêt de Cour de cassation du 12 décembre 2016 qui a cassé et annulé la décision en litige lorsqu’elle a justement dit que l’action de la banque était prescrite et a renvoyé les parties devant la Cour d’Appel de GRENOBLE qui a constaté la péremption du commandement du 22 octobre 2014 aux fins de saisie immobilière.<br />
<br />
'''La péremption du commandement et une nouvelle procédure judiciaire'''<br />
<br />
Cela a forcément amené une nouvelle procédure judiciaire.<br />
<br />
Cependant, et contre toute attente, la banque a fait le choix d’assigner la SCI non plus devant le juge de l’orientation mais devant le Tribunal judiciaire dans le cadre d’un contentieux au fond au paiement de la somme de 300 000 €.<br />
<br />
De même suite, la société E., représentant le fonds commun de titrisation est intervenue volontairement à l’instance en qualité de cessionnaire de la créance détenue par la banque.<br />
<br />
'''L’intervention volontaire du fonds commun de titrisation'''<br />
<br />
La SCI H. s’est alors opposée aux demandes en soulevant une nouvelle fois la prescription de l’action en paiement sur le fondement de l’article L.137-2 du Code de la consommation ancien et a également formé une demande reconventionnelle en paiement d’une somme équivalente à celle qui lui est réclamée à titre de dommages et intérêts sur le fondement de la faute commise par la banque au titre de son manquement au devoir de mise en garde.<br />
<br />
C’est dans ces circonstances que la Cour d’Appel de Chambéry a dû se prononcer.<br />
<br />
La question de la prescription de l’action en paiement de la banque<br />
<br />
La SCI H. réitère en appel la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en paiement engagée contre elle sur le fondement de l’article L.218-2 du Code de la Consommation, ancien article L.137-2 et soutient à cet effet qu’elle doit être considérée comme un consommateur.<br />
<br />
Le fonds de titrisation soutient que ce moyen a été irrecevable compte-tenu de l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 12 octobre 2012.<br />
<br />
C’est sur le fond que l’action n’est évidemment à l’évidence pas prescrite, la SCI H. n’étant pas un consommateur au sens de l’article L.218-2 du Code de la Consommation.<br />
<br />
Concernant la recevabilité du moyen, il convient de rappeler que la Cour d’Appel de GRENOBLE n’a pas statué sur la prescription dès lors que le commandement de payer valant saisie immobilière avait été déclaré caduc.<br />
<br />
L’arrêt de la Cour de cassation n’a pas pour effet de rendre le moyen recevable puisqu’elle a renvoyé l’affaire devant la Cour d’Appel de GRENOBLE pour qu’il soit statué sur ce point. <br />
<br />
Il convient donc d’examiner la fin de non-recevoir soulevée par la SCI H.<br />
<br />
C’est par des motifs pertinents que la Cour retient qu’au visa des articles L.110-4 du Code du Commerce, L.137-2 devenu L.218-2 du Code de la Consommation et des articles 2243 et 2244 du Code Civil que le prêt du 17 juillet 2009 a été consentit à une SCI H., personne morale et non à ses associés, personnes physiques de telle sorte que ladite SCI ne peut donc être considérée comme un consommateur au sens de l’article L.218-2.<br />
<br />
Le délai de prescription applicable est le délai quinquennal de l’article L.110-4 du Code du Commerce ainsi que l’a rappelé la Cour de cassation dans maintes jurisprudences et notamment dans celle rendue le 12 octobre 2016.<br />
<br />
'''Une prescription à 5 ans pour poursuivre une SCI'''<br />
<br />
Le délai de prescription qui a commencé à courir au premier incident de paiement non régularisé, soit le 5 avril 2011, a été interrompu par le commandement de payer valant saisie immobilière délivré par le prêteur le 11 août 2014, effet interruptif qui n’a pas été anéanti par la caducité ultérieurement prononcée par l’arrêt de la Cour de Grenoble du 24 octobre 2018.<br />
<br />
Le délai de prescription a encore été interrompu par la signification le 29 septembre 2014 et l’opposition au paiement des loyers par le locataire de la SCI H.<br />
<br />
Ainsi, au jour de l’acte introductif d’instance, le 3 juillet 2017, l’action du créancier n’était donc pas prescrite.<br />
<br />
Il sera ajouté que l’article liminaire du Code de la Consommation introduit par la Loi du 17 mars 2014 est recodifié par ordonnance du 14 mars 2016 invoquée par l’appelant, défini le consommateur comme toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale et libérale ou agricole.<br />
<br />
Une telle définition exclut par principe les personnes morales, <br />
<br />
L’article L.218-2 du Code de la Consommation instaure une prescription biennale de l’action des professionnels pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, lesquelles sont donc nécessairement des personnes physiques.<br />
<br />
Il sera ainsi rappelé que l’opération financée par le prêt litigieux sera rattachée à l’objet social de la SCI H. de sorte que, quand bien même nous soyons en présence d’une SCI familiale, elle ne peut se prétendre consommateur et bénéficier des dispositions protectrices du Code de la Consommation, de telle sorte que la SCI H. est déboutée sur ce point.<br />
<br />
'''Concernant l’obligation de conseil et de mise en garde'''<br />
<br />
Sur le devoir de mise en garde, la SCI H. a également formé une demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts contre le prêteur sur le fondement de la violation de devoir de mise en garde.<br />
<br />
Cette demande a été déclarée irrecevable comme étant prescrite par le premier Juge.<br />
<br />
En effet, la SCI H. réitère le moyen en le présentant comme une simple défense au fond visant au rejet des prétentions adverses, de sorte qu’aucune prescription ne sera encourue.<br />
<br />
La SCI ne sollicite plus la condamnation de l’intimée au paiement de dommages et intérêts sur le fondement du manquement de devoir de mise en garde.<br />
<br />
Le fonds commun de titrisation quant à lui ne réitère pas la fin de non-recevoir tiré de la prescription compte-tenu de la nouvelle présentation de moyens qui sera donc examinée au fonds sans qu’il soit nécessaire d’examiner la prescription.<br />
<br />
Il est de jurisprudence constante que le banquier dispensateur de crédit est tenu à l’égard de l’emprunteur non averti d’une obligation de mise en garde lors de la conclusion du contrat,<br />
<br />
La banque étant tenue de justifier avoir satisfait à cette obligation à raison des capacités financières de l’emprunteur et du risque d’endettement né de l’octroi des prêts.<br />
<br />
Toutefois, le prêteur n’a pas d’obligation de mise en garde qu’en cas de crédit excessif même si le prêt est consenti à un emprunteur non averti.<br />
<br />
'''La responsabilité de la banque en cas de crédit excessif'''<br />
<br />
Il appartient dès lors à l’emprunteur, qui invoque un manquement au devoir de mise en garde de la banque d’apporter la preuve de l’inadaptation du crédit octroyé au capacités de remboursement de l’emprunteur au jour où il a été souscrit ou du risque d’endettement excessif.<br />
<br />
La SCI H. soutient, pour sa part, que le montage qui prévoyait un revenu locatif mensuel de 2 570 € était illusoire, les locataires ayant cessé de régler leur loyer peu de temps après la signature des baux.<br />
<br />
Toutefois, le montant des échéances mensuelles du prêt était de 2 000 € pour des revenus locatifs prévisionnels alors fixés selon l’appelante à 2 570 €, <br />
<br />
'''Des incidents de paiement du locataire empêchant le paiement du prêt par la SCI'''<br />
<br />
La Cour considère que la banque ne peut être tenue responsable du défaut de paiement des locataires choisis par la SCI H., celle-ci ne démontrant d’ailleurs aucunement que le loyer locatif prévisionnel aurait été surévalué.<br />
<br />
Au demeurant, la SCI H. a remboursé le prêt pendant les deux premières années sans difficultés.<br />
<br />
En l’espèce, le fond commun de titrisation soutient que la SCI H. n’était pas créancière d’un quelconque devoir de mise en garde dès lors que le crédit consentit était proportionné à l’opération puisque la SCI H. faisait l’acquisition d’un studio, d’un local commercial et de deux appartements destinés à être mis en location et dont les loyers étaient suffisants pour couvrir le remboursement de l’emprunt.<br />
<br />
'''Le fonds commun de titrisation assujetti à l’obligation de mise en garde ? '''<br />
<br />
En outre, la Cour reproche à la SCI de ne produire aucun élément relatif à sa situation financière, ne justifie pas des baux qu’elle a consenti, ni des prétendus impayés de ses locataires, de sorte que le caractère excessif du crédit n’est pas établi au regard des revenus qui pouvaient être raisonnablement escomptés de l’opération.<br />
<br />
Le fait qu’au jour du procès-verbal descriptif de l’huissier établi le 22 octobre 2014 pour les besoins de la procédure de saisie immobilière, seuls 3 lots avaient été loués pour un total de loyer hors charges de 1 089,00 € étaient insuffisants pour établir qu’au jour de l’octroi du crédit il existait un risque d’endettement excessif.<br />
<br />
'''De revenus locatifs insuffisants pour faire face aux échéances ?'''<br />
<br />
Par ailleurs, il est indifférent que les associés de la SCI H. n’aient pas disposés de revenus suffisants pour faire face au remboursement de l’emprunt puisque les biens acquis par la SCI H. devaient fournir à celle-ci les revenus nécessaires au remboursement du prêt.<br />
<br />
Le placement en liquidation judiciaire ultérieur de Monsieur B., un des associés de la SCI, est également indifférent puisque l’appréciation de l’existence du devoir de mise en garde est faite au jour de l’octroi des concours bancaires, de telle sorte qu’il résulte de ce qui précède pour la Cour d’Appel de CHAMBERY que la SCI H. ne démontre pas que la banque était tenue d’un devoir de mise en garde à son égard, aucun risque d’endettement excessif n’étant établi au jour de la souscription du crédit.<br />
<br />
'''Sur l’absence de retrait litigieux,''' <br />
<br />
On ne peut que s’étonner de cette bataille judiciaire faite par la SCI H. qui s’est entêtée à croire à une prescription biennale alors que la réforme du Code de la Consommation a été extrêmement claire et qu’effectivement, dans la mesure où les SCI personnes morales pas nature sont désormais écartée du Code de la Consommation, la prescription biennale ne peut plus être revendiquée par ces dernières et ces derniers sont immanquablement assujettis à une prescription quinquennale de 5 ans, délai pour lequel la banque a immanquablement pris soin de faire des actes interruptifs de prescriptions.<br />
<br />
Dès lors, il est assez curieux pour la SCI F. de venir s’entêter à solliciter une acquisition d’une prescription biennale alors que la législation en la matière a clairement évolué pour une prescription quinquennale qui n’est absolument plus remise en question de quelque manière que ce soit à ce jour.<br />
<br />
Qu’il en est également de même concernant l’application qui aurait pu être faite de l’obligation de conseil et de mise en garde, étant précisé d’ailleurs que là encore la SCI s’est entêtée à soutenir une argumentation qui, à mon sens, était fragile et risquait de la mettre à défaut.<br />
<br />
Pour autant, la vraie question qui se pose, quand on reprend la lecture des faits, est l’apparition du fonds commun de titrisation.<br />
<br />
En effet, nous avons bien vu dans l’historique présenté que nous sommes en présence d’un acte authentique qui a été conclu en 2009 que la banque a effectivement enclenché une première procédure de saisie immobilière en 2014 et finalement en 2017, alors que la Cour d’Appel de Grenoble est effectivement déclaré constater la péremption du commandement de payer, la banque a, par acte du 3 juillet 2017, assigné la SCI H. en paiement devant le Tribunal de Grande Instance de Chambéry enclenchant ainsi une procédure au fond.<br />
<br />
'''Une cession de créance en pleine procédure judiciaire'''<br />
<br />
C’est dans ces circonstances alors que la SCI était défenderesse à la procédure, que le fonds commun de titrisation est intervenu volontairement à l’instance en qualité de cessionnaire de la créance, sans que pour autant à aucun moment donné la SCI H. envisage de quelque manière que ce soit une demande en retrait litigieux, ce qui aurait permis d’obtenir le prix de vente de la créance en question entre la banque et le fonds commun de titrisation qui était immanquablement très inférieur à la somme de 300 000 € et qui aurait permis à la SCI en question de faire une action en retrait litigieux, c’est-à-dire de racheter une créance au prix de cession entre cédant et cessionnaire, ce qui aurait été beaucoup plus intéressant.<br />
<br />
D’ailleurs, la Cour souligne qu’en rejetant à la fois l’argumentation relative à la problématique de prescription et à la fois à la problématique liée au devoir de mise en garde que celle-ci n’a jamais formalisé de demande quelle qu’elle soit à l’encontre du fonds commun de titrisation alors qu’à mon sens l’enjeu procédural se situait-là.<br />
<br />
Nous pouvons notamment retenir une phrase de l’arrêt de la Cour qui indique qu’il convient de rappeler que la créance de la banque a été cédée au fonds commun de titrisation le 29 avril 2019, ce qui n’est pas contesté par la SCI H.<br />
<br />
A mon sens, l’enjeu de la procédure se joue ici et ce qui est regrettable c’est que la SCI n’a pas jugée utile d’envisager une action en retrait litigieux alors que l’ensemble des critères lié à l’action en retrait litigieux me semble pourtant caractérisé.<br />
<br />
'''Erreur stratégique et juridique de la SCI ?'''<br />
<br />
Erreur stratégique, erreur juridique qui immanquablement met la SCI à défaut en ce qu’elle a bataillé pendant près de 9 ans sur une illusion de prescription biennale qui est perdue depuis longtemps alors que le seul moyen juridique pertinent était d’envisager une action en retrait litigieux qu’elle n’a pas envisagée.<br />
<br />
Cela rappelle que les axes de défense d’un débiteur, fusse-t-il une SCI familiale, face à un établissement bancaire et un fonds de titrisation sont nombreux.<br />
<br />
Il convient de ne pas négliger les moyens de contestation propres au fonds commun de titrisation, notamment en ce qu’il permet lorsque l’on est défendeur à une procédure d’envisager une action en retrait litigieux qui était pourtant clairement envisageable dans ce dossier, <br />
<br />
À mon sens, la SCI et son conseil n’ont pas su mettre en avant cette approche juridique et judiciaire, et ont effectivement été défaillants dans ce raisonnement juridique qui aurait pourtant été à mon sens salvateur. <br />
<br />
Comme à chacun sait les cessions de créances se font à vil prix, bien souvent sur la base de portefeuilles très important cédés à bas prix par la banque qui voit ces créances sorties de leur propre comptabilité interne et racheté sur des fonds de titrisation qui achètent ces créances une « poignée de figues » pour pouvoir ensuite récupérer l’intégralité de la créance.<br />
<br />
Ce n’est pas pour rien que le législateur a prévu une action en retrait litigieux, pour permettre justement au débiteur de s’en sortir à bon compte, ce qui n’a pas été exploité par la SCI H. dans cette affaire ce qui est bien regrettable.</div>Asecretanhttps://www.lagbd.org/index.php?title=SCI_familiale_et_contestation_des_pretentions_de_la_banque_et_du_fonds_de_titrisation&diff=79447SCI familiale et contestation des pretentions de la banque et du fonds de titrisation2023-12-15T09:53:03Z<p>Asecretan : </p>
<hr />
<div>{{Commentaires d'arrêts<br />
|Territoire=France<br />
|Domaine=Droit privé<br />
|Matière=Droit des affaires<br />
|Sous-matière=Droit bancaire<br />
}}<br />
{{DISPLAYTITLE:SCI familiale et contestation des prétentions de la banque et du fonds de titrisation}}<br />
'''Laurent Latapie , avocat au barreau de Draguignan [https://www.legavox.fr/]<br>'''<br />
'''Novembre 2023<br>'''<br />
<br />
{{AddThis}}<br />
<br />
'''Une SCI familiale poursuivie en paiement par un établissement bancaire oppose des moyens de prescription ou encore de manquements aux obligations de conseil et de mise en garde, mais quid de la cession de créance et le retrait litigieux ?'''<br />
<br />
Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour d’Appel de Chambéry le 30 mars 2023, n° RG 21/00767, qui vient aborder le cas particulier d’une SCI qui est poursuivi par un établissement bancaire, mais aussi par le fonds de titrisation.<br />
<br />
La SCI tentant d’échapper à ses obligations en venant opposer à la banque, mais aussi au fonds commun de titrisation, des problématiques de prescription. <br />
<br />
La SCI vient également reprocher à la banque plusieurs manquements au titre de ses obligations de conseil et de mise en garde. <br />
<br />
<u>Quels sont les faits ?</u><br />
<br />
Dans cette affaire, et par acte authentique en date du 17 juillet 2009, la banque avait consenti à une SCI familiale, qui souhaitait acquérir leur résidence principale, un prêt immobilier d’un montant de 304 137 € destiné à financer l’acquisition et la réalisation de travaux de remise en état du bien.<br />
<br />
En garantie de ce prêt, la banque avait bien fait inscrire un privilège de prêteur de deniers.<br />
<br />
Malheureusement suite à quelques impayés la banque avait, par acte d’huissier du 12 juin 2014, fait délivrer à la SCI H. une sommation de payer la somme de 163 000 € accompagnée de l’information qu’elle entendait faire valoir la clause d’exigibilité de tout le prêt à défaut de paiement sous 8 jours.<br />
<br />
S’en est suivie, le 11 août 2014, la signification d’un commandement de payer valant saisie immobilière pour l’intégralité du prix du prêt pour 381 908,00 € outre intérêts contractuels.<br />
<br />
La signification de montants réclamés par la banque passé la déchéance du terme, frappée d’une vraie hémorragie de frais et intérêts divers et variés peut surprendre,<br />
<br />
'''Une déchéance du terme à grand renfort de frais, intérêts et pénalités,'''<br />
<br />
Rappelons en effet que le prêt avait été contracté en 2009 pour 300 000 € et avait forcément fait l’objet de règlements jusqu’en 2014.<br />
<br />
Le lecteur raisonnable ne peut que s’étonner qu’en 2014, soit 5 ans après l’obtention du crédit, alors que le débiteur a forcément réglé 2, 3 à 4 années d’échéances, la créance est désormais de 380 000 € alors que le prêt initial était de 300 000 €.<br />
<br />
Cette hémorragie de la créance bancaire est toujours critiquable. <br />
<br />
C’est dans ces circonstances qu’un commandement de payer valant saisie immobilière a été ensuite signifié par la banque qui a ensuite assigné SCI H. devant le Juge de l’Exécution immobilière afin d’envisager la vente immobilière du bien.<br />
<br />
'''Le commandement de payer valant saisie immobilière'''<br />
<br />
Pour autant, par jugement du 7 avril 2015, le Juge de l’Exécution du Tribunal de Grande Instance de CHAMBERY a débouté la SCI H. de ses demandes tendant à voir l’action de la banque prescrite.<br />
<br />
Par arrêt en date du 24 septembre 2015, la Cour d’Appel de CAHMBERY a quant à elle infirmé le jugement en toutes ses dispositions et a dit que l’action de la banque était prescrite au titre de la prescription biennale ordonnant ainsi la mainlevée de la procédure de saisie immobilière.<br />
<br />
Pour autant, l’affaire n’en n’est pas restée là puisque s’en est suivi un arrêt de Cour de cassation du 12 décembre 2016 qui a cassé et annulé la décision en litige lorsqu’elle a justement dit que l’action de la banque était prescrite et a renvoyé les parties devant la Cour d’Appel de GRENOBLE qui a constaté la péremption du commandement du 22 octobre 2014 aux fins de saisie immobilière.<br />
<br />
'''La péremption du commandement et une nouvelle procédure judiciaire'''<br />
<br />
Cela a forcément amené une nouvelle procédure judiciaire.<br />
<br />
Cependant, et contre toute attente, la banque a fait le choix d’assigner la SCI non plus devant le juge de l’orientation mais devant le Tribunal judiciaire dans le cadre d’un contentieux au fond au paiement de la somme de 300 000 €.<br />
<br />
De même suite, la société E., représentant le fonds commun de titrisation est intervenue volontairement à l’instance en qualité de cessionnaire de la créance détenue par la banque.<br />
<br />
'''L’intervention volontaire du fonds commun de titrisation'''<br />
<br />
La SCI H. s’est alors opposée aux demandes en soulevant une nouvelle fois la prescription de l’action en paiement sur le fondement de l’article L.137-2 du Code de la consommation ancien et a également formé une demande reconventionnelle en paiement d’une somme équivalente à celle qui lui est réclamée à titre de dommages et intérêts sur le fondement de la faute commise par la banque au titre de son manquement au devoir de mise en garde.<br />
<br />
C’est dans ces circonstances que la Cour d’Appel de Chambéry a dû se prononcer.<br />
<br />
La question de la prescription de l’action en paiement de la banque<br />
<br />
La SCI H. réitère en appel la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en paiement engagée contre elle sur le fondement de l’article L.218-2 du Code de la Consommation, ancien article L.137-2 et soutient à cet effet qu’elle doit être considérée comme un consommateur.<br />
<br />
Le fonds de titrisation soutient que ce moyen a été irrecevable compte-tenu de l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 12 octobre 2012.<br />
<br />
C’est sur le fond que l’action n’est évidemment à l’évidence pas prescrite, la SCI H. n’étant pas un consommateur au sens de l’article L.218-2 du Code de la Consommation.<br />
<br />
Concernant la recevabilité du moyen, il convient de rappeler que la Cour d’Appel de GRENOBLE n’a pas statué sur la prescription dès lors que le commandement de payer valant saisie immobilière avait été déclaré caduc.<br />
<br />
L’arrêt de la Cour de cassation n’a pas pour effet de rendre le moyen recevable puisqu’elle a renvoyé l’affaire devant la Cour d’Appel de GRENOBLE pour qu’il soit statué sur ce point. <br />
<br />
Il convient donc d’examiner la fin de non-recevoir soulevée par la SCI H.<br />
<br />
C’est par des motifs pertinents que la Cour retient qu’au visa des articles L.110-4 du Code du Commerce, L.137-2 devenu L.218-2 du Code de la Consommation et des articles 2243 et 2244 du Code Civil que le prêt du 17 juillet 2009 a été consentit à une SCI H., personne morale et non à ses associés, personnes physiques de telle sorte que ladite SCI ne peut donc être considérée comme un consommateur au sens de l’article L.218-2.<br />
<br />
Le délai de prescription applicable est le délai quinquennal de l’article L.110-4 du Code du Commerce ainsi que l’a rappelé la Cour de cassation dans maintes jurisprudences et notamment dans celle rendue le 12 octobre 2016.<br />
<br />
'''Une prescription à 5 ans pour poursuivre une SCI'''<br />
<br />
Le délai de prescription qui a commencé à courir au premier incident de paiement non régularisé, soit le 5 avril 2011, a été interrompu par le commandement de payer valant saisie immobilière délivré par le prêteur le 11 août 2014, effet interruptif qui n’a pas été anéanti par la caducité ultérieurement prononcée par l’arrêt de la Cour de Grenoble du 24 octobre 2018.<br />
<br />
Le délai de prescription a encore été interrompu par la signification le 29 septembre 2014 et l’opposition au paiement des loyers par le locataire de la SCI H.<br />
<br />
Ainsi, au jour de l’acte introductif d’instance, le 3 juillet 2017, l’action du créancier n’était donc pas prescrite.<br />
<br />
Il sera ajouté que l’article liminaire du Code de la Consommation introduit par la Loi du 17 mars 2014 est recodifié par ordonnance du 14 mars 2016 invoquée par l’appelant, défini le consommateur comme toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale et libérale ou agricole.<br />
<br />
Une telle définition exclut par principe les personnes morales, <br />
<br />
L’article L.218-2 du Code de la Consommation instaure une prescription biennale de l’action des professionnels pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, lesquelles sont donc nécessairement des personnes physiques.<br />
<br />
Il sera ainsi rappelé que l’opération financée par le prêt litigieux sera rattachée à l’objet social de la SCI H. de sorte que, quand bien même nous soyons en présence d’une SCI familiale, elle ne peut se prétendre consommateur et bénéficier des dispositions protectrices du Code de la Consommation, de telle sorte que la SCI H. est déboutée sur ce point.<br />
<br />
'''Concernant l’obligation de conseil et de mise en garde'''<br />
<br />
Sur le devoir de mise en garde, la SCI H. a également formé une demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts contre le prêteur sur le fondement de la violation de devoir de mise en garde.<br />
<br />
Cette demande a été déclarée irrecevable comme étant prescrite par le premier Juge.<br />
<br />
En effet, la SCI H. réitère le moyen en le présentant comme une simple défense au fond visant au rejet des prétentions adverses, de sorte qu’aucune prescription ne sera encourue.<br />
<br />
La SCI ne sollicite plus la condamnation de l’intimée au paiement de dommages et intérêts sur le fondement du manquement de devoir de mise en garde.<br />
<br />
Le fonds commun de titrisation quant à lui ne réitère pas la fin de non-recevoir tiré de la prescription compte-tenu de la nouvelle présentation de moyens qui sera donc examinée au fonds sans qu’il soit nécessaire d’examiner la prescription.<br />
<br />
Il est de jurisprudence constante que le banquier dispensateur de crédit est tenu à l’égard de l’emprunteur non averti d’une obligation de mise en garde lors de la conclusion du contrat,<br />
<br />
La banque étant tenue de justifier avoir satisfait à cette obligation à raison des capacités financières de l’emprunteur et du risque d’endettement né de l’octroi des prêts.<br />
<br />
Toutefois, le prêteur n’a pas d’obligation de mise en garde qu’en cas de crédit excessif même si le prêt est consenti à un emprunteur non averti.<br />
<br />
'''La responsabilité de la banque en cas de crédit excessif'''<br />
<br />
Il appartient dès lors à l’emprunteur, qui invoque un manquement au devoir de mise en garde de la banque d’apporter la preuve de l’inadaptation du crédit octroyé au capacités de remboursement de l’emprunteur au jour où il a été souscrit ou du risque d’endettement excessif.<br />
<br />
La SCI H. soutient, pour sa part, que le montage qui prévoyait un revenu locatif mensuel de 2 570 € était illusoire, les locataires ayant cessé de régler leur loyer peu de temps après la signature des baux.<br />
<br />
Toutefois, le montant des échéances mensuelles du prêt était de 2 000 € pour des revenus locatifs prévisionnels alors fixés selon l’appelante à 2 570 €, <br />
<br />
'''Des incidents de paiement du locataire empêchant le paiement du prêt par la SCI'''<br />
<br />
La Cour considère que la banque ne peut être tenue responsable du défaut de paiement des locataires choisis par la SCI H., celle-ci ne démontrant d’ailleurs aucunement que le loyer locatif prévisionnel aurait été surévalué.<br />
<br />
Au demeurant, la SCI H. a remboursé le prêt pendant les deux premières années sans difficultés.<br />
<br />
En l’espèce, le fond commun de titrisation soutient que la SCI H. n’était pas créancière d’un quelconque devoir de mise en garde dès lors que le crédit consentit était proportionné à l’opération puisque la SCI H. faisait l’acquisition d’un studio, d’un local commercial et de deux appartements destinés à être mis en location et dont les loyers étaient suffisants pour couvrir le remboursement de l’emprunt.<br />
<br />
'''Le fonds commun de titrisation assujetti à l’obligation de mise en garde ? '''<br />
<br />
En outre, la Cour reproche à la SCI de ne produire aucun élément relatif à sa situation financière, ne justifie pas des baux qu’elle a consenti, ni des prétendus impayés de ses locataires, de sorte que le caractère excessif du crédit n’est pas établi au regard des revenus qui pouvaient être raisonnablement escomptés de l’opération.<br />
<br />
Le fait qu’au jour du procès-verbal descriptif de l’huissier établi le 22 octobre 2014 pour les besoins de la procédure de saisie immobilière, seuls 3 lots avaient été loués pour un total de loyer hors charges de 1 089,00 € étaient insuffisants pour établir qu’au jour de l’octroi du crédit il existait un risque d’endettement excessif.<br />
<br />
'''De revenus locatifs insuffisants pour faire face aux échéances ?'''<br />
<br />
Par ailleurs, il est indifférent que les associés de la SCI H. n’aient pas disposés de revenus suffisants pour faire face au remboursement de l’emprunt puisque les biens acquis par la SCI H. devaient fournir à celle-ci les revenus nécessaires au remboursement du prêt.<br />
<br />
Le placement en liquidation judiciaire ultérieur de Monsieur B., un des associés de la SCI, est également indifférent puisque l’appréciation de l’existence du devoir de mise en garde est faite au jour de l’octroi des concours bancaires, de telle sorte qu’il résulte de ce qui précède pour la Cour d’Appel de CHAMBERY que la SCI H. ne démontre pas que la banque était tenue d’un devoir de mise en garde à son égard, aucun risque d’endettement excessif n’étant établi au jour de la souscription du crédit.<br />
<br />
'''Sur l’absence de retrait litigieux,''' <br />
<br />
On ne peut que s’étonner de cette bataille judiciaire faite par la SCI H. qui s’est entêtée à croire à une prescription biennale alors que la réforme du Code de la Consommation a été extrêmement claire et qu’effectivement, dans la mesure où les SCI personnes morales pas nature sont désormais écartée du Code de la Consommation, la prescription biennale ne peut plus être revendiquée par ces dernières et ces derniers sont immanquablement assujettis à une prescription quinquennale de 5 ans, délai pour lequel la banque a immanquablement pris soin de faire des actes interruptifs de prescriptions.<br />
<br />
Dès lors, il est assez curieux pour la SCI F. de venir s’entêter à solliciter une acquisition d’une prescription biennale alors que la législation en la matière a clairement évolué pour une prescription quinquennale qui n’est absolument plus remise en question de quelque manière que ce soit à ce jour.<br />
<br />
Qu’il en est également de même concernant l’application qui aurait pu être faite de l’obligation de conseil et de mise en garde, étant précisé d’ailleurs que là encore la SCI s’est entêtée à soutenir une argumentation qui, à mon sens, était fragile et risquait de la mettre à défaut.<br />
<br />
Pour autant, la vraie question qui se pose, quand on reprend la lecture des faits, est l’apparition du fonds commun de titrisation.<br />
<br />
En effet, nous avons bien vu dans l’historique présenté que nous sommes en présence d’un acte authentique qui a été conclu en 2009 que la banque a effectivement enclenché une première procédure de saisie immobilière en 2014 et finalement en 2017, alors que la Cour d’Appel de Grenoble est effectivement déclaré constater la péremption du commandement de payer, la banque a, par acte du 3 juillet 2017, assigné la SCI H. en paiement devant le Tribunal de Grande Instance de Chambéry enclenchant ainsi une procédure au fond.<br />
<br />
'''Une cession de créance en pleine procédure judiciaire'''<br />
<br />
C’est dans ces circonstances alors que la SCI était défenderesse à la procédure, que le fonds commun de titrisation est intervenu volontairement à l’instance en qualité de cessionnaire de la créance, sans que pour autant à aucun moment donné la SCI H. envisage de quelque manière que ce soit une demande en retrait litigieux, ce qui aurait permis d’obtenir le prix de vente de la créance en question entre la banque et le fonds commun de titrisation qui était immanquablement très inférieur à la somme de 300 000 € et qui aurait permis à la SCI en question de faire une action en retrait litigieux, c’est-à-dire de racheter une créance au prix de cession entre cédant et cessionnaire, ce qui aurait été beaucoup plus intéressant.<br />
<br />
D’ailleurs, la Cour souligne qu’en rejetant à la fois l’argumentation relative à la problématique de prescription et à la fois à la problématique liée au devoir de mise en garde que celle-ci n’a jamais formalisé de demande quelle qu’elle soit à l’encontre du fonds commun de titrisation alors qu’à mon sens l’enjeu procédural se situait-là.<br />
<br />
Nous pouvons notamment retenir une phrase de l’arrêt de la Cour qui indique qu’il convient de rappeler que la créance de la banque a été cédée au fonds commun de titrisation le 29 avril 2019, ce qui n’est pas contesté par la SCI H.<br />
<br />
A mon sens, l’enjeu de la procédure se joue ici et ce qui est regrettable c’est que la SCI n’a pas jugée utile d’envisager une action en retrait litigieux alors que l’ensemble des critères lié à l’action en retrait litigieux me semble pourtant caractérisé.<br />
<br />
'''Erreur stratégique et juridique de la SCI ?'''<br />
<br />
Erreur stratégique, erreur juridique qui immanquablement met la SCI à défaut en ce qu’elle a bataillé pendant près de 9 ans sur une illusion de prescription biennale qui est perdue depuis longtemps alors que le seul moyen juridique pertinent était d’envisager une action en retrait litigieux qu’elle n’a pas envisagée.<br />
<br />
Cela rappelle que les axes de défense d’un débiteur, fusse-t-il une SCI familiale, face à un établissement bancaire et un fonds de titrisation sont nombreux.<br />
<br />
Il convient de ne pas négliger les moyens de contestation propres au fonds commun de titrisation, notamment en ce qu’il permet lorsque l’on est défendeur à une procédure d’envisager une action en retrait litigieux qui était pourtant clairement envisageable dans ce dossier, <br />
<br />
Amon sens, la SCI et son conseil n’ont pas su mettre en avant cette approche juridique et judiciaire, et ont effectivement été défaillants dans ce raisonnement juridique qui aurait pourtant été à mon sens salvateur.<br />
<br />
Comme à chacun sait les cessions de créances se font à vil prix, bien souvent sur la base de portefeuilles très important cédés à bas prix par la banque qui voit ces créances sorties de leur propre comptabilité interne et racheté sur des fonds de titrisation qui achètent ces créances une « poignée de figues » pour pouvoir ensuite récupérer l’intégralité de la créance.<br />
<br />
Ce n’est pas pour rien que le législateur a prévu une action en retrait litigieux, pour permettre justement au débiteur de s’en sortir à bon compte, ce qui n’a pas été exploité par la SCI H. dans cette affaire ce qui est bien regrettable.</div>Asecretanhttps://www.lagbd.org/index.php?title=SCI_familiale_et_contestation_des_pretentions_de_la_banque_et_du_fonds_de_titrisation&diff=79446SCI familiale et contestation des pretentions de la banque et du fonds de titrisation2023-12-15T09:44:03Z<p>Asecretan : </p>
<hr />
<div>{{Commentaires d'arrêts<br />
|Territoire=France<br />
|Domaine=Droit privé<br />
|Matière=Droit des affaires<br />
|Sous-matière=Droit bancaire<br />
}}<br />
{{DISPLAYTITLE:SCI familiale et contestation des prétentions de la banque et du fonds de titrisation}}<br />
'''Laurent Latapie , avocat au barreau de Draguignan [https://www.legavox.fr/]<br>'''<br />
'''Novembre 2023<br>'''<br />
<br />
{{AddThis}}<br />
<br />
'''Une SCI familiale poursuivie en paiement par un établissement bancaire oppose des moyens de prescription ou encore de manquements aux obligations de conseil et de mise en garde, mais quid de la cession de créance et le retrait litigieux ?'''<br />
<br />
Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour d’Appel de Chambéry le 30 mars 2023, n° RG 21/00767, qui vient aborder le cas particulier d’une SCI qui est poursuivi par un établissement bancaire, mais aussi par le fonds de titrisation.<br />
<br />
La SCI tentant d’échapper à ses obligations en venant opposer à la banque, mais aussi au fonds commun de titrisation, des problématiques de prescription. <br />
<br />
La SCI vient également reprocher à la banque plusieurs manquements au titre de ses obligations de conseil et de mise en garde. <br />
<br />
<u>Quels sont les faits ?</u><br />
<br />
Dans cette affaire, et par acte authentique en date du 17 juillet 2009, la banque avait consenti à une SCI familiale, qui souhaitait acquérir leur résidence principale, un prêt immobilier d’un montant de 304 137 € destiné à financer l’acquisition et la réalisation de travaux de remise en état du bien.<br />
<br />
En garantie de ce prêt, la banque avait bien fait inscrire un privilège de prêteur de deniers.<br />
<br />
Malheureusement suite à quelques impayés la banque avait, par acte d’huissier du 12 juin 2014, fait délivrer à la SCI H. une sommation de payer la somme de 163 000 € accompagnée de l’information qu’elle entendait faire valoir la clause d’exigibilité de tout le prêt à défaut de paiement sous 8 jours.<br />
<br />
S’en est suivie, le 11 août 2014, la signification d’un commandement de payer valant saisie immobilière pour l’intégralité du prix du prêt pour 381 908,00 € outre intérêts contractuels.<br />
<br />
La signification de montants réclamés par la banque passé la déchéance du terme, frappée d’une vraie hémorragie de frais et intérêts divers et variés peut surprendre,<br />
<br />
'''Une déchéance du terme à grand renfort de frais, intérêts et pénalités,'''<br />
<br />
Rappelons en effet que le prêt avait été contracté en 2009 pour 300 000 € et avait forcément fait l’objet de règlements jusqu’en 2014.<br />
<br />
Le lecteur raisonnable ne peut que s’étonner qu’en 2014, soit 5 ans après l’obtention du crédit, alors que le débiteur a forcément réglé 2, 3 à 4 années d’échéances, la créance est désormais de 380 000 € alors que le prêt initial était de 300 000 €.<br />
<br />
Cette hémorragie de la créance bancaire est toujours critiquable. <br />
<br />
C’est dans ces circonstances qu’un commandement de payer valant saisie immobilière a été ensuite signifié par la banque qui a ensuite assigné SCI H. devant le Juge de l’Exécution immobilière afin d’envisager la vente immobilière du bien.<br />
<br />
'''Le commandement de payer valant saisie immobilière'''<br />
<br />
Pour autant, par jugement du 7 avril 2015, le Juge de l’Exécution du Tribunal de Grande Instance de CHAMBERY a débouté la SCI H. de ses demandes tendant à voir l’action de la banque prescrite.<br />
<br />
Par arrêt en date du 24 septembre 2015, la Cour d’Appel de CAHMBERY a quant à elle infirmé le jugement en toutes ses dispositions et a dit que l’action de la banque était prescrite au titre de la prescription biennale ordonnant ainsi la mainlevée de la procédure de saisie immobilière.<br />
<br />
Pour autant, l’affaire n’en n’est pas restée là puisque s’en est suivi un arrêt de Cour de cassation du 12 décembre 2016 qui a cassé et annulé la décision en litige lorsqu’elle a justement dit que l’action de la banque était prescrite et a renvoyé les parties devant la Cour d’Appel de GRENOBLE qui a constaté la péremption du commandement du 22 octobre 2014 aux fins de saisie immobilière.<br />
<br />
'''La péremption du commandement et une nouvelle procédure judiciaire'''<br />
<br />
Cela a forcément amené une nouvelle procédure judiciaire.<br />
<br />
Cependant, et contre toute attente, la banque a fait le choix d’assigner la SCI non plus devant le juge de l’orientation mais devant le Tribunal judiciaire dans le cadre d’un contentieux au fond au paiement de la somme de 300 000 €.<br />
<br />
De même suite, la société E., représentant le fonds commun de titrisation est intervenue volontairement à l’instance en qualité de cessionnaire de la créance détenue par la banque.<br />
<br />
'''L’intervention volontaire du fonds commun de titrisation'''<br />
<br />
La SCI H. s’est alors opposée aux demandes en soulevant une nouvelle fois la prescription de l’action en paiement sur le fondement de l’article L.137-2 du Code de la consommation ancien et a également formé une demande reconventionnelle en paiement d’une somme équivalente à celle qui lui est réclamée à titre de dommages et intérêts sur le fondement de la faute commise par la banque au titre de son manquement au devoir de mise en garde.<br />
<br />
C’est dans ces circonstances que la Cour d’Appel de CHMABERY a dû se prononcer.<br />
<br />
La question de la prescription de l’action en paiement de la banque<br />
<br />
La SCI H. réitère en appel la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en paiement engagée contre elle sur le fondement de l’article L.218-2 du Code de la Consommation, ancien article L.137-2 et soutient à cet effet qu’elle doit être considérée comme un consommateur.<br />
<br />
Le fonds de titrisation soutient que ce moyen a été irrecevable compte-tenu de l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 12 octobre 2012.<br />
<br />
C’est sur le fond que l’action n’est évidemment à l’évidence pas prescrite, la SCI H. n’étant pas un consommateur au sens de l’article L.218-2 du Code de la Consommation.<br />
<br />
Concernant la recevabilité du moyen, il convient de rappeler que la Cour d’Appel de GRENOBLE n’a pas statué sur la prescription dès lors que le commandement de payer valant saisie immobilière avait été déclaré caduc.<br />
<br />
L’arrêt de la Cour de cassation n’a pas pour effet de rendre le moyen recevable puisqu’elle a renvoyé l’affaire devant la Cour d’Appel de GRENOBLE pour qu’il soit statué sur ce point. <br />
<br />
Il convient donc d’examiner la fin de non-recevoir soulevée par la SCI H.<br />
<br />
C’est par des motifs pertinents que la Cour retient qu’au visa des articles L.110-4 du Code du Commerce, L.137-2 devenu L.218-2 du Code de la Consommation et des articles 2243 et 2244 du Code Civil que le prêt du 17 juillet 2009 a été consentit à une SCI H., personne morale et non à ses associés, personnes physiques de telle sorte que ladite SCI ne peut donc être considérée comme un consommateur au sens de l’article L.218-2.<br />
<br />
Le délai de prescription applicable est le délai quinquennal de l’article L.110-4 du Code du Commerce ainsi que l’a rappelé la Cour de cassation dans maintes jurisprudences et notamment dans celle rendue le 12 octobre 2016.<br />
<br />
'''Une prescription à 5 ans pour poursuivre une SCI'''<br />
<br />
Le délai de prescription qui a commencé à courir au premier incident de paiement non régularisé, soit le 5 avril 2011, a été interrompu par le commandement de payer valant saisie immobilière délivré par le prêteur le 11 août 2014, effet interruptif qui n’a pas été anéanti par la caducité ultérieurement prononcée par l’arrêt de la Cour de Grenoble du 24 octobre 2018.<br />
<br />
Le délai de prescription a encore été interrompu par la signification le 29 septembre 2014 et l’opposition au paiement des loyers par le locataire de la SCI H.<br />
<br />
Ainsi, au jour de l’acte introductif d’instance, le 3 juillet 2017, l’action du créancier n’était donc pas prescrite.<br />
<br />
Il sera ajouté que l’article liminaire du Code de la Consommation introduit par la Loi du 17 mars 2014 est recodifié par ordonnance du 14 mars 2016 invoquée par l’appelant, défini le consommateur comme toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale et libérale ou agricole.<br />
<br />
Une telle définition exclut par principe les personnes morales, <br />
<br />
L’article L.218-2 du Code de la Consommation instaure une prescription biennale de l’action des professionnels pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, lesquelles sont donc nécessairement des personnes physiques.<br />
<br />
Il sera ainsi rappelé que l’opération financée par le prêt litigieux sera rattachée à l’objet social de la SCI H. de sorte que, quand bien même nous soyons en présence d’une SCI familiale, elle ne peut se prétendre consommateur et bénéficier des dispositions protectrices du Code de la Consommation, de telle sorte que la SCI H. est déboutée sur ce point.<br />
<br />
'''Concernant l’obligation de conseil et de mise en garde'''<br />
<br />
Sur le devoir de mise en garde, la SCI H. a également formé une demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts contre le prêteur sur le fondement de la violation de devoir de mise en garde.<br />
<br />
Cette demande a été déclarée irrecevable comme étant prescrite par le premier Juge.<br />
<br />
En effet, la SCI H. réitère le moyen en le présentant comme une simple défense au fond visant au rejet des prétentions adverses, de sorte qu’aucune prescription ne sera encourue.<br />
<br />
La SCI ne sollicite plus la condamnation de l’intimée au paiement de dommages et intérêts sur le fondement du manquement de devoir de mise en garde.<br />
<br />
Le fonds commun de titrisation quant à lui ne réitère pas la fin de non-recevoir tiré de la prescription compte-tenu de la nouvelle présentation de moyens qui sera donc examinée au fonds sans qu’il soit nécessaire d’examiner la prescription.<br />
<br />
Il est de jurisprudence constante que le banquier dispensateur de crédit est tenu à l’égard de l’emprunteur non averti d’une obligation de mise en garde lors de la conclusion du contrat,<br />
<br />
La banque étant tenue de justifier avoir satisfait à cette obligation à raison des capacités financières de l’emprunteur et du risque d’endettement né de l’octroi des prêts.<br />
<br />
Toutefois, le prêteur n’a pas d’obligation de mise en garde qu’en cas de crédit excessif même si le prêt est consenti à un emprunteur non averti.<br />
<br />
'''La responsabilité de la banque en cas de crédit excessif'''<br />
<br />
Il appartient dès lors à l’emprunteur, qui invoque un manquement au devoir de mise en garde de la banque d’apporter la preuve de l’inadaptation du crédit octroyé au capacités de remboursement de l’emprunteur au jour où il a été souscrit ou du risque d’endettement excessif.<br />
<br />
La SCI H. soutient, pour sa part, que le montage qui prévoyait un revenu locatif mensuel de 2 570 € était illusoire, les locataires ayant cessé de régler leur loyer peu de temps après la signature des baux.<br />
<br />
Toutefois, le montant des échéances mensuelles du prêt était de 2 000 € pour des revenus locatifs prévisionnels alors fixés selon l’appelante à 2 570 €, <br />
<br />
'''Des incidents de paiement du locataire empêchant le paiement du prêt par la SCI'''<br />
<br />
La Cour considère que la banque ne peut être tenue responsable du défaut de paiement des locataires choisis par la SCI H., celle-ci ne démontrant d’ailleurs aucunement que le loyer locatif prévisionnel aurait été surévalué.<br />
<br />
Au demeurant, la SCI H. a remboursé le prêt pendant les deux premières années sans difficultés.<br />
<br />
En l’espèce, le fond commun de titrisation soutient que la SCI H. n’était pas créancière d’un quelconque devoir de mise en garde dès lors que le crédit consentit était proportionné à l’opération puisque la SCI H. faisait l’acquisition d’un studio, d’un local commercial et de deux appartements destinés à être mis en location et dont les loyers étaient suffisants pour couvrir le remboursement de l’emprunt.<br />
<br />
'''Le fonds commun de titrisation assujetti à l’obligation de mise en garde ? '''<br />
<br />
En outre, la Cour reproche à la SCI de ne produire aucun élément relatif à sa situation financière, ne justifie pas des baux qu’elle a consenti, ni des prétendus impayés de ses locataires, de sorte que le caractère excessif du crédit n’est pas établi au regard des revenus qui pouvaient être raisonnablement escomptés de l’opération.<br />
<br />
Le fait qu’au jour du procès-verbal descriptif de l’huissier établi le 22 octobre 2014 pour les besoins de la procédure de saisie immobilière, seuls 3 lots avaient été loués pour un total de loyer hors charges de 1 089,00 € étaient insuffisants pour établir qu’au jour de l’octroi du crédit il existait un risque d’endettement excessif.<br />
<br />
'''De revenus locatifs insuffisants pour faire face aux échéances ?'''<br />
<br />
Par ailleurs, il est indifférent que les associés de la SCI H. n’aient pas disposés de revenus suffisants pour faire face au remboursement de l’emprunt puisque les biens acquis par la SCI H. devaient fournir à celle-ci les revenus nécessaires au remboursement du prêt.<br />
<br />
Le placement en liquidation judiciaire ultérieur de Monsieur B., un des associés de la SCI, est également indifférent puisque l’appréciation de l’existence du devoir de mise en garde est faite au jour de l’octroi des concours bancaires, de telle sorte qu’il résulte de ce qui précède pour la Cour d’Appel de CHAMBERY que la SCI H. ne démontre pas que la banque était tenue d’un devoir de mise en garde à son égard, aucun risque d’endettement excessif n’étant établi au jour de la souscription du crédit.<br />
<br />
'''Sur l’absence de retrait litigieux,''' <br />
<br />
On ne peut que s’étonner de cette bataille judiciaire faite par la SCI H. qui s’est entêtée à croire à une prescription biennale alors que la réforme du Code de la Consommation a été extrêmement claire et qu’effectivement, dans la mesure où les SCI personnes morales pas nature sont désormais écartée du Code de la Consommation, la prescription biennale ne peut plus être revendiquée par ces dernières et ces derniers sont immanquablement assujettis à une prescription quinquennale de 5 ans, délai pour lequel la banque a immanquablement pris soin de faire des actes interruptifs de prescriptions.<br />
<br />
Dès lors, il est assez curieux pour la SCI F. de venir s’entêter à solliciter une acquisition d’une prescription biennale alors que la législation en la matière a clairement évolué pour une prescription quinquennale qui n’est absolument plus remise en question de quelque manière que ce soit à ce jour.<br />
<br />
Qu’il en est également de même concernant l’application qui aurait pu être faite de l’obligation de conseil et de mise en garde, étant précisé d’ailleurs que là encore la SCI s’est entêtée à soutenir une argumentation qui, à mon sens, était fragile et risquait de la mettre à défaut.<br />
<br />
Pour autant, la vraie question qui se pose, quand on reprend la lecture des faits, est l’apparition du fonds commun de titrisation.<br />
<br />
En effet, nous avons bien vu dans l’historique présenté que nous sommes en présence d’un acte authentique qui a été conclu en 2009 que la banque a effectivement enclenché une première procédure de saisie immobilière en 2014 et finalement en 2017, alors que la Cour d’Appel de Grenoble est effectivement déclaré constater la péremption du commandement de payer, la banque a, par acte du 3 juillet 2017, assigné la SCI H. en paiement devant le Tribunal de Grande Instance de CHAMBERY enclenchant ainsi une procédure au fond.<br />
<br />
'''Une cession de créance en pleine procédure judiciaire'''<br />
<br />
C’est dans ces circonstances alors que la SCI était défenderesse à la procédure, que le fonds commun de titrisation est intervenu volontairement à l’instance en qualité de cessionnaire de la créance, sans que pour autant à aucun moment donné la SCI H. envisage de quelque manière que ce soit une demande en retrait litigieux, ce qui aurait permis d’obtenir le prix de vente de la créance en question entre la banque et le fonds commun de titrisation qui était immanquablement très inférieur à la somme de 300 000 € et qui aurait permis à la SCI en question de faire une action en retrait litigieux, c’est-à-dire de racheter une créance au prix de cession entre cédant et cessionnaire, ce qui aurait été beaucoup plus intéressant.<br />
<br />
D’ailleurs, la Cour souligne qu’en rejetant à la fois l’argumentation relative à la problématique de prescription et à la fois à la problématique liée au devoir de mise en garde que celle-ci n’a jamais formalisé de demande quelle qu’elle soit à l’encontre du fonds commun de titrisation alors qu’à mon sens l’enjeu procédural se situait-là.<br />
<br />
Nous pouvons notamment retenir une phrase de l’arrêt de la Cour qui indique qu’il convient de rappeler que la créance de la banque a été cédée au fonds commun de titrisation le 29 avril 2019, ce qui n’est pas contesté par la SCI H.<br />
<br />
A mon sens, l’enjeu de la procédure se joue ici et ce qui est regrettable c’est que la SCI n’a pas jugée utile d’envisager une action en retrait litigieux alors que l’ensemble des critères lié à l’action en retrait litigieux me semble pourtant caractérisé.<br />
<br />
'''Erreur stratégique et juridique de la SCI ?'''<br />
<br />
Erreur stratégique, erreur juridique qui immanquablement met la SCI à défaut en ce qu’elle a bataillé pendant près de 9 ans sur une illusion de prescription biennale qui est perdue depuis longtemps alors que le seul moyen juridique pertinent était d’envisager une action en retrait litigieux qu’elle n’a pas envisagée.<br />
<br />
Cela rappelle que les axes de défense d’un débiteur, fusse-t-il une SCI familiale, face à un établissement bancaire et un fonds de titrisation sont nombreux.<br />
<br />
Il convient de ne pas négliger les moyens de contestation propres au fonds commun de titrisation, notamment en ce qu’il permet lorsque l’on est défendeur à une procédure d’envisager une action en retrait litigieux qui était pourtant clairement envisageable dans ce dossier, <br />
<br />
Amon sens, la SCI et son conseil n’ont pas su mettre en avant cette approche juridique et judiciaire, et ont effectivement été défaillants dans ce raisonnement juridique qui aurait pourtant été à mon sens salvateur.<br />
<br />
Comme à chacun sait les cessions de créances se font à vil prix, bien souvent sur la base de portefeuilles très important cédés à bas prix par la banque qui voit ces créances sorties de leur propre comptabilité interne et racheté sur des fonds de titrisation qui achètent ces créances une « poignée de figues » pour pouvoir ensuite récupérer l’intégralité de la créance.<br />
<br />
Ce n’est pas pour rien que le législateur a prévu une action en retrait litigieux, pour permettre justement au débiteur de s’en sortir à bon compte, ce qui n’a pas été exploité par la SCI H. dans cette affaire ce qui est bien regrettable.</div>Asecretanhttps://www.lagbd.org/index.php?title=Droit_de_parodie_(fr)&diff=79440Droit de parodie (fr)2023-12-12T14:39:45Z<p>Asecretan : /* L’interdiction de nuire a l’auteur */</p>
<hr />
<div>{{JurisPedia}}<br />
<br />
[[France]] > [[:Catégorie: Droit privé (fr)|Droit privé]] > [[:Catégorie: Propriété intellectuelle (fr)| Propriété intellectuelle]] > [[:Catégorie: Droit d'auteur (fr)| Droit d'auteur]]<br />
[[Image:fr_flag.png|framed|]]<br />
[[Catégorie:France]][[Catégorie:Droit privé (fr)]][[Catégorie:Propriété intellectuelle (fr)]][[Catégorie: Droit d'auteur (fr)]]<br />
<br />
<br />
=Le principe général : l’utilisation de l’œuvre sans accord de son auteur est illicite=<br />
<br />
Le droit d'auteur a pour vocation de protéger l’œuvre du créateur (et par là son image), ainsi que les intérêts patrimoniaux de celui-ci. Ces avantages permettent d’encourager la création. Ainsi, toute exploitation d’œuvres sans l’autorisation de leur auteur constitue un acte de contrefaçon, engageant la responsabilité civile et/ou pénale de l’auteur de l’exploitation illicite, dite contrefaisante. <br />
<br />
La contrefaçon découle en conséquence ([[CPIfr:L122-4|article L 122-4]] du [[Code de la propriété intellectuelle (fr)|Code de la propriété intellectuelle]]) de la représentation ou de la reproduction totale ou partielle de l’œuvre, sans le consentement de son auteur ou de ses [[ayant droit (fr)|ayants droit]]. Il en est de même pour le traduction de l’œuvre, son adaptation ou sa transformation par un art ou un procédé quelconque.<br />
Ainsi, dans le même sens: une adaptation de l'œuvre, même originale (c'est à dire se démarquant de l'œuvre originelle pour porter l'empreinte de la personnalité de l'adaptateur), demeure une [[contrefaçon (fr)|contrefaçon]], si celle-ci a été réalisée sans l'accord de l'auteur de l'œuvre première.<ref>[[Cour d'appel (fr)|CA]] Paris, 23 mars 1978</ref><br />
<br />
=L’exception : la tolérance de la caricature, de la parodie et du pastiche=<br />
<br />
Toutefois, l’article L 122-5 du Code de la Propriété Intellectuelle aménage certaines exceptions à ce droit exclusif de l’auteur. Il en est ainsi notamment de la parodie, le pastiche ou la caricature, dès lors que l’œuvre parodiée a été divulguée, et que la seconde respecte les lois du genre. L’utilisation du terme parodie sera ici employé pour désigner les trois genres confondus, comme domaine commun. En effet, si la cour de cassation entend faire une application distributive des trois notions (Civ. 1ère, 12 janvier 1988), leur régime est quasiment identique.<br />
<br />
<br />
== L’enjeu de la qualification de parodie==<br />
L’exploitation d’une parodie est licite, indépendamment de l’assentiment de l’auteur de l’œuvre originelle. Mais si l'exception de parodie semble claire, encore faut-il s'entendre sur la définition de la parodie. En effet, celle-ci n’a pas de définition légale. Sa licéité dépendra du respect des « lois du genre » . Ainsi, dans le langage courant, la parodie est, comme usage générique, toute œuvre seconde à visée ludique ou moqueuse.<br />
Or, bien qu’étant en partie la refonte de l’œuvre première, la parodie sort juridiquement de la qualification d’adaptation de l’œuvre parodiée. Cette opération juridique permet sa soustraction au monopole de l’auteur, et sa protection en tant qu’œuvre à part entière.<br />
Ainsi, la qualification d’une adaptation littéraire de parodie légalise son existence. La définition devient l’enjeu de maints contentieux. Il semble que l’exactitude du concept de parodie réside dans la raison d’être du droit de parodie.<br />
<br />
==La définition de la parodie==<br />
<br />
La disposition légale, énonçant la tolérance de facto de la parodie, du pastiche et de la caricature, pose la question de la signification distincte de ces trois termes. Il semble que, bien que donnant une application distributive à ces œuvres dérivées (et suivant en cela H.Desbois (H. Desbois, Le droit d’auteur en France, Dalloz, édition 1978, p. 321) : la parodie aux œuvres musicales, le pastiche aux œuvres littéraire et la caricature aux œuvres figuratives, la doctrine et la jurisprudence considèrent que celles-ci appartiennent toutes au même genre, et bénéficient donc d’une signification identique. En effet, la loi intime le respect des lois « du genre », ce qui peut être compris comme rassemblant au sein du même genre les trois concepts. Néanmoins, cette disposition peut aussi être analysée comme sollicitant le respect des lois du genre de chaque concept. Or l’enjeu sémantique est considérable, en ce que les trois termes ont bien des fondements distincts. <br />
<br />
===La caricature===<br />
La caricature, appliquée à une effigie, n’est moqueuse qu’en ce qu’elle exacerbe les traits les moins harmonieux du sujet, pour aboutir à sa déformation. L’intention humoristique est donc facile à établir, et suscite plus le sourire que le rire.<br />
<br />
===Le pastiche===<br />
<br />
Pour sa part, le pastiche, d’abord appliqué à la copie d’un tableau, désigne désormais l’œuvre qui procède par imitation d’un écrivain, d’un artiste, d’un genre ou d’une école, le plus souvent à des fins parodiques. Ainsi, en plus de conserver l’exigence humoristique, qui est la base de la parodie, l’exercice du pastiche demanderait un travail « à la manière de » l’auteur pastiché. Il semble cependant que cet argument ne soit pas développé pour refuser la légalité d’une « parodie littéraire ».<br />
<br />
===La parodie===<br />
<br />
Pour certains, la parodie doit être la version satirique d’une oeuvre, dans le but de faire rire. Or la satire suppose la critique. Cependant, il semble que la notion ait évolué. N’ayant plus les mêmes besoins, on accepterait que l’appellation de parodie ne s’applique plus à la critique fondée, ms à la seule recherche du rire.(De l’art du détournement de Guy Belzane)<br />
<br />
===La dénomination générique de parodie===<br />
<br />
Ainsi, sans se soucier de ces différences conceptuelles, et désignant plus simplement la refonte comique d’une œuvre, l’exception de parodie rassemblerait les trois espèces. En effet, s’entendant de toutes façons sur la dénaturation comique d’une création, il semble étonnant de vouloir leur appliquer des conditions d’existence différentes selon le genre de l’œuvre. Dès lors qu’on s’entend sur la justification de la légalité de la parodie, une œuvre ne doit-elle pas être protégée indépendamment de son genre ? (art L112-1 CPI) <br />
<br />
Encore faut-il qu’elle respecte « les lois du genre ». C’est l’appréciation prétorienne de ces exigences qui permettra ou non la qualification salvatrice de parodie, à l’œuvre que l’on souhaite tolérer.<br />
<br />
.<br />
<br />
=Tempérament : la légalité de la parodie dépend du respect des lois du genre=<br />
<br />
D’après le code Dalloz commenté :<br />
<br />
-est une œuvre transformatrice, apporte qqch de personnel<br />
<br />
-le but poursuivi doit être, en principe, de faire sourire ou rire (aux dépens d’autrui ?) MAIS sans pour autant chercher à nuire à l’auteur. (précise procédé qui déclenche le rire !)<br />
<br />
-encore faut-il qu'il n'y ait pas de risque de confusion! <br />
<br />
En conséquence, pour bénéficier de cette exception, il est nécessaire de veiller à ce qu’en aucun cas il n’y ait confusion avec les œuvres originales, et qu’il existe une réelle intention humoristique, ne comportant aucune intention de nuire aux œuvres originales. <br />
<br />
Une œuvre transformatrice, d’où l’absence de risque de confusion<br />
Le droit à la parodie permet par conséquent à l'adaptateur la modification de l'œuvre et son exploitation commerciale, sans le consentement de l'auteur de l'œuvre originelle. Ainsi, la licéité de la parodie octroie à l’adaptateur une grande marge de liberté pour modifier l’œuvre originelle, sans risquer d’être inquiété par le droit moral de l’auteur. En effet, l’altération de l’œuvre avec une intention humoristique devient tolérable, et la parodie étant une œuvre transformatrice, le détournement est même indispensable. Cependant, le respect nécessaire des lois du genre implique qu’en plus de rechercher expressément le rire, la parodie ne doit pas nuire à l’auteur. <br />
<br />
<br />
==Une visée humoristique==<br />
<br />
C’est la poursuite d’une intention humoristique qui permet à la parodie d’échapper au monopole de l’auteur (T.com. Seine 26 juin 1934)L’intention comique de l’œuvre s’observe par son détournement ludique ou par la fin satirique. La parodie peut ainsi être un hommage adressé à l’auteur. En effet, une bonne parodie, calquée en partie sur l’œuvre originelle, suppose une bonne connaissance de celle-ci.( pastiche ???) A l’inverse, la parodie ne doit pas nuire à l’œuvre originelle. Le droit au rire est donc bien encadré. Or, en ce que le rire est subjectif, l’exigence de l’intention humoristique est à la fois la plus dangereuse… et la plus utilisée pour refuser la qualification de parodie.<br />
<br />
<br />
==Le carcan du droit au rire==<br />
<br />
A titre d’exemple, la jurisprudence a rejeté l’exception de parodie pour la reproduction dans un journal de photographies extraites de films de Marcel Pagnol, modifiées pour faire apparaître aux lieu et place des comédiens d’origine, une comédienne reprenant l’attitude des actrices et présentant des vêtements et accessoires de mode. Les juges ont considéré que ce montage ne constituait pas une parodie autorisée dès lors qu’il n’avait pas pour effet de provoquer le rire et n’imitait pas le style de Marcel Pagnol dans un but de raillerie ou d’hommage d’un sujet qu’il n’avait pas traité, mais qui avait pour but la promotion publicitaire d’articles de prêt-à-porter<ref>TGI PARIS, 1ère Ch., Section 1, 30 avril 1997, PAGNOL C/ Société VOG</ref>.<br />
L’exception de parodie est donc refusée à cette campagne publicitaire(4). Pourtant, le procédé consistant à transposer l’atmosphère d’un film de Pagnol dans une autre époque, en affublant les personnages d’un style moderne, crée une complicité amusée avec le créateur ; et éveille un sourire chez le spectateur. De plus, la modification de l’œuvre au profit de la publicité est par essence admirative. Cette campagne exploite l’univers de Pagnol pour promouvoir des vêtements. <br />
<br />
Cependant, le considérant est lourd de sens. Premièrement, il qualifie l’œuvre seconde de parodie « non autorisée », ce qui rappelle que toute parodie (au sens commun du terme), n’est pas légale. Il justifie ensuite sa décision par un non-respect des lois du genre. Ainsi, selon le [[tribunal de grande instance (fr)|TGI]], en plus de ne pas provoquer le rire (alors que la recherche du sourire dans la parodie est acceptée), la publicité dénature un sujet qu’elle ne traite pas. Cela semble signifier qu’il n’y avait pas de parodie possible d’un seul plan du film, en ce que l’image n’est qu’un élément du tout qui est le long-métrage. L’image demeure donc protégée en tant que reproduction partielle du film, mais ne peut pas être le support d’une prétendue parodie, en ce qu’elle n’est pas une œuvre à part entière. La parodie de Pagnol aurait nécessité la parodie du film dans son entier, permettant la reprise de (son) style, dans un but de raillerie ou d’hommage. Ce considérant aboutit à une totale immunité de l’image, dommageable pour le « néocréateur ». De plus cette exigence est absurde, puisque l’adhésion du public à la marque devait découler de l’association d’idée entre l’image projetée, et l’atmosphère travaillée par le film dans son entier. L’effigie devait par conséquent être représentative de l’œuvre intégrale.<br />
Il est envisageable que ce soit en réalité le but mercantile visé par le chenapan bien inspiré qui soit ainsi condamné. L’exploitation d’une œuvre par la publicité est souvent sanctionnée, si elle ne s’accompagne pas de la rétribution de l’auteur ou de ses ayants droit. <br />
<br />
Si une œuvre est en principe protégée indépendamment de son genre, de sa forme d’expression, de son mérite et de sa destination, sa destination publicitaire semble en l’occurrence le fondement de sa sanction. En outre, la parodie peut être sacrifiée, ou au contraire sauvée grâce à sa qualité(mérite). Cette allégation prend tout son sens au regard de la jurisprudence. En matière de parodie, l’arbitraire fait loi.<br />
<br />
Cet exemple montre bien l’insécurité juridique qui entoure le droit de parodie. Si celui-ci s’inscrit dans la liberté de création (davantage que dans la liberté d’expression), il est menacé selon l’interprétation que le juge retiendra des « lois du genre ».<br />
<br />
De même, la reproduction sur un site internet, référencé comme hebdomadaire-mensuel d’humour, de photographies illustrant des évènements dramatiques de l’actualité en y associant des légendes grossières, ne permettait pas de bénéficier de l’exception de parodie. Il s’agissait d’un cliché de trois moudjahidine en embuscade, associé à la légende « Putain, c’est lequel qu’a lâché ? »)<ref>TGI PARIS, 3ème Ch., Section 1, 13 février 2002, AFP C/ CALLOT</ref>.<br />
Il est donc évident que par respect envers le drame que peuvent connaître certaines populations, on ne peut pas rire de tout. L’inverse reviendrait peut-être à amoindrir la gravité des évènements d’actualité.<br />
<br />
==L’interdiction de nuire à l’auteur==<br />
<br />
===L’image de l’auteur===<br />
<br />
Il est ainsi logique que l’œuvre originelle ne devienne pas le support de la raillerie de son créateur. Quoi de plus dénigrant pour un auteur que de voir sa propre œuvre se retourner contre lui:« le but de la parodie ne doit pas être de nuire à l’auteur et la caricature ne doit pas porter atteinte à la personne de l’auteur"<br />
<br />
Ex : Est interdite la promotion d’un logiciel d’exploitation qui dénigre les éléments graphiques et les photos issues du magazine femina . Cependant, le but poursuivi peut rendre légitime la critique.<br />
<br />
===Les intérêts commerciaux de l’auteur===<br />
<br />
Rien ne s’oppose à l’exploitation commerciale de l’œuvre parodiante. Cela résulte peut-être du fait que les deux œuvres deviennent complètement différentes : ne pas chercher à nuire signifie dès lors ne pas chercher à profiter du sillage commercial pour bénéficier des gains qui étaient destinés à l’œuvre originelle.<br />
<br />
La transformation de l’œuvre fait que les gains de l’œuvre parodiante ne sont pas ceux qui auraient été perçus par l’auteur de l’œuvre originelle. Il n’y a donc pas d’empiètement au niveau de la rémunération ! De plus, la parodie séduira avant tout un public connaisseur de l’œuvre première. Apprécier la parodie suppose donc d’avoir pris connaissance de l’œuvre parodiée. Seuls les adeptes percevront les décalages entre les deux créations, et c’est de cette altération que naîtra le rire.<br />
<br />
On peut comparer cette exigence avec le fair use existant aux Etats-Unis : le droit de citation et le droit de parodie existent dès lors que la création de seconde main n’empiète pas sur les intérêts commerciaux de l’œuvre originelle<br />
<br />
=Les fondements de la légalité de la parodie=<br />
<br />
===Le droit au rire===<br />
<br />
Le droit à la parodie est reconnu depuis la Grèce antique(note renvoyant à la source : art d’Axel Payet). Cette exception au droit d'auteur serait ainsi justifiée par le droit au rire. Ce dernier apparaît alors comme un droit d'intérêt général, le bénéfice de tous prenant le pas sur l'intérêt individuel. Pourtant le droit d'auteur puise lui aussi ses racines dans l'intérêt général. En effet, sans droit d'auteur, point d'encouragement du créateur, et donc point de création. Le patrimoine commun en serait nécessairement appauvri. Mettre en balance ces deux droits antagonistes, en donnant la primauté au droit au rire, peut alors être légitimé par des éléments complémentaires. D’une part, la parodie est légale car elle ne parasite pas l’exploitation de l’œuvre première. D’autre part, la parodie est justifiée par le droit à la liberté d'expression.<br />
<br />
<br />
===La parodie légitimée par la transformation substantielle de l'œuvre===<br />
<br />
Le droit à la parodie, en favorisant le droit au rire, ne remet pas en cause le droit d'auteur, puisque les deux œuvres sont de fait substantiellement différentes. En plus d'être transformatrice, la parodie est souvent présentée comme grotesque, voire ridicule. Celle-ci vise par conséquent une fin toute différente de l'œuvre première. Si on devait comparer la littérature à la peinture, nous observerions que de la même façon, si le thème choisi est le même, son traitement est tout autre. Les différentes perceptions de la tour Eiffel seraient à rapprocher des différents traitements de l'œuvre littéraire. Ainsi, au lieu de retrouver l'empreinte de la personnalité de l'auteur et la sensibilité de l'œuvre première, le public découvre un registre cocasse et ubuesque. La parodie ne pourrait donc pas être associée à de la contrefaçon, en ce qu'elle se démarque à ce point de l'œuvre parodiée, qu'elle ne parasite pas la rémunération de l'œuvre première. <br />
<br />
En revanche, rien ne s’oppose à une exploitation commerciale de l’œuvre parodiante. Ainsi, la jurisprudence a admis la reproduction sur des tee-shirts d’un personnage reproduisant les traits essentiels de « Monsieur PROPRE », assortis d’une coloration rose fuschia et des indications « Mister QUEEN » et « AXEL is a real bitch », en considérant que ces adjonctions constituaient une modification essentielle destinée à démarquer le personnage caricatural de l’original, tout risque de confusion étant exclu et aucune preuve d’une intention de nuire n’étant rapportée. Le magistrat ajoute que l’usage de la parodie ou de la caricature n’est pas uniquement pour railler ou pour faire sourire, mais aussi dans l’intention essentiellement commerciale de profiter, pour vendre des tee-shirts et capter une clientèle, de la notoriété du personnage de « Monsieur PROPRE » (CA PARIS, 4ème Ch., Section A, 9 septembre 1998, Société SERI BRODE C/ PROCTER & GAMBLE France).<br />
<br />
===La parodie inscrite dans le droit à la liberté d'expression===<br />
<br />
La troisième justification de la tolérance de la parodie réside dans la liberté d'expression. En effet, selon MM. Strowel et Tulkens « l’exception de parodie apparaît comme une limitation en faveur de la libre expression » (1) et il apparaît que « les juridictions seraient plus réceptives à une exception basée sur la liberté d’expression dans le contexte de la parodie que dans d’autres situations »(2). Sous couvert de l'humour, la parodie permettrait la critique de l'œuvre première. D'abord principe général du droit, le droit à la libre expression est devenu un principe constitutionnel, depuis l'intégration de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 au bloc constitutionnel. Cependant, le paramètre critique de la parodie pose deux questions. La première réside dans la nécessité de ce paramètre critique. En d'autres termes, au vu de l'évolution du droit, et de l'inscription actuelle du droit à la parodie dans la libre expression, la parodie doit-elle être polémique pour être licite? Bien que cet élément ne fasse pas partie intégrante de la définition légale, il a pu être érigé en condition lors de certains contentieux. Une nouvelle acception de la parodie par l'usage serait alors à observer. <br />
<br />
Deuxièmement, ce côté critique semble contré par l'interdiction légale de porter atteinte à l'image de l'auteur. Comment se moquer sans indirectement lui nuire? La frontière semble mince. Elle a ainsi été raillée comme « le mythe de la parodie révérencieuse »...(3)<br />
<br />
<br />
=Saint-Tin et son ami Lou : Un contentieux actuel en attente de délibéré=<br />
<br />
Les éditions du Léopard Masqué et Démasqué ont commis une parodie romancée de Tintin. Cette parodie se calque donc sur les aventures du petit reporter, adaptées au climat géopolitique actuel. L’intention humoristique apparaît clairement au travers de l’humanisation des personnages, et des nombreux jeux de mots. <br />
<br />
Cependant, la fondation Moulinsart est connue pour être très regardante quant à l’utilisation qui est faite de Tintin. Ils ont donc poursuivi le Léopard Masqué en contrefaçon. Etant donné la légalité de la parodie indépendamment du consentement de l’auteur ou de ses ayants droit, Moulinsart a plaidé l’adaptation littéraire non parodique. Différents arguments venaient étayer leur cause. Selon eux, il ne peut y avoir de parodie d’une œuvre déjà humoristique. En effet, au regard la définition du petit Robert, la parodie est la contrefaçon ridicule d’une œuvre sérieuse. Or la jurisprudence a accepté la parodie d’un magazine lui-même parodique.<br />
<br />
Le risque de confusion semble exclu du débat. En effet, il s’agit d’un roman et non d’une bande dessinée. De plus, il a été jugé que plus l’œuvre parodiée est connue d’une large fraction du public, moins il y a un risque de confusion. Malheureusement, les couvertures se calquent beaucoup sur celles d’Hergé. Ce sont des couvertures parodiques, qui présentent les personnages dans des situations atypiques… A savoir si pour être parodiques, il n’aurait pas mieux valu que les couvertures soient…des caricatures.<br />
<br />
<br />
=Voir aussi=<br />
{{moteur (fr)|"Droit de parodie"}} <br />
{{moteur (fr)|"le droit à la parodie bafoué"}}<br />
<br />
=Notes et références=<br />
<references /></div>Asecretanhttps://www.lagbd.org/index.php?title=Droit_de_parodie_(fr)&diff=79439Droit de parodie (fr)2023-12-12T14:39:15Z<p>Asecretan : /* la définition de la parodie */</p>
<hr />
<div>{{JurisPedia}}<br />
<br />
[[France]] > [[:Catégorie: Droit privé (fr)|Droit privé]] > [[:Catégorie: Propriété intellectuelle (fr)| Propriété intellectuelle]] > [[:Catégorie: Droit d'auteur (fr)| Droit d'auteur]]<br />
[[Image:fr_flag.png|framed|]]<br />
[[Catégorie:France]][[Catégorie:Droit privé (fr)]][[Catégorie:Propriété intellectuelle (fr)]][[Catégorie: Droit d'auteur (fr)]]<br />
<br />
<br />
=Le principe général : l’utilisation de l’œuvre sans accord de son auteur est illicite=<br />
<br />
Le droit d'auteur a pour vocation de protéger l’œuvre du créateur (et par là son image), ainsi que les intérêts patrimoniaux de celui-ci. Ces avantages permettent d’encourager la création. Ainsi, toute exploitation d’œuvres sans l’autorisation de leur auteur constitue un acte de contrefaçon, engageant la responsabilité civile et/ou pénale de l’auteur de l’exploitation illicite, dite contrefaisante. <br />
<br />
La contrefaçon découle en conséquence ([[CPIfr:L122-4|article L 122-4]] du [[Code de la propriété intellectuelle (fr)|Code de la propriété intellectuelle]]) de la représentation ou de la reproduction totale ou partielle de l’œuvre, sans le consentement de son auteur ou de ses [[ayant droit (fr)|ayants droit]]. Il en est de même pour le traduction de l’œuvre, son adaptation ou sa transformation par un art ou un procédé quelconque.<br />
Ainsi, dans le même sens: une adaptation de l'œuvre, même originale (c'est à dire se démarquant de l'œuvre originelle pour porter l'empreinte de la personnalité de l'adaptateur), demeure une [[contrefaçon (fr)|contrefaçon]], si celle-ci a été réalisée sans l'accord de l'auteur de l'œuvre première.<ref>[[Cour d'appel (fr)|CA]] Paris, 23 mars 1978</ref><br />
<br />
=L’exception : la tolérance de la caricature, de la parodie et du pastiche=<br />
<br />
Toutefois, l’article L 122-5 du Code de la Propriété Intellectuelle aménage certaines exceptions à ce droit exclusif de l’auteur. Il en est ainsi notamment de la parodie, le pastiche ou la caricature, dès lors que l’œuvre parodiée a été divulguée, et que la seconde respecte les lois du genre. L’utilisation du terme parodie sera ici employé pour désigner les trois genres confondus, comme domaine commun. En effet, si la cour de cassation entend faire une application distributive des trois notions (Civ. 1ère, 12 janvier 1988), leur régime est quasiment identique.<br />
<br />
<br />
== L’enjeu de la qualification de parodie==<br />
L’exploitation d’une parodie est licite, indépendamment de l’assentiment de l’auteur de l’œuvre originelle. Mais si l'exception de parodie semble claire, encore faut-il s'entendre sur la définition de la parodie. En effet, celle-ci n’a pas de définition légale. Sa licéité dépendra du respect des « lois du genre » . Ainsi, dans le langage courant, la parodie est, comme usage générique, toute œuvre seconde à visée ludique ou moqueuse.<br />
Or, bien qu’étant en partie la refonte de l’œuvre première, la parodie sort juridiquement de la qualification d’adaptation de l’œuvre parodiée. Cette opération juridique permet sa soustraction au monopole de l’auteur, et sa protection en tant qu’œuvre à part entière.<br />
Ainsi, la qualification d’une adaptation littéraire de parodie légalise son existence. La définition devient l’enjeu de maints contentieux. Il semble que l’exactitude du concept de parodie réside dans la raison d’être du droit de parodie.<br />
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==La définition de la parodie==<br />
<br />
La disposition légale, énonçant la tolérance de facto de la parodie, du pastiche et de la caricature, pose la question de la signification distincte de ces trois termes. Il semble que, bien que donnant une application distributive à ces œuvres dérivées (et suivant en cela H.Desbois (H. Desbois, Le droit d’auteur en France, Dalloz, édition 1978, p. 321) : la parodie aux œuvres musicales, le pastiche aux œuvres littéraire et la caricature aux œuvres figuratives, la doctrine et la jurisprudence considèrent que celles-ci appartiennent toutes au même genre, et bénéficient donc d’une signification identique. En effet, la loi intime le respect des lois « du genre », ce qui peut être compris comme rassemblant au sein du même genre les trois concepts. Néanmoins, cette disposition peut aussi être analysée comme sollicitant le respect des lois du genre de chaque concept. Or l’enjeu sémantique est considérable, en ce que les trois termes ont bien des fondements distincts. <br />
<br />
===La caricature===<br />
La caricature, appliquée à une effigie, n’est moqueuse qu’en ce qu’elle exacerbe les traits les moins harmonieux du sujet, pour aboutir à sa déformation. L’intention humoristique est donc facile à établir, et suscite plus le sourire que le rire.<br />
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===Le pastiche===<br />
<br />
Pour sa part, le pastiche, d’abord appliqué à la copie d’un tableau, désigne désormais l’œuvre qui procède par imitation d’un écrivain, d’un artiste, d’un genre ou d’une école, le plus souvent à des fins parodiques. Ainsi, en plus de conserver l’exigence humoristique, qui est la base de la parodie, l’exercice du pastiche demanderait un travail « à la manière de » l’auteur pastiché. Il semble cependant que cet argument ne soit pas développé pour refuser la légalité d’une « parodie littéraire ».<br />
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===La parodie===<br />
<br />
Pour certains, la parodie doit être la version satirique d’une oeuvre, dans le but de faire rire. Or la satire suppose la critique. Cependant, il semble que la notion ait évolué. N’ayant plus les mêmes besoins, on accepterait que l’appellation de parodie ne s’applique plus à la critique fondée, ms à la seule recherche du rire.(De l’art du détournement de Guy Belzane)<br />
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===La dénomination générique de parodie===<br />
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Ainsi, sans se soucier de ces différences conceptuelles, et désignant plus simplement la refonte comique d’une œuvre, l’exception de parodie rassemblerait les trois espèces. En effet, s’entendant de toutes façons sur la dénaturation comique d’une création, il semble étonnant de vouloir leur appliquer des conditions d’existence différentes selon le genre de l’œuvre. Dès lors qu’on s’entend sur la justification de la légalité de la parodie, une œuvre ne doit-elle pas être protégée indépendamment de son genre ? (art L112-1 CPI) <br />
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Encore faut-il qu’elle respecte « les lois du genre ». C’est l’appréciation prétorienne de ces exigences qui permettra ou non la qualification salvatrice de parodie, à l’œuvre que l’on souhaite tolérer.<br />
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=Tempérament : la légalité de la parodie dépend du respect des lois du genre=<br />
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D’après le code Dalloz commenté :<br />
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-est une œuvre transformatrice, apporte qqch de personnel<br />
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-le but poursuivi doit être, en principe, de faire sourire ou rire (aux dépens d’autrui ?) MAIS sans pour autant chercher à nuire à l’auteur. (précise procédé qui déclenche le rire !)<br />
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-encore faut-il qu'il n'y ait pas de risque de confusion! <br />
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En conséquence, pour bénéficier de cette exception, il est nécessaire de veiller à ce qu’en aucun cas il n’y ait confusion avec les œuvres originales, et qu’il existe une réelle intention humoristique, ne comportant aucune intention de nuire aux œuvres originales. <br />
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Une œuvre transformatrice, d’où l’absence de risque de confusion<br />
Le droit à la parodie permet par conséquent à l'adaptateur la modification de l'œuvre et son exploitation commerciale, sans le consentement de l'auteur de l'œuvre originelle. Ainsi, la licéité de la parodie octroie à l’adaptateur une grande marge de liberté pour modifier l’œuvre originelle, sans risquer d’être inquiété par le droit moral de l’auteur. En effet, l’altération de l’œuvre avec une intention humoristique devient tolérable, et la parodie étant une œuvre transformatrice, le détournement est même indispensable. Cependant, le respect nécessaire des lois du genre implique qu’en plus de rechercher expressément le rire, la parodie ne doit pas nuire à l’auteur. <br />
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==Une visée humoristique==<br />
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C’est la poursuite d’une intention humoristique qui permet à la parodie d’échapper au monopole de l’auteur (T.com. Seine 26 juin 1934)L’intention comique de l’œuvre s’observe par son détournement ludique ou par la fin satirique. La parodie peut ainsi être un hommage adressé à l’auteur. En effet, une bonne parodie, calquée en partie sur l’œuvre originelle, suppose une bonne connaissance de celle-ci.( pastiche ???) A l’inverse, la parodie ne doit pas nuire à l’œuvre originelle. Le droit au rire est donc bien encadré. Or, en ce que le rire est subjectif, l’exigence de l’intention humoristique est à la fois la plus dangereuse… et la plus utilisée pour refuser la qualification de parodie.<br />
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==Le carcan du droit au rire==<br />
<br />
A titre d’exemple, la jurisprudence a rejeté l’exception de parodie pour la reproduction dans un journal de photographies extraites de films de Marcel Pagnol, modifiées pour faire apparaître aux lieu et place des comédiens d’origine, une comédienne reprenant l’attitude des actrices et présentant des vêtements et accessoires de mode. Les juges ont considéré que ce montage ne constituait pas une parodie autorisée dès lors qu’il n’avait pas pour effet de provoquer le rire et n’imitait pas le style de Marcel Pagnol dans un but de raillerie ou d’hommage d’un sujet qu’il n’avait pas traité, mais qui avait pour but la promotion publicitaire d’articles de prêt-à-porter<ref>TGI PARIS, 1ère Ch., Section 1, 30 avril 1997, PAGNOL C/ Société VOG</ref>.<br />
L’exception de parodie est donc refusée à cette campagne publicitaire(4). Pourtant, le procédé consistant à transposer l’atmosphère d’un film de Pagnol dans une autre époque, en affublant les personnages d’un style moderne, crée une complicité amusée avec le créateur ; et éveille un sourire chez le spectateur. De plus, la modification de l’œuvre au profit de la publicité est par essence admirative. Cette campagne exploite l’univers de Pagnol pour promouvoir des vêtements. <br />
<br />
Cependant, le considérant est lourd de sens. Premièrement, il qualifie l’œuvre seconde de parodie « non autorisée », ce qui rappelle que toute parodie (au sens commun du terme), n’est pas légale. Il justifie ensuite sa décision par un non-respect des lois du genre. Ainsi, selon le [[tribunal de grande instance (fr)|TGI]], en plus de ne pas provoquer le rire (alors que la recherche du sourire dans la parodie est acceptée), la publicité dénature un sujet qu’elle ne traite pas. Cela semble signifier qu’il n’y avait pas de parodie possible d’un seul plan du film, en ce que l’image n’est qu’un élément du tout qui est le long-métrage. L’image demeure donc protégée en tant que reproduction partielle du film, mais ne peut pas être le support d’une prétendue parodie, en ce qu’elle n’est pas une œuvre à part entière. La parodie de Pagnol aurait nécessité la parodie du film dans son entier, permettant la reprise de (son) style, dans un but de raillerie ou d’hommage. Ce considérant aboutit à une totale immunité de l’image, dommageable pour le « néocréateur ». De plus cette exigence est absurde, puisque l’adhésion du public à la marque devait découler de l’association d’idée entre l’image projetée, et l’atmosphère travaillée par le film dans son entier. L’effigie devait par conséquent être représentative de l’œuvre intégrale.<br />
Il est envisageable que ce soit en réalité le but mercantile visé par le chenapan bien inspiré qui soit ainsi condamné. L’exploitation d’une œuvre par la publicité est souvent sanctionnée, si elle ne s’accompagne pas de la rétribution de l’auteur ou de ses ayants droit. <br />
<br />
Si une œuvre est en principe protégée indépendamment de son genre, de sa forme d’expression, de son mérite et de sa destination, sa destination publicitaire semble en l’occurrence le fondement de sa sanction. En outre, la parodie peut être sacrifiée, ou au contraire sauvée grâce à sa qualité(mérite). Cette allégation prend tout son sens au regard de la jurisprudence. En matière de parodie, l’arbitraire fait loi.<br />
<br />
Cet exemple montre bien l’insécurité juridique qui entoure le droit de parodie. Si celui-ci s’inscrit dans la liberté de création (davantage que dans la liberté d’expression), il est menacé selon l’interprétation que le juge retiendra des « lois du genre ».<br />
<br />
De même, la reproduction sur un site internet, référencé comme hebdomadaire-mensuel d’humour, de photographies illustrant des évènements dramatiques de l’actualité en y associant des légendes grossières, ne permettait pas de bénéficier de l’exception de parodie. Il s’agissait d’un cliché de trois moudjahidine en embuscade, associé à la légende « Putain, c’est lequel qu’a lâché ? »)<ref>TGI PARIS, 3ème Ch., Section 1, 13 février 2002, AFP C/ CALLOT</ref>.<br />
Il est donc évident que par respect envers le drame que peuvent connaître certaines populations, on ne peut pas rire de tout. L’inverse reviendrait peut-être à amoindrir la gravité des évènements d’actualité.<br />
<br />
==L’interdiction de nuire a l’auteur==<br />
<br />
===L’image de l’auteur===<br />
<br />
Il est ainsi logique que l’œuvre originelle ne devienne pas le support de la raillerie de son créateur. Quoi de plus dénigrant pour un auteur que de voir sa propre œuvre se retourner contre lui:« le but de la parodie ne doit pas être de nuire à l’auteur et la caricature ne doit pas porter atteinte à la personne de l’auteur"<br />
<br />
Ex : Est interdite la promotion d’un logiciel d’exploitation qui dénigre les éléments graphiques et les photos issues du magazine femina . Cependant, le but poursuivi peut rendre légitime la critique.<br />
<br />
===Les intérêts commerciaux de l’auteur===<br />
<br />
Rien ne s’oppose à l’exploitation commerciale de l’œuvre parodiante. Cela résulte peut-être du fait que les deux œuvres deviennent complètement différentes : ne pas chercher à nuire signifie dès lors ne pas chercher à profiter du sillage commercial pour bénéficier des gains qui étaient destinés à l’œuvre originelle.<br />
<br />
La transformation de l’œuvre fait que les gains de l’œuvre parodiante ne sont pas ceux qui auraient été perçus par l’auteur de l’œuvre originelle. Il n’y a donc pas d’empiètement au niveau de la rémunération ! De plus, la parodie séduira avant tout un public connaisseur de l’œuvre première. Apprécier la parodie suppose donc d’avoir pris connaissance de l’œuvre parodiée. Seuls les adeptes percevront les décalages entre les deux créations, et c’est de cette altération que naîtra le rire.<br />
<br />
On peut comparer cette exigence avec le fair use existant aux Etats-Unis : le droit de citation et le droit de parodie existent dès lors que la création de seconde main n’empiète pas sur les intérêts commerciaux de l’œuvre originelle<br />
<br />
=Les fondements de la légalité de la parodie=<br />
<br />
===Le droit au rire===<br />
<br />
Le droit à la parodie est reconnu depuis la Grèce antique(note renvoyant à la source : art d’Axel Payet). Cette exception au droit d'auteur serait ainsi justifiée par le droit au rire. Ce dernier apparaît alors comme un droit d'intérêt général, le bénéfice de tous prenant le pas sur l'intérêt individuel. Pourtant le droit d'auteur puise lui aussi ses racines dans l'intérêt général. En effet, sans droit d'auteur, point d'encouragement du créateur, et donc point de création. Le patrimoine commun en serait nécessairement appauvri. Mettre en balance ces deux droits antagonistes, en donnant la primauté au droit au rire, peut alors être légitimé par des éléments complémentaires. D’une part, la parodie est légale car elle ne parasite pas l’exploitation de l’œuvre première. D’autre part, la parodie est justifiée par le droit à la liberté d'expression.<br />
<br />
<br />
===La parodie légitimée par la transformation substantielle de l'œuvre===<br />
<br />
Le droit à la parodie, en favorisant le droit au rire, ne remet pas en cause le droit d'auteur, puisque les deux œuvres sont de fait substantiellement différentes. En plus d'être transformatrice, la parodie est souvent présentée comme grotesque, voire ridicule. Celle-ci vise par conséquent une fin toute différente de l'œuvre première. Si on devait comparer la littérature à la peinture, nous observerions que de la même façon, si le thème choisi est le même, son traitement est tout autre. Les différentes perceptions de la tour Eiffel seraient à rapprocher des différents traitements de l'œuvre littéraire. Ainsi, au lieu de retrouver l'empreinte de la personnalité de l'auteur et la sensibilité de l'œuvre première, le public découvre un registre cocasse et ubuesque. La parodie ne pourrait donc pas être associée à de la contrefaçon, en ce qu'elle se démarque à ce point de l'œuvre parodiée, qu'elle ne parasite pas la rémunération de l'œuvre première. <br />
<br />
En revanche, rien ne s’oppose à une exploitation commerciale de l’œuvre parodiante. Ainsi, la jurisprudence a admis la reproduction sur des tee-shirts d’un personnage reproduisant les traits essentiels de « Monsieur PROPRE », assortis d’une coloration rose fuschia et des indications « Mister QUEEN » et « AXEL is a real bitch », en considérant que ces adjonctions constituaient une modification essentielle destinée à démarquer le personnage caricatural de l’original, tout risque de confusion étant exclu et aucune preuve d’une intention de nuire n’étant rapportée. Le magistrat ajoute que l’usage de la parodie ou de la caricature n’est pas uniquement pour railler ou pour faire sourire, mais aussi dans l’intention essentiellement commerciale de profiter, pour vendre des tee-shirts et capter une clientèle, de la notoriété du personnage de « Monsieur PROPRE » (CA PARIS, 4ème Ch., Section A, 9 septembre 1998, Société SERI BRODE C/ PROCTER & GAMBLE France).<br />
<br />
===La parodie inscrite dans le droit à la liberté d'expression===<br />
<br />
La troisième justification de la tolérance de la parodie réside dans la liberté d'expression. En effet, selon MM. Strowel et Tulkens « l’exception de parodie apparaît comme une limitation en faveur de la libre expression » (1) et il apparaît que « les juridictions seraient plus réceptives à une exception basée sur la liberté d’expression dans le contexte de la parodie que dans d’autres situations »(2). Sous couvert de l'humour, la parodie permettrait la critique de l'œuvre première. D'abord principe général du droit, le droit à la libre expression est devenu un principe constitutionnel, depuis l'intégration de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 au bloc constitutionnel. Cependant, le paramètre critique de la parodie pose deux questions. La première réside dans la nécessité de ce paramètre critique. En d'autres termes, au vu de l'évolution du droit, et de l'inscription actuelle du droit à la parodie dans la libre expression, la parodie doit-elle être polémique pour être licite? Bien que cet élément ne fasse pas partie intégrante de la définition légale, il a pu être érigé en condition lors de certains contentieux. Une nouvelle acception de la parodie par l'usage serait alors à observer. <br />
<br />
Deuxièmement, ce côté critique semble contré par l'interdiction légale de porter atteinte à l'image de l'auteur. Comment se moquer sans indirectement lui nuire? La frontière semble mince. Elle a ainsi été raillée comme « le mythe de la parodie révérencieuse »...(3)<br />
<br />
<br />
=Saint-Tin et son ami Lou : Un contentieux actuel en attente de délibéré=<br />
<br />
Les éditions du Léopard Masqué et Démasqué ont commis une parodie romancée de Tintin. Cette parodie se calque donc sur les aventures du petit reporter, adaptées au climat géopolitique actuel. L’intention humoristique apparaît clairement au travers de l’humanisation des personnages, et des nombreux jeux de mots. <br />
<br />
Cependant, la fondation Moulinsart est connue pour être très regardante quant à l’utilisation qui est faite de Tintin. Ils ont donc poursuivi le Léopard Masqué en contrefaçon. Etant donné la légalité de la parodie indépendamment du consentement de l’auteur ou de ses ayants droit, Moulinsart a plaidé l’adaptation littéraire non parodique. Différents arguments venaient étayer leur cause. Selon eux, il ne peut y avoir de parodie d’une œuvre déjà humoristique. En effet, au regard la définition du petit Robert, la parodie est la contrefaçon ridicule d’une œuvre sérieuse. Or la jurisprudence a accepté la parodie d’un magazine lui-même parodique.<br />
<br />
Le risque de confusion semble exclu du débat. En effet, il s’agit d’un roman et non d’une bande dessinée. De plus, il a été jugé que plus l’œuvre parodiée est connue d’une large fraction du public, moins il y a un risque de confusion. Malheureusement, les couvertures se calquent beaucoup sur celles d’Hergé. Ce sont des couvertures parodiques, qui présentent les personnages dans des situations atypiques… A savoir si pour être parodiques, il n’aurait pas mieux valu que les couvertures soient…des caricatures.<br />
<br />
<br />
=Voir aussi=<br />
{{moteur (fr)|"Droit de parodie"}} <br />
{{moteur (fr)|"le droit à la parodie bafoué"}}<br />
<br />
=Notes et références=<br />
<references /></div>Asecretanhttps://www.lagbd.org/index.php?title=Droit_de_parodie_(fr)&diff=79438Droit de parodie (fr)2023-12-12T14:38:50Z<p>Asecretan : /* l’enjeu de la qualification de parodie */</p>
<hr />
<div>{{JurisPedia}}<br />
<br />
[[France]] > [[:Catégorie: Droit privé (fr)|Droit privé]] > [[:Catégorie: Propriété intellectuelle (fr)| Propriété intellectuelle]] > [[:Catégorie: Droit d'auteur (fr)| Droit d'auteur]]<br />
[[Image:fr_flag.png|framed|]]<br />
[[Catégorie:France]][[Catégorie:Droit privé (fr)]][[Catégorie:Propriété intellectuelle (fr)]][[Catégorie: Droit d'auteur (fr)]]<br />
<br />
<br />
=Le principe général : l’utilisation de l’œuvre sans accord de son auteur est illicite=<br />
<br />
Le droit d'auteur a pour vocation de protéger l’œuvre du créateur (et par là son image), ainsi que les intérêts patrimoniaux de celui-ci. Ces avantages permettent d’encourager la création. Ainsi, toute exploitation d’œuvres sans l’autorisation de leur auteur constitue un acte de contrefaçon, engageant la responsabilité civile et/ou pénale de l’auteur de l’exploitation illicite, dite contrefaisante. <br />
<br />
La contrefaçon découle en conséquence ([[CPIfr:L122-4|article L 122-4]] du [[Code de la propriété intellectuelle (fr)|Code de la propriété intellectuelle]]) de la représentation ou de la reproduction totale ou partielle de l’œuvre, sans le consentement de son auteur ou de ses [[ayant droit (fr)|ayants droit]]. Il en est de même pour le traduction de l’œuvre, son adaptation ou sa transformation par un art ou un procédé quelconque.<br />
Ainsi, dans le même sens: une adaptation de l'œuvre, même originale (c'est à dire se démarquant de l'œuvre originelle pour porter l'empreinte de la personnalité de l'adaptateur), demeure une [[contrefaçon (fr)|contrefaçon]], si celle-ci a été réalisée sans l'accord de l'auteur de l'œuvre première.<ref>[[Cour d'appel (fr)|CA]] Paris, 23 mars 1978</ref><br />
<br />
=L’exception : la tolérance de la caricature, de la parodie et du pastiche=<br />
<br />
Toutefois, l’article L 122-5 du Code de la Propriété Intellectuelle aménage certaines exceptions à ce droit exclusif de l’auteur. Il en est ainsi notamment de la parodie, le pastiche ou la caricature, dès lors que l’œuvre parodiée a été divulguée, et que la seconde respecte les lois du genre. L’utilisation du terme parodie sera ici employé pour désigner les trois genres confondus, comme domaine commun. En effet, si la cour de cassation entend faire une application distributive des trois notions (Civ. 1ère, 12 janvier 1988), leur régime est quasiment identique.<br />
<br />
<br />
== L’enjeu de la qualification de parodie==<br />
L’exploitation d’une parodie est licite, indépendamment de l’assentiment de l’auteur de l’œuvre originelle. Mais si l'exception de parodie semble claire, encore faut-il s'entendre sur la définition de la parodie. En effet, celle-ci n’a pas de définition légale. Sa licéité dépendra du respect des « lois du genre » . Ainsi, dans le langage courant, la parodie est, comme usage générique, toute œuvre seconde à visée ludique ou moqueuse.<br />
Or, bien qu’étant en partie la refonte de l’œuvre première, la parodie sort juridiquement de la qualification d’adaptation de l’œuvre parodiée. Cette opération juridique permet sa soustraction au monopole de l’auteur, et sa protection en tant qu’œuvre à part entière.<br />
Ainsi, la qualification d’une adaptation littéraire de parodie légalise son existence. La définition devient l’enjeu de maints contentieux. Il semble que l’exactitude du concept de parodie réside dans la raison d’être du droit de parodie.<br />
<br />
==la définition de la parodie==<br />
<br />
La disposition légale, énonçant la tolérance de facto de la parodie, du pastiche et de la caricature, pose la question de la signification distincte de ces trois termes. Il semble que, bien que donnant une application distributive à ces œuvres dérivées (et suivant en cela H.Desbois (H. Desbois, Le droit d’auteur en France, Dalloz, édition 1978, p. 321) : la parodie aux œuvres musicales, le pastiche aux œuvres littéraire et la caricature aux œuvres figuratives, la doctrine et la jurisprudence considèrent que celles-ci appartiennent toutes au même genre, et bénéficient donc d’une signification identique. En effet, la loi intime le respect des lois « du genre », ce qui peut être compris comme rassemblant au sein du même genre les trois concepts. Néanmoins, cette disposition peut aussi être analysée comme sollicitant le respect des lois du genre de chaque concept. Or l’enjeu sémantique est considérable, en ce que les trois termes ont bien des fondements distincts. <br />
<br />
===la caricature===<br />
La caricature, appliquée à une effigie, n’est moqueuse qu’en ce qu’elle exacerbe les traits les moins harmonieux du sujet, pour aboutir à sa déformation. L’intention humoristique est donc facile à établir, et suscite plus le sourire que le rire.<br />
<br />
===le pastiche===<br />
<br />
Pour sa part, le pastiche, d’abord appliqué à la copie d’un tableau, désigne désormais l’œuvre qui procède par imitation d’un écrivain, d’un artiste, d’un genre ou d’une école, le plus souvent à des fins parodiques. Ainsi, en plus de conserver l’exigence humoristique, qui est la base de la parodie, l’exercice du pastiche demanderait un travail « à la manière de » l’auteur pastiché. Il semble cependant que cet argument ne soit pas développé pour refuser la légalité d’une « parodie littéraire ».<br />
<br />
===la parodie===<br />
<br />
Pour certains, la parodie doit être la version satirique d’une oeuvre, dans le but de faire rire. Or la satire suppose la critique. Cependant, il semble que la notion ait évolué. N’ayant plus les mêmes besoins, on accepterait que l’appellation de parodie ne s’applique plus à la critique fondée, ms à la seule recherche du rire.(De l’art du détournement de Guy Belzane)<br />
<br />
===la dénomination générique de parodie===<br />
<br />
Ainsi, sans se soucier de ces différences conceptuelles, et désignant plus simplement la refonte comique d’une œuvre, l’exception de parodie rassemblerait les trois espèces. En effet, s’entendant de toutes façons sur la dénaturation comique d’une création, il semble étonnant de vouloir leur appliquer des conditions d’existence différentes selon le genre de l’œuvre. Dès lors qu’on s’entend sur la justification de la légalité de la parodie, une œuvre ne doit-elle pas être protégée indépendamment de son genre ? (art L112-1 CPI) <br />
<br />
Encore faut-il qu’elle respecte « les lois du genre ». C’est l’appréciation prétorienne de ces exigences qui permettra ou non la qualification salvatrice de parodie, à l’œuvre que l’on souhaite tolérer.<br />
<br />
.<br />
<br />
=Tempérament : la légalité de la parodie dépend du respect des lois du genre=<br />
<br />
D’après le code Dalloz commenté :<br />
<br />
-est une œuvre transformatrice, apporte qqch de personnel<br />
<br />
-le but poursuivi doit être, en principe, de faire sourire ou rire (aux dépens d’autrui ?) MAIS sans pour autant chercher à nuire à l’auteur. (précise procédé qui déclenche le rire !)<br />
<br />
-encore faut-il qu'il n'y ait pas de risque de confusion! <br />
<br />
En conséquence, pour bénéficier de cette exception, il est nécessaire de veiller à ce qu’en aucun cas il n’y ait confusion avec les œuvres originales, et qu’il existe une réelle intention humoristique, ne comportant aucune intention de nuire aux œuvres originales. <br />
<br />
Une œuvre transformatrice, d’où l’absence de risque de confusion<br />
Le droit à la parodie permet par conséquent à l'adaptateur la modification de l'œuvre et son exploitation commerciale, sans le consentement de l'auteur de l'œuvre originelle. Ainsi, la licéité de la parodie octroie à l’adaptateur une grande marge de liberté pour modifier l’œuvre originelle, sans risquer d’être inquiété par le droit moral de l’auteur. En effet, l’altération de l’œuvre avec une intention humoristique devient tolérable, et la parodie étant une œuvre transformatrice, le détournement est même indispensable. Cependant, le respect nécessaire des lois du genre implique qu’en plus de rechercher expressément le rire, la parodie ne doit pas nuire à l’auteur. <br />
<br />
<br />
==Une visée humoristique==<br />
<br />
C’est la poursuite d’une intention humoristique qui permet à la parodie d’échapper au monopole de l’auteur (T.com. Seine 26 juin 1934)L’intention comique de l’œuvre s’observe par son détournement ludique ou par la fin satirique. La parodie peut ainsi être un hommage adressé à l’auteur. En effet, une bonne parodie, calquée en partie sur l’œuvre originelle, suppose une bonne connaissance de celle-ci.( pastiche ???) A l’inverse, la parodie ne doit pas nuire à l’œuvre originelle. Le droit au rire est donc bien encadré. Or, en ce que le rire est subjectif, l’exigence de l’intention humoristique est à la fois la plus dangereuse… et la plus utilisée pour refuser la qualification de parodie.<br />
<br />
<br />
==Le carcan du droit au rire==<br />
<br />
A titre d’exemple, la jurisprudence a rejeté l’exception de parodie pour la reproduction dans un journal de photographies extraites de films de Marcel Pagnol, modifiées pour faire apparaître aux lieu et place des comédiens d’origine, une comédienne reprenant l’attitude des actrices et présentant des vêtements et accessoires de mode. Les juges ont considéré que ce montage ne constituait pas une parodie autorisée dès lors qu’il n’avait pas pour effet de provoquer le rire et n’imitait pas le style de Marcel Pagnol dans un but de raillerie ou d’hommage d’un sujet qu’il n’avait pas traité, mais qui avait pour but la promotion publicitaire d’articles de prêt-à-porter<ref>TGI PARIS, 1ère Ch., Section 1, 30 avril 1997, PAGNOL C/ Société VOG</ref>.<br />
L’exception de parodie est donc refusée à cette campagne publicitaire(4). Pourtant, le procédé consistant à transposer l’atmosphère d’un film de Pagnol dans une autre époque, en affublant les personnages d’un style moderne, crée une complicité amusée avec le créateur ; et éveille un sourire chez le spectateur. De plus, la modification de l’œuvre au profit de la publicité est par essence admirative. Cette campagne exploite l’univers de Pagnol pour promouvoir des vêtements. <br />
<br />
Cependant, le considérant est lourd de sens. Premièrement, il qualifie l’œuvre seconde de parodie « non autorisée », ce qui rappelle que toute parodie (au sens commun du terme), n’est pas légale. Il justifie ensuite sa décision par un non-respect des lois du genre. Ainsi, selon le [[tribunal de grande instance (fr)|TGI]], en plus de ne pas provoquer le rire (alors que la recherche du sourire dans la parodie est acceptée), la publicité dénature un sujet qu’elle ne traite pas. Cela semble signifier qu’il n’y avait pas de parodie possible d’un seul plan du film, en ce que l’image n’est qu’un élément du tout qui est le long-métrage. L’image demeure donc protégée en tant que reproduction partielle du film, mais ne peut pas être le support d’une prétendue parodie, en ce qu’elle n’est pas une œuvre à part entière. La parodie de Pagnol aurait nécessité la parodie du film dans son entier, permettant la reprise de (son) style, dans un but de raillerie ou d’hommage. Ce considérant aboutit à une totale immunité de l’image, dommageable pour le « néocréateur ». De plus cette exigence est absurde, puisque l’adhésion du public à la marque devait découler de l’association d’idée entre l’image projetée, et l’atmosphère travaillée par le film dans son entier. L’effigie devait par conséquent être représentative de l’œuvre intégrale.<br />
Il est envisageable que ce soit en réalité le but mercantile visé par le chenapan bien inspiré qui soit ainsi condamné. L’exploitation d’une œuvre par la publicité est souvent sanctionnée, si elle ne s’accompagne pas de la rétribution de l’auteur ou de ses ayants droit. <br />
<br />
Si une œuvre est en principe protégée indépendamment de son genre, de sa forme d’expression, de son mérite et de sa destination, sa destination publicitaire semble en l’occurrence le fondement de sa sanction. En outre, la parodie peut être sacrifiée, ou au contraire sauvée grâce à sa qualité(mérite). Cette allégation prend tout son sens au regard de la jurisprudence. En matière de parodie, l’arbitraire fait loi.<br />
<br />
Cet exemple montre bien l’insécurité juridique qui entoure le droit de parodie. Si celui-ci s’inscrit dans la liberté de création (davantage que dans la liberté d’expression), il est menacé selon l’interprétation que le juge retiendra des « lois du genre ».<br />
<br />
De même, la reproduction sur un site internet, référencé comme hebdomadaire-mensuel d’humour, de photographies illustrant des évènements dramatiques de l’actualité en y associant des légendes grossières, ne permettait pas de bénéficier de l’exception de parodie. Il s’agissait d’un cliché de trois moudjahidine en embuscade, associé à la légende « Putain, c’est lequel qu’a lâché ? »)<ref>TGI PARIS, 3ème Ch., Section 1, 13 février 2002, AFP C/ CALLOT</ref>.<br />
Il est donc évident que par respect envers le drame que peuvent connaître certaines populations, on ne peut pas rire de tout. L’inverse reviendrait peut-être à amoindrir la gravité des évènements d’actualité.<br />
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==L’interdiction de nuire a l’auteur==<br />
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===L’image de l’auteur===<br />
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Il est ainsi logique que l’œuvre originelle ne devienne pas le support de la raillerie de son créateur. Quoi de plus dénigrant pour un auteur que de voir sa propre œuvre se retourner contre lui:« le but de la parodie ne doit pas être de nuire à l’auteur et la caricature ne doit pas porter atteinte à la personne de l’auteur"<br />
<br />
Ex : Est interdite la promotion d’un logiciel d’exploitation qui dénigre les éléments graphiques et les photos issues du magazine femina . Cependant, le but poursuivi peut rendre légitime la critique.<br />
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===Les intérêts commerciaux de l’auteur===<br />
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Rien ne s’oppose à l’exploitation commerciale de l’œuvre parodiante. Cela résulte peut-être du fait que les deux œuvres deviennent complètement différentes : ne pas chercher à nuire signifie dès lors ne pas chercher à profiter du sillage commercial pour bénéficier des gains qui étaient destinés à l’œuvre originelle.<br />
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La transformation de l’œuvre fait que les gains de l’œuvre parodiante ne sont pas ceux qui auraient été perçus par l’auteur de l’œuvre originelle. Il n’y a donc pas d’empiètement au niveau de la rémunération ! De plus, la parodie séduira avant tout un public connaisseur de l’œuvre première. Apprécier la parodie suppose donc d’avoir pris connaissance de l’œuvre parodiée. Seuls les adeptes percevront les décalages entre les deux créations, et c’est de cette altération que naîtra le rire.<br />
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On peut comparer cette exigence avec le fair use existant aux Etats-Unis : le droit de citation et le droit de parodie existent dès lors que la création de seconde main n’empiète pas sur les intérêts commerciaux de l’œuvre originelle<br />
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=Les fondements de la légalité de la parodie=<br />
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===Le droit au rire===<br />
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Le droit à la parodie est reconnu depuis la Grèce antique(note renvoyant à la source : art d’Axel Payet). Cette exception au droit d'auteur serait ainsi justifiée par le droit au rire. Ce dernier apparaît alors comme un droit d'intérêt général, le bénéfice de tous prenant le pas sur l'intérêt individuel. Pourtant le droit d'auteur puise lui aussi ses racines dans l'intérêt général. En effet, sans droit d'auteur, point d'encouragement du créateur, et donc point de création. Le patrimoine commun en serait nécessairement appauvri. Mettre en balance ces deux droits antagonistes, en donnant la primauté au droit au rire, peut alors être légitimé par des éléments complémentaires. D’une part, la parodie est légale car elle ne parasite pas l’exploitation de l’œuvre première. D’autre part, la parodie est justifiée par le droit à la liberté d'expression.<br />
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===La parodie légitimée par la transformation substantielle de l'œuvre===<br />
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Le droit à la parodie, en favorisant le droit au rire, ne remet pas en cause le droit d'auteur, puisque les deux œuvres sont de fait substantiellement différentes. En plus d'être transformatrice, la parodie est souvent présentée comme grotesque, voire ridicule. Celle-ci vise par conséquent une fin toute différente de l'œuvre première. Si on devait comparer la littérature à la peinture, nous observerions que de la même façon, si le thème choisi est le même, son traitement est tout autre. Les différentes perceptions de la tour Eiffel seraient à rapprocher des différents traitements de l'œuvre littéraire. Ainsi, au lieu de retrouver l'empreinte de la personnalité de l'auteur et la sensibilité de l'œuvre première, le public découvre un registre cocasse et ubuesque. La parodie ne pourrait donc pas être associée à de la contrefaçon, en ce qu'elle se démarque à ce point de l'œuvre parodiée, qu'elle ne parasite pas la rémunération de l'œuvre première. <br />
<br />
En revanche, rien ne s’oppose à une exploitation commerciale de l’œuvre parodiante. Ainsi, la jurisprudence a admis la reproduction sur des tee-shirts d’un personnage reproduisant les traits essentiels de « Monsieur PROPRE », assortis d’une coloration rose fuschia et des indications « Mister QUEEN » et « AXEL is a real bitch », en considérant que ces adjonctions constituaient une modification essentielle destinée à démarquer le personnage caricatural de l’original, tout risque de confusion étant exclu et aucune preuve d’une intention de nuire n’étant rapportée. Le magistrat ajoute que l’usage de la parodie ou de la caricature n’est pas uniquement pour railler ou pour faire sourire, mais aussi dans l’intention essentiellement commerciale de profiter, pour vendre des tee-shirts et capter une clientèle, de la notoriété du personnage de « Monsieur PROPRE » (CA PARIS, 4ème Ch., Section A, 9 septembre 1998, Société SERI BRODE C/ PROCTER & GAMBLE France).<br />
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===La parodie inscrite dans le droit à la liberté d'expression===<br />
<br />
La troisième justification de la tolérance de la parodie réside dans la liberté d'expression. En effet, selon MM. Strowel et Tulkens « l’exception de parodie apparaît comme une limitation en faveur de la libre expression » (1) et il apparaît que « les juridictions seraient plus réceptives à une exception basée sur la liberté d’expression dans le contexte de la parodie que dans d’autres situations »(2). Sous couvert de l'humour, la parodie permettrait la critique de l'œuvre première. D'abord principe général du droit, le droit à la libre expression est devenu un principe constitutionnel, depuis l'intégration de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 au bloc constitutionnel. Cependant, le paramètre critique de la parodie pose deux questions. La première réside dans la nécessité de ce paramètre critique. En d'autres termes, au vu de l'évolution du droit, et de l'inscription actuelle du droit à la parodie dans la libre expression, la parodie doit-elle être polémique pour être licite? Bien que cet élément ne fasse pas partie intégrante de la définition légale, il a pu être érigé en condition lors de certains contentieux. Une nouvelle acception de la parodie par l'usage serait alors à observer. <br />
<br />
Deuxièmement, ce côté critique semble contré par l'interdiction légale de porter atteinte à l'image de l'auteur. Comment se moquer sans indirectement lui nuire? La frontière semble mince. Elle a ainsi été raillée comme « le mythe de la parodie révérencieuse »...(3)<br />
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=Saint-Tin et son ami Lou : Un contentieux actuel en attente de délibéré=<br />
<br />
Les éditions du Léopard Masqué et Démasqué ont commis une parodie romancée de Tintin. Cette parodie se calque donc sur les aventures du petit reporter, adaptées au climat géopolitique actuel. L’intention humoristique apparaît clairement au travers de l’humanisation des personnages, et des nombreux jeux de mots. <br />
<br />
Cependant, la fondation Moulinsart est connue pour être très regardante quant à l’utilisation qui est faite de Tintin. Ils ont donc poursuivi le Léopard Masqué en contrefaçon. Etant donné la légalité de la parodie indépendamment du consentement de l’auteur ou de ses ayants droit, Moulinsart a plaidé l’adaptation littéraire non parodique. Différents arguments venaient étayer leur cause. Selon eux, il ne peut y avoir de parodie d’une œuvre déjà humoristique. En effet, au regard la définition du petit Robert, la parodie est la contrefaçon ridicule d’une œuvre sérieuse. Or la jurisprudence a accepté la parodie d’un magazine lui-même parodique.<br />
<br />
Le risque de confusion semble exclu du débat. En effet, il s’agit d’un roman et non d’une bande dessinée. De plus, il a été jugé que plus l’œuvre parodiée est connue d’une large fraction du public, moins il y a un risque de confusion. Malheureusement, les couvertures se calquent beaucoup sur celles d’Hergé. Ce sont des couvertures parodiques, qui présentent les personnages dans des situations atypiques… A savoir si pour être parodiques, il n’aurait pas mieux valu que les couvertures soient…des caricatures.<br />
<br />
<br />
=Voir aussi=<br />
{{moteur (fr)|"Droit de parodie"}} <br />
{{moteur (fr)|"le droit à la parodie bafoué"}}<br />
<br />
=Notes et références=<br />
<references /></div>Asecretanhttps://www.lagbd.org/index.php?title=Droit_de_parodie_(fr)&diff=79437Droit de parodie (fr)2023-12-12T14:38:36Z<p>Asecretan : /* le carcan du droit au rire */</p>
<hr />
<div>{{JurisPedia}}<br />
<br />
[[France]] > [[:Catégorie: Droit privé (fr)|Droit privé]] > [[:Catégorie: Propriété intellectuelle (fr)| Propriété intellectuelle]] > [[:Catégorie: Droit d'auteur (fr)| Droit d'auteur]]<br />
[[Image:fr_flag.png|framed|]]<br />
[[Catégorie:France]][[Catégorie:Droit privé (fr)]][[Catégorie:Propriété intellectuelle (fr)]][[Catégorie: Droit d'auteur (fr)]]<br />
<br />
<br />
=Le principe général : l’utilisation de l’œuvre sans accord de son auteur est illicite=<br />
<br />
Le droit d'auteur a pour vocation de protéger l’œuvre du créateur (et par là son image), ainsi que les intérêts patrimoniaux de celui-ci. Ces avantages permettent d’encourager la création. Ainsi, toute exploitation d’œuvres sans l’autorisation de leur auteur constitue un acte de contrefaçon, engageant la responsabilité civile et/ou pénale de l’auteur de l’exploitation illicite, dite contrefaisante. <br />
<br />
La contrefaçon découle en conséquence ([[CPIfr:L122-4|article L 122-4]] du [[Code de la propriété intellectuelle (fr)|Code de la propriété intellectuelle]]) de la représentation ou de la reproduction totale ou partielle de l’œuvre, sans le consentement de son auteur ou de ses [[ayant droit (fr)|ayants droit]]. Il en est de même pour le traduction de l’œuvre, son adaptation ou sa transformation par un art ou un procédé quelconque.<br />
Ainsi, dans le même sens: une adaptation de l'œuvre, même originale (c'est à dire se démarquant de l'œuvre originelle pour porter l'empreinte de la personnalité de l'adaptateur), demeure une [[contrefaçon (fr)|contrefaçon]], si celle-ci a été réalisée sans l'accord de l'auteur de l'œuvre première.<ref>[[Cour d'appel (fr)|CA]] Paris, 23 mars 1978</ref><br />
<br />
=L’exception : la tolérance de la caricature, de la parodie et du pastiche=<br />
<br />
Toutefois, l’article L 122-5 du Code de la Propriété Intellectuelle aménage certaines exceptions à ce droit exclusif de l’auteur. Il en est ainsi notamment de la parodie, le pastiche ou la caricature, dès lors que l’œuvre parodiée a été divulguée, et que la seconde respecte les lois du genre. L’utilisation du terme parodie sera ici employé pour désigner les trois genres confondus, comme domaine commun. En effet, si la cour de cassation entend faire une application distributive des trois notions (Civ. 1ère, 12 janvier 1988), leur régime est quasiment identique.<br />
<br />
<br />
== l’enjeu de la qualification de parodie==<br />
L’exploitation d’une parodie est licite, indépendamment de l’assentiment de l’auteur de l’œuvre originelle. Mais si l'exception de parodie semble claire, encore faut-il s'entendre sur la définition de la parodie. En effet, celle-ci n’a pas de définition légale. Sa licéité dépendra du respect des « lois du genre » . Ainsi, dans le langage courant, la parodie est, comme usage générique, toute œuvre seconde à visée ludique ou moqueuse.<br />
Or, bien qu’étant en partie la refonte de l’œuvre première, la parodie sort juridiquement de la qualification d’adaptation de l’œuvre parodiée. Cette opération juridique permet sa soustraction au monopole de l’auteur, et sa protection en tant qu’œuvre à part entière.<br />
Ainsi, la qualification d’une adaptation littéraire de parodie légalise son existence. La définition devient l’enjeu de maints contentieux. Il semble que l’exactitude du concept de parodie réside dans la raison d’être du droit de parodie.<br />
<br />
==la définition de la parodie==<br />
<br />
La disposition légale, énonçant la tolérance de facto de la parodie, du pastiche et de la caricature, pose la question de la signification distincte de ces trois termes. Il semble que, bien que donnant une application distributive à ces œuvres dérivées (et suivant en cela H.Desbois (H. Desbois, Le droit d’auteur en France, Dalloz, édition 1978, p. 321) : la parodie aux œuvres musicales, le pastiche aux œuvres littéraire et la caricature aux œuvres figuratives, la doctrine et la jurisprudence considèrent que celles-ci appartiennent toutes au même genre, et bénéficient donc d’une signification identique. En effet, la loi intime le respect des lois « du genre », ce qui peut être compris comme rassemblant au sein du même genre les trois concepts. Néanmoins, cette disposition peut aussi être analysée comme sollicitant le respect des lois du genre de chaque concept. Or l’enjeu sémantique est considérable, en ce que les trois termes ont bien des fondements distincts. <br />
<br />
===la caricature===<br />
La caricature, appliquée à une effigie, n’est moqueuse qu’en ce qu’elle exacerbe les traits les moins harmonieux du sujet, pour aboutir à sa déformation. L’intention humoristique est donc facile à établir, et suscite plus le sourire que le rire.<br />
<br />
===le pastiche===<br />
<br />
Pour sa part, le pastiche, d’abord appliqué à la copie d’un tableau, désigne désormais l’œuvre qui procède par imitation d’un écrivain, d’un artiste, d’un genre ou d’une école, le plus souvent à des fins parodiques. Ainsi, en plus de conserver l’exigence humoristique, qui est la base de la parodie, l’exercice du pastiche demanderait un travail « à la manière de » l’auteur pastiché. Il semble cependant que cet argument ne soit pas développé pour refuser la légalité d’une « parodie littéraire ».<br />
<br />
===la parodie===<br />
<br />
Pour certains, la parodie doit être la version satirique d’une oeuvre, dans le but de faire rire. Or la satire suppose la critique. Cependant, il semble que la notion ait évolué. N’ayant plus les mêmes besoins, on accepterait que l’appellation de parodie ne s’applique plus à la critique fondée, ms à la seule recherche du rire.(De l’art du détournement de Guy Belzane)<br />
<br />
===la dénomination générique de parodie===<br />
<br />
Ainsi, sans se soucier de ces différences conceptuelles, et désignant plus simplement la refonte comique d’une œuvre, l’exception de parodie rassemblerait les trois espèces. En effet, s’entendant de toutes façons sur la dénaturation comique d’une création, il semble étonnant de vouloir leur appliquer des conditions d’existence différentes selon le genre de l’œuvre. Dès lors qu’on s’entend sur la justification de la légalité de la parodie, une œuvre ne doit-elle pas être protégée indépendamment de son genre ? (art L112-1 CPI) <br />
<br />
Encore faut-il qu’elle respecte « les lois du genre ». C’est l’appréciation prétorienne de ces exigences qui permettra ou non la qualification salvatrice de parodie, à l’œuvre que l’on souhaite tolérer.<br />
<br />
.<br />
<br />
=Tempérament : la légalité de la parodie dépend du respect des lois du genre=<br />
<br />
D’après le code Dalloz commenté :<br />
<br />
-est une œuvre transformatrice, apporte qqch de personnel<br />
<br />
-le but poursuivi doit être, en principe, de faire sourire ou rire (aux dépens d’autrui ?) MAIS sans pour autant chercher à nuire à l’auteur. (précise procédé qui déclenche le rire !)<br />
<br />
-encore faut-il qu'il n'y ait pas de risque de confusion! <br />
<br />
En conséquence, pour bénéficier de cette exception, il est nécessaire de veiller à ce qu’en aucun cas il n’y ait confusion avec les œuvres originales, et qu’il existe une réelle intention humoristique, ne comportant aucune intention de nuire aux œuvres originales. <br />
<br />
Une œuvre transformatrice, d’où l’absence de risque de confusion<br />
Le droit à la parodie permet par conséquent à l'adaptateur la modification de l'œuvre et son exploitation commerciale, sans le consentement de l'auteur de l'œuvre originelle. Ainsi, la licéité de la parodie octroie à l’adaptateur une grande marge de liberté pour modifier l’œuvre originelle, sans risquer d’être inquiété par le droit moral de l’auteur. En effet, l’altération de l’œuvre avec une intention humoristique devient tolérable, et la parodie étant une œuvre transformatrice, le détournement est même indispensable. Cependant, le respect nécessaire des lois du genre implique qu’en plus de rechercher expressément le rire, la parodie ne doit pas nuire à l’auteur. <br />
<br />
<br />
==Une visée humoristique==<br />
<br />
C’est la poursuite d’une intention humoristique qui permet à la parodie d’échapper au monopole de l’auteur (T.com. Seine 26 juin 1934)L’intention comique de l’œuvre s’observe par son détournement ludique ou par la fin satirique. La parodie peut ainsi être un hommage adressé à l’auteur. En effet, une bonne parodie, calquée en partie sur l’œuvre originelle, suppose une bonne connaissance de celle-ci.( pastiche ???) A l’inverse, la parodie ne doit pas nuire à l’œuvre originelle. Le droit au rire est donc bien encadré. Or, en ce que le rire est subjectif, l’exigence de l’intention humoristique est à la fois la plus dangereuse… et la plus utilisée pour refuser la qualification de parodie.<br />
<br />
<br />
==Le carcan du droit au rire==<br />
<br />
A titre d’exemple, la jurisprudence a rejeté l’exception de parodie pour la reproduction dans un journal de photographies extraites de films de Marcel Pagnol, modifiées pour faire apparaître aux lieu et place des comédiens d’origine, une comédienne reprenant l’attitude des actrices et présentant des vêtements et accessoires de mode. Les juges ont considéré que ce montage ne constituait pas une parodie autorisée dès lors qu’il n’avait pas pour effet de provoquer le rire et n’imitait pas le style de Marcel Pagnol dans un but de raillerie ou d’hommage d’un sujet qu’il n’avait pas traité, mais qui avait pour but la promotion publicitaire d’articles de prêt-à-porter<ref>TGI PARIS, 1ère Ch., Section 1, 30 avril 1997, PAGNOL C/ Société VOG</ref>.<br />
L’exception de parodie est donc refusée à cette campagne publicitaire(4). Pourtant, le procédé consistant à transposer l’atmosphère d’un film de Pagnol dans une autre époque, en affublant les personnages d’un style moderne, crée une complicité amusée avec le créateur ; et éveille un sourire chez le spectateur. De plus, la modification de l’œuvre au profit de la publicité est par essence admirative. Cette campagne exploite l’univers de Pagnol pour promouvoir des vêtements. <br />
<br />
Cependant, le considérant est lourd de sens. Premièrement, il qualifie l’œuvre seconde de parodie « non autorisée », ce qui rappelle que toute parodie (au sens commun du terme), n’est pas légale. Il justifie ensuite sa décision par un non-respect des lois du genre. Ainsi, selon le [[tribunal de grande instance (fr)|TGI]], en plus de ne pas provoquer le rire (alors que la recherche du sourire dans la parodie est acceptée), la publicité dénature un sujet qu’elle ne traite pas. Cela semble signifier qu’il n’y avait pas de parodie possible d’un seul plan du film, en ce que l’image n’est qu’un élément du tout qui est le long-métrage. L’image demeure donc protégée en tant que reproduction partielle du film, mais ne peut pas être le support d’une prétendue parodie, en ce qu’elle n’est pas une œuvre à part entière. La parodie de Pagnol aurait nécessité la parodie du film dans son entier, permettant la reprise de (son) style, dans un but de raillerie ou d’hommage. Ce considérant aboutit à une totale immunité de l’image, dommageable pour le « néocréateur ». De plus cette exigence est absurde, puisque l’adhésion du public à la marque devait découler de l’association d’idée entre l’image projetée, et l’atmosphère travaillée par le film dans son entier. L’effigie devait par conséquent être représentative de l’œuvre intégrale.<br />
Il est envisageable que ce soit en réalité le but mercantile visé par le chenapan bien inspiré qui soit ainsi condamné. L’exploitation d’une œuvre par la publicité est souvent sanctionnée, si elle ne s’accompagne pas de la rétribution de l’auteur ou de ses ayants droit. <br />
<br />
Si une œuvre est en principe protégée indépendamment de son genre, de sa forme d’expression, de son mérite et de sa destination, sa destination publicitaire semble en l’occurrence le fondement de sa sanction. En outre, la parodie peut être sacrifiée, ou au contraire sauvée grâce à sa qualité(mérite). Cette allégation prend tout son sens au regard de la jurisprudence. En matière de parodie, l’arbitraire fait loi.<br />
<br />
Cet exemple montre bien l’insécurité juridique qui entoure le droit de parodie. Si celui-ci s’inscrit dans la liberté de création (davantage que dans la liberté d’expression), il est menacé selon l’interprétation que le juge retiendra des « lois du genre ».<br />
<br />
De même, la reproduction sur un site internet, référencé comme hebdomadaire-mensuel d’humour, de photographies illustrant des évènements dramatiques de l’actualité en y associant des légendes grossières, ne permettait pas de bénéficier de l’exception de parodie. Il s’agissait d’un cliché de trois moudjahidine en embuscade, associé à la légende « Putain, c’est lequel qu’a lâché ? »)<ref>TGI PARIS, 3ème Ch., Section 1, 13 février 2002, AFP C/ CALLOT</ref>.<br />
Il est donc évident que par respect envers le drame que peuvent connaître certaines populations, on ne peut pas rire de tout. L’inverse reviendrait peut-être à amoindrir la gravité des évènements d’actualité.<br />
<br />
==L’interdiction de nuire a l’auteur==<br />
<br />
===L’image de l’auteur===<br />
<br />
Il est ainsi logique que l’œuvre originelle ne devienne pas le support de la raillerie de son créateur. Quoi de plus dénigrant pour un auteur que de voir sa propre œuvre se retourner contre lui:« le but de la parodie ne doit pas être de nuire à l’auteur et la caricature ne doit pas porter atteinte à la personne de l’auteur"<br />
<br />
Ex : Est interdite la promotion d’un logiciel d’exploitation qui dénigre les éléments graphiques et les photos issues du magazine femina . Cependant, le but poursuivi peut rendre légitime la critique.<br />
<br />
===Les intérêts commerciaux de l’auteur===<br />
<br />
Rien ne s’oppose à l’exploitation commerciale de l’œuvre parodiante. Cela résulte peut-être du fait que les deux œuvres deviennent complètement différentes : ne pas chercher à nuire signifie dès lors ne pas chercher à profiter du sillage commercial pour bénéficier des gains qui étaient destinés à l’œuvre originelle.<br />
<br />
La transformation de l’œuvre fait que les gains de l’œuvre parodiante ne sont pas ceux qui auraient été perçus par l’auteur de l’œuvre originelle. Il n’y a donc pas d’empiètement au niveau de la rémunération ! De plus, la parodie séduira avant tout un public connaisseur de l’œuvre première. Apprécier la parodie suppose donc d’avoir pris connaissance de l’œuvre parodiée. Seuls les adeptes percevront les décalages entre les deux créations, et c’est de cette altération que naîtra le rire.<br />
<br />
On peut comparer cette exigence avec le fair use existant aux Etats-Unis : le droit de citation et le droit de parodie existent dès lors que la création de seconde main n’empiète pas sur les intérêts commerciaux de l’œuvre originelle<br />
<br />
=Les fondements de la légalité de la parodie=<br />
<br />
===Le droit au rire===<br />
<br />
Le droit à la parodie est reconnu depuis la Grèce antique(note renvoyant à la source : art d’Axel Payet). Cette exception au droit d'auteur serait ainsi justifiée par le droit au rire. Ce dernier apparaît alors comme un droit d'intérêt général, le bénéfice de tous prenant le pas sur l'intérêt individuel. Pourtant le droit d'auteur puise lui aussi ses racines dans l'intérêt général. En effet, sans droit d'auteur, point d'encouragement du créateur, et donc point de création. Le patrimoine commun en serait nécessairement appauvri. Mettre en balance ces deux droits antagonistes, en donnant la primauté au droit au rire, peut alors être légitimé par des éléments complémentaires. D’une part, la parodie est légale car elle ne parasite pas l’exploitation de l’œuvre première. D’autre part, la parodie est justifiée par le droit à la liberté d'expression.<br />
<br />
<br />
===La parodie légitimée par la transformation substantielle de l'œuvre===<br />
<br />
Le droit à la parodie, en favorisant le droit au rire, ne remet pas en cause le droit d'auteur, puisque les deux œuvres sont de fait substantiellement différentes. En plus d'être transformatrice, la parodie est souvent présentée comme grotesque, voire ridicule. Celle-ci vise par conséquent une fin toute différente de l'œuvre première. Si on devait comparer la littérature à la peinture, nous observerions que de la même façon, si le thème choisi est le même, son traitement est tout autre. Les différentes perceptions de la tour Eiffel seraient à rapprocher des différents traitements de l'œuvre littéraire. Ainsi, au lieu de retrouver l'empreinte de la personnalité de l'auteur et la sensibilité de l'œuvre première, le public découvre un registre cocasse et ubuesque. La parodie ne pourrait donc pas être associée à de la contrefaçon, en ce qu'elle se démarque à ce point de l'œuvre parodiée, qu'elle ne parasite pas la rémunération de l'œuvre première. <br />
<br />
En revanche, rien ne s’oppose à une exploitation commerciale de l’œuvre parodiante. Ainsi, la jurisprudence a admis la reproduction sur des tee-shirts d’un personnage reproduisant les traits essentiels de « Monsieur PROPRE », assortis d’une coloration rose fuschia et des indications « Mister QUEEN » et « AXEL is a real bitch », en considérant que ces adjonctions constituaient une modification essentielle destinée à démarquer le personnage caricatural de l’original, tout risque de confusion étant exclu et aucune preuve d’une intention de nuire n’étant rapportée. Le magistrat ajoute que l’usage de la parodie ou de la caricature n’est pas uniquement pour railler ou pour faire sourire, mais aussi dans l’intention essentiellement commerciale de profiter, pour vendre des tee-shirts et capter une clientèle, de la notoriété du personnage de « Monsieur PROPRE » (CA PARIS, 4ème Ch., Section A, 9 septembre 1998, Société SERI BRODE C/ PROCTER & GAMBLE France).<br />
<br />
===La parodie inscrite dans le droit à la liberté d'expression===<br />
<br />
La troisième justification de la tolérance de la parodie réside dans la liberté d'expression. En effet, selon MM. Strowel et Tulkens « l’exception de parodie apparaît comme une limitation en faveur de la libre expression » (1) et il apparaît que « les juridictions seraient plus réceptives à une exception basée sur la liberté d’expression dans le contexte de la parodie que dans d’autres situations »(2). Sous couvert de l'humour, la parodie permettrait la critique de l'œuvre première. D'abord principe général du droit, le droit à la libre expression est devenu un principe constitutionnel, depuis l'intégration de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 au bloc constitutionnel. Cependant, le paramètre critique de la parodie pose deux questions. La première réside dans la nécessité de ce paramètre critique. En d'autres termes, au vu de l'évolution du droit, et de l'inscription actuelle du droit à la parodie dans la libre expression, la parodie doit-elle être polémique pour être licite? Bien que cet élément ne fasse pas partie intégrante de la définition légale, il a pu être érigé en condition lors de certains contentieux. Une nouvelle acception de la parodie par l'usage serait alors à observer. <br />
<br />
Deuxièmement, ce côté critique semble contré par l'interdiction légale de porter atteinte à l'image de l'auteur. Comment se moquer sans indirectement lui nuire? La frontière semble mince. Elle a ainsi été raillée comme « le mythe de la parodie révérencieuse »...(3)<br />
<br />
<br />
=Saint-Tin et son ami Lou : Un contentieux actuel en attente de délibéré=<br />
<br />
Les éditions du Léopard Masqué et Démasqué ont commis une parodie romancée de Tintin. Cette parodie se calque donc sur les aventures du petit reporter, adaptées au climat géopolitique actuel. L’intention humoristique apparaît clairement au travers de l’humanisation des personnages, et des nombreux jeux de mots. <br />
<br />
Cependant, la fondation Moulinsart est connue pour être très regardante quant à l’utilisation qui est faite de Tintin. Ils ont donc poursuivi le Léopard Masqué en contrefaçon. Etant donné la légalité de la parodie indépendamment du consentement de l’auteur ou de ses ayants droit, Moulinsart a plaidé l’adaptation littéraire non parodique. Différents arguments venaient étayer leur cause. Selon eux, il ne peut y avoir de parodie d’une œuvre déjà humoristique. En effet, au regard la définition du petit Robert, la parodie est la contrefaçon ridicule d’une œuvre sérieuse. Or la jurisprudence a accepté la parodie d’un magazine lui-même parodique.<br />
<br />
Le risque de confusion semble exclu du débat. En effet, il s’agit d’un roman et non d’une bande dessinée. De plus, il a été jugé que plus l’œuvre parodiée est connue d’une large fraction du public, moins il y a un risque de confusion. Malheureusement, les couvertures se calquent beaucoup sur celles d’Hergé. Ce sont des couvertures parodiques, qui présentent les personnages dans des situations atypiques… A savoir si pour être parodiques, il n’aurait pas mieux valu que les couvertures soient…des caricatures.<br />
<br />
<br />
=Voir aussi=<br />
{{moteur (fr)|"Droit de parodie"}} <br />
{{moteur (fr)|"le droit à la parodie bafoué"}}<br />
<br />
=Notes et références=<br />
<references /></div>Asecretanhttps://www.lagbd.org/index.php?title=Droit_de_parodie_(fr)&diff=79436Droit de parodie (fr)2023-12-12T14:38:21Z<p>Asecretan : /* Tempérament : La légalité de la parodie dépend du respect des lois du genre */</p>
<hr />
<div>{{JurisPedia}}<br />
<br />
[[France]] > [[:Catégorie: Droit privé (fr)|Droit privé]] > [[:Catégorie: Propriété intellectuelle (fr)| Propriété intellectuelle]] > [[:Catégorie: Droit d'auteur (fr)| Droit d'auteur]]<br />
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[[Catégorie:France]][[Catégorie:Droit privé (fr)]][[Catégorie:Propriété intellectuelle (fr)]][[Catégorie: Droit d'auteur (fr)]]<br />
<br />
<br />
=Le principe général : l’utilisation de l’œuvre sans accord de son auteur est illicite=<br />
<br />
Le droit d'auteur a pour vocation de protéger l’œuvre du créateur (et par là son image), ainsi que les intérêts patrimoniaux de celui-ci. Ces avantages permettent d’encourager la création. Ainsi, toute exploitation d’œuvres sans l’autorisation de leur auteur constitue un acte de contrefaçon, engageant la responsabilité civile et/ou pénale de l’auteur de l’exploitation illicite, dite contrefaisante. <br />
<br />
La contrefaçon découle en conséquence ([[CPIfr:L122-4|article L 122-4]] du [[Code de la propriété intellectuelle (fr)|Code de la propriété intellectuelle]]) de la représentation ou de la reproduction totale ou partielle de l’œuvre, sans le consentement de son auteur ou de ses [[ayant droit (fr)|ayants droit]]. Il en est de même pour le traduction de l’œuvre, son adaptation ou sa transformation par un art ou un procédé quelconque.<br />
Ainsi, dans le même sens: une adaptation de l'œuvre, même originale (c'est à dire se démarquant de l'œuvre originelle pour porter l'empreinte de la personnalité de l'adaptateur), demeure une [[contrefaçon (fr)|contrefaçon]], si celle-ci a été réalisée sans l'accord de l'auteur de l'œuvre première.<ref>[[Cour d'appel (fr)|CA]] Paris, 23 mars 1978</ref><br />
<br />
=L’exception : la tolérance de la caricature, de la parodie et du pastiche=<br />
<br />
Toutefois, l’article L 122-5 du Code de la Propriété Intellectuelle aménage certaines exceptions à ce droit exclusif de l’auteur. Il en est ainsi notamment de la parodie, le pastiche ou la caricature, dès lors que l’œuvre parodiée a été divulguée, et que la seconde respecte les lois du genre. L’utilisation du terme parodie sera ici employé pour désigner les trois genres confondus, comme domaine commun. En effet, si la cour de cassation entend faire une application distributive des trois notions (Civ. 1ère, 12 janvier 1988), leur régime est quasiment identique.<br />
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== l’enjeu de la qualification de parodie==<br />
L’exploitation d’une parodie est licite, indépendamment de l’assentiment de l’auteur de l’œuvre originelle. Mais si l'exception de parodie semble claire, encore faut-il s'entendre sur la définition de la parodie. En effet, celle-ci n’a pas de définition légale. Sa licéité dépendra du respect des « lois du genre » . Ainsi, dans le langage courant, la parodie est, comme usage générique, toute œuvre seconde à visée ludique ou moqueuse.<br />
Or, bien qu’étant en partie la refonte de l’œuvre première, la parodie sort juridiquement de la qualification d’adaptation de l’œuvre parodiée. Cette opération juridique permet sa soustraction au monopole de l’auteur, et sa protection en tant qu’œuvre à part entière.<br />
Ainsi, la qualification d’une adaptation littéraire de parodie légalise son existence. La définition devient l’enjeu de maints contentieux. Il semble que l’exactitude du concept de parodie réside dans la raison d’être du droit de parodie.<br />
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==la définition de la parodie==<br />
<br />
La disposition légale, énonçant la tolérance de facto de la parodie, du pastiche et de la caricature, pose la question de la signification distincte de ces trois termes. Il semble que, bien que donnant une application distributive à ces œuvres dérivées (et suivant en cela H.Desbois (H. Desbois, Le droit d’auteur en France, Dalloz, édition 1978, p. 321) : la parodie aux œuvres musicales, le pastiche aux œuvres littéraire et la caricature aux œuvres figuratives, la doctrine et la jurisprudence considèrent que celles-ci appartiennent toutes au même genre, et bénéficient donc d’une signification identique. En effet, la loi intime le respect des lois « du genre », ce qui peut être compris comme rassemblant au sein du même genre les trois concepts. Néanmoins, cette disposition peut aussi être analysée comme sollicitant le respect des lois du genre de chaque concept. Or l’enjeu sémantique est considérable, en ce que les trois termes ont bien des fondements distincts. <br />
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===la caricature===<br />
La caricature, appliquée à une effigie, n’est moqueuse qu’en ce qu’elle exacerbe les traits les moins harmonieux du sujet, pour aboutir à sa déformation. L’intention humoristique est donc facile à établir, et suscite plus le sourire que le rire.<br />
<br />
===le pastiche===<br />
<br />
Pour sa part, le pastiche, d’abord appliqué à la copie d’un tableau, désigne désormais l’œuvre qui procède par imitation d’un écrivain, d’un artiste, d’un genre ou d’une école, le plus souvent à des fins parodiques. Ainsi, en plus de conserver l’exigence humoristique, qui est la base de la parodie, l’exercice du pastiche demanderait un travail « à la manière de » l’auteur pastiché. Il semble cependant que cet argument ne soit pas développé pour refuser la légalité d’une « parodie littéraire ».<br />
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===la parodie===<br />
<br />
Pour certains, la parodie doit être la version satirique d’une oeuvre, dans le but de faire rire. Or la satire suppose la critique. Cependant, il semble que la notion ait évolué. N’ayant plus les mêmes besoins, on accepterait que l’appellation de parodie ne s’applique plus à la critique fondée, ms à la seule recherche du rire.(De l’art du détournement de Guy Belzane)<br />
<br />
===la dénomination générique de parodie===<br />
<br />
Ainsi, sans se soucier de ces différences conceptuelles, et désignant plus simplement la refonte comique d’une œuvre, l’exception de parodie rassemblerait les trois espèces. En effet, s’entendant de toutes façons sur la dénaturation comique d’une création, il semble étonnant de vouloir leur appliquer des conditions d’existence différentes selon le genre de l’œuvre. Dès lors qu’on s’entend sur la justification de la légalité de la parodie, une œuvre ne doit-elle pas être protégée indépendamment de son genre ? (art L112-1 CPI) <br />
<br />
Encore faut-il qu’elle respecte « les lois du genre ». C’est l’appréciation prétorienne de ces exigences qui permettra ou non la qualification salvatrice de parodie, à l’œuvre que l’on souhaite tolérer.<br />
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=Tempérament : la légalité de la parodie dépend du respect des lois du genre=<br />
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D’après le code Dalloz commenté :<br />
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-est une œuvre transformatrice, apporte qqch de personnel<br />
<br />
-le but poursuivi doit être, en principe, de faire sourire ou rire (aux dépens d’autrui ?) MAIS sans pour autant chercher à nuire à l’auteur. (précise procédé qui déclenche le rire !)<br />
<br />
-encore faut-il qu'il n'y ait pas de risque de confusion! <br />
<br />
En conséquence, pour bénéficier de cette exception, il est nécessaire de veiller à ce qu’en aucun cas il n’y ait confusion avec les œuvres originales, et qu’il existe une réelle intention humoristique, ne comportant aucune intention de nuire aux œuvres originales. <br />
<br />
Une œuvre transformatrice, d’où l’absence de risque de confusion<br />
Le droit à la parodie permet par conséquent à l'adaptateur la modification de l'œuvre et son exploitation commerciale, sans le consentement de l'auteur de l'œuvre originelle. Ainsi, la licéité de la parodie octroie à l’adaptateur une grande marge de liberté pour modifier l’œuvre originelle, sans risquer d’être inquiété par le droit moral de l’auteur. En effet, l’altération de l’œuvre avec une intention humoristique devient tolérable, et la parodie étant une œuvre transformatrice, le détournement est même indispensable. Cependant, le respect nécessaire des lois du genre implique qu’en plus de rechercher expressément le rire, la parodie ne doit pas nuire à l’auteur. <br />
<br />
<br />
==Une visée humoristique==<br />
<br />
C’est la poursuite d’une intention humoristique qui permet à la parodie d’échapper au monopole de l’auteur (T.com. Seine 26 juin 1934)L’intention comique de l’œuvre s’observe par son détournement ludique ou par la fin satirique. La parodie peut ainsi être un hommage adressé à l’auteur. En effet, une bonne parodie, calquée en partie sur l’œuvre originelle, suppose une bonne connaissance de celle-ci.( pastiche ???) A l’inverse, la parodie ne doit pas nuire à l’œuvre originelle. Le droit au rire est donc bien encadré. Or, en ce que le rire est subjectif, l’exigence de l’intention humoristique est à la fois la plus dangereuse… et la plus utilisée pour refuser la qualification de parodie.<br />
<br />
<br />
==le carcan du droit au rire==<br />
<br />
A titre d’exemple, la jurisprudence a rejeté l’exception de parodie pour la reproduction dans un journal de photographies extraites de films de Marcel Pagnol, modifiées pour faire apparaître aux lieu et place des comédiens d’origine, une comédienne reprenant l’attitude des actrices et présentant des vêtements et accessoires de mode. Les juges ont considéré que ce montage ne constituait pas une parodie autorisée dès lors qu’il n’avait pas pour effet de provoquer le rire et n’imitait pas le style de Marcel Pagnol dans un but de raillerie ou d’hommage d’un sujet qu’il n’avait pas traité, mais qui avait pour but la promotion publicitaire d’articles de prêt-à-porter<ref>TGI PARIS, 1ère Ch., Section 1, 30 avril 1997, PAGNOL C/ Société VOG</ref>.<br />
L’exception de parodie est donc refusée à cette campagne publicitaire(4). Pourtant, le procédé consistant à transposer l’atmosphère d’un film de Pagnol dans une autre époque, en affublant les personnages d’un style moderne, crée une complicité amusée avec le créateur ; et éveille un sourire chez le spectateur. De plus, la modification de l’œuvre au profit de la publicité est par essence admirative. Cette campagne exploite l’univers de Pagnol pour promouvoir des vêtements. <br />
<br />
Cependant, le considérant est lourd de sens. Premièrement, il qualifie l’œuvre seconde de parodie « non autorisée », ce qui rappelle que toute parodie (au sens commun du terme), n’est pas légale. Il justifie ensuite sa décision par un non-respect des lois du genre. Ainsi, selon le [[tribunal de grande instance (fr)|TGI]], en plus de ne pas provoquer le rire (alors que la recherche du sourire dans la parodie est acceptée), la publicité dénature un sujet qu’elle ne traite pas. Cela semble signifier qu’il n’y avait pas de parodie possible d’un seul plan du film, en ce que l’image n’est qu’un élément du tout qui est le long-métrage. L’image demeure donc protégée en tant que reproduction partielle du film, mais ne peut pas être le support d’une prétendue parodie, en ce qu’elle n’est pas une œuvre à part entière. La parodie de Pagnol aurait nécessité la parodie du film dans son entier, permettant la reprise de (son) style, dans un but de raillerie ou d’hommage. Ce considérant aboutit à une totale immunité de l’image, dommageable pour le « néocréateur ». De plus cette exigence est absurde, puisque l’adhésion du public à la marque devait découler de l’association d’idée entre l’image projetée, et l’atmosphère travaillée par le film dans son entier. L’effigie devait par conséquent être représentative de l’œuvre intégrale.<br />
Il est envisageable que ce soit en réalité le but mercantile visé par le chenapan bien inspiré qui soit ainsi condamné. L’exploitation d’une œuvre par la publicité est souvent sanctionnée, si elle ne s’accompagne pas de la rétribution de l’auteur ou de ses ayants droit. <br />
<br />
Si une œuvre est en principe protégée indépendamment de son genre, de sa forme d’expression, de son mérite et de sa destination, sa destination publicitaire semble en l’occurrence le fondement de sa sanction. En outre, la parodie peut être sacrifiée, ou au contraire sauvée grâce à sa qualité(mérite). Cette allégation prend tout son sens au regard de la jurisprudence. En matière de parodie, l’arbitraire fait loi.<br />
<br />
Cet exemple montre bien l’insécurité juridique qui entoure le droit de parodie. Si celui-ci s’inscrit dans la liberté de création (davantage que dans la liberté d’expression), il est menacé selon l’interprétation que le juge retiendra des « lois du genre ».<br />
<br />
De même, la reproduction sur un site internet, référencé comme hebdomadaire-mensuel d’humour, de photographies illustrant des évènements dramatiques de l’actualité en y associant des légendes grossières, ne permettait pas de bénéficier de l’exception de parodie. Il s’agissait d’un cliché de trois moudjahidine en embuscade, associé à la légende « Putain, c’est lequel qu’a lâché ? »)<ref>TGI PARIS, 3ème Ch., Section 1, 13 février 2002, AFP C/ CALLOT</ref>.<br />
Il est donc évident que par respect envers le drame que peuvent connaître certaines populations, on ne peut pas rire de tout. L’inverse reviendrait peut-être à amoindrir la gravité des évènements d’actualité.<br />
<br />
==L’interdiction de nuire a l’auteur==<br />
<br />
===L’image de l’auteur===<br />
<br />
Il est ainsi logique que l’œuvre originelle ne devienne pas le support de la raillerie de son créateur. Quoi de plus dénigrant pour un auteur que de voir sa propre œuvre se retourner contre lui:« le but de la parodie ne doit pas être de nuire à l’auteur et la caricature ne doit pas porter atteinte à la personne de l’auteur"<br />
<br />
Ex : Est interdite la promotion d’un logiciel d’exploitation qui dénigre les éléments graphiques et les photos issues du magazine femina . Cependant, le but poursuivi peut rendre légitime la critique.<br />
<br />
===Les intérêts commerciaux de l’auteur===<br />
<br />
Rien ne s’oppose à l’exploitation commerciale de l’œuvre parodiante. Cela résulte peut-être du fait que les deux œuvres deviennent complètement différentes : ne pas chercher à nuire signifie dès lors ne pas chercher à profiter du sillage commercial pour bénéficier des gains qui étaient destinés à l’œuvre originelle.<br />
<br />
La transformation de l’œuvre fait que les gains de l’œuvre parodiante ne sont pas ceux qui auraient été perçus par l’auteur de l’œuvre originelle. Il n’y a donc pas d’empiètement au niveau de la rémunération ! De plus, la parodie séduira avant tout un public connaisseur de l’œuvre première. Apprécier la parodie suppose donc d’avoir pris connaissance de l’œuvre parodiée. Seuls les adeptes percevront les décalages entre les deux créations, et c’est de cette altération que naîtra le rire.<br />
<br />
On peut comparer cette exigence avec le fair use existant aux Etats-Unis : le droit de citation et le droit de parodie existent dès lors que la création de seconde main n’empiète pas sur les intérêts commerciaux de l’œuvre originelle<br />
<br />
=Les fondements de la légalité de la parodie=<br />
<br />
===Le droit au rire===<br />
<br />
Le droit à la parodie est reconnu depuis la Grèce antique(note renvoyant à la source : art d’Axel Payet). Cette exception au droit d'auteur serait ainsi justifiée par le droit au rire. Ce dernier apparaît alors comme un droit d'intérêt général, le bénéfice de tous prenant le pas sur l'intérêt individuel. Pourtant le droit d'auteur puise lui aussi ses racines dans l'intérêt général. En effet, sans droit d'auteur, point d'encouragement du créateur, et donc point de création. Le patrimoine commun en serait nécessairement appauvri. Mettre en balance ces deux droits antagonistes, en donnant la primauté au droit au rire, peut alors être légitimé par des éléments complémentaires. D’une part, la parodie est légale car elle ne parasite pas l’exploitation de l’œuvre première. D’autre part, la parodie est justifiée par le droit à la liberté d'expression.<br />
<br />
<br />
===La parodie légitimée par la transformation substantielle de l'œuvre===<br />
<br />
Le droit à la parodie, en favorisant le droit au rire, ne remet pas en cause le droit d'auteur, puisque les deux œuvres sont de fait substantiellement différentes. En plus d'être transformatrice, la parodie est souvent présentée comme grotesque, voire ridicule. Celle-ci vise par conséquent une fin toute différente de l'œuvre première. Si on devait comparer la littérature à la peinture, nous observerions que de la même façon, si le thème choisi est le même, son traitement est tout autre. Les différentes perceptions de la tour Eiffel seraient à rapprocher des différents traitements de l'œuvre littéraire. Ainsi, au lieu de retrouver l'empreinte de la personnalité de l'auteur et la sensibilité de l'œuvre première, le public découvre un registre cocasse et ubuesque. La parodie ne pourrait donc pas être associée à de la contrefaçon, en ce qu'elle se démarque à ce point de l'œuvre parodiée, qu'elle ne parasite pas la rémunération de l'œuvre première. <br />
<br />
En revanche, rien ne s’oppose à une exploitation commerciale de l’œuvre parodiante. Ainsi, la jurisprudence a admis la reproduction sur des tee-shirts d’un personnage reproduisant les traits essentiels de « Monsieur PROPRE », assortis d’une coloration rose fuschia et des indications « Mister QUEEN » et « AXEL is a real bitch », en considérant que ces adjonctions constituaient une modification essentielle destinée à démarquer le personnage caricatural de l’original, tout risque de confusion étant exclu et aucune preuve d’une intention de nuire n’étant rapportée. Le magistrat ajoute que l’usage de la parodie ou de la caricature n’est pas uniquement pour railler ou pour faire sourire, mais aussi dans l’intention essentiellement commerciale de profiter, pour vendre des tee-shirts et capter une clientèle, de la notoriété du personnage de « Monsieur PROPRE » (CA PARIS, 4ème Ch., Section A, 9 septembre 1998, Société SERI BRODE C/ PROCTER & GAMBLE France).<br />
<br />
===La parodie inscrite dans le droit à la liberté d'expression===<br />
<br />
La troisième justification de la tolérance de la parodie réside dans la liberté d'expression. En effet, selon MM. Strowel et Tulkens « l’exception de parodie apparaît comme une limitation en faveur de la libre expression » (1) et il apparaît que « les juridictions seraient plus réceptives à une exception basée sur la liberté d’expression dans le contexte de la parodie que dans d’autres situations »(2). Sous couvert de l'humour, la parodie permettrait la critique de l'œuvre première. D'abord principe général du droit, le droit à la libre expression est devenu un principe constitutionnel, depuis l'intégration de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 au bloc constitutionnel. Cependant, le paramètre critique de la parodie pose deux questions. La première réside dans la nécessité de ce paramètre critique. En d'autres termes, au vu de l'évolution du droit, et de l'inscription actuelle du droit à la parodie dans la libre expression, la parodie doit-elle être polémique pour être licite? Bien que cet élément ne fasse pas partie intégrante de la définition légale, il a pu être érigé en condition lors de certains contentieux. Une nouvelle acception de la parodie par l'usage serait alors à observer. <br />
<br />
Deuxièmement, ce côté critique semble contré par l'interdiction légale de porter atteinte à l'image de l'auteur. Comment se moquer sans indirectement lui nuire? La frontière semble mince. Elle a ainsi été raillée comme « le mythe de la parodie révérencieuse »...(3)<br />
<br />
<br />
=Saint-Tin et son ami Lou : Un contentieux actuel en attente de délibéré=<br />
<br />
Les éditions du Léopard Masqué et Démasqué ont commis une parodie romancée de Tintin. Cette parodie se calque donc sur les aventures du petit reporter, adaptées au climat géopolitique actuel. L’intention humoristique apparaît clairement au travers de l’humanisation des personnages, et des nombreux jeux de mots. <br />
<br />
Cependant, la fondation Moulinsart est connue pour être très regardante quant à l’utilisation qui est faite de Tintin. Ils ont donc poursuivi le Léopard Masqué en contrefaçon. Etant donné la légalité de la parodie indépendamment du consentement de l’auteur ou de ses ayants droit, Moulinsart a plaidé l’adaptation littéraire non parodique. Différents arguments venaient étayer leur cause. Selon eux, il ne peut y avoir de parodie d’une œuvre déjà humoristique. En effet, au regard la définition du petit Robert, la parodie est la contrefaçon ridicule d’une œuvre sérieuse. Or la jurisprudence a accepté la parodie d’un magazine lui-même parodique.<br />
<br />
Le risque de confusion semble exclu du débat. En effet, il s’agit d’un roman et non d’une bande dessinée. De plus, il a été jugé que plus l’œuvre parodiée est connue d’une large fraction du public, moins il y a un risque de confusion. Malheureusement, les couvertures se calquent beaucoup sur celles d’Hergé. Ce sont des couvertures parodiques, qui présentent les personnages dans des situations atypiques… A savoir si pour être parodiques, il n’aurait pas mieux valu que les couvertures soient…des caricatures.<br />
<br />
<br />
=Voir aussi=<br />
{{moteur (fr)|"Droit de parodie"}} <br />
{{moteur (fr)|"le droit à la parodie bafoué"}}<br />
<br />
=Notes et références=<br />
<references /></div>Asecretanhttps://www.lagbd.org/index.php?title=Droit_de_parodie_(fr)&diff=79435Droit de parodie (fr)2023-12-12T14:37:14Z<p>Asecretan : </p>
<hr />
<div>{{JurisPedia}}<br />
<br />
[[France]] > [[:Catégorie: Droit privé (fr)|Droit privé]] > [[:Catégorie: Propriété intellectuelle (fr)| Propriété intellectuelle]] > [[:Catégorie: Droit d'auteur (fr)| Droit d'auteur]]<br />
[[Image:fr_flag.png|framed|]]<br />
[[Catégorie:France]][[Catégorie:Droit privé (fr)]][[Catégorie:Propriété intellectuelle (fr)]][[Catégorie: Droit d'auteur (fr)]]<br />
<br />
<br />
=Le principe général : l’utilisation de l’œuvre sans accord de son auteur est illicite=<br />
<br />
Le droit d'auteur a pour vocation de protéger l’œuvre du créateur (et par là son image), ainsi que les intérêts patrimoniaux de celui-ci. Ces avantages permettent d’encourager la création. Ainsi, toute exploitation d’œuvres sans l’autorisation de leur auteur constitue un acte de contrefaçon, engageant la responsabilité civile et/ou pénale de l’auteur de l’exploitation illicite, dite contrefaisante. <br />
<br />
La contrefaçon découle en conséquence ([[CPIfr:L122-4|article L 122-4]] du [[Code de la propriété intellectuelle (fr)|Code de la propriété intellectuelle]]) de la représentation ou de la reproduction totale ou partielle de l’œuvre, sans le consentement de son auteur ou de ses [[ayant droit (fr)|ayants droit]]. Il en est de même pour le traduction de l’œuvre, son adaptation ou sa transformation par un art ou un procédé quelconque.<br />
Ainsi, dans le même sens: une adaptation de l'œuvre, même originale (c'est à dire se démarquant de l'œuvre originelle pour porter l'empreinte de la personnalité de l'adaptateur), demeure une [[contrefaçon (fr)|contrefaçon]], si celle-ci a été réalisée sans l'accord de l'auteur de l'œuvre première.<ref>[[Cour d'appel (fr)|CA]] Paris, 23 mars 1978</ref><br />
<br />
=L’exception : la tolérance de la caricature, de la parodie et du pastiche=<br />
<br />
Toutefois, l’article L 122-5 du Code de la Propriété Intellectuelle aménage certaines exceptions à ce droit exclusif de l’auteur. Il en est ainsi notamment de la parodie, le pastiche ou la caricature, dès lors que l’œuvre parodiée a été divulguée, et que la seconde respecte les lois du genre. L’utilisation du terme parodie sera ici employé pour désigner les trois genres confondus, comme domaine commun. En effet, si la cour de cassation entend faire une application distributive des trois notions (Civ. 1ère, 12 janvier 1988), leur régime est quasiment identique.<br />
<br />
<br />
== l’enjeu de la qualification de parodie==<br />
L’exploitation d’une parodie est licite, indépendamment de l’assentiment de l’auteur de l’œuvre originelle. Mais si l'exception de parodie semble claire, encore faut-il s'entendre sur la définition de la parodie. En effet, celle-ci n’a pas de définition légale. Sa licéité dépendra du respect des « lois du genre » . Ainsi, dans le langage courant, la parodie est, comme usage générique, toute œuvre seconde à visée ludique ou moqueuse.<br />
Or, bien qu’étant en partie la refonte de l’œuvre première, la parodie sort juridiquement de la qualification d’adaptation de l’œuvre parodiée. Cette opération juridique permet sa soustraction au monopole de l’auteur, et sa protection en tant qu’œuvre à part entière.<br />
Ainsi, la qualification d’une adaptation littéraire de parodie légalise son existence. La définition devient l’enjeu de maints contentieux. Il semble que l’exactitude du concept de parodie réside dans la raison d’être du droit de parodie.<br />
<br />
==la définition de la parodie==<br />
<br />
La disposition légale, énonçant la tolérance de facto de la parodie, du pastiche et de la caricature, pose la question de la signification distincte de ces trois termes. Il semble que, bien que donnant une application distributive à ces œuvres dérivées (et suivant en cela H.Desbois (H. Desbois, Le droit d’auteur en France, Dalloz, édition 1978, p. 321) : la parodie aux œuvres musicales, le pastiche aux œuvres littéraire et la caricature aux œuvres figuratives, la doctrine et la jurisprudence considèrent que celles-ci appartiennent toutes au même genre, et bénéficient donc d’une signification identique. En effet, la loi intime le respect des lois « du genre », ce qui peut être compris comme rassemblant au sein du même genre les trois concepts. Néanmoins, cette disposition peut aussi être analysée comme sollicitant le respect des lois du genre de chaque concept. Or l’enjeu sémantique est considérable, en ce que les trois termes ont bien des fondements distincts. <br />
<br />
===la caricature===<br />
La caricature, appliquée à une effigie, n’est moqueuse qu’en ce qu’elle exacerbe les traits les moins harmonieux du sujet, pour aboutir à sa déformation. L’intention humoristique est donc facile à établir, et suscite plus le sourire que le rire.<br />
<br />
===le pastiche===<br />
<br />
Pour sa part, le pastiche, d’abord appliqué à la copie d’un tableau, désigne désormais l’œuvre qui procède par imitation d’un écrivain, d’un artiste, d’un genre ou d’une école, le plus souvent à des fins parodiques. Ainsi, en plus de conserver l’exigence humoristique, qui est la base de la parodie, l’exercice du pastiche demanderait un travail « à la manière de » l’auteur pastiché. Il semble cependant que cet argument ne soit pas développé pour refuser la légalité d’une « parodie littéraire ».<br />
<br />
===la parodie===<br />
<br />
Pour certains, la parodie doit être la version satirique d’une oeuvre, dans le but de faire rire. Or la satire suppose la critique. Cependant, il semble que la notion ait évolué. N’ayant plus les mêmes besoins, on accepterait que l’appellation de parodie ne s’applique plus à la critique fondée, ms à la seule recherche du rire.(De l’art du détournement de Guy Belzane)<br />
<br />
===la dénomination générique de parodie===<br />
<br />
Ainsi, sans se soucier de ces différences conceptuelles, et désignant plus simplement la refonte comique d’une œuvre, l’exception de parodie rassemblerait les trois espèces. En effet, s’entendant de toutes façons sur la dénaturation comique d’une création, il semble étonnant de vouloir leur appliquer des conditions d’existence différentes selon le genre de l’œuvre. Dès lors qu’on s’entend sur la justification de la légalité de la parodie, une œuvre ne doit-elle pas être protégée indépendamment de son genre ? (art L112-1 CPI) <br />
<br />
Encore faut-il qu’elle respecte « les lois du genre ». C’est l’appréciation prétorienne de ces exigences qui permettra ou non la qualification salvatrice de parodie, à l’œuvre que l’on souhaite tolérer.<br />
<br />
.<br />
<br />
=Tempérament : La légalité de la parodie dépend du respect des lois du genre=<br />
<br />
D’après le code Dalloz commenté :<br />
<br />
-est une œuvre transformatrice, apporte qqch de personnel<br />
<br />
-le but poursuivi doit être, en principe, de faire sourire ou rire (aux dépens d’autrui ?) MAIS sans pour autant chercher à nuire à l’auteur. (précise procédé qui déclenche le rire !)<br />
<br />
-encore faut-il qu'il n'y ait pas de risque de confusion! <br />
<br />
En conséquence, pour bénéficier de cette exception, il est nécessaire de veiller à ce qu’en aucun cas il n’y ait confusion avec les œuvres originales, et qu’il existe une réelle intention humoristique, ne comportant aucune intention de nuire aux œuvres originales. <br />
<br />
Une œuvre transformatrice, d’où l’absence de risque de confusion<br />
Le droit à la parodie permet par conséquent à l'adaptateur la modification de l'œuvre et son exploitation commerciale, sans le consentement de l'auteur de l'œuvre originelle.(jpsce ?!!!) Ainsi, la licéité de la parodie octroie à l’adaptateur une grande marge de liberté pour modifier l’œuvre originelle, sans risquer d’être inquiété par le droit moral de l’auteur. En effet, l’altération de l’œuvre avec une intention humoristique devient tolérable, et la parodie étant une œuvre transformatrice, le détournement est même indispensable. Cependant, le respect nécessaire des lois du genre implique qu’en plus de rechercher expressément le rire, la parodie ne doit pas nuire à l’auteur. <br />
<br />
<br />
==Une visée humoristique==<br />
<br />
C’est la poursuite d’une intention humoristique qui permet à la parodie d’échapper au monopole de l’auteur (T.com. Seine 26 juin 1934)L’intention comique de l’œuvre s’observe par son détournement ludique ou par la fin satirique. La parodie peut ainsi être un hommage adressé à l’auteur. En effet, une bonne parodie, calquée en partie sur l’œuvre originelle, suppose une bonne connaissance de celle-ci.( pastiche ???) A l’inverse, la parodie ne doit pas nuire à l’œuvre originelle. Le droit au rire est donc bien encadré. Or, en ce que le rire est subjectif, l’exigence de l’intention humoristique est à la fois la plus dangereuse… et la plus utilisée pour refuser la qualification de parodie.<br />
<br />
<br />
==le carcan du droit au rire==<br />
<br />
A titre d’exemple, la [[jurisprudence (fr)|jurisprudence]] a rejeté l’exception de parodie pour la reproduction dans un journal de photographies extraites de films de Marcel Pagnol, modifiées pour faire apparaître aux lieu et place des comédiens d’origine, une comédienne reprenant l’attitude des actrices et présentant des vêtements et accessoires de mode. Les juges ont considéré que ce montage ne constituait pas une parodie autorisée dès lors qu’il n’avait pas pour effet de provoquer le rire et n’imitait pas le style de Marcel Pagnol dans un but de raillerie ou d’hommage d’un sujet qu’il n’avait pas traité, mais qui avait pour but la promotion publicitaire d’articles de prêt-à-porter<ref>TGI PARIS, 1ère Ch., Section 1, 30 avril 1997, PAGNOL C/ Société VOG</ref>.<br />
L’exception de parodie est donc refusée à cette campagne publicitaire(4). Pourtant, le procédé consistant à transposer l’atmosphère d’un film de Pagnol dans une autre époque, en affublant les personnages d’un style moderne, crée une complicité amusée avec le créateur ; et éveille un sourire chez le spectateur. De plus, la modification de l’œuvre au profit de la publicité est par essence admirative. Cette campagne exploite l’univers de Pagnol pour promouvoir des vêtements. <br />
<br />
Cependant, le considérant est lourd de sens. Premièrement, il qualifie l’œuvre seconde de parodie « non autorisée », ce qui rappelle que toute parodie (au sens commun du terme), n’est pas légale. Il justifie ensuite sa décision par un non-respect des lois du genre. Ainsi, selon le [[tribunal de grande instance (fr)|TGI]], en plus de ne pas provoquer le rire (alors que la recherche du sourire dans la parodie est acceptée), la publicité dénature un sujet qu’elle ne traite pas. Cela semble signifier qu’il n’y avait pas de parodie possible d’un seul plan du film, en ce que l’image n’est qu’un élément du tout qui est le long-métrage. L’image demeure donc protégée en tant que reproduction partielle du film, mais ne peut pas être le support d’une prétendue parodie, en ce qu’elle n’est pas une œuvre à part entière. La parodie de Pagnol aurait nécessité la parodie du film dans son entier, permettant la reprise de (son) style, dans un but de raillerie ou d’hommage. Ce considérant aboutit à une totale immunité de l’image, dommageable pour le « néocréateur ». De plus cette exigence est absurde, puisque l’adhésion du public à la marque devait découler de l’association d’idée entre l’image projetée, et l’atmosphère travaillée par le film dans son entier. L’effigie devait par conséquent être représentative de l’œuvre intégrale.<br />
Il est envisageable que ce soit en réalité le but mercantile visé par le chenapan bien inspiré qui soit ainsi condamné. L’exploitation d’une œuvre par la publicité est souvent sanctionnée, si elle ne s’accompagne pas de la rétribution de l’auteur ou de ses ayants droit. <br />
<br />
Si une œuvre est en principe protégée indépendamment de son genre, de sa forme d’expression, de son mérite et de sa destination, sa destination publicitaire semble en l’occurrence le fondement de sa sanction. En outre, la parodie peut être sacrifiée, ou au contraire sauvée grâce à sa qualité(mérite). Cette allégation prend tout son sens au regard de la jurisprudence. En matière de parodie, l’arbitraire fait loi.<br />
<br />
Cet exemple montre bien l’insécurité juridique qui entoure le droit de parodie. Si celui-ci s’inscrit dans la liberté de création (davantage que dans la liberté d’expression), il est menacé selon l’interprétation que le juge retiendra des « lois du genre ».<br />
<br />
De même, la reproduction sur un site internet, référencé comme hebdomadaire-mensuel d’humour, de photographies illustrant des évènements dramatiques de l’actualité en y associant des légendes grossières, ne permettait pas de bénéficier de l’exception de parodie. Il s’agissait d’un cliché de trois moudjahidine en embuscade, associé à la légende « Putain, c’est lequel qu’a lâché ? »)<ref>TGI PARIS, 3ème Ch., Section 1, 13 février 2002, AFP C/ CALLOT</ref>.<br />
Il est donc évident que par respect envers le drame que peuvent connaître certaines populations, on ne peut pas rire de tout. L’inverse reviendrait peut-être à amoindrir la gravité des évènements d’actualité.<br />
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==L’interdiction de nuire a l’auteur==<br />
<br />
===L’image de l’auteur===<br />
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Il est ainsi logique que l’œuvre originelle ne devienne pas le support de la raillerie de son créateur. Quoi de plus dénigrant pour un auteur que de voir sa propre œuvre se retourner contre lui:« le but de la parodie ne doit pas être de nuire à l’auteur et la caricature ne doit pas porter atteinte à la personne de l’auteur"<br />
<br />
Ex : Est interdite la promotion d’un logiciel d’exploitation qui dénigre les éléments graphiques et les photos issues du magazine femina . Cependant, le but poursuivi peut rendre légitime la critique.<br />
<br />
===Les intérêts commerciaux de l’auteur===<br />
<br />
Rien ne s’oppose à l’exploitation commerciale de l’œuvre parodiante. Cela résulte peut-être du fait que les deux œuvres deviennent complètement différentes : ne pas chercher à nuire signifie dès lors ne pas chercher à profiter du sillage commercial pour bénéficier des gains qui étaient destinés à l’œuvre originelle.<br />
<br />
La transformation de l’œuvre fait que les gains de l’œuvre parodiante ne sont pas ceux qui auraient été perçus par l’auteur de l’œuvre originelle. Il n’y a donc pas d’empiètement au niveau de la rémunération ! De plus, la parodie séduira avant tout un public connaisseur de l’œuvre première. Apprécier la parodie suppose donc d’avoir pris connaissance de l’œuvre parodiée. Seuls les adeptes percevront les décalages entre les deux créations, et c’est de cette altération que naîtra le rire.<br />
<br />
On peut comparer cette exigence avec le fair use existant aux Etats-Unis : le droit de citation et le droit de parodie existent dès lors que la création de seconde main n’empiète pas sur les intérêts commerciaux de l’œuvre originelle<br />
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=Les fondements de la légalité de la parodie=<br />
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===Le droit au rire===<br />
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Le droit à la parodie est reconnu depuis la Grèce antique(note renvoyant à la source : art d’Axel Payet). Cette exception au droit d'auteur serait ainsi justifiée par le droit au rire. Ce dernier apparaît alors comme un droit d'intérêt général, le bénéfice de tous prenant le pas sur l'intérêt individuel. Pourtant le droit d'auteur puise lui aussi ses racines dans l'intérêt général. En effet, sans droit d'auteur, point d'encouragement du créateur, et donc point de création. Le patrimoine commun en serait nécessairement appauvri. Mettre en balance ces deux droits antagonistes, en donnant la primauté au droit au rire, peut alors être légitimé par des éléments complémentaires. D’une part, la parodie est légale car elle ne parasite pas l’exploitation de l’œuvre première. D’autre part, la parodie est justifiée par le droit à la liberté d'expression.<br />
<br />
<br />
===La parodie légitimée par la transformation substantielle de l'œuvre===<br />
<br />
Le droit à la parodie, en favorisant le droit au rire, ne remet pas en cause le droit d'auteur, puisque les deux œuvres sont de fait substantiellement différentes. En plus d'être transformatrice, la parodie est souvent présentée comme grotesque, voire ridicule. Celle-ci vise par conséquent une fin toute différente de l'œuvre première. Si on devait comparer la littérature à la peinture, nous observerions que de la même façon, si le thème choisi est le même, son traitement est tout autre. Les différentes perceptions de la tour Eiffel seraient à rapprocher des différents traitements de l'œuvre littéraire. Ainsi, au lieu de retrouver l'empreinte de la personnalité de l'auteur et la sensibilité de l'œuvre première, le public découvre un registre cocasse et ubuesque. La parodie ne pourrait donc pas être associée à de la contrefaçon, en ce qu'elle se démarque à ce point de l'œuvre parodiée, qu'elle ne parasite pas la rémunération de l'œuvre première. <br />
<br />
En revanche, rien ne s’oppose à une exploitation commerciale de l’œuvre parodiante. Ainsi, la jurisprudence a admis la reproduction sur des tee-shirts d’un personnage reproduisant les traits essentiels de « Monsieur PROPRE », assortis d’une coloration rose fuschia et des indications « Mister QUEEN » et « AXEL is a real bitch », en considérant que ces adjonctions constituaient une modification essentielle destinée à démarquer le personnage caricatural de l’original, tout risque de confusion étant exclu et aucune preuve d’une intention de nuire n’étant rapportée. Le magistrat ajoute que l’usage de la parodie ou de la caricature n’est pas uniquement pour railler ou pour faire sourire, mais aussi dans l’intention essentiellement commerciale de profiter, pour vendre des tee-shirts et capter une clientèle, de la notoriété du personnage de « Monsieur PROPRE » (CA PARIS, 4ème Ch., Section A, 9 septembre 1998, Société SERI BRODE C/ PROCTER & GAMBLE France).<br />
<br />
===La parodie inscrite dans le droit à la liberté d'expression===<br />
<br />
La troisième justification de la tolérance de la parodie réside dans la liberté d'expression. En effet, selon MM. Strowel et Tulkens « l’exception de parodie apparaît comme une limitation en faveur de la libre expression » (1) et il apparaît que « les juridictions seraient plus réceptives à une exception basée sur la liberté d’expression dans le contexte de la parodie que dans d’autres situations »(2). Sous couvert de l'humour, la parodie permettrait la critique de l'œuvre première. D'abord principe général du droit, le droit à la libre expression est devenu un principe constitutionnel, depuis l'intégration de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 au bloc constitutionnel. Cependant, le paramètre critique de la parodie pose deux questions. La première réside dans la nécessité de ce paramètre critique. En d'autres termes, au vu de l'évolution du droit, et de l'inscription actuelle du droit à la parodie dans la libre expression, la parodie doit-elle être polémique pour être licite? Bien que cet élément ne fasse pas partie intégrante de la définition légale, il a pu être érigé en condition lors de certains contentieux. Une nouvelle acception de la parodie par l'usage serait alors à observer. <br />
<br />
Deuxièmement, ce côté critique semble contré par l'interdiction légale de porter atteinte à l'image de l'auteur. Comment se moquer sans indirectement lui nuire? La frontière semble mince. Elle a ainsi été raillée comme « le mythe de la parodie révérencieuse »...(3)<br />
<br />
<br />
=Saint-Tin et son ami Lou : Un contentieux actuel en attente de délibéré=<br />
<br />
Les éditions du Léopard Masqué et Démasqué ont commis une parodie romancée de Tintin. Cette parodie se calque donc sur les aventures du petit reporter, adaptées au climat géopolitique actuel. L’intention humoristique apparaît clairement au travers de l’humanisation des personnages, et des nombreux jeux de mots. <br />
<br />
Cependant, la fondation Moulinsart est connue pour être très regardante quant à l’utilisation qui est faite de Tintin. Ils ont donc poursuivi le Léopard Masqué en contrefaçon. Etant donné la légalité de la parodie indépendamment du consentement de l’auteur ou de ses ayants droit, Moulinsart a plaidé l’adaptation littéraire non parodique. Différents arguments venaient étayer leur cause. Selon eux, il ne peut y avoir de parodie d’une œuvre déjà humoristique. En effet, au regard la définition du petit Robert, la parodie est la contrefaçon ridicule d’une œuvre sérieuse. Or la jurisprudence a accepté la parodie d’un magazine lui-même parodique.<br />
<br />
Le risque de confusion semble exclu du débat. En effet, il s’agit d’un roman et non d’une bande dessinée. De plus, il a été jugé que plus l’œuvre parodiée est connue d’une large fraction du public, moins il y a un risque de confusion. Malheureusement, les couvertures se calquent beaucoup sur celles d’Hergé. Ce sont des couvertures parodiques, qui présentent les personnages dans des situations atypiques… A savoir si pour être parodiques, il n’aurait pas mieux valu que les couvertures soient…des caricatures.<br />
<br />
<br />
=Voir aussi=<br />
{{moteur (fr)|"Droit de parodie"}} <br />
{{moteur (fr)|"le droit à la parodie bafoué"}}<br />
<br />
=Notes et références=<br />
<references /></div>Asecretanhttps://www.lagbd.org/index.php?title=Droit_de_parodie_(fr)&diff=79434Droit de parodie (fr)2023-12-12T14:34:06Z<p>Asecretan : </p>
<hr />
<div>{{JurisPedia}}<br />
<br />
[[France]] > [[:Catégorie: Droit privé (fr)|Droit privé]] > [[:Catégorie: Propriété intellectuelle (fr)| Propriété intellectuelle]] > [[:Catégorie: Droit d'auteur (fr)| Droit d'auteur]]<br />
[[Image:fr_flag.png|framed|]]<br />
[[Catégorie:France]][[Catégorie:Droit privé (fr)]][[Catégorie:Propriété intellectuelle (fr)]][[Catégorie: Droit d'auteur (fr)]]<br />
<br />
<br />
=Le principe général : l’utilisation de l’œuvre sans accord de son auteur est illicite=<br />
<br />
Le [[droit d'auteur (fr)|droit d'auteur]] a pour vocation de protéger l’œuvre du créateur (et par là son image), ainsi que les intérêts [[patrimoine (fr)|patrimoniaux]] de celui-ci. Ces avantages permettent d’encourager la création. Ainsi, toute exploitation d’œuvres sans l’autorisation de leur auteur constitue un acte de [[contrefaçon (fr)|contrefaçon]], engageant la [[responsabilité civile (fr)|responsabilité civile]] et/ou [[responsabilité pénale (fr)|pénale]] de l’auteur de l’exploitation illicite, dite contrefaisante. <br />
La [[contrefaçon (fr)|contrefaçon]] découle en conséquence ([[CPIfr:L122-4|article L 122-4]] du [[Code de la propriété intellectuelle (fr)|Code de la propriété intellectuelle]]) de la représentation ou de la reproduction totale ou partielle de l’œuvre, sans le consentement de son auteur ou de ses [[ayant droit (fr)|ayants droit]]. Il en est de même pour le traduction de l’œuvre, son adaptation ou sa transformation par un art ou un procédé quelconque.<br />
Ainsi, dans le même sens: une adaptation de l'œuvre, même originale (c'est à dire se démarquant de l'œuvre originelle pour porter l'empreinte de la personnalité de l'adaptateur), demeure une [[contrefaçon (fr)|contrefaçon]], si celle-ci a été réalisée sans l'accord de l'auteur de l'œuvre première.<ref>[[Cour d'appel (fr)|CA]] Paris, 23 mars 1978</ref><br />
<br />
=L’exception : la tolérance de la caricature, de la parodie et du pastiche=<br />
<br />
Toutefois, l’article L 122-5 du Code de la Propriété Intellectuelle aménage certaines exceptions à ce droit exclusif de l’auteur. Il en est ainsi notamment de la parodie, le pastiche ou la caricature, dès lors que l’œuvre parodiée a été divulguée, et que la seconde respecte les lois du genre. L’utilisation du terme parodie sera ici employé pour désigner les trois genres confondus, comme domaine commun. En effet, si la cour de cassation entend faire une application distributive des trois notions (Civ. 1ère, 12 janvier 1988), leur régime est quasiment identique.<br />
<br />
<br />
== l’enjeu de la qualification de parodie==<br />
L’exploitation d’une parodie est licite, indépendamment de l’assentiment de l’auteur de l’œuvre originelle. Mais si l'exception de parodie semble claire, encore faut-il s'entendre sur la définition de la parodie. En effet, celle-ci n’a pas de définition légale. Sa licéité dépendra du respect des « lois du genre » . Ainsi, dans le langage courant, la parodie est, comme usage générique, toute œuvre seconde à visée ludique ou moqueuse.<br />
Or, bien qu’étant en partie la refonte de l’œuvre première, la parodie sort juridiquement de la qualification d’adaptation de l’œuvre parodiée. Cette opération juridique permet sa soustraction au monopole de l’auteur, et sa protection en tant qu’œuvre à part entière.<br />
Ainsi, la qualification d’une adaptation littéraire de parodie légalise son existence. La définition devient l’enjeu de maints contentieux. Il semble que l’exactitude du concept de parodie réside dans la raison d’être du droit de parodie.<br />
<br />
==la définition de la parodie==<br />
<br />
La disposition légale, énonçant la tolérance de facto de la parodie, du pastiche et de la caricature, pose la question de la signification distincte de ces trois termes. Il semble que, bien que donnant une application distributive à ces œuvres dérivées (et suivant en cela H.Desbois (H. Desbois, Le droit d’auteur en France, Dalloz, édition 1978, p. 321) : la parodie aux œuvres musicales, le pastiche aux œuvres littéraire et la caricature aux œuvres figuratives, la doctrine et la jurisprudence considèrent que celles-ci appartiennent toutes au même genre, et bénéficient donc d’une signification identique. En effet, la loi intime le respect des lois « du genre », ce qui peut être compris comme rassemblant au sein du même genre les trois concepts. Néanmoins, cette disposition peut aussi être analysée comme sollicitant le respect des lois du genre de chaque concept. Or l’enjeu sémantique est considérable, en ce que les trois termes ont bien des fondements distincts. <br />
<br />
===la caricature===<br />
La caricature, appliquée à une effigie, n’est moqueuse qu’en ce qu’elle exacerbe les traits les moins harmonieux du sujet, pour aboutir à sa déformation. L’intention humoristique est donc facile à établir, et suscite plus le sourire que le rire.<br />
<br />
===le pastiche===<br />
<br />
Pour sa part, le pastiche, d’abord appliqué à la copie d’un tableau, désigne désormais l’œuvre qui procède par imitation d’un écrivain, d’un artiste, d’un genre ou d’une école, le plus souvent à des fins parodiques. Ainsi, en plus de conserver l’exigence humoristique, qui est la base de la parodie, l’exercice du pastiche demanderait un travail « à la manière de » l’auteur pastiché. Il semble cependant que cet argument ne soit pas développé pour refuser la légalité d’une « parodie littéraire ».<br />
<br />
===la parodie===<br />
<br />
Pour certains, la parodie doit être la version satirique d’une oeuvre, dans le but de faire rire. Or la satire suppose la critique. Cependant, il semble que la notion ait évolué. N’ayant plus les mêmes besoins, on accepterait que l’appellation de parodie ne s’applique plus à la critique fondée, ms à la seule recherche du rire.(De l’art du détournement de Guy Belzane)<br />
<br />
===la dénomination générique de parodie===<br />
<br />
Ainsi, sans se soucier de ces différences conceptuelles, et désignant plus simplement la refonte comique d’une œuvre, l’exception de parodie rassemblerait les trois espèces. En effet, s’entendant de toutes façons sur la dénaturation comique d’une création, il semble étonnant de vouloir leur appliquer des conditions d’existence différentes selon le genre de l’œuvre. Dès lors qu’on s’entend sur la justification de la légalité de la parodie, une œuvre ne doit-elle pas être protégée indépendamment de son genre ? (art L112-1 CPI) <br />
<br />
Encore faut-il qu’elle respecte « les lois du genre ». C’est l’appréciation prétorienne de ces exigences qui permettra ou non la qualification salvatrice de parodie, à l’œuvre que l’on souhaite tolérer.<br />
<br />
.<br />
<br />
=Tempérament : La légalité de la parodie dépend du respect des lois du genre=<br />
<br />
D’après le code Dalloz commenté :<br />
<br />
-est une œuvre transformatrice, apporte qqch de personnel<br />
<br />
-le but poursuivi doit être, en principe, de faire sourire ou rire (aux dépens d’autrui ?) MAIS sans pour autant chercher à nuire à l’auteur. (précise procédé qui déclenche le rire !)<br />
<br />
-encore faut-il qu'il n'y ait pas de risque de confusion! <br />
<br />
En conséquence, pour bénéficier de cette exception, il est nécessaire de veiller à ce qu’en aucun cas il n’y ait confusion avec les œuvres originales, et qu’il existe une réelle intention humoristique, ne comportant aucune intention de nuire aux œuvres originales. <br />
<br />
Une œuvre transformatrice, d’où l’absence de risque de confusion<br />
Le droit à la parodie permet par conséquent à l'adaptateur la modification de l'œuvre et son exploitation commerciale, sans le consentement de l'auteur de l'œuvre originelle.(jpsce ?!!!) Ainsi, la licéité de la parodie octroie à l’adaptateur une grande marge de liberté pour modifier l’œuvre originelle, sans risquer d’être inquiété par le droit moral de l’auteur. En effet, l’altération de l’œuvre avec une intention humoristique devient tolérable, et la parodie étant une œuvre transformatrice, le détournement est même indispensable. Cependant, le respect nécessaire des lois du genre implique qu’en plus de rechercher expressément le rire, la parodie ne doit pas nuire à l’auteur. <br />
<br />
<br />
==Une visée humoristique==<br />
<br />
C’est la poursuite d’une intention humoristique qui permet à la parodie d’échapper au monopole de l’auteur (T.com. Seine 26 juin 1934)L’intention comique de l’œuvre s’observe par son détournement ludique ou par la fin satirique. La parodie peut ainsi être un hommage adressé à l’auteur. En effet, une bonne parodie, calquée en partie sur l’œuvre originelle, suppose une bonne connaissance de celle-ci.( pastiche ???) A l’inverse, la parodie ne doit pas nuire à l’œuvre originelle. Le droit au rire est donc bien encadré. Or, en ce que le rire est subjectif, l’exigence de l’intention humoristique est à la fois la plus dangereuse… et la plus utilisée pour refuser la qualification de parodie.<br />
<br />
<br />
==le carcan du droit au rire==<br />
<br />
A titre d’exemple, la [[jurisprudence (fr)|jurisprudence]] a rejeté l’exception de parodie pour la reproduction dans un journal de photographies extraites de films de Marcel Pagnol, modifiées pour faire apparaître aux lieu et place des comédiens d’origine, une comédienne reprenant l’attitude des actrices et présentant des vêtements et accessoires de mode. Les juges ont considéré que ce montage ne constituait pas une parodie autorisée dès lors qu’il n’avait pas pour effet de provoquer le rire et n’imitait pas le style de Marcel Pagnol dans un but de raillerie ou d’hommage d’un sujet qu’il n’avait pas traité, mais qui avait pour but la promotion publicitaire d’articles de prêt-à-porter<ref>TGI PARIS, 1ère Ch., Section 1, 30 avril 1997, PAGNOL C/ Société VOG</ref>.<br />
L’exception de parodie est donc refusée à cette campagne publicitaire(4). Pourtant, le procédé consistant à transposer l’atmosphère d’un film de Pagnol dans une autre époque, en affublant les personnages d’un style moderne, crée une complicité amusée avec le créateur ; et éveille un sourire chez le spectateur. De plus, la modification de l’œuvre au profit de la publicité est par essence admirative. Cette campagne exploite l’univers de Pagnol pour promouvoir des vêtements. <br />
<br />
Cependant, le considérant est lourd de sens. Premièrement, il qualifie l’œuvre seconde de parodie « non autorisée », ce qui rappelle que toute parodie (au sens commun du terme), n’est pas légale. Il justifie ensuite sa décision par un non-respect des lois du genre. Ainsi, selon le [[tribunal de grande instance (fr)|TGI]], en plus de ne pas provoquer le rire (alors que la recherche du sourire dans la parodie est acceptée), la publicité dénature un sujet qu’elle ne traite pas. Cela semble signifier qu’il n’y avait pas de parodie possible d’un seul plan du film, en ce que l’image n’est qu’un élément du tout qui est le long-métrage. L’image demeure donc protégée en tant que reproduction partielle du film, mais ne peut pas être le support d’une prétendue parodie, en ce qu’elle n’est pas une œuvre à part entière. La parodie de Pagnol aurait nécessité la parodie du film dans son entier, permettant la reprise de (son) style, dans un but de raillerie ou d’hommage. Ce considérant aboutit à une totale immunité de l’image, dommageable pour le « néocréateur ». De plus cette exigence est absurde, puisque l’adhésion du public à la marque devait découler de l’association d’idée entre l’image projetée, et l’atmosphère travaillée par le film dans son entier. L’effigie devait par conséquent être représentative de l’œuvre intégrale.<br />
Il est envisageable que ce soit en réalité le but mercantile visé par le chenapan bien inspiré qui soit ainsi condamné. L’exploitation d’une œuvre par la publicité est souvent sanctionnée, si elle ne s’accompagne pas de la rétribution de l’auteur ou de ses ayants droit. <br />
<br />
Si une œuvre est en principe protégée indépendamment de son genre, de sa forme d’expression, de son mérite et de sa destination, sa destination publicitaire semble en l’occurrence le fondement de sa sanction. En outre, la parodie peut être sacrifiée, ou au contraire sauvée grâce à sa qualité(mérite). Cette allégation prend tout son sens au regard de la jurisprudence. En matière de parodie, l’arbitraire fait loi.<br />
<br />
Cet exemple montre bien l’insécurité juridique qui entoure le droit de parodie. Si celui-ci s’inscrit dans la liberté de création (davantage que dans la liberté d’expression), il est menacé selon l’interprétation que le juge retiendra des « lois du genre ».<br />
<br />
De même, la reproduction sur un site internet, référencé comme hebdomadaire-mensuel d’humour, de photographies illustrant des évènements dramatiques de l’actualité en y associant des légendes grossières, ne permettait pas de bénéficier de l’exception de parodie. Il s’agissait d’un cliché de trois moudjahidine en embuscade, associé à la légende « Putain, c’est lequel qu’a lâché ? »)<ref>TGI PARIS, 3ème Ch., Section 1, 13 février 2002, AFP C/ CALLOT</ref>.<br />
Il est donc évident que par respect envers le drame que peuvent connaître certaines populations, on ne peut pas rire de tout. L’inverse reviendrait peut-être à amoindrir la gravité des évènements d’actualité.<br />
<br />
==L’interdiction de nuire a l’auteur==<br />
<br />
===L’image de l’auteur===<br />
<br />
Il est ainsi logique que l’œuvre originelle ne devienne pas le support de la raillerie de son créateur. Quoi de plus dénigrant pour un auteur que de voir sa propre œuvre se retourner contre lui:« le but de la parodie ne doit pas être de nuire à l’auteur et la caricature ne doit pas porter atteinte à la personne de l’auteur"<br />
<br />
Ex : Est interdite la promotion d’un logiciel d’exploitation qui dénigre les éléments graphiques et les photos issues du magazine femina . Cependant, le but poursuivi peut rendre légitime la critique.<br />
<br />
===Les intérêts commerciaux de l’auteur===<br />
<br />
Rien ne s’oppose à l’exploitation commerciale de l’œuvre parodiante. Cela résulte peut-être du fait que les deux œuvres deviennent complètement différentes : ne pas chercher à nuire signifie dès lors ne pas chercher à profiter du sillage commercial pour bénéficier des gains qui étaient destinés à l’œuvre originelle.<br />
<br />
La transformation de l’œuvre fait que les gains de l’œuvre parodiante ne sont pas ceux qui auraient été perçus par l’auteur de l’œuvre originelle. Il n’y a donc pas d’empiètement au niveau de la rémunération ! De plus, la parodie séduira avant tout un public connaisseur de l’œuvre première. Apprécier la parodie suppose donc d’avoir pris connaissance de l’œuvre parodiée. Seuls les adeptes percevront les décalages entre les deux créations, et c’est de cette altération que naîtra le rire.<br />
<br />
On peut comparer cette exigence avec le fair use existant aux Etats-Unis : le droit de citation et le droit de parodie existent dès lors que la création de seconde main n’empiète pas sur les intérêts commerciaux de l’œuvre originelle<br />
<br />
<br />
=Les fondements de la légalité de la parodie=<br />
<br />
===Le droit au rire===<br />
<br />
Le droit à la parodie est reconnu depuis la Grèce antique(note renvoyant à la source : art d’Axel Payet). Cette exception au droit d'auteur serait ainsi justifiée par le droit au rire. Ce dernier apparaît alors comme un droit d'intérêt général, le bénéfice de tous prenant le pas sur l'intérêt individuel. Pourtant le droit d'auteur puise lui aussi ses racines dans l'intérêt général. En effet, sans droit d'auteur, point d'encouragement du créateur, et donc point de création. Le patrimoine commun en serait nécessairement appauvri. Mettre en balance ces deux droits antagonistes, en donnant la primauté au droit au rire, peut alors être légitimé par des éléments complémentaires. D’une part, la parodie est légale car elle ne parasite pas l’exploitation de l’œuvre première. D’autre part, la parodie est justifiée par le droit à la liberté d'expression.<br />
<br />
<br />
===La parodie légitimée par la transformation substantielle de l'œuvre===<br />
<br />
Le droit à la parodie, en favorisant le droit au rire, ne remet pas en cause le droit d'auteur, puisque les deux œuvres sont de fait substantiellement différentes. En plus d'être transformatrice, la parodie est souvent présentée comme grotesque, voire ridicule. Celle-ci vise par conséquent une fin toute différente de l'œuvre première. Si on devait comparer la littérature à la peinture, nous observerions que de la même façon, si le thème choisi est le même, son traitement est tout autre. Les différentes perceptions de la tour Eiffel seraient à rapprocher des différents traitements de l'œuvre littéraire. Ainsi, au lieu de retrouver l'empreinte de la personnalité de l'auteur et la sensibilité de l'œuvre première, le public découvre un registre cocasse et ubuesque. La parodie ne pourrait donc pas être associée à de la contrefaçon, en ce qu'elle se démarque à ce point de l'œuvre parodiée, qu'elle ne parasite pas la rémunération de l'œuvre première. <br />
<br />
En revanche, rien ne s’oppose à une exploitation commerciale de l’œuvre parodiante. Ainsi, la jurisprudence a admis la reproduction sur des tee-shirts d’un personnage reproduisant les traits essentiels de « Monsieur PROPRE », assortis d’une coloration rose fuschia et des indications « Mister QUEEN » et « AXEL is a real bitch », en considérant que ces adjonctions constituaient une modification essentielle destinée à démarquer le personnage caricatural de l’original, tout risque de confusion étant exclu et aucune preuve d’une intention de nuire n’étant rapportée. Le magistrat ajoute que l’usage de la parodie ou de la caricature n’est pas uniquement pour railler ou pour faire sourire, mais aussi dans l’intention essentiellement commerciale de profiter, pour vendre des tee-shirts et capter une clientèle, de la notoriété du personnage de « Monsieur PROPRE » (CA PARIS, 4ème Ch., Section A, 9 septembre 1998, Société SERI BRODE C/ PROCTER & GAMBLE France).<br />
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===La parodie inscrite dans le droit à la liberté d'expression===<br />
<br />
La troisième justification de la tolérance de la parodie réside dans la liberté d'expression. En effet, selon MM. Strowel et Tulkens « l’exception de parodie apparaît comme une limitation en faveur de la libre expression » (1) et il apparaît que « les juridictions seraient plus réceptives à une exception basée sur la liberté d’expression dans le contexte de la parodie que dans d’autres situations »(2). Sous couvert de l'humour, la parodie permettrait la critique de l'œuvre première. D'abord principe général du droit, le droit à la libre expression est devenu un principe constitutionnel, depuis l'intégration de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 au bloc constitutionnel. Cependant, le paramètre critique de la parodie pose deux questions. La première réside dans la nécessité de ce paramètre critique. En d'autres termes, au vu de l'évolution du droit, et de l'inscription actuelle du droit à la parodie dans la libre expression, la parodie doit-elle être polémique pour être licite? Bien que cet élément ne fasse pas partie intégrante de la définition légale, il a pu être érigé en condition lors de certains contentieux. Une nouvelle acception de la parodie par l'usage serait alors à observer. <br />
<br />
Deuxièmement, ce côté critique semble contré par l'interdiction légale de porter atteinte à l'image de l'auteur. Comment se moquer sans indirectement lui nuire? La frontière semble mince. Elle a ainsi été raillée comme « le mythe de la parodie révérencieuse »...(3)<br />
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=Saint-Tin et son ami Lou : Un contentieux actuel en attente de délibéré=<br />
<br />
Les éditions du Léopard Masqué et Démasqué ont commis une parodie romancée de Tintin. Cette parodie se calque donc sur les aventures du petit reporter, adaptées au climat géopolitique actuel. L’intention humoristique apparaît clairement au travers de l’humanisation des personnages, et des nombreux jeux de mots. <br />
<br />
Cependant, la fondation Moulinsart est connue pour être très regardante quant à l’utilisation qui est faite de Tintin. Ils ont donc poursuivi le Léopard Masqué en contrefaçon. Etant donné la légalité de la parodie indépendamment du consentement de l’auteur ou de ses ayants droit, Moulinsart a plaidé l’adaptation littéraire non parodique. Différents arguments venaient étayer leur cause. Selon eux, il ne peut y avoir de parodie d’une œuvre déjà humoristique. En effet, au regard la définition du petit Robert, la parodie est la contrefaçon ridicule d’une œuvre sérieuse. Or la jurisprudence a accepté la parodie d’un magazine lui-même parodique.<br />
<br />
Le risque de confusion semble exclu du débat. En effet, il s’agit d’un roman et non d’une bande dessinée. De plus, il a été jugé que plus l’œuvre parodiée est connue d’une large fraction du public, moins il y a un risque de confusion. Malheureusement, les couvertures se calquent beaucoup sur celles d’Hergé. Ce sont des couvertures parodiques, qui présentent les personnages dans des situations atypiques… A savoir si pour être parodiques, il n’aurait pas mieux valu que les couvertures soient…des caricatures.<br />
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<br />
=Voir aussi=<br />
{{moteur (fr)|"Droit de parodie"}} <br />
{{moteur (fr)|"le droit à la parodie bafoué"}}<br />
<br />
=Notes et références=<br />
<references /></div>Asecretanhttps://www.lagbd.org/index.php?title=Droit_de_parodie_(fr)&diff=79433Droit de parodie (fr)2023-12-12T14:33:51Z<p>Asecretan : </p>
<hr />
<div>{{JurisPedia}}<br />
<br />
[[France]] > [[:Catégorie: Droit privé (fr)|Droit privé]] > [[:Catégorie: Propriété intellectuelle(fr)| Propriété intellectuelle]] > [[:Catégorie: Droit d'auteur (fr)| Droit d'auteur]]<br />
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[[Catégorie:France]][[Catégorie:Droit privé (fr)]][[Catégorie:Propriété intellectuelle (fr)]][[Catégorie: Droit d'auteur (fr)]]<br />
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=Le principe général : l’utilisation de l’œuvre sans accord de son auteur est illicite=<br />
<br />
Le [[droit d'auteur (fr)|droit d'auteur]] a pour vocation de protéger l’œuvre du créateur (et par là son image), ainsi que les intérêts [[patrimoine (fr)|patrimoniaux]] de celui-ci. Ces avantages permettent d’encourager la création. Ainsi, toute exploitation d’œuvres sans l’autorisation de leur auteur constitue un acte de [[contrefaçon (fr)|contrefaçon]], engageant la [[responsabilité civile (fr)|responsabilité civile]] et/ou [[responsabilité pénale (fr)|pénale]] de l’auteur de l’exploitation illicite, dite contrefaisante. <br />
La [[contrefaçon (fr)|contrefaçon]] découle en conséquence ([[CPIfr:L122-4|article L 122-4]] du [[Code de la propriété intellectuelle (fr)|Code de la propriété intellectuelle]]) de la représentation ou de la reproduction totale ou partielle de l’œuvre, sans le consentement de son auteur ou de ses [[ayant droit (fr)|ayants droit]]. Il en est de même pour le traduction de l’œuvre, son adaptation ou sa transformation par un art ou un procédé quelconque.<br />
Ainsi, dans le même sens: une adaptation de l'œuvre, même originale (c'est à dire se démarquant de l'œuvre originelle pour porter l'empreinte de la personnalité de l'adaptateur), demeure une [[contrefaçon (fr)|contrefaçon]], si celle-ci a été réalisée sans l'accord de l'auteur de l'œuvre première.<ref>[[Cour d'appel (fr)|CA]] Paris, 23 mars 1978</ref><br />
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=L’exception : la tolérance de la caricature, de la parodie et du pastiche=<br />
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Toutefois, l’article L 122-5 du Code de la Propriété Intellectuelle aménage certaines exceptions à ce droit exclusif de l’auteur. Il en est ainsi notamment de la parodie, le pastiche ou la caricature, dès lors que l’œuvre parodiée a été divulguée, et que la seconde respecte les lois du genre. L’utilisation du terme parodie sera ici employé pour désigner les trois genres confondus, comme domaine commun. En effet, si la cour de cassation entend faire une application distributive des trois notions (Civ. 1ère, 12 janvier 1988), leur régime est quasiment identique.<br />
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<br />
== l’enjeu de la qualification de parodie==<br />
L’exploitation d’une parodie est licite, indépendamment de l’assentiment de l’auteur de l’œuvre originelle. Mais si l'exception de parodie semble claire, encore faut-il s'entendre sur la définition de la parodie. En effet, celle-ci n’a pas de définition légale. Sa licéité dépendra du respect des « lois du genre » . Ainsi, dans le langage courant, la parodie est, comme usage générique, toute œuvre seconde à visée ludique ou moqueuse.<br />
Or, bien qu’étant en partie la refonte de l’œuvre première, la parodie sort juridiquement de la qualification d’adaptation de l’œuvre parodiée. Cette opération juridique permet sa soustraction au monopole de l’auteur, et sa protection en tant qu’œuvre à part entière.<br />
Ainsi, la qualification d’une adaptation littéraire de parodie légalise son existence. La définition devient l’enjeu de maints contentieux. Il semble que l’exactitude du concept de parodie réside dans la raison d’être du droit de parodie.<br />
<br />
==la définition de la parodie==<br />
<br />
La disposition légale, énonçant la tolérance de facto de la parodie, du pastiche et de la caricature, pose la question de la signification distincte de ces trois termes. Il semble que, bien que donnant une application distributive à ces œuvres dérivées (et suivant en cela H.Desbois (H. Desbois, Le droit d’auteur en France, Dalloz, édition 1978, p. 321) : la parodie aux œuvres musicales, le pastiche aux œuvres littéraire et la caricature aux œuvres figuratives, la doctrine et la jurisprudence considèrent que celles-ci appartiennent toutes au même genre, et bénéficient donc d’une signification identique. En effet, la loi intime le respect des lois « du genre », ce qui peut être compris comme rassemblant au sein du même genre les trois concepts. Néanmoins, cette disposition peut aussi être analysée comme sollicitant le respect des lois du genre de chaque concept. Or l’enjeu sémantique est considérable, en ce que les trois termes ont bien des fondements distincts. <br />
<br />
===la caricature===<br />
La caricature, appliquée à une effigie, n’est moqueuse qu’en ce qu’elle exacerbe les traits les moins harmonieux du sujet, pour aboutir à sa déformation. L’intention humoristique est donc facile à établir, et suscite plus le sourire que le rire.<br />
<br />
===le pastiche===<br />
<br />
Pour sa part, le pastiche, d’abord appliqué à la copie d’un tableau, désigne désormais l’œuvre qui procède par imitation d’un écrivain, d’un artiste, d’un genre ou d’une école, le plus souvent à des fins parodiques. Ainsi, en plus de conserver l’exigence humoristique, qui est la base de la parodie, l’exercice du pastiche demanderait un travail « à la manière de » l’auteur pastiché. Il semble cependant que cet argument ne soit pas développé pour refuser la légalité d’une « parodie littéraire ».<br />
<br />
===la parodie===<br />
<br />
Pour certains, la parodie doit être la version satirique d’une oeuvre, dans le but de faire rire. Or la satire suppose la critique. Cependant, il semble que la notion ait évolué. N’ayant plus les mêmes besoins, on accepterait que l’appellation de parodie ne s’applique plus à la critique fondée, ms à la seule recherche du rire.(De l’art du détournement de Guy Belzane)<br />
<br />
===la dénomination générique de parodie===<br />
<br />
Ainsi, sans se soucier de ces différences conceptuelles, et désignant plus simplement la refonte comique d’une œuvre, l’exception de parodie rassemblerait les trois espèces. En effet, s’entendant de toutes façons sur la dénaturation comique d’une création, il semble étonnant de vouloir leur appliquer des conditions d’existence différentes selon le genre de l’œuvre. Dès lors qu’on s’entend sur la justification de la légalité de la parodie, une œuvre ne doit-elle pas être protégée indépendamment de son genre ? (art L112-1 CPI) <br />
<br />
Encore faut-il qu’elle respecte « les lois du genre ». C’est l’appréciation prétorienne de ces exigences qui permettra ou non la qualification salvatrice de parodie, à l’œuvre que l’on souhaite tolérer.<br />
<br />
.<br />
<br />
=Tempérament : La légalité de la parodie dépend du respect des lois du genre=<br />
<br />
D’après le code Dalloz commenté :<br />
<br />
-est une œuvre transformatrice, apporte qqch de personnel<br />
<br />
-le but poursuivi doit être, en principe, de faire sourire ou rire (aux dépens d’autrui ?) MAIS sans pour autant chercher à nuire à l’auteur. (précise procédé qui déclenche le rire !)<br />
<br />
-encore faut-il qu'il n'y ait pas de risque de confusion! <br />
<br />
En conséquence, pour bénéficier de cette exception, il est nécessaire de veiller à ce qu’en aucun cas il n’y ait confusion avec les œuvres originales, et qu’il existe une réelle intention humoristique, ne comportant aucune intention de nuire aux œuvres originales. <br />
<br />
Une œuvre transformatrice, d’où l’absence de risque de confusion<br />
Le droit à la parodie permet par conséquent à l'adaptateur la modification de l'œuvre et son exploitation commerciale, sans le consentement de l'auteur de l'œuvre originelle.(jpsce ?!!!) Ainsi, la licéité de la parodie octroie à l’adaptateur une grande marge de liberté pour modifier l’œuvre originelle, sans risquer d’être inquiété par le droit moral de l’auteur. En effet, l’altération de l’œuvre avec une intention humoristique devient tolérable, et la parodie étant une œuvre transformatrice, le détournement est même indispensable. Cependant, le respect nécessaire des lois du genre implique qu’en plus de rechercher expressément le rire, la parodie ne doit pas nuire à l’auteur. <br />
<br />
<br />
==Une visée humoristique==<br />
<br />
C’est la poursuite d’une intention humoristique qui permet à la parodie d’échapper au monopole de l’auteur (T.com. Seine 26 juin 1934)L’intention comique de l’œuvre s’observe par son détournement ludique ou par la fin satirique. La parodie peut ainsi être un hommage adressé à l’auteur. En effet, une bonne parodie, calquée en partie sur l’œuvre originelle, suppose une bonne connaissance de celle-ci.( pastiche ???) A l’inverse, la parodie ne doit pas nuire à l’œuvre originelle. Le droit au rire est donc bien encadré. Or, en ce que le rire est subjectif, l’exigence de l’intention humoristique est à la fois la plus dangereuse… et la plus utilisée pour refuser la qualification de parodie.<br />
<br />
<br />
==le carcan du droit au rire==<br />
<br />
A titre d’exemple, la [[jurisprudence (fr)|jurisprudence]] a rejeté l’exception de parodie pour la reproduction dans un journal de photographies extraites de films de Marcel Pagnol, modifiées pour faire apparaître aux lieu et place des comédiens d’origine, une comédienne reprenant l’attitude des actrices et présentant des vêtements et accessoires de mode. Les juges ont considéré que ce montage ne constituait pas une parodie autorisée dès lors qu’il n’avait pas pour effet de provoquer le rire et n’imitait pas le style de Marcel Pagnol dans un but de raillerie ou d’hommage d’un sujet qu’il n’avait pas traité, mais qui avait pour but la promotion publicitaire d’articles de prêt-à-porter<ref>TGI PARIS, 1ère Ch., Section 1, 30 avril 1997, PAGNOL C/ Société VOG</ref>.<br />
L’exception de parodie est donc refusée à cette campagne publicitaire(4). Pourtant, le procédé consistant à transposer l’atmosphère d’un film de Pagnol dans une autre époque, en affublant les personnages d’un style moderne, crée une complicité amusée avec le créateur ; et éveille un sourire chez le spectateur. De plus, la modification de l’œuvre au profit de la publicité est par essence admirative. Cette campagne exploite l’univers de Pagnol pour promouvoir des vêtements. <br />
<br />
Cependant, le considérant est lourd de sens. Premièrement, il qualifie l’œuvre seconde de parodie « non autorisée », ce qui rappelle que toute parodie (au sens commun du terme), n’est pas légale. Il justifie ensuite sa décision par un non-respect des lois du genre. Ainsi, selon le [[tribunal de grande instance (fr)|TGI]], en plus de ne pas provoquer le rire (alors que la recherche du sourire dans la parodie est acceptée), la publicité dénature un sujet qu’elle ne traite pas. Cela semble signifier qu’il n’y avait pas de parodie possible d’un seul plan du film, en ce que l’image n’est qu’un élément du tout qui est le long-métrage. L’image demeure donc protégée en tant que reproduction partielle du film, mais ne peut pas être le support d’une prétendue parodie, en ce qu’elle n’est pas une œuvre à part entière. La parodie de Pagnol aurait nécessité la parodie du film dans son entier, permettant la reprise de (son) style, dans un but de raillerie ou d’hommage. Ce considérant aboutit à une totale immunité de l’image, dommageable pour le « néocréateur ». De plus cette exigence est absurde, puisque l’adhésion du public à la marque devait découler de l’association d’idée entre l’image projetée, et l’atmosphère travaillée par le film dans son entier. L’effigie devait par conséquent être représentative de l’œuvre intégrale.<br />
Il est envisageable que ce soit en réalité le but mercantile visé par le chenapan bien inspiré qui soit ainsi condamné. L’exploitation d’une œuvre par la publicité est souvent sanctionnée, si elle ne s’accompagne pas de la rétribution de l’auteur ou de ses ayants droit. <br />
<br />
Si une œuvre est en principe protégée indépendamment de son genre, de sa forme d’expression, de son mérite et de sa destination, sa destination publicitaire semble en l’occurrence le fondement de sa sanction. En outre, la parodie peut être sacrifiée, ou au contraire sauvée grâce à sa qualité(mérite). Cette allégation prend tout son sens au regard de la jurisprudence. En matière de parodie, l’arbitraire fait loi.<br />
<br />
Cet exemple montre bien l’insécurité juridique qui entoure le droit de parodie. Si celui-ci s’inscrit dans la liberté de création (davantage que dans la liberté d’expression), il est menacé selon l’interprétation que le juge retiendra des « lois du genre ».<br />
<br />
De même, la reproduction sur un site internet, référencé comme hebdomadaire-mensuel d’humour, de photographies illustrant des évènements dramatiques de l’actualité en y associant des légendes grossières, ne permettait pas de bénéficier de l’exception de parodie. Il s’agissait d’un cliché de trois moudjahidine en embuscade, associé à la légende « Putain, c’est lequel qu’a lâché ? »)<ref>TGI PARIS, 3ème Ch., Section 1, 13 février 2002, AFP C/ CALLOT</ref>.<br />
Il est donc évident que par respect envers le drame que peuvent connaître certaines populations, on ne peut pas rire de tout. L’inverse reviendrait peut-être à amoindrir la gravité des évènements d’actualité.<br />
<br />
==L’interdiction de nuire a l’auteur==<br />
<br />
===L’image de l’auteur===<br />
<br />
Il est ainsi logique que l’œuvre originelle ne devienne pas le support de la raillerie de son créateur. Quoi de plus dénigrant pour un auteur que de voir sa propre œuvre se retourner contre lui:« le but de la parodie ne doit pas être de nuire à l’auteur et la caricature ne doit pas porter atteinte à la personne de l’auteur"<br />
<br />
Ex : Est interdite la promotion d’un logiciel d’exploitation qui dénigre les éléments graphiques et les photos issues du magazine femina . Cependant, le but poursuivi peut rendre légitime la critique.<br />
<br />
===Les intérêts commerciaux de l’auteur===<br />
<br />
Rien ne s’oppose à l’exploitation commerciale de l’œuvre parodiante. Cela résulte peut-être du fait que les deux œuvres deviennent complètement différentes : ne pas chercher à nuire signifie dès lors ne pas chercher à profiter du sillage commercial pour bénéficier des gains qui étaient destinés à l’œuvre originelle.<br />
<br />
La transformation de l’œuvre fait que les gains de l’œuvre parodiante ne sont pas ceux qui auraient été perçus par l’auteur de l’œuvre originelle. Il n’y a donc pas d’empiètement au niveau de la rémunération ! De plus, la parodie séduira avant tout un public connaisseur de l’œuvre première. Apprécier la parodie suppose donc d’avoir pris connaissance de l’œuvre parodiée. Seuls les adeptes percevront les décalages entre les deux créations, et c’est de cette altération que naîtra le rire.<br />
<br />
On peut comparer cette exigence avec le fair use existant aux Etats-Unis : le droit de citation et le droit de parodie existent dès lors que la création de seconde main n’empiète pas sur les intérêts commerciaux de l’œuvre originelle<br />
<br />
<br />
=Les fondements de la légalité de la parodie=<br />
<br />
===Le droit au rire===<br />
<br />
Le droit à la parodie est reconnu depuis la Grèce antique(note renvoyant à la source : art d’Axel Payet). Cette exception au droit d'auteur serait ainsi justifiée par le droit au rire. Ce dernier apparaît alors comme un droit d'intérêt général, le bénéfice de tous prenant le pas sur l'intérêt individuel. Pourtant le droit d'auteur puise lui aussi ses racines dans l'intérêt général. En effet, sans droit d'auteur, point d'encouragement du créateur, et donc point de création. Le patrimoine commun en serait nécessairement appauvri. Mettre en balance ces deux droits antagonistes, en donnant la primauté au droit au rire, peut alors être légitimé par des éléments complémentaires. D’une part, la parodie est légale car elle ne parasite pas l’exploitation de l’œuvre première. D’autre part, la parodie est justifiée par le droit à la liberté d'expression.<br />
<br />
<br />
===La parodie légitimée par la transformation substantielle de l'œuvre===<br />
<br />
Le droit à la parodie, en favorisant le droit au rire, ne remet pas en cause le droit d'auteur, puisque les deux œuvres sont de fait substantiellement différentes. En plus d'être transformatrice, la parodie est souvent présentée comme grotesque, voire ridicule. Celle-ci vise par conséquent une fin toute différente de l'œuvre première. Si on devait comparer la littérature à la peinture, nous observerions que de la même façon, si le thème choisi est le même, son traitement est tout autre. Les différentes perceptions de la tour Eiffel seraient à rapprocher des différents traitements de l'œuvre littéraire. Ainsi, au lieu de retrouver l'empreinte de la personnalité de l'auteur et la sensibilité de l'œuvre première, le public découvre un registre cocasse et ubuesque. La parodie ne pourrait donc pas être associée à de la contrefaçon, en ce qu'elle se démarque à ce point de l'œuvre parodiée, qu'elle ne parasite pas la rémunération de l'œuvre première. <br />
<br />
En revanche, rien ne s’oppose à une exploitation commerciale de l’œuvre parodiante. Ainsi, la jurisprudence a admis la reproduction sur des tee-shirts d’un personnage reproduisant les traits essentiels de « Monsieur PROPRE », assortis d’une coloration rose fuschia et des indications « Mister QUEEN » et « AXEL is a real bitch », en considérant que ces adjonctions constituaient une modification essentielle destinée à démarquer le personnage caricatural de l’original, tout risque de confusion étant exclu et aucune preuve d’une intention de nuire n’étant rapportée. Le magistrat ajoute que l’usage de la parodie ou de la caricature n’est pas uniquement pour railler ou pour faire sourire, mais aussi dans l’intention essentiellement commerciale de profiter, pour vendre des tee-shirts et capter une clientèle, de la notoriété du personnage de « Monsieur PROPRE » (CA PARIS, 4ème Ch., Section A, 9 septembre 1998, Société SERI BRODE C/ PROCTER & GAMBLE France).<br />
<br />
===La parodie inscrite dans le droit à la liberté d'expression===<br />
<br />
La troisième justification de la tolérance de la parodie réside dans la liberté d'expression. En effet, selon MM. Strowel et Tulkens « l’exception de parodie apparaît comme une limitation en faveur de la libre expression » (1) et il apparaît que « les juridictions seraient plus réceptives à une exception basée sur la liberté d’expression dans le contexte de la parodie que dans d’autres situations »(2). Sous couvert de l'humour, la parodie permettrait la critique de l'œuvre première. D'abord principe général du droit, le droit à la libre expression est devenu un principe constitutionnel, depuis l'intégration de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 au bloc constitutionnel. Cependant, le paramètre critique de la parodie pose deux questions. La première réside dans la nécessité de ce paramètre critique. En d'autres termes, au vu de l'évolution du droit, et de l'inscription actuelle du droit à la parodie dans la libre expression, la parodie doit-elle être polémique pour être licite? Bien que cet élément ne fasse pas partie intégrante de la définition légale, il a pu être érigé en condition lors de certains contentieux. Une nouvelle acception de la parodie par l'usage serait alors à observer. <br />
<br />
Deuxièmement, ce côté critique semble contré par l'interdiction légale de porter atteinte à l'image de l'auteur. Comment se moquer sans indirectement lui nuire? La frontière semble mince. Elle a ainsi été raillée comme « le mythe de la parodie révérencieuse »...(3)<br />
<br />
<br />
=Saint-Tin et son ami Lou : Un contentieux actuel en attente de délibéré=<br />
<br />
Les éditions du Léopard Masqué et Démasqué ont commis une parodie romancée de Tintin. Cette parodie se calque donc sur les aventures du petit reporter, adaptées au climat géopolitique actuel. L’intention humoristique apparaît clairement au travers de l’humanisation des personnages, et des nombreux jeux de mots. <br />
<br />
Cependant, la fondation Moulinsart est connue pour être très regardante quant à l’utilisation qui est faite de Tintin. Ils ont donc poursuivi le Léopard Masqué en contrefaçon. Etant donné la légalité de la parodie indépendamment du consentement de l’auteur ou de ses ayants droit, Moulinsart a plaidé l’adaptation littéraire non parodique. Différents arguments venaient étayer leur cause. Selon eux, il ne peut y avoir de parodie d’une œuvre déjà humoristique. En effet, au regard la définition du petit Robert, la parodie est la contrefaçon ridicule d’une œuvre sérieuse. Or la jurisprudence a accepté la parodie d’un magazine lui-même parodique.<br />
<br />
Le risque de confusion semble exclu du débat. En effet, il s’agit d’un roman et non d’une bande dessinée. De plus, il a été jugé que plus l’œuvre parodiée est connue d’une large fraction du public, moins il y a un risque de confusion. Malheureusement, les couvertures se calquent beaucoup sur celles d’Hergé. Ce sont des couvertures parodiques, qui présentent les personnages dans des situations atypiques… A savoir si pour être parodiques, il n’aurait pas mieux valu que les couvertures soient…des caricatures.<br />
<br />
<br />
=Voir aussi=<br />
{{moteur (fr)|"Droit de parodie"}} <br />
{{moteur (fr)|"le droit à la parodie bafoué"}}<br />
<br />
=Notes et références=<br />
<references /></div>Asecretanhttps://www.lagbd.org/index.php?title=Droit_de_parodie_(fr)&diff=79432Droit de parodie (fr)2023-12-12T14:33:33Z<p>Asecretan : </p>
<hr />
<div>{{JurisPedia}}<br />
<br />
[[France]] > [[:Catégorie: Droit privé (fr)|Droit privé]] > [[:Catégorie: Droit de la propriété intellectuelle(fr)| Droit de la propriété intellectuelle]] > [[:Catégorie: Droit d'auteur (fr)| Droit d'auteur]]<br />
[[Image:fr_flag.png|framed|]]<br />
[[Catégorie:France]][[Catégorie:Droit privé (fr)]][[Catégorie:Propriété intellectuelle (fr)]][[Catégorie: Droit d'auteur (fr)]]<br />
<br />
<br />
=Le principe général : l’utilisation de l’œuvre sans accord de son auteur est illicite=<br />
<br />
Le [[droit d'auteur (fr)|droit d'auteur]] a pour vocation de protéger l’œuvre du créateur (et par là son image), ainsi que les intérêts [[patrimoine (fr)|patrimoniaux]] de celui-ci. Ces avantages permettent d’encourager la création. Ainsi, toute exploitation d’œuvres sans l’autorisation de leur auteur constitue un acte de [[contrefaçon (fr)|contrefaçon]], engageant la [[responsabilité civile (fr)|responsabilité civile]] et/ou [[responsabilité pénale (fr)|pénale]] de l’auteur de l’exploitation illicite, dite contrefaisante. <br />
La [[contrefaçon (fr)|contrefaçon]] découle en conséquence ([[CPIfr:L122-4|article L 122-4]] du [[Code de la propriété intellectuelle (fr)|Code de la propriété intellectuelle]]) de la représentation ou de la reproduction totale ou partielle de l’œuvre, sans le consentement de son auteur ou de ses [[ayant droit (fr)|ayants droit]]. Il en est de même pour le traduction de l’œuvre, son adaptation ou sa transformation par un art ou un procédé quelconque.<br />
Ainsi, dans le même sens: une adaptation de l'œuvre, même originale (c'est à dire se démarquant de l'œuvre originelle pour porter l'empreinte de la personnalité de l'adaptateur), demeure une [[contrefaçon (fr)|contrefaçon]], si celle-ci a été réalisée sans l'accord de l'auteur de l'œuvre première.<ref>[[Cour d'appel (fr)|CA]] Paris, 23 mars 1978</ref><br />
<br />
=L’exception : la tolérance de la caricature, de la parodie et du pastiche=<br />
<br />
Toutefois, l’article L 122-5 du Code de la Propriété Intellectuelle aménage certaines exceptions à ce droit exclusif de l’auteur. Il en est ainsi notamment de la parodie, le pastiche ou la caricature, dès lors que l’œuvre parodiée a été divulguée, et que la seconde respecte les lois du genre. L’utilisation du terme parodie sera ici employé pour désigner les trois genres confondus, comme domaine commun. En effet, si la cour de cassation entend faire une application distributive des trois notions (Civ. 1ère, 12 janvier 1988), leur régime est quasiment identique.<br />
<br />
<br />
== l’enjeu de la qualification de parodie==<br />
L’exploitation d’une parodie est licite, indépendamment de l’assentiment de l’auteur de l’œuvre originelle. Mais si l'exception de parodie semble claire, encore faut-il s'entendre sur la définition de la parodie. En effet, celle-ci n’a pas de définition légale. Sa licéité dépendra du respect des « lois du genre » . Ainsi, dans le langage courant, la parodie est, comme usage générique, toute œuvre seconde à visée ludique ou moqueuse.<br />
Or, bien qu’étant en partie la refonte de l’œuvre première, la parodie sort juridiquement de la qualification d’adaptation de l’œuvre parodiée. Cette opération juridique permet sa soustraction au monopole de l’auteur, et sa protection en tant qu’œuvre à part entière.<br />
Ainsi, la qualification d’une adaptation littéraire de parodie légalise son existence. La définition devient l’enjeu de maints contentieux. Il semble que l’exactitude du concept de parodie réside dans la raison d’être du droit de parodie.<br />
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==la définition de la parodie==<br />
<br />
La disposition légale, énonçant la tolérance de facto de la parodie, du pastiche et de la caricature, pose la question de la signification distincte de ces trois termes. Il semble que, bien que donnant une application distributive à ces œuvres dérivées (et suivant en cela H.Desbois (H. Desbois, Le droit d’auteur en France, Dalloz, édition 1978, p. 321) : la parodie aux œuvres musicales, le pastiche aux œuvres littéraire et la caricature aux œuvres figuratives, la doctrine et la jurisprudence considèrent que celles-ci appartiennent toutes au même genre, et bénéficient donc d’une signification identique. En effet, la loi intime le respect des lois « du genre », ce qui peut être compris comme rassemblant au sein du même genre les trois concepts. Néanmoins, cette disposition peut aussi être analysée comme sollicitant le respect des lois du genre de chaque concept. Or l’enjeu sémantique est considérable, en ce que les trois termes ont bien des fondements distincts. <br />
<br />
===la caricature===<br />
La caricature, appliquée à une effigie, n’est moqueuse qu’en ce qu’elle exacerbe les traits les moins harmonieux du sujet, pour aboutir à sa déformation. L’intention humoristique est donc facile à établir, et suscite plus le sourire que le rire.<br />
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===le pastiche===<br />
<br />
Pour sa part, le pastiche, d’abord appliqué à la copie d’un tableau, désigne désormais l’œuvre qui procède par imitation d’un écrivain, d’un artiste, d’un genre ou d’une école, le plus souvent à des fins parodiques. Ainsi, en plus de conserver l’exigence humoristique, qui est la base de la parodie, l’exercice du pastiche demanderait un travail « à la manière de » l’auteur pastiché. Il semble cependant que cet argument ne soit pas développé pour refuser la légalité d’une « parodie littéraire ».<br />
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===la parodie===<br />
<br />
Pour certains, la parodie doit être la version satirique d’une oeuvre, dans le but de faire rire. Or la satire suppose la critique. Cependant, il semble que la notion ait évolué. N’ayant plus les mêmes besoins, on accepterait que l’appellation de parodie ne s’applique plus à la critique fondée, ms à la seule recherche du rire.(De l’art du détournement de Guy Belzane)<br />
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===la dénomination générique de parodie===<br />
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Ainsi, sans se soucier de ces différences conceptuelles, et désignant plus simplement la refonte comique d’une œuvre, l’exception de parodie rassemblerait les trois espèces. En effet, s’entendant de toutes façons sur la dénaturation comique d’une création, il semble étonnant de vouloir leur appliquer des conditions d’existence différentes selon le genre de l’œuvre. Dès lors qu’on s’entend sur la justification de la légalité de la parodie, une œuvre ne doit-elle pas être protégée indépendamment de son genre ? (art L112-1 CPI) <br />
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Encore faut-il qu’elle respecte « les lois du genre ». C’est l’appréciation prétorienne de ces exigences qui permettra ou non la qualification salvatrice de parodie, à l’œuvre que l’on souhaite tolérer.<br />
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=Tempérament : La légalité de la parodie dépend du respect des lois du genre=<br />
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D’après le code Dalloz commenté :<br />
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-est une œuvre transformatrice, apporte qqch de personnel<br />
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-le but poursuivi doit être, en principe, de faire sourire ou rire (aux dépens d’autrui ?) MAIS sans pour autant chercher à nuire à l’auteur. (précise procédé qui déclenche le rire !)<br />
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-encore faut-il qu'il n'y ait pas de risque de confusion! <br />
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En conséquence, pour bénéficier de cette exception, il est nécessaire de veiller à ce qu’en aucun cas il n’y ait confusion avec les œuvres originales, et qu’il existe une réelle intention humoristique, ne comportant aucune intention de nuire aux œuvres originales. <br />
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Une œuvre transformatrice, d’où l’absence de risque de confusion<br />
Le droit à la parodie permet par conséquent à l'adaptateur la modification de l'œuvre et son exploitation commerciale, sans le consentement de l'auteur de l'œuvre originelle.(jpsce ?!!!) Ainsi, la licéité de la parodie octroie à l’adaptateur une grande marge de liberté pour modifier l’œuvre originelle, sans risquer d’être inquiété par le droit moral de l’auteur. En effet, l’altération de l’œuvre avec une intention humoristique devient tolérable, et la parodie étant une œuvre transformatrice, le détournement est même indispensable. Cependant, le respect nécessaire des lois du genre implique qu’en plus de rechercher expressément le rire, la parodie ne doit pas nuire à l’auteur. <br />
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==Une visée humoristique==<br />
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C’est la poursuite d’une intention humoristique qui permet à la parodie d’échapper au monopole de l’auteur (T.com. Seine 26 juin 1934)L’intention comique de l’œuvre s’observe par son détournement ludique ou par la fin satirique. La parodie peut ainsi être un hommage adressé à l’auteur. En effet, une bonne parodie, calquée en partie sur l’œuvre originelle, suppose une bonne connaissance de celle-ci.( pastiche ???) A l’inverse, la parodie ne doit pas nuire à l’œuvre originelle. Le droit au rire est donc bien encadré. Or, en ce que le rire est subjectif, l’exigence de l’intention humoristique est à la fois la plus dangereuse… et la plus utilisée pour refuser la qualification de parodie.<br />
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==le carcan du droit au rire==<br />
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A titre d’exemple, la [[jurisprudence (fr)|jurisprudence]] a rejeté l’exception de parodie pour la reproduction dans un journal de photographies extraites de films de Marcel Pagnol, modifiées pour faire apparaître aux lieu et place des comédiens d’origine, une comédienne reprenant l’attitude des actrices et présentant des vêtements et accessoires de mode. Les juges ont considéré que ce montage ne constituait pas une parodie autorisée dès lors qu’il n’avait pas pour effet de provoquer le rire et n’imitait pas le style de Marcel Pagnol dans un but de raillerie ou d’hommage d’un sujet qu’il n’avait pas traité, mais qui avait pour but la promotion publicitaire d’articles de prêt-à-porter<ref>TGI PARIS, 1ère Ch., Section 1, 30 avril 1997, PAGNOL C/ Société VOG</ref>.<br />
L’exception de parodie est donc refusée à cette campagne publicitaire(4). Pourtant, le procédé consistant à transposer l’atmosphère d’un film de Pagnol dans une autre époque, en affublant les personnages d’un style moderne, crée une complicité amusée avec le créateur ; et éveille un sourire chez le spectateur. De plus, la modification de l’œuvre au profit de la publicité est par essence admirative. Cette campagne exploite l’univers de Pagnol pour promouvoir des vêtements. <br />
<br />
Cependant, le considérant est lourd de sens. Premièrement, il qualifie l’œuvre seconde de parodie « non autorisée », ce qui rappelle que toute parodie (au sens commun du terme), n’est pas légale. Il justifie ensuite sa décision par un non-respect des lois du genre. Ainsi, selon le [[tribunal de grande instance (fr)|TGI]], en plus de ne pas provoquer le rire (alors que la recherche du sourire dans la parodie est acceptée), la publicité dénature un sujet qu’elle ne traite pas. Cela semble signifier qu’il n’y avait pas de parodie possible d’un seul plan du film, en ce que l’image n’est qu’un élément du tout qui est le long-métrage. L’image demeure donc protégée en tant que reproduction partielle du film, mais ne peut pas être le support d’une prétendue parodie, en ce qu’elle n’est pas une œuvre à part entière. La parodie de Pagnol aurait nécessité la parodie du film dans son entier, permettant la reprise de (son) style, dans un but de raillerie ou d’hommage. Ce considérant aboutit à une totale immunité de l’image, dommageable pour le « néocréateur ». De plus cette exigence est absurde, puisque l’adhésion du public à la marque devait découler de l’association d’idée entre l’image projetée, et l’atmosphère travaillée par le film dans son entier. L’effigie devait par conséquent être représentative de l’œuvre intégrale.<br />
Il est envisageable que ce soit en réalité le but mercantile visé par le chenapan bien inspiré qui soit ainsi condamné. L’exploitation d’une œuvre par la publicité est souvent sanctionnée, si elle ne s’accompagne pas de la rétribution de l’auteur ou de ses ayants droit. <br />
<br />
Si une œuvre est en principe protégée indépendamment de son genre, de sa forme d’expression, de son mérite et de sa destination, sa destination publicitaire semble en l’occurrence le fondement de sa sanction. En outre, la parodie peut être sacrifiée, ou au contraire sauvée grâce à sa qualité(mérite). Cette allégation prend tout son sens au regard de la jurisprudence. En matière de parodie, l’arbitraire fait loi.<br />
<br />
Cet exemple montre bien l’insécurité juridique qui entoure le droit de parodie. Si celui-ci s’inscrit dans la liberté de création (davantage que dans la liberté d’expression), il est menacé selon l’interprétation que le juge retiendra des « lois du genre ».<br />
<br />
De même, la reproduction sur un site internet, référencé comme hebdomadaire-mensuel d’humour, de photographies illustrant des évènements dramatiques de l’actualité en y associant des légendes grossières, ne permettait pas de bénéficier de l’exception de parodie. Il s’agissait d’un cliché de trois moudjahidine en embuscade, associé à la légende « Putain, c’est lequel qu’a lâché ? »)<ref>TGI PARIS, 3ème Ch., Section 1, 13 février 2002, AFP C/ CALLOT</ref>.<br />
Il est donc évident que par respect envers le drame que peuvent connaître certaines populations, on ne peut pas rire de tout. L’inverse reviendrait peut-être à amoindrir la gravité des évènements d’actualité.<br />
<br />
==L’interdiction de nuire a l’auteur==<br />
<br />
===L’image de l’auteur===<br />
<br />
Il est ainsi logique que l’œuvre originelle ne devienne pas le support de la raillerie de son créateur. Quoi de plus dénigrant pour un auteur que de voir sa propre œuvre se retourner contre lui:« le but de la parodie ne doit pas être de nuire à l’auteur et la caricature ne doit pas porter atteinte à la personne de l’auteur"<br />
<br />
Ex : Est interdite la promotion d’un logiciel d’exploitation qui dénigre les éléments graphiques et les photos issues du magazine femina . Cependant, le but poursuivi peut rendre légitime la critique.<br />
<br />
===Les intérêts commerciaux de l’auteur===<br />
<br />
Rien ne s’oppose à l’exploitation commerciale de l’œuvre parodiante. Cela résulte peut-être du fait que les deux œuvres deviennent complètement différentes : ne pas chercher à nuire signifie dès lors ne pas chercher à profiter du sillage commercial pour bénéficier des gains qui étaient destinés à l’œuvre originelle.<br />
<br />
La transformation de l’œuvre fait que les gains de l’œuvre parodiante ne sont pas ceux qui auraient été perçus par l’auteur de l’œuvre originelle. Il n’y a donc pas d’empiètement au niveau de la rémunération ! De plus, la parodie séduira avant tout un public connaisseur de l’œuvre première. Apprécier la parodie suppose donc d’avoir pris connaissance de l’œuvre parodiée. Seuls les adeptes percevront les décalages entre les deux créations, et c’est de cette altération que naîtra le rire.<br />
<br />
On peut comparer cette exigence avec le fair use existant aux Etats-Unis : le droit de citation et le droit de parodie existent dès lors que la création de seconde main n’empiète pas sur les intérêts commerciaux de l’œuvre originelle<br />
<br />
<br />
=Les fondements de la légalité de la parodie=<br />
<br />
===Le droit au rire===<br />
<br />
Le droit à la parodie est reconnu depuis la Grèce antique(note renvoyant à la source : art d’Axel Payet). Cette exception au droit d'auteur serait ainsi justifiée par le droit au rire. Ce dernier apparaît alors comme un droit d'intérêt général, le bénéfice de tous prenant le pas sur l'intérêt individuel. Pourtant le droit d'auteur puise lui aussi ses racines dans l'intérêt général. En effet, sans droit d'auteur, point d'encouragement du créateur, et donc point de création. Le patrimoine commun en serait nécessairement appauvri. Mettre en balance ces deux droits antagonistes, en donnant la primauté au droit au rire, peut alors être légitimé par des éléments complémentaires. D’une part, la parodie est légale car elle ne parasite pas l’exploitation de l’œuvre première. D’autre part, la parodie est justifiée par le droit à la liberté d'expression.<br />
<br />
<br />
===La parodie légitimée par la transformation substantielle de l'œuvre===<br />
<br />
Le droit à la parodie, en favorisant le droit au rire, ne remet pas en cause le droit d'auteur, puisque les deux œuvres sont de fait substantiellement différentes. En plus d'être transformatrice, la parodie est souvent présentée comme grotesque, voire ridicule. Celle-ci vise par conséquent une fin toute différente de l'œuvre première. Si on devait comparer la littérature à la peinture, nous observerions que de la même façon, si le thème choisi est le même, son traitement est tout autre. Les différentes perceptions de la tour Eiffel seraient à rapprocher des différents traitements de l'œuvre littéraire. Ainsi, au lieu de retrouver l'empreinte de la personnalité de l'auteur et la sensibilité de l'œuvre première, le public découvre un registre cocasse et ubuesque. La parodie ne pourrait donc pas être associée à de la contrefaçon, en ce qu'elle se démarque à ce point de l'œuvre parodiée, qu'elle ne parasite pas la rémunération de l'œuvre première. <br />
<br />
En revanche, rien ne s’oppose à une exploitation commerciale de l’œuvre parodiante. Ainsi, la jurisprudence a admis la reproduction sur des tee-shirts d’un personnage reproduisant les traits essentiels de « Monsieur PROPRE », assortis d’une coloration rose fuschia et des indications « Mister QUEEN » et « AXEL is a real bitch », en considérant que ces adjonctions constituaient une modification essentielle destinée à démarquer le personnage caricatural de l’original, tout risque de confusion étant exclu et aucune preuve d’une intention de nuire n’étant rapportée. Le magistrat ajoute que l’usage de la parodie ou de la caricature n’est pas uniquement pour railler ou pour faire sourire, mais aussi dans l’intention essentiellement commerciale de profiter, pour vendre des tee-shirts et capter une clientèle, de la notoriété du personnage de « Monsieur PROPRE » (CA PARIS, 4ème Ch., Section A, 9 septembre 1998, Société SERI BRODE C/ PROCTER & GAMBLE France).<br />
<br />
===La parodie inscrite dans le droit à la liberté d'expression===<br />
<br />
La troisième justification de la tolérance de la parodie réside dans la liberté d'expression. En effet, selon MM. Strowel et Tulkens « l’exception de parodie apparaît comme une limitation en faveur de la libre expression » (1) et il apparaît que « les juridictions seraient plus réceptives à une exception basée sur la liberté d’expression dans le contexte de la parodie que dans d’autres situations »(2). Sous couvert de l'humour, la parodie permettrait la critique de l'œuvre première. D'abord principe général du droit, le droit à la libre expression est devenu un principe constitutionnel, depuis l'intégration de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 au bloc constitutionnel. Cependant, le paramètre critique de la parodie pose deux questions. La première réside dans la nécessité de ce paramètre critique. En d'autres termes, au vu de l'évolution du droit, et de l'inscription actuelle du droit à la parodie dans la libre expression, la parodie doit-elle être polémique pour être licite? Bien que cet élément ne fasse pas partie intégrante de la définition légale, il a pu être érigé en condition lors de certains contentieux. Une nouvelle acception de la parodie par l'usage serait alors à observer. <br />
<br />
Deuxièmement, ce côté critique semble contré par l'interdiction légale de porter atteinte à l'image de l'auteur. Comment se moquer sans indirectement lui nuire? La frontière semble mince. Elle a ainsi été raillée comme « le mythe de la parodie révérencieuse »...(3)<br />
<br />
<br />
=Saint-Tin et son ami Lou : Un contentieux actuel en attente de délibéré=<br />
<br />
Les éditions du Léopard Masqué et Démasqué ont commis une parodie romancée de Tintin. Cette parodie se calque donc sur les aventures du petit reporter, adaptées au climat géopolitique actuel. L’intention humoristique apparaît clairement au travers de l’humanisation des personnages, et des nombreux jeux de mots. <br />
<br />
Cependant, la fondation Moulinsart est connue pour être très regardante quant à l’utilisation qui est faite de Tintin. Ils ont donc poursuivi le Léopard Masqué en contrefaçon. Etant donné la légalité de la parodie indépendamment du consentement de l’auteur ou de ses ayants droit, Moulinsart a plaidé l’adaptation littéraire non parodique. Différents arguments venaient étayer leur cause. Selon eux, il ne peut y avoir de parodie d’une œuvre déjà humoristique. En effet, au regard la définition du petit Robert, la parodie est la contrefaçon ridicule d’une œuvre sérieuse. Or la jurisprudence a accepté la parodie d’un magazine lui-même parodique.<br />
<br />
Le risque de confusion semble exclu du débat. En effet, il s’agit d’un roman et non d’une bande dessinée. De plus, il a été jugé que plus l’œuvre parodiée est connue d’une large fraction du public, moins il y a un risque de confusion. Malheureusement, les couvertures se calquent beaucoup sur celles d’Hergé. Ce sont des couvertures parodiques, qui présentent les personnages dans des situations atypiques… A savoir si pour être parodiques, il n’aurait pas mieux valu que les couvertures soient…des caricatures.<br />
<br />
<br />
=Voir aussi=<br />
{{moteur (fr)|"Droit de parodie"}} <br />
{{moteur (fr)|"le droit à la parodie bafoué"}}<br />
<br />
=Notes et références=<br />
<references /></div>Asecretanhttps://www.lagbd.org/index.php?title=Droit_de_parodie_(fr)&diff=79431Droit de parodie (fr)2023-12-12T14:33:14Z<p>Asecretan : </p>
<hr />
<div>{{JurisPedia}}<br />
<br />
[[France]] > [[:Catégorie: Droit privé (fr)|Droit privé]] > [[:Catégorie:Droit de la propriété intellectuelle (fr)| Droit de la propriété intellectuelle]] > [[:Catégorie: Droit d'auteur (fr)| Droit d'auteur]]<br />
[[Image:fr_flag.png|framed|]]<br />
[[Catégorie:France]][[Catégorie:Droit privé (fr)]][[Catégorie:Propriété intellectuelle (fr)]][[Catégorie: Droit d'auteur (fr)]]<br />
<br />
<br />
=Le principe général : l’utilisation de l’œuvre sans accord de son auteur est illicite=<br />
<br />
Le [[droit d'auteur (fr)|droit d'auteur]] a pour vocation de protéger l’œuvre du créateur (et par là son image), ainsi que les intérêts [[patrimoine (fr)|patrimoniaux]] de celui-ci. Ces avantages permettent d’encourager la création. Ainsi, toute exploitation d’œuvres sans l’autorisation de leur auteur constitue un acte de [[contrefaçon (fr)|contrefaçon]], engageant la [[responsabilité civile (fr)|responsabilité civile]] et/ou [[responsabilité pénale (fr)|pénale]] de l’auteur de l’exploitation illicite, dite contrefaisante. <br />
La [[contrefaçon (fr)|contrefaçon]] découle en conséquence ([[CPIfr:L122-4|article L 122-4]] du [[Code de la propriété intellectuelle (fr)|Code de la propriété intellectuelle]]) de la représentation ou de la reproduction totale ou partielle de l’œuvre, sans le consentement de son auteur ou de ses [[ayant droit (fr)|ayants droit]]. Il en est de même pour le traduction de l’œuvre, son adaptation ou sa transformation par un art ou un procédé quelconque.<br />
Ainsi, dans le même sens: une adaptation de l'œuvre, même originale (c'est à dire se démarquant de l'œuvre originelle pour porter l'empreinte de la personnalité de l'adaptateur), demeure une [[contrefaçon (fr)|contrefaçon]], si celle-ci a été réalisée sans l'accord de l'auteur de l'œuvre première.<ref>[[Cour d'appel (fr)|CA]] Paris, 23 mars 1978</ref><br />
<br />
=L’exception : la tolérance de la caricature, de la parodie et du pastiche=<br />
<br />
Toutefois, l’article L 122-5 du Code de la Propriété Intellectuelle aménage certaines exceptions à ce droit exclusif de l’auteur. Il en est ainsi notamment de la parodie, le pastiche ou la caricature, dès lors que l’œuvre parodiée a été divulguée, et que la seconde respecte les lois du genre. L’utilisation du terme parodie sera ici employé pour désigner les trois genres confondus, comme domaine commun. En effet, si la cour de cassation entend faire une application distributive des trois notions (Civ. 1ère, 12 janvier 1988), leur régime est quasiment identique.<br />
<br />
<br />
== l’enjeu de la qualification de parodie==<br />
L’exploitation d’une parodie est licite, indépendamment de l’assentiment de l’auteur de l’œuvre originelle. Mais si l'exception de parodie semble claire, encore faut-il s'entendre sur la définition de la parodie. En effet, celle-ci n’a pas de définition légale. Sa licéité dépendra du respect des « lois du genre » . Ainsi, dans le langage courant, la parodie est, comme usage générique, toute œuvre seconde à visée ludique ou moqueuse.<br />
Or, bien qu’étant en partie la refonte de l’œuvre première, la parodie sort juridiquement de la qualification d’adaptation de l’œuvre parodiée. Cette opération juridique permet sa soustraction au monopole de l’auteur, et sa protection en tant qu’œuvre à part entière.<br />
Ainsi, la qualification d’une adaptation littéraire de parodie légalise son existence. La définition devient l’enjeu de maints contentieux. Il semble que l’exactitude du concept de parodie réside dans la raison d’être du droit de parodie.<br />
<br />
==la définition de la parodie==<br />
<br />
La disposition légale, énonçant la tolérance de facto de la parodie, du pastiche et de la caricature, pose la question de la signification distincte de ces trois termes. Il semble que, bien que donnant une application distributive à ces œuvres dérivées (et suivant en cela H.Desbois (H. Desbois, Le droit d’auteur en France, Dalloz, édition 1978, p. 321) : la parodie aux œuvres musicales, le pastiche aux œuvres littéraire et la caricature aux œuvres figuratives, la doctrine et la jurisprudence considèrent que celles-ci appartiennent toutes au même genre, et bénéficient donc d’une signification identique. En effet, la loi intime le respect des lois « du genre », ce qui peut être compris comme rassemblant au sein du même genre les trois concepts. Néanmoins, cette disposition peut aussi être analysée comme sollicitant le respect des lois du genre de chaque concept. Or l’enjeu sémantique est considérable, en ce que les trois termes ont bien des fondements distincts. <br />
<br />
===la caricature===<br />
La caricature, appliquée à une effigie, n’est moqueuse qu’en ce qu’elle exacerbe les traits les moins harmonieux du sujet, pour aboutir à sa déformation. L’intention humoristique est donc facile à établir, et suscite plus le sourire que le rire.<br />
<br />
===le pastiche===<br />
<br />
Pour sa part, le pastiche, d’abord appliqué à la copie d’un tableau, désigne désormais l’œuvre qui procède par imitation d’un écrivain, d’un artiste, d’un genre ou d’une école, le plus souvent à des fins parodiques. Ainsi, en plus de conserver l’exigence humoristique, qui est la base de la parodie, l’exercice du pastiche demanderait un travail « à la manière de » l’auteur pastiché. Il semble cependant que cet argument ne soit pas développé pour refuser la légalité d’une « parodie littéraire ».<br />
<br />
===la parodie===<br />
<br />
Pour certains, la parodie doit être la version satirique d’une oeuvre, dans le but de faire rire. Or la satire suppose la critique. Cependant, il semble que la notion ait évolué. N’ayant plus les mêmes besoins, on accepterait que l’appellation de parodie ne s’applique plus à la critique fondée, ms à la seule recherche du rire.(De l’art du détournement de Guy Belzane)<br />
<br />
===la dénomination générique de parodie===<br />
<br />
Ainsi, sans se soucier de ces différences conceptuelles, et désignant plus simplement la refonte comique d’une œuvre, l’exception de parodie rassemblerait les trois espèces. En effet, s’entendant de toutes façons sur la dénaturation comique d’une création, il semble étonnant de vouloir leur appliquer des conditions d’existence différentes selon le genre de l’œuvre. Dès lors qu’on s’entend sur la justification de la légalité de la parodie, une œuvre ne doit-elle pas être protégée indépendamment de son genre ? (art L112-1 CPI) <br />
<br />
Encore faut-il qu’elle respecte « les lois du genre ». C’est l’appréciation prétorienne de ces exigences qui permettra ou non la qualification salvatrice de parodie, à l’œuvre que l’on souhaite tolérer.<br />
<br />
.<br />
<br />
=Tempérament : La légalité de la parodie dépend du respect des lois du genre=<br />
<br />
D’après le code Dalloz commenté :<br />
<br />
-est une œuvre transformatrice, apporte qqch de personnel<br />
<br />
-le but poursuivi doit être, en principe, de faire sourire ou rire (aux dépens d’autrui ?) MAIS sans pour autant chercher à nuire à l’auteur. (précise procédé qui déclenche le rire !)<br />
<br />
-encore faut-il qu'il n'y ait pas de risque de confusion! <br />
<br />
En conséquence, pour bénéficier de cette exception, il est nécessaire de veiller à ce qu’en aucun cas il n’y ait confusion avec les œuvres originales, et qu’il existe une réelle intention humoristique, ne comportant aucune intention de nuire aux œuvres originales. <br />
<br />
Une œuvre transformatrice, d’où l’absence de risque de confusion<br />
Le droit à la parodie permet par conséquent à l'adaptateur la modification de l'œuvre et son exploitation commerciale, sans le consentement de l'auteur de l'œuvre originelle.(jpsce ?!!!) Ainsi, la licéité de la parodie octroie à l’adaptateur une grande marge de liberté pour modifier l’œuvre originelle, sans risquer d’être inquiété par le droit moral de l’auteur. En effet, l’altération de l’œuvre avec une intention humoristique devient tolérable, et la parodie étant une œuvre transformatrice, le détournement est même indispensable. Cependant, le respect nécessaire des lois du genre implique qu’en plus de rechercher expressément le rire, la parodie ne doit pas nuire à l’auteur. <br />
<br />
<br />
==Une visée humoristique==<br />
<br />
C’est la poursuite d’une intention humoristique qui permet à la parodie d’échapper au monopole de l’auteur (T.com. Seine 26 juin 1934)L’intention comique de l’œuvre s’observe par son détournement ludique ou par la fin satirique. La parodie peut ainsi être un hommage adressé à l’auteur. En effet, une bonne parodie, calquée en partie sur l’œuvre originelle, suppose une bonne connaissance de celle-ci.( pastiche ???) A l’inverse, la parodie ne doit pas nuire à l’œuvre originelle. Le droit au rire est donc bien encadré. Or, en ce que le rire est subjectif, l’exigence de l’intention humoristique est à la fois la plus dangereuse… et la plus utilisée pour refuser la qualification de parodie.<br />
<br />
<br />
==le carcan du droit au rire==<br />
<br />
A titre d’exemple, la [[jurisprudence (fr)|jurisprudence]] a rejeté l’exception de parodie pour la reproduction dans un journal de photographies extraites de films de Marcel Pagnol, modifiées pour faire apparaître aux lieu et place des comédiens d’origine, une comédienne reprenant l’attitude des actrices et présentant des vêtements et accessoires de mode. Les juges ont considéré que ce montage ne constituait pas une parodie autorisée dès lors qu’il n’avait pas pour effet de provoquer le rire et n’imitait pas le style de Marcel Pagnol dans un but de raillerie ou d’hommage d’un sujet qu’il n’avait pas traité, mais qui avait pour but la promotion publicitaire d’articles de prêt-à-porter<ref>TGI PARIS, 1ère Ch., Section 1, 30 avril 1997, PAGNOL C/ Société VOG</ref>.<br />
L’exception de parodie est donc refusée à cette campagne publicitaire(4). Pourtant, le procédé consistant à transposer l’atmosphère d’un film de Pagnol dans une autre époque, en affublant les personnages d’un style moderne, crée une complicité amusée avec le créateur ; et éveille un sourire chez le spectateur. De plus, la modification de l’œuvre au profit de la publicité est par essence admirative. Cette campagne exploite l’univers de Pagnol pour promouvoir des vêtements. <br />
<br />
Cependant, le considérant est lourd de sens. Premièrement, il qualifie l’œuvre seconde de parodie « non autorisée », ce qui rappelle que toute parodie (au sens commun du terme), n’est pas légale. Il justifie ensuite sa décision par un non-respect des lois du genre. Ainsi, selon le [[tribunal de grande instance (fr)|TGI]], en plus de ne pas provoquer le rire (alors que la recherche du sourire dans la parodie est acceptée), la publicité dénature un sujet qu’elle ne traite pas. Cela semble signifier qu’il n’y avait pas de parodie possible d’un seul plan du film, en ce que l’image n’est qu’un élément du tout qui est le long-métrage. L’image demeure donc protégée en tant que reproduction partielle du film, mais ne peut pas être le support d’une prétendue parodie, en ce qu’elle n’est pas une œuvre à part entière. La parodie de Pagnol aurait nécessité la parodie du film dans son entier, permettant la reprise de (son) style, dans un but de raillerie ou d’hommage. Ce considérant aboutit à une totale immunité de l’image, dommageable pour le « néocréateur ». De plus cette exigence est absurde, puisque l’adhésion du public à la marque devait découler de l’association d’idée entre l’image projetée, et l’atmosphère travaillée par le film dans son entier. L’effigie devait par conséquent être représentative de l’œuvre intégrale.<br />
Il est envisageable que ce soit en réalité le but mercantile visé par le chenapan bien inspiré qui soit ainsi condamné. L’exploitation d’une œuvre par la publicité est souvent sanctionnée, si elle ne s’accompagne pas de la rétribution de l’auteur ou de ses ayants droit. <br />
<br />
Si une œuvre est en principe protégée indépendamment de son genre, de sa forme d’expression, de son mérite et de sa destination, sa destination publicitaire semble en l’occurrence le fondement de sa sanction. En outre, la parodie peut être sacrifiée, ou au contraire sauvée grâce à sa qualité(mérite). Cette allégation prend tout son sens au regard de la jurisprudence. En matière de parodie, l’arbitraire fait loi.<br />
<br />
Cet exemple montre bien l’insécurité juridique qui entoure le droit de parodie. Si celui-ci s’inscrit dans la liberté de création (davantage que dans la liberté d’expression), il est menacé selon l’interprétation que le juge retiendra des « lois du genre ».<br />
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De même, la reproduction sur un site internet, référencé comme hebdomadaire-mensuel d’humour, de photographies illustrant des évènements dramatiques de l’actualité en y associant des légendes grossières, ne permettait pas de bénéficier de l’exception de parodie. Il s’agissait d’un cliché de trois moudjahidine en embuscade, associé à la légende « Putain, c’est lequel qu’a lâché ? »)<ref>TGI PARIS, 3ème Ch., Section 1, 13 février 2002, AFP C/ CALLOT</ref>.<br />
Il est donc évident que par respect envers le drame que peuvent connaître certaines populations, on ne peut pas rire de tout. L’inverse reviendrait peut-être à amoindrir la gravité des évènements d’actualité.<br />
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==L’interdiction de nuire a l’auteur==<br />
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===L’image de l’auteur===<br />
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Il est ainsi logique que l’œuvre originelle ne devienne pas le support de la raillerie de son créateur. Quoi de plus dénigrant pour un auteur que de voir sa propre œuvre se retourner contre lui:« le but de la parodie ne doit pas être de nuire à l’auteur et la caricature ne doit pas porter atteinte à la personne de l’auteur"<br />
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Ex : Est interdite la promotion d’un logiciel d’exploitation qui dénigre les éléments graphiques et les photos issues du magazine femina . Cependant, le but poursuivi peut rendre légitime la critique.<br />
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===Les intérêts commerciaux de l’auteur===<br />
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Rien ne s’oppose à l’exploitation commerciale de l’œuvre parodiante. Cela résulte peut-être du fait que les deux œuvres deviennent complètement différentes : ne pas chercher à nuire signifie dès lors ne pas chercher à profiter du sillage commercial pour bénéficier des gains qui étaient destinés à l’œuvre originelle.<br />
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La transformation de l’œuvre fait que les gains de l’œuvre parodiante ne sont pas ceux qui auraient été perçus par l’auteur de l’œuvre originelle. Il n’y a donc pas d’empiètement au niveau de la rémunération ! De plus, la parodie séduira avant tout un public connaisseur de l’œuvre première. Apprécier la parodie suppose donc d’avoir pris connaissance de l’œuvre parodiée. Seuls les adeptes percevront les décalages entre les deux créations, et c’est de cette altération que naîtra le rire.<br />
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On peut comparer cette exigence avec le fair use existant aux Etats-Unis : le droit de citation et le droit de parodie existent dès lors que la création de seconde main n’empiète pas sur les intérêts commerciaux de l’œuvre originelle<br />
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=Les fondements de la légalité de la parodie=<br />
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===Le droit au rire===<br />
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Le droit à la parodie est reconnu depuis la Grèce antique(note renvoyant à la source : art d’Axel Payet). Cette exception au droit d'auteur serait ainsi justifiée par le droit au rire. Ce dernier apparaît alors comme un droit d'intérêt général, le bénéfice de tous prenant le pas sur l'intérêt individuel. Pourtant le droit d'auteur puise lui aussi ses racines dans l'intérêt général. En effet, sans droit d'auteur, point d'encouragement du créateur, et donc point de création. Le patrimoine commun en serait nécessairement appauvri. Mettre en balance ces deux droits antagonistes, en donnant la primauté au droit au rire, peut alors être légitimé par des éléments complémentaires. D’une part, la parodie est légale car elle ne parasite pas l’exploitation de l’œuvre première. D’autre part, la parodie est justifiée par le droit à la liberté d'expression.<br />
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===La parodie légitimée par la transformation substantielle de l'œuvre===<br />
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Le droit à la parodie, en favorisant le droit au rire, ne remet pas en cause le droit d'auteur, puisque les deux œuvres sont de fait substantiellement différentes. En plus d'être transformatrice, la parodie est souvent présentée comme grotesque, voire ridicule. Celle-ci vise par conséquent une fin toute différente de l'œuvre première. Si on devait comparer la littérature à la peinture, nous observerions que de la même façon, si le thème choisi est le même, son traitement est tout autre. Les différentes perceptions de la tour Eiffel seraient à rapprocher des différents traitements de l'œuvre littéraire. Ainsi, au lieu de retrouver l'empreinte de la personnalité de l'auteur et la sensibilité de l'œuvre première, le public découvre un registre cocasse et ubuesque. La parodie ne pourrait donc pas être associée à de la contrefaçon, en ce qu'elle se démarque à ce point de l'œuvre parodiée, qu'elle ne parasite pas la rémunération de l'œuvre première. <br />
<br />
En revanche, rien ne s’oppose à une exploitation commerciale de l’œuvre parodiante. Ainsi, la jurisprudence a admis la reproduction sur des tee-shirts d’un personnage reproduisant les traits essentiels de « Monsieur PROPRE », assortis d’une coloration rose fuschia et des indications « Mister QUEEN » et « AXEL is a real bitch », en considérant que ces adjonctions constituaient une modification essentielle destinée à démarquer le personnage caricatural de l’original, tout risque de confusion étant exclu et aucune preuve d’une intention de nuire n’étant rapportée. Le magistrat ajoute que l’usage de la parodie ou de la caricature n’est pas uniquement pour railler ou pour faire sourire, mais aussi dans l’intention essentiellement commerciale de profiter, pour vendre des tee-shirts et capter une clientèle, de la notoriété du personnage de « Monsieur PROPRE » (CA PARIS, 4ème Ch., Section A, 9 septembre 1998, Société SERI BRODE C/ PROCTER & GAMBLE France).<br />
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===La parodie inscrite dans le droit à la liberté d'expression===<br />
<br />
La troisième justification de la tolérance de la parodie réside dans la liberté d'expression. En effet, selon MM. Strowel et Tulkens « l’exception de parodie apparaît comme une limitation en faveur de la libre expression » (1) et il apparaît que « les juridictions seraient plus réceptives à une exception basée sur la liberté d’expression dans le contexte de la parodie que dans d’autres situations »(2). Sous couvert de l'humour, la parodie permettrait la critique de l'œuvre première. D'abord principe général du droit, le droit à la libre expression est devenu un principe constitutionnel, depuis l'intégration de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 au bloc constitutionnel. Cependant, le paramètre critique de la parodie pose deux questions. La première réside dans la nécessité de ce paramètre critique. En d'autres termes, au vu de l'évolution du droit, et de l'inscription actuelle du droit à la parodie dans la libre expression, la parodie doit-elle être polémique pour être licite? Bien que cet élément ne fasse pas partie intégrante de la définition légale, il a pu être érigé en condition lors de certains contentieux. Une nouvelle acception de la parodie par l'usage serait alors à observer. <br />
<br />
Deuxièmement, ce côté critique semble contré par l'interdiction légale de porter atteinte à l'image de l'auteur. Comment se moquer sans indirectement lui nuire? La frontière semble mince. Elle a ainsi été raillée comme « le mythe de la parodie révérencieuse »...(3)<br />
<br />
<br />
=Saint-Tin et son ami Lou : Un contentieux actuel en attente de délibéré=<br />
<br />
Les éditions du Léopard Masqué et Démasqué ont commis une parodie romancée de Tintin. Cette parodie se calque donc sur les aventures du petit reporter, adaptées au climat géopolitique actuel. L’intention humoristique apparaît clairement au travers de l’humanisation des personnages, et des nombreux jeux de mots. <br />
<br />
Cependant, la fondation Moulinsart est connue pour être très regardante quant à l’utilisation qui est faite de Tintin. Ils ont donc poursuivi le Léopard Masqué en contrefaçon. Etant donné la légalité de la parodie indépendamment du consentement de l’auteur ou de ses ayants droit, Moulinsart a plaidé l’adaptation littéraire non parodique. Différents arguments venaient étayer leur cause. Selon eux, il ne peut y avoir de parodie d’une œuvre déjà humoristique. En effet, au regard la définition du petit Robert, la parodie est la contrefaçon ridicule d’une œuvre sérieuse. Or la jurisprudence a accepté la parodie d’un magazine lui-même parodique.<br />
<br />
Le risque de confusion semble exclu du débat. En effet, il s’agit d’un roman et non d’une bande dessinée. De plus, il a été jugé que plus l’œuvre parodiée est connue d’une large fraction du public, moins il y a un risque de confusion. Malheureusement, les couvertures se calquent beaucoup sur celles d’Hergé. Ce sont des couvertures parodiques, qui présentent les personnages dans des situations atypiques… A savoir si pour être parodiques, il n’aurait pas mieux valu que les couvertures soient…des caricatures.<br />
<br />
<br />
=Voir aussi=<br />
{{moteur (fr)|"Droit de parodie"}} <br />
{{moteur (fr)|"le droit à la parodie bafoué"}}<br />
<br />
=Notes et références=<br />
<references /></div>Asecretanhttps://www.lagbd.org/index.php?title=L_indemnite_pour_occupation_du_domicile_du_salarie_a_des_fins_professionnelles&diff=79430L indemnite pour occupation du domicile du salarie a des fins professionnelles2023-12-12T09:17:25Z<p>Asecretan : </p>
<hr />
<div>{{Commentaires d'arrêts<br />
|Territoire=France<br />
|Domaine=Droit privé<br />
|Matière=Droit social<br />
|Sous-matière=Droit du travail<br />
|Année=2023<br />
}}<br />
{{DISPLAYTITLE: L’indemnité pour occupation du domicile du salarié à des fins professionnelles}}<br />
<br />
[[Catégorie:France]] [[Catégorie : Droit social (fr)]] [[Catégorie : Droit du travail (fr)]] [[Catégorie: Commentaires d'arrêts]]<br />
'''Jérémy Duclos, avocat au barreau de Versailles [https://www.legavox.fr/]''' <br><br />
'''Novembre 2023<br><br />
{{AddThis}}<br />
<br />
<br />
'''Retour sur l'arrêt du 15 novembre 2023 - Cass. Soc, [https://www.courdecassation.fr/decision/65546f7aa52b3483180982f8?search_api_fulltext=21-26.021&op=Rechercher&previousdecisionpage=&previousdecisionindex=&nextdecisionpage=&nextdecisionindex= n° 21-26.021]'''<br />
<br />
<br />
Dans un <u>arrêt rendu le 15 novembre 2023</u> '''(n° 21-26.021[https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000048430293?isSuggest=true])''', inédit, la chambre sociale de la Cour de cassation s’est prononcée sur les conditions de l’octroi de l’indemnité pour occupation du domicile du salarié à des fins professionnelles.<br />
<br />
Un salarié a saisi la juridiction prud’homale d’une demande en résiliation judiciaire de son contrat et de diverses demandes.<br />
<br />
Il a été débouté en appel de sa demande d’indemnité de sujétion au motif qu’il ne démontre pas que l’employeur n’a pas mis de bureau à sa disposition et ne communique aucun élément probant démontrant, pour la période non prescrite, qu’il travaillait à son domicile.<br />
<br />
Le salarié forme un pourvoi en cassation et soutient qu’il appartenait à l’employeur de démontrer qu’il avait effectivement mis à disposition du salarié un local professionnel pour les besoins de son activité professionnelle, quand bien même l’essentiel de son activité s’exerçait à l’extérieur de l’entreprise par la visite des clients.<br />
<br />
La Cour de cassation devait donc examiner les conditions de l’octroi de l’indemnité d’occupation due au salarié à défaut pour l’employeur d’avoir apporté la démonstration de la mise à disposition effective d’un local professionnel au salarié pour y exercer son activité.<br />
<br />
En premier lieu est visé '''l’article 1315 [https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000032041961?init=true&page=1&query=article+1315+du+code+civil&searchField=ALL&tab_selection=all]'''du code civil en vertu duquel celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.<br />
<br />
En deuxième lieu, la Cour de cassation rappelle qu’en application de l’article '''L. 1121-1 du code du travail [https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006900785?isSuggest=true]''', nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.<br />
<br />
En dernier lieu, l’article''' L. 1221-1 du code du travail [https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006900839] ''' est visé : le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun et qu’il peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d’adopter.<br />
<br />
La Cour de cassation rappelle ensuite la règle selon laquelle ''« l'occupation du domicile du salarié à des fins professionnelles constitue une immixtion dans la vie privée du salarié et n'entre pas dans l'économie générale du contrat et que le salarié peut prétendre à une indemnité à ce titre dès lors qu'un local professionnel n'est pas mis effectivement à sa disposition »''.<br />
<br />
Ce principe avait été clairement édicté dans un arrêt de principe du 12 décembre 2012 : ''« le salarié peut prétendre à une indemnité au titre de l'occupation de son domicile à des fins professionnelles dès lors qu'un local professionnel n'est pas mis effectivement à sa disposition »'' '''''(Cass. Soc., 12 décembre 2012, n° 11-20.502 [https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000026774321?isSuggest=true])'''''.<br />
<br />
Le cadre étant posé, il convenait pour la Cour de cassation d’en examiner l’application concrète au regard de la question suivante : A qui revient la charge de la preuve de la mise à disposition effective au salarié du local professionnel pour l’exercice de son activité ?<br />
<br />
Pour rejeter la demande du salarié tendant au paiement d'une indemnité pour occupation du domicile, l'arrêt d’appel a retenu que le contrat de travail fixe le lieu d'activité du salarié au siège de la société et que le salarié ne démontre pas que l'employeur n'a pas mis de bureau à sa disposition et ne communique aucun élément probant démontrant qu'il travaillait à son domicile.<br />
<br />
En d’autres termes, la cour d’appel faisait reposer la charge de la preuve de la mise à disposition du bureau au salarié qui, en l’occurrence, ne parvient pas à démontrer qu’il travaillait effectivement à son domicile.<br />
<br />
L’arrêt d’appel a ajouté que la demande de l'employeur de souscription d'une ligne ADSL, aux frais de l'entreprise, afin d'améliorer la fluidité des échanges de données est insuffisante à rapporter cette preuve, alors que l'essentiel de l'activité du salarié s'exerçait à l'extérieur de l'entreprise par la visite des clients, que si le versement au profit des commerciaux d'une indemnité d'occupation du domicile pour usage professionnel a effectivement été évoqué par les délégués du personnel lors d’une réunion, il n'est pas justifié que la demande ait été acceptée par l'employeur.<br />
<br />
Enfin, l'arrêt d’appel a relevé que le quantum de la demande n'est justifié par aucune pièce probante, le salarié se contentant d'affirmer qu'il a aménagé à son domicile une pièce de 10 m² consacrée à son activité professionnelle et qu'il a dépensé 10 euros par mois d'électricité, sans le démontrer.<br />
<br />
La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel en ce qu’il a rejeté la demande du salarié en paiement d’une indemnité pour occupation du domicile.<br />
<br />
La solution retenue est claire : il incombe à l’employeur, qui conteste devoir une indemnité pour occupation du domicile à des fins professionnelles, de démontrer avoir mis effectivement à la disposition du salarié un local professionnel pour y exercer son activité.<br />
<br />
À défaut d’un tel local mis à disposition, il appartient au juge d'évaluer le montant de l'indemnité d'occupation due de ce chef au salarié.<br />
<br />
Inversement, aucune indemnité n’est due au salarié s'il demande à travailler à domicile alors qu'un local professionnel est effectivement mis à sa disposition par l’employeur '''''(Cass. Soc., 4 décembre 2013, n° 12-19.667 [https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000028291538?isSuggest=true])'''''.<br />
<br />
Il faut donc retenir que la charge de la preuve de la mise à disposition du local professionnel permettant de déterminer l’octroi d’une indemnité pour occupation du domicile à des fins professionnelles repose sur l’employeur et non le salarié.</div>Asecretanhttps://www.lagbd.org/index.php?title=L_indemnite_pour_occupation_du_domicile_du_salarie_a_des_fins_professionnelles&diff=79429L indemnite pour occupation du domicile du salarie a des fins professionnelles2023-12-12T09:17:05Z<p>Asecretan : </p>
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<div>{{Commentaires d'arrêts<br />
|Territoire=France<br />
|Domaine=Droit privé<br />
|Matière=Droit social<br />
|Sous-matière=Droit du travail<br />
|Année=2023<br />
}}<br />
{{DISPLAYTITLE: L’indemnité pour occupation du domicile du salarié à des fins professionnelles}}<br />
<br />
[[Catégorie:France]] [[Catégorie : Droit social (fr)]] [[Catégorie : Droit du travail (fr)]] [[Catégorie: Commentaires d'arrêts]]<br />
'''Jérémy Duclos, avocat au barreau de Versailles [https://www.legavox.fr/]''' <br><br />
'''Novembre 2023<br><br />
{{AddThis}}<br />
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<br />
'''Retour sur l'arrêt du 15 novembre 2023 - Cass. Soc, [https://www.courdecassation.fr/decision/65546f7aa52b3483180982f8?search_api_fulltext=21-26.021&op=Rechercher&previousdecisionpage=&previousdecisionindex=&nextdecisionpage=&nextdecisionindex= n° 21-26.021]'''<br />
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Dans un <u>arrêt rendu le 15 novembre 2023</u> '''(n° 21-26.021[https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000048430293?isSuggest=true])''', inédit, la chambre sociale de la Cour de cassation s’est prononcée sur les conditions de l’octroi de l’indemnité pour occupation du domicile du salarié à des fins professionnelles.<br />
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'''Un salarié a saisi la juridiction prud’homale d’une demande en résiliation judiciaire de son contrat et de diverses demandes.'''<br />
<br />
Il a été débouté en appel de sa demande d’indemnité de sujétion au motif qu’il ne démontre pas que l’employeur n’a pas mis de bureau à sa disposition et ne communique aucun élément probant démontrant, pour la période non prescrite, qu’il travaillait à son domicile.<br />
<br />
Le salarié forme un pourvoi en cassation et soutient qu’il appartenait à l’employeur de démontrer qu’il avait effectivement mis à disposition du salarié un local professionnel pour les besoins de son activité professionnelle, quand bien même l’essentiel de son activité s’exerçait à l’extérieur de l’entreprise par la visite des clients.<br />
<br />
La Cour de cassation devait donc examiner les conditions de l’octroi de l’indemnité d’occupation due au salarié à défaut pour l’employeur d’avoir apporté la démonstration de la mise à disposition effective d’un local professionnel au salarié pour y exercer son activité.<br />
<br />
En premier lieu est visé '''l’article 1315 [https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000032041961?init=true&page=1&query=article+1315+du+code+civil&searchField=ALL&tab_selection=all]'''du code civil en vertu duquel celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.<br />
<br />
En deuxième lieu, la Cour de cassation rappelle qu’en application de l’article '''L. 1121-1 du code du travail [https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006900785?isSuggest=true]''', nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.<br />
<br />
En dernier lieu, l’article''' L. 1221-1 du code du travail [https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006900839] ''' est visé : le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun et qu’il peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d’adopter.<br />
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La Cour de cassation rappelle ensuite la règle selon laquelle ''« l'occupation du domicile du salarié à des fins professionnelles constitue une immixtion dans la vie privée du salarié et n'entre pas dans l'économie générale du contrat et que le salarié peut prétendre à une indemnité à ce titre dès lors qu'un local professionnel n'est pas mis effectivement à sa disposition »''.<br />
<br />
Ce principe avait été clairement édicté dans un arrêt de principe du 12 décembre 2012 : ''« le salarié peut prétendre à une indemnité au titre de l'occupation de son domicile à des fins professionnelles dès lors qu'un local professionnel n'est pas mis effectivement à sa disposition »'' '''''(Cass. Soc., 12 décembre 2012, n° 11-20.502 [https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000026774321?isSuggest=true])'''''.<br />
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Le cadre étant posé, il convenait pour la Cour de cassation d’en examiner l’application concrète au regard de la question suivante : A qui revient la charge de la preuve de la mise à disposition effective au salarié du local professionnel pour l’exercice de son activité ?<br />
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Pour rejeter la demande du salarié tendant au paiement d'une indemnité pour occupation du domicile, l'arrêt d’appel a retenu que le contrat de travail fixe le lieu d'activité du salarié au siège de la société et que le salarié ne démontre pas que l'employeur n'a pas mis de bureau à sa disposition et ne communique aucun élément probant démontrant qu'il travaillait à son domicile.<br />
<br />
En d’autres termes, la cour d’appel faisait reposer la charge de la preuve de la mise à disposition du bureau au salarié qui, en l’occurrence, ne parvient pas à démontrer qu’il travaillait effectivement à son domicile.<br />
<br />
L’arrêt d’appel a ajouté que la demande de l'employeur de souscription d'une ligne ADSL, aux frais de l'entreprise, afin d'améliorer la fluidité des échanges de données est insuffisante à rapporter cette preuve, alors que l'essentiel de l'activité du salarié s'exerçait à l'extérieur de l'entreprise par la visite des clients, que si le versement au profit des commerciaux d'une indemnité d'occupation du domicile pour usage professionnel a effectivement été évoqué par les délégués du personnel lors d’une réunion, il n'est pas justifié que la demande ait été acceptée par l'employeur.<br />
<br />
Enfin, l'arrêt d’appel a relevé que le quantum de la demande n'est justifié par aucune pièce probante, le salarié se contentant d'affirmer qu'il a aménagé à son domicile une pièce de 10 m² consacrée à son activité professionnelle et qu'il a dépensé 10 euros par mois d'électricité, sans le démontrer.<br />
<br />
La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel en ce qu’il a rejeté la demande du salarié en paiement d’une indemnité pour occupation du domicile.<br />
<br />
La solution retenue est claire : il incombe à l’employeur, qui conteste devoir une indemnité pour occupation du domicile à des fins professionnelles, de démontrer avoir mis effectivement à la disposition du salarié un local professionnel pour y exercer son activité.<br />
<br />
À défaut d’un tel local mis à disposition, il appartient au juge d'évaluer le montant de l'indemnité d'occupation due de ce chef au salarié.<br />
<br />
Inversement, aucune indemnité n’est due au salarié s'il demande à travailler à domicile alors qu'un local professionnel est effectivement mis à sa disposition par l’employeur '''''(Cass. Soc., 4 décembre 2013, n° 12-19.667 [https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000028291538?isSuggest=true])'''''.<br />
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Il faut donc retenir que la charge de la preuve de la mise à disposition du local professionnel permettant de déterminer l’octroi d’une indemnité pour occupation du domicile à des fins professionnelles repose sur l’employeur et non le salarié.</div>Asecretanhttps://www.lagbd.org/index.php?title=L_indemnite_pour_occupation_du_domicile_du_salarie_a_des_fins_professionnelles&diff=79428L indemnite pour occupation du domicile du salarie a des fins professionnelles2023-12-11T14:55:10Z<p>Asecretan : </p>
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<div>{{Commentaires d'arrêts<br />
|Territoire=France<br />
|Domaine=Droit privé<br />
|Matière=Droit social<br />
|Sous-matière=Droit du travail<br />
|Année=2023<br />
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{{DISPLAYTITLE: L’indemnité pour occupation du domicile du salarié à des fins professionnelles}}<br />
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[[Catégorie:France]] [[Catégorie : Droit social (fr)]] [[Catégorie : Droit du travail (fr)]] [[Catégorie: Commentaires d'arrêts]]<br />
'''Jérémy Duclos, avocat au barreau de Versailles [https://www.legavox.fr/]''' <br><br />
'''Novembre 2023<br><br />
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'''Retour sur l'arrêt du 15 novembre 2023 - Cass. Soc, [https://www.courdecassation.fr/decision/65546f7aa52b3483180982f8?search_api_fulltext=21-26.021&op=Rechercher&previousdecisionpage=&previousdecisionindex=&nextdecisionpage=&nextdecisionindex= n° 21-26.021]'''<br />
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Dans un <u>arrêt rendu le 15 novembre 2023</u> '''(n° 21-26.021[https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000048430293?isSuggest=true])''', inédit, la chambre sociale de la Cour de cassation s’est prononcée sur les conditions de l’octroi de l’indemnité pour occupation du domicile du salarié à des fins professionnelles.<br />
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Un salarié a saisi la juridiction prud’homale d’une demande en résiliation judiciaire de son contrat et de diverses demandes.<br />
<br />
Il a été débouté en appel de sa demande d’indemnité de sujétion au motif qu’il ne démontre pas que l’employeur n’a pas mis de bureau à sa disposition et ne communique aucun élément probant démontrant, pour la période non prescrite, qu’il travaillait à son domicile.<br />
<br />
Le salarié forme un pourvoi en cassation et soutient qu’il appartenait à l’employeur de démontrer qu’il avait effectivement mis à disposition du salarié un local professionnel pour les besoins de son activité professionnelle, quand bien même l’essentiel de son activité s’exerçait à l’extérieur de l’entreprise par la visite des clients.<br />
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La Cour de cassation devait donc examiner les conditions de l’octroi de l’indemnité d’occupation due au salarié à défaut pour l’employeur d’avoir apporté la démonstration de la mise à disposition effective d’un local professionnel au salarié pour y exercer son activité.<br />
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En premier lieu est visé '''l’article 1315 [https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000032041961?init=true&page=1&query=article+1315+du+code+civil&searchField=ALL&tab_selection=all]'''du code civil en vertu duquel celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.<br />
<br />
En deuxième lieu, la Cour de cassation rappelle qu’en application de l’article '''L. 1121-1 du code du travail [https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006900785?isSuggest=true]''', nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.<br />
<br />
En dernier lieu, l’article''' L. 1221-1 du code du travail [https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006900839] ''' est visé : le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun et qu’il peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d’adopter.<br />
<br />
La Cour de cassation rappelle ensuite la règle selon laquelle ''« l'occupation du domicile du salarié à des fins professionnelles constitue une immixtion dans la vie privée du salarié et n'entre pas dans l'économie générale du contrat et que le salarié peut prétendre à une indemnité à ce titre dès lors qu'un local professionnel n'est pas mis effectivement à sa disposition »''.<br />
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Ce principe avait été clairement édicté dans un arrêt de principe du 12 décembre 2012 : ''« le salarié peut prétendre à une indemnité au titre de l'occupation de son domicile à des fins professionnelles dès lors qu'un local professionnel n'est pas mis effectivement à sa disposition »'' '''''(Cass. Soc., 12 décembre 2012, n° 11-20.502 [https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000026774321?isSuggest=true])'''''.<br />
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Le cadre étant posé, il convenait pour la Cour de cassation d’en examiner l’application concrète au regard de la question suivante : A qui revient la charge de la preuve de la mise à disposition effective au salarié du local professionnel pour l’exercice de son activité ?<br />
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Pour rejeter la demande du salarié tendant au paiement d'une indemnité pour occupation du domicile, l'arrêt d’appel a retenu que le contrat de travail fixe le lieu d'activité du salarié au siège de la société et que le salarié ne démontre pas que l'employeur n'a pas mis de bureau à sa disposition et ne communique aucun élément probant démontrant qu'il travaillait à son domicile.<br />
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En d’autres termes, la cour d’appel faisait reposer la charge de la preuve de la mise à disposition du bureau au salarié qui, en l’occurrence, ne parvient pas à démontrer qu’il travaillait effectivement à son domicile.<br />
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L’arrêt d’appel a ajouté que la demande de l'employeur de souscription d'une ligne ADSL, aux frais de l'entreprise, afin d'améliorer la fluidité des échanges de données est insuffisante à rapporter cette preuve, alors que l'essentiel de l'activité du salarié s'exerçait à l'extérieur de l'entreprise par la visite des clients, que si le versement au profit des commerciaux d'une indemnité d'occupation du domicile pour usage professionnel a effectivement été évoqué par les délégués du personnel lors d’une réunion, il n'est pas justifié que la demande ait été acceptée par l'employeur.<br />
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Enfin, l'arrêt d’appel a relevé que le quantum de la demande n'est justifié par aucune pièce probante, le salarié se contentant d'affirmer qu'il a aménagé à son domicile une pièce de 10 m² consacrée à son activité professionnelle et qu'il a dépensé 10 euros par mois d'électricité, sans le démontrer.<br />
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La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel en ce qu’il a rejeté la demande du salarié en paiement d’une indemnité pour occupation du domicile.<br />
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La solution retenue est claire : il incombe à l’employeur, qui conteste devoir une indemnité pour occupation du domicile à des fins professionnelles, de démontrer avoir mis effectivement à la disposition du salarié un local professionnel pour y exercer son activité.<br />
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À défaut d’un tel local mis à disposition, il appartient au juge d'évaluer le montant de l'indemnité d'occupation due de ce chef au salarié.<br />
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Inversement, aucune indemnité n’est due au salarié s'il demande à travailler à domicile alors qu'un local professionnel est effectivement mis à sa disposition par l’employeur '''''(Cass. Soc., 4 décembre 2013, n° 12-19.667 [https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000028291538?isSuggest=true])'''''.<br />
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Il faut donc retenir que la charge de la preuve de la mise à disposition du local professionnel permettant de déterminer l’octroi d’une indemnité pour occupation du domicile à des fins professionnelles repose sur l’employeur et non le salarié.</div>Asecretanhttps://www.lagbd.org/index.php?title=L_indemnite_pour_occupation_du_domicile_du_salarie_a_des_fins_professionnelles&diff=79427L indemnite pour occupation du domicile du salarie a des fins professionnelles2023-12-11T14:54:58Z<p>Asecretan : </p>
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|Territoire=France<br />
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|Sous-matière=Droit du travail<br />
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[[Catégorie:France]] [[Catégorie : Droit social (fr)]] [[Catégorie : Droit du travail (fr)]] [[Catégorie: Commentaires d'arrêts]]<br />
'''Jérémy Duclos, avocat au barreau de Versailles [https://www.legavox.fr/]''' <br><br />
'''Novembre 2023<br><br />
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''Retour sur l'arrêt du 15 novembre 2023 - Cass. Soc, [https://www.courdecassation.fr/decision/65546f7aa52b3483180982f8?search_api_fulltext=21-26.021&op=Rechercher&previousdecisionpage=&previousdecisionindex=&nextdecisionpage=&nextdecisionindex= n° 21-26.021]''<br />
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Dans un <u>arrêt rendu le 15 novembre 2023</u> '''(n° 21-26.021[https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000048430293?isSuggest=true])''', inédit, la chambre sociale de la Cour de cassation s’est prononcée sur les conditions de l’octroi de l’indemnité pour occupation du domicile du salarié à des fins professionnelles.<br />
<br />
Un salarié a saisi la juridiction prud’homale d’une demande en résiliation judiciaire de son contrat et de diverses demandes.<br />
<br />
Il a été débouté en appel de sa demande d’indemnité de sujétion au motif qu’il ne démontre pas que l’employeur n’a pas mis de bureau à sa disposition et ne communique aucun élément probant démontrant, pour la période non prescrite, qu’il travaillait à son domicile.<br />
<br />
Le salarié forme un pourvoi en cassation et soutient qu’il appartenait à l’employeur de démontrer qu’il avait effectivement mis à disposition du salarié un local professionnel pour les besoins de son activité professionnelle, quand bien même l’essentiel de son activité s’exerçait à l’extérieur de l’entreprise par la visite des clients.<br />
<br />
La Cour de cassation devait donc examiner les conditions de l’octroi de l’indemnité d’occupation due au salarié à défaut pour l’employeur d’avoir apporté la démonstration de la mise à disposition effective d’un local professionnel au salarié pour y exercer son activité.<br />
<br />
En premier lieu est visé '''l’article 1315 [https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000032041961?init=true&page=1&query=article+1315+du+code+civil&searchField=ALL&tab_selection=all]'''du code civil en vertu duquel celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.<br />
<br />
En deuxième lieu, la Cour de cassation rappelle qu’en application de l’article '''L. 1121-1 du code du travail [https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006900785?isSuggest=true]''', nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.<br />
<br />
En dernier lieu, l’article''' L. 1221-1 du code du travail [https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006900839] ''' est visé : le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun et qu’il peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d’adopter.<br />
<br />
La Cour de cassation rappelle ensuite la règle selon laquelle ''« l'occupation du domicile du salarié à des fins professionnelles constitue une immixtion dans la vie privée du salarié et n'entre pas dans l'économie générale du contrat et que le salarié peut prétendre à une indemnité à ce titre dès lors qu'un local professionnel n'est pas mis effectivement à sa disposition »''.<br />
<br />
Ce principe avait été clairement édicté dans un arrêt de principe du 12 décembre 2012 : ''« le salarié peut prétendre à une indemnité au titre de l'occupation de son domicile à des fins professionnelles dès lors qu'un local professionnel n'est pas mis effectivement à sa disposition »'' '''''(Cass. Soc., 12 décembre 2012, n° 11-20.502 [https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000026774321?isSuggest=true])'''''.<br />
<br />
Le cadre étant posé, il convenait pour la Cour de cassation d’en examiner l’application concrète au regard de la question suivante : A qui revient la charge de la preuve de la mise à disposition effective au salarié du local professionnel pour l’exercice de son activité ?<br />
<br />
Pour rejeter la demande du salarié tendant au paiement d'une indemnité pour occupation du domicile, l'arrêt d’appel a retenu que le contrat de travail fixe le lieu d'activité du salarié au siège de la société et que le salarié ne démontre pas que l'employeur n'a pas mis de bureau à sa disposition et ne communique aucun élément probant démontrant qu'il travaillait à son domicile.<br />
<br />
En d’autres termes, la cour d’appel faisait reposer la charge de la preuve de la mise à disposition du bureau au salarié qui, en l’occurrence, ne parvient pas à démontrer qu’il travaillait effectivement à son domicile.<br />
<br />
L’arrêt d’appel a ajouté que la demande de l'employeur de souscription d'une ligne ADSL, aux frais de l'entreprise, afin d'améliorer la fluidité des échanges de données est insuffisante à rapporter cette preuve, alors que l'essentiel de l'activité du salarié s'exerçait à l'extérieur de l'entreprise par la visite des clients, que si le versement au profit des commerciaux d'une indemnité d'occupation du domicile pour usage professionnel a effectivement été évoqué par les délégués du personnel lors d’une réunion, il n'est pas justifié que la demande ait été acceptée par l'employeur.<br />
<br />
Enfin, l'arrêt d’appel a relevé que le quantum de la demande n'est justifié par aucune pièce probante, le salarié se contentant d'affirmer qu'il a aménagé à son domicile une pièce de 10 m² consacrée à son activité professionnelle et qu'il a dépensé 10 euros par mois d'électricité, sans le démontrer.<br />
<br />
La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel en ce qu’il a rejeté la demande du salarié en paiement d’une indemnité pour occupation du domicile.<br />
<br />
La solution retenue est claire : il incombe à l’employeur, qui conteste devoir une indemnité pour occupation du domicile à des fins professionnelles, de démontrer avoir mis effectivement à la disposition du salarié un local professionnel pour y exercer son activité.<br />
<br />
À défaut d’un tel local mis à disposition, il appartient au juge d'évaluer le montant de l'indemnité d'occupation due de ce chef au salarié.<br />
<br />
Inversement, aucune indemnité n’est due au salarié s'il demande à travailler à domicile alors qu'un local professionnel est effectivement mis à sa disposition par l’employeur '''''(Cass. Soc., 4 décembre 2013, n° 12-19.667 [https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000028291538?isSuggest=true])'''''.<br />
<br />
Il faut donc retenir que la charge de la preuve de la mise à disposition du local professionnel permettant de déterminer l’octroi d’une indemnité pour occupation du domicile à des fins professionnelles repose sur l’employeur et non le salarié.</div>Asecretanhttps://www.lagbd.org/index.php?title=Rentree_solennelle_du_Barreau_de_PARIS_Discours_de_Seydi_BA_Deuxieme_secretaire_de_la_conference&diff=79420Rentree solennelle du Barreau de PARIS Discours de Seydi BA Deuxieme secretaire de la conference2023-12-05T14:08:35Z<p>Asecretan : </p>
<hr />
<div>{{DISPLAYTITLE: Rentrée solennelle du Barreau de Paris- Discours de Me Seydi BA, deuxième secrétaire de la Conférence}}<br />
<br />
[[Catégorie: Article juridique]]<br />
<br />
Discours de Seydi BA, deuxième '''[https://www.laconference.net/ Secrétaire de la Conférence]''':<br><br />
<br />
'''''Le procès de Jean-Luc EINAUDI, ou « l’honneur de PAPON »'''''<br><br />
''17e chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de PARIS''<br><br />
''Les 4, 5, 11, 12 février 1999''<br />
<br />
<br />
[[Fichier:Discours1.jpg|320px|center]]<br />
<br />
[[Fichier:Discours2.jpg|320px|center]]<br />
<br />
<br />
<br />
<br />
<br />
Lire au format PDF : [[Fichier:Logo-PDF.png|40px|link=https://www.lagbd.org/images/d/dc/Discours_de_Seydi_Ba_2%C3%A8me_secr%C3%A9taire_de_la_Conf%C3%A9rence.pdf]]<br />
***<br />
<br />
<br />
InchAllah, le corps remontera, <br />
<br />
Si Dieu le veut, il reverra les cieux, <br />
<br />
L’ordalie a cela de parfait, qu’elle permet d’arriver à un objectif complexe,<br><br />
la paix sociale, <br><br />
par un processus simple. <br><br />
<br />
Un corps, de l’eau, et Dieu. <br />
<br />
Qu’importe l’innocence, la culpabilité<br />
<br />
Pourvu qu’on ait la paix. <br />
<br />
Le sort des âmes se joue dans le miroir froid et mouillé de la justice divine. <br />
<br />
La vérité se dissout, emportée par les courants, <br />
<br />
et le village dort bien mieux, sachant la sorcière morte.<br />
<br />
Si elle a coulé, c’est qu’elle était coupable. <br><br />
S’ils ont coulés, c’est qu’ils étaient coupables. <br />
<br />
Sur de son innocence, convaincu de sa bonne foi, <br><br />
l’homme ne peut mal agir. <br />
<br />
L’homme peut avoir, d’une simple signature, envoyé, cohortes et légions d’hommes femmes enfants, <br><br />
vers une mort certaine, douloureuse, par suffocation, <br><br />
il n’a pas forcément mal agi ! <br><br />
s’il avait un prétexte. <br><br />
<br />
Un prétexte, <br><br />
Une pensée, simple, lapidaire, qui vient ordonner le chaos et arrêter la tempête sous le crâne. <br><br />
Une pensée, qui vient faire la jonction entre l’action la plus abjecte permise par la Création, et la bonne <br><br />
personne, que nous sommes tous, au moins pour nous-mêmes.<br><br />
<br />
Le prétexte nous fait bonne personne.<br><br />
Une bonne personne, ça dort bien. <br><br />
Un prétexte, et vous dormirez bien. <br><br />
<br />
Je n’ai fait qu’obéir aux ordres. <br />
<br />
S’ils ont coulé, c’est qu’ils étaient coupables. <br />
<br />
Bonne nuit, Monsieur PAPON. <br />
<br />
Mesdames Messieurs les Bâtonniers, <br><br />
Mesdames Messieurs les Hauts Magistrats,<br> <br />
Chères Consœurs, Chers Confrères. <br><br />
<br />
Vous êtes de bonnes personnes.<br />
<br />
Par la magie de son prétexte, Maurice PAPON l’est tout autant. <br />
<br />
Certes, il a été condamné pour crime contre l’humanité, à BORDEAUX, <br />
<br />
MAIS DEJA il s’est pourvu en cassation<br />
<br />
ET SURTOUT il a obéi aux ordres.<br />
<br />
Il conserve ainsi l’honneur propre aux gens de bien, <br><br />
jadis confié au hasard du duel, désormais protégé par le droit, la justice.<br><br />
<br />
C’est la raison pour laquelle c’est la même silhouette qu’à Bordeaux, <br><br />
avec la même cravate noire, <br><br />
le même costume blanc, <br><br />
la même rosette <br><br />
avec une moustache en plus qui se tient, <br><br />
ce 5 février 1999, sur le banc des parties civiles de la 17e chambre correctionnelle du Tribunal de grande <br><br />
instance de PARIS.<br />
<br />
Pour son honneur, <br><br />
celui de la fonction qu’il occupait jadis, <br><br />
celui de son pays. <br><br />
<br />
Ses avocats, Jean-Marc VARAUT et Francis VUILLEMIN, y voient une stratégie plus judiciaire, plus <br><br />
cynique : <br><br />
dans l’attente de l’issue du pourvoi, <br><br />
faire citer en diffamation ce témoin d’immoralité si embêtant à BORDEAUX, <br><br />
le faire condamner<br><br />
<br />
pour le discréditer et alléger un dossier déjà bien lourd, <br><br />
dans l’optique d’un second procès<br />
<br />
Va ainsi se jouer, durant 4 jours, devant la 17e, l’issue d’un combat judiciaire entre deux fins bretteurs. <br />
<br />
Le dénouement d’un mano a mano sur fond de vérité, <br />
<br />
d’honneur,<br />
<br />
et de considération.<br />
<br />
Le prévenu n’est pas comme son adversaire, <br><br />
commandeur de la Légion d’honneur. <br />
<br />
Pas de titre de l’autre côté de la barre, juste un homme, <br><br />
un éducateur à la protection judiciaire de la jeunesse, <br><br />
qui a fait un peu d’histoire. <br />
<br />
Vous aurez oublié son nom à la fin de ce discours.<br />
<br />
C’est ce qu’il aurait voulu. <br><br />
Que son nom s’efface, <br><br />
pour laisser toute la place à son œuvre, <br><br />
son obsession, <br><br />
le 17 octobre 1961, <br><br />
date à laquelle PARIS noya les algériens. <br />
<br />
Assisté de son défenseur, Pierre MAIRAT,<br><br />
Jean-Luc EINAUDI est prévenu d’avoir commis l’infraction de diffamation envers un fonctionnaire<br><br />
public, <br />
<br />
En l’espèce, <br />
<br />
En portant atteinte à l’honneur et à la considération de Maurice PAPON, en signant le 20 mai 1998 une tribune dans Le Monde dans laquelle il affirmait : <br />
<br />
« Je persiste et je signe. Il y eut, en octobre 1961, Un massacre commis par des forces de l’ordre<br><br />
Sous les ordres de Maurice PAPON ». <br />
<br />
En cette phrase, ces 27 mots, l’œuvre de la vie de Jean-Luc EINAUDI.<br />
<br />
Une vie de recherches, <br><br />
de rencontres, <br><br />
de recueils de témoignages, <br><br />
de doutes sur ce bilan officiel de 3 morts, malgré les deuils par centaines, <br><br />
de dizaines de demandes d’accès aux archives nationales, et d’autant de refus,<br> <br />
Une vie de chemin égaré dans la brume de la raison d’Etat.<br />
<br />
Une vie, celle de Jean-Luc EINAUDI, en 27 mots, qui seront jugés, <br><br />
jaugés, pesés, sous pesés <br><br />
confirmés<br><br />
ou infirmés <br><br />
par l’implacable force de chose jugée liée à la juris dictio. <br><br />
<br />
Infirmés plutôt si l’on en croit Jean-Marc VARAUT, <br><br />
Le ténor le sait, <br><br />
bien qu’il s’agisse de diffamation <br><br />
il ne sera pas question pour la juridiction présidée par Jean-Yves MONFORT<br><br />
d’examiner la véracité ou non des propos d’EINAUDI. <br />
<br />
La condamnation est très probable. <br />
<br />
En 1999 en effet,<br><br />
le droit positif est tel que la preuve de la vérité, <br><br />
l’exceptio veritatis, <br><br />
ne saurait être rapportée s’agissant de faits amnistiés d’une part, <br><br />
et vieux de plus de 10 ans d’autre part. <br />
<br />
Seule la bonne foi d’EINAUDI sera examinée. <br />
<br />
Comme il avait fait condamner le Nouvel Observateur<br><br />
en 1991, qui qualifiait Maurice PAPON de complice du génocide Nazi,<br> <br />
Jean-Marc VARAUT fera condamner EINAUDI, l’historien de circonstances, <br><br />
Il paiera le prix fort,<br><br />
le déshonneur, la honte, <br><br />
et 1 million de franc. <br />
<br />
Dans l’arène,<br><br />
VARAUT n’a point besoin de glaive,<br><br />
Il a le verbe et l’amnistie. <br />
<br />
Le décret du 22 mars 1962, dispose, en effet en son article 1er : <br />
<br />
''« Sont amnistiées les infractions commises dans le cadre des opérations de maintien de l’ordre dirigées contre l’insurrection algérienne avant le 20 mars 1962. »''<br />
<br />
Toutes les infractions, toutes sont pardonnées, <br><br />
C’était du maintien de l’ordre !<br><br />
<br />
Par la force du texte, il n’y aura pas de procès. <br />
<br />
Ce procès, celui de Jean-Luc EINAUDI, <br><br />
Ce procès de rien du tout, <br><br />
Dans la froideur de l’hiver, et de la 17e chambre, <br><br />
Ce procès, <br><br />
scène sur laquelle se joue l’accusation du criminel contre l’humanité tout entière, <br><br />
qui a l’audace, <br><br />
le panache, <br><br />
de tenter de faire condamner le chercheur qui a cherché, <br><br />
car son honneur de criminel contre l’humanité<br />
<br />
Sera l’unique et ténu interstice dans lequel la vérité pourra se glisser. <br />
<br />
Comme quand il fut témoin d’immoralité à BORDEAUX, <br><br />
EINAUDI, déterminé, s’approche de la barre et l’agrippe tel un capitaine<br><br />
Avec l’air d’un Noé qui sait le secret du déluge. <br><br />
Il se tourne vers le plaignant, se tourne vers ses juges.<br><br />
<br />
Il porte l’estocade. <br />
<br />
Pendant deux heures, <br />
<br />
Sans notes, <br />
<br />
Il raconte tout, comme il racontait à Bordeaux, <br><br />
1961, la France et son Afrique qui n’est plus vraiment sienne,<br><br />
PARIS, <br><br />
les harkis, <br><br />
les pieds noirs, <br><br />
les bidonvilles de NANTERRE, CHAMPIGNY, LA COURNEUVE, <br><br />
Les 11 policiers qui, seront fauchés par les balles du FLN, d’aout à septembre.<br><br />
<br />
La haine qui monte entre les deux camps. <br />
<br />
Il raconte le 2 octobre, les obsèques du brigadier Jean DEMOEN<br><br />
la rage, l’émotion de ses collègues, la peur qui monte, la haine aussi, <br><br />
<br />
Les mots du préfet de police Maurice PAPON, qui apaisent moins qu’ils n’attisent, <br />
<br />
« Vous êtes couverts par vos chefs et la légitime défense. Pour un coup donné, nous en rendrons dix. »<br />
<br />
Les litres d’eau de javel bus par les français musulmans d’Algérie dans les caves du commissariat de la <br><br />
Goutte d’or,<br><br />
les attentats<br><br />
les bastonnades,<br><br />
les rackets, <br><br />
les humiliations,<br><br />
les bicots, <br><br />
les bougnoules<br><br />
les ratons. <br><br />
<br />
EINAUDI raconte, la note du 5 octobre de ce même préfet de police, <br><br />
autorisant les policiers à abattre tout français musulman d’Algérie,<br><br />
car c’était leur statut légal, <br><br />
pris en flagrant délit, sans préciser le délit. <br />
<br />
Le couvre-feu du même jour, imposant à ces mêmes Français Musulmans d’Algérie, <br><br />
ou tout autre basané ressemblant de près, ou de loin, ou de très loin, à un arabe, de ne pas quitter son <br><br />
domicile entre 20h30 et 5h30 du matin. <br><br />
<br />
EINAUDI raconte surtout la réponse de la fédération de France du FLN <br><br />
qui appelle tous les algériens à aller, le 17 octobre, se montrer, <br />
<br />
Et de fort belle manière <br />
<br />
Algériens de France, vous sortirez avec vos plus beaux atours, <br><br />
pour montrer que vous existez, que vous ne vous cacherez pas, <br />
<br />
Montrez que vous êtes beaux, et fêtez dans PARIS. <br><br />
Soyez fiers, soyez libres, <br><br />
Mais respectez deux règles : pas d’armes, pas de riposte. <br><br />
<br />
Puis le 17 octobre, puis le 17 octobre. <br />
<br />
En plein PARIS, à l’heure ou sous la pluie, <br><br />
la pavé noirci reflète les enseignes au néon,<br><br />
A l’heure où PARIS fait la queue au cinéma, <br><br />
Où PARIS pousse la porte des cabarets et restaurants, <br><br />
Où PARIS ouvre ses huitres,<br><br />
Où PARIS s’amuse, <br />
<br />
Une foule, dont l’œil seul ne saurait embrasser le contour, <br><br />
Tout entière, debout, comme une hydre vivante,<br><br />
fière, joyeuse, l’âme sans épouvante, <br><br />
<br />
La liberté sublime emplissant les pensées, <br><br />
de 20.000, ou de 30 qui entraient dans PARIS, <br><br />
Qui emplissait la brume de cris et chants rythmés<br />
<br />
''Tahia Djazair,''<br />
''Vive l’Algérie libre, ''<br><br />
''Allez les fellaghas, ''<br><br />
''Libérez BEN BELLA, ''<br><br />
''A bas le couvre-feu,''<br><br />
''A bas le couvre-feu,''<br><br />
<br />
Et c’est au son d’à bas le couvre-feu, <br><br />
Que la police l’ouvrit, le feu. <br />
<br />
La liesse, bien vite, est devenue panique. <br><br />
La foule effrayée, est devenue tempête.<br><br />
Les hommes rendus stupides par l’horreur, <br><br />
courraient,<br><br />
Pour éviter le plomb, le feu et la matraque. <br />
<br />
Dans la brume affreuse de PARIS, <br><br />
les badauds crurent voir d’étranges bucherons travailler dans la nuit, <br><br />
qui frappaient, qui frappaient, d’un geste mécanique, <br><br />
<br />
Quiconque osait laisser trainer un crane ou une cote <br />
<br />
La cruauté, la haine, dans le langage des coups.<br />
<br />
Le sang coulait, giclait de toutes part,<br><br />
Les vêtements des policiers étaient de carnage rougis. <br><br />
Ils avaient tout le soir tué n’importe qui. <br><br />
<br />
L’Ile de la Cité trembla sous ce fracas monstrueux et sauvage. <br />
<br />
Aux abords de la Seine, méthodiquement, on brise les membres, <br><br />
on lie les poignées, on lie les chevilles, <br><br />
et on jette les gens, comme des fétus de paille. <br><br />
Les ponts Saint Michel, de Neuilly, pleurèrent longtemps des corps balancés comme cela. <br />
<br />
Cette nuit-là, les badauds des rives de Seine virent, <br><br />
sur le souple oreiller de l’eau molle et profonde, <br><br />
le reflet de la lune perturbé çà et là par le passage délicat d’étranges nénuphars, <br><br />
caressés, portés, sur des flots incertains, et voguant vers l’oubli. <br />
<br />
Cette nuit-là, 12000 hommes furent raflés vers le Palais des sports,<br><br />
Mais cette nuit-là seulement, demain Ray Charles y joue. On rafle, mais on doit quand même danser...<br><br />
Heureusement qu’il reste Vincennes et Pierre de Coubertin pour la foule des arrêtés, leurs cris, plaies, <br><br />
clameurs et abois, le sol couvert de morts sur qui tombait la nuit.<br />
<br />
Les autres râlants, brisés, <br><br />
et morts plus qu’à moitié. <br />
<br />
C’était le maintien de l’ordre, couvert par l’amnistie. <br />
<br />
EINAUDI achève, regardant directement son accusateur dans les yeux, <br><br />
le défiant, <br><br />
lui disant être venu en mémoire de ces victimes algériennes, <br><br />
enterrées comme des chiens dans la fosse commune réservée aux musulmans inconnus du cimetière de <br><br />
THIAIS, <br />
<br />
L’accusateur, Maurice PAPON, n’est pas plus perturbé que cela. <br />
<br />
Il a toujours son prétexte. <br />
<br />
D’une voix sure, qui prend son temps, <br><br />
d’une expression aisée, qui sent le passé, <br><br />
d’un phrasé impeccable, il reprend EINAUDI : <br><br />
<br />
« Monsieur le Président, <br />
<br />
Dans les wilayas musulmanes, on m’appelait AL MAHDI : c’est le bon, le juste, le sage. <br />
<br />
Peut-être la plus belle décoration que j’ai reçu de ma carrière. <br />
<br />
J’aimais les algériens. <br><br />
Les algériens m’aimaient. <br><br />
<br />
Le FLN tuait, Monsieur le Président.<br />
<br />
Chez les policiers, le sang était chaud et la vindicte à fleur de peau. <br />
<br />
Ce 17 octobre était une bataille qu’il fallait accepter et gagner. <br />
<br />
Imaginez-vous, le déferlement de cette marée écumante vers l’Etoile et les Champs ? <br />
<br />
Le FLN voulait immerger PARIS sous des vagues algériennes.<br> <br />
On a frisé la subversion, évité le désastre. <br />
<br />
Les centaines de morts sont une ignoble invention. <br><br />
Les photos, des trucages.<br><br />
<br />
C’est inimaginable d’accuser les personnels de police d’avoir fait cela. <br><br />
Ce n’est pas leur style.<br />
<br />
On ne casse pas des cranes avec un képi.<br />
<br />
Le Général m’avait ordonné de tenir PARIS. <br><br />
J’AI OBEI AUX ORDRES et J’ai tenu PARIS.<br> <br />
<br />
Force est restée à la loi, au prix de trois morts inutiles. <br />
<br />
Monsieur le Président, <br><br />
La France, tant que j’aurai un souffle,<br><br />
Je ne laisserai pas y toucher. »<br><br />
<br />
Le prétexte est travaillé, il est bon,<br><br />
la conscience est sauve, <br><br />
<br />
face à la cohorte de témoins cités par EINAUDI,<br />
<br />
Face à Emile Portzer, policier, qui raconte les moqueries des collègues,<br><br />
Les fausses rumeurs de policiers morts le soir des faits sur les radios<br><br />
Démenties par personne, qui raconte les rires !<br><br />
« Un bougnoule en moins » haha<br><br />
« On va voir si les rats savent nager » hahaha<br><br />
<br />
PAPON ne tremble pas. <br />
<br />
Ahcène BOULANOUAR qui raconte comment il fut pendu, <br><br />
comme tant d’autres, <br><br />
dans la cour de la Préfecture de Police de PARIS<br><br />
<br />
PAPON ne tremble pas.<br />
<br />
Gérard GRANDE, élève infirmier au Palais des sports, <br><br />
vient partager son sentiment sur les 9 cadavres aperçus dans un placards. <br><br />
<br />
PAPON ne tremble pas.<br />
<br />
Une mère, endeuillée depuis 38 ans, passe rapidement.<br><br />
Elle tente. Sanglote. Et dans une prière se rassoit. <br><br />
L’on comprend en la voyant que l’enfant qu’on allaita, <br><br />
c’est dur de l’enterrer.<br />
<br />
PAPON ne tremble pas.<br />
<br />
Enfin, Brigitte LAINE et Philippe GRAND.<br />
<br />
Qui n’étaient pas là,<br><br />
qui n’ont pas parlé à un seul témoin. <br><br />
mais qui, en tant que conservateurs aux archives de PARIS,<br> <br />
viennent déposer au prix d’une entorse manifeste à leur devoir de réserve,<br><br />
Tout simplement faire état de ce qu’ils ont vu, <br><br />
dans les archives, du parquet notamment, <br><br />
qu’on refuse avec force à EINAUDI.<br><br />
<br />
Des 103 dossiers d’instruction ouverts, concernant 130 personnes, <br><br />
tous couverts par l’amnistie, <br />
<br />
Des 32 dossiers pour 40 décès, classés sans suite, <br />
<br />
Du réquisitoire définitif du 30 octobre <br><br />
relatif à la mort de 63 nord africains, <br><br />
dont 26 non-identifiés,<br><br />
<br />
Des constantes : strangulations, mains liées, balles, noyades, <br />
<br />
Et une motivation qui sans cesse revient :<br />
<br />
« aucun élément ne permet de vérifier/établir que X a été blessé par un rpz des FDO ».<br />
<br />
Les archives viennent de parler. <br />
<br />
L’Etat vient de parler. <br />
<br />
Là, PAPON tremble un peu. <br />
<br />
Furieux, Jean-Marc VARAUT plaide et interpelle les archivistes<br><br />
D’un art tyrannique, il se fait menaçant, <br />
<br />
Avez-vous seulement conscience de faire état de documents couverts par le secret d’Etat<br><br />
Monsieur le Président, Mesdames du tribunal, <br><br />
La FRANCE est malade de ses fonctionnaires. <br><br />
<br />
Ce pseudo historien, qui a jadis produit un livre sur ces faits, <br><br />
attaqué par personne car lu par personne, <br><br />
convoque un obscur policier, et des témoins compromis avec l’ennemi. <br />
<br />
C’était la guerre, contre la rébellion terroriste. <br />
<br />
Les 12000 arrestations ont permis de mettre aux arrêts<br> <br />
les proxénètes, les oisifs, les cadres du FLN. <br><br />
<br />
Pierre MESSMER, ministre des armées de l’époque, <br><br />
est venu le dire à Bordeaux !<br><br />
« on ne peut pas imputer un préfet la responsabilité des événements<br><br />
lorsque le gouvernement lui a donné des ordres précis ». <br><br />
<br />
Le Général savait.<br><br />
Il savait les ordres clairs qu’il a donné. <br><br />
Il a maintenu PAPON. <br />
<br />
A travers PAPON, c’est de Gaulle qu’on attaque. <br />
<br />
Son honneur bafoué, devra être réparé. <br><br />
L’honneur du a sa fonction. <br><br />
L’honneur du à la France. <br><br />
<br />
Vincent LESCLOUX, premier substitut du procureur, commence par un hommage. <br />
<br />
Il y eut un nombre important de morts dans la nuit du 17 octobre. <br><br />
De pauvres morts qui pèsent lourds sur la conscience. <br><br />
De pauvres morts anonymes.<br><br />
<br />
Certains policiers sont devenus – nombreux – les jouets de la haine qui les a aveuglés. <br />
<br />
EINAUDI a pu, à bon droit, utiliser le mot massacre, <br />
<br />
''« l’expression de meurtre n’étant plus adaptée vu le nombre de morts et les exactions déchainées des <br />
<br />
forces de police ». ''<br />
<br />
Les recherches d’EINAUDI ont fait sonner les 12 coups de l’histoire. <br />
<br />
Toutefois, n’a-t-il pas diffamé en affirmant que cela a été fait sous les ordres de PAPON ? <br><br />
A-t-il fait preuve de prudence alors qu’il n’a pas recherché les responsabilités intermédiaires ? <br />
<br />
Le lecteur moyen a pu comprendre cette phrase comme une grave accusation portant atteinte à l’honneur <br><br />
du plaignant.<br />
<br />
N’étant pas prouvée, elle est diffamatoire.<br />
<br />
En défense Pierre MAIRAT rappelle la stratégie de PAPON : <br />
<br />
Faire condamner EINAUDI dont la parole a pesé si lourd à BORDEAUX, avant un second procès après <br><br />
cassation. <br />
<br />
Il veut faire taire la bouche de l’histoire, la liberté de recherche. <br />
<br />
La défense de PAPON se caractérise, <br><br />
soit par le silence, <br><br />
soit par le mensonge, le bluff, la négation, <br><br />
soit encore par la duplicité. <br><br />
<br />
Il nie les victimes des brutalités policières.<br />
<br />
Il nie les morts.<br />
<br />
Il nie les disparus.<br />
<br />
Il nie les photos.<br />
<br />
Il nie les témoignages. <br />
<br />
Si les manifestants étaient dangereux et armés : <br><br />
pourquoi aucun blessé par balle chez la police ? <br><br />
Pourquoi aucune arme saisie chez les manifestants ? <br><br />
<br />
Le massacre est reconnu par le parquet, le représentant, la bouche de l’Etat, de la société. <br />
<br />
Dès lors, ou est la diffamation ? N’est-il pas temps de regarder notre histoire en face ? <br />
<br />
La relaxe s’impose. <br />
<br />
Le dernier mot revient au prévenu, à Jean-Luc EINAUDI, <br><br />
qui d’un dernier regard à PAPON lui lance : <br><br />
<br />
Vous me méprisez, vous avez voulu me faire taire, <br><br />
mais j’ai envie de vous dire, Monsieur Papon, merci ! <br><br />
en me faisant ce procès, vous avez permis que l’histoire avance.<br><br />
<br />
Le tribunal se retire pour délibérer. <br />
<br />
Les semaines passent, la tension monte. <br />
<br />
Le 26 mars 1999, la salle est plus clairsemée. <br><br />
Les nerfs sont plus tendus, <br><br />
Le délibéré, rendu par Jean-Yves MONFORT, <br><br />
n’est tout d’abord pas en la faveur du prévenu. <br><br />
<br />
Il conclut en effet tout d’abord au caractère diffamatoire de l’assertion, en ce qu’elle porte, par sa nature <br><br />
même, atteinte à l’honneur du plaignant. <br />
<br />
Le prétexte se porte bien. <br />
<br />
Cependant : <br />
<br />
« Considérant que l’ensemble des témoignages versés au dossier sont concordants ; <br><br />
Que les éléments produits démontrent que certains éléments des FDO ont agi avec une extrême <br><br />
violence ; <br><br />
Que cette violence n’était pas justifiée par le comportement manifestants ce soir-là ; <br><br />
Que le nombre des victimes a été important , en tout cas largement supérieur à celui du bilan officiel ; <br><br />
<br />
<br />
Que dès lors que l’on admet que la version officielle des événements de 1961 semble avoir été inspirée <br><br />
largement par la raison d’Etat <br><br />
– admissible , au demeurant , au regard de la situation de l’époque –<br><br />
et que l’extrême dureté de la répression d’alors doit appeler, de nos jours, des analyses différentes, qui <br><br />
n’excluent pas nécessairement l’emploi du mot » massacre », <br><br />
on ne saurait faire grief à un historien, <br><br />
auquel on ne conteste finalement pas le sérieux et la qualité de sa recherche, <br><br />
d’avoir manqué de circonspection lorsque, <br><br />
dans une formule conclusive , <br><br />
qui tend à interpeller le lecteur, <br><br />
il qualifie rudement les faits, <br><br />
et désigne sèchement un responsable.<br />
<br />
La liberté de la recherche historique doit avoir en effet pour corollaire une certaine tolérance dans <br><br />
l’appréciation de l’expression de ses résultats. <br><br />
<br />
Le Tribunal considère donc que le bénéfice de la bonne foi peut être accordé au prévenu.<br />
<br />
PAR CES MOTIFS<br />
<br />
Le tribunal statuant publiquement, <br><br />
en matière correctionnelle, <br><br />
en premier ressort et par jugement contradictoire<br><br />
<br />
RELAXE le prévenu Jean-Luc EINAUDI des fins de la poursuite,<br />
<br />
DÉBOUTE la partie civile Maurice PAPON de ses demandes. »<br />
<br />
Le Mahdi a perdu, et dormira plus mal.<br />
<br />
Messieurs et Mesdames les Bâtonniers, <br><br />
Messieurs et Mesdames les Hauts Magistrats, <br><br />
<br />
Chers Confrères, <br />
<br />
Chères Consœurs, <br />
<br />
Les lois, les tribunaux, les juges, <br><br />
participent à garnir les pages du grand livre de l’histoire. <br><br />
<br />
Toutefois, <br><br />
Les magistrats ne sont, ni des militants, ni des justiciers, ni des historiens.<br><br />
<br />
Ils disent le droit. <br />
<br />
La vérité judiciaire est chose bien étrange. <br />
<br />
Elle me permet de dire, excipant ce jugement, qu’un massacre a eu lieu. <br />
<br />
Mais un massacre, n’est pas une qualification juridique. <br><br />
Un assassinat, un meurtre, ça l’est. <br />
<br />
Ainsi, nos principe, essentiels à notre office et à toute société, <br><br />
en raison de la présomption d’innocence, <br><br />
m’empêchent de dire<br><br />
que quiconque a commis un assassinat ou un meurtre ce soir-là. <br><br />
<br />
L’amnistie, en passant l’éponge judiciaire a lavé, <br><br />
pardonné, oublié. <br />
<br />
La vérité, quand elle est imposée<br><br />
car l’amnistie est une injonction, <br><br />
est chose bien volatile. <br><br />
<br />
Le 14 septembre 2023, un avocat général requérait la relaxe à l’endroit de six policiers qui, ayant <br><br />
repêché un homme dans l’eau, se moquaient du bicot qu’il était. <br />
<br />
Car oui un bicot comme ça, ça nage pas. <br />
<br />
Qualifiant le dossier de « cirque (…) auquel il est bon de mettre fin », <br><br />
cet avocat général évoquait notamment le 17 octobre <br><br />
en disant que c’était le FLN qui noyait les algériens ce jour-là. <br><br />
<br />
Donc vous savez, la vérité. <br />
<br />
Elle réside surtout dans les faits.<br />
<br />
Le fait est que dans notre capitale, Paris, ville où l’Europe se mêle,<br><br />
Poumon de la morale, du droit, de la vérité, de la vertu, du devoir, du progrès, de la raison, <br><br />
Dans PARIS, on peut tuer des centaines d’arabes, sans qu’on sache précisément combien. <br><br />
<br />
100 à 300 c’est de la statistique, et de la mauvaise. <br />
<br />
La vérité n’est que dans les faits<br><br />
Le fait est que PAPON était un boulon, au sein d’une machine bien huilée. <br><br />
PAPON était fonctionnaire, <br><br />
Fonctionnaire de l’Etat français, puis de la République. <br><br />
<br />
PAPON a obéi aux ordres. <br><br />
Le prétexte est bien commode, mais le prétexte est vrai. <br />
<br />
Le 17 octobre 1961, <br><br />
Roger FREY, Ministre de l’intérieur, savait, et a ordonné, <br><br />
Michel DEBRE, Premier Ministre, savait, et a ordonné, <br><br />
Charles de GAULLE, Président de la République, savait, et a ordonné. <br><br />
<br />
Il n’y aura pas de procès pour le 17 octobre 1961. <br />
<br />
La vérité n’est que dans les faits<br><br />
Le fait est que Maurice PAPON dort, <br />
<br />
pour toujours et à jamais, <br><br />
avec sa légion d’honneur sur le torse. <br />
<br />
Quand les repêchés du 17 octobre, dorment, <br><br />
le souvenir enseveli, <br><br />
dans l’étroit cimetière de Thiais, <br><br />
où l’écho seul leur répond.<br><br />
<br />
Rien ne sait plus leur nom, pas même une simple pierre. <br />
<br />
Sans procès, seule l’ordalie fait loi<br><br />
Finalement, s’ils ont coulés, peut-être qu’ils étaient coupables.<br />
<br />
Messieurs et Mesdames les Bâtonniers, <br><br />
Messieurs et Mesdames les Hauts Magistrats, <br><br />
Chers Confrères, <br><br />
Chères Consœurs, <br><br />
<br />
Nous sommes tous des bicots. <br><br />
Nous sommes tous des youpins. <br><br />
Nous sommes tous des nègres. <br><br />
<br />
La mémoire apaise<br><br />
Quand l’oubli invite à l’incendie, <br><br />
On n’oublie pas volontairement. <br><br />
<br />
Qu’on ouvre les archives, et que quiconque aille par lui-même,<br><br />
Se jeter à corps perdu dans l’admiration des plus belles pages de l’histoire de notre pays, <br><br />
comme dans la lecture coupable de celles les plus flétries. <br><br />
<br />
Vous, où ceux qui comme moi,<br />
<br />
perdus entre leurs racines ancrées dans une mémoire coloniale<br><br />
que nul ne veut voir, <br><br />
et leurs branches qui fleurissent sous un beau ciel français, <br><br />
<br />
Perdus entre le ressentiment de ne pas vraiment être,<br><br />
et l’envie d’être, mais pas vraiment. <br><br />
<br />
Perdus dans le passé, leçon qu’épelle l’avenir,<br><br />
Perdus dans ce qui commença, pour ne jamais finir. <br><br />
<br />
Perdus. <br />
<br />
Hélas ! combien de temps faudra-t-il vous redire <br><br />
À vous tous, que c’était à vous de les conduire,<br><br />
Qu’il fallait leur donner leur part de la cité,<br><br />
Que votre aveuglement produit leur cécité ;<br><br />
D’une tutelle avare on recueille les suites,<br><br />
Et le mal qu’ils vous font, c’est vous qui le leur fîtes.<br><br />
<br />
Messieurs et Mesdames les Bâtonniers, <br><br />
Messieurs et Mesdames les Hauts Magistrats, <br><br />
Chers Confrères, <br><br />
Chères Consœurs, <br><br />
<br />
Vous sortirez, dans une heure, vous promener un peu.<br />
<br />
Il faut bien digérer les petits fours, <br />
<br />
Sortez du théâtre,<br />
<br />
Traversez la foule<br><br />
Traversez la route, <br><br />
Là, arrêtez-vous un instant, sur le Pont Saint Michel,<br><br />
penchez-vous sur les eaux sombres et calmes de la Seine. <br><br />
<br />
Et ne détournez pas le regard<br><br />
Quand vous verrez les cadavres remonter.<br />
<br />
<br />
Lire aussi : [https://www.avocatparis.org/actualites/video-et-discours-de-la-ceremonie-solennelle-de-rentree-du-barreau-de-paris-et-de-la-0 VIDÉO ET DISCOURS DE LA CÉRÉMONIE SOLENNELLE DE RENTRÉE DU BARREAU DE PARIS ET DE LA CONFÉRENCE ]</div>Asecretanhttps://www.lagbd.org/index.php?title=Rentree_solennelle_du_Barreau_de_PARIS_Discours_de_Seydi_BA_Deuxieme_secretaire_de_la_conference&diff=79419Rentree solennelle du Barreau de PARIS Discours de Seydi BA Deuxieme secretaire de la conference2023-12-05T14:08:13Z<p>Asecretan : </p>
<hr />
<div>{{DISPLAYTITLE: Rentrée solennelle du Barreau de Paris- Discours de Me Seydi BA, deuxième secrétaire de la Conférence}}<br />
<br />
[[Catégorie: Article juridique]]<br />
<br />
Discours de Seydi BA, deuxième '''[https://www.laconference.net/ Secrétaire de la Conférence]''':<br><br />
<br />
'''''Le procès de Jean-Luc EINAUDI, ou « l’honneur de PAPON »'''''<br><br />
''17e chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de PARIS''<br><br />
''Les 4, 5, 11, 12 février 1999''<br />
<br />
<br />
[[Fichier:Discours1.jpg|320px|center]]<br />
<br />
[[Fichier:Discours2.jpg|320px|center]]<br />
<br />
<br />
<br />
<br />
<br />
Lire au format PDF : [[Fichier:Logo-PDF.png|40px|link=https://www.lagbd.org/images/d/dc/Discours_de_Seydi_Ba_2%C3%A8me_secr%C3%A9taire_de_la_Conf%C3%A9rence.pdf]]<br />
***<br />
<br />
<br />
InchAllah, le corps remontera, <br />
<br />
Si Dieu le veut, il reverra les cieux, <br />
<br />
L’ordalie a cela de parfait, qu’elle permet d’arriver à un objectif complexe,<br><br />
la paix sociale, <br><br />
par un processus simple. <br><br />
<br />
Un corps, de l’eau, et Dieu. <br />
<br />
Qu’importe l’innocence, la culpabilité<br />
<br />
Pourvu qu’on ait la paix. <br />
<br />
Le sort des âmes se joue dans le miroir froid et mouillé de la justice divine. <br />
<br />
La vérité se dissout, emportée par les courants, <br />
<br />
et le village dort bien mieux, sachant la sorcière morte.<br />
<br />
Si elle a coulé, c’est qu’elle était coupable. <br><br />
S’ils ont coulés, c’est qu’ils étaient coupables. <br />
<br />
Sur de son innocence, convaincu de sa bonne foi, <br><br />
l’homme ne peut mal agir. <br />
<br />
L’homme peut avoir, d’une simple signature, envoyé, cohortes et légions d’hommes femmes enfants, <br><br />
vers une mort certaine, douloureuse, par suffocation, <br><br />
il n’a pas forcément mal agi ! <br><br />
s’il avait un prétexte. <br><br />
<br />
Un prétexte, <br><br />
Une pensée, simple, lapidaire, qui vient ordonner le chaos et arrêter la tempête sous le crâne. <br><br />
Une pensée, qui vient faire la jonction entre l’action la plus abjecte permise par la Création, et la bonne <br><br />
personne, que nous sommes tous, au moins pour nous-mêmes.<br><br />
<br />
Le prétexte nous fait bonne personne.<br><br />
Une bonne personne, ça dort bien. <br><br />
Un prétexte, et vous dormirez bien. <br><br />
<br />
Je n’ai fait qu’obéir aux ordres. <br />
<br />
S’ils ont coulé, c’est qu’ils étaient coupables. <br />
<br />
Bonne nuit, Monsieur PAPON. <br />
<br />
Mesdames Messieurs les Bâtonniers, <br><br />
Mesdames Messieurs les Hauts Magistrats,<br> <br />
Chères Consœurs, Chers Confrères. <br><br />
<br />
Vous êtes de bonnes personnes.<br />
<br />
Par la magie de son prétexte, Maurice PAPON l’est tout autant. <br />
<br />
Certes, il a été condamné pour crime contre l’humanité, à BORDEAUX, <br />
<br />
MAIS DEJA il s’est pourvu en cassation<br />
<br />
ET SURTOUT il a obéi aux ordres.<br />
<br />
Il conserve ainsi l’honneur propre aux gens de bien, <br><br />
jadis confié au hasard du duel, désormais protégé par le droit, la justice.<br><br />
<br />
C’est la raison pour laquelle c’est la même silhouette qu’à Bordeaux, <br><br />
avec la même cravate noire, <br><br />
le même costume blanc, <br><br />
la même rosette <br><br />
avec une moustache en plus qui se tient, <br><br />
ce 5 février 1999, sur le banc des parties civiles de la 17e chambre correctionnelle du Tribunal de grande <br><br />
instance de PARIS.<br />
<br />
Pour son honneur, <br><br />
celui de la fonction qu’il occupait jadis, <br><br />
celui de son pays. <br><br />
<br />
Ses avocats, Jean-Marc VARAUT et Francis VUILLEMIN, y voient une stratégie plus judiciaire, plus <br><br />
cynique : <br><br />
dans l’attente de l’issue du pourvoi, <br><br />
faire citer en diffamation ce témoin d’immoralité si embêtant à BORDEAUX, <br><br />
le faire condamner<br><br />
<br />
pour le discréditer et alléger un dossier déjà bien lourd, <br><br />
dans l’optique d’un second procès<br />
<br />
Va ainsi se jouer, durant 4 jours, devant la 17e, l’issue d’un combat judiciaire entre deux fins bretteurs. <br />
<br />
Le dénouement d’un mano a mano sur fond de vérité, <br />
<br />
d’honneur,<br />
<br />
et de considération.<br />
<br />
Le prévenu n’est pas comme son adversaire, <br><br />
commandeur de la Légion d’honneur. <br />
<br />
Pas de titre de l’autre côté de la barre, juste un homme, <br><br />
un éducateur à la protection judiciaire de la jeunesse, <br><br />
qui a fait un peu d’histoire. <br />
<br />
Vous aurez oublié son nom à la fin de ce discours.<br />
<br />
C’est ce qu’il aurait voulu. <br><br />
Que son nom s’efface, <br><br />
pour laisser toute la place à son œuvre, <br><br />
son obsession, <br><br />
le 17 octobre 1961, <br><br />
date à laquelle PARIS noya les algériens. <br />
<br />
Assisté de son défenseur, Pierre MAIRAT,<br><br />
Jean-Luc EINAUDI est prévenu d’avoir commis l’infraction de diffamation envers un fonctionnaire<br><br />
public, <br />
<br />
En l’espèce, <br />
<br />
En portant atteinte à l’honneur et à la considération de Maurice PAPON, en signant le 20 mai 1998 une tribune dans Le Monde dans laquelle il affirmait : <br />
<br />
« Je persiste et je signe. Il y eut, en octobre 1961, Un massacre commis par des forces de l’ordre<br><br />
Sous les ordres de Maurice PAPON ». <br />
<br />
En cette phrase, ces 27 mots, l’œuvre de la vie de Jean-Luc EINAUDI.<br />
<br />
Une vie de recherches, <br><br />
de rencontres, <br><br />
de recueils de témoignages, <br><br />
de doutes sur ce bilan officiel de 3 morts, malgré les deuils par centaines, <br><br />
de dizaines de demandes d’accès aux archives nationales, et d’autant de refus,<br> <br />
Une vie de chemin égaré dans la brume de la raison d’Etat.<br />
<br />
Une vie, celle de Jean-Luc EINAUDI, en 27 mots, qui seront jugés, <br><br />
jaugés, pesés, sous pesés <br><br />
confirmés<br><br />
ou infirmés <br><br />
par l’implacable force de chose jugée liée à la juris dictio. <br><br />
<br />
Infirmés plutôt si l’on en croit Jean-Marc VARAUT, <br><br />
Le ténor le sait, <br><br />
bien qu’il s’agisse de diffamation <br><br />
il ne sera pas question pour la juridiction présidée par Jean-Yves MONFORT<br><br />
d’examiner la véracité ou non des propos d’EINAUDI. <br />
<br />
La condamnation est très probable. <br />
<br />
En 1999 en effet,<br><br />
le droit positif est tel que la preuve de la vérité, <br><br />
l’exceptio veritatis, <br><br />
ne saurait être rapportée s’agissant de faits amnistiés d’une part, <br><br />
et vieux de plus de 10 ans d’autre part. <br />
<br />
Seule la bonne foi d’EINAUDI sera examinée. <br />
<br />
Comme il avait fait condamner le Nouvel Observateur<br><br />
en 1991, qui qualifiait Maurice PAPON de complice du génocide Nazi,<br> <br />
Jean-Marc VARAUT fera condamner EINAUDI, l’historien de circonstances, <br><br />
Il paiera le prix fort,<br><br />
le déshonneur, la honte, <br><br />
et 1 million de franc. <br />
<br />
Dans l’arène,<br><br />
VARAUT n’a point besoin de glaive,<br><br />
Il a le verbe et l’amnistie. <br />
<br />
Le décret du 22 mars 1962, dispose, en effet en son article 1er : <br />
<br />
''« Sont amnistiées les infractions commises dans le cadre des opérations de maintien de l’ordre dirigées contre l’insurrection algérienne avant le 20 mars 1962. »''<br />
<br />
Toutes les infractions, toutes sont pardonnées, <br><br />
C’était du maintien de l’ordre !<br><br />
<br />
Par la force du texte, il n’y aura pas de procès. <br />
<br />
Ce procès, celui de Jean-Luc EINAUDI, <br><br />
Ce procès de rien du tout, <br><br />
Dans la froideur de l’hiver, et de la 17e chambre, <br><br />
Ce procès, <br><br />
scène sur laquelle se joue l’accusation du criminel contre l’humanité tout entière, <br><br />
qui a l’audace, <br><br />
le panache, <br><br />
de tenter de faire condamner le chercheur qui a cherché, <br><br />
car son honneur de criminel contre l’humanité<br />
<br />
Sera l’unique et ténu interstice dans lequel la vérité pourra se glisser. <br />
<br />
Comme quand il fut témoin d’immoralité à BORDEAUX, <br><br />
EINAUDI, déterminé, s’approche de la barre et l’agrippe tel un capitaine<br><br />
Avec l’air d’un Noé qui sait le secret du déluge. <br><br />
Il se tourne vers le plaignant, se tourne vers ses juges.<br><br />
<br />
Il porte l’estocade. <br />
<br />
Pendant deux heures, <br />
<br />
Sans notes, <br />
<br />
Il raconte tout, comme il racontait à Bordeaux, <br><br />
1961, la France et son Afrique qui n’est plus vraiment sienne,<br><br />
PARIS, <br><br />
les harkis, <br><br />
les pieds noirs, <br><br />
les bidonvilles de NANTERRE, CHAMPIGNY, LA COURNEUVE, <br><br />
Les 11 policiers qui, seront fauchés par les balles du FLN, d’aout à septembre.<br><br />
<br />
La haine qui monte entre les deux camps. <br />
<br />
Il raconte le 2 octobre, les obsèques du brigadier Jean DEMOEN<br><br />
la rage, l’émotion de ses collègues, la peur qui monte, la haine aussi, <br><br />
<br />
Les mots du préfet de police Maurice PAPON, qui apaisent moins qu’ils n’attisent, <br />
<br />
« Vous êtes couverts par vos chefs et la légitime défense. Pour un coup donné, nous en rendrons dix. »<br />
<br />
Les litres d’eau de javel bus par les français musulmans d’Algérie dans les caves du commissariat de la <br><br />
Goutte d’or,<br><br />
les attentats<br><br />
les bastonnades,<br><br />
les rackets, <br><br />
les humiliations,<br><br />
les bicots, <br><br />
les bougnoules<br><br />
les ratons. <br><br />
<br />
EINAUDI raconte, la note du 5 octobre de ce même préfet de police, <br><br />
autorisant les policiers à abattre tout français musulman d’Algérie,<br><br />
car c’était leur statut légal, <br><br />
pris en flagrant délit, sans préciser le délit. <br />
<br />
Le couvre-feu du même jour, imposant à ces mêmes Français Musulmans d’Algérie, <br><br />
ou tout autre basané ressemblant de près, ou de loin, ou de très loin, à un arabe, de ne pas quitter son <br><br />
domicile entre 20h30 et 5h30 du matin. <br><br />
<br />
EINAUDI raconte surtout la réponse de la fédération de France du FLN <br><br />
qui appelle tous les algériens à aller, le 17 octobre, se montrer, <br />
<br />
Et de fort belle manière <br />
<br />
Algériens de France, vous sortirez avec vos plus beaux atours, <br><br />
pour montrer que vous existez, que vous ne vous cacherez pas, <br />
<br />
Montrez que vous êtes beaux, et fêtez dans PARIS. <br><br />
Soyez fiers, soyez libres, <br><br />
Mais respectez deux règles : pas d’armes, pas de riposte. <br><br />
<br />
Puis le 17 octobre, puis le 17 octobre. <br />
<br />
En plein PARIS, à l’heure ou sous la pluie, <br><br />
la pavé noirci reflète les enseignes au néon,<br><br />
A l’heure où PARIS fait la queue au cinéma, <br><br />
Où PARIS pousse la porte des cabarets et restaurants, <br><br />
Où PARIS ouvre ses huitres,<br><br />
Où PARIS s’amuse, <br />
<br />
Une foule, dont l’œil seul ne saurait embrasser le contour, <br><br />
Tout entière, debout, comme une hydre vivante,<br><br />
fière, joyeuse, l’âme sans épouvante, <br><br />
<br />
La liberté sublime emplissant les pensées, <br><br />
de 20.000, ou de 30 qui entraient dans PARIS, <br><br />
Qui emplissait la brume de cris et chants rythmés<br />
<br />
''Tahia Djazair,''<br />
''Vive l’Algérie libre, ''<br><br />
''Allez les fellaghas, ''<br><br />
''Libérez BEN BELLA, ''<br><br />
''A bas le couvre-feu,''<br><br />
''A bas le couvre-feu,''<br><br />
<br />
Et c’est au son d’à bas le couvre-feu, <br><br />
Que la police l’ouvrit, le feu. <br />
<br />
La liesse, bien vite, est devenue panique. <br><br />
La foule effrayée, est devenue tempête.<br><br />
Les hommes rendus stupides par l’horreur, <br><br />
courraient,<br><br />
Pour éviter le plomb, le feu et la matraque. <br />
<br />
Dans la brume affreuse de PARIS, <br><br />
les badauds crurent voir d’étranges bucherons travailler dans la nuit, <br><br />
qui frappaient, qui frappaient, d’un geste mécanique, <br><br />
<br />
Quiconque osait laisser trainer un crane ou une cote <br />
<br />
La cruauté, la haine, dans le langage des coups.<br />
<br />
Le sang coulait, giclait de toutes part,<br><br />
Les vêtements des policiers étaient de carnage rougis. <br><br />
Ils avaient tout le soir tué n’importe qui. <br><br />
<br />
L’Ile de la Cité trembla sous ce fracas monstrueux et sauvage. <br />
<br />
Aux abords de la Seine, méthodiquement, on brise les membres, <br><br />
on lie les poignées, on lie les chevilles, <br><br />
et on jette les gens, comme des fétus de paille. <br><br />
Les ponts Saint Michel, de Neuilly, pleurèrent longtemps des corps balancés comme cela. <br />
<br />
Cette nuit-là, les badauds des rives de Seine virent, <br><br />
sur le souple oreiller de l’eau molle et profonde, <br><br />
le reflet de la lune perturbé çà et là par le passage délicat d’étranges nénuphars, <br><br />
caressés, portés, sur des flots incertains, et voguant vers l’oubli. <br />
<br />
Cette nuit-là, 12000 hommes furent raflés vers le Palais des sports,<br><br />
Mais cette nuit-là seulement, demain Ray Charles y joue. On rafle, mais on doit quand même danser...<br><br />
Heureusement qu’il reste Vincennes et Pierre de Coubertin pour la foule des arrêtés, leurs cris, plaies, <br><br />
clameurs et abois, le sol couvert de morts sur qui tombait la nuit.<br />
<br />
Les autres râlants, brisés, <br><br />
et morts plus qu’à moitié. <br />
<br />
C’était le maintien de l’ordre, couvert par l’amnistie. <br />
<br />
EINAUDI achève, regardant directement son accusateur dans les yeux, <br><br />
le défiant, <br><br />
lui disant être venu en mémoire de ces victimes algériennes, <br><br />
enterrées comme des chiens dans la fosse commune réservée aux musulmans inconnus du cimetière de <br><br />
THIAIS, <br />
<br />
L’accusateur, Maurice PAPON, n’est pas plus perturbé que cela. <br />
<br />
Il a toujours son prétexte. <br />
<br />
D’une voix sure, qui prend son temps, <br><br />
d’une expression aisée, qui sent le passé, <br><br />
d’un phrasé impeccable, il reprend EINAUDI : <br><br />
<br />
« Monsieur le Président, <br />
<br />
Dans les wilayas musulmanes, on m’appelait AL MAHDI : c’est le bon, le juste, le sage. <br />
<br />
Peut-être la plus belle décoration que j’ai reçu de ma carrière. <br />
<br />
J’aimais les algériens. <br><br />
Les algériens m’aimaient. <br><br />
<br />
Le FLN tuait, Monsieur le Président.<br />
<br />
Chez les policiers, le sang était chaud et la vindicte à fleur de peau. <br />
<br />
Ce 17 octobre était une bataille qu’il fallait accepter et gagner. <br />
<br />
Imaginez-vous, le déferlement de cette marée écumante vers l’Etoile et les Champs ? <br />
<br />
Le FLN voulait immerger PARIS sous des vagues algériennes.<br> <br />
On a frisé la subversion, évité le désastre. <br />
<br />
Les centaines de morts sont une ignoble invention. <br><br />
Les photos, des trucages.<br><br />
<br />
C’est inimaginable d’accuser les personnels de police d’avoir fait cela. <br><br />
Ce n’est pas leur style.<br />
<br />
On ne casse pas des cranes avec un képi.<br />
<br />
Le Général m’avait ordonné de tenir PARIS. <br><br />
J’AI OBEI AUX ORDRES et J’ai tenu PARIS.<br> <br />
<br />
Force est restée à la loi, au prix de trois morts inutiles. <br />
<br />
Monsieur le Président, <br><br />
La France, tant que j’aurai un souffle,<br><br />
Je ne laisserai pas y toucher. »<br><br />
<br />
Le prétexte est travaillé, il est bon,<br><br />
la conscience est sauve, <br><br />
<br />
face à la cohorte de témoins cités par EINAUDI,<br />
<br />
Face à Emile Portzer, policier, qui raconte les moqueries des collègues,<br><br />
Les fausses rumeurs de policiers morts le soir des faits sur les radios<br><br />
Démenties par personne, qui raconte les rires !<br><br />
« Un bougnoule en moins » haha<br><br />
« On va voir si les rats savent nager » hahaha<br><br />
<br />
PAPON ne tremble pas. <br />
<br />
Ahcène BOULANOUAR qui raconte comment il fut pendu, <br><br />
comme tant d’autres, <br><br />
dans la cour de la Préfecture de Police de PARIS<br><br />
<br />
PAPON ne tremble pas.<br />
<br />
Gérard GRANDE, élève infirmier au Palais des sports, <br><br />
vient partager son sentiment sur les 9 cadavres aperçus dans un placards. <br><br />
<br />
PAPON ne tremble pas.<br />
<br />
Une mère, endeuillée depuis 38 ans, passe rapidement.<br><br />
Elle tente. Sanglote. Et dans une prière se rassoit. <br><br />
L’on comprend en la voyant que l’enfant qu’on allaita, <br><br />
c’est dur de l’enterrer.<br />
<br />
PAPON ne tremble pas.<br />
<br />
Enfin, Brigitte LAINE et Philippe GRAND.<br />
<br />
Qui n’étaient pas là,<br><br />
qui n’ont pas parlé à un seul témoin. <br><br />
mais qui, en tant que conservateurs aux archives de PARIS,<br> <br />
viennent déposer au prix d’une entorse manifeste à leur devoir de réserve,<br><br />
Tout simplement faire état de ce qu’ils ont vu, <br><br />
dans les archives, du parquet notamment, <br><br />
qu’on refuse avec force à EINAUDI.<br><br />
<br />
Des 103 dossiers d’instruction ouverts, concernant 130 personnes, <br><br />
tous couverts par l’amnistie, <br />
<br />
Des 32 dossiers pour 40 décès, classés sans suite, <br />
<br />
Du réquisitoire définitif du 30 octobre <br><br />
relatif à la mort de 63 nord africains, <br><br />
dont 26 non-identifiés,<br><br />
<br />
Des constantes : strangulations, mains liées, balles, noyades, <br />
<br />
Et une motivation qui sans cesse revient :<br />
<br />
« aucun élément ne permet de vérifier/établir que X a été blessé par un rpz des FDO ».<br />
<br />
Les archives viennent de parler. <br />
<br />
L’Etat vient de parler. <br />
<br />
Là, PAPON tremble un peu. <br />
<br />
Furieux, Jean-Marc VARAUT plaide et interpelle les archivistes<br><br />
D’un art tyrannique, il se fait menaçant, <br />
<br />
Avez-vous seulement conscience de faire état de documents couverts par le secret d’Etat<br><br />
Monsieur le Président, Mesdames du tribunal, <br><br />
La FRANCE est malade de ses fonctionnaires. <br><br />
<br />
Ce pseudo historien, qui a jadis produit un livre sur ces faits, <br><br />
attaqué par personne car lu par personne, <br><br />
convoque un obscur policier, et des témoins compromis avec l’ennemi. <br />
<br />
C’était la guerre, contre la rébellion terroriste. <br />
<br />
Les 12000 arrestations ont permis de mettre aux arrêts<br> <br />
les proxénètes, les oisifs, les cadres du FLN. <br><br />
<br />
Pierre MESSMER, ministre des armées de l’époque, <br><br />
est venu le dire à Bordeaux !<br><br />
« on ne peut pas imputer un préfet la responsabilité des événements<br><br />
lorsque le gouvernement lui a donné des ordres précis ». <br><br />
<br />
Le Général savait.<br><br />
Il savait les ordres clairs qu’il a donné. <br><br />
Il a maintenu PAPON. <br />
<br />
A travers PAPON, c’est de Gaulle qu’on attaque. <br />
<br />
Son honneur bafoué, devra être réparé. <br><br />
L’honneur du a sa fonction. <br><br />
L’honneur du à la France. <br><br />
<br />
Vincent LESCLOUX, premier substitut du procureur, commence par un hommage. <br />
<br />
Il y eut un nombre important de morts dans la nuit du 17 octobre. <br><br />
De pauvres morts qui pèsent lourds sur la conscience. <br><br />
De pauvres morts anonymes.<br><br />
<br />
Certains policiers sont devenus – nombreux – les jouets de la haine qui les a aveuglés. <br />
<br />
EINAUDI a pu, à bon droit, utiliser le mot massacre, <br />
<br />
''« l’expression de meurtre n’étant plus adaptée vu le nombre de morts et les exactions déchainées des <br />
<br />
forces de police ». ''<br />
<br />
Les recherches d’EINAUDI ont fait sonner les 12 coups de l’histoire. <br />
<br />
Toutefois, n’a-t-il pas diffamé en affirmant que cela a été fait sous les ordres de PAPON ? <br><br />
A-t-il fait preuve de prudence alors qu’il n’a pas recherché les responsabilités intermédiaires ? <br />
<br />
Le lecteur moyen a pu comprendre cette phrase comme une grave accusation portant atteinte à l’honneur <br><br />
du plaignant.<br />
<br />
N’étant pas prouvée, elle est diffamatoire.<br />
<br />
En défense Pierre MAIRAT rappelle la stratégie de PAPON : <br />
<br />
Faire condamner EINAUDI dont la parole a pesé si lourd à BORDEAUX, avant un second procès après <br><br />
cassation. <br />
<br />
Il veut faire taire la bouche de l’histoire, la liberté de recherche. <br />
<br />
La défense de PAPON se caractérise, <br><br />
soit par le silence, <br><br />
soit par le mensonge, le bluff, la négation, <br><br />
soit encore par la duplicité. <br><br />
<br />
Il nie les victimes des brutalités policières.<br />
<br />
Il nie les morts.<br />
<br />
Il nie les disparus.<br />
<br />
Il nie les photos.<br />
<br />
Il nie les témoignages. <br />
<br />
Si les manifestants étaient dangereux et armés : <br><br />
pourquoi aucun blessé par balle chez la police ? <br><br />
Pourquoi aucune arme saisie chez les manifestants ? <br><br />
<br />
Le massacre est reconnu par le parquet, le représentant, la bouche de l’Etat, de la société. <br />
<br />
Dès lors, ou est la diffamation ? N’est-il pas temps de regarder notre histoire en face ? <br />
<br />
La relaxe s’impose. <br />
<br />
Le dernier mot revient au prévenu, à Jean-Luc EINAUDI, <br><br />
qui d’un dernier regard à PAPON lui lance : <br><br />
<br />
Vous me méprisez, vous avez voulu me faire taire, <br><br />
mais j’ai envie de vous dire, Monsieur Papon, merci ! <br><br />
en me faisant ce procès, vous avez permis que l’histoire avance.<br><br />
<br />
Le tribunal se retire pour délibérer. <br />
<br />
Les semaines passent, la tension monte. <br />
<br />
Le 26 mars 1999, la salle est plus clairsemée. <br><br />
Les nerfs sont plus tendus, <br><br />
Le délibéré, rendu par Jean-Yves MONFORT, <br><br />
n’est tout d’abord pas en la faveur du prévenu. <br><br />
<br />
Il conclut en effet tout d’abord au caractère diffamatoire de l’assertion, en ce qu’elle porte, par sa nature <br><br />
même, atteinte à l’honneur du plaignant. <br />
<br />
Le prétexte se porte bien. <br />
<br />
Cependant : <br />
<br />
« Considérant que l’ensemble des témoignages versés au dossier sont concordants ; <br><br />
Que les éléments produits démontrent que certains éléments des FDO ont agi avec une extrême <br><br />
violence ; <br><br />
Que cette violence n’était pas justifiée par le comportement manifestants ce soir-là ; <br><br />
Que le nombre des victimes a été important , en tout cas largement supérieur à celui du bilan officiel ; <br><br />
<br />
<br />
Que dès lors que l’on admet que la version officielle des événements de 1961 semble avoir été inspirée <br><br />
largement par la raison d’Etat <br><br />
– admissible , au demeurant , au regard de la situation de l’époque –<br><br />
et que l’extrême dureté de la répression d’alors doit appeler, de nos jours, des analyses différentes, qui <br><br />
n’excluent pas nécessairement l’emploi du mot » massacre », <br><br />
on ne saurait faire grief à un historien, <br><br />
auquel on ne conteste finalement pas le sérieux et la qualité de sa recherche, <br><br />
d’avoir manqué de circonspection lorsque, <br><br />
dans une formule conclusive , <br><br />
qui tend à interpeller le lecteur, <br><br />
il qualifie rudement les faits, <br><br />
et désigne sèchement un responsable.<br />
<br />
La liberté de la recherche historique doit avoir en effet pour corollaire une certaine tolérance dans <br><br />
l’appréciation de l’expression de ses résultats. <br><br />
<br />
Le Tribunal considère donc que le bénéfice de la bonne foi peut être accordé au prévenu.<br />
<br />
PAR CES MOTIFS<br />
<br />
Le tribunal statuant publiquement, <br><br />
en matière correctionnelle, <br><br />
en premier ressort et par jugement contradictoire<br><br />
<br />
RELAXE le prévenu Jean-Luc EINAUDI des fins de la poursuite,<br />
<br />
DÉBOUTE la partie civile Maurice PAPON de ses demandes. »<br />
<br />
Le Mahdi a perdu, et dormira plus mal.<br />
<br />
Messieurs et Mesdames les Bâtonniers, <br><br />
Messieurs et Mesdames les Hauts Magistrats, <br><br />
<br />
Chers Confrères, <br />
<br />
Chères Consœurs, <br />
<br />
Les lois, les tribunaux, les juges, <br><br />
participent à garnir les pages du grand livre de l’histoire. <br><br />
<br />
Toutefois, <br><br />
Les magistrats ne sont, ni des militants, ni des justiciers, ni des historiens.<br><br />
<br />
Ils disent le droit. <br />
<br />
La vérité judiciaire est chose bien étrange. <br />
<br />
Elle me permet de dire, excipant ce jugement, qu’un massacre a eu lieu. <br />
<br />
Mais un massacre, n’est pas une qualification juridique. <br><br />
Un assassinat, un meurtre, ça l’est. <br />
<br />
Ainsi, nos principe, essentiels à notre office et à toute société, <br><br />
en raison de la présomption d’innocence, <br><br />
m’empêchent de dire<br><br />
que quiconque a commis un assassinat ou un meurtre ce soir-là. <br><br />
<br />
L’amnistie, en passant l’éponge judiciaire a lavé, <br><br />
pardonné, oublié. <br />
<br />
La vérité, quand elle est imposée<br><br />
car l’amnistie est une injonction, <br><br />
est chose bien volatile. <br><br />
<br />
Le 14 septembre 2023, un avocat général requérait la relaxe à l’endroit de six policiers qui, ayant <br><br />
repêché un homme dans l’eau, se moquaient du bicot qu’il était. <br />
<br />
Car oui un bicot comme ça, ça nage pas. <br />
<br />
Qualifiant le dossier de « cirque (…) auquel il est bon de mettre fin », <br><br />
cet avocat général évoquait notamment le 17 octobre <br><br />
en disant que c’était le FLN qui noyait les algériens ce jour-là. <br><br />
<br />
Donc vous savez, la vérité. <br />
<br />
Elle réside surtout dans les faits.<br />
<br />
Le fait est que dans notre capitale, Paris, ville où l’Europe se mêle,<br><br />
Poumon de la morale, du droit, de la vérité, de la vertu, du devoir, du progrès, de la raison, <br><br />
Dans PARIS, on peut tuer des centaines d’arabes, sans qu’on sache précisément combien. <br><br />
<br />
100 à 300 c’est de la statistique, et de la mauvaise. <br />
<br />
La vérité n’est que dans les faits<br><br />
Le fait est que PAPON était un boulon, au sein d’une machine bien huilée. <br><br />
PAPON était fonctionnaire, <br><br />
Fonctionnaire de l’Etat français, puis de la République. <br><br />
<br />
PAPON a obéi aux ordres. <br><br />
Le prétexte est bien commode, mais le prétexte est vrai. <br />
<br />
Le 17 octobre 1961, <br><br />
Roger FREY, Ministre de l’intérieur, savait, et a ordonné, <br><br />
Michel DEBRE, Premier Ministre, savait, et a ordonné, <br><br />
Charles de GAULLE, Président de la République, savait, et a ordonné. <br><br />
<br />
Il n’y aura pas de procès pour le 17 octobre 1961. <br />
<br />
La vérité n’est que dans les faits<br><br />
Le fait est que Maurice PAPON dort, <br />
<br />
pour toujours et à jamais, <br><br />
avec sa légion d’honneur sur le torse. <br />
<br />
Quand les repêchés du 17 octobre, dorment, <br><br />
le souvenir enseveli, <br><br />
dans l’étroit cimetière de Thiais, <br><br />
où l’écho seul leur répond.<br><br />
<br />
Rien ne sait plus leur nom, pas même une simple pierre. <br />
<br />
Sans procès, seule l’ordalie fait loi<br><br />
Finalement, s’ils ont coulés, peut-être qu’ils étaient coupables.<br />
<br />
Messieurs et Mesdames les Bâtonniers, <br><br />
Messieurs et Mesdames les Hauts Magistrats, <br><br />
Chers Confrères, <br><br />
Chères Consœurs, <br><br />
<br />
Nous sommes tous des bicots. <br><br />
Nous sommes tous des youpins. <br><br />
Nous sommes tous des nègres. <br><br />
<br />
La mémoire apaise<br><br />
Quand l’oubli invite à l’incendie, <br><br />
On n’oublie pas volontairement. <br><br />
<br />
Qu’on ouvre les archives, et que quiconque aille par lui-même,<br><br />
Se jeter à corps perdu dans l’admiration des plus belles pages de l’histoire de notre pays, <br><br />
comme dans la lecture coupable de celles les plus flétries. <br><br />
<br />
Vous, où ceux qui comme moi,<br />
<br />
perdus entre leurs racines ancrées dans une mémoire coloniale<br><br />
que nul ne veut voir, <br><br />
et leurs branches qui fleurissent sous un beau ciel français, <br><br />
<br />
Perdus entre le ressentiment de ne pas vraiment être,<br><br />
et l’envie d’être, mais pas vraiment. <br><br />
<br />
Perdus dans le passé, leçon qu’épelle l’avenir,<br><br />
Perdus dans ce qui commença, pour ne jamais finir. <br><br />
<br />
Perdus. <br />
<br />
Hélas ! combien de temps faudra-t-il vous redire <br><br />
À vous tous, que c’était à vous de les conduire,<br><br />
Qu’il fallait leur donner leur part de la cité,<br><br />
Que votre aveuglement produit leur cécité ;<br><br />
D’une tutelle avare on recueille les suites,<br><br />
Et le mal qu’ils vous font, c’est vous qui le leur fîtes.<br><br />
<br />
Messieurs et Mesdames les Bâtonniers, <br><br />
Messieurs et Mesdames les Hauts Magistrats, <br><br />
Chers Confrères, <br><br />
Chères Consœurs, <br><br />
<br />
Vous sortirez, dans une heure, vous promener un peu.<br />
<br />
Il faut bien digérer les petits fours, <br />
<br />
Sortez du théâtre,<br />
<br />
Traversez la foule<br><br />
Traversez la route, <br><br />
Là, arrêtez-vous un instant, sur le Pont Saint Michel,<br><br />
penchez-vous sur les eaux sombres et calmes de la Seine. <br><br />
<br />
Et ne détournez pas le regard<br><br />
Quand vous verrez les cadavres remonter.<br />
<br />
<br />
Lire aussi : [[https://www.avocatparis.org/actualites/video-et-discours-de-la-ceremonie-solennelle-de-rentree-du-barreau-de-paris-et-de-la-0 |VIDÉO ET DISCOURS DE LA CÉRÉMONIE SOLENNELLE DE RENTRÉE DU BARREAU DE PARIS ET DE LA CONFÉRENCE ]]</div>Asecretanhttps://www.lagbd.org/index.php?title=Rentree_solennelle_du_Barreau_de_PARIS_Discours_de_Seydi_BA_Deuxieme_secretaire_de_la_conference&diff=79418Rentree solennelle du Barreau de PARIS Discours de Seydi BA Deuxieme secretaire de la conference2023-12-05T14:07:38Z<p>Asecretan : </p>
<hr />
<div>{{DISPLAYTITLE: Rentrée solennelle du Barreau de Paris- Discours de Me Seydi BA, deuxième secrétaire de la Conférence}}<br />
<br />
[[Catégorie: Article juridique]]<br />
<br />
Discours de Seydi BA, deuxième '''[https://www.laconference.net/ Secrétaire de la Conférence]''':<br><br />
<br />
'''''Le procès de Jean-Luc EINAUDI, ou « l’honneur de PAPON »'''''<br><br />
''17e chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de PARIS''<br><br />
''Les 4, 5, 11, 12 février 1999''<br />
<br />
<br />
[[Fichier:Discours1.jpg|320px|center]]<br />
<br />
[[Fichier:Discours2.jpg|320px|center]]<br />
<br />
<br />
<br />
<br />
<br />
Lire au format PDF : [[Fichier:Logo-PDF.png|40px|link=https://www.lagbd.org/images/d/dc/Discours_de_Seydi_Ba_2%C3%A8me_secr%C3%A9taire_de_la_Conf%C3%A9rence.pdf]]<br />
***<br />
<br />
<br />
InchAllah, le corps remontera, <br />
<br />
Si Dieu le veut, il reverra les cieux, <br />
<br />
L’ordalie a cela de parfait, qu’elle permet d’arriver à un objectif complexe,<br><br />
la paix sociale, <br><br />
par un processus simple. <br><br />
<br />
Un corps, de l’eau, et Dieu. <br />
<br />
Qu’importe l’innocence, la culpabilité<br />
<br />
Pourvu qu’on ait la paix. <br />
<br />
Le sort des âmes se joue dans le miroir froid et mouillé de la justice divine. <br />
<br />
La vérité se dissout, emportée par les courants, <br />
<br />
et le village dort bien mieux, sachant la sorcière morte.<br />
<br />
Si elle a coulé, c’est qu’elle était coupable. <br><br />
S’ils ont coulés, c’est qu’ils étaient coupables. <br />
<br />
Sur de son innocence, convaincu de sa bonne foi, <br><br />
l’homme ne peut mal agir. <br />
<br />
L’homme peut avoir, d’une simple signature, envoyé, cohortes et légions d’hommes femmes enfants, <br><br />
vers une mort certaine, douloureuse, par suffocation, <br><br />
il n’a pas forcément mal agi ! <br><br />
s’il avait un prétexte. <br><br />
<br />
Un prétexte, <br><br />
Une pensée, simple, lapidaire, qui vient ordonner le chaos et arrêter la tempête sous le crâne. <br><br />
Une pensée, qui vient faire la jonction entre l’action la plus abjecte permise par la Création, et la bonne <br><br />
personne, que nous sommes tous, au moins pour nous-mêmes.<br><br />
<br />
Le prétexte nous fait bonne personne.<br><br />
Une bonne personne, ça dort bien. <br><br />
Un prétexte, et vous dormirez bien. <br><br />
<br />
Je n’ai fait qu’obéir aux ordres. <br />
<br />
S’ils ont coulé, c’est qu’ils étaient coupables. <br />
<br />
Bonne nuit, Monsieur PAPON. <br />
<br />
Mesdames Messieurs les Bâtonniers, <br><br />
Mesdames Messieurs les Hauts Magistrats,<br> <br />
Chères Consœurs, Chers Confrères. <br><br />
<br />
Vous êtes de bonnes personnes.<br />
<br />
Par la magie de son prétexte, Maurice PAPON l’est tout autant. <br />
<br />
Certes, il a été condamné pour crime contre l’humanité, à BORDEAUX, <br />
<br />
MAIS DEJA il s’est pourvu en cassation<br />
<br />
ET SURTOUT il a obéi aux ordres.<br />
<br />
Il conserve ainsi l’honneur propre aux gens de bien, <br><br />
jadis confié au hasard du duel, désormais protégé par le droit, la justice.<br><br />
<br />
C’est la raison pour laquelle c’est la même silhouette qu’à Bordeaux, <br><br />
avec la même cravate noire, <br><br />
le même costume blanc, <br><br />
la même rosette <br><br />
avec une moustache en plus qui se tient, <br><br />
ce 5 février 1999, sur le banc des parties civiles de la 17e chambre correctionnelle du Tribunal de grande <br><br />
instance de PARIS.<br />
<br />
Pour son honneur, <br><br />
celui de la fonction qu’il occupait jadis, <br><br />
celui de son pays. <br><br />
<br />
Ses avocats, Jean-Marc VARAUT et Francis VUILLEMIN, y voient une stratégie plus judiciaire, plus <br><br />
cynique : <br><br />
dans l’attente de l’issue du pourvoi, <br><br />
faire citer en diffamation ce témoin d’immoralité si embêtant à BORDEAUX, <br><br />
le faire condamner<br><br />
<br />
pour le discréditer et alléger un dossier déjà bien lourd, <br><br />
dans l’optique d’un second procès<br />
<br />
Va ainsi se jouer, durant 4 jours, devant la 17e, l’issue d’un combat judiciaire entre deux fins bretteurs. <br />
<br />
Le dénouement d’un mano a mano sur fond de vérité, <br />
<br />
d’honneur,<br />
<br />
et de considération.<br />
<br />
Le prévenu n’est pas comme son adversaire, <br><br />
commandeur de la Légion d’honneur. <br />
<br />
Pas de titre de l’autre côté de la barre, juste un homme, <br><br />
un éducateur à la protection judiciaire de la jeunesse, <br><br />
qui a fait un peu d’histoire. <br />
<br />
Vous aurez oublié son nom à la fin de ce discours.<br />
<br />
C’est ce qu’il aurait voulu. <br><br />
Que son nom s’efface, <br><br />
pour laisser toute la place à son œuvre, <br><br />
son obsession, <br><br />
le 17 octobre 1961, <br><br />
date à laquelle PARIS noya les algériens. <br />
<br />
Assisté de son défenseur, Pierre MAIRAT,<br><br />
Jean-Luc EINAUDI est prévenu d’avoir commis l’infraction de diffamation envers un fonctionnaire<br><br />
public, <br />
<br />
En l’espèce, <br />
<br />
En portant atteinte à l’honneur et à la considération de Maurice PAPON, en signant le 20 mai 1998 une tribune dans Le Monde dans laquelle il affirmait : <br />
<br />
« Je persiste et je signe. Il y eut, en octobre 1961, Un massacre commis par des forces de l’ordre<br><br />
Sous les ordres de Maurice PAPON ». <br />
<br />
En cette phrase, ces 27 mots, l’œuvre de la vie de Jean-Luc EINAUDI.<br />
<br />
Une vie de recherches, <br><br />
de rencontres, <br><br />
de recueils de témoignages, <br><br />
de doutes sur ce bilan officiel de 3 morts, malgré les deuils par centaines, <br><br />
de dizaines de demandes d’accès aux archives nationales, et d’autant de refus,<br> <br />
Une vie de chemin égaré dans la brume de la raison d’Etat.<br />
<br />
Une vie, celle de Jean-Luc EINAUDI, en 27 mots, qui seront jugés, <br><br />
jaugés, pesés, sous pesés <br><br />
confirmés<br><br />
ou infirmés <br><br />
par l’implacable force de chose jugée liée à la juris dictio. <br><br />
<br />
Infirmés plutôt si l’on en croit Jean-Marc VARAUT, <br><br />
Le ténor le sait, <br><br />
bien qu’il s’agisse de diffamation <br><br />
il ne sera pas question pour la juridiction présidée par Jean-Yves MONFORT<br><br />
d’examiner la véracité ou non des propos d’EINAUDI. <br />
<br />
La condamnation est très probable. <br />
<br />
En 1999 en effet,<br><br />
le droit positif est tel que la preuve de la vérité, <br><br />
l’exceptio veritatis, <br><br />
ne saurait être rapportée s’agissant de faits amnistiés d’une part, <br><br />
et vieux de plus de 10 ans d’autre part. <br />
<br />
Seule la bonne foi d’EINAUDI sera examinée. <br />
<br />
Comme il avait fait condamner le Nouvel Observateur<br><br />
en 1991, qui qualifiait Maurice PAPON de complice du génocide Nazi,<br> <br />
Jean-Marc VARAUT fera condamner EINAUDI, l’historien de circonstances, <br><br />
Il paiera le prix fort,<br><br />
le déshonneur, la honte, <br><br />
et 1 million de franc. <br />
<br />
Dans l’arène,<br><br />
VARAUT n’a point besoin de glaive,<br><br />
Il a le verbe et l’amnistie. <br />
<br />
Le décret du 22 mars 1962, dispose, en effet en son article 1er : <br />
<br />
''« Sont amnistiées les infractions commises dans le cadre des opérations de maintien de l’ordre dirigées contre l’insurrection algérienne avant le 20 mars 1962. »''<br />
<br />
Toutes les infractions, toutes sont pardonnées, <br><br />
C’était du maintien de l’ordre !<br><br />
<br />
Par la force du texte, il n’y aura pas de procès. <br />
<br />
Ce procès, celui de Jean-Luc EINAUDI, <br><br />
Ce procès de rien du tout, <br><br />
Dans la froideur de l’hiver, et de la 17e chambre, <br><br />
Ce procès, <br><br />
scène sur laquelle se joue l’accusation du criminel contre l’humanité tout entière, <br><br />
qui a l’audace, <br><br />
le panache, <br><br />
de tenter de faire condamner le chercheur qui a cherché, <br><br />
car son honneur de criminel contre l’humanité<br />
<br />
Sera l’unique et ténu interstice dans lequel la vérité pourra se glisser. <br />
<br />
Comme quand il fut témoin d’immoralité à BORDEAUX, <br><br />
EINAUDI, déterminé, s’approche de la barre et l’agrippe tel un capitaine<br><br />
Avec l’air d’un Noé qui sait le secret du déluge. <br><br />
Il se tourne vers le plaignant, se tourne vers ses juges.<br><br />
<br />
Il porte l’estocade. <br />
<br />
Pendant deux heures, <br />
<br />
Sans notes, <br />
<br />
Il raconte tout, comme il racontait à Bordeaux, <br><br />
1961, la France et son Afrique qui n’est plus vraiment sienne,<br><br />
PARIS, <br><br />
les harkis, <br><br />
les pieds noirs, <br><br />
les bidonvilles de NANTERRE, CHAMPIGNY, LA COURNEUVE, <br><br />
Les 11 policiers qui, seront fauchés par les balles du FLN, d’aout à septembre.<br><br />
<br />
La haine qui monte entre les deux camps. <br />
<br />
Il raconte le 2 octobre, les obsèques du brigadier Jean DEMOEN<br><br />
la rage, l’émotion de ses collègues, la peur qui monte, la haine aussi, <br><br />
<br />
Les mots du préfet de police Maurice PAPON, qui apaisent moins qu’ils n’attisent, <br />
<br />
« Vous êtes couverts par vos chefs et la légitime défense. Pour un coup donné, nous en rendrons dix. »<br />
<br />
Les litres d’eau de javel bus par les français musulmans d’Algérie dans les caves du commissariat de la <br><br />
Goutte d’or,<br><br />
les attentats<br><br />
les bastonnades,<br><br />
les rackets, <br><br />
les humiliations,<br><br />
les bicots, <br><br />
les bougnoules<br><br />
les ratons. <br><br />
<br />
EINAUDI raconte, la note du 5 octobre de ce même préfet de police, <br><br />
autorisant les policiers à abattre tout français musulman d’Algérie,<br><br />
car c’était leur statut légal, <br><br />
pris en flagrant délit, sans préciser le délit. <br />
<br />
Le couvre-feu du même jour, imposant à ces mêmes Français Musulmans d’Algérie, <br><br />
ou tout autre basané ressemblant de près, ou de loin, ou de très loin, à un arabe, de ne pas quitter son <br><br />
domicile entre 20h30 et 5h30 du matin. <br><br />
<br />
EINAUDI raconte surtout la réponse de la fédération de France du FLN <br><br />
qui appelle tous les algériens à aller, le 17 octobre, se montrer, <br />
<br />
Et de fort belle manière <br />
<br />
Algériens de France, vous sortirez avec vos plus beaux atours, <br><br />
pour montrer que vous existez, que vous ne vous cacherez pas, <br />
<br />
Montrez que vous êtes beaux, et fêtez dans PARIS. <br><br />
Soyez fiers, soyez libres, <br><br />
Mais respectez deux règles : pas d’armes, pas de riposte. <br><br />
<br />
Puis le 17 octobre, puis le 17 octobre. <br />
<br />
En plein PARIS, à l’heure ou sous la pluie, <br><br />
la pavé noirci reflète les enseignes au néon,<br><br />
A l’heure où PARIS fait la queue au cinéma, <br><br />
Où PARIS pousse la porte des cabarets et restaurants, <br><br />
Où PARIS ouvre ses huitres,<br><br />
Où PARIS s’amuse, <br />
<br />
Une foule, dont l’œil seul ne saurait embrasser le contour, <br><br />
Tout entière, debout, comme une hydre vivante,<br><br />
fière, joyeuse, l’âme sans épouvante, <br><br />
<br />
La liberté sublime emplissant les pensées, <br><br />
de 20.000, ou de 30 qui entraient dans PARIS, <br><br />
Qui emplissait la brume de cris et chants rythmés<br />
<br />
''Tahia Djazair,''<br />
''Vive l’Algérie libre, ''<br><br />
''Allez les fellaghas, ''<br><br />
''Libérez BEN BELLA, ''<br><br />
''A bas le couvre-feu,''<br><br />
''A bas le couvre-feu,''<br><br />
<br />
Et c’est au son d’à bas le couvre-feu, <br><br />
Que la police l’ouvrit, le feu. <br />
<br />
La liesse, bien vite, est devenue panique. <br><br />
La foule effrayée, est devenue tempête.<br><br />
Les hommes rendus stupides par l’horreur, <br><br />
courraient,<br><br />
Pour éviter le plomb, le feu et la matraque. <br />
<br />
Dans la brume affreuse de PARIS, <br><br />
les badauds crurent voir d’étranges bucherons travailler dans la nuit, <br><br />
qui frappaient, qui frappaient, d’un geste mécanique, <br><br />
<br />
Quiconque osait laisser trainer un crane ou une cote <br />
<br />
La cruauté, la haine, dans le langage des coups.<br />
<br />
Le sang coulait, giclait de toutes part,<br><br />
Les vêtements des policiers étaient de carnage rougis. <br><br />
Ils avaient tout le soir tué n’importe qui. <br><br />
<br />
L’Ile de la Cité trembla sous ce fracas monstrueux et sauvage. <br />
<br />
Aux abords de la Seine, méthodiquement, on brise les membres, <br><br />
on lie les poignées, on lie les chevilles, <br><br />
et on jette les gens, comme des fétus de paille. <br><br />
Les ponts Saint Michel, de Neuilly, pleurèrent longtemps des corps balancés comme cela. <br />
<br />
Cette nuit-là, les badauds des rives de Seine virent, <br><br />
sur le souple oreiller de l’eau molle et profonde, <br><br />
le reflet de la lune perturbé çà et là par le passage délicat d’étranges nénuphars, <br><br />
caressés, portés, sur des flots incertains, et voguant vers l’oubli. <br />
<br />
Cette nuit-là, 12000 hommes furent raflés vers le Palais des sports,<br><br />
Mais cette nuit-là seulement, demain Ray Charles y joue. On rafle, mais on doit quand même danser...<br><br />
Heureusement qu’il reste Vincennes et Pierre de Coubertin pour la foule des arrêtés, leurs cris, plaies, <br><br />
clameurs et abois, le sol couvert de morts sur qui tombait la nuit.<br />
<br />
Les autres râlants, brisés, <br><br />
et morts plus qu’à moitié. <br />
<br />
C’était le maintien de l’ordre, couvert par l’amnistie. <br />
<br />
EINAUDI achève, regardant directement son accusateur dans les yeux, <br><br />
le défiant, <br><br />
lui disant être venu en mémoire de ces victimes algériennes, <br><br />
enterrées comme des chiens dans la fosse commune réservée aux musulmans inconnus du cimetière de <br><br />
THIAIS, <br />
<br />
L’accusateur, Maurice PAPON, n’est pas plus perturbé que cela. <br />
<br />
Il a toujours son prétexte. <br />
<br />
D’une voix sure, qui prend son temps, <br><br />
d’une expression aisée, qui sent le passé, <br><br />
d’un phrasé impeccable, il reprend EINAUDI : <br><br />
<br />
« Monsieur le Président, <br />
<br />
Dans les wilayas musulmanes, on m’appelait AL MAHDI : c’est le bon, le juste, le sage. <br />
<br />
Peut-être la plus belle décoration que j’ai reçu de ma carrière. <br />
<br />
J’aimais les algériens. <br><br />
Les algériens m’aimaient. <br><br />
<br />
Le FLN tuait, Monsieur le Président.<br />
<br />
Chez les policiers, le sang était chaud et la vindicte à fleur de peau. <br />
<br />
Ce 17 octobre était une bataille qu’il fallait accepter et gagner. <br />
<br />
Imaginez-vous, le déferlement de cette marée écumante vers l’Etoile et les Champs ? <br />
<br />
Le FLN voulait immerger PARIS sous des vagues algériennes.<br> <br />
On a frisé la subversion, évité le désastre. <br />
<br />
Les centaines de morts sont une ignoble invention. <br><br />
Les photos, des trucages.<br><br />
<br />
C’est inimaginable d’accuser les personnels de police d’avoir fait cela. <br><br />
Ce n’est pas leur style.<br />
<br />
On ne casse pas des cranes avec un képi.<br />
<br />
Le Général m’avait ordonné de tenir PARIS. <br><br />
J’AI OBEI AUX ORDRES et J’ai tenu PARIS.<br> <br />
<br />
Force est restée à la loi, au prix de trois morts inutiles. <br />
<br />
Monsieur le Président, <br><br />
La France, tant que j’aurai un souffle,<br><br />
Je ne laisserai pas y toucher. »<br><br />
<br />
Le prétexte est travaillé, il est bon,<br><br />
la conscience est sauve, <br><br />
<br />
face à la cohorte de témoins cités par EINAUDI,<br />
<br />
Face à Emile Portzer, policier, qui raconte les moqueries des collègues,<br><br />
Les fausses rumeurs de policiers morts le soir des faits sur les radios<br><br />
Démenties par personne, qui raconte les rires !<br><br />
« Un bougnoule en moins » haha<br><br />
« On va voir si les rats savent nager » hahaha<br><br />
<br />
PAPON ne tremble pas. <br />
<br />
Ahcène BOULANOUAR qui raconte comment il fut pendu, <br><br />
comme tant d’autres, <br><br />
dans la cour de la Préfecture de Police de PARIS<br><br />
<br />
PAPON ne tremble pas.<br />
<br />
Gérard GRANDE, élève infirmier au Palais des sports, <br><br />
vient partager son sentiment sur les 9 cadavres aperçus dans un placards. <br><br />
<br />
PAPON ne tremble pas.<br />
<br />
Une mère, endeuillée depuis 38 ans, passe rapidement.<br><br />
Elle tente. Sanglote. Et dans une prière se rassoit. <br><br />
L’on comprend en la voyant que l’enfant qu’on allaita, <br><br />
c’est dur de l’enterrer.<br />
<br />
PAPON ne tremble pas.<br />
<br />
Enfin, Brigitte LAINE et Philippe GRAND.<br />
<br />
Qui n’étaient pas là,<br><br />
qui n’ont pas parlé à un seul témoin. <br><br />
mais qui, en tant que conservateurs aux archives de PARIS,<br> <br />
viennent déposer au prix d’une entorse manifeste à leur devoir de réserve,<br><br />
Tout simplement faire état de ce qu’ils ont vu, <br><br />
dans les archives, du parquet notamment, <br><br />
qu’on refuse avec force à EINAUDI.<br><br />
<br />
Des 103 dossiers d’instruction ouverts, concernant 130 personnes, <br><br />
tous couverts par l’amnistie, <br />
<br />
Des 32 dossiers pour 40 décès, classés sans suite, <br />
<br />
Du réquisitoire définitif du 30 octobre <br><br />
relatif à la mort de 63 nord africains, <br><br />
dont 26 non-identifiés,<br><br />
<br />
Des constantes : strangulations, mains liées, balles, noyades, <br />
<br />
Et une motivation qui sans cesse revient :<br />
<br />
« aucun élément ne permet de vérifier/établir que X a été blessé par un rpz des FDO ».<br />
<br />
Les archives viennent de parler. <br />
<br />
L’Etat vient de parler. <br />
<br />
Là, PAPON tremble un peu. <br />
<br />
Furieux, Jean-Marc VARAUT plaide et interpelle les archivistes<br><br />
D’un art tyrannique, il se fait menaçant, <br />
<br />
Avez-vous seulement conscience de faire état de documents couverts par le secret d’Etat<br><br />
Monsieur le Président, Mesdames du tribunal, <br><br />
La FRANCE est malade de ses fonctionnaires. <br><br />
<br />
Ce pseudo historien, qui a jadis produit un livre sur ces faits, <br><br />
attaqué par personne car lu par personne, <br><br />
convoque un obscur policier, et des témoins compromis avec l’ennemi. <br />
<br />
C’était la guerre, contre la rébellion terroriste. <br />
<br />
Les 12000 arrestations ont permis de mettre aux arrêts<br> <br />
les proxénètes, les oisifs, les cadres du FLN. <br><br />
<br />
Pierre MESSMER, ministre des armées de l’époque, <br><br />
est venu le dire à Bordeaux !<br><br />
« on ne peut pas imputer un préfet la responsabilité des événements<br><br />
lorsque le gouvernement lui a donné des ordres précis ». <br><br />
<br />
Le Général savait.<br><br />
Il savait les ordres clairs qu’il a donné. <br><br />
Il a maintenu PAPON. <br />
<br />
A travers PAPON, c’est de Gaulle qu’on attaque. <br />
<br />
Son honneur bafoué, devra être réparé. <br><br />
L’honneur du a sa fonction. <br><br />
L’honneur du à la France. <br><br />
<br />
Vincent LESCLOUX, premier substitut du procureur, commence par un hommage. <br />
<br />
Il y eut un nombre important de morts dans la nuit du 17 octobre. <br><br />
De pauvres morts qui pèsent lourds sur la conscience. <br><br />
De pauvres morts anonymes.<br><br />
<br />
Certains policiers sont devenus – nombreux – les jouets de la haine qui les a aveuglés. <br />
<br />
EINAUDI a pu, à bon droit, utiliser le mot massacre, <br />
<br />
''« l’expression de meurtre n’étant plus adaptée vu le nombre de morts et les exactions déchainées des <br />
<br />
forces de police ». ''<br />
<br />
Les recherches d’EINAUDI ont fait sonner les 12 coups de l’histoire. <br />
<br />
Toutefois, n’a-t-il pas diffamé en affirmant que cela a été fait sous les ordres de PAPON ? <br><br />
A-t-il fait preuve de prudence alors qu’il n’a pas recherché les responsabilités intermédiaires ? <br />
<br />
Le lecteur moyen a pu comprendre cette phrase comme une grave accusation portant atteinte à l’honneur <br><br />
du plaignant.<br />
<br />
N’étant pas prouvée, elle est diffamatoire.<br />
<br />
En défense Pierre MAIRAT rappelle la stratégie de PAPON : <br />
<br />
Faire condamner EINAUDI dont la parole a pesé si lourd à BORDEAUX, avant un second procès après <br><br />
cassation. <br />
<br />
Il veut faire taire la bouche de l’histoire, la liberté de recherche. <br />
<br />
La défense de PAPON se caractérise, <br><br />
soit par le silence, <br><br />
soit par le mensonge, le bluff, la négation, <br><br />
soit encore par la duplicité. <br><br />
<br />
Il nie les victimes des brutalités policières.<br />
<br />
Il nie les morts.<br />
<br />
Il nie les disparus.<br />
<br />
Il nie les photos.<br />
<br />
Il nie les témoignages. <br />
<br />
Si les manifestants étaient dangereux et armés : <br><br />
pourquoi aucun blessé par balle chez la police ? <br><br />
Pourquoi aucune arme saisie chez les manifestants ? <br><br />
<br />
Le massacre est reconnu par le parquet, le représentant, la bouche de l’Etat, de la société. <br />
<br />
Dès lors, ou est la diffamation ? N’est-il pas temps de regarder notre histoire en face ? <br />
<br />
La relaxe s’impose. <br />
<br />
Le dernier mot revient au prévenu, à Jean-Luc EINAUDI, <br><br />
qui d’un dernier regard à PAPON lui lance : <br><br />
<br />
Vous me méprisez, vous avez voulu me faire taire, <br><br />
mais j’ai envie de vous dire, Monsieur Papon, merci ! <br><br />
en me faisant ce procès, vous avez permis que l’histoire avance.<br><br />
<br />
Le tribunal se retire pour délibérer. <br />
<br />
Les semaines passent, la tension monte. <br />
<br />
Le 26 mars 1999, la salle est plus clairsemée. <br><br />
Les nerfs sont plus tendus, <br><br />
Le délibéré, rendu par Jean-Yves MONFORT, <br><br />
n’est tout d’abord pas en la faveur du prévenu. <br><br />
<br />
Il conclut en effet tout d’abord au caractère diffamatoire de l’assertion, en ce qu’elle porte, par sa nature <br><br />
même, atteinte à l’honneur du plaignant. <br />
<br />
Le prétexte se porte bien. <br />
<br />
Cependant : <br />
<br />
« Considérant que l’ensemble des témoignages versés au dossier sont concordants ; <br><br />
Que les éléments produits démontrent que certains éléments des FDO ont agi avec une extrême <br><br />
violence ; <br><br />
Que cette violence n’était pas justifiée par le comportement manifestants ce soir-là ; <br><br />
Que le nombre des victimes a été important , en tout cas largement supérieur à celui du bilan officiel ; <br><br />
<br />
<br />
Que dès lors que l’on admet que la version officielle des événements de 1961 semble avoir été inspirée <br><br />
largement par la raison d’Etat <br><br />
– admissible , au demeurant , au regard de la situation de l’époque –<br><br />
et que l’extrême dureté de la répression d’alors doit appeler, de nos jours, des analyses différentes, qui <br><br />
n’excluent pas nécessairement l’emploi du mot » massacre », <br><br />
on ne saurait faire grief à un historien, <br><br />
auquel on ne conteste finalement pas le sérieux et la qualité de sa recherche, <br><br />
d’avoir manqué de circonspection lorsque, <br><br />
dans une formule conclusive , <br><br />
qui tend à interpeller le lecteur, <br><br />
il qualifie rudement les faits, <br><br />
et désigne sèchement un responsable.<br />
<br />
La liberté de la recherche historique doit avoir en effet pour corollaire une certaine tolérance dans <br><br />
l’appréciation de l’expression de ses résultats. <br><br />
<br />
Le Tribunal considère donc que le bénéfice de la bonne foi peut être accordé au prévenu.<br />
<br />
PAR CES MOTIFS<br />
<br />
Le tribunal statuant publiquement, <br><br />
en matière correctionnelle, <br><br />
en premier ressort et par jugement contradictoire<br><br />
<br />
RELAXE le prévenu Jean-Luc EINAUDI des fins de la poursuite,<br />
<br />
DÉBOUTE la partie civile Maurice PAPON de ses demandes. »<br />
<br />
Le Mahdi a perdu, et dormira plus mal.<br />
<br />
Messieurs et Mesdames les Bâtonniers, <br><br />
Messieurs et Mesdames les Hauts Magistrats, <br><br />
<br />
Chers Confrères, <br />
<br />
Chères Consœurs, <br />
<br />
Les lois, les tribunaux, les juges, <br><br />
participent à garnir les pages du grand livre de l’histoire. <br><br />
<br />
Toutefois, <br><br />
Les magistrats ne sont, ni des militants, ni des justiciers, ni des historiens.<br><br />
<br />
Ils disent le droit. <br />
<br />
La vérité judiciaire est chose bien étrange. <br />
<br />
Elle me permet de dire, excipant ce jugement, qu’un massacre a eu lieu. <br />
<br />
Mais un massacre, n’est pas une qualification juridique. <br><br />
Un assassinat, un meurtre, ça l’est. <br />
<br />
Ainsi, nos principe, essentiels à notre office et à toute société, <br><br />
en raison de la présomption d’innocence, <br><br />
m’empêchent de dire<br><br />
que quiconque a commis un assassinat ou un meurtre ce soir-là. <br><br />
<br />
L’amnistie, en passant l’éponge judiciaire a lavé, <br><br />
pardonné, oublié. <br />
<br />
La vérité, quand elle est imposée<br><br />
car l’amnistie est une injonction, <br><br />
est chose bien volatile. <br><br />
<br />
Le 14 septembre 2023, un avocat général requérait la relaxe à l’endroit de six policiers qui, ayant <br><br />
repêché un homme dans l’eau, se moquaient du bicot qu’il était. <br />
<br />
Car oui un bicot comme ça, ça nage pas. <br />
<br />
Qualifiant le dossier de « cirque (…) auquel il est bon de mettre fin », <br><br />
cet avocat général évoquait notamment le 17 octobre <br><br />
en disant que c’était le FLN qui noyait les algériens ce jour-là. <br><br />
<br />
Donc vous savez, la vérité. <br />
<br />
Elle réside surtout dans les faits.<br />
<br />
Le fait est que dans notre capitale, Paris, ville où l’Europe se mêle,<br><br />
Poumon de la morale, du droit, de la vérité, de la vertu, du devoir, du progrès, de la raison, <br><br />
Dans PARIS, on peut tuer des centaines d’arabes, sans qu’on sache précisément combien. <br><br />
<br />
100 à 300 c’est de la statistique, et de la mauvaise. <br />
<br />
La vérité n’est que dans les faits<br><br />
Le fait est que PAPON était un boulon, au sein d’une machine bien huilée. <br><br />
PAPON était fonctionnaire, <br><br />
Fonctionnaire de l’Etat français, puis de la République. <br><br />
<br />
PAPON a obéi aux ordres. <br><br />
Le prétexte est bien commode, mais le prétexte est vrai. <br />
<br />
Le 17 octobre 1961, <br><br />
Roger FREY, Ministre de l’intérieur, savait, et a ordonné, <br><br />
Michel DEBRE, Premier Ministre, savait, et a ordonné, <br><br />
Charles de GAULLE, Président de la République, savait, et a ordonné. <br><br />
<br />
Il n’y aura pas de procès pour le 17 octobre 1961. <br />
<br />
La vérité n’est que dans les faits<br><br />
Le fait est que Maurice PAPON dort, <br />
<br />
pour toujours et à jamais, <br><br />
avec sa légion d’honneur sur le torse. <br />
<br />
Quand les repêchés du 17 octobre, dorment, <br><br />
le souvenir enseveli, <br><br />
dans l’étroit cimetière de Thiais, <br><br />
où l’écho seul leur répond.<br><br />
<br />
Rien ne sait plus leur nom, pas même une simple pierre. <br />
<br />
Sans procès, seule l’ordalie fait loi<br><br />
Finalement, s’ils ont coulés, peut-être qu’ils étaient coupables.<br />
<br />
Messieurs et Mesdames les Bâtonniers, <br><br />
Messieurs et Mesdames les Hauts Magistrats, <br><br />
Chers Confrères, <br><br />
Chères Consœurs, <br><br />
<br />
Nous sommes tous des bicots. <br><br />
Nous sommes tous des youpins. <br><br />
Nous sommes tous des nègres. <br><br />
<br />
La mémoire apaise<br><br />
Quand l’oubli invite à l’incendie, <br><br />
On n’oublie pas volontairement. <br><br />
<br />
Qu’on ouvre les archives, et que quiconque aille par lui-même,<br><br />
Se jeter à corps perdu dans l’admiration des plus belles pages de l’histoire de notre pays, <br><br />
comme dans la lecture coupable de celles les plus flétries. <br><br />
<br />
Vous, où ceux qui comme moi,<br />
<br />
perdus entre leurs racines ancrées dans une mémoire coloniale<br><br />
que nul ne veut voir, <br><br />
et leurs branches qui fleurissent sous un beau ciel français, <br><br />
<br />
Perdus entre le ressentiment de ne pas vraiment être,<br><br />
et l’envie d’être, mais pas vraiment. <br><br />
<br />
Perdus dans le passé, leçon qu’épelle l’avenir,<br><br />
Perdus dans ce qui commença, pour ne jamais finir. <br><br />
<br />
Perdus. <br />
<br />
Hélas ! combien de temps faudra-t-il vous redire <br><br />
À vous tous, que c’était à vous de les conduire,<br><br />
Qu’il fallait leur donner leur part de la cité,<br><br />
Que votre aveuglement produit leur cécité ;<br><br />
D’une tutelle avare on recueille les suites,<br><br />
Et le mal qu’ils vous font, c’est vous qui le leur fîtes.<br><br />
<br />
Messieurs et Mesdames les Bâtonniers, <br><br />
Messieurs et Mesdames les Hauts Magistrats, <br><br />
Chers Confrères, <br><br />
Chères Consœurs, <br><br />
<br />
Vous sortirez, dans une heure, vous promener un peu.<br />
<br />
Il faut bien digérer les petits fours, <br />
<br />
Sortez du théâtre,<br />
<br />
Traversez la foule<br><br />
Traversez la route, <br><br />
Là, arrêtez-vous un instant, sur le Pont Saint Michel,<br><br />
penchez-vous sur les eaux sombres et calmes de la Seine. <br><br />
<br />
Et ne détournez pas le regard<br><br />
Quand vous verrez les cadavres remonter.<br />
<br />
<br />
Lire aussi : [[VIDÉO ET DISCOURS DE LA CÉRÉMONIE SOLENNELLE DE RENTRÉE DU BARREAU DE PARIS ET DE LA CONFÉRENCE 2023 https://www.avocatparis.org/actualites/video-et-discours-de-la-ceremonie-solennelle-de-rentree-du-barreau-de-paris-et-de-la-0]]</div>Asecretanhttps://www.lagbd.org/index.php?title=Rentree_solennelle_du_Barreau_de_PARIS_Discours_de_Seydi_BA_Deuxieme_secretaire_de_la_conference&diff=79417Rentree solennelle du Barreau de PARIS Discours de Seydi BA Deuxieme secretaire de la conference2023-12-05T14:07:11Z<p>Asecretan : </p>
<hr />
<div>{{DISPLAYTITLE: Rentrée solennelle du Barreau de Paris- Discours de Me Seydi BA, deuxième secrétaire de la Conférence}}<br />
<br />
[[Catégorie: Article juridique]]<br />
<br />
Discours de Seydi BA, deuxième '''[https://www.laconference.net/ Secrétaire de la Conférence]''':<br><br />
<br />
'''''Le procès de Jean-Luc EINAUDI, ou « l’honneur de PAPON »'''''<br><br />
''17e chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de PARIS''<br><br />
''Les 4, 5, 11, 12 février 1999''<br />
<br />
<br />
[[Fichier:Discours1.jpg|320px|center]]<br />
<br />
[[Fichier:Discours2.jpg|320px|center]]<br />
<br />
<br />
<br />
<br />
<br />
Lire au format PDF : [[Fichier:Logo-PDF.png|40px|link=https://www.lagbd.org/images/d/dc/Discours_de_Seydi_Ba_2%C3%A8me_secr%C3%A9taire_de_la_Conf%C3%A9rence.pdf]]<br />
***<br />
<br />
<br />
InchAllah, le corps remontera, <br />
<br />
Si Dieu le veut, il reverra les cieux, <br />
<br />
L’ordalie a cela de parfait, qu’elle permet d’arriver à un objectif complexe,<br><br />
la paix sociale, <br><br />
par un processus simple. <br><br />
<br />
Un corps, de l’eau, et Dieu. <br />
<br />
Qu’importe l’innocence, la culpabilité<br />
<br />
Pourvu qu’on ait la paix. <br />
<br />
Le sort des âmes se joue dans le miroir froid et mouillé de la justice divine. <br />
<br />
La vérité se dissout, emportée par les courants, <br />
<br />
et le village dort bien mieux, sachant la sorcière morte.<br />
<br />
Si elle a coulé, c’est qu’elle était coupable. <br><br />
S’ils ont coulés, c’est qu’ils étaient coupables. <br />
<br />
Sur de son innocence, convaincu de sa bonne foi, <br><br />
l’homme ne peut mal agir. <br />
<br />
L’homme peut avoir, d’une simple signature, envoyé, cohortes et légions d’hommes femmes enfants, <br><br />
vers une mort certaine, douloureuse, par suffocation, <br><br />
il n’a pas forcément mal agi ! <br><br />
s’il avait un prétexte. <br><br />
<br />
Un prétexte, <br><br />
Une pensée, simple, lapidaire, qui vient ordonner le chaos et arrêter la tempête sous le crâne. <br><br />
Une pensée, qui vient faire la jonction entre l’action la plus abjecte permise par la Création, et la bonne <br><br />
personne, que nous sommes tous, au moins pour nous-mêmes.<br><br />
<br />
Le prétexte nous fait bonne personne.<br><br />
Une bonne personne, ça dort bien. <br><br />
Un prétexte, et vous dormirez bien. <br><br />
<br />
Je n’ai fait qu’obéir aux ordres. <br />
<br />
S’ils ont coulé, c’est qu’ils étaient coupables. <br />
<br />
Bonne nuit, Monsieur PAPON. <br />
<br />
Mesdames Messieurs les Bâtonniers, <br><br />
Mesdames Messieurs les Hauts Magistrats,<br> <br />
Chères Consœurs, Chers Confrères. <br><br />
<br />
Vous êtes de bonnes personnes.<br />
<br />
Par la magie de son prétexte, Maurice PAPON l’est tout autant. <br />
<br />
Certes, il a été condamné pour crime contre l’humanité, à BORDEAUX, <br />
<br />
MAIS DEJA il s’est pourvu en cassation<br />
<br />
ET SURTOUT il a obéi aux ordres.<br />
<br />
Il conserve ainsi l’honneur propre aux gens de bien, <br><br />
jadis confié au hasard du duel, désormais protégé par le droit, la justice.<br><br />
<br />
C’est la raison pour laquelle c’est la même silhouette qu’à Bordeaux, <br><br />
avec la même cravate noire, <br><br />
le même costume blanc, <br><br />
la même rosette <br><br />
avec une moustache en plus qui se tient, <br><br />
ce 5 février 1999, sur le banc des parties civiles de la 17e chambre correctionnelle du Tribunal de grande <br><br />
instance de PARIS.<br />
<br />
Pour son honneur, <br><br />
celui de la fonction qu’il occupait jadis, <br><br />
celui de son pays. <br><br />
<br />
Ses avocats, Jean-Marc VARAUT et Francis VUILLEMIN, y voient une stratégie plus judiciaire, plus <br><br />
cynique : <br><br />
dans l’attente de l’issue du pourvoi, <br><br />
faire citer en diffamation ce témoin d’immoralité si embêtant à BORDEAUX, <br><br />
le faire condamner<br><br />
<br />
pour le discréditer et alléger un dossier déjà bien lourd, <br><br />
dans l’optique d’un second procès<br />
<br />
Va ainsi se jouer, durant 4 jours, devant la 17e, l’issue d’un combat judiciaire entre deux fins bretteurs. <br />
<br />
Le dénouement d’un mano a mano sur fond de vérité, <br />
<br />
d’honneur,<br />
<br />
et de considération.<br />
<br />
Le prévenu n’est pas comme son adversaire, <br><br />
commandeur de la Légion d’honneur. <br />
<br />
Pas de titre de l’autre côté de la barre, juste un homme, <br><br />
un éducateur à la protection judiciaire de la jeunesse, <br><br />
qui a fait un peu d’histoire. <br />
<br />
Vous aurez oublié son nom à la fin de ce discours.<br />
<br />
C’est ce qu’il aurait voulu. <br><br />
Que son nom s’efface, <br><br />
pour laisser toute la place à son œuvre, <br><br />
son obsession, <br><br />
le 17 octobre 1961, <br><br />
date à laquelle PARIS noya les algériens. <br />
<br />
Assisté de son défenseur, Pierre MAIRAT,<br><br />
Jean-Luc EINAUDI est prévenu d’avoir commis l’infraction de diffamation envers un fonctionnaire<br><br />
public, <br />
<br />
En l’espèce, <br />
<br />
En portant atteinte à l’honneur et à la considération de Maurice PAPON, en signant le 20 mai 1998 une tribune dans Le Monde dans laquelle il affirmait : <br />
<br />
« Je persiste et je signe. Il y eut, en octobre 1961, Un massacre commis par des forces de l’ordre<br><br />
Sous les ordres de Maurice PAPON ». <br />
<br />
En cette phrase, ces 27 mots, l’œuvre de la vie de Jean-Luc EINAUDI.<br />
<br />
Une vie de recherches, <br><br />
de rencontres, <br><br />
de recueils de témoignages, <br><br />
de doutes sur ce bilan officiel de 3 morts, malgré les deuils par centaines, <br><br />
de dizaines de demandes d’accès aux archives nationales, et d’autant de refus,<br> <br />
Une vie de chemin égaré dans la brume de la raison d’Etat.<br />
<br />
Une vie, celle de Jean-Luc EINAUDI, en 27 mots, qui seront jugés, <br><br />
jaugés, pesés, sous pesés <br><br />
confirmés<br><br />
ou infirmés <br><br />
par l’implacable force de chose jugée liée à la juris dictio. <br><br />
<br />
Infirmés plutôt si l’on en croit Jean-Marc VARAUT, <br><br />
Le ténor le sait, <br><br />
bien qu’il s’agisse de diffamation <br><br />
il ne sera pas question pour la juridiction présidée par Jean-Yves MONFORT<br><br />
d’examiner la véracité ou non des propos d’EINAUDI. <br />
<br />
La condamnation est très probable. <br />
<br />
En 1999 en effet,<br><br />
le droit positif est tel que la preuve de la vérité, <br><br />
l’exceptio veritatis, <br><br />
ne saurait être rapportée s’agissant de faits amnistiés d’une part, <br><br />
et vieux de plus de 10 ans d’autre part. <br />
<br />
Seule la bonne foi d’EINAUDI sera examinée. <br />
<br />
Comme il avait fait condamner le Nouvel Observateur<br><br />
en 1991, qui qualifiait Maurice PAPON de complice du génocide Nazi,<br> <br />
Jean-Marc VARAUT fera condamner EINAUDI, l’historien de circonstances, <br><br />
Il paiera le prix fort,<br><br />
le déshonneur, la honte, <br><br />
et 1 million de franc. <br />
<br />
Dans l’arène,<br><br />
VARAUT n’a point besoin de glaive,<br><br />
Il a le verbe et l’amnistie. <br />
<br />
Le décret du 22 mars 1962, dispose, en effet en son article 1er : <br />
<br />
''« Sont amnistiées les infractions commises dans le cadre des opérations de maintien de l’ordre dirigées contre l’insurrection algérienne avant le 20 mars 1962. »''<br />
<br />
Toutes les infractions, toutes sont pardonnées, <br><br />
C’était du maintien de l’ordre !<br><br />
<br />
Par la force du texte, il n’y aura pas de procès. <br />
<br />
Ce procès, celui de Jean-Luc EINAUDI, <br><br />
Ce procès de rien du tout, <br><br />
Dans la froideur de l’hiver, et de la 17e chambre, <br><br />
Ce procès, <br><br />
scène sur laquelle se joue l’accusation du criminel contre l’humanité tout entière, <br><br />
qui a l’audace, <br><br />
le panache, <br><br />
de tenter de faire condamner le chercheur qui a cherché, <br><br />
car son honneur de criminel contre l’humanité<br />
<br />
Sera l’unique et ténu interstice dans lequel la vérité pourra se glisser. <br />
<br />
Comme quand il fut témoin d’immoralité à BORDEAUX, <br><br />
EINAUDI, déterminé, s’approche de la barre et l’agrippe tel un capitaine<br><br />
Avec l’air d’un Noé qui sait le secret du déluge. <br><br />
Il se tourne vers le plaignant, se tourne vers ses juges.<br><br />
<br />
Il porte l’estocade. <br />
<br />
Pendant deux heures, <br />
<br />
Sans notes, <br />
<br />
Il raconte tout, comme il racontait à Bordeaux, <br><br />
1961, la France et son Afrique qui n’est plus vraiment sienne,<br><br />
PARIS, <br><br />
les harkis, <br><br />
les pieds noirs, <br><br />
les bidonvilles de NANTERRE, CHAMPIGNY, LA COURNEUVE, <br><br />
Les 11 policiers qui, seront fauchés par les balles du FLN, d’aout à septembre.<br><br />
<br />
La haine qui monte entre les deux camps. <br />
<br />
Il raconte le 2 octobre, les obsèques du brigadier Jean DEMOEN<br><br />
la rage, l’émotion de ses collègues, la peur qui monte, la haine aussi, <br><br />
<br />
Les mots du préfet de police Maurice PAPON, qui apaisent moins qu’ils n’attisent, <br />
<br />
« Vous êtes couverts par vos chefs et la légitime défense. Pour un coup donné, nous en rendrons dix. »<br />
<br />
Les litres d’eau de javel bus par les français musulmans d’Algérie dans les caves du commissariat de la <br><br />
Goutte d’or,<br><br />
les attentats<br><br />
les bastonnades,<br><br />
les rackets, <br><br />
les humiliations,<br><br />
les bicots, <br><br />
les bougnoules<br><br />
les ratons. <br><br />
<br />
EINAUDI raconte, la note du 5 octobre de ce même préfet de police, <br><br />
autorisant les policiers à abattre tout français musulman d’Algérie,<br><br />
car c’était leur statut légal, <br><br />
pris en flagrant délit, sans préciser le délit. <br />
<br />
Le couvre-feu du même jour, imposant à ces mêmes Français Musulmans d’Algérie, <br><br />
ou tout autre basané ressemblant de près, ou de loin, ou de très loin, à un arabe, de ne pas quitter son <br><br />
domicile entre 20h30 et 5h30 du matin. <br><br />
<br />
EINAUDI raconte surtout la réponse de la fédération de France du FLN <br><br />
qui appelle tous les algériens à aller, le 17 octobre, se montrer, <br />
<br />
Et de fort belle manière <br />
<br />
Algériens de France, vous sortirez avec vos plus beaux atours, <br><br />
pour montrer que vous existez, que vous ne vous cacherez pas, <br />
<br />
Montrez que vous êtes beaux, et fêtez dans PARIS. <br><br />
Soyez fiers, soyez libres, <br><br />
Mais respectez deux règles : pas d’armes, pas de riposte. <br><br />
<br />
Puis le 17 octobre, puis le 17 octobre. <br />
<br />
En plein PARIS, à l’heure ou sous la pluie, <br><br />
la pavé noirci reflète les enseignes au néon,<br><br />
A l’heure où PARIS fait la queue au cinéma, <br><br />
Où PARIS pousse la porte des cabarets et restaurants, <br><br />
Où PARIS ouvre ses huitres,<br><br />
Où PARIS s’amuse, <br />
<br />
Une foule, dont l’œil seul ne saurait embrasser le contour, <br><br />
Tout entière, debout, comme une hydre vivante,<br><br />
fière, joyeuse, l’âme sans épouvante, <br><br />
<br />
La liberté sublime emplissant les pensées, <br><br />
de 20.000, ou de 30 qui entraient dans PARIS, <br><br />
Qui emplissait la brume de cris et chants rythmés<br />
<br />
''Tahia Djazair,''<br />
''Vive l’Algérie libre, ''<br><br />
''Allez les fellaghas, ''<br><br />
''Libérez BEN BELLA, ''<br><br />
''A bas le couvre-feu,''<br><br />
''A bas le couvre-feu,''<br><br />
<br />
Et c’est au son d’à bas le couvre-feu, <br><br />
Que la police l’ouvrit, le feu. <br />
<br />
La liesse, bien vite, est devenue panique. <br><br />
La foule effrayée, est devenue tempête.<br><br />
Les hommes rendus stupides par l’horreur, <br><br />
courraient,<br><br />
Pour éviter le plomb, le feu et la matraque. <br />
<br />
Dans la brume affreuse de PARIS, <br><br />
les badauds crurent voir d’étranges bucherons travailler dans la nuit, <br><br />
qui frappaient, qui frappaient, d’un geste mécanique, <br><br />
<br />
Quiconque osait laisser trainer un crane ou une cote <br />
<br />
La cruauté, la haine, dans le langage des coups.<br />
<br />
Le sang coulait, giclait de toutes part,<br><br />
Les vêtements des policiers étaient de carnage rougis. <br><br />
Ils avaient tout le soir tué n’importe qui. <br><br />
<br />
L’Ile de la Cité trembla sous ce fracas monstrueux et sauvage. <br />
<br />
Aux abords de la Seine, méthodiquement, on brise les membres, <br><br />
on lie les poignées, on lie les chevilles, <br><br />
et on jette les gens, comme des fétus de paille. <br><br />
Les ponts Saint Michel, de Neuilly, pleurèrent longtemps des corps balancés comme cela. <br />
<br />
Cette nuit-là, les badauds des rives de Seine virent, <br><br />
sur le souple oreiller de l’eau molle et profonde, <br><br />
le reflet de la lune perturbé çà et là par le passage délicat d’étranges nénuphars, <br><br />
caressés, portés, sur des flots incertains, et voguant vers l’oubli. <br />
<br />
Cette nuit-là, 12000 hommes furent raflés vers le Palais des sports,<br><br />
Mais cette nuit-là seulement, demain Ray Charles y joue. On rafle, mais on doit quand même danser...<br><br />
Heureusement qu’il reste Vincennes et Pierre de Coubertin pour la foule des arrêtés, leurs cris, plaies, <br><br />
clameurs et abois, le sol couvert de morts sur qui tombait la nuit.<br />
<br />
Les autres râlants, brisés, <br><br />
et morts plus qu’à moitié. <br />
<br />
C’était le maintien de l’ordre, couvert par l’amnistie. <br />
<br />
EINAUDI achève, regardant directement son accusateur dans les yeux, <br><br />
le défiant, <br><br />
lui disant être venu en mémoire de ces victimes algériennes, <br><br />
enterrées comme des chiens dans la fosse commune réservée aux musulmans inconnus du cimetière de <br><br />
THIAIS, <br />
<br />
L’accusateur, Maurice PAPON, n’est pas plus perturbé que cela. <br />
<br />
Il a toujours son prétexte. <br />
<br />
D’une voix sure, qui prend son temps, <br><br />
d’une expression aisée, qui sent le passé, <br><br />
d’un phrasé impeccable, il reprend EINAUDI : <br><br />
<br />
« Monsieur le Président, <br />
<br />
Dans les wilayas musulmanes, on m’appelait AL MAHDI : c’est le bon, le juste, le sage. <br />
<br />
Peut-être la plus belle décoration que j’ai reçu de ma carrière. <br />
<br />
J’aimais les algériens. <br><br />
Les algériens m’aimaient. <br><br />
<br />
Le FLN tuait, Monsieur le Président.<br />
<br />
Chez les policiers, le sang était chaud et la vindicte à fleur de peau. <br />
<br />
Ce 17 octobre était une bataille qu’il fallait accepter et gagner. <br />
<br />
Imaginez-vous, le déferlement de cette marée écumante vers l’Etoile et les Champs ? <br />
<br />
Le FLN voulait immerger PARIS sous des vagues algériennes.<br> <br />
On a frisé la subversion, évité le désastre. <br />
<br />
Les centaines de morts sont une ignoble invention. <br><br />
Les photos, des trucages.<br><br />
<br />
C’est inimaginable d’accuser les personnels de police d’avoir fait cela. <br><br />
Ce n’est pas leur style.<br />
<br />
On ne casse pas des cranes avec un képi.<br />
<br />
Le Général m’avait ordonné de tenir PARIS. <br><br />
J’AI OBEI AUX ORDRES et J’ai tenu PARIS.<br> <br />
<br />
Force est restée à la loi, au prix de trois morts inutiles. <br />
<br />
Monsieur le Président, <br><br />
La France, tant que j’aurai un souffle,<br><br />
Je ne laisserai pas y toucher. »<br><br />
<br />
Le prétexte est travaillé, il est bon,<br><br />
la conscience est sauve, <br><br />
<br />
face à la cohorte de témoins cités par EINAUDI,<br />
<br />
Face à Emile Portzer, policier, qui raconte les moqueries des collègues,<br><br />
Les fausses rumeurs de policiers morts le soir des faits sur les radios<br><br />
Démenties par personne, qui raconte les rires !<br><br />
« Un bougnoule en moins » haha<br><br />
« On va voir si les rats savent nager » hahaha<br><br />
<br />
PAPON ne tremble pas. <br />
<br />
Ahcène BOULANOUAR qui raconte comment il fut pendu, <br><br />
comme tant d’autres, <br><br />
dans la cour de la Préfecture de Police de PARIS<br><br />
<br />
PAPON ne tremble pas.<br />
<br />
Gérard GRANDE, élève infirmier au Palais des sports, <br><br />
vient partager son sentiment sur les 9 cadavres aperçus dans un placards. <br><br />
<br />
PAPON ne tremble pas.<br />
<br />
Une mère, endeuillée depuis 38 ans, passe rapidement.<br><br />
Elle tente. Sanglote. Et dans une prière se rassoit. <br><br />
L’on comprend en la voyant que l’enfant qu’on allaita, <br><br />
c’est dur de l’enterrer.<br />
<br />
PAPON ne tremble pas.<br />
<br />
Enfin, Brigitte LAINE et Philippe GRAND.<br />
<br />
Qui n’étaient pas là,<br><br />
qui n’ont pas parlé à un seul témoin. <br><br />
mais qui, en tant que conservateurs aux archives de PARIS,<br> <br />
viennent déposer au prix d’une entorse manifeste à leur devoir de réserve,<br><br />
Tout simplement faire état de ce qu’ils ont vu, <br><br />
dans les archives, du parquet notamment, <br><br />
qu’on refuse avec force à EINAUDI.<br><br />
<br />
Des 103 dossiers d’instruction ouverts, concernant 130 personnes, <br><br />
tous couverts par l’amnistie, <br />
<br />
Des 32 dossiers pour 40 décès, classés sans suite, <br />
<br />
Du réquisitoire définitif du 30 octobre <br><br />
relatif à la mort de 63 nord africains, <br><br />
dont 26 non-identifiés,<br><br />
<br />
Des constantes : strangulations, mains liées, balles, noyades, <br />
<br />
Et une motivation qui sans cesse revient :<br />
<br />
« aucun élément ne permet de vérifier/établir que X a été blessé par un rpz des FDO ».<br />
<br />
Les archives viennent de parler. <br />
<br />
L’Etat vient de parler. <br />
<br />
Là, PAPON tremble un peu. <br />
<br />
Furieux, Jean-Marc VARAUT plaide et interpelle les archivistes<br><br />
D’un art tyrannique, il se fait menaçant, <br />
<br />
Avez-vous seulement conscience de faire état de documents couverts par le secret d’Etat<br><br />
Monsieur le Président, Mesdames du tribunal, <br><br />
La FRANCE est malade de ses fonctionnaires. <br><br />
<br />
Ce pseudo historien, qui a jadis produit un livre sur ces faits, <br><br />
attaqué par personne car lu par personne, <br><br />
convoque un obscur policier, et des témoins compromis avec l’ennemi. <br />
<br />
C’était la guerre, contre la rébellion terroriste. <br />
<br />
Les 12000 arrestations ont permis de mettre aux arrêts<br> <br />
les proxénètes, les oisifs, les cadres du FLN. <br><br />
<br />
Pierre MESSMER, ministre des armées de l’époque, <br><br />
est venu le dire à Bordeaux !<br><br />
« on ne peut pas imputer un préfet la responsabilité des événements<br><br />
lorsque le gouvernement lui a donné des ordres précis ». <br><br />
<br />
Le Général savait.<br><br />
Il savait les ordres clairs qu’il a donné. <br><br />
Il a maintenu PAPON. <br />
<br />
A travers PAPON, c’est de Gaulle qu’on attaque. <br />
<br />
Son honneur bafoué, devra être réparé. <br><br />
L’honneur du a sa fonction. <br><br />
L’honneur du à la France. <br><br />
<br />
Vincent LESCLOUX, premier substitut du procureur, commence par un hommage. <br />
<br />
Il y eut un nombre important de morts dans la nuit du 17 octobre. <br><br />
De pauvres morts qui pèsent lourds sur la conscience. <br><br />
De pauvres morts anonymes.<br><br />
<br />
Certains policiers sont devenus – nombreux – les jouets de la haine qui les a aveuglés. <br />
<br />
EINAUDI a pu, à bon droit, utiliser le mot massacre, <br />
<br />
''« l’expression de meurtre n’étant plus adaptée vu le nombre de morts et les exactions déchainées des <br />
<br />
forces de police ». ''<br />
<br />
Les recherches d’EINAUDI ont fait sonner les 12 coups de l’histoire. <br />
<br />
Toutefois, n’a-t-il pas diffamé en affirmant que cela a été fait sous les ordres de PAPON ? <br><br />
A-t-il fait preuve de prudence alors qu’il n’a pas recherché les responsabilités intermédiaires ? <br />
<br />
Le lecteur moyen a pu comprendre cette phrase comme une grave accusation portant atteinte à l’honneur <br><br />
du plaignant.<br />
<br />
N’étant pas prouvée, elle est diffamatoire.<br />
<br />
En défense Pierre MAIRAT rappelle la stratégie de PAPON : <br />
<br />
Faire condamner EINAUDI dont la parole a pesé si lourd à BORDEAUX, avant un second procès après <br><br />
cassation. <br />
<br />
Il veut faire taire la bouche de l’histoire, la liberté de recherche. <br />
<br />
La défense de PAPON se caractérise, <br><br />
soit par le silence, <br><br />
soit par le mensonge, le bluff, la négation, <br><br />
soit encore par la duplicité. <br><br />
<br />
Il nie les victimes des brutalités policières.<br />
<br />
Il nie les morts.<br />
<br />
Il nie les disparus.<br />
<br />
Il nie les photos.<br />
<br />
Il nie les témoignages. <br />
<br />
Si les manifestants étaient dangereux et armés : <br><br />
pourquoi aucun blessé par balle chez la police ? <br><br />
Pourquoi aucune arme saisie chez les manifestants ? <br><br />
<br />
Le massacre est reconnu par le parquet, le représentant, la bouche de l’Etat, de la société. <br />
<br />
Dès lors, ou est la diffamation ? N’est-il pas temps de regarder notre histoire en face ? <br />
<br />
La relaxe s’impose. <br />
<br />
Le dernier mot revient au prévenu, à Jean-Luc EINAUDI, <br><br />
qui d’un dernier regard à PAPON lui lance : <br><br />
<br />
Vous me méprisez, vous avez voulu me faire taire, <br><br />
mais j’ai envie de vous dire, Monsieur Papon, merci ! <br><br />
en me faisant ce procès, vous avez permis que l’histoire avance.<br><br />
<br />
Le tribunal se retire pour délibérer. <br />
<br />
Les semaines passent, la tension monte. <br />
<br />
Le 26 mars 1999, la salle est plus clairsemée. <br><br />
Les nerfs sont plus tendus, <br><br />
Le délibéré, rendu par Jean-Yves MONFORT, <br><br />
n’est tout d’abord pas en la faveur du prévenu. <br><br />
<br />
Il conclut en effet tout d’abord au caractère diffamatoire de l’assertion, en ce qu’elle porte, par sa nature <br><br />
même, atteinte à l’honneur du plaignant. <br />
<br />
Le prétexte se porte bien. <br />
<br />
Cependant : <br />
<br />
« Considérant que l’ensemble des témoignages versés au dossier sont concordants ; <br><br />
Que les éléments produits démontrent que certains éléments des FDO ont agi avec une extrême <br><br />
violence ; <br><br />
Que cette violence n’était pas justifiée par le comportement manifestants ce soir-là ; <br><br />
Que le nombre des victimes a été important , en tout cas largement supérieur à celui du bilan officiel ; <br><br />
<br />
<br />
Que dès lors que l’on admet que la version officielle des événements de 1961 semble avoir été inspirée <br><br />
largement par la raison d’Etat <br><br />
– admissible , au demeurant , au regard de la situation de l’époque –<br><br />
et que l’extrême dureté de la répression d’alors doit appeler, de nos jours, des analyses différentes, qui <br><br />
n’excluent pas nécessairement l’emploi du mot » massacre », <br><br />
on ne saurait faire grief à un historien, <br><br />
auquel on ne conteste finalement pas le sérieux et la qualité de sa recherche, <br><br />
d’avoir manqué de circonspection lorsque, <br><br />
dans une formule conclusive , <br><br />
qui tend à interpeller le lecteur, <br><br />
il qualifie rudement les faits, <br><br />
et désigne sèchement un responsable.<br />
<br />
La liberté de la recherche historique doit avoir en effet pour corollaire une certaine tolérance dans <br><br />
l’appréciation de l’expression de ses résultats. <br><br />
<br />
Le Tribunal considère donc que le bénéfice de la bonne foi peut être accordé au prévenu.<br />
<br />
PAR CES MOTIFS<br />
<br />
Le tribunal statuant publiquement, <br><br />
en matière correctionnelle, <br><br />
en premier ressort et par jugement contradictoire<br><br />
<br />
RELAXE le prévenu Jean-Luc EINAUDI des fins de la poursuite,<br />
<br />
DÉBOUTE la partie civile Maurice PAPON de ses demandes. »<br />
<br />
Le Mahdi a perdu, et dormira plus mal.<br />
<br />
Messieurs et Mesdames les Bâtonniers, <br><br />
Messieurs et Mesdames les Hauts Magistrats, <br><br />
<br />
Chers Confrères, <br />
<br />
Chères Consœurs, <br />
<br />
Les lois, les tribunaux, les juges, <br><br />
participent à garnir les pages du grand livre de l’histoire. <br><br />
<br />
Toutefois, <br><br />
Les magistrats ne sont, ni des militants, ni des justiciers, ni des historiens.<br><br />
<br />
Ils disent le droit. <br />
<br />
La vérité judiciaire est chose bien étrange. <br />
<br />
Elle me permet de dire, excipant ce jugement, qu’un massacre a eu lieu. <br />
<br />
Mais un massacre, n’est pas une qualification juridique. <br><br />
Un assassinat, un meurtre, ça l’est. <br />
<br />
Ainsi, nos principe, essentiels à notre office et à toute société, <br><br />
en raison de la présomption d’innocence, <br><br />
m’empêchent de dire<br><br />
que quiconque a commis un assassinat ou un meurtre ce soir-là. <br><br />
<br />
L’amnistie, en passant l’éponge judiciaire a lavé, <br><br />
pardonné, oublié. <br />
<br />
La vérité, quand elle est imposée<br><br />
car l’amnistie est une injonction, <br><br />
est chose bien volatile. <br><br />
<br />
Le 14 septembre 2023, un avocat général requérait la relaxe à l’endroit de six policiers qui, ayant <br><br />
repêché un homme dans l’eau, se moquaient du bicot qu’il était. <br />
<br />
Car oui un bicot comme ça, ça nage pas. <br />
<br />
Qualifiant le dossier de « cirque (…) auquel il est bon de mettre fin », <br><br />
cet avocat général évoquait notamment le 17 octobre <br><br />
en disant que c’était le FLN qui noyait les algériens ce jour-là. <br><br />
<br />
Donc vous savez, la vérité. <br />
<br />
Elle réside surtout dans les faits.<br />
<br />
Le fait est que dans notre capitale, Paris, ville où l’Europe se mêle,<br><br />
Poumon de la morale, du droit, de la vérité, de la vertu, du devoir, du progrès, de la raison, <br><br />
Dans PARIS, on peut tuer des centaines d’arabes, sans qu’on sache précisément combien. <br><br />
<br />
100 à 300 c’est de la statistique, et de la mauvaise. <br />
<br />
La vérité n’est que dans les faits<br><br />
Le fait est que PAPON était un boulon, au sein d’une machine bien huilée. <br><br />
PAPON était fonctionnaire, <br><br />
Fonctionnaire de l’Etat français, puis de la République. <br><br />
<br />
PAPON a obéi aux ordres. <br><br />
Le prétexte est bien commode, mais le prétexte est vrai. <br />
<br />
Le 17 octobre 1961, <br><br />
Roger FREY, Ministre de l’intérieur, savait, et a ordonné, <br><br />
Michel DEBRE, Premier Ministre, savait, et a ordonné, <br><br />
Charles de GAULLE, Président de la République, savait, et a ordonné. <br><br />
<br />
Il n’y aura pas de procès pour le 17 octobre 1961. <br />
<br />
La vérité n’est que dans les faits<br><br />
Le fait est que Maurice PAPON dort, <br />
<br />
pour toujours et à jamais, <br><br />
avec sa légion d’honneur sur le torse. <br />
<br />
Quand les repêchés du 17 octobre, dorment, <br><br />
le souvenir enseveli, <br><br />
dans l’étroit cimetière de Thiais, <br><br />
où l’écho seul leur répond.<br><br />
<br />
Rien ne sait plus leur nom, pas même une simple pierre. <br />
<br />
Sans procès, seule l’ordalie fait loi<br><br />
Finalement, s’ils ont coulés, peut-être qu’ils étaient coupables.<br />
<br />
Messieurs et Mesdames les Bâtonniers, <br><br />
Messieurs et Mesdames les Hauts Magistrats, <br><br />
Chers Confrères, <br><br />
Chères Consœurs, <br><br />
<br />
Nous sommes tous des bicots. <br><br />
Nous sommes tous des youpins. <br><br />
Nous sommes tous des nègres. <br><br />
<br />
La mémoire apaise<br><br />
Quand l’oubli invite à l’incendie, <br><br />
On n’oublie pas volontairement. <br><br />
<br />
Qu’on ouvre les archives, et que quiconque aille par lui-même,<br><br />
Se jeter à corps perdu dans l’admiration des plus belles pages de l’histoire de notre pays, <br><br />
comme dans la lecture coupable de celles les plus flétries. <br><br />
<br />
Vous, où ceux qui comme moi,<br />
<br />
perdus entre leurs racines ancrées dans une mémoire coloniale<br><br />
que nul ne veut voir, <br><br />
et leurs branches qui fleurissent sous un beau ciel français, <br><br />
<br />
Perdus entre le ressentiment de ne pas vraiment être,<br><br />
et l’envie d’être, mais pas vraiment. <br><br />
<br />
Perdus dans le passé, leçon qu’épelle l’avenir,<br><br />
Perdus dans ce qui commença, pour ne jamais finir. <br><br />
<br />
Perdus. <br />
<br />
Hélas ! combien de temps faudra-t-il vous redire <br><br />
À vous tous, que c’était à vous de les conduire,<br><br />
Qu’il fallait leur donner leur part de la cité,<br><br />
Que votre aveuglement produit leur cécité ;<br><br />
D’une tutelle avare on recueille les suites,<br><br />
Et le mal qu’ils vous font, c’est vous qui le leur fîtes.<br><br />
<br />
Messieurs et Mesdames les Bâtonniers, <br><br />
Messieurs et Mesdames les Hauts Magistrats, <br><br />
Chers Confrères, <br><br />
Chères Consœurs, <br><br />
<br />
Vous sortirez, dans une heure, vous promener un peu.<br />
<br />
Il faut bien digérer les petits fours, <br />
<br />
Sortez du théâtre,<br />
<br />
Traversez la foule<br><br />
Traversez la route, <br><br />
Là, arrêtez-vous un instant, sur le Pont Saint Michel,<br><br />
penchez-vous sur les eaux sombres et calmes de la Seine. <br><br />
<br />
Et ne détournez pas le regard<br><br />
Quand vous verrez les cadavres remonter.<br />
<br />
<br />
Lire aussi : [VIDÉO ET DISCOURS DE LA CÉRÉMONIE SOLENNELLE DE RENTRÉE DU BARREAU DE PARIS ET DE LA CONFÉRENCE 2023 https://www.avocatparis.org/actualites/video-et-discours-de-la-ceremonie-solennelle-de-rentree-du-barreau-de-paris-et-de-la-0]</div>Asecretanhttps://www.lagbd.org/index.php?title=Rentree_solennelle_du_Barreau_de_PARIS_Discours_de_Seydi_BA_Deuxieme_secretaire_de_la_conference&diff=79416Rentree solennelle du Barreau de PARIS Discours de Seydi BA Deuxieme secretaire de la conference2023-12-05T14:05:06Z<p>Asecretan : </p>
<hr />
<div>{{DISPLAYTITLE: Rentrée solennelle du Barreau de Paris- Discours de Me Seydi BA, deuxième secrétaire de la Conférence}}<br />
<br />
[[Catégorie: Article juridique]]<br />
<br />
Discours de Seydi BA, deuxième '''[https://www.laconference.net/ Secrétaire de la Conférence]''':<br><br />
<br />
'''''Le procès de Jean-Luc EINAUDI, ou « l’honneur de PAPON »'''''<br><br />
''17e chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de PARIS''<br><br />
''Les 4, 5, 11, 12 février 1999''<br />
<br />
<br />
[[Fichier:Discours1.jpg|320px|center]]<br />
<br />
[[Fichier:Discours2.jpg|320px|center]]<br />
<br />
<br />
<br />
<br />
<br />
Lire au format PDF : [[Fichier:Logo-PDF.png|40px|link=https://www.lagbd.org/images/d/dc/Discours_de_Seydi_Ba_2%C3%A8me_secr%C3%A9taire_de_la_Conf%C3%A9rence.pdf]]<br />
***<br />
<br />
<br />
InchAllah, le corps remontera, <br />
<br />
Si Dieu le veut, il reverra les cieux, <br />
<br />
L’ordalie a cela de parfait, qu’elle permet d’arriver à un objectif complexe,<br><br />
la paix sociale, <br><br />
par un processus simple. <br><br />
<br />
Un corps, de l’eau, et Dieu. <br />
<br />
Qu’importe l’innocence, la culpabilité<br />
<br />
Pourvu qu’on ait la paix. <br />
<br />
Le sort des âmes se joue dans le miroir froid et mouillé de la justice divine. <br />
<br />
La vérité se dissout, emportée par les courants, <br />
<br />
et le village dort bien mieux, sachant la sorcière morte.<br />
<br />
Si elle a coulé, c’est qu’elle était coupable. <br><br />
S’ils ont coulés, c’est qu’ils étaient coupables. <br />
<br />
Sur de son innocence, convaincu de sa bonne foi, <br><br />
l’homme ne peut mal agir. <br />
<br />
L’homme peut avoir, d’une simple signature, envoyé, cohortes et légions d’hommes femmes enfants, <br><br />
vers une mort certaine, douloureuse, par suffocation, <br><br />
il n’a pas forcément mal agi ! <br><br />
s’il avait un prétexte. <br><br />
<br />
Un prétexte, <br><br />
Une pensée, simple, lapidaire, qui vient ordonner le chaos et arrêter la tempête sous le crâne. <br><br />
Une pensée, qui vient faire la jonction entre l’action la plus abjecte permise par la Création, et la bonne <br><br />
personne, que nous sommes tous, au moins pour nous-mêmes.<br><br />
<br />
Le prétexte nous fait bonne personne.<br><br />
Une bonne personne, ça dort bien. <br><br />
Un prétexte, et vous dormirez bien. <br><br />
<br />
Je n’ai fait qu’obéir aux ordres. <br />
<br />
S’ils ont coulé, c’est qu’ils étaient coupables. <br />
<br />
Bonne nuit, Monsieur PAPON. <br />
<br />
Mesdames Messieurs les Bâtonniers, <br><br />
Mesdames Messieurs les Hauts Magistrats,<br> <br />
Chères Consœurs, Chers Confrères. <br><br />
<br />
Vous êtes de bonnes personnes.<br />
<br />
Par la magie de son prétexte, Maurice PAPON l’est tout autant. <br />
<br />
Certes, il a été condamné pour crime contre l’humanité, à BORDEAUX, <br />
<br />
MAIS DEJA il s’est pourvu en cassation<br />
<br />
ET SURTOUT il a obéi aux ordres.<br />
<br />
Il conserve ainsi l’honneur propre aux gens de bien, <br><br />
jadis confié au hasard du duel, désormais protégé par le droit, la justice.<br><br />
<br />
C’est la raison pour laquelle c’est la même silhouette qu’à Bordeaux, <br><br />
avec la même cravate noire, <br><br />
le même costume blanc, <br><br />
la même rosette <br><br />
avec une moustache en plus qui se tient, <br><br />
ce 5 février 1999, sur le banc des parties civiles de la 17e chambre correctionnelle du Tribunal de grande <br><br />
instance de PARIS.<br />
<br />
Pour son honneur, <br><br />
celui de la fonction qu’il occupait jadis, <br><br />
celui de son pays. <br><br />
<br />
Ses avocats, Jean-Marc VARAUT et Francis VUILLEMIN, y voient une stratégie plus judiciaire, plus <br><br />
cynique : <br><br />
dans l’attente de l’issue du pourvoi, <br><br />
faire citer en diffamation ce témoin d’immoralité si embêtant à BORDEAUX, <br><br />
le faire condamner<br><br />
<br />
pour le discréditer et alléger un dossier déjà bien lourd, <br><br />
dans l’optique d’un second procès<br />
<br />
Va ainsi se jouer, durant 4 jours, devant la 17e, l’issue d’un combat judiciaire entre deux fins bretteurs. <br />
<br />
Le dénouement d’un mano a mano sur fond de vérité, <br />
<br />
d’honneur,<br />
<br />
et de considération.<br />
<br />
Le prévenu n’est pas comme son adversaire, <br><br />
commandeur de la Légion d’honneur. <br />
<br />
Pas de titre de l’autre côté de la barre, juste un homme, <br><br />
un éducateur à la protection judiciaire de la jeunesse, <br><br />
qui a fait un peu d’histoire. <br />
<br />
Vous aurez oublié son nom à la fin de ce discours.<br />
<br />
C’est ce qu’il aurait voulu. <br><br />
Que son nom s’efface, <br><br />
pour laisser toute la place à son œuvre, <br><br />
son obsession, <br><br />
le 17 octobre 1961, <br><br />
date à laquelle PARIS noya les algériens. <br />
<br />
Assisté de son défenseur, Pierre MAIRAT,<br><br />
Jean-Luc EINAUDI est prévenu d’avoir commis l’infraction de diffamation envers un fonctionnaire<br><br />
public, <br />
<br />
En l’espèce, <br />
<br />
En portant atteinte à l’honneur et à la considération de Maurice PAPON, en signant le 20 mai 1998 une tribune dans Le Monde dans laquelle il affirmait : <br />
<br />
« Je persiste et je signe. Il y eut, en octobre 1961, Un massacre commis par des forces de l’ordre<br><br />
Sous les ordres de Maurice PAPON ». <br />
<br />
En cette phrase, ces 27 mots, l’œuvre de la vie de Jean-Luc EINAUDI.<br />
<br />
Une vie de recherches, <br><br />
de rencontres, <br><br />
de recueils de témoignages, <br><br />
de doutes sur ce bilan officiel de 3 morts, malgré les deuils par centaines, <br><br />
de dizaines de demandes d’accès aux archives nationales, et d’autant de refus,<br> <br />
Une vie de chemin égaré dans la brume de la raison d’Etat.<br />
<br />
Une vie, celle de Jean-Luc EINAUDI, en 27 mots, qui seront jugés, <br><br />
jaugés, pesés, sous pesés <br><br />
confirmés<br><br />
ou infirmés <br><br />
par l’implacable force de chose jugée liée à la juris dictio. <br><br />
<br />
Infirmés plutôt si l’on en croit Jean-Marc VARAUT, <br><br />
Le ténor le sait, <br><br />
bien qu’il s’agisse de diffamation <br><br />
il ne sera pas question pour la juridiction présidée par Jean-Yves MONFORT<br><br />
d’examiner la véracité ou non des propos d’EINAUDI. <br />
<br />
La condamnation est très probable. <br />
<br />
En 1999 en effet,<br><br />
le droit positif est tel que la preuve de la vérité, <br><br />
l’exceptio veritatis, <br><br />
ne saurait être rapportée s’agissant de faits amnistiés d’une part, <br><br />
et vieux de plus de 10 ans d’autre part. <br />
<br />
Seule la bonne foi d’EINAUDI sera examinée. <br />
<br />
Comme il avait fait condamner le Nouvel Observateur<br><br />
en 1991, qui qualifiait Maurice PAPON de complice du génocide Nazi,<br> <br />
Jean-Marc VARAUT fera condamner EINAUDI, l’historien de circonstances, <br><br />
Il paiera le prix fort,<br><br />
le déshonneur, la honte, <br><br />
et 1 million de franc. <br />
<br />
Dans l’arène,<br><br />
VARAUT n’a point besoin de glaive,<br><br />
Il a le verbe et l’amnistie. <br />
<br />
Le décret du 22 mars 1962, dispose, en effet en son article 1er : <br />
<br />
''« Sont amnistiées les infractions commises dans le cadre des opérations de maintien de l’ordre dirigées contre l’insurrection algérienne avant le 20 mars 1962. »''<br />
<br />
Toutes les infractions, toutes sont pardonnées, <br><br />
C’était du maintien de l’ordre !<br><br />
<br />
Par la force du texte, il n’y aura pas de procès. <br />
<br />
Ce procès, celui de Jean-Luc EINAUDI, <br><br />
Ce procès de rien du tout, <br><br />
Dans la froideur de l’hiver, et de la 17e chambre, <br><br />
Ce procès, <br><br />
scène sur laquelle se joue l’accusation du criminel contre l’humanité tout entière, <br><br />
qui a l’audace, <br><br />
le panache, <br><br />
de tenter de faire condamner le chercheur qui a cherché, <br><br />
car son honneur de criminel contre l’humanité<br />
<br />
Sera l’unique et ténu interstice dans lequel la vérité pourra se glisser. <br />
<br />
Comme quand il fut témoin d’immoralité à BORDEAUX, <br><br />
EINAUDI, déterminé, s’approche de la barre et l’agrippe tel un capitaine<br><br />
Avec l’air d’un Noé qui sait le secret du déluge. <br><br />
Il se tourne vers le plaignant, se tourne vers ses juges.<br><br />
<br />
Il porte l’estocade. <br />
<br />
Pendant deux heures, <br />
<br />
Sans notes, <br />
<br />
Il raconte tout, comme il racontait à Bordeaux, <br><br />
1961, la France et son Afrique qui n’est plus vraiment sienne,<br><br />
PARIS, <br><br />
les harkis, <br><br />
les pieds noirs, <br><br />
les bidonvilles de NANTERRE, CHAMPIGNY, LA COURNEUVE, <br><br />
Les 11 policiers qui, seront fauchés par les balles du FLN, d’aout à septembre.<br><br />
<br />
La haine qui monte entre les deux camps. <br />
<br />
Il raconte le 2 octobre, les obsèques du brigadier Jean DEMOEN<br><br />
la rage, l’émotion de ses collègues, la peur qui monte, la haine aussi, <br><br />
<br />
Les mots du préfet de police Maurice PAPON, qui apaisent moins qu’ils n’attisent, <br />
<br />
« Vous êtes couverts par vos chefs et la légitime défense. Pour un coup donné, nous en rendrons dix. »<br />
<br />
Les litres d’eau de javel bus par les français musulmans d’Algérie dans les caves du commissariat de la <br><br />
Goutte d’or,<br><br />
les attentats<br><br />
les bastonnades,<br><br />
les rackets, <br><br />
les humiliations,<br><br />
les bicots, <br><br />
les bougnoules<br><br />
les ratons. <br><br />
<br />
EINAUDI raconte, la note du 5 octobre de ce même préfet de police, <br><br />
autorisant les policiers à abattre tout français musulman d’Algérie,<br><br />
car c’était leur statut légal, <br><br />
pris en flagrant délit, sans préciser le délit. <br />
<br />
Le couvre-feu du même jour, imposant à ces mêmes Français Musulmans d’Algérie, <br><br />
ou tout autre basané ressemblant de près, ou de loin, ou de très loin, à un arabe, de ne pas quitter son <br><br />
domicile entre 20h30 et 5h30 du matin. <br><br />
<br />
EINAUDI raconte surtout la réponse de la fédération de France du FLN <br><br />
qui appelle tous les algériens à aller, le 17 octobre, se montrer, <br />
<br />
Et de fort belle manière <br />
<br />
Algériens de France, vous sortirez avec vos plus beaux atours, <br><br />
pour montrer que vous existez, que vous ne vous cacherez pas, <br />
<br />
Montrez que vous êtes beaux, et fêtez dans PARIS. <br><br />
Soyez fiers, soyez libres, <br><br />
Mais respectez deux règles : pas d’armes, pas de riposte. <br><br />
<br />
Puis le 17 octobre, puis le 17 octobre. <br />
<br />
En plein PARIS, à l’heure ou sous la pluie, <br><br />
la pavé noirci reflète les enseignes au néon,<br><br />
A l’heure où PARIS fait la queue au cinéma, <br><br />
Où PARIS pousse la porte des cabarets et restaurants, <br><br />
Où PARIS ouvre ses huitres,<br><br />
Où PARIS s’amuse, <br />
<br />
Une foule, dont l’œil seul ne saurait embrasser le contour, <br><br />
Tout entière, debout, comme une hydre vivante,<br><br />
fière, joyeuse, l’âme sans épouvante, <br><br />
<br />
La liberté sublime emplissant les pensées, <br><br />
de 20.000, ou de 30 qui entraient dans PARIS, <br><br />
Qui emplissait la brume de cris et chants rythmés<br />
<br />
''Tahia Djazair,''<br />
''Vive l’Algérie libre, ''<br><br />
''Allez les fellaghas, ''<br><br />
''Libérez BEN BELLA, ''<br><br />
''A bas le couvre-feu,''<br><br />
''A bas le couvre-feu,''<br><br />
<br />
Et c’est au son d’à bas le couvre-feu, <br><br />
Que la police l’ouvrit, le feu. <br />
<br />
La liesse, bien vite, est devenue panique. <br><br />
La foule effrayée, est devenue tempête.<br><br />
Les hommes rendus stupides par l’horreur, <br><br />
courraient,<br><br />
Pour éviter le plomb, le feu et la matraque. <br />
<br />
Dans la brume affreuse de PARIS, <br><br />
les badauds crurent voir d’étranges bucherons travailler dans la nuit, <br><br />
qui frappaient, qui frappaient, d’un geste mécanique, <br><br />
<br />
Quiconque osait laisser trainer un crane ou une cote <br />
<br />
La cruauté, la haine, dans le langage des coups.<br />
<br />
Le sang coulait, giclait de toutes part,<br><br />
Les vêtements des policiers étaient de carnage rougis. <br><br />
Ils avaient tout le soir tué n’importe qui. <br><br />
<br />
L’Ile de la Cité trembla sous ce fracas monstrueux et sauvage. <br />
<br />
Aux abords de la Seine, méthodiquement, on brise les membres, <br><br />
on lie les poignées, on lie les chevilles, <br><br />
et on jette les gens, comme des fétus de paille. <br><br />
Les ponts Saint Michel, de Neuilly, pleurèrent longtemps des corps balancés comme cela. <br />
<br />
Cette nuit-là, les badauds des rives de Seine virent, <br><br />
sur le souple oreiller de l’eau molle et profonde, <br><br />
le reflet de la lune perturbé çà et là par le passage délicat d’étranges nénuphars, <br><br />
caressés, portés, sur des flots incertains, et voguant vers l’oubli. <br />
<br />
Cette nuit-là, 12000 hommes furent raflés vers le Palais des sports,<br><br />
Mais cette nuit-là seulement, demain Ray Charles y joue. On rafle, mais on doit quand même danser...<br><br />
Heureusement qu’il reste Vincennes et Pierre de Coubertin pour la foule des arrêtés, leurs cris, plaies, <br><br />
clameurs et abois, le sol couvert de morts sur qui tombait la nuit.<br />
<br />
Les autres râlants, brisés, <br><br />
et morts plus qu’à moitié. <br />
<br />
C’était le maintien de l’ordre, couvert par l’amnistie. <br />
<br />
EINAUDI achève, regardant directement son accusateur dans les yeux, <br><br />
le défiant, <br><br />
lui disant être venu en mémoire de ces victimes algériennes, <br><br />
enterrées comme des chiens dans la fosse commune réservée aux musulmans inconnus du cimetière de <br><br />
THIAIS, <br />
<br />
L’accusateur, Maurice PAPON, n’est pas plus perturbé que cela. <br />
<br />
Il a toujours son prétexte. <br />
<br />
D’une voix sure, qui prend son temps, <br><br />
d’une expression aisée, qui sent le passé, <br><br />
d’un phrasé impeccable, il reprend EINAUDI : <br><br />
<br />
« Monsieur le Président, <br />
<br />
Dans les wilayas musulmanes, on m’appelait AL MAHDI : c’est le bon, le juste, le sage. <br />
<br />
Peut-être la plus belle décoration que j’ai reçu de ma carrière. <br />
<br />
J’aimais les algériens. <br><br />
Les algériens m’aimaient. <br><br />
<br />
Le FLN tuait, Monsieur le Président.<br />
<br />
Chez les policiers, le sang était chaud et la vindicte à fleur de peau. <br />
<br />
Ce 17 octobre était une bataille qu’il fallait accepter et gagner. <br />
<br />
Imaginez-vous, le déferlement de cette marée écumante vers l’Etoile et les Champs ? <br />
<br />
Le FLN voulait immerger PARIS sous des vagues algériennes.<br> <br />
On a frisé la subversion, évité le désastre. <br />
<br />
Les centaines de morts sont une ignoble invention. <br><br />
Les photos, des trucages.<br><br />
<br />
C’est inimaginable d’accuser les personnels de police d’avoir fait cela. <br><br />
Ce n’est pas leur style.<br />
<br />
On ne casse pas des cranes avec un képi.<br />
<br />
Le Général m’avait ordonné de tenir PARIS. <br><br />
J’AI OBEI AUX ORDRES et J’ai tenu PARIS.<br> <br />
<br />
Force est restée à la loi, au prix de trois morts inutiles. <br />
<br />
Monsieur le Président, <br><br />
La France, tant que j’aurai un souffle,<br><br />
Je ne laisserai pas y toucher. »<br><br />
<br />
Le prétexte est travaillé, il est bon,<br><br />
la conscience est sauve, <br><br />
<br />
face à la cohorte de témoins cités par EINAUDI,<br />
<br />
Face à Emile Portzer, policier, qui raconte les moqueries des collègues,<br><br />
Les fausses rumeurs de policiers morts le soir des faits sur les radios<br><br />
Démenties par personne, qui raconte les rires !<br><br />
« Un bougnoule en moins » haha<br><br />
« On va voir si les rats savent nager » hahaha<br><br />
<br />
PAPON ne tremble pas. <br />
<br />
Ahcène BOULANOUAR qui raconte comment il fut pendu, <br><br />
comme tant d’autres, <br><br />
dans la cour de la Préfecture de Police de PARIS<br><br />
<br />
PAPON ne tremble pas.<br />
<br />
Gérard GRANDE, élève infirmier au Palais des sports, <br><br />
vient partager son sentiment sur les 9 cadavres aperçus dans un placards. <br><br />
<br />
PAPON ne tremble pas.<br />
<br />
Une mère, endeuillée depuis 38 ans, passe rapidement.<br><br />
Elle tente. Sanglote. Et dans une prière se rassoit. <br><br />
L’on comprend en la voyant que l’enfant qu’on allaita, <br><br />
c’est dur de l’enterrer.<br />
<br />
PAPON ne tremble pas.<br />
<br />
Enfin, Brigitte LAINE et Philippe GRAND.<br />
<br />
Qui n’étaient pas là,<br><br />
qui n’ont pas parlé à un seul témoin. <br><br />
mais qui, en tant que conservateurs aux archives de PARIS,<br> <br />
viennent déposer au prix d’une entorse manifeste à leur devoir de réserve,<br><br />
Tout simplement faire état de ce qu’ils ont vu, <br><br />
dans les archives, du parquet notamment, <br><br />
qu’on refuse avec force à EINAUDI.<br><br />
<br />
Des 103 dossiers d’instruction ouverts, concernant 130 personnes, <br><br />
tous couverts par l’amnistie, <br />
<br />
Des 32 dossiers pour 40 décès, classés sans suite, <br />
<br />
Du réquisitoire définitif du 30 octobre <br><br />
relatif à la mort de 63 nord africains, <br><br />
dont 26 non-identifiés,<br><br />
<br />
Des constantes : strangulations, mains liées, balles, noyades, <br />
<br />
Et une motivation qui sans cesse revient :<br />
<br />
« aucun élément ne permet de vérifier/établir que X a été blessé par un rpz des FDO ».<br />
<br />
Les archives viennent de parler. <br />
<br />
L’Etat vient de parler. <br />
<br />
Là, PAPON tremble un peu. <br />
<br />
Furieux, Jean-Marc VARAUT plaide et interpelle les archivistes<br><br />
D’un art tyrannique, il se fait menaçant, <br />
<br />
Avez-vous seulement conscience de faire état de documents couverts par le secret d’Etat<br><br />
Monsieur le Président, Mesdames du tribunal, <br><br />
La FRANCE est malade de ses fonctionnaires. <br><br />
<br />
Ce pseudo historien, qui a jadis produit un livre sur ces faits, <br><br />
attaqué par personne car lu par personne, <br><br />
convoque un obscur policier, et des témoins compromis avec l’ennemi. <br />
<br />
C’était la guerre, contre la rébellion terroriste. <br />
<br />
Les 12000 arrestations ont permis de mettre aux arrêts<br> <br />
les proxénètes, les oisifs, les cadres du FLN. <br><br />
<br />
Pierre MESSMER, ministre des armées de l’époque, <br><br />
est venu le dire à Bordeaux !<br><br />
« on ne peut pas imputer un préfet la responsabilité des événements<br><br />
lorsque le gouvernement lui a donné des ordres précis ». <br><br />
<br />
Le Général savait.<br><br />
Il savait les ordres clairs qu’il a donné. <br><br />
Il a maintenu PAPON. <br />
<br />
A travers PAPON, c’est de Gaulle qu’on attaque. <br />
<br />
Son honneur bafoué, devra être réparé. <br><br />
L’honneur du a sa fonction. <br><br />
L’honneur du à la France. <br><br />
<br />
Vincent LESCLOUX, premier substitut du procureur, commence par un hommage. <br />
<br />
Il y eut un nombre important de morts dans la nuit du 17 octobre. <br><br />
De pauvres morts qui pèsent lourds sur la conscience. <br><br />
De pauvres morts anonymes.<br><br />
<br />
Certains policiers sont devenus – nombreux – les jouets de la haine qui les a aveuglés. <br />
<br />
EINAUDI a pu, à bon droit, utiliser le mot massacre, <br />
<br />
''« l’expression de meurtre n’étant plus adaptée vu le nombre de morts et les exactions déchainées des <br />
<br />
forces de police ». ''<br />
<br />
Les recherches d’EINAUDI ont fait sonner les 12 coups de l’histoire. <br />
<br />
Toutefois, n’a-t-il pas diffamé en affirmant que cela a été fait sous les ordres de PAPON ? <br><br />
A-t-il fait preuve de prudence alors qu’il n’a pas recherché les responsabilités intermédiaires ? <br />
<br />
Le lecteur moyen a pu comprendre cette phrase comme une grave accusation portant atteinte à l’honneur <br><br />
du plaignant.<br />
<br />
N’étant pas prouvée, elle est diffamatoire.<br />
<br />
En défense Pierre MAIRAT rappelle la stratégie de PAPON : <br />
<br />
Faire condamner EINAUDI dont la parole a pesé si lourd à BORDEAUX, avant un second procès après <br><br />
cassation. <br />
<br />
Il veut faire taire la bouche de l’histoire, la liberté de recherche. <br />
<br />
La défense de PAPON se caractérise, <br><br />
soit par le silence, <br><br />
soit par le mensonge, le bluff, la négation, <br><br />
soit encore par la duplicité. <br><br />
<br />
Il nie les victimes des brutalités policières.<br />
<br />
Il nie les morts.<br />
<br />
Il nie les disparus.<br />
<br />
Il nie les photos.<br />
<br />
Il nie les témoignages. <br />
<br />
Si les manifestants étaient dangereux et armés : <br><br />
pourquoi aucun blessé par balle chez la police ? <br><br />
Pourquoi aucune arme saisie chez les manifestants ? <br><br />
<br />
Le massacre est reconnu par le parquet, le représentant, la bouche de l’Etat, de la société. <br />
<br />
Dès lors, ou est la diffamation ? N’est-il pas temps de regarder notre histoire en face ? <br />
<br />
La relaxe s’impose. <br />
<br />
Le dernier mot revient au prévenu, à Jean-Luc EINAUDI, <br><br />
qui d’un dernier regard à PAPON lui lance : <br><br />
<br />
Vous me méprisez, vous avez voulu me faire taire, <br><br />
mais j’ai envie de vous dire, Monsieur Papon, merci ! <br><br />
en me faisant ce procès, vous avez permis que l’histoire avance.<br><br />
<br />
Le tribunal se retire pour délibérer. <br />
<br />
Les semaines passent, la tension monte. <br />
<br />
Le 26 mars 1999, la salle est plus clairsemée. <br><br />
Les nerfs sont plus tendus, <br><br />
Le délibéré, rendu par Jean-Yves MONFORT, <br><br />
n’est tout d’abord pas en la faveur du prévenu. <br><br />
<br />
Il conclut en effet tout d’abord au caractère diffamatoire de l’assertion, en ce qu’elle porte, par sa nature <br><br />
même, atteinte à l’honneur du plaignant. <br />
<br />
Le prétexte se porte bien. <br />
<br />
Cependant : <br />
<br />
« Considérant que l’ensemble des témoignages versés au dossier sont concordants ; <br><br />
Que les éléments produits démontrent que certains éléments des FDO ont agi avec une extrême <br><br />
violence ; <br><br />
Que cette violence n’était pas justifiée par le comportement manifestants ce soir-là ; <br><br />
Que le nombre des victimes a été important , en tout cas largement supérieur à celui du bilan officiel ; <br><br />
<br />
<br />
Que dès lors que l’on admet que la version officielle des événements de 1961 semble avoir été inspirée <br><br />
largement par la raison d’Etat <br><br />
– admissible , au demeurant , au regard de la situation de l’époque –<br><br />
et que l’extrême dureté de la répression d’alors doit appeler, de nos jours, des analyses différentes, qui <br><br />
n’excluent pas nécessairement l’emploi du mot » massacre », <br><br />
on ne saurait faire grief à un historien, <br><br />
auquel on ne conteste finalement pas le sérieux et la qualité de sa recherche, <br><br />
d’avoir manqué de circonspection lorsque, <br><br />
dans une formule conclusive , <br><br />
qui tend à interpeller le lecteur, <br><br />
il qualifie rudement les faits, <br><br />
et désigne sèchement un responsable.<br />
<br />
La liberté de la recherche historique doit avoir en effet pour corollaire une certaine tolérance dans <br><br />
l’appréciation de l’expression de ses résultats. <br><br />
<br />
Le Tribunal considère donc que le bénéfice de la bonne foi peut être accordé au prévenu.<br />
<br />
PAR CES MOTIFS<br />
<br />
Le tribunal statuant publiquement, <br><br />
en matière correctionnelle, <br><br />
en premier ressort et par jugement contradictoire<br><br />
<br />
RELAXE le prévenu Jean-Luc EINAUDI des fins de la poursuite,<br />
<br />
DÉBOUTE la partie civile Maurice PAPON de ses demandes. »<br />
<br />
Le Mahdi a perdu, et dormira plus mal.<br />
<br />
Messieurs et Mesdames les Bâtonniers, <br><br />
Messieurs et Mesdames les Hauts Magistrats, <br><br />
<br />
Chers Confrères, <br />
<br />
Chères Consœurs, <br />
<br />
Les lois, les tribunaux, les juges, <br><br />
participent à garnir les pages du grand livre de l’histoire. <br><br />
<br />
Toutefois, <br><br />
Les magistrats ne sont, ni des militants, ni des justiciers, ni des historiens.<br><br />
<br />
Ils disent le droit. <br />
<br />
La vérité judiciaire est chose bien étrange. <br />
<br />
Elle me permet de dire, excipant ce jugement, qu’un massacre a eu lieu. <br />
<br />
Mais un massacre, n’est pas une qualification juridique. <br><br />
Un assassinat, un meurtre, ça l’est. <br />
<br />
Ainsi, nos principe, essentiels à notre office et à toute société, <br><br />
en raison de la présomption d’innocence, <br><br />
m’empêchent de dire<br><br />
que quiconque a commis un assassinat ou un meurtre ce soir-là. <br><br />
<br />
L’amnistie, en passant l’éponge judiciaire a lavé, <br><br />
pardonné, oublié. <br />
<br />
La vérité, quand elle est imposée<br><br />
car l’amnistie est une injonction, <br><br />
est chose bien volatile. <br><br />
<br />
Le 14 septembre 2023, un avocat général requérait la relaxe à l’endroit de six policiers qui, ayant <br><br />
repêché un homme dans l’eau, se moquaient du bicot qu’il était. <br />
<br />
Car oui un bicot comme ça, ça nage pas. <br />
<br />
Qualifiant le dossier de « cirque (…) auquel il est bon de mettre fin », <br><br />
cet avocat général évoquait notamment le 17 octobre <br><br />
en disant que c’était le FLN qui noyait les algériens ce jour-là. <br><br />
<br />
Donc vous savez, la vérité. <br />
<br />
Elle réside surtout dans les faits.<br />
<br />
Le fait est que dans notre capitale, Paris, ville où l’Europe se mêle,<br><br />
Poumon de la morale, du droit, de la vérité, de la vertu, du devoir, du progrès, de la raison, <br><br />
Dans PARIS, on peut tuer des centaines d’arabes, sans qu’on sache précisément combien. <br><br />
<br />
100 à 300 c’est de la statistique, et de la mauvaise. <br />
<br />
La vérité n’est que dans les faits<br><br />
Le fait est que PAPON était un boulon, au sein d’une machine bien huilée. <br><br />
PAPON était fonctionnaire, <br><br />
Fonctionnaire de l’Etat français, puis de la République. <br><br />
<br />
PAPON a obéi aux ordres. <br><br />
Le prétexte est bien commode, mais le prétexte est vrai. <br />
<br />
Le 17 octobre 1961, <br><br />
Roger FREY, Ministre de l’intérieur, savait, et a ordonné, <br><br />
Michel DEBRE, Premier Ministre, savait, et a ordonné, <br><br />
Charles de GAULLE, Président de la République, savait, et a ordonné. <br><br />
<br />
Il n’y aura pas de procès pour le 17 octobre 1961. <br />
<br />
La vérité n’est que dans les faits<br><br />
Le fait est que Maurice PAPON dort, <br />
<br />
pour toujours et à jamais, <br><br />
avec sa légion d’honneur sur le torse. <br />
<br />
Quand les repêchés du 17 octobre, dorment, <br><br />
le souvenir enseveli, <br><br />
dans l’étroit cimetière de Thiais, <br><br />
où l’écho seul leur répond.<br><br />
<br />
Rien ne sait plus leur nom, pas même une simple pierre. <br />
<br />
Sans procès, seule l’ordalie fait loi<br><br />
Finalement, s’ils ont coulés, peut-être qu’ils étaient coupables.<br />
<br />
Messieurs et Mesdames les Bâtonniers, <br><br />
Messieurs et Mesdames les Hauts Magistrats, <br><br />
Chers Confrères, <br><br />
Chères Consœurs, <br><br />
<br />
Nous sommes tous des bicots. <br><br />
Nous sommes tous des youpins. <br><br />
Nous sommes tous des nègres. <br><br />
<br />
La mémoire apaise<br><br />
Quand l’oubli invite à l’incendie, <br><br />
On n’oublie pas volontairement. <br><br />
<br />
Qu’on ouvre les archives, et que quiconque aille par lui-même,<br><br />
Se jeter à corps perdu dans l’admiration des plus belles pages de l’histoire de notre pays, <br><br />
comme dans la lecture coupable de celles les plus flétries. <br><br />
<br />
Vous, où ceux qui comme moi,<br />
<br />
perdus entre leurs racines ancrées dans une mémoire coloniale<br><br />
que nul ne veut voir, <br><br />
et leurs branches qui fleurissent sous un beau ciel français, <br><br />
<br />
Perdus entre le ressentiment de ne pas vraiment être,<br><br />
et l’envie d’être, mais pas vraiment. <br><br />
<br />
Perdus dans le passé, leçon qu’épelle l’avenir,<br><br />
Perdus dans ce qui commença, pour ne jamais finir. <br><br />
<br />
Perdus. <br />
<br />
Hélas ! combien de temps faudra-t-il vous redire <br><br />
À vous tous, que c’était à vous de les conduire,<br><br />
Qu’il fallait leur donner leur part de la cité,<br><br />
Que votre aveuglement produit leur cécité ;<br><br />
D’une tutelle avare on recueille les suites,<br><br />
Et le mal qu’ils vous font, c’est vous qui le leur fîtes.<br><br />
<br />
Messieurs et Mesdames les Bâtonniers, <br><br />
Messieurs et Mesdames les Hauts Magistrats, <br><br />
Chers Confrères, <br><br />
Chères Consœurs, <br><br />
<br />
Vous sortirez, dans une heure, vous promener un peu.<br />
<br />
Il faut bien digérer les petits fours, <br />
<br />
Sortez du théâtre,<br />
<br />
Traversez la foule<br><br />
Traversez la route, <br><br />
Là, arrêtez-vous un instant, sur le Pont Saint Michel,<br><br />
penchez-vous sur les eaux sombres et calmes de la Seine. <br><br />
<br />
Et ne détournez pas le regard<br><br />
Quand vous verrez les cadavres remonter.</div>Asecretanhttps://www.lagbd.org/index.php?title=Rentree_solennelle_du_Barreau_de_PARIS_Discours_de_Seydi_BA_Deuxieme_secretaire_de_la_conference&diff=79415Rentree solennelle du Barreau de PARIS Discours de Seydi BA Deuxieme secretaire de la conference2023-12-05T14:04:06Z<p>Asecretan : </p>
<hr />
<div>{{DISPLAYTITLE: Rentrée solennelle du Barreau de Paris- Discours de Me Seydi BA, deuxième secrétaire de la Conférence}}<br />
<br />
[[Catégorie: Article juridique]]<br />
<br />
Discours de Seydi BA, deuxième [https://www.laconference.net/ secrétaire de la Conférence]:<br><br />
<br />
'''''Le procès de Jean-Luc EINAUDI, ou « l’honneur de PAPON »'''''<br><br />
''17e chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de PARIS''<br><br />
''Les 4, 5, 11, 12 février 1999''<br />
<br />
<br />
[[Fichier:Discours1.jpg|320px|center]]<br />
<br />
[[Fichier:Discours2.jpg|320px|center]]<br />
<br />
<br />
<br />
<br />
<br />
Lire au format PDF : [[Fichier:Logo-PDF.png|40px|link=https://www.lagbd.org/images/d/dc/Discours_de_Seydi_Ba_2%C3%A8me_secr%C3%A9taire_de_la_Conf%C3%A9rence.pdf]]<br />
***<br />
<br />
<br />
InchAllah, le corps remontera, <br />
<br />
Si Dieu le veut, il reverra les cieux, <br />
<br />
L’ordalie a cela de parfait, qu’elle permet d’arriver à un objectif complexe,<br><br />
la paix sociale, <br><br />
par un processus simple. <br><br />
<br />
Un corps, de l’eau, et Dieu. <br />
<br />
Qu’importe l’innocence, la culpabilité<br />
<br />
Pourvu qu’on ait la paix. <br />
<br />
Le sort des âmes se joue dans le miroir froid et mouillé de la justice divine. <br />
<br />
La vérité se dissout, emportée par les courants, <br />
<br />
et le village dort bien mieux, sachant la sorcière morte.<br />
<br />
Si elle a coulé, c’est qu’elle était coupable. <br><br />
S’ils ont coulés, c’est qu’ils étaient coupables. <br />
<br />
Sur de son innocence, convaincu de sa bonne foi, <br><br />
l’homme ne peut mal agir. <br />
<br />
L’homme peut avoir, d’une simple signature, envoyé, cohortes et légions d’hommes femmes enfants, <br><br />
vers une mort certaine, douloureuse, par suffocation, <br><br />
il n’a pas forcément mal agi ! <br><br />
s’il avait un prétexte. <br><br />
<br />
Un prétexte, <br><br />
Une pensée, simple, lapidaire, qui vient ordonner le chaos et arrêter la tempête sous le crâne. <br><br />
Une pensée, qui vient faire la jonction entre l’action la plus abjecte permise par la Création, et la bonne <br><br />
personne, que nous sommes tous, au moins pour nous-mêmes.<br><br />
<br />
Le prétexte nous fait bonne personne.<br><br />
Une bonne personne, ça dort bien. <br><br />
Un prétexte, et vous dormirez bien. <br><br />
<br />
Je n’ai fait qu’obéir aux ordres. <br />
<br />
S’ils ont coulé, c’est qu’ils étaient coupables. <br />
<br />
Bonne nuit, Monsieur PAPON. <br />
<br />
Mesdames Messieurs les Bâtonniers, <br><br />
Mesdames Messieurs les Hauts Magistrats,<br> <br />
Chères Consœurs, Chers Confrères. <br><br />
<br />
Vous êtes de bonnes personnes.<br />
<br />
Par la magie de son prétexte, Maurice PAPON l’est tout autant. <br />
<br />
Certes, il a été condamné pour crime contre l’humanité, à BORDEAUX, <br />
<br />
MAIS DEJA il s’est pourvu en cassation<br />
<br />
ET SURTOUT il a obéi aux ordres.<br />
<br />
Il conserve ainsi l’honneur propre aux gens de bien, <br><br />
jadis confié au hasard du duel, désormais protégé par le droit, la justice.<br><br />
<br />
C’est la raison pour laquelle c’est la même silhouette qu’à Bordeaux, <br><br />
avec la même cravate noire, <br><br />
le même costume blanc, <br><br />
la même rosette <br><br />
avec une moustache en plus qui se tient, <br><br />
ce 5 février 1999, sur le banc des parties civiles de la 17e chambre correctionnelle du Tribunal de grande <br><br />
instance de PARIS.<br />
<br />
Pour son honneur, <br><br />
celui de la fonction qu’il occupait jadis, <br><br />
celui de son pays. <br><br />
<br />
Ses avocats, Jean-Marc VARAUT et Francis VUILLEMIN, y voient une stratégie plus judiciaire, plus <br><br />
cynique : <br><br />
dans l’attente de l’issue du pourvoi, <br><br />
faire citer en diffamation ce témoin d’immoralité si embêtant à BORDEAUX, <br><br />
le faire condamner<br><br />
<br />
pour le discréditer et alléger un dossier déjà bien lourd, <br><br />
dans l’optique d’un second procès<br />
<br />
Va ainsi se jouer, durant 4 jours, devant la 17e, l’issue d’un combat judiciaire entre deux fins bretteurs. <br />
<br />
Le dénouement d’un mano a mano sur fond de vérité, <br />
<br />
d’honneur,<br />
<br />
et de considération.<br />
<br />
Le prévenu n’est pas comme son adversaire, <br><br />
commandeur de la Légion d’honneur. <br />
<br />
Pas de titre de l’autre côté de la barre, juste un homme, <br><br />
un éducateur à la protection judiciaire de la jeunesse, <br><br />
qui a fait un peu d’histoire. <br />
<br />
Vous aurez oublié son nom à la fin de ce discours.<br />
<br />
C’est ce qu’il aurait voulu. <br><br />
Que son nom s’efface, <br><br />
pour laisser toute la place à son œuvre, <br><br />
son obsession, <br><br />
le 17 octobre 1961, <br><br />
date à laquelle PARIS noya les algériens. <br />
<br />
Assisté de son défenseur, Pierre MAIRAT,<br><br />
Jean-Luc EINAUDI est prévenu d’avoir commis l’infraction de diffamation envers un fonctionnaire<br><br />
public, <br />
<br />
En l’espèce, <br />
<br />
En portant atteinte à l’honneur et à la considération de Maurice PAPON, en signant le 20 mai 1998 une tribune dans Le Monde dans laquelle il affirmait : <br />
<br />
« Je persiste et je signe. Il y eut, en octobre 1961, Un massacre commis par des forces de l’ordre<br><br />
Sous les ordres de Maurice PAPON ». <br />
<br />
En cette phrase, ces 27 mots, l’œuvre de la vie de Jean-Luc EINAUDI.<br />
<br />
Une vie de recherches, <br><br />
de rencontres, <br><br />
de recueils de témoignages, <br><br />
de doutes sur ce bilan officiel de 3 morts, malgré les deuils par centaines, <br><br />
de dizaines de demandes d’accès aux archives nationales, et d’autant de refus,<br> <br />
Une vie de chemin égaré dans la brume de la raison d’Etat.<br />
<br />
Une vie, celle de Jean-Luc EINAUDI, en 27 mots, qui seront jugés, <br><br />
jaugés, pesés, sous pesés <br><br />
confirmés<br><br />
ou infirmés <br><br />
par l’implacable force de chose jugée liée à la juris dictio. <br><br />
<br />
Infirmés plutôt si l’on en croit Jean-Marc VARAUT, <br><br />
Le ténor le sait, <br><br />
bien qu’il s’agisse de diffamation <br><br />
il ne sera pas question pour la juridiction présidée par Jean-Yves MONFORT<br><br />
d’examiner la véracité ou non des propos d’EINAUDI. <br />
<br />
La condamnation est très probable. <br />
<br />
En 1999 en effet,<br><br />
le droit positif est tel que la preuve de la vérité, <br><br />
l’exceptio veritatis, <br><br />
ne saurait être rapportée s’agissant de faits amnistiés d’une part, <br><br />
et vieux de plus de 10 ans d’autre part. <br />
<br />
Seule la bonne foi d’EINAUDI sera examinée. <br />
<br />
Comme il avait fait condamner le Nouvel Observateur<br><br />
en 1991, qui qualifiait Maurice PAPON de complice du génocide Nazi,<br> <br />
Jean-Marc VARAUT fera condamner EINAUDI, l’historien de circonstances, <br><br />
Il paiera le prix fort,<br><br />
le déshonneur, la honte, <br><br />
et 1 million de franc. <br />
<br />
Dans l’arène,<br><br />
VARAUT n’a point besoin de glaive,<br><br />
Il a le verbe et l’amnistie. <br />
<br />
Le décret du 22 mars 1962, dispose, en effet en son article 1er : <br />
<br />
''« Sont amnistiées les infractions commises dans le cadre des opérations de maintien de l’ordre dirigées contre l’insurrection algérienne avant le 20 mars 1962. »''<br />
<br />
Toutes les infractions, toutes sont pardonnées, <br><br />
C’était du maintien de l’ordre !<br><br />
<br />
Par la force du texte, il n’y aura pas de procès. <br />
<br />
Ce procès, celui de Jean-Luc EINAUDI, <br><br />
Ce procès de rien du tout, <br><br />
Dans la froideur de l’hiver, et de la 17e chambre, <br><br />
Ce procès, <br><br />
scène sur laquelle se joue l’accusation du criminel contre l’humanité tout entière, <br><br />
qui a l’audace, <br><br />
le panache, <br><br />
de tenter de faire condamner le chercheur qui a cherché, <br><br />
car son honneur de criminel contre l’humanité<br />
<br />
Sera l’unique et ténu interstice dans lequel la vérité pourra se glisser. <br />
<br />
Comme quand il fut témoin d’immoralité à BORDEAUX, <br><br />
EINAUDI, déterminé, s’approche de la barre et l’agrippe tel un capitaine<br><br />
Avec l’air d’un Noé qui sait le secret du déluge. <br><br />
Il se tourne vers le plaignant, se tourne vers ses juges.<br><br />
<br />
Il porte l’estocade. <br />
<br />
Pendant deux heures, <br />
<br />
Sans notes, <br />
<br />
Il raconte tout, comme il racontait à Bordeaux, <br><br />
1961, la France et son Afrique qui n’est plus vraiment sienne,<br><br />
PARIS, <br><br />
les harkis, <br><br />
les pieds noirs, <br><br />
les bidonvilles de NANTERRE, CHAMPIGNY, LA COURNEUVE, <br><br />
Les 11 policiers qui, seront fauchés par les balles du FLN, d’aout à septembre.<br><br />
<br />
La haine qui monte entre les deux camps. <br />
<br />
Il raconte le 2 octobre, les obsèques du brigadier Jean DEMOEN<br><br />
la rage, l’émotion de ses collègues, la peur qui monte, la haine aussi, <br><br />
<br />
Les mots du préfet de police Maurice PAPON, qui apaisent moins qu’ils n’attisent, <br />
<br />
« Vous êtes couverts par vos chefs et la légitime défense. Pour un coup donné, nous en rendrons dix. »<br />
<br />
Les litres d’eau de javel bus par les français musulmans d’Algérie dans les caves du commissariat de la <br><br />
Goutte d’or,<br><br />
les attentats<br><br />
les bastonnades,<br><br />
les rackets, <br><br />
les humiliations,<br><br />
les bicots, <br><br />
les bougnoules<br><br />
les ratons. <br><br />
<br />
EINAUDI raconte, la note du 5 octobre de ce même préfet de police, <br><br />
autorisant les policiers à abattre tout français musulman d’Algérie,<br><br />
car c’était leur statut légal, <br><br />
pris en flagrant délit, sans préciser le délit. <br />
<br />
Le couvre-feu du même jour, imposant à ces mêmes Français Musulmans d’Algérie, <br><br />
ou tout autre basané ressemblant de près, ou de loin, ou de très loin, à un arabe, de ne pas quitter son <br><br />
domicile entre 20h30 et 5h30 du matin. <br><br />
<br />
EINAUDI raconte surtout la réponse de la fédération de France du FLN <br><br />
qui appelle tous les algériens à aller, le 17 octobre, se montrer, <br />
<br />
Et de fort belle manière <br />
<br />
Algériens de France, vous sortirez avec vos plus beaux atours, <br><br />
pour montrer que vous existez, que vous ne vous cacherez pas, <br />
<br />
Montrez que vous êtes beaux, et fêtez dans PARIS. <br><br />
Soyez fiers, soyez libres, <br><br />
Mais respectez deux règles : pas d’armes, pas de riposte. <br><br />
<br />
Puis le 17 octobre, puis le 17 octobre. <br />
<br />
En plein PARIS, à l’heure ou sous la pluie, <br><br />
la pavé noirci reflète les enseignes au néon,<br><br />
A l’heure où PARIS fait la queue au cinéma, <br><br />
Où PARIS pousse la porte des cabarets et restaurants, <br><br />
Où PARIS ouvre ses huitres,<br><br />
Où PARIS s’amuse, <br />
<br />
Une foule, dont l’œil seul ne saurait embrasser le contour, <br><br />
Tout entière, debout, comme une hydre vivante,<br><br />
fière, joyeuse, l’âme sans épouvante, <br><br />
<br />
La liberté sublime emplissant les pensées, <br><br />
de 20.000, ou de 30 qui entraient dans PARIS, <br><br />
Qui emplissait la brume de cris et chants rythmés<br />
<br />
''Tahia Djazair,''<br />
''Vive l’Algérie libre, ''<br><br />
''Allez les fellaghas, ''<br><br />
''Libérez BEN BELLA, ''<br><br />
''A bas le couvre-feu,''<br><br />
''A bas le couvre-feu,''<br><br />
<br />
Et c’est au son d’à bas le couvre-feu, <br><br />
Que la police l’ouvrit, le feu. <br />
<br />
La liesse, bien vite, est devenue panique. <br><br />
La foule effrayée, est devenue tempête.<br><br />
Les hommes rendus stupides par l’horreur, <br><br />
courraient,<br><br />
Pour éviter le plomb, le feu et la matraque. <br />
<br />
Dans la brume affreuse de PARIS, <br><br />
les badauds crurent voir d’étranges bucherons travailler dans la nuit, <br><br />
qui frappaient, qui frappaient, d’un geste mécanique, <br><br />
<br />
Quiconque osait laisser trainer un crane ou une cote <br />
<br />
La cruauté, la haine, dans le langage des coups.<br />
<br />
Le sang coulait, giclait de toutes part,<br><br />
Les vêtements des policiers étaient de carnage rougis. <br><br />
Ils avaient tout le soir tué n’importe qui. <br><br />
<br />
L’Ile de la Cité trembla sous ce fracas monstrueux et sauvage. <br />
<br />
Aux abords de la Seine, méthodiquement, on brise les membres, <br><br />
on lie les poignées, on lie les chevilles, <br><br />
et on jette les gens, comme des fétus de paille. <br><br />
Les ponts Saint Michel, de Neuilly, pleurèrent longtemps des corps balancés comme cela. <br />
<br />
Cette nuit-là, les badauds des rives de Seine virent, <br><br />
sur le souple oreiller de l’eau molle et profonde, <br><br />
le reflet de la lune perturbé çà et là par le passage délicat d’étranges nénuphars, <br><br />
caressés, portés, sur des flots incertains, et voguant vers l’oubli. <br />
<br />
Cette nuit-là, 12000 hommes furent raflés vers le Palais des sports,<br><br />
Mais cette nuit-là seulement, demain Ray Charles y joue. On rafle, mais on doit quand même danser...<br><br />
Heureusement qu’il reste Vincennes et Pierre de Coubertin pour la foule des arrêtés, leurs cris, plaies, <br><br />
clameurs et abois, le sol couvert de morts sur qui tombait la nuit.<br />
<br />
Les autres râlants, brisés, <br><br />
et morts plus qu’à moitié. <br />
<br />
C’était le maintien de l’ordre, couvert par l’amnistie. <br />
<br />
EINAUDI achève, regardant directement son accusateur dans les yeux, <br><br />
le défiant, <br><br />
lui disant être venu en mémoire de ces victimes algériennes, <br><br />
enterrées comme des chiens dans la fosse commune réservée aux musulmans inconnus du cimetière de <br><br />
THIAIS, <br />
<br />
L’accusateur, Maurice PAPON, n’est pas plus perturbé que cela. <br />
<br />
Il a toujours son prétexte. <br />
<br />
D’une voix sure, qui prend son temps, <br><br />
d’une expression aisée, qui sent le passé, <br><br />
d’un phrasé impeccable, il reprend EINAUDI : <br><br />
<br />
« Monsieur le Président, <br />
<br />
Dans les wilayas musulmanes, on m’appelait AL MAHDI : c’est le bon, le juste, le sage. <br />
<br />
Peut-être la plus belle décoration que j’ai reçu de ma carrière. <br />
<br />
J’aimais les algériens. <br><br />
Les algériens m’aimaient. <br><br />
<br />
Le FLN tuait, Monsieur le Président.<br />
<br />
Chez les policiers, le sang était chaud et la vindicte à fleur de peau. <br />
<br />
Ce 17 octobre était une bataille qu’il fallait accepter et gagner. <br />
<br />
Imaginez-vous, le déferlement de cette marée écumante vers l’Etoile et les Champs ? <br />
<br />
Le FLN voulait immerger PARIS sous des vagues algériennes.<br> <br />
On a frisé la subversion, évité le désastre. <br />
<br />
Les centaines de morts sont une ignoble invention. <br><br />
Les photos, des trucages.<br><br />
<br />
C’est inimaginable d’accuser les personnels de police d’avoir fait cela. <br><br />
Ce n’est pas leur style.<br />
<br />
On ne casse pas des cranes avec un képi.<br />
<br />
Le Général m’avait ordonné de tenir PARIS. <br><br />
J’AI OBEI AUX ORDRES et J’ai tenu PARIS.<br> <br />
<br />
Force est restée à la loi, au prix de trois morts inutiles. <br />
<br />
Monsieur le Président, <br><br />
La France, tant que j’aurai un souffle,<br><br />
Je ne laisserai pas y toucher. »<br><br />
<br />
Le prétexte est travaillé, il est bon,<br><br />
la conscience est sauve, <br><br />
<br />
face à la cohorte de témoins cités par EINAUDI,<br />
<br />
Face à Emile Portzer, policier, qui raconte les moqueries des collègues,<br><br />
Les fausses rumeurs de policiers morts le soir des faits sur les radios<br><br />
Démenties par personne, qui raconte les rires !<br><br />
« Un bougnoule en moins » haha<br><br />
« On va voir si les rats savent nager » hahaha<br><br />
<br />
PAPON ne tremble pas. <br />
<br />
Ahcène BOULANOUAR qui raconte comment il fut pendu, <br><br />
comme tant d’autres, <br><br />
dans la cour de la Préfecture de Police de PARIS<br><br />
<br />
PAPON ne tremble pas.<br />
<br />
Gérard GRANDE, élève infirmier au Palais des sports, <br><br />
vient partager son sentiment sur les 9 cadavres aperçus dans un placards. <br><br />
<br />
PAPON ne tremble pas.<br />
<br />
Une mère, endeuillée depuis 38 ans, passe rapidement.<br><br />
Elle tente. Sanglote. Et dans une prière se rassoit. <br><br />
L’on comprend en la voyant que l’enfant qu’on allaita, <br><br />
c’est dur de l’enterrer.<br />
<br />
PAPON ne tremble pas.<br />
<br />
Enfin, Brigitte LAINE et Philippe GRAND.<br />
<br />
Qui n’étaient pas là,<br><br />
qui n’ont pas parlé à un seul témoin. <br><br />
mais qui, en tant que conservateurs aux archives de PARIS,<br> <br />
viennent déposer au prix d’une entorse manifeste à leur devoir de réserve,<br><br />
Tout simplement faire état de ce qu’ils ont vu, <br><br />
dans les archives, du parquet notamment, <br><br />
qu’on refuse avec force à EINAUDI.<br><br />
<br />
Des 103 dossiers d’instruction ouverts, concernant 130 personnes, <br><br />
tous couverts par l’amnistie, <br />
<br />
Des 32 dossiers pour 40 décès, classés sans suite, <br />
<br />
Du réquisitoire définitif du 30 octobre <br><br />
relatif à la mort de 63 nord africains, <br><br />
dont 26 non-identifiés,<br><br />
<br />
Des constantes : strangulations, mains liées, balles, noyades, <br />
<br />
Et une motivation qui sans cesse revient :<br />
<br />
« aucun élément ne permet de vérifier/établir que X a été blessé par un rpz des FDO ».<br />
<br />
Les archives viennent de parler. <br />
<br />
L’Etat vient de parler. <br />
<br />
Là, PAPON tremble un peu. <br />
<br />
Furieux, Jean-Marc VARAUT plaide et interpelle les archivistes<br><br />
D’un art tyrannique, il se fait menaçant, <br />
<br />
Avez-vous seulement conscience de faire état de documents couverts par le secret d’Etat<br><br />
Monsieur le Président, Mesdames du tribunal, <br><br />
La FRANCE est malade de ses fonctionnaires. <br><br />
<br />
Ce pseudo historien, qui a jadis produit un livre sur ces faits, <br><br />
attaqué par personne car lu par personne, <br><br />
convoque un obscur policier, et des témoins compromis avec l’ennemi. <br />
<br />
C’était la guerre, contre la rébellion terroriste. <br />
<br />
Les 12000 arrestations ont permis de mettre aux arrêts<br> <br />
les proxénètes, les oisifs, les cadres du FLN. <br><br />
<br />
Pierre MESSMER, ministre des armées de l’époque, <br><br />
est venu le dire à Bordeaux !<br><br />
« on ne peut pas imputer un préfet la responsabilité des événements<br><br />
lorsque le gouvernement lui a donné des ordres précis ». <br><br />
<br />
Le Général savait.<br><br />
Il savait les ordres clairs qu’il a donné. <br><br />
Il a maintenu PAPON. <br />
<br />
A travers PAPON, c’est de Gaulle qu’on attaque. <br />
<br />
Son honneur bafoué, devra être réparé. <br><br />
L’honneur du a sa fonction. <br><br />
L’honneur du à la France. <br><br />
<br />
Vincent LESCLOUX, premier substitut du procureur, commence par un hommage. <br />
<br />
Il y eut un nombre important de morts dans la nuit du 17 octobre. <br><br />
De pauvres morts qui pèsent lourds sur la conscience. <br><br />
De pauvres morts anonymes.<br><br />
<br />
Certains policiers sont devenus – nombreux – les jouets de la haine qui les a aveuglés. <br />
<br />
EINAUDI a pu, à bon droit, utiliser le mot massacre, <br />
<br />
''« l’expression de meurtre n’étant plus adaptée vu le nombre de morts et les exactions déchainées des <br />
<br />
forces de police ». ''<br />
<br />
Les recherches d’EINAUDI ont fait sonner les 12 coups de l’histoire. <br />
<br />
Toutefois, n’a-t-il pas diffamé en affirmant que cela a été fait sous les ordres de PAPON ? <br><br />
A-t-il fait preuve de prudence alors qu’il n’a pas recherché les responsabilités intermédiaires ? <br />
<br />
Le lecteur moyen a pu comprendre cette phrase comme une grave accusation portant atteinte à l’honneur <br><br />
du plaignant.<br />
<br />
N’étant pas prouvée, elle est diffamatoire.<br />
<br />
En défense Pierre MAIRAT rappelle la stratégie de PAPON : <br />
<br />
Faire condamner EINAUDI dont la parole a pesé si lourd à BORDEAUX, avant un second procès après <br><br />
cassation. <br />
<br />
Il veut faire taire la bouche de l’histoire, la liberté de recherche. <br />
<br />
La défense de PAPON se caractérise, <br><br />
soit par le silence, <br><br />
soit par le mensonge, le bluff, la négation, <br><br />
soit encore par la duplicité. <br><br />
<br />
Il nie les victimes des brutalités policières.<br />
<br />
Il nie les morts.<br />
<br />
Il nie les disparus.<br />
<br />
Il nie les photos.<br />
<br />
Il nie les témoignages. <br />
<br />
Si les manifestants étaient dangereux et armés : <br><br />
pourquoi aucun blessé par balle chez la police ? <br><br />
Pourquoi aucune arme saisie chez les manifestants ? <br><br />
<br />
Le massacre est reconnu par le parquet, le représentant, la bouche de l’Etat, de la société. <br />
<br />
Dès lors, ou est la diffamation ? N’est-il pas temps de regarder notre histoire en face ? <br />
<br />
La relaxe s’impose. <br />
<br />
Le dernier mot revient au prévenu, à Jean-Luc EINAUDI, <br><br />
qui d’un dernier regard à PAPON lui lance : <br><br />
<br />
Vous me méprisez, vous avez voulu me faire taire, <br><br />
mais j’ai envie de vous dire, Monsieur Papon, merci ! <br><br />
en me faisant ce procès, vous avez permis que l’histoire avance.<br><br />
<br />
Le tribunal se retire pour délibérer. <br />
<br />
Les semaines passent, la tension monte. <br />
<br />
Le 26 mars 1999, la salle est plus clairsemée. <br><br />
Les nerfs sont plus tendus, <br><br />
Le délibéré, rendu par Jean-Yves MONFORT, <br><br />
n’est tout d’abord pas en la faveur du prévenu. <br><br />
<br />
Il conclut en effet tout d’abord au caractère diffamatoire de l’assertion, en ce qu’elle porte, par sa nature <br><br />
même, atteinte à l’honneur du plaignant. <br />
<br />
Le prétexte se porte bien. <br />
<br />
Cependant : <br />
<br />
« Considérant que l’ensemble des témoignages versés au dossier sont concordants ; <br><br />
Que les éléments produits démontrent que certains éléments des FDO ont agi avec une extrême <br><br />
violence ; <br><br />
Que cette violence n’était pas justifiée par le comportement manifestants ce soir-là ; <br><br />
Que le nombre des victimes a été important , en tout cas largement supérieur à celui du bilan officiel ; <br><br />
<br />
<br />
Que dès lors que l’on admet que la version officielle des événements de 1961 semble avoir été inspirée <br><br />
largement par la raison d’Etat <br><br />
– admissible , au demeurant , au regard de la situation de l’époque –<br><br />
et que l’extrême dureté de la répression d’alors doit appeler, de nos jours, des analyses différentes, qui <br><br />
n’excluent pas nécessairement l’emploi du mot » massacre », <br><br />
on ne saurait faire grief à un historien, <br><br />
auquel on ne conteste finalement pas le sérieux et la qualité de sa recherche, <br><br />
d’avoir manqué de circonspection lorsque, <br><br />
dans une formule conclusive , <br><br />
qui tend à interpeller le lecteur, <br><br />
il qualifie rudement les faits, <br><br />
et désigne sèchement un responsable.<br />
<br />
La liberté de la recherche historique doit avoir en effet pour corollaire une certaine tolérance dans <br><br />
l’appréciation de l’expression de ses résultats. <br><br />
<br />
Le Tribunal considère donc que le bénéfice de la bonne foi peut être accordé au prévenu.<br />
<br />
PAR CES MOTIFS<br />
<br />
Le tribunal statuant publiquement, <br><br />
en matière correctionnelle, <br><br />
en premier ressort et par jugement contradictoire<br><br />
<br />
RELAXE le prévenu Jean-Luc EINAUDI des fins de la poursuite,<br />
<br />
DÉBOUTE la partie civile Maurice PAPON de ses demandes. »<br />
<br />
Le Mahdi a perdu, et dormira plus mal.<br />
<br />
Messieurs et Mesdames les Bâtonniers, <br><br />
Messieurs et Mesdames les Hauts Magistrats, <br><br />
<br />
Chers Confrères, <br />
<br />
Chères Consœurs, <br />
<br />
Les lois, les tribunaux, les juges, <br><br />
participent à garnir les pages du grand livre de l’histoire. <br><br />
<br />
Toutefois, <br><br />
Les magistrats ne sont, ni des militants, ni des justiciers, ni des historiens.<br><br />
<br />
Ils disent le droit. <br />
<br />
La vérité judiciaire est chose bien étrange. <br />
<br />
Elle me permet de dire, excipant ce jugement, qu’un massacre a eu lieu. <br />
<br />
Mais un massacre, n’est pas une qualification juridique. <br><br />
Un assassinat, un meurtre, ça l’est. <br />
<br />
Ainsi, nos principe, essentiels à notre office et à toute société, <br><br />
en raison de la présomption d’innocence, <br><br />
m’empêchent de dire<br><br />
que quiconque a commis un assassinat ou un meurtre ce soir-là. <br><br />
<br />
L’amnistie, en passant l’éponge judiciaire a lavé, <br><br />
pardonné, oublié. <br />
<br />
La vérité, quand elle est imposée<br><br />
car l’amnistie est une injonction, <br><br />
est chose bien volatile. <br><br />
<br />
Le 14 septembre 2023, un avocat général requérait la relaxe à l’endroit de six policiers qui, ayant <br><br />
repêché un homme dans l’eau, se moquaient du bicot qu’il était. <br />
<br />
Car oui un bicot comme ça, ça nage pas. <br />
<br />
Qualifiant le dossier de « cirque (…) auquel il est bon de mettre fin », <br><br />
cet avocat général évoquait notamment le 17 octobre <br><br />
en disant que c’était le FLN qui noyait les algériens ce jour-là. <br><br />
<br />
Donc vous savez, la vérité. <br />
<br />
Elle réside surtout dans les faits.<br />
<br />
Le fait est que dans notre capitale, Paris, ville où l’Europe se mêle,<br><br />
Poumon de la morale, du droit, de la vérité, de la vertu, du devoir, du progrès, de la raison, <br><br />
Dans PARIS, on peut tuer des centaines d’arabes, sans qu’on sache précisément combien. <br><br />
<br />
100 à 300 c’est de la statistique, et de la mauvaise. <br />
<br />
La vérité n’est que dans les faits<br><br />
Le fait est que PAPON était un boulon, au sein d’une machine bien huilée. <br><br />
PAPON était fonctionnaire, <br><br />
Fonctionnaire de l’Etat français, puis de la République. <br><br />
<br />
PAPON a obéi aux ordres. <br><br />
Le prétexte est bien commode, mais le prétexte est vrai. <br />
<br />
Le 17 octobre 1961, <br><br />
Roger FREY, Ministre de l’intérieur, savait, et a ordonné, <br><br />
Michel DEBRE, Premier Ministre, savait, et a ordonné, <br><br />
Charles de GAULLE, Président de la République, savait, et a ordonné. <br><br />
<br />
Il n’y aura pas de procès pour le 17 octobre 1961. <br />
<br />
La vérité n’est que dans les faits<br><br />
Le fait est que Maurice PAPON dort, <br />
<br />
pour toujours et à jamais, <br><br />
avec sa légion d’honneur sur le torse. <br />
<br />
Quand les repêchés du 17 octobre, dorment, <br><br />
le souvenir enseveli, <br><br />
dans l’étroit cimetière de Thiais, <br><br />
où l’écho seul leur répond.<br><br />
<br />
Rien ne sait plus leur nom, pas même une simple pierre. <br />
<br />
Sans procès, seule l’ordalie fait loi<br><br />
Finalement, s’ils ont coulés, peut-être qu’ils étaient coupables.<br />
<br />
Messieurs et Mesdames les Bâtonniers, <br><br />
Messieurs et Mesdames les Hauts Magistrats, <br><br />
Chers Confrères, <br><br />
Chères Consœurs, <br><br />
<br />
Nous sommes tous des bicots. <br><br />
Nous sommes tous des youpins. <br><br />
Nous sommes tous des nègres. <br><br />
<br />
La mémoire apaise<br><br />
Quand l’oubli invite à l’incendie, <br><br />
On n’oublie pas volontairement. <br><br />
<br />
Qu’on ouvre les archives, et que quiconque aille par lui-même,<br><br />
Se jeter à corps perdu dans l’admiration des plus belles pages de l’histoire de notre pays, <br><br />
comme dans la lecture coupable de celles les plus flétries. <br><br />
<br />
Vous, où ceux qui comme moi,<br />
<br />
perdus entre leurs racines ancrées dans une mémoire coloniale<br><br />
que nul ne veut voir, <br><br />
et leurs branches qui fleurissent sous un beau ciel français, <br><br />
<br />
Perdus entre le ressentiment de ne pas vraiment être,<br><br />
et l’envie d’être, mais pas vraiment. <br><br />
<br />
Perdus dans le passé, leçon qu’épelle l’avenir,<br><br />
Perdus dans ce qui commença, pour ne jamais finir. <br><br />
<br />
Perdus. <br />
<br />
Hélas ! combien de temps faudra-t-il vous redire <br><br />
À vous tous, que c’était à vous de les conduire,<br><br />
Qu’il fallait leur donner leur part de la cité,<br><br />
Que votre aveuglement produit leur cécité ;<br><br />
D’une tutelle avare on recueille les suites,<br><br />
Et le mal qu’ils vous font, c’est vous qui le leur fîtes.<br><br />
<br />
Messieurs et Mesdames les Bâtonniers, <br><br />
Messieurs et Mesdames les Hauts Magistrats, <br><br />
Chers Confrères, <br><br />
Chères Consœurs, <br><br />
<br />
Vous sortirez, dans une heure, vous promener un peu.<br />
<br />
Il faut bien digérer les petits fours, <br />
<br />
Sortez du théâtre,<br />
<br />
Traversez la foule<br><br />
Traversez la route, <br><br />
Là, arrêtez-vous un instant, sur le Pont Saint Michel,<br><br />
penchez-vous sur les eaux sombres et calmes de la Seine. <br><br />
<br />
Et ne détournez pas le regard<br><br />
Quand vous verrez les cadavres remonter.</div>Asecretanhttps://www.lagbd.org/index.php?title=Rentree_solennelle_du_Barreau_de_PARIS_Discours_de_Seydi_BA_Deuxieme_secretaire_de_la_conference&diff=79414Rentree solennelle du Barreau de PARIS Discours de Seydi BA Deuxieme secretaire de la conference2023-12-05T14:03:52Z<p>Asecretan : </p>
<hr />
<div>{{DISPLAYTITLE: Rentrée solennelle du Barreau de Paris- Discours de Me Seydi BA, deuxième secrétaire de la Conférence}}<br />
<br />
[[Catégorie: Article juridique]]<br />
<br />
Discours de Seydi BA, deuxième [https://www.laconference.net/ secrétaire de la Conférence]<br>:<br />
<br />
'''''Le procès de Jean-Luc EINAUDI, ou « l’honneur de PAPON »'''''<br><br />
''17e chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de PARIS''<br><br />
''Les 4, 5, 11, 12 février 1999''<br />
<br />
<br />
[[Fichier:Discours1.jpg|320px|center]]<br />
<br />
[[Fichier:Discours2.jpg|320px|center]]<br />
<br />
<br />
<br />
<br />
<br />
Lire au format PDF : [[Fichier:Logo-PDF.png|40px|link=https://www.lagbd.org/images/d/dc/Discours_de_Seydi_Ba_2%C3%A8me_secr%C3%A9taire_de_la_Conf%C3%A9rence.pdf]]<br />
***<br />
<br />
<br />
InchAllah, le corps remontera, <br />
<br />
Si Dieu le veut, il reverra les cieux, <br />
<br />
L’ordalie a cela de parfait, qu’elle permet d’arriver à un objectif complexe,<br><br />
la paix sociale, <br><br />
par un processus simple. <br><br />
<br />
Un corps, de l’eau, et Dieu. <br />
<br />
Qu’importe l’innocence, la culpabilité<br />
<br />
Pourvu qu’on ait la paix. <br />
<br />
Le sort des âmes se joue dans le miroir froid et mouillé de la justice divine. <br />
<br />
La vérité se dissout, emportée par les courants, <br />
<br />
et le village dort bien mieux, sachant la sorcière morte.<br />
<br />
Si elle a coulé, c’est qu’elle était coupable. <br><br />
S’ils ont coulés, c’est qu’ils étaient coupables. <br />
<br />
Sur de son innocence, convaincu de sa bonne foi, <br><br />
l’homme ne peut mal agir. <br />
<br />
L’homme peut avoir, d’une simple signature, envoyé, cohortes et légions d’hommes femmes enfants, <br><br />
vers une mort certaine, douloureuse, par suffocation, <br><br />
il n’a pas forcément mal agi ! <br><br />
s’il avait un prétexte. <br><br />
<br />
Un prétexte, <br><br />
Une pensée, simple, lapidaire, qui vient ordonner le chaos et arrêter la tempête sous le crâne. <br><br />
Une pensée, qui vient faire la jonction entre l’action la plus abjecte permise par la Création, et la bonne <br><br />
personne, que nous sommes tous, au moins pour nous-mêmes.<br><br />
<br />
Le prétexte nous fait bonne personne.<br><br />
Une bonne personne, ça dort bien. <br><br />
Un prétexte, et vous dormirez bien. <br><br />
<br />
Je n’ai fait qu’obéir aux ordres. <br />
<br />
S’ils ont coulé, c’est qu’ils étaient coupables. <br />
<br />
Bonne nuit, Monsieur PAPON. <br />
<br />
Mesdames Messieurs les Bâtonniers, <br><br />
Mesdames Messieurs les Hauts Magistrats,<br> <br />
Chères Consœurs, Chers Confrères. <br><br />
<br />
Vous êtes de bonnes personnes.<br />
<br />
Par la magie de son prétexte, Maurice PAPON l’est tout autant. <br />
<br />
Certes, il a été condamné pour crime contre l’humanité, à BORDEAUX, <br />
<br />
MAIS DEJA il s’est pourvu en cassation<br />
<br />
ET SURTOUT il a obéi aux ordres.<br />
<br />
Il conserve ainsi l’honneur propre aux gens de bien, <br><br />
jadis confié au hasard du duel, désormais protégé par le droit, la justice.<br><br />
<br />
C’est la raison pour laquelle c’est la même silhouette qu’à Bordeaux, <br><br />
avec la même cravate noire, <br><br />
le même costume blanc, <br><br />
la même rosette <br><br />
avec une moustache en plus qui se tient, <br><br />
ce 5 février 1999, sur le banc des parties civiles de la 17e chambre correctionnelle du Tribunal de grande <br><br />
instance de PARIS.<br />
<br />
Pour son honneur, <br><br />
celui de la fonction qu’il occupait jadis, <br><br />
celui de son pays. <br><br />
<br />
Ses avocats, Jean-Marc VARAUT et Francis VUILLEMIN, y voient une stratégie plus judiciaire, plus <br><br />
cynique : <br><br />
dans l’attente de l’issue du pourvoi, <br><br />
faire citer en diffamation ce témoin d’immoralité si embêtant à BORDEAUX, <br><br />
le faire condamner<br><br />
<br />
pour le discréditer et alléger un dossier déjà bien lourd, <br><br />
dans l’optique d’un second procès<br />
<br />
Va ainsi se jouer, durant 4 jours, devant la 17e, l’issue d’un combat judiciaire entre deux fins bretteurs. <br />
<br />
Le dénouement d’un mano a mano sur fond de vérité, <br />
<br />
d’honneur,<br />
<br />
et de considération.<br />
<br />
Le prévenu n’est pas comme son adversaire, <br><br />
commandeur de la Légion d’honneur. <br />
<br />
Pas de titre de l’autre côté de la barre, juste un homme, <br><br />
un éducateur à la protection judiciaire de la jeunesse, <br><br />
qui a fait un peu d’histoire. <br />
<br />
Vous aurez oublié son nom à la fin de ce discours.<br />
<br />
C’est ce qu’il aurait voulu. <br><br />
Que son nom s’efface, <br><br />
pour laisser toute la place à son œuvre, <br><br />
son obsession, <br><br />
le 17 octobre 1961, <br><br />
date à laquelle PARIS noya les algériens. <br />
<br />
Assisté de son défenseur, Pierre MAIRAT,<br><br />
Jean-Luc EINAUDI est prévenu d’avoir commis l’infraction de diffamation envers un fonctionnaire<br><br />
public, <br />
<br />
En l’espèce, <br />
<br />
En portant atteinte à l’honneur et à la considération de Maurice PAPON, en signant le 20 mai 1998 une tribune dans Le Monde dans laquelle il affirmait : <br />
<br />
« Je persiste et je signe. Il y eut, en octobre 1961, Un massacre commis par des forces de l’ordre<br><br />
Sous les ordres de Maurice PAPON ». <br />
<br />
En cette phrase, ces 27 mots, l’œuvre de la vie de Jean-Luc EINAUDI.<br />
<br />
Une vie de recherches, <br><br />
de rencontres, <br><br />
de recueils de témoignages, <br><br />
de doutes sur ce bilan officiel de 3 morts, malgré les deuils par centaines, <br><br />
de dizaines de demandes d’accès aux archives nationales, et d’autant de refus,<br> <br />
Une vie de chemin égaré dans la brume de la raison d’Etat.<br />
<br />
Une vie, celle de Jean-Luc EINAUDI, en 27 mots, qui seront jugés, <br><br />
jaugés, pesés, sous pesés <br><br />
confirmés<br><br />
ou infirmés <br><br />
par l’implacable force de chose jugée liée à la juris dictio. <br><br />
<br />
Infirmés plutôt si l’on en croit Jean-Marc VARAUT, <br><br />
Le ténor le sait, <br><br />
bien qu’il s’agisse de diffamation <br><br />
il ne sera pas question pour la juridiction présidée par Jean-Yves MONFORT<br><br />
d’examiner la véracité ou non des propos d’EINAUDI. <br />
<br />
La condamnation est très probable. <br />
<br />
En 1999 en effet,<br><br />
le droit positif est tel que la preuve de la vérité, <br><br />
l’exceptio veritatis, <br><br />
ne saurait être rapportée s’agissant de faits amnistiés d’une part, <br><br />
et vieux de plus de 10 ans d’autre part. <br />
<br />
Seule la bonne foi d’EINAUDI sera examinée. <br />
<br />
Comme il avait fait condamner le Nouvel Observateur<br><br />
en 1991, qui qualifiait Maurice PAPON de complice du génocide Nazi,<br> <br />
Jean-Marc VARAUT fera condamner EINAUDI, l’historien de circonstances, <br><br />
Il paiera le prix fort,<br><br />
le déshonneur, la honte, <br><br />
et 1 million de franc. <br />
<br />
Dans l’arène,<br><br />
VARAUT n’a point besoin de glaive,<br><br />
Il a le verbe et l’amnistie. <br />
<br />
Le décret du 22 mars 1962, dispose, en effet en son article 1er : <br />
<br />
''« Sont amnistiées les infractions commises dans le cadre des opérations de maintien de l’ordre dirigées contre l’insurrection algérienne avant le 20 mars 1962. »''<br />
<br />
Toutes les infractions, toutes sont pardonnées, <br><br />
C’était du maintien de l’ordre !<br><br />
<br />
Par la force du texte, il n’y aura pas de procès. <br />
<br />
Ce procès, celui de Jean-Luc EINAUDI, <br><br />
Ce procès de rien du tout, <br><br />
Dans la froideur de l’hiver, et de la 17e chambre, <br><br />
Ce procès, <br><br />
scène sur laquelle se joue l’accusation du criminel contre l’humanité tout entière, <br><br />
qui a l’audace, <br><br />
le panache, <br><br />
de tenter de faire condamner le chercheur qui a cherché, <br><br />
car son honneur de criminel contre l’humanité<br />
<br />
Sera l’unique et ténu interstice dans lequel la vérité pourra se glisser. <br />
<br />
Comme quand il fut témoin d’immoralité à BORDEAUX, <br><br />
EINAUDI, déterminé, s’approche de la barre et l’agrippe tel un capitaine<br><br />
Avec l’air d’un Noé qui sait le secret du déluge. <br><br />
Il se tourne vers le plaignant, se tourne vers ses juges.<br><br />
<br />
Il porte l’estocade. <br />
<br />
Pendant deux heures, <br />
<br />
Sans notes, <br />
<br />
Il raconte tout, comme il racontait à Bordeaux, <br><br />
1961, la France et son Afrique qui n’est plus vraiment sienne,<br><br />
PARIS, <br><br />
les harkis, <br><br />
les pieds noirs, <br><br />
les bidonvilles de NANTERRE, CHAMPIGNY, LA COURNEUVE, <br><br />
Les 11 policiers qui, seront fauchés par les balles du FLN, d’aout à septembre.<br><br />
<br />
La haine qui monte entre les deux camps. <br />
<br />
Il raconte le 2 octobre, les obsèques du brigadier Jean DEMOEN<br><br />
la rage, l’émotion de ses collègues, la peur qui monte, la haine aussi, <br><br />
<br />
Les mots du préfet de police Maurice PAPON, qui apaisent moins qu’ils n’attisent, <br />
<br />
« Vous êtes couverts par vos chefs et la légitime défense. Pour un coup donné, nous en rendrons dix. »<br />
<br />
Les litres d’eau de javel bus par les français musulmans d’Algérie dans les caves du commissariat de la <br><br />
Goutte d’or,<br><br />
les attentats<br><br />
les bastonnades,<br><br />
les rackets, <br><br />
les humiliations,<br><br />
les bicots, <br><br />
les bougnoules<br><br />
les ratons. <br><br />
<br />
EINAUDI raconte, la note du 5 octobre de ce même préfet de police, <br><br />
autorisant les policiers à abattre tout français musulman d’Algérie,<br><br />
car c’était leur statut légal, <br><br />
pris en flagrant délit, sans préciser le délit. <br />
<br />
Le couvre-feu du même jour, imposant à ces mêmes Français Musulmans d’Algérie, <br><br />
ou tout autre basané ressemblant de près, ou de loin, ou de très loin, à un arabe, de ne pas quitter son <br><br />
domicile entre 20h30 et 5h30 du matin. <br><br />
<br />
EINAUDI raconte surtout la réponse de la fédération de France du FLN <br><br />
qui appelle tous les algériens à aller, le 17 octobre, se montrer, <br />
<br />
Et de fort belle manière <br />
<br />
Algériens de France, vous sortirez avec vos plus beaux atours, <br><br />
pour montrer que vous existez, que vous ne vous cacherez pas, <br />
<br />
Montrez que vous êtes beaux, et fêtez dans PARIS. <br><br />
Soyez fiers, soyez libres, <br><br />
Mais respectez deux règles : pas d’armes, pas de riposte. <br><br />
<br />
Puis le 17 octobre, puis le 17 octobre. <br />
<br />
En plein PARIS, à l’heure ou sous la pluie, <br><br />
la pavé noirci reflète les enseignes au néon,<br><br />
A l’heure où PARIS fait la queue au cinéma, <br><br />
Où PARIS pousse la porte des cabarets et restaurants, <br><br />
Où PARIS ouvre ses huitres,<br><br />
Où PARIS s’amuse, <br />
<br />
Une foule, dont l’œil seul ne saurait embrasser le contour, <br><br />
Tout entière, debout, comme une hydre vivante,<br><br />
fière, joyeuse, l’âme sans épouvante, <br><br />
<br />
La liberté sublime emplissant les pensées, <br><br />
de 20.000, ou de 30 qui entraient dans PARIS, <br><br />
Qui emplissait la brume de cris et chants rythmés<br />
<br />
''Tahia Djazair,''<br />
''Vive l’Algérie libre, ''<br><br />
''Allez les fellaghas, ''<br><br />
''Libérez BEN BELLA, ''<br><br />
''A bas le couvre-feu,''<br><br />
''A bas le couvre-feu,''<br><br />
<br />
Et c’est au son d’à bas le couvre-feu, <br><br />
Que la police l’ouvrit, le feu. <br />
<br />
La liesse, bien vite, est devenue panique. <br><br />
La foule effrayée, est devenue tempête.<br><br />
Les hommes rendus stupides par l’horreur, <br><br />
courraient,<br><br />
Pour éviter le plomb, le feu et la matraque. <br />
<br />
Dans la brume affreuse de PARIS, <br><br />
les badauds crurent voir d’étranges bucherons travailler dans la nuit, <br><br />
qui frappaient, qui frappaient, d’un geste mécanique, <br><br />
<br />
Quiconque osait laisser trainer un crane ou une cote <br />
<br />
La cruauté, la haine, dans le langage des coups.<br />
<br />
Le sang coulait, giclait de toutes part,<br><br />
Les vêtements des policiers étaient de carnage rougis. <br><br />
Ils avaient tout le soir tué n’importe qui. <br><br />
<br />
L’Ile de la Cité trembla sous ce fracas monstrueux et sauvage. <br />
<br />
Aux abords de la Seine, méthodiquement, on brise les membres, <br><br />
on lie les poignées, on lie les chevilles, <br><br />
et on jette les gens, comme des fétus de paille. <br><br />
Les ponts Saint Michel, de Neuilly, pleurèrent longtemps des corps balancés comme cela. <br />
<br />
Cette nuit-là, les badauds des rives de Seine virent, <br><br />
sur le souple oreiller de l’eau molle et profonde, <br><br />
le reflet de la lune perturbé çà et là par le passage délicat d’étranges nénuphars, <br><br />
caressés, portés, sur des flots incertains, et voguant vers l’oubli. <br />
<br />
Cette nuit-là, 12000 hommes furent raflés vers le Palais des sports,<br><br />
Mais cette nuit-là seulement, demain Ray Charles y joue. On rafle, mais on doit quand même danser...<br><br />
Heureusement qu’il reste Vincennes et Pierre de Coubertin pour la foule des arrêtés, leurs cris, plaies, <br><br />
clameurs et abois, le sol couvert de morts sur qui tombait la nuit.<br />
<br />
Les autres râlants, brisés, <br><br />
et morts plus qu’à moitié. <br />
<br />
C’était le maintien de l’ordre, couvert par l’amnistie. <br />
<br />
EINAUDI achève, regardant directement son accusateur dans les yeux, <br><br />
le défiant, <br><br />
lui disant être venu en mémoire de ces victimes algériennes, <br><br />
enterrées comme des chiens dans la fosse commune réservée aux musulmans inconnus du cimetière de <br><br />
THIAIS, <br />
<br />
L’accusateur, Maurice PAPON, n’est pas plus perturbé que cela. <br />
<br />
Il a toujours son prétexte. <br />
<br />
D’une voix sure, qui prend son temps, <br><br />
d’une expression aisée, qui sent le passé, <br><br />
d’un phrasé impeccable, il reprend EINAUDI : <br><br />
<br />
« Monsieur le Président, <br />
<br />
Dans les wilayas musulmanes, on m’appelait AL MAHDI : c’est le bon, le juste, le sage. <br />
<br />
Peut-être la plus belle décoration que j’ai reçu de ma carrière. <br />
<br />
J’aimais les algériens. <br><br />
Les algériens m’aimaient. <br><br />
<br />
Le FLN tuait, Monsieur le Président.<br />
<br />
Chez les policiers, le sang était chaud et la vindicte à fleur de peau. <br />
<br />
Ce 17 octobre était une bataille qu’il fallait accepter et gagner. <br />
<br />
Imaginez-vous, le déferlement de cette marée écumante vers l’Etoile et les Champs ? <br />
<br />
Le FLN voulait immerger PARIS sous des vagues algériennes.<br> <br />
On a frisé la subversion, évité le désastre. <br />
<br />
Les centaines de morts sont une ignoble invention. <br><br />
Les photos, des trucages.<br><br />
<br />
C’est inimaginable d’accuser les personnels de police d’avoir fait cela. <br><br />
Ce n’est pas leur style.<br />
<br />
On ne casse pas des cranes avec un képi.<br />
<br />
Le Général m’avait ordonné de tenir PARIS. <br><br />
J’AI OBEI AUX ORDRES et J’ai tenu PARIS.<br> <br />
<br />
Force est restée à la loi, au prix de trois morts inutiles. <br />
<br />
Monsieur le Président, <br><br />
La France, tant que j’aurai un souffle,<br><br />
Je ne laisserai pas y toucher. »<br><br />
<br />
Le prétexte est travaillé, il est bon,<br><br />
la conscience est sauve, <br><br />
<br />
face à la cohorte de témoins cités par EINAUDI,<br />
<br />
Face à Emile Portzer, policier, qui raconte les moqueries des collègues,<br><br />
Les fausses rumeurs de policiers morts le soir des faits sur les radios<br><br />
Démenties par personne, qui raconte les rires !<br><br />
« Un bougnoule en moins » haha<br><br />
« On va voir si les rats savent nager » hahaha<br><br />
<br />
PAPON ne tremble pas. <br />
<br />
Ahcène BOULANOUAR qui raconte comment il fut pendu, <br><br />
comme tant d’autres, <br><br />
dans la cour de la Préfecture de Police de PARIS<br><br />
<br />
PAPON ne tremble pas.<br />
<br />
Gérard GRANDE, élève infirmier au Palais des sports, <br><br />
vient partager son sentiment sur les 9 cadavres aperçus dans un placards. <br><br />
<br />
PAPON ne tremble pas.<br />
<br />
Une mère, endeuillée depuis 38 ans, passe rapidement.<br><br />
Elle tente. Sanglote. Et dans une prière se rassoit. <br><br />
L’on comprend en la voyant que l’enfant qu’on allaita, <br><br />
c’est dur de l’enterrer.<br />
<br />
PAPON ne tremble pas.<br />
<br />
Enfin, Brigitte LAINE et Philippe GRAND.<br />
<br />
Qui n’étaient pas là,<br><br />
qui n’ont pas parlé à un seul témoin. <br><br />
mais qui, en tant que conservateurs aux archives de PARIS,<br> <br />
viennent déposer au prix d’une entorse manifeste à leur devoir de réserve,<br><br />
Tout simplement faire état de ce qu’ils ont vu, <br><br />
dans les archives, du parquet notamment, <br><br />
qu’on refuse avec force à EINAUDI.<br><br />
<br />
Des 103 dossiers d’instruction ouverts, concernant 130 personnes, <br><br />
tous couverts par l’amnistie, <br />
<br />
Des 32 dossiers pour 40 décès, classés sans suite, <br />
<br />
Du réquisitoire définitif du 30 octobre <br><br />
relatif à la mort de 63 nord africains, <br><br />
dont 26 non-identifiés,<br><br />
<br />
Des constantes : strangulations, mains liées, balles, noyades, <br />
<br />
Et une motivation qui sans cesse revient :<br />
<br />
« aucun élément ne permet de vérifier/établir que X a été blessé par un rpz des FDO ».<br />
<br />
Les archives viennent de parler. <br />
<br />
L’Etat vient de parler. <br />
<br />
Là, PAPON tremble un peu. <br />
<br />
Furieux, Jean-Marc VARAUT plaide et interpelle les archivistes<br><br />
D’un art tyrannique, il se fait menaçant, <br />
<br />
Avez-vous seulement conscience de faire état de documents couverts par le secret d’Etat<br><br />
Monsieur le Président, Mesdames du tribunal, <br><br />
La FRANCE est malade de ses fonctionnaires. <br><br />
<br />
Ce pseudo historien, qui a jadis produit un livre sur ces faits, <br><br />
attaqué par personne car lu par personne, <br><br />
convoque un obscur policier, et des témoins compromis avec l’ennemi. <br />
<br />
C’était la guerre, contre la rébellion terroriste. <br />
<br />
Les 12000 arrestations ont permis de mettre aux arrêts<br> <br />
les proxénètes, les oisifs, les cadres du FLN. <br><br />
<br />
Pierre MESSMER, ministre des armées de l’époque, <br><br />
est venu le dire à Bordeaux !<br><br />
« on ne peut pas imputer un préfet la responsabilité des événements<br><br />
lorsque le gouvernement lui a donné des ordres précis ». <br><br />
<br />
Le Général savait.<br><br />
Il savait les ordres clairs qu’il a donné. <br><br />
Il a maintenu PAPON. <br />
<br />
A travers PAPON, c’est de Gaulle qu’on attaque. <br />
<br />
Son honneur bafoué, devra être réparé. <br><br />
L’honneur du a sa fonction. <br><br />
L’honneur du à la France. <br><br />
<br />
Vincent LESCLOUX, premier substitut du procureur, commence par un hommage. <br />
<br />
Il y eut un nombre important de morts dans la nuit du 17 octobre. <br><br />
De pauvres morts qui pèsent lourds sur la conscience. <br><br />
De pauvres morts anonymes.<br><br />
<br />
Certains policiers sont devenus – nombreux – les jouets de la haine qui les a aveuglés. <br />
<br />
EINAUDI a pu, à bon droit, utiliser le mot massacre, <br />
<br />
''« l’expression de meurtre n’étant plus adaptée vu le nombre de morts et les exactions déchainées des <br />
<br />
forces de police ». ''<br />
<br />
Les recherches d’EINAUDI ont fait sonner les 12 coups de l’histoire. <br />
<br />
Toutefois, n’a-t-il pas diffamé en affirmant que cela a été fait sous les ordres de PAPON ? <br><br />
A-t-il fait preuve de prudence alors qu’il n’a pas recherché les responsabilités intermédiaires ? <br />
<br />
Le lecteur moyen a pu comprendre cette phrase comme une grave accusation portant atteinte à l’honneur <br><br />
du plaignant.<br />
<br />
N’étant pas prouvée, elle est diffamatoire.<br />
<br />
En défense Pierre MAIRAT rappelle la stratégie de PAPON : <br />
<br />
Faire condamner EINAUDI dont la parole a pesé si lourd à BORDEAUX, avant un second procès après <br><br />
cassation. <br />
<br />
Il veut faire taire la bouche de l’histoire, la liberté de recherche. <br />
<br />
La défense de PAPON se caractérise, <br><br />
soit par le silence, <br><br />
soit par le mensonge, le bluff, la négation, <br><br />
soit encore par la duplicité. <br><br />
<br />
Il nie les victimes des brutalités policières.<br />
<br />
Il nie les morts.<br />
<br />
Il nie les disparus.<br />
<br />
Il nie les photos.<br />
<br />
Il nie les témoignages. <br />
<br />
Si les manifestants étaient dangereux et armés : <br><br />
pourquoi aucun blessé par balle chez la police ? <br><br />
Pourquoi aucune arme saisie chez les manifestants ? <br><br />
<br />
Le massacre est reconnu par le parquet, le représentant, la bouche de l’Etat, de la société. <br />
<br />
Dès lors, ou est la diffamation ? N’est-il pas temps de regarder notre histoire en face ? <br />
<br />
La relaxe s’impose. <br />
<br />
Le dernier mot revient au prévenu, à Jean-Luc EINAUDI, <br><br />
qui d’un dernier regard à PAPON lui lance : <br><br />
<br />
Vous me méprisez, vous avez voulu me faire taire, <br><br />
mais j’ai envie de vous dire, Monsieur Papon, merci ! <br><br />
en me faisant ce procès, vous avez permis que l’histoire avance.<br><br />
<br />
Le tribunal se retire pour délibérer. <br />
<br />
Les semaines passent, la tension monte. <br />
<br />
Le 26 mars 1999, la salle est plus clairsemée. <br><br />
Les nerfs sont plus tendus, <br><br />
Le délibéré, rendu par Jean-Yves MONFORT, <br><br />
n’est tout d’abord pas en la faveur du prévenu. <br><br />
<br />
Il conclut en effet tout d’abord au caractère diffamatoire de l’assertion, en ce qu’elle porte, par sa nature <br><br />
même, atteinte à l’honneur du plaignant. <br />
<br />
Le prétexte se porte bien. <br />
<br />
Cependant : <br />
<br />
« Considérant que l’ensemble des témoignages versés au dossier sont concordants ; <br><br />
Que les éléments produits démontrent que certains éléments des FDO ont agi avec une extrême <br><br />
violence ; <br><br />
Que cette violence n’était pas justifiée par le comportement manifestants ce soir-là ; <br><br />
Que le nombre des victimes a été important , en tout cas largement supérieur à celui du bilan officiel ; <br><br />
<br />
<br />
Que dès lors que l’on admet que la version officielle des événements de 1961 semble avoir été inspirée <br><br />
largement par la raison d’Etat <br><br />
– admissible , au demeurant , au regard de la situation de l’époque –<br><br />
et que l’extrême dureté de la répression d’alors doit appeler, de nos jours, des analyses différentes, qui <br><br />
n’excluent pas nécessairement l’emploi du mot » massacre », <br><br />
on ne saurait faire grief à un historien, <br><br />
auquel on ne conteste finalement pas le sérieux et la qualité de sa recherche, <br><br />
d’avoir manqué de circonspection lorsque, <br><br />
dans une formule conclusive , <br><br />
qui tend à interpeller le lecteur, <br><br />
il qualifie rudement les faits, <br><br />
et désigne sèchement un responsable.<br />
<br />
La liberté de la recherche historique doit avoir en effet pour corollaire une certaine tolérance dans <br><br />
l’appréciation de l’expression de ses résultats. <br><br />
<br />
Le Tribunal considère donc que le bénéfice de la bonne foi peut être accordé au prévenu.<br />
<br />
PAR CES MOTIFS<br />
<br />
Le tribunal statuant publiquement, <br><br />
en matière correctionnelle, <br><br />
en premier ressort et par jugement contradictoire<br><br />
<br />
RELAXE le prévenu Jean-Luc EINAUDI des fins de la poursuite,<br />
<br />
DÉBOUTE la partie civile Maurice PAPON de ses demandes. »<br />
<br />
Le Mahdi a perdu, et dormira plus mal.<br />
<br />
Messieurs et Mesdames les Bâtonniers, <br><br />
Messieurs et Mesdames les Hauts Magistrats, <br><br />
<br />
Chers Confrères, <br />
<br />
Chères Consœurs, <br />
<br />
Les lois, les tribunaux, les juges, <br><br />
participent à garnir les pages du grand livre de l’histoire. <br><br />
<br />
Toutefois, <br><br />
Les magistrats ne sont, ni des militants, ni des justiciers, ni des historiens.<br><br />
<br />
Ils disent le droit. <br />
<br />
La vérité judiciaire est chose bien étrange. <br />
<br />
Elle me permet de dire, excipant ce jugement, qu’un massacre a eu lieu. <br />
<br />
Mais un massacre, n’est pas une qualification juridique. <br><br />
Un assassinat, un meurtre, ça l’est. <br />
<br />
Ainsi, nos principe, essentiels à notre office et à toute société, <br><br />
en raison de la présomption d’innocence, <br><br />
m’empêchent de dire<br><br />
que quiconque a commis un assassinat ou un meurtre ce soir-là. <br><br />
<br />
L’amnistie, en passant l’éponge judiciaire a lavé, <br><br />
pardonné, oublié. <br />
<br />
La vérité, quand elle est imposée<br><br />
car l’amnistie est une injonction, <br><br />
est chose bien volatile. <br><br />
<br />
Le 14 septembre 2023, un avocat général requérait la relaxe à l’endroit de six policiers qui, ayant <br><br />
repêché un homme dans l’eau, se moquaient du bicot qu’il était. <br />
<br />
Car oui un bicot comme ça, ça nage pas. <br />
<br />
Qualifiant le dossier de « cirque (…) auquel il est bon de mettre fin », <br><br />
cet avocat général évoquait notamment le 17 octobre <br><br />
en disant que c’était le FLN qui noyait les algériens ce jour-là. <br><br />
<br />
Donc vous savez, la vérité. <br />
<br />
Elle réside surtout dans les faits.<br />
<br />
Le fait est que dans notre capitale, Paris, ville où l’Europe se mêle,<br><br />
Poumon de la morale, du droit, de la vérité, de la vertu, du devoir, du progrès, de la raison, <br><br />
Dans PARIS, on peut tuer des centaines d’arabes, sans qu’on sache précisément combien. <br><br />
<br />
100 à 300 c’est de la statistique, et de la mauvaise. <br />
<br />
La vérité n’est que dans les faits<br><br />
Le fait est que PAPON était un boulon, au sein d’une machine bien huilée. <br><br />
PAPON était fonctionnaire, <br><br />
Fonctionnaire de l’Etat français, puis de la République. <br><br />
<br />
PAPON a obéi aux ordres. <br><br />
Le prétexte est bien commode, mais le prétexte est vrai. <br />
<br />
Le 17 octobre 1961, <br><br />
Roger FREY, Ministre de l’intérieur, savait, et a ordonné, <br><br />
Michel DEBRE, Premier Ministre, savait, et a ordonné, <br><br />
Charles de GAULLE, Président de la République, savait, et a ordonné. <br><br />
<br />
Il n’y aura pas de procès pour le 17 octobre 1961. <br />
<br />
La vérité n’est que dans les faits<br><br />
Le fait est que Maurice PAPON dort, <br />
<br />
pour toujours et à jamais, <br><br />
avec sa légion d’honneur sur le torse. <br />
<br />
Quand les repêchés du 17 octobre, dorment, <br><br />
le souvenir enseveli, <br><br />
dans l’étroit cimetière de Thiais, <br><br />
où l’écho seul leur répond.<br><br />
<br />
Rien ne sait plus leur nom, pas même une simple pierre. <br />
<br />
Sans procès, seule l’ordalie fait loi<br><br />
Finalement, s’ils ont coulés, peut-être qu’ils étaient coupables.<br />
<br />
Messieurs et Mesdames les Bâtonniers, <br><br />
Messieurs et Mesdames les Hauts Magistrats, <br><br />
Chers Confrères, <br><br />
Chères Consœurs, <br><br />
<br />
Nous sommes tous des bicots. <br><br />
Nous sommes tous des youpins. <br><br />
Nous sommes tous des nègres. <br><br />
<br />
La mémoire apaise<br><br />
Quand l’oubli invite à l’incendie, <br><br />
On n’oublie pas volontairement. <br><br />
<br />
Qu’on ouvre les archives, et que quiconque aille par lui-même,<br><br />
Se jeter à corps perdu dans l’admiration des plus belles pages de l’histoire de notre pays, <br><br />
comme dans la lecture coupable de celles les plus flétries. <br><br />
<br />
Vous, où ceux qui comme moi,<br />
<br />
perdus entre leurs racines ancrées dans une mémoire coloniale<br><br />
que nul ne veut voir, <br><br />
et leurs branches qui fleurissent sous un beau ciel français, <br><br />
<br />
Perdus entre le ressentiment de ne pas vraiment être,<br><br />
et l’envie d’être, mais pas vraiment. <br><br />
<br />
Perdus dans le passé, leçon qu’épelle l’avenir,<br><br />
Perdus dans ce qui commença, pour ne jamais finir. <br><br />
<br />
Perdus. <br />
<br />
Hélas ! combien de temps faudra-t-il vous redire <br><br />
À vous tous, que c’était à vous de les conduire,<br><br />
Qu’il fallait leur donner leur part de la cité,<br><br />
Que votre aveuglement produit leur cécité ;<br><br />
D’une tutelle avare on recueille les suites,<br><br />
Et le mal qu’ils vous font, c’est vous qui le leur fîtes.<br><br />
<br />
Messieurs et Mesdames les Bâtonniers, <br><br />
Messieurs et Mesdames les Hauts Magistrats, <br><br />
Chers Confrères, <br><br />
Chères Consœurs, <br><br />
<br />
Vous sortirez, dans une heure, vous promener un peu.<br />
<br />
Il faut bien digérer les petits fours, <br />
<br />
Sortez du théâtre,<br />
<br />
Traversez la foule<br><br />
Traversez la route, <br><br />
Là, arrêtez-vous un instant, sur le Pont Saint Michel,<br><br />
penchez-vous sur les eaux sombres et calmes de la Seine. <br><br />
<br />
Et ne détournez pas le regard<br><br />
Quand vous verrez les cadavres remonter.</div>Asecretanhttps://www.lagbd.org/index.php?title=Rentree_solennelle_du_Barreau_de_PARIS_Discours_de_Seydi_BA_Deuxieme_secretaire_de_la_conference&diff=79413Rentree solennelle du Barreau de PARIS Discours de Seydi BA Deuxieme secretaire de la conference2023-12-05T13:54:39Z<p>Asecretan : </p>
<hr />
<div>{{DISPLAYTITLE: Rentrée solennelle du Barreau de Paris- Discours de Me Seydi BA, deuxième secrétaire de la Conférence}}<br />
<br />
[[Catégorie: Article juridique]]<br />
<br />
Discours de Seydi BA, deuxième [https://www.laconference.net/ secrétaire de la Conférence]<br><br />
'''''Le procès de Jean-Luc EINAUDI, ou « l’honneur de PAPON »'''''<br><br />
''17e chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de PARIS''<br><br />
''Les 4, 5, 11, 12 février 1999''<br />
<br />
<br />
[[Fichier:Discours1.jpg|320px|center]]<br />
<br />
[[Fichier:Discours2.jpg|320px|center]]<br />
<br />
<br />
<br />
<br />
<br />
Lire au format PDF : [[Fichier:Logo-PDF.png|40px|link=https://www.lagbd.org/images/d/dc/Discours_de_Seydi_Ba_2%C3%A8me_secr%C3%A9taire_de_la_Conf%C3%A9rence.pdf]]<br />
***<br />
<br />
<br />
InchAllah, le corps remontera, <br />
<br />
Si Dieu le veut, il reverra les cieux, <br />
<br />
L’ordalie a cela de parfait, qu’elle permet d’arriver à un objectif complexe,<br><br />
la paix sociale, <br><br />
par un processus simple. <br><br />
<br />
Un corps, de l’eau, et Dieu. <br />
<br />
Qu’importe l’innocence, la culpabilité<br />
<br />
Pourvu qu’on ait la paix. <br />
<br />
Le sort des âmes se joue dans le miroir froid et mouillé de la justice divine. <br />
<br />
La vérité se dissout, emportée par les courants, <br />
<br />
et le village dort bien mieux, sachant la sorcière morte.<br />
<br />
Si elle a coulé, c’est qu’elle était coupable. <br><br />
S’ils ont coulés, c’est qu’ils étaient coupables. <br />
<br />
Sur de son innocence, convaincu de sa bonne foi, <br><br />
l’homme ne peut mal agir. <br />
<br />
L’homme peut avoir, d’une simple signature, envoyé, cohortes et légions d’hommes femmes enfants, <br><br />
vers une mort certaine, douloureuse, par suffocation, <br><br />
il n’a pas forcément mal agi ! <br><br />
s’il avait un prétexte. <br><br />
<br />
Un prétexte, <br><br />
Une pensée, simple, lapidaire, qui vient ordonner le chaos et arrêter la tempête sous le crâne. <br><br />
Une pensée, qui vient faire la jonction entre l’action la plus abjecte permise par la Création, et la bonne <br><br />
personne, que nous sommes tous, au moins pour nous-mêmes.<br><br />
<br />
Le prétexte nous fait bonne personne.<br><br />
Une bonne personne, ça dort bien. <br><br />
Un prétexte, et vous dormirez bien. <br><br />
<br />
Je n’ai fait qu’obéir aux ordres. <br />
<br />
S’ils ont coulé, c’est qu’ils étaient coupables. <br />
<br />
Bonne nuit, Monsieur PAPON. <br />
<br />
Mesdames Messieurs les Bâtonniers, <br><br />
Mesdames Messieurs les Hauts Magistrats,<br> <br />
Chères Consœurs, Chers Confrères. <br><br />
<br />
Vous êtes de bonnes personnes.<br />
<br />
Par la magie de son prétexte, Maurice PAPON l’est tout autant. <br />
<br />
Certes, il a été condamné pour crime contre l’humanité, à BORDEAUX, <br />
<br />
MAIS DEJA il s’est pourvu en cassation<br />
<br />
ET SURTOUT il a obéi aux ordres.<br />
<br />
Il conserve ainsi l’honneur propre aux gens de bien, <br><br />
jadis confié au hasard du duel, désormais protégé par le droit, la justice.<br><br />
<br />
C’est la raison pour laquelle c’est la même silhouette qu’à Bordeaux, <br><br />
avec la même cravate noire, <br><br />
le même costume blanc, <br><br />
la même rosette <br><br />
avec une moustache en plus qui se tient, <br><br />
ce 5 février 1999, sur le banc des parties civiles de la 17e chambre correctionnelle du Tribunal de grande <br><br />
instance de PARIS.<br />
<br />
Pour son honneur, <br><br />
celui de la fonction qu’il occupait jadis, <br><br />
celui de son pays. <br><br />
<br />
Ses avocats, Jean-Marc VARAUT et Francis VUILLEMIN, y voient une stratégie plus judiciaire, plus <br><br />
cynique : <br><br />
dans l’attente de l’issue du pourvoi, <br><br />
faire citer en diffamation ce témoin d’immoralité si embêtant à BORDEAUX, <br><br />
le faire condamner<br><br />
<br />
pour le discréditer et alléger un dossier déjà bien lourd, <br><br />
dans l’optique d’un second procès<br />
<br />
Va ainsi se jouer, durant 4 jours, devant la 17e, l’issue d’un combat judiciaire entre deux fins bretteurs. <br />
<br />
Le dénouement d’un mano a mano sur fond de vérité, <br />
<br />
d’honneur,<br />
<br />
et de considération.<br />
<br />
Le prévenu n’est pas comme son adversaire, <br><br />
commandeur de la Légion d’honneur. <br />
<br />
Pas de titre de l’autre côté de la barre, juste un homme, <br><br />
un éducateur à la protection judiciaire de la jeunesse, <br><br />
qui a fait un peu d’histoire. <br />
<br />
Vous aurez oublié son nom à la fin de ce discours.<br />
<br />
C’est ce qu’il aurait voulu. <br><br />
Que son nom s’efface, <br><br />
pour laisser toute la place à son œuvre, <br><br />
son obsession, <br><br />
le 17 octobre 1961, <br><br />
date à laquelle PARIS noya les algériens. <br />
<br />
Assisté de son défenseur, Pierre MAIRAT,<br><br />
Jean-Luc EINAUDI est prévenu d’avoir commis l’infraction de diffamation envers un fonctionnaire<br><br />
public, <br />
<br />
En l’espèce, <br />
<br />
En portant atteinte à l’honneur et à la considération de Maurice PAPON, en signant le 20 mai 1998 une tribune dans Le Monde dans laquelle il affirmait : <br />
<br />
« Je persiste et je signe. Il y eut, en octobre 1961, Un massacre commis par des forces de l’ordre<br><br />
Sous les ordres de Maurice PAPON ». <br />
<br />
En cette phrase, ces 27 mots, l’œuvre de la vie de Jean-Luc EINAUDI.<br />
<br />
Une vie de recherches, <br><br />
de rencontres, <br><br />
de recueils de témoignages, <br><br />
de doutes sur ce bilan officiel de 3 morts, malgré les deuils par centaines, <br><br />
de dizaines de demandes d’accès aux archives nationales, et d’autant de refus,<br> <br />
Une vie de chemin égaré dans la brume de la raison d’Etat.<br />
<br />
Une vie, celle de Jean-Luc EINAUDI, en 27 mots, qui seront jugés, <br><br />
jaugés, pesés, sous pesés <br><br />
confirmés<br><br />
ou infirmés <br><br />
par l’implacable force de chose jugée liée à la juris dictio. <br><br />
<br />
Infirmés plutôt si l’on en croit Jean-Marc VARAUT, <br><br />
Le ténor le sait, <br><br />
bien qu’il s’agisse de diffamation <br><br />
il ne sera pas question pour la juridiction présidée par Jean-Yves MONFORT<br><br />
d’examiner la véracité ou non des propos d’EINAUDI. <br />
<br />
La condamnation est très probable. <br />
<br />
En 1999 en effet,<br><br />
le droit positif est tel que la preuve de la vérité, <br><br />
l’exceptio veritatis, <br><br />
ne saurait être rapportée s’agissant de faits amnistiés d’une part, <br><br />
et vieux de plus de 10 ans d’autre part. <br />
<br />
Seule la bonne foi d’EINAUDI sera examinée. <br />
<br />
Comme il avait fait condamner le Nouvel Observateur<br><br />
en 1991, qui qualifiait Maurice PAPON de complice du génocide Nazi,<br> <br />
Jean-Marc VARAUT fera condamner EINAUDI, l’historien de circonstances, <br><br />
Il paiera le prix fort,<br><br />
le déshonneur, la honte, <br><br />
et 1 million de franc. <br />
<br />
Dans l’arène,<br><br />
VARAUT n’a point besoin de glaive,<br><br />
Il a le verbe et l’amnistie. <br />
<br />
Le décret du 22 mars 1962, dispose, en effet en son article 1er : <br />
<br />
''« Sont amnistiées les infractions commises dans le cadre des opérations de maintien de l’ordre dirigées contre l’insurrection algérienne avant le 20 mars 1962. »''<br />
<br />
Toutes les infractions, toutes sont pardonnées, <br><br />
C’était du maintien de l’ordre !<br><br />
<br />
Par la force du texte, il n’y aura pas de procès. <br />
<br />
Ce procès, celui de Jean-Luc EINAUDI, <br><br />
Ce procès de rien du tout, <br><br />
Dans la froideur de l’hiver, et de la 17e chambre, <br><br />
Ce procès, <br><br />
scène sur laquelle se joue l’accusation du criminel contre l’humanité tout entière, <br><br />
qui a l’audace, <br><br />
le panache, <br><br />
de tenter de faire condamner le chercheur qui a cherché, <br><br />
car son honneur de criminel contre l’humanité<br />
<br />
Sera l’unique et ténu interstice dans lequel la vérité pourra se glisser. <br />
<br />
Comme quand il fut témoin d’immoralité à BORDEAUX, <br><br />
EINAUDI, déterminé, s’approche de la barre et l’agrippe tel un capitaine<br><br />
Avec l’air d’un Noé qui sait le secret du déluge. <br><br />
Il se tourne vers le plaignant, se tourne vers ses juges.<br><br />
<br />
Il porte l’estocade. <br />
<br />
Pendant deux heures, <br />
<br />
Sans notes, <br />
<br />
Il raconte tout, comme il racontait à Bordeaux, <br><br />
1961, la France et son Afrique qui n’est plus vraiment sienne,<br><br />
PARIS, <br><br />
les harkis, <br><br />
les pieds noirs, <br><br />
les bidonvilles de NANTERRE, CHAMPIGNY, LA COURNEUVE, <br><br />
Les 11 policiers qui, seront fauchés par les balles du FLN, d’aout à septembre.<br><br />
<br />
La haine qui monte entre les deux camps. <br />
<br />
Il raconte le 2 octobre, les obsèques du brigadier Jean DEMOEN<br><br />
la rage, l’émotion de ses collègues, la peur qui monte, la haine aussi, <br><br />
<br />
Les mots du préfet de police Maurice PAPON, qui apaisent moins qu’ils n’attisent, <br />
<br />
« Vous êtes couverts par vos chefs et la légitime défense. Pour un coup donné, nous en rendrons dix. »<br />
<br />
Les litres d’eau de javel bus par les français musulmans d’Algérie dans les caves du commissariat de la <br><br />
Goutte d’or,<br><br />
les attentats<br><br />
les bastonnades,<br><br />
les rackets, <br><br />
les humiliations,<br><br />
les bicots, <br><br />
les bougnoules<br><br />
les ratons. <br><br />
<br />
EINAUDI raconte, la note du 5 octobre de ce même préfet de police, <br><br />
autorisant les policiers à abattre tout français musulman d’Algérie,<br><br />
car c’était leur statut légal, <br><br />
pris en flagrant délit, sans préciser le délit. <br />
<br />
Le couvre-feu du même jour, imposant à ces mêmes Français Musulmans d’Algérie, <br><br />
ou tout autre basané ressemblant de près, ou de loin, ou de très loin, à un arabe, de ne pas quitter son <br><br />
domicile entre 20h30 et 5h30 du matin. <br><br />
<br />
EINAUDI raconte surtout la réponse de la fédération de France du FLN <br><br />
qui appelle tous les algériens à aller, le 17 octobre, se montrer, <br />
<br />
Et de fort belle manière <br />
<br />
Algériens de France, vous sortirez avec vos plus beaux atours, <br><br />
pour montrer que vous existez, que vous ne vous cacherez pas, <br />
<br />
Montrez que vous êtes beaux, et fêtez dans PARIS. <br><br />
Soyez fiers, soyez libres, <br><br />
Mais respectez deux règles : pas d’armes, pas de riposte. <br><br />
<br />
Puis le 17 octobre, puis le 17 octobre. <br />
<br />
En plein PARIS, à l’heure ou sous la pluie, <br><br />
la pavé noirci reflète les enseignes au néon,<br><br />
A l’heure où PARIS fait la queue au cinéma, <br><br />
Où PARIS pousse la porte des cabarets et restaurants, <br><br />
Où PARIS ouvre ses huitres,<br><br />
Où PARIS s’amuse, <br />
<br />
Une foule, dont l’œil seul ne saurait embrasser le contour, <br><br />
Tout entière, debout, comme une hydre vivante,<br><br />
fière, joyeuse, l’âme sans épouvante, <br><br />
<br />
La liberté sublime emplissant les pensées, <br><br />
de 20.000, ou de 30 qui entraient dans PARIS, <br><br />
Qui emplissait la brume de cris et chants rythmés<br />
<br />
''Tahia Djazair,''<br />
''Vive l’Algérie libre, ''<br><br />
''Allez les fellaghas, ''<br><br />
''Libérez BEN BELLA, ''<br><br />
''A bas le couvre-feu,''<br><br />
''A bas le couvre-feu,''<br><br />
<br />
Et c’est au son d’à bas le couvre-feu, <br><br />
Que la police l’ouvrit, le feu. <br />
<br />
La liesse, bien vite, est devenue panique. <br><br />
La foule effrayée, est devenue tempête.<br><br />
Les hommes rendus stupides par l’horreur, <br><br />
courraient,<br><br />
Pour éviter le plomb, le feu et la matraque. <br />
<br />
Dans la brume affreuse de PARIS, <br><br />
les badauds crurent voir d’étranges bucherons travailler dans la nuit, <br><br />
qui frappaient, qui frappaient, d’un geste mécanique, <br><br />
<br />
Quiconque osait laisser trainer un crane ou une cote <br />
<br />
La cruauté, la haine, dans le langage des coups.<br />
<br />
Le sang coulait, giclait de toutes part,<br><br />
Les vêtements des policiers étaient de carnage rougis. <br><br />
Ils avaient tout le soir tué n’importe qui. <br><br />
<br />
L’Ile de la Cité trembla sous ce fracas monstrueux et sauvage. <br />
<br />
Aux abords de la Seine, méthodiquement, on brise les membres, <br><br />
on lie les poignées, on lie les chevilles, <br><br />
et on jette les gens, comme des fétus de paille. <br><br />
Les ponts Saint Michel, de Neuilly, pleurèrent longtemps des corps balancés comme cela. <br />
<br />
Cette nuit-là, les badauds des rives de Seine virent, <br><br />
sur le souple oreiller de l’eau molle et profonde, <br><br />
le reflet de la lune perturbé çà et là par le passage délicat d’étranges nénuphars, <br><br />
caressés, portés, sur des flots incertains, et voguant vers l’oubli. <br />
<br />
Cette nuit-là, 12000 hommes furent raflés vers le Palais des sports,<br><br />
Mais cette nuit-là seulement, demain Ray Charles y joue. On rafle, mais on doit quand même danser...<br><br />
Heureusement qu’il reste Vincennes et Pierre de Coubertin pour la foule des arrêtés, leurs cris, plaies, <br><br />
clameurs et abois, le sol couvert de morts sur qui tombait la nuit.<br />
<br />
Les autres râlants, brisés, <br><br />
et morts plus qu’à moitié. <br />
<br />
C’était le maintien de l’ordre, couvert par l’amnistie. <br />
<br />
EINAUDI achève, regardant directement son accusateur dans les yeux, <br><br />
le défiant, <br><br />
lui disant être venu en mémoire de ces victimes algériennes, <br><br />
enterrées comme des chiens dans la fosse commune réservée aux musulmans inconnus du cimetière de <br><br />
THIAIS, <br />
<br />
L’accusateur, Maurice PAPON, n’est pas plus perturbé que cela. <br />
<br />
Il a toujours son prétexte. <br />
<br />
D’une voix sure, qui prend son temps, <br><br />
d’une expression aisée, qui sent le passé, <br><br />
d’un phrasé impeccable, il reprend EINAUDI : <br><br />
<br />
« Monsieur le Président, <br />
<br />
Dans les wilayas musulmanes, on m’appelait AL MAHDI : c’est le bon, le juste, le sage. <br />
<br />
Peut-être la plus belle décoration que j’ai reçu de ma carrière. <br />
<br />
J’aimais les algériens. <br><br />
Les algériens m’aimaient. <br><br />
<br />
Le FLN tuait, Monsieur le Président.<br />
<br />
Chez les policiers, le sang était chaud et la vindicte à fleur de peau. <br />
<br />
Ce 17 octobre était une bataille qu’il fallait accepter et gagner. <br />
<br />
Imaginez-vous, le déferlement de cette marée écumante vers l’Etoile et les Champs ? <br />
<br />
Le FLN voulait immerger PARIS sous des vagues algériennes.<br> <br />
On a frisé la subversion, évité le désastre. <br />
<br />
Les centaines de morts sont une ignoble invention. <br><br />
Les photos, des trucages.<br><br />
<br />
C’est inimaginable d’accuser les personnels de police d’avoir fait cela. <br><br />
Ce n’est pas leur style.<br />
<br />
On ne casse pas des cranes avec un képi.<br />
<br />
Le Général m’avait ordonné de tenir PARIS. <br><br />
J’AI OBEI AUX ORDRES et J’ai tenu PARIS.<br> <br />
<br />
Force est restée à la loi, au prix de trois morts inutiles. <br />
<br />
Monsieur le Président, <br><br />
La France, tant que j’aurai un souffle,<br><br />
Je ne laisserai pas y toucher. »<br><br />
<br />
Le prétexte est travaillé, il est bon,<br><br />
la conscience est sauve, <br><br />
<br />
face à la cohorte de témoins cités par EINAUDI,<br />
<br />
Face à Emile Portzer, policier, qui raconte les moqueries des collègues,<br><br />
Les fausses rumeurs de policiers morts le soir des faits sur les radios<br><br />
Démenties par personne, qui raconte les rires !<br><br />
« Un bougnoule en moins » haha<br><br />
« On va voir si les rats savent nager » hahaha<br><br />
<br />
PAPON ne tremble pas. <br />
<br />
Ahcène BOULANOUAR qui raconte comment il fut pendu, <br><br />
comme tant d’autres, <br><br />
dans la cour de la Préfecture de Police de PARIS<br><br />
<br />
PAPON ne tremble pas.<br />
<br />
Gérard GRANDE, élève infirmier au Palais des sports, <br><br />
vient partager son sentiment sur les 9 cadavres aperçus dans un placards. <br><br />
<br />
PAPON ne tremble pas.<br />
<br />
Une mère, endeuillée depuis 38 ans, passe rapidement.<br><br />
Elle tente. Sanglote. Et dans une prière se rassoit. <br><br />
L’on comprend en la voyant que l’enfant qu’on allaita, <br><br />
c’est dur de l’enterrer.<br />
<br />
PAPON ne tremble pas.<br />
<br />
Enfin, Brigitte LAINE et Philippe GRAND.<br />
<br />
Qui n’étaient pas là,<br><br />
qui n’ont pas parlé à un seul témoin. <br><br />
mais qui, en tant que conservateurs aux archives de PARIS,<br> <br />
viennent déposer au prix d’une entorse manifeste à leur devoir de réserve,<br><br />
Tout simplement faire état de ce qu’ils ont vu, <br><br />
dans les archives, du parquet notamment, <br><br />
qu’on refuse avec force à EINAUDI.<br><br />
<br />
Des 103 dossiers d’instruction ouverts, concernant 130 personnes, <br><br />
tous couverts par l’amnistie, <br />
<br />
Des 32 dossiers pour 40 décès, classés sans suite, <br />
<br />
Du réquisitoire définitif du 30 octobre <br><br />
relatif à la mort de 63 nord africains, <br><br />
dont 26 non-identifiés,<br><br />
<br />
Des constantes : strangulations, mains liées, balles, noyades, <br />
<br />
Et une motivation qui sans cesse revient :<br />
<br />
« aucun élément ne permet de vérifier/établir que X a été blessé par un rpz des FDO ».<br />
<br />
Les archives viennent de parler. <br />
<br />
L’Etat vient de parler. <br />
<br />
Là, PAPON tremble un peu. <br />
<br />
Furieux, Jean-Marc VARAUT plaide et interpelle les archivistes<br><br />
D’un art tyrannique, il se fait menaçant, <br />
<br />
Avez-vous seulement conscience de faire état de documents couverts par le secret d’Etat<br><br />
Monsieur le Président, Mesdames du tribunal, <br><br />
La FRANCE est malade de ses fonctionnaires. <br><br />
<br />
Ce pseudo historien, qui a jadis produit un livre sur ces faits, <br><br />
attaqué par personne car lu par personne, <br><br />
convoque un obscur policier, et des témoins compromis avec l’ennemi. <br />
<br />
C’était la guerre, contre la rébellion terroriste. <br />
<br />
Les 12000 arrestations ont permis de mettre aux arrêts<br> <br />
les proxénètes, les oisifs, les cadres du FLN. <br><br />
<br />
Pierre MESSMER, ministre des armées de l’époque, <br><br />
est venu le dire à Bordeaux !<br><br />
« on ne peut pas imputer un préfet la responsabilité des événements<br><br />
lorsque le gouvernement lui a donné des ordres précis ». <br><br />
<br />
Le Général savait.<br><br />
Il savait les ordres clairs qu’il a donné. <br><br />
Il a maintenu PAPON. <br />
<br />
A travers PAPON, c’est de Gaulle qu’on attaque. <br />
<br />
Son honneur bafoué, devra être réparé. <br><br />
L’honneur du a sa fonction. <br><br />
L’honneur du à la France. <br><br />
<br />
Vincent LESCLOUX, premier substitut du procureur, commence par un hommage. <br />
<br />
Il y eut un nombre important de morts dans la nuit du 17 octobre. <br><br />
De pauvres morts qui pèsent lourds sur la conscience. <br><br />
De pauvres morts anonymes.<br><br />
<br />
Certains policiers sont devenus – nombreux – les jouets de la haine qui les a aveuglés. <br />
<br />
EINAUDI a pu, à bon droit, utiliser le mot massacre, <br />
<br />
''« l’expression de meurtre n’étant plus adaptée vu le nombre de morts et les exactions déchainées des <br />
<br />
forces de police ». ''<br />
<br />
Les recherches d’EINAUDI ont fait sonner les 12 coups de l’histoire. <br />
<br />
Toutefois, n’a-t-il pas diffamé en affirmant que cela a été fait sous les ordres de PAPON ? <br><br />
A-t-il fait preuve de prudence alors qu’il n’a pas recherché les responsabilités intermédiaires ? <br />
<br />
Le lecteur moyen a pu comprendre cette phrase comme une grave accusation portant atteinte à l’honneur <br><br />
du plaignant.<br />
<br />
N’étant pas prouvée, elle est diffamatoire.<br />
<br />
En défense Pierre MAIRAT rappelle la stratégie de PAPON : <br />
<br />
Faire condamner EINAUDI dont la parole a pesé si lourd à BORDEAUX, avant un second procès après <br><br />
cassation. <br />
<br />
Il veut faire taire la bouche de l’histoire, la liberté de recherche. <br />
<br />
La défense de PAPON se caractérise, <br><br />
soit par le silence, <br><br />
soit par le mensonge, le bluff, la négation, <br><br />
soit encore par la duplicité. <br><br />
<br />
Il nie les victimes des brutalités policières.<br />
<br />
Il nie les morts.<br />
<br />
Il nie les disparus.<br />
<br />
Il nie les photos.<br />
<br />
Il nie les témoignages. <br />
<br />
Si les manifestants étaient dangereux et armés : <br><br />
pourquoi aucun blessé par balle chez la police ? <br><br />
Pourquoi aucune arme saisie chez les manifestants ? <br><br />
<br />
Le massacre est reconnu par le parquet, le représentant, la bouche de l’Etat, de la société. <br />
<br />
Dès lors, ou est la diffamation ? N’est-il pas temps de regarder notre histoire en face ? <br />
<br />
La relaxe s’impose. <br />
<br />
Le dernier mot revient au prévenu, à Jean-Luc EINAUDI, <br><br />
qui d’un dernier regard à PAPON lui lance : <br><br />
<br />
Vous me méprisez, vous avez voulu me faire taire, <br><br />
mais j’ai envie de vous dire, Monsieur Papon, merci ! <br><br />
en me faisant ce procès, vous avez permis que l’histoire avance.<br><br />
<br />
Le tribunal se retire pour délibérer. <br />
<br />
Les semaines passent, la tension monte. <br />
<br />
Le 26 mars 1999, la salle est plus clairsemée. <br><br />
Les nerfs sont plus tendus, <br><br />
Le délibéré, rendu par Jean-Yves MONFORT, <br><br />
n’est tout d’abord pas en la faveur du prévenu. <br><br />
<br />
Il conclut en effet tout d’abord au caractère diffamatoire de l’assertion, en ce qu’elle porte, par sa nature <br><br />
même, atteinte à l’honneur du plaignant. <br />
<br />
Le prétexte se porte bien. <br />
<br />
Cependant : <br />
<br />
« Considérant que l’ensemble des témoignages versés au dossier sont concordants ; <br><br />
Que les éléments produits démontrent que certains éléments des FDO ont agi avec une extrême <br><br />
violence ; <br><br />
Que cette violence n’était pas justifiée par le comportement manifestants ce soir-là ; <br><br />
Que le nombre des victimes a été important , en tout cas largement supérieur à celui du bilan officiel ; <br><br />
<br />
<br />
Que dès lors que l’on admet que la version officielle des événements de 1961 semble avoir été inspirée <br><br />
largement par la raison d’Etat <br><br />
– admissible , au demeurant , au regard de la situation de l’époque –<br><br />
et que l’extrême dureté de la répression d’alors doit appeler, de nos jours, des analyses différentes, qui <br><br />
n’excluent pas nécessairement l’emploi du mot » massacre », <br><br />
on ne saurait faire grief à un historien, <br><br />
auquel on ne conteste finalement pas le sérieux et la qualité de sa recherche, <br><br />
d’avoir manqué de circonspection lorsque, <br><br />
dans une formule conclusive , <br><br />
qui tend à interpeller le lecteur, <br><br />
il qualifie rudement les faits, <br><br />
et désigne sèchement un responsable.<br />
<br />
La liberté de la recherche historique doit avoir en effet pour corollaire une certaine tolérance dans <br><br />
l’appréciation de l’expression de ses résultats. <br><br />
<br />
Le Tribunal considère donc que le bénéfice de la bonne foi peut être accordé au prévenu.<br />
<br />
PAR CES MOTIFS<br />
<br />
Le tribunal statuant publiquement, <br><br />
en matière correctionnelle, <br><br />
en premier ressort et par jugement contradictoire<br><br />
<br />
RELAXE le prévenu Jean-Luc EINAUDI des fins de la poursuite,<br />
<br />
DÉBOUTE la partie civile Maurice PAPON de ses demandes. »<br />
<br />
Le Mahdi a perdu, et dormira plus mal.<br />
<br />
Messieurs et Mesdames les Bâtonniers, <br><br />
Messieurs et Mesdames les Hauts Magistrats, <br><br />
<br />
Chers Confrères, <br />
<br />
Chères Consœurs, <br />
<br />
Les lois, les tribunaux, les juges, <br><br />
participent à garnir les pages du grand livre de l’histoire. <br><br />
<br />
Toutefois, <br><br />
Les magistrats ne sont, ni des militants, ni des justiciers, ni des historiens.<br><br />
<br />
Ils disent le droit. <br />
<br />
La vérité judiciaire est chose bien étrange. <br />
<br />
Elle me permet de dire, excipant ce jugement, qu’un massacre a eu lieu. <br />
<br />
Mais un massacre, n’est pas une qualification juridique. <br><br />
Un assassinat, un meurtre, ça l’est. <br />
<br />
Ainsi, nos principe, essentiels à notre office et à toute société, <br><br />
en raison de la présomption d’innocence, <br><br />
m’empêchent de dire<br><br />
que quiconque a commis un assassinat ou un meurtre ce soir-là. <br><br />
<br />
L’amnistie, en passant l’éponge judiciaire a lavé, <br><br />
pardonné, oublié. <br />
<br />
La vérité, quand elle est imposée<br><br />
car l’amnistie est une injonction, <br><br />
est chose bien volatile. <br><br />
<br />
Le 14 septembre 2023, un avocat général requérait la relaxe à l’endroit de six policiers qui, ayant <br><br />
repêché un homme dans l’eau, se moquaient du bicot qu’il était. <br />
<br />
Car oui un bicot comme ça, ça nage pas. <br />
<br />
Qualifiant le dossier de « cirque (…) auquel il est bon de mettre fin », <br><br />
cet avocat général évoquait notamment le 17 octobre <br><br />
en disant que c’était le FLN qui noyait les algériens ce jour-là. <br><br />
<br />
Donc vous savez, la vérité. <br />
<br />
Elle réside surtout dans les faits.<br />
<br />
Le fait est que dans notre capitale, Paris, ville où l’Europe se mêle,<br><br />
Poumon de la morale, du droit, de la vérité, de la vertu, du devoir, du progrès, de la raison, <br><br />
Dans PARIS, on peut tuer des centaines d’arabes, sans qu’on sache précisément combien. <br><br />
<br />
100 à 300 c’est de la statistique, et de la mauvaise. <br />
<br />
La vérité n’est que dans les faits<br><br />
Le fait est que PAPON était un boulon, au sein d’une machine bien huilée. <br><br />
PAPON était fonctionnaire, <br><br />
Fonctionnaire de l’Etat français, puis de la République. <br><br />
<br />
PAPON a obéi aux ordres. <br><br />
Le prétexte est bien commode, mais le prétexte est vrai. <br />
<br />
Le 17 octobre 1961, <br><br />
Roger FREY, Ministre de l’intérieur, savait, et a ordonné, <br><br />
Michel DEBRE, Premier Ministre, savait, et a ordonné, <br><br />
Charles de GAULLE, Président de la République, savait, et a ordonné. <br><br />
<br />
Il n’y aura pas de procès pour le 17 octobre 1961. <br />
<br />
La vérité n’est que dans les faits<br><br />
Le fait est que Maurice PAPON dort, <br />
<br />
pour toujours et à jamais, <br><br />
avec sa légion d’honneur sur le torse. <br />
<br />
Quand les repêchés du 17 octobre, dorment, <br><br />
le souvenir enseveli, <br><br />
dans l’étroit cimetière de Thiais, <br><br />
où l’écho seul leur répond.<br><br />
<br />
Rien ne sait plus leur nom, pas même une simple pierre. <br />
<br />
Sans procès, seule l’ordalie fait loi<br><br />
Finalement, s’ils ont coulés, peut-être qu’ils étaient coupables.<br />
<br />
Messieurs et Mesdames les Bâtonniers, <br><br />
Messieurs et Mesdames les Hauts Magistrats, <br><br />
Chers Confrères, <br><br />
Chères Consœurs, <br><br />
<br />
Nous sommes tous des bicots. <br><br />
Nous sommes tous des youpins. <br><br />
Nous sommes tous des nègres. <br><br />
<br />
La mémoire apaise<br><br />
Quand l’oubli invite à l’incendie, <br><br />
On n’oublie pas volontairement. <br><br />
<br />
Qu’on ouvre les archives, et que quiconque aille par lui-même,<br><br />
Se jeter à corps perdu dans l’admiration des plus belles pages de l’histoire de notre pays, <br><br />
comme dans la lecture coupable de celles les plus flétries. <br><br />
<br />
Vous, où ceux qui comme moi,<br />
<br />
perdus entre leurs racines ancrées dans une mémoire coloniale<br><br />
que nul ne veut voir, <br><br />
et leurs branches qui fleurissent sous un beau ciel français, <br><br />
<br />
Perdus entre le ressentiment de ne pas vraiment être,<br><br />
et l’envie d’être, mais pas vraiment. <br><br />
<br />
Perdus dans le passé, leçon qu’épelle l’avenir,<br><br />
Perdus dans ce qui commença, pour ne jamais finir. <br><br />
<br />
Perdus. <br />
<br />
Hélas ! combien de temps faudra-t-il vous redire <br><br />
À vous tous, que c’était à vous de les conduire,<br><br />
Qu’il fallait leur donner leur part de la cité,<br><br />
Que votre aveuglement produit leur cécité ;<br><br />
D’une tutelle avare on recueille les suites,<br><br />
Et le mal qu’ils vous font, c’est vous qui le leur fîtes.<br><br />
<br />
Messieurs et Mesdames les Bâtonniers, <br><br />
Messieurs et Mesdames les Hauts Magistrats, <br><br />
Chers Confrères, <br><br />
Chères Consœurs, <br><br />
<br />
Vous sortirez, dans une heure, vous promener un peu.<br />
<br />
Il faut bien digérer les petits fours, <br />
<br />
Sortez du théâtre,<br />
<br />
Traversez la foule<br><br />
Traversez la route, <br><br />
Là, arrêtez-vous un instant, sur le Pont Saint Michel,<br><br />
penchez-vous sur les eaux sombres et calmes de la Seine. <br><br />
<br />
Et ne détournez pas le regard<br><br />
Quand vous verrez les cadavres remonter.</div>Asecretanhttps://www.lagbd.org/index.php?title=Rentree_solennelle_du_Barreau_de_PARIS_Discours_de_Seydi_BA_Deuxieme_secretaire_de_la_conference&diff=79412Rentree solennelle du Barreau de PARIS Discours de Seydi BA Deuxieme secretaire de la conference2023-12-05T13:54:27Z<p>Asecretan : </p>
<hr />
<div>{{DISPLAYTITLE: Rentrée solennelle du Barreau de Paris- Discours de Me Seydi BA, deuxième secrétaire de la Conférence}}<br />
<br />
[[Catégorie: Article juridique]]<br />
<br />
Discours de Seydi BA, deuxième [[https://www.laconference.net/ secrétaire de la Conférence]]<br><br />
'''''Le procès de Jean-Luc EINAUDI, ou « l’honneur de PAPON »'''''<br><br />
''17e chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de PARIS''<br><br />
''Les 4, 5, 11, 12 février 1999''<br />
<br />
<br />
[[Fichier:Discours1.jpg|320px|center]]<br />
<br />
[[Fichier:Discours2.jpg|320px|center]]<br />
<br />
<br />
<br />
<br />
<br />
Lire au format PDF : [[Fichier:Logo-PDF.png|40px|link=https://www.lagbd.org/images/d/dc/Discours_de_Seydi_Ba_2%C3%A8me_secr%C3%A9taire_de_la_Conf%C3%A9rence.pdf]]<br />
***<br />
<br />
<br />
InchAllah, le corps remontera, <br />
<br />
Si Dieu le veut, il reverra les cieux, <br />
<br />
L’ordalie a cela de parfait, qu’elle permet d’arriver à un objectif complexe,<br><br />
la paix sociale, <br><br />
par un processus simple. <br><br />
<br />
Un corps, de l’eau, et Dieu. <br />
<br />
Qu’importe l’innocence, la culpabilité<br />
<br />
Pourvu qu’on ait la paix. <br />
<br />
Le sort des âmes se joue dans le miroir froid et mouillé de la justice divine. <br />
<br />
La vérité se dissout, emportée par les courants, <br />
<br />
et le village dort bien mieux, sachant la sorcière morte.<br />
<br />
Si elle a coulé, c’est qu’elle était coupable. <br><br />
S’ils ont coulés, c’est qu’ils étaient coupables. <br />
<br />
Sur de son innocence, convaincu de sa bonne foi, <br><br />
l’homme ne peut mal agir. <br />
<br />
L’homme peut avoir, d’une simple signature, envoyé, cohortes et légions d’hommes femmes enfants, <br><br />
vers une mort certaine, douloureuse, par suffocation, <br><br />
il n’a pas forcément mal agi ! <br><br />
s’il avait un prétexte. <br><br />
<br />
Un prétexte, <br><br />
Une pensée, simple, lapidaire, qui vient ordonner le chaos et arrêter la tempête sous le crâne. <br><br />
Une pensée, qui vient faire la jonction entre l’action la plus abjecte permise par la Création, et la bonne <br><br />
personne, que nous sommes tous, au moins pour nous-mêmes.<br><br />
<br />
Le prétexte nous fait bonne personne.<br><br />
Une bonne personne, ça dort bien. <br><br />
Un prétexte, et vous dormirez bien. <br><br />
<br />
Je n’ai fait qu’obéir aux ordres. <br />
<br />
S’ils ont coulé, c’est qu’ils étaient coupables. <br />
<br />
Bonne nuit, Monsieur PAPON. <br />
<br />
Mesdames Messieurs les Bâtonniers, <br><br />
Mesdames Messieurs les Hauts Magistrats,<br> <br />
Chères Consœurs, Chers Confrères. <br><br />
<br />
Vous êtes de bonnes personnes.<br />
<br />
Par la magie de son prétexte, Maurice PAPON l’est tout autant. <br />
<br />
Certes, il a été condamné pour crime contre l’humanité, à BORDEAUX, <br />
<br />
MAIS DEJA il s’est pourvu en cassation<br />
<br />
ET SURTOUT il a obéi aux ordres.<br />
<br />
Il conserve ainsi l’honneur propre aux gens de bien, <br><br />
jadis confié au hasard du duel, désormais protégé par le droit, la justice.<br><br />
<br />
C’est la raison pour laquelle c’est la même silhouette qu’à Bordeaux, <br><br />
avec la même cravate noire, <br><br />
le même costume blanc, <br><br />
la même rosette <br><br />
avec une moustache en plus qui se tient, <br><br />
ce 5 février 1999, sur le banc des parties civiles de la 17e chambre correctionnelle du Tribunal de grande <br><br />
instance de PARIS.<br />
<br />
Pour son honneur, <br><br />
celui de la fonction qu’il occupait jadis, <br><br />
celui de son pays. <br><br />
<br />
Ses avocats, Jean-Marc VARAUT et Francis VUILLEMIN, y voient une stratégie plus judiciaire, plus <br><br />
cynique : <br><br />
dans l’attente de l’issue du pourvoi, <br><br />
faire citer en diffamation ce témoin d’immoralité si embêtant à BORDEAUX, <br><br />
le faire condamner<br><br />
<br />
pour le discréditer et alléger un dossier déjà bien lourd, <br><br />
dans l’optique d’un second procès<br />
<br />
Va ainsi se jouer, durant 4 jours, devant la 17e, l’issue d’un combat judiciaire entre deux fins bretteurs. <br />
<br />
Le dénouement d’un mano a mano sur fond de vérité, <br />
<br />
d’honneur,<br />
<br />
et de considération.<br />
<br />
Le prévenu n’est pas comme son adversaire, <br><br />
commandeur de la Légion d’honneur. <br />
<br />
Pas de titre de l’autre côté de la barre, juste un homme, <br><br />
un éducateur à la protection judiciaire de la jeunesse, <br><br />
qui a fait un peu d’histoire. <br />
<br />
Vous aurez oublié son nom à la fin de ce discours.<br />
<br />
C’est ce qu’il aurait voulu. <br><br />
Que son nom s’efface, <br><br />
pour laisser toute la place à son œuvre, <br><br />
son obsession, <br><br />
le 17 octobre 1961, <br><br />
date à laquelle PARIS noya les algériens. <br />
<br />
Assisté de son défenseur, Pierre MAIRAT,<br><br />
Jean-Luc EINAUDI est prévenu d’avoir commis l’infraction de diffamation envers un fonctionnaire<br><br />
public, <br />
<br />
En l’espèce, <br />
<br />
En portant atteinte à l’honneur et à la considération de Maurice PAPON, en signant le 20 mai 1998 une tribune dans Le Monde dans laquelle il affirmait : <br />
<br />
« Je persiste et je signe. Il y eut, en octobre 1961, Un massacre commis par des forces de l’ordre<br><br />
Sous les ordres de Maurice PAPON ». <br />
<br />
En cette phrase, ces 27 mots, l’œuvre de la vie de Jean-Luc EINAUDI.<br />
<br />
Une vie de recherches, <br><br />
de rencontres, <br><br />
de recueils de témoignages, <br><br />
de doutes sur ce bilan officiel de 3 morts, malgré les deuils par centaines, <br><br />
de dizaines de demandes d’accès aux archives nationales, et d’autant de refus,<br> <br />
Une vie de chemin égaré dans la brume de la raison d’Etat.<br />
<br />
Une vie, celle de Jean-Luc EINAUDI, en 27 mots, qui seront jugés, <br><br />
jaugés, pesés, sous pesés <br><br />
confirmés<br><br />
ou infirmés <br><br />
par l’implacable force de chose jugée liée à la juris dictio. <br><br />
<br />
Infirmés plutôt si l’on en croit Jean-Marc VARAUT, <br><br />
Le ténor le sait, <br><br />
bien qu’il s’agisse de diffamation <br><br />
il ne sera pas question pour la juridiction présidée par Jean-Yves MONFORT<br><br />
d’examiner la véracité ou non des propos d’EINAUDI. <br />
<br />
La condamnation est très probable. <br />
<br />
En 1999 en effet,<br><br />
le droit positif est tel que la preuve de la vérité, <br><br />
l’exceptio veritatis, <br><br />
ne saurait être rapportée s’agissant de faits amnistiés d’une part, <br><br />
et vieux de plus de 10 ans d’autre part. <br />
<br />
Seule la bonne foi d’EINAUDI sera examinée. <br />
<br />
Comme il avait fait condamner le Nouvel Observateur<br><br />
en 1991, qui qualifiait Maurice PAPON de complice du génocide Nazi,<br> <br />
Jean-Marc VARAUT fera condamner EINAUDI, l’historien de circonstances, <br><br />
Il paiera le prix fort,<br><br />
le déshonneur, la honte, <br><br />
et 1 million de franc. <br />
<br />
Dans l’arène,<br><br />
VARAUT n’a point besoin de glaive,<br><br />
Il a le verbe et l’amnistie. <br />
<br />
Le décret du 22 mars 1962, dispose, en effet en son article 1er : <br />
<br />
''« Sont amnistiées les infractions commises dans le cadre des opérations de maintien de l’ordre dirigées contre l’insurrection algérienne avant le 20 mars 1962. »''<br />
<br />
Toutes les infractions, toutes sont pardonnées, <br><br />
C’était du maintien de l’ordre !<br><br />
<br />
Par la force du texte, il n’y aura pas de procès. <br />
<br />
Ce procès, celui de Jean-Luc EINAUDI, <br><br />
Ce procès de rien du tout, <br><br />
Dans la froideur de l’hiver, et de la 17e chambre, <br><br />
Ce procès, <br><br />
scène sur laquelle se joue l’accusation du criminel contre l’humanité tout entière, <br><br />
qui a l’audace, <br><br />
le panache, <br><br />
de tenter de faire condamner le chercheur qui a cherché, <br><br />
car son honneur de criminel contre l’humanité<br />
<br />
Sera l’unique et ténu interstice dans lequel la vérité pourra se glisser. <br />
<br />
Comme quand il fut témoin d’immoralité à BORDEAUX, <br><br />
EINAUDI, déterminé, s’approche de la barre et l’agrippe tel un capitaine<br><br />
Avec l’air d’un Noé qui sait le secret du déluge. <br><br />
Il se tourne vers le plaignant, se tourne vers ses juges.<br><br />
<br />
Il porte l’estocade. <br />
<br />
Pendant deux heures, <br />
<br />
Sans notes, <br />
<br />
Il raconte tout, comme il racontait à Bordeaux, <br><br />
1961, la France et son Afrique qui n’est plus vraiment sienne,<br><br />
PARIS, <br><br />
les harkis, <br><br />
les pieds noirs, <br><br />
les bidonvilles de NANTERRE, CHAMPIGNY, LA COURNEUVE, <br><br />
Les 11 policiers qui, seront fauchés par les balles du FLN, d’aout à septembre.<br><br />
<br />
La haine qui monte entre les deux camps. <br />
<br />
Il raconte le 2 octobre, les obsèques du brigadier Jean DEMOEN<br><br />
la rage, l’émotion de ses collègues, la peur qui monte, la haine aussi, <br><br />
<br />
Les mots du préfet de police Maurice PAPON, qui apaisent moins qu’ils n’attisent, <br />
<br />
« Vous êtes couverts par vos chefs et la légitime défense. Pour un coup donné, nous en rendrons dix. »<br />
<br />
Les litres d’eau de javel bus par les français musulmans d’Algérie dans les caves du commissariat de la <br><br />
Goutte d’or,<br><br />
les attentats<br><br />
les bastonnades,<br><br />
les rackets, <br><br />
les humiliations,<br><br />
les bicots, <br><br />
les bougnoules<br><br />
les ratons. <br><br />
<br />
EINAUDI raconte, la note du 5 octobre de ce même préfet de police, <br><br />
autorisant les policiers à abattre tout français musulman d’Algérie,<br><br />
car c’était leur statut légal, <br><br />
pris en flagrant délit, sans préciser le délit. <br />
<br />
Le couvre-feu du même jour, imposant à ces mêmes Français Musulmans d’Algérie, <br><br />
ou tout autre basané ressemblant de près, ou de loin, ou de très loin, à un arabe, de ne pas quitter son <br><br />
domicile entre 20h30 et 5h30 du matin. <br><br />
<br />
EINAUDI raconte surtout la réponse de la fédération de France du FLN <br><br />
qui appelle tous les algériens à aller, le 17 octobre, se montrer, <br />
<br />
Et de fort belle manière <br />
<br />
Algériens de France, vous sortirez avec vos plus beaux atours, <br><br />
pour montrer que vous existez, que vous ne vous cacherez pas, <br />
<br />
Montrez que vous êtes beaux, et fêtez dans PARIS. <br><br />
Soyez fiers, soyez libres, <br><br />
Mais respectez deux règles : pas d’armes, pas de riposte. <br><br />
<br />
Puis le 17 octobre, puis le 17 octobre. <br />
<br />
En plein PARIS, à l’heure ou sous la pluie, <br><br />
la pavé noirci reflète les enseignes au néon,<br><br />
A l’heure où PARIS fait la queue au cinéma, <br><br />
Où PARIS pousse la porte des cabarets et restaurants, <br><br />
Où PARIS ouvre ses huitres,<br><br />
Où PARIS s’amuse, <br />
<br />
Une foule, dont l’œil seul ne saurait embrasser le contour, <br><br />
Tout entière, debout, comme une hydre vivante,<br><br />
fière, joyeuse, l’âme sans épouvante, <br><br />
<br />
La liberté sublime emplissant les pensées, <br><br />
de 20.000, ou de 30 qui entraient dans PARIS, <br><br />
Qui emplissait la brume de cris et chants rythmés<br />
<br />
''Tahia Djazair,''<br />
''Vive l’Algérie libre, ''<br><br />
''Allez les fellaghas, ''<br><br />
''Libérez BEN BELLA, ''<br><br />
''A bas le couvre-feu,''<br><br />
''A bas le couvre-feu,''<br><br />
<br />
Et c’est au son d’à bas le couvre-feu, <br><br />
Que la police l’ouvrit, le feu. <br />
<br />
La liesse, bien vite, est devenue panique. <br><br />
La foule effrayée, est devenue tempête.<br><br />
Les hommes rendus stupides par l’horreur, <br><br />
courraient,<br><br />
Pour éviter le plomb, le feu et la matraque. <br />
<br />
Dans la brume affreuse de PARIS, <br><br />
les badauds crurent voir d’étranges bucherons travailler dans la nuit, <br><br />
qui frappaient, qui frappaient, d’un geste mécanique, <br><br />
<br />
Quiconque osait laisser trainer un crane ou une cote <br />
<br />
La cruauté, la haine, dans le langage des coups.<br />
<br />
Le sang coulait, giclait de toutes part,<br><br />
Les vêtements des policiers étaient de carnage rougis. <br><br />
Ils avaient tout le soir tué n’importe qui. <br><br />
<br />
L’Ile de la Cité trembla sous ce fracas monstrueux et sauvage. <br />
<br />
Aux abords de la Seine, méthodiquement, on brise les membres, <br><br />
on lie les poignées, on lie les chevilles, <br><br />
et on jette les gens, comme des fétus de paille. <br><br />
Les ponts Saint Michel, de Neuilly, pleurèrent longtemps des corps balancés comme cela. <br />
<br />
Cette nuit-là, les badauds des rives de Seine virent, <br><br />
sur le souple oreiller de l’eau molle et profonde, <br><br />
le reflet de la lune perturbé çà et là par le passage délicat d’étranges nénuphars, <br><br />
caressés, portés, sur des flots incertains, et voguant vers l’oubli. <br />
<br />
Cette nuit-là, 12000 hommes furent raflés vers le Palais des sports,<br><br />
Mais cette nuit-là seulement, demain Ray Charles y joue. On rafle, mais on doit quand même danser...<br><br />
Heureusement qu’il reste Vincennes et Pierre de Coubertin pour la foule des arrêtés, leurs cris, plaies, <br><br />
clameurs et abois, le sol couvert de morts sur qui tombait la nuit.<br />
<br />
Les autres râlants, brisés, <br><br />
et morts plus qu’à moitié. <br />
<br />
C’était le maintien de l’ordre, couvert par l’amnistie. <br />
<br />
EINAUDI achève, regardant directement son accusateur dans les yeux, <br><br />
le défiant, <br><br />
lui disant être venu en mémoire de ces victimes algériennes, <br><br />
enterrées comme des chiens dans la fosse commune réservée aux musulmans inconnus du cimetière de <br><br />
THIAIS, <br />
<br />
L’accusateur, Maurice PAPON, n’est pas plus perturbé que cela. <br />
<br />
Il a toujours son prétexte. <br />
<br />
D’une voix sure, qui prend son temps, <br><br />
d’une expression aisée, qui sent le passé, <br><br />
d’un phrasé impeccable, il reprend EINAUDI : <br><br />
<br />
« Monsieur le Président, <br />
<br />
Dans les wilayas musulmanes, on m’appelait AL MAHDI : c’est le bon, le juste, le sage. <br />
<br />
Peut-être la plus belle décoration que j’ai reçu de ma carrière. <br />
<br />
J’aimais les algériens. <br><br />
Les algériens m’aimaient. <br><br />
<br />
Le FLN tuait, Monsieur le Président.<br />
<br />
Chez les policiers, le sang était chaud et la vindicte à fleur de peau. <br />
<br />
Ce 17 octobre était une bataille qu’il fallait accepter et gagner. <br />
<br />
Imaginez-vous, le déferlement de cette marée écumante vers l’Etoile et les Champs ? <br />
<br />
Le FLN voulait immerger PARIS sous des vagues algériennes.<br> <br />
On a frisé la subversion, évité le désastre. <br />
<br />
Les centaines de morts sont une ignoble invention. <br><br />
Les photos, des trucages.<br><br />
<br />
C’est inimaginable d’accuser les personnels de police d’avoir fait cela. <br><br />
Ce n’est pas leur style.<br />
<br />
On ne casse pas des cranes avec un képi.<br />
<br />
Le Général m’avait ordonné de tenir PARIS. <br><br />
J’AI OBEI AUX ORDRES et J’ai tenu PARIS.<br> <br />
<br />
Force est restée à la loi, au prix de trois morts inutiles. <br />
<br />
Monsieur le Président, <br><br />
La France, tant que j’aurai un souffle,<br><br />
Je ne laisserai pas y toucher. »<br><br />
<br />
Le prétexte est travaillé, il est bon,<br><br />
la conscience est sauve, <br><br />
<br />
face à la cohorte de témoins cités par EINAUDI,<br />
<br />
Face à Emile Portzer, policier, qui raconte les moqueries des collègues,<br><br />
Les fausses rumeurs de policiers morts le soir des faits sur les radios<br><br />
Démenties par personne, qui raconte les rires !<br><br />
« Un bougnoule en moins » haha<br><br />
« On va voir si les rats savent nager » hahaha<br><br />
<br />
PAPON ne tremble pas. <br />
<br />
Ahcène BOULANOUAR qui raconte comment il fut pendu, <br><br />
comme tant d’autres, <br><br />
dans la cour de la Préfecture de Police de PARIS<br><br />
<br />
PAPON ne tremble pas.<br />
<br />
Gérard GRANDE, élève infirmier au Palais des sports, <br><br />
vient partager son sentiment sur les 9 cadavres aperçus dans un placards. <br><br />
<br />
PAPON ne tremble pas.<br />
<br />
Une mère, endeuillée depuis 38 ans, passe rapidement.<br><br />
Elle tente. Sanglote. Et dans une prière se rassoit. <br><br />
L’on comprend en la voyant que l’enfant qu’on allaita, <br><br />
c’est dur de l’enterrer.<br />
<br />
PAPON ne tremble pas.<br />
<br />
Enfin, Brigitte LAINE et Philippe GRAND.<br />
<br />
Qui n’étaient pas là,<br><br />
qui n’ont pas parlé à un seul témoin. <br><br />
mais qui, en tant que conservateurs aux archives de PARIS,<br> <br />
viennent déposer au prix d’une entorse manifeste à leur devoir de réserve,<br><br />
Tout simplement faire état de ce qu’ils ont vu, <br><br />
dans les archives, du parquet notamment, <br><br />
qu’on refuse avec force à EINAUDI.<br><br />
<br />
Des 103 dossiers d’instruction ouverts, concernant 130 personnes, <br><br />
tous couverts par l’amnistie, <br />
<br />
Des 32 dossiers pour 40 décès, classés sans suite, <br />
<br />
Du réquisitoire définitif du 30 octobre <br><br />
relatif à la mort de 63 nord africains, <br><br />
dont 26 non-identifiés,<br><br />
<br />
Des constantes : strangulations, mains liées, balles, noyades, <br />
<br />
Et une motivation qui sans cesse revient :<br />
<br />
« aucun élément ne permet de vérifier/établir que X a été blessé par un rpz des FDO ».<br />
<br />
Les archives viennent de parler. <br />
<br />
L’Etat vient de parler. <br />
<br />
Là, PAPON tremble un peu. <br />
<br />
Furieux, Jean-Marc VARAUT plaide et interpelle les archivistes<br><br />
D’un art tyrannique, il se fait menaçant, <br />
<br />
Avez-vous seulement conscience de faire état de documents couverts par le secret d’Etat<br><br />
Monsieur le Président, Mesdames du tribunal, <br><br />
La FRANCE est malade de ses fonctionnaires. <br><br />
<br />
Ce pseudo historien, qui a jadis produit un livre sur ces faits, <br><br />
attaqué par personne car lu par personne, <br><br />
convoque un obscur policier, et des témoins compromis avec l’ennemi. <br />
<br />
C’était la guerre, contre la rébellion terroriste. <br />
<br />
Les 12000 arrestations ont permis de mettre aux arrêts<br> <br />
les proxénètes, les oisifs, les cadres du FLN. <br><br />
<br />
Pierre MESSMER, ministre des armées de l’époque, <br><br />
est venu le dire à Bordeaux !<br><br />
« on ne peut pas imputer un préfet la responsabilité des événements<br><br />
lorsque le gouvernement lui a donné des ordres précis ». <br><br />
<br />
Le Général savait.<br><br />
Il savait les ordres clairs qu’il a donné. <br><br />
Il a maintenu PAPON. <br />
<br />
A travers PAPON, c’est de Gaulle qu’on attaque. <br />
<br />
Son honneur bafoué, devra être réparé. <br><br />
L’honneur du a sa fonction. <br><br />
L’honneur du à la France. <br><br />
<br />
Vincent LESCLOUX, premier substitut du procureur, commence par un hommage. <br />
<br />
Il y eut un nombre important de morts dans la nuit du 17 octobre. <br><br />
De pauvres morts qui pèsent lourds sur la conscience. <br><br />
De pauvres morts anonymes.<br><br />
<br />
Certains policiers sont devenus – nombreux – les jouets de la haine qui les a aveuglés. <br />
<br />
EINAUDI a pu, à bon droit, utiliser le mot massacre, <br />
<br />
''« l’expression de meurtre n’étant plus adaptée vu le nombre de morts et les exactions déchainées des <br />
<br />
forces de police ». ''<br />
<br />
Les recherches d’EINAUDI ont fait sonner les 12 coups de l’histoire. <br />
<br />
Toutefois, n’a-t-il pas diffamé en affirmant que cela a été fait sous les ordres de PAPON ? <br><br />
A-t-il fait preuve de prudence alors qu’il n’a pas recherché les responsabilités intermédiaires ? <br />
<br />
Le lecteur moyen a pu comprendre cette phrase comme une grave accusation portant atteinte à l’honneur <br><br />
du plaignant.<br />
<br />
N’étant pas prouvée, elle est diffamatoire.<br />
<br />
En défense Pierre MAIRAT rappelle la stratégie de PAPON : <br />
<br />
Faire condamner EINAUDI dont la parole a pesé si lourd à BORDEAUX, avant un second procès après <br><br />
cassation. <br />
<br />
Il veut faire taire la bouche de l’histoire, la liberté de recherche. <br />
<br />
La défense de PAPON se caractérise, <br><br />
soit par le silence, <br><br />
soit par le mensonge, le bluff, la négation, <br><br />
soit encore par la duplicité. <br><br />
<br />
Il nie les victimes des brutalités policières.<br />
<br />
Il nie les morts.<br />
<br />
Il nie les disparus.<br />
<br />
Il nie les photos.<br />
<br />
Il nie les témoignages. <br />
<br />
Si les manifestants étaient dangereux et armés : <br><br />
pourquoi aucun blessé par balle chez la police ? <br><br />
Pourquoi aucune arme saisie chez les manifestants ? <br><br />
<br />
Le massacre est reconnu par le parquet, le représentant, la bouche de l’Etat, de la société. <br />
<br />
Dès lors, ou est la diffamation ? N’est-il pas temps de regarder notre histoire en face ? <br />
<br />
La relaxe s’impose. <br />
<br />
Le dernier mot revient au prévenu, à Jean-Luc EINAUDI, <br><br />
qui d’un dernier regard à PAPON lui lance : <br><br />
<br />
Vous me méprisez, vous avez voulu me faire taire, <br><br />
mais j’ai envie de vous dire, Monsieur Papon, merci ! <br><br />
en me faisant ce procès, vous avez permis que l’histoire avance.<br><br />
<br />
Le tribunal se retire pour délibérer. <br />
<br />
Les semaines passent, la tension monte. <br />
<br />
Le 26 mars 1999, la salle est plus clairsemée. <br><br />
Les nerfs sont plus tendus, <br><br />
Le délibéré, rendu par Jean-Yves MONFORT, <br><br />
n’est tout d’abord pas en la faveur du prévenu. <br><br />
<br />
Il conclut en effet tout d’abord au caractère diffamatoire de l’assertion, en ce qu’elle porte, par sa nature <br><br />
même, atteinte à l’honneur du plaignant. <br />
<br />
Le prétexte se porte bien. <br />
<br />
Cependant : <br />
<br />
« Considérant que l’ensemble des témoignages versés au dossier sont concordants ; <br><br />
Que les éléments produits démontrent que certains éléments des FDO ont agi avec une extrême <br><br />
violence ; <br><br />
Que cette violence n’était pas justifiée par le comportement manifestants ce soir-là ; <br><br />
Que le nombre des victimes a été important , en tout cas largement supérieur à celui du bilan officiel ; <br><br />
<br />
<br />
Que dès lors que l’on admet que la version officielle des événements de 1961 semble avoir été inspirée <br><br />
largement par la raison d’Etat <br><br />
– admissible , au demeurant , au regard de la situation de l’époque –<br><br />
et que l’extrême dureté de la répression d’alors doit appeler, de nos jours, des analyses différentes, qui <br><br />
n’excluent pas nécessairement l’emploi du mot » massacre », <br><br />
on ne saurait faire grief à un historien, <br><br />
auquel on ne conteste finalement pas le sérieux et la qualité de sa recherche, <br><br />
d’avoir manqué de circonspection lorsque, <br><br />
dans une formule conclusive , <br><br />
qui tend à interpeller le lecteur, <br><br />
il qualifie rudement les faits, <br><br />
et désigne sèchement un responsable.<br />
<br />
La liberté de la recherche historique doit avoir en effet pour corollaire une certaine tolérance dans <br><br />
l’appréciation de l’expression de ses résultats. <br><br />
<br />
Le Tribunal considère donc que le bénéfice de la bonne foi peut être accordé au prévenu.<br />
<br />
PAR CES MOTIFS<br />
<br />
Le tribunal statuant publiquement, <br><br />
en matière correctionnelle, <br><br />
en premier ressort et par jugement contradictoire<br><br />
<br />
RELAXE le prévenu Jean-Luc EINAUDI des fins de la poursuite,<br />
<br />
DÉBOUTE la partie civile Maurice PAPON de ses demandes. »<br />
<br />
Le Mahdi a perdu, et dormira plus mal.<br />
<br />
Messieurs et Mesdames les Bâtonniers, <br><br />
Messieurs et Mesdames les Hauts Magistrats, <br><br />
<br />
Chers Confrères, <br />
<br />
Chères Consœurs, <br />
<br />
Les lois, les tribunaux, les juges, <br><br />
participent à garnir les pages du grand livre de l’histoire. <br><br />
<br />
Toutefois, <br><br />
Les magistrats ne sont, ni des militants, ni des justiciers, ni des historiens.<br><br />
<br />
Ils disent le droit. <br />
<br />
La vérité judiciaire est chose bien étrange. <br />
<br />
Elle me permet de dire, excipant ce jugement, qu’un massacre a eu lieu. <br />
<br />
Mais un massacre, n’est pas une qualification juridique. <br><br />
Un assassinat, un meurtre, ça l’est. <br />
<br />
Ainsi, nos principe, essentiels à notre office et à toute société, <br><br />
en raison de la présomption d’innocence, <br><br />
m’empêchent de dire<br><br />
que quiconque a commis un assassinat ou un meurtre ce soir-là. <br><br />
<br />
L’amnistie, en passant l’éponge judiciaire a lavé, <br><br />
pardonné, oublié. <br />
<br />
La vérité, quand elle est imposée<br><br />
car l’amnistie est une injonction, <br><br />
est chose bien volatile. <br><br />
<br />
Le 14 septembre 2023, un avocat général requérait la relaxe à l’endroit de six policiers qui, ayant <br><br />
repêché un homme dans l’eau, se moquaient du bicot qu’il était. <br />
<br />
Car oui un bicot comme ça, ça nage pas. <br />
<br />
Qualifiant le dossier de « cirque (…) auquel il est bon de mettre fin », <br><br />
cet avocat général évoquait notamment le 17 octobre <br><br />
en disant que c’était le FLN qui noyait les algériens ce jour-là. <br><br />
<br />
Donc vous savez, la vérité. <br />
<br />
Elle réside surtout dans les faits.<br />
<br />
Le fait est que dans notre capitale, Paris, ville où l’Europe se mêle,<br><br />
Poumon de la morale, du droit, de la vérité, de la vertu, du devoir, du progrès, de la raison, <br><br />
Dans PARIS, on peut tuer des centaines d’arabes, sans qu’on sache précisément combien. <br><br />
<br />
100 à 300 c’est de la statistique, et de la mauvaise. <br />
<br />
La vérité n’est que dans les faits<br><br />
Le fait est que PAPON était un boulon, au sein d’une machine bien huilée. <br><br />
PAPON était fonctionnaire, <br><br />
Fonctionnaire de l’Etat français, puis de la République. <br><br />
<br />
PAPON a obéi aux ordres. <br><br />
Le prétexte est bien commode, mais le prétexte est vrai. <br />
<br />
Le 17 octobre 1961, <br><br />
Roger FREY, Ministre de l’intérieur, savait, et a ordonné, <br><br />
Michel DEBRE, Premier Ministre, savait, et a ordonné, <br><br />
Charles de GAULLE, Président de la République, savait, et a ordonné. <br><br />
<br />
Il n’y aura pas de procès pour le 17 octobre 1961. <br />
<br />
La vérité n’est que dans les faits<br><br />
Le fait est que Maurice PAPON dort, <br />
<br />
pour toujours et à jamais, <br><br />
avec sa légion d’honneur sur le torse. <br />
<br />
Quand les repêchés du 17 octobre, dorment, <br><br />
le souvenir enseveli, <br><br />
dans l’étroit cimetière de Thiais, <br><br />
où l’écho seul leur répond.<br><br />
<br />
Rien ne sait plus leur nom, pas même une simple pierre. <br />
<br />
Sans procès, seule l’ordalie fait loi<br><br />
Finalement, s’ils ont coulés, peut-être qu’ils étaient coupables.<br />
<br />
Messieurs et Mesdames les Bâtonniers, <br><br />
Messieurs et Mesdames les Hauts Magistrats, <br><br />
Chers Confrères, <br><br />
Chères Consœurs, <br><br />
<br />
Nous sommes tous des bicots. <br><br />
Nous sommes tous des youpins. <br><br />
Nous sommes tous des nègres. <br><br />
<br />
La mémoire apaise<br><br />
Quand l’oubli invite à l’incendie, <br><br />
On n’oublie pas volontairement. <br><br />
<br />
Qu’on ouvre les archives, et que quiconque aille par lui-même,<br><br />
Se jeter à corps perdu dans l’admiration des plus belles pages de l’histoire de notre pays, <br><br />
comme dans la lecture coupable de celles les plus flétries. <br><br />
<br />
Vous, où ceux qui comme moi,<br />
<br />
perdus entre leurs racines ancrées dans une mémoire coloniale<br><br />
que nul ne veut voir, <br><br />
et leurs branches qui fleurissent sous un beau ciel français, <br><br />
<br />
Perdus entre le ressentiment de ne pas vraiment être,<br><br />
et l’envie d’être, mais pas vraiment. <br><br />
<br />
Perdus dans le passé, leçon qu’épelle l’avenir,<br><br />
Perdus dans ce qui commença, pour ne jamais finir. <br><br />
<br />
Perdus. <br />
<br />
Hélas ! combien de temps faudra-t-il vous redire <br><br />
À vous tous, que c’était à vous de les conduire,<br><br />
Qu’il fallait leur donner leur part de la cité,<br><br />
Que votre aveuglement produit leur cécité ;<br><br />
D’une tutelle avare on recueille les suites,<br><br />
Et le mal qu’ils vous font, c’est vous qui le leur fîtes.<br><br />
<br />
Messieurs et Mesdames les Bâtonniers, <br><br />
Messieurs et Mesdames les Hauts Magistrats, <br><br />
Chers Confrères, <br><br />
Chères Consœurs, <br><br />
<br />
Vous sortirez, dans une heure, vous promener un peu.<br />
<br />
Il faut bien digérer les petits fours, <br />
<br />
Sortez du théâtre,<br />
<br />
Traversez la foule<br><br />
Traversez la route, <br><br />
Là, arrêtez-vous un instant, sur le Pont Saint Michel,<br><br />
penchez-vous sur les eaux sombres et calmes de la Seine. <br><br />
<br />
Et ne détournez pas le regard<br><br />
Quand vous verrez les cadavres remonter.</div>Asecretanhttps://www.lagbd.org/index.php?title=Rentree_solennelle_du_Barreau_de_PARIS_Discours_de_Seydi_BA_Deuxieme_secretaire_de_la_conference&diff=79411Rentree solennelle du Barreau de PARIS Discours de Seydi BA Deuxieme secretaire de la conference2023-12-05T13:50:43Z<p>Asecretan : </p>
<hr />
<div>{{DISPLAYTITLE: Rentrée solennelle du Barreau de Paris- Discours de Me Seydi BA, deuxième secrétaire de la Conférence}}<br />
<br />
[[Catégorie: Article juridique]]<br />
<br />
Discours de Seydi BA, deuxième secrétaire de la Conférence<br><br />
'''''Le procès de Jean-Luc EINAUDI, ou « l’honneur de PAPON »'''''<br><br />
''17e chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de PARIS''<br><br />
''Les 4, 5, 11, 12 février 1999''<br />
<br />
<br />
[[Fichier:Discours1.jpg|320px|center]]<br />
<br />
[[Fichier:Discours2.jpg|320px|center]]<br />
<br />
<br />
<br />
<br />
<br />
Lire au format PDF : [[Fichier:Logo-PDF.png|40px|link=https://www.lagbd.org/images/d/dc/Discours_de_Seydi_Ba_2%C3%A8me_secr%C3%A9taire_de_la_Conf%C3%A9rence.pdf]]<br />
***<br />
<br />
<br />
InchAllah, le corps remontera, <br />
<br />
Si Dieu le veut, il reverra les cieux, <br />
<br />
L’ordalie a cela de parfait, qu’elle permet d’arriver à un objectif complexe,<br><br />
la paix sociale, <br><br />
par un processus simple. <br><br />
<br />
Un corps, de l’eau, et Dieu. <br />
<br />
Qu’importe l’innocence, la culpabilité<br />
<br />
Pourvu qu’on ait la paix. <br />
<br />
Le sort des âmes se joue dans le miroir froid et mouillé de la justice divine. <br />
<br />
La vérité se dissout, emportée par les courants, <br />
<br />
et le village dort bien mieux, sachant la sorcière morte.<br />
<br />
Si elle a coulé, c’est qu’elle était coupable. <br><br />
S’ils ont coulés, c’est qu’ils étaient coupables. <br />
<br />
Sur de son innocence, convaincu de sa bonne foi, <br><br />
l’homme ne peut mal agir. <br />
<br />
L’homme peut avoir, d’une simple signature, envoyé, cohortes et légions d’hommes femmes enfants, <br><br />
vers une mort certaine, douloureuse, par suffocation, <br><br />
il n’a pas forcément mal agi ! <br><br />
s’il avait un prétexte. <br><br />
<br />
Un prétexte, <br><br />
Une pensée, simple, lapidaire, qui vient ordonner le chaos et arrêter la tempête sous le crâne. <br><br />
Une pensée, qui vient faire la jonction entre l’action la plus abjecte permise par la Création, et la bonne <br><br />
personne, que nous sommes tous, au moins pour nous-mêmes.<br><br />
<br />
Le prétexte nous fait bonne personne.<br><br />
Une bonne personne, ça dort bien. <br><br />
Un prétexte, et vous dormirez bien. <br><br />
<br />
Je n’ai fait qu’obéir aux ordres. <br />
<br />
S’ils ont coulé, c’est qu’ils étaient coupables. <br />
<br />
Bonne nuit, Monsieur PAPON. <br />
<br />
Mesdames Messieurs les Bâtonniers, <br><br />
Mesdames Messieurs les Hauts Magistrats,<br> <br />
Chères Consœurs, Chers Confrères. <br><br />
<br />
Vous êtes de bonnes personnes.<br />
<br />
Par la magie de son prétexte, Maurice PAPON l’est tout autant. <br />
<br />
Certes, il a été condamné pour crime contre l’humanité, à BORDEAUX, <br />
<br />
MAIS DEJA il s’est pourvu en cassation<br />
<br />
ET SURTOUT il a obéi aux ordres.<br />
<br />
Il conserve ainsi l’honneur propre aux gens de bien, <br><br />
jadis confié au hasard du duel, désormais protégé par le droit, la justice.<br><br />
<br />
C’est la raison pour laquelle c’est la même silhouette qu’à Bordeaux, <br><br />
avec la même cravate noire, <br><br />
le même costume blanc, <br><br />
la même rosette <br><br />
avec une moustache en plus qui se tient, <br><br />
ce 5 février 1999, sur le banc des parties civiles de la 17e chambre correctionnelle du Tribunal de grande <br><br />
instance de PARIS.<br />
<br />
Pour son honneur, <br><br />
celui de la fonction qu’il occupait jadis, <br><br />
celui de son pays. <br><br />
<br />
Ses avocats, Jean-Marc VARAUT et Francis VUILLEMIN, y voient une stratégie plus judiciaire, plus <br><br />
cynique : <br><br />
dans l’attente de l’issue du pourvoi, <br><br />
faire citer en diffamation ce témoin d’immoralité si embêtant à BORDEAUX, <br><br />
le faire condamner<br><br />
<br />
pour le discréditer et alléger un dossier déjà bien lourd, <br><br />
dans l’optique d’un second procès<br />
<br />
Va ainsi se jouer, durant 4 jours, devant la 17e, l’issue d’un combat judiciaire entre deux fins bretteurs. <br />
<br />
Le dénouement d’un mano a mano sur fond de vérité, <br />
<br />
d’honneur,<br />
<br />
et de considération.<br />
<br />
Le prévenu n’est pas comme son adversaire, <br><br />
commandeur de la Légion d’honneur. <br />
<br />
Pas de titre de l’autre côté de la barre, juste un homme, <br><br />
un éducateur à la protection judiciaire de la jeunesse, <br><br />
qui a fait un peu d’histoire. <br />
<br />
Vous aurez oublié son nom à la fin de ce discours.<br />
<br />
C’est ce qu’il aurait voulu. <br><br />
Que son nom s’efface, <br><br />
pour laisser toute la place à son œuvre, <br><br />
son obsession, <br><br />
le 17 octobre 1961, <br><br />
date à laquelle PARIS noya les algériens. <br />
<br />
Assisté de son défenseur, Pierre MAIRAT,<br><br />
Jean-Luc EINAUDI est prévenu d’avoir commis l’infraction de diffamation envers un fonctionnaire<br><br />
public, <br />
<br />
En l’espèce, <br />
<br />
En portant atteinte à l’honneur et à la considération de Maurice PAPON, en signant le 20 mai 1998 une tribune dans Le Monde dans laquelle il affirmait : <br />
<br />
« Je persiste et je signe. Il y eut, en octobre 1961, Un massacre commis par des forces de l’ordre<br><br />
Sous les ordres de Maurice PAPON ». <br />
<br />
En cette phrase, ces 27 mots, l’œuvre de la vie de Jean-Luc EINAUDI.<br />
<br />
Une vie de recherches, <br><br />
de rencontres, <br><br />
de recueils de témoignages, <br><br />
de doutes sur ce bilan officiel de 3 morts, malgré les deuils par centaines, <br><br />
de dizaines de demandes d’accès aux archives nationales, et d’autant de refus,<br> <br />
Une vie de chemin égaré dans la brume de la raison d’Etat.<br />
<br />
Une vie, celle de Jean-Luc EINAUDI, en 27 mots, qui seront jugés, <br><br />
jaugés, pesés, sous pesés <br><br />
confirmés<br><br />
ou infirmés <br><br />
par l’implacable force de chose jugée liée à la juris dictio. <br><br />
<br />
Infirmés plutôt si l’on en croit Jean-Marc VARAUT, <br><br />
Le ténor le sait, <br><br />
bien qu’il s’agisse de diffamation <br><br />
il ne sera pas question pour la juridiction présidée par Jean-Yves MONFORT<br><br />
d’examiner la véracité ou non des propos d’EINAUDI. <br />
<br />
La condamnation est très probable. <br />
<br />
En 1999 en effet,<br><br />
le droit positif est tel que la preuve de la vérité, <br><br />
l’exceptio veritatis, <br><br />
ne saurait être rapportée s’agissant de faits amnistiés d’une part, <br><br />
et vieux de plus de 10 ans d’autre part. <br />
<br />
Seule la bonne foi d’EINAUDI sera examinée. <br />
<br />
Comme il avait fait condamner le Nouvel Observateur<br><br />
en 1991, qui qualifiait Maurice PAPON de complice du génocide Nazi,<br> <br />
Jean-Marc VARAUT fera condamner EINAUDI, l’historien de circonstances, <br><br />
Il paiera le prix fort,<br><br />
le déshonneur, la honte, <br><br />
et 1 million de franc. <br />
<br />
Dans l’arène,<br><br />
VARAUT n’a point besoin de glaive,<br><br />
Il a le verbe et l’amnistie. <br />
<br />
Le décret du 22 mars 1962, dispose, en effet en son article 1er : <br />
<br />
''« Sont amnistiées les infractions commises dans le cadre des opérations de maintien de l’ordre dirigées contre l’insurrection algérienne avant le 20 mars 1962. »''<br />
<br />
Toutes les infractions, toutes sont pardonnées, <br><br />
C’était du maintien de l’ordre !<br><br />
<br />
Par la force du texte, il n’y aura pas de procès. <br />
<br />
Ce procès, celui de Jean-Luc EINAUDI, <br><br />
Ce procès de rien du tout, <br><br />
Dans la froideur de l’hiver, et de la 17e chambre, <br><br />
Ce procès, <br><br />
scène sur laquelle se joue l’accusation du criminel contre l’humanité tout entière, <br><br />
qui a l’audace, <br><br />
le panache, <br><br />
de tenter de faire condamner le chercheur qui a cherché, <br><br />
car son honneur de criminel contre l’humanité<br />
<br />
Sera l’unique et ténu interstice dans lequel la vérité pourra se glisser. <br />
<br />
Comme quand il fut témoin d’immoralité à BORDEAUX, <br><br />
EINAUDI, déterminé, s’approche de la barre et l’agrippe tel un capitaine<br><br />
Avec l’air d’un Noé qui sait le secret du déluge. <br><br />
Il se tourne vers le plaignant, se tourne vers ses juges.<br><br />
<br />
Il porte l’estocade. <br />
<br />
Pendant deux heures, <br />
<br />
Sans notes, <br />
<br />
Il raconte tout, comme il racontait à Bordeaux, <br><br />
1961, la France et son Afrique qui n’est plus vraiment sienne,<br><br />
PARIS, <br><br />
les harkis, <br><br />
les pieds noirs, <br><br />
les bidonvilles de NANTERRE, CHAMPIGNY, LA COURNEUVE, <br><br />
Les 11 policiers qui, seront fauchés par les balles du FLN, d’aout à septembre.<br><br />
<br />
La haine qui monte entre les deux camps. <br />
<br />
Il raconte le 2 octobre, les obsèques du brigadier Jean DEMOEN<br><br />
la rage, l’émotion de ses collègues, la peur qui monte, la haine aussi, <br><br />
<br />
Les mots du préfet de police Maurice PAPON, qui apaisent moins qu’ils n’attisent, <br />
<br />
« Vous êtes couverts par vos chefs et la légitime défense. Pour un coup donné, nous en rendrons dix. »<br />
<br />
Les litres d’eau de javel bus par les français musulmans d’Algérie dans les caves du commissariat de la <br><br />
Goutte d’or,<br><br />
les attentats<br><br />
les bastonnades,<br><br />
les rackets, <br><br />
les humiliations,<br><br />
les bicots, <br><br />
les bougnoules<br><br />
les ratons. <br><br />
<br />
EINAUDI raconte, la note du 5 octobre de ce même préfet de police, <br><br />
autorisant les policiers à abattre tout français musulman d’Algérie,<br><br />
car c’était leur statut légal, <br><br />
pris en flagrant délit, sans préciser le délit. <br />
<br />
Le couvre-feu du même jour, imposant à ces mêmes Français Musulmans d’Algérie, <br><br />
ou tout autre basané ressemblant de près, ou de loin, ou de très loin, à un arabe, de ne pas quitter son <br><br />
domicile entre 20h30 et 5h30 du matin. <br><br />
<br />
EINAUDI raconte surtout la réponse de la fédération de France du FLN <br><br />
qui appelle tous les algériens à aller, le 17 octobre, se montrer, <br />
<br />
Et de fort belle manière <br />
<br />
Algériens de France, vous sortirez avec vos plus beaux atours, <br><br />
pour montrer que vous existez, que vous ne vous cacherez pas, <br />
<br />
Montrez que vous êtes beaux, et fêtez dans PARIS. <br><br />
Soyez fiers, soyez libres, <br><br />
Mais respectez deux règles : pas d’armes, pas de riposte. <br><br />
<br />
Puis le 17 octobre, puis le 17 octobre. <br />
<br />
En plein PARIS, à l’heure ou sous la pluie, <br><br />
la pavé noirci reflète les enseignes au néon,<br><br />
A l’heure où PARIS fait la queue au cinéma, <br><br />
Où PARIS pousse la porte des cabarets et restaurants, <br><br />
Où PARIS ouvre ses huitres,<br><br />
Où PARIS s’amuse, <br />
<br />
Une foule, dont l’œil seul ne saurait embrasser le contour, <br><br />
Tout entière, debout, comme une hydre vivante,<br><br />
fière, joyeuse, l’âme sans épouvante, <br><br />
<br />
La liberté sublime emplissant les pensées, <br><br />
de 20.000, ou de 30 qui entraient dans PARIS, <br><br />
Qui emplissait la brume de cris et chants rythmés<br />
<br />
''Tahia Djazair,''<br />
''Vive l’Algérie libre, ''<br><br />
''Allez les fellaghas, ''<br><br />
''Libérez BEN BELLA, ''<br><br />
''A bas le couvre-feu,''<br><br />
''A bas le couvre-feu,''<br><br />
<br />
Et c’est au son d’à bas le couvre-feu, <br><br />
Que la police l’ouvrit, le feu. <br />
<br />
La liesse, bien vite, est devenue panique. <br><br />
La foule effrayée, est devenue tempête.<br><br />
Les hommes rendus stupides par l’horreur, <br><br />
courraient,<br><br />
Pour éviter le plomb, le feu et la matraque. <br />
<br />
Dans la brume affreuse de PARIS, <br><br />
les badauds crurent voir d’étranges bucherons travailler dans la nuit, <br><br />
qui frappaient, qui frappaient, d’un geste mécanique, <br><br />
<br />
Quiconque osait laisser trainer un crane ou une cote <br />
<br />
La cruauté, la haine, dans le langage des coups.<br />
<br />
Le sang coulait, giclait de toutes part,<br><br />
Les vêtements des policiers étaient de carnage rougis. <br><br />
Ils avaient tout le soir tué n’importe qui. <br><br />
<br />
L’Ile de la Cité trembla sous ce fracas monstrueux et sauvage. <br />
<br />
Aux abords de la Seine, méthodiquement, on brise les membres, <br><br />
on lie les poignées, on lie les chevilles, <br><br />
et on jette les gens, comme des fétus de paille. <br><br />
Les ponts Saint Michel, de Neuilly, pleurèrent longtemps des corps balancés comme cela. <br />
<br />
Cette nuit-là, les badauds des rives de Seine virent, <br><br />
sur le souple oreiller de l’eau molle et profonde, <br><br />
le reflet de la lune perturbé çà et là par le passage délicat d’étranges nénuphars, <br><br />
caressés, portés, sur des flots incertains, et voguant vers l’oubli. <br />
<br />
Cette nuit-là, 12000 hommes furent raflés vers le Palais des sports,<br><br />
Mais cette nuit-là seulement, demain Ray Charles y joue. On rafle, mais on doit quand même danser...<br><br />
Heureusement qu’il reste Vincennes et Pierre de Coubertin pour la foule des arrêtés, leurs cris, plaies, <br><br />
clameurs et abois, le sol couvert de morts sur qui tombait la nuit.<br />
<br />
Les autres râlants, brisés, <br><br />
et morts plus qu’à moitié. <br />
<br />
C’était le maintien de l’ordre, couvert par l’amnistie. <br />
<br />
EINAUDI achève, regardant directement son accusateur dans les yeux, <br><br />
le défiant, <br><br />
lui disant être venu en mémoire de ces victimes algériennes, <br><br />
enterrées comme des chiens dans la fosse commune réservée aux musulmans inconnus du cimetière de <br><br />
THIAIS, <br />
<br />
L’accusateur, Maurice PAPON, n’est pas plus perturbé que cela. <br />
<br />
Il a toujours son prétexte. <br />
<br />
D’une voix sure, qui prend son temps, <br><br />
d’une expression aisée, qui sent le passé, <br><br />
d’un phrasé impeccable, il reprend EINAUDI : <br><br />
<br />
« Monsieur le Président, <br />
<br />
Dans les wilayas musulmanes, on m’appelait AL MAHDI : c’est le bon, le juste, le sage. <br />
<br />
Peut-être la plus belle décoration que j’ai reçu de ma carrière. <br />
<br />
J’aimais les algériens. <br><br />
Les algériens m’aimaient. <br><br />
<br />
Le FLN tuait, Monsieur le Président.<br />
<br />
Chez les policiers, le sang était chaud et la vindicte à fleur de peau. <br />
<br />
Ce 17 octobre était une bataille qu’il fallait accepter et gagner. <br />
<br />
Imaginez-vous, le déferlement de cette marée écumante vers l’Etoile et les Champs ? <br />
<br />
Le FLN voulait immerger PARIS sous des vagues algériennes.<br> <br />
On a frisé la subversion, évité le désastre. <br />
<br />
Les centaines de morts sont une ignoble invention. <br><br />
Les photos, des trucages.<br><br />
<br />
C’est inimaginable d’accuser les personnels de police d’avoir fait cela. <br><br />
Ce n’est pas leur style.<br />
<br />
On ne casse pas des cranes avec un képi.<br />
<br />
Le Général m’avait ordonné de tenir PARIS. <br><br />
J’AI OBEI AUX ORDRES et J’ai tenu PARIS.<br> <br />
<br />
Force est restée à la loi, au prix de trois morts inutiles. <br />
<br />
Monsieur le Président, <br><br />
La France, tant que j’aurai un souffle,<br><br />
Je ne laisserai pas y toucher. »<br><br />
<br />
Le prétexte est travaillé, il est bon,<br><br />
la conscience est sauve, <br><br />
<br />
face à la cohorte de témoins cités par EINAUDI,<br />
<br />
Face à Emile Portzer, policier, qui raconte les moqueries des collègues,<br><br />
Les fausses rumeurs de policiers morts le soir des faits sur les radios<br><br />
Démenties par personne, qui raconte les rires !<br><br />
« Un bougnoule en moins » haha<br><br />
« On va voir si les rats savent nager » hahaha<br><br />
<br />
PAPON ne tremble pas. <br />
<br />
Ahcène BOULANOUAR qui raconte comment il fut pendu, <br><br />
comme tant d’autres, <br><br />
dans la cour de la Préfecture de Police de PARIS<br><br />
<br />
PAPON ne tremble pas.<br />
<br />
Gérard GRANDE, élève infirmier au Palais des sports, <br><br />
vient partager son sentiment sur les 9 cadavres aperçus dans un placards. <br><br />
<br />
PAPON ne tremble pas.<br />
<br />
Une mère, endeuillée depuis 38 ans, passe rapidement.<br><br />
Elle tente. Sanglote. Et dans une prière se rassoit. <br><br />
L’on comprend en la voyant que l’enfant qu’on allaita, <br><br />
c’est dur de l’enterrer.<br />
<br />
PAPON ne tremble pas.<br />
<br />
Enfin, Brigitte LAINE et Philippe GRAND.<br />
<br />
Qui n’étaient pas là,<br><br />
qui n’ont pas parlé à un seul témoin. <br><br />
mais qui, en tant que conservateurs aux archives de PARIS,<br> <br />
viennent déposer au prix d’une entorse manifeste à leur devoir de réserve,<br><br />
Tout simplement faire état de ce qu’ils ont vu, <br><br />
dans les archives, du parquet notamment, <br><br />
qu’on refuse avec force à EINAUDI.<br><br />
<br />
Des 103 dossiers d’instruction ouverts, concernant 130 personnes, <br><br />
tous couverts par l’amnistie, <br />
<br />
Des 32 dossiers pour 40 décès, classés sans suite, <br />
<br />
Du réquisitoire définitif du 30 octobre <br><br />
relatif à la mort de 63 nord africains, <br><br />
dont 26 non-identifiés,<br><br />
<br />
Des constantes : strangulations, mains liées, balles, noyades, <br />
<br />
Et une motivation qui sans cesse revient :<br />
<br />
« aucun élément ne permet de vérifier/établir que X a été blessé par un rpz des FDO ».<br />
<br />
Les archives viennent de parler. <br />
<br />
L’Etat vient de parler. <br />
<br />
Là, PAPON tremble un peu. <br />
<br />
Furieux, Jean-Marc VARAUT plaide et interpelle les archivistes<br><br />
D’un art tyrannique, il se fait menaçant, <br />
<br />
Avez-vous seulement conscience de faire état de documents couverts par le secret d’Etat<br><br />
Monsieur le Président, Mesdames du tribunal, <br><br />
La FRANCE est malade de ses fonctionnaires. <br><br />
<br />
Ce pseudo historien, qui a jadis produit un livre sur ces faits, <br><br />
attaqué par personne car lu par personne, <br><br />
convoque un obscur policier, et des témoins compromis avec l’ennemi. <br />
<br />
C’était la guerre, contre la rébellion terroriste. <br />
<br />
Les 12000 arrestations ont permis de mettre aux arrêts<br> <br />
les proxénètes, les oisifs, les cadres du FLN. <br><br />
<br />
Pierre MESSMER, ministre des armées de l’époque, <br><br />
est venu le dire à Bordeaux !<br><br />
« on ne peut pas imputer un préfet la responsabilité des événements<br><br />
lorsque le gouvernement lui a donné des ordres précis ». <br><br />
<br />
Le Général savait.<br><br />
Il savait les ordres clairs qu’il a donné. <br><br />
Il a maintenu PAPON. <br />
<br />
A travers PAPON, c’est de Gaulle qu’on attaque. <br />
<br />
Son honneur bafoué, devra être réparé. <br><br />
L’honneur du a sa fonction. <br><br />
L’honneur du à la France. <br><br />
<br />
Vincent LESCLOUX, premier substitut du procureur, commence par un hommage. <br />
<br />
Il y eut un nombre important de morts dans la nuit du 17 octobre. <br><br />
De pauvres morts qui pèsent lourds sur la conscience. <br><br />
De pauvres morts anonymes.<br><br />
<br />
Certains policiers sont devenus – nombreux – les jouets de la haine qui les a aveuglés. <br />
<br />
EINAUDI a pu, à bon droit, utiliser le mot massacre, <br />
<br />
''« l’expression de meurtre n’étant plus adaptée vu le nombre de morts et les exactions déchainées des <br />
<br />
forces de police ». ''<br />
<br />
Les recherches d’EINAUDI ont fait sonner les 12 coups de l’histoire. <br />
<br />
Toutefois, n’a-t-il pas diffamé en affirmant que cela a été fait sous les ordres de PAPON ? <br><br />
A-t-il fait preuve de prudence alors qu’il n’a pas recherché les responsabilités intermédiaires ? <br />
<br />
Le lecteur moyen a pu comprendre cette phrase comme une grave accusation portant atteinte à l’honneur <br><br />
du plaignant.<br />
<br />
N’étant pas prouvée, elle est diffamatoire.<br />
<br />
En défense Pierre MAIRAT rappelle la stratégie de PAPON : <br />
<br />
Faire condamner EINAUDI dont la parole a pesé si lourd à BORDEAUX, avant un second procès après <br><br />
cassation. <br />
<br />
Il veut faire taire la bouche de l’histoire, la liberté de recherche. <br />
<br />
La défense de PAPON se caractérise, <br><br />
soit par le silence, <br><br />
soit par le mensonge, le bluff, la négation, <br><br />
soit encore par la duplicité. <br><br />
<br />
Il nie les victimes des brutalités policières.<br />
<br />
Il nie les morts.<br />
<br />
Il nie les disparus.<br />
<br />
Il nie les photos.<br />
<br />
Il nie les témoignages. <br />
<br />
Si les manifestants étaient dangereux et armés : <br><br />
pourquoi aucun blessé par balle chez la police ? <br><br />
Pourquoi aucune arme saisie chez les manifestants ? <br><br />
<br />
Le massacre est reconnu par le parquet, le représentant, la bouche de l’Etat, de la société. <br />
<br />
Dès lors, ou est la diffamation ? N’est-il pas temps de regarder notre histoire en face ? <br />
<br />
La relaxe s’impose. <br />
<br />
Le dernier mot revient au prévenu, à Jean-Luc EINAUDI, <br><br />
qui d’un dernier regard à PAPON lui lance : <br><br />
<br />
Vous me méprisez, vous avez voulu me faire taire, <br><br />
mais j’ai envie de vous dire, Monsieur Papon, merci ! <br><br />
en me faisant ce procès, vous avez permis que l’histoire avance.<br><br />
<br />
Le tribunal se retire pour délibérer. <br />
<br />
Les semaines passent, la tension monte. <br />
<br />
Le 26 mars 1999, la salle est plus clairsemée. <br><br />
Les nerfs sont plus tendus, <br><br />
Le délibéré, rendu par Jean-Yves MONFORT, <br><br />
n’est tout d’abord pas en la faveur du prévenu. <br><br />
<br />
Il conclut en effet tout d’abord au caractère diffamatoire de l’assertion, en ce qu’elle porte, par sa nature <br><br />
même, atteinte à l’honneur du plaignant. <br />
<br />
Le prétexte se porte bien. <br />
<br />
Cependant : <br />
<br />
« Considérant que l’ensemble des témoignages versés au dossier sont concordants ; <br><br />
Que les éléments produits démontrent que certains éléments des FDO ont agi avec une extrême <br><br />
violence ; <br><br />
Que cette violence n’était pas justifiée par le comportement manifestants ce soir-là ; <br><br />
Que le nombre des victimes a été important , en tout cas largement supérieur à celui du bilan officiel ; <br><br />
<br />
<br />
Que dès lors que l’on admet que la version officielle des événements de 1961 semble avoir été inspirée <br><br />
largement par la raison d’Etat <br><br />
– admissible , au demeurant , au regard de la situation de l’époque –<br><br />
et que l’extrême dureté de la répression d’alors doit appeler, de nos jours, des analyses différentes, qui <br><br />
n’excluent pas nécessairement l’emploi du mot » massacre », <br><br />
on ne saurait faire grief à un historien, <br><br />
auquel on ne conteste finalement pas le sérieux et la qualité de sa recherche, <br><br />
d’avoir manqué de circonspection lorsque, <br><br />
dans une formule conclusive , <br><br />
qui tend à interpeller le lecteur, <br><br />
il qualifie rudement les faits, <br><br />
et désigne sèchement un responsable.<br />
<br />
La liberté de la recherche historique doit avoir en effet pour corollaire une certaine tolérance dans <br><br />
l’appréciation de l’expression de ses résultats. <br><br />
<br />
Le Tribunal considère donc que le bénéfice de la bonne foi peut être accordé au prévenu.<br />
<br />
PAR CES MOTIFS<br />
<br />
Le tribunal statuant publiquement, <br><br />
en matière correctionnelle, <br><br />
en premier ressort et par jugement contradictoire<br><br />
<br />
RELAXE le prévenu Jean-Luc EINAUDI des fins de la poursuite,<br />
<br />
DÉBOUTE la partie civile Maurice PAPON de ses demandes. »<br />
<br />
Le Mahdi a perdu, et dormira plus mal.<br />
<br />
Messieurs et Mesdames les Bâtonniers, <br><br />
Messieurs et Mesdames les Hauts Magistrats, <br><br />
<br />
Chers Confrères, <br />
<br />
Chères Consœurs, <br />
<br />
Les lois, les tribunaux, les juges, <br><br />
participent à garnir les pages du grand livre de l’histoire. <br><br />
<br />
Toutefois, <br><br />
Les magistrats ne sont, ni des militants, ni des justiciers, ni des historiens.<br><br />
<br />
Ils disent le droit. <br />
<br />
La vérité judiciaire est chose bien étrange. <br />
<br />
Elle me permet de dire, excipant ce jugement, qu’un massacre a eu lieu. <br />
<br />
Mais un massacre, n’est pas une qualification juridique. <br><br />
Un assassinat, un meurtre, ça l’est. <br />
<br />
Ainsi, nos principe, essentiels à notre office et à toute société, <br><br />
en raison de la présomption d’innocence, <br><br />
m’empêchent de dire<br><br />
que quiconque a commis un assassinat ou un meurtre ce soir-là. <br><br />
<br />
L’amnistie, en passant l’éponge judiciaire a lavé, <br><br />
pardonné, oublié. <br />
<br />
La vérité, quand elle est imposée<br><br />
car l’amnistie est une injonction, <br><br />
est chose bien volatile. <br><br />
<br />
Le 14 septembre 2023, un avocat général requérait la relaxe à l’endroit de six policiers qui, ayant <br><br />
repêché un homme dans l’eau, se moquaient du bicot qu’il était. <br />
<br />
Car oui un bicot comme ça, ça nage pas. <br />
<br />
Qualifiant le dossier de « cirque (…) auquel il est bon de mettre fin », <br><br />
cet avocat général évoquait notamment le 17 octobre <br><br />
en disant que c’était le FLN qui noyait les algériens ce jour-là. <br><br />
<br />
Donc vous savez, la vérité. <br />
<br />
Elle réside surtout dans les faits.<br />
<br />
Le fait est que dans notre capitale, Paris, ville où l’Europe se mêle,<br><br />
Poumon de la morale, du droit, de la vérité, de la vertu, du devoir, du progrès, de la raison, <br><br />
Dans PARIS, on peut tuer des centaines d’arabes, sans qu’on sache précisément combien. <br><br />
<br />
100 à 300 c’est de la statistique, et de la mauvaise. <br />
<br />
La vérité n’est que dans les faits<br><br />
Le fait est que PAPON était un boulon, au sein d’une machine bien huilée. <br><br />
PAPON était fonctionnaire, <br><br />
Fonctionnaire de l’Etat français, puis de la République. <br><br />
<br />
PAPON a obéi aux ordres. <br><br />
Le prétexte est bien commode, mais le prétexte est vrai. <br />
<br />
Le 17 octobre 1961, <br><br />
Roger FREY, Ministre de l’intérieur, savait, et a ordonné, <br><br />
Michel DEBRE, Premier Ministre, savait, et a ordonné, <br><br />
Charles de GAULLE, Président de la République, savait, et a ordonné. <br><br />
<br />
Il n’y aura pas de procès pour le 17 octobre 1961. <br />
<br />
La vérité n’est que dans les faits<br><br />
Le fait est que Maurice PAPON dort, <br />
<br />
pour toujours et à jamais, <br><br />
avec sa légion d’honneur sur le torse. <br />
<br />
Quand les repêchés du 17 octobre, dorment, <br><br />
le souvenir enseveli, <br><br />
dans l’étroit cimetière de Thiais, <br><br />
où l’écho seul leur répond.<br><br />
<br />
Rien ne sait plus leur nom, pas même une simple pierre. <br />
<br />
Sans procès, seule l’ordalie fait loi<br><br />
Finalement, s’ils ont coulés, peut-être qu’ils étaient coupables.<br />
<br />
Messieurs et Mesdames les Bâtonniers, <br><br />
Messieurs et Mesdames les Hauts Magistrats, <br><br />
Chers Confrères, <br><br />
Chères Consœurs, <br><br />
<br />
Nous sommes tous des bicots. <br><br />
Nous sommes tous des youpins. <br><br />
Nous sommes tous des nègres. <br><br />
<br />
La mémoire apaise<br><br />
Quand l’oubli invite à l’incendie, <br><br />
On n’oublie pas volontairement. <br><br />
<br />
Qu’on ouvre les archives, et que quiconque aille par lui-même,<br><br />
Se jeter à corps perdu dans l’admiration des plus belles pages de l’histoire de notre pays, <br><br />
comme dans la lecture coupable de celles les plus flétries. <br><br />
<br />
Vous, où ceux qui comme moi,<br />
<br />
perdus entre leurs racines ancrées dans une mémoire coloniale<br><br />
que nul ne veut voir, <br><br />
et leurs branches qui fleurissent sous un beau ciel français, <br><br />
<br />
Perdus entre le ressentiment de ne pas vraiment être,<br><br />
et l’envie d’être, mais pas vraiment. <br><br />
<br />
Perdus dans le passé, leçon qu’épelle l’avenir,<br><br />
Perdus dans ce qui commença, pour ne jamais finir. <br><br />
<br />
Perdus. <br />
<br />
Hélas ! combien de temps faudra-t-il vous redire <br><br />
À vous tous, que c’était à vous de les conduire,<br><br />
Qu’il fallait leur donner leur part de la cité,<br><br />
Que votre aveuglement produit leur cécité ;<br><br />
D’une tutelle avare on recueille les suites,<br><br />
Et le mal qu’ils vous font, c’est vous qui le leur fîtes.<br><br />
<br />
Messieurs et Mesdames les Bâtonniers, <br><br />
Messieurs et Mesdames les Hauts Magistrats, <br><br />
Chers Confrères, <br><br />
Chères Consœurs, <br><br />
<br />
Vous sortirez, dans une heure, vous promener un peu.<br />
<br />
Il faut bien digérer les petits fours, <br />
<br />
Sortez du théâtre,<br />
<br />
Traversez la foule<br><br />
Traversez la route, <br><br />
Là, arrêtez-vous un instant, sur le Pont Saint Michel,<br><br />
penchez-vous sur les eaux sombres et calmes de la Seine. <br><br />
<br />
Et ne détournez pas le regard<br><br />
Quand vous verrez les cadavres remonter.</div>Asecretan