Arrêt Laurent du 24 mai 2018: la CEDH condamne la France pour violation du secret professionnel de l’avocat (fr)

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Auteur : Thierry Vallat, Avocat au Barreau de Paris




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Date : Mai 2018




L’interception, par un policier, d’un papier remis par un avocat à ses clients placés sous escorte policière n’était pas justifiée:


La Cour européenne des droits de l’homme condamne la France pour violation du secret professionnel de l’avocat dans son arrêt rendu le 24 mai 2018 dans l’affaire Laurent c/ France (requête n° 28798/13).


L’affaire concernait l’interception par un policier de papiers qu’un avocat avait remis à ses clients dans la salle des pas perdus d’un tribunal alors que ces derniers étaient placés sous escorte policière.


À l’issue du débat contradictoire avec le juge des libertés et de la détention, M. Laurent, en robe d’avocat, et ses deux clients patientaient autour d’une table dans la salle des pas perdus du tribunal.


Les deux personnes lui demandèrent une carte de visite professionnelle.


Il remit à l’un ses coordonnées sur un morceau de papier plié. Le sous-brigadier de police demanda de voir ce papier.


Notre confrère reprocha au policier de ne pas respecter la confidentialité de ses échanges avec son client. L


La CEDH a jugé que l’interception et l’ouverture de la correspondance de Me Laurent, en sa qualité d’avocat, avec ses clients ne répondaient à aucun besoin social impérieux et n’étaient donc pas nécessaires dans une société démocratique au sens de l’article 8 de la Convention.


À cet égard, la Cour précise qu’une feuille de papier pliée en deux, sur laquelle un avocat a écrit un message puis l’a remise à ses clients, est une correspondance protégée au sens de l’article 8.


Elle souligne que le contenu des documents interceptés par le policier importe peu dès lors que, quelle qu’en soit la finalité, les correspondances entre un avocat et son client portent sur des sujets de nature confidentielle et privée.


En l’espèce, Me Laurent, en sa qualité d’avocat, avait rédigé et remis les papiers en cause à ses clients à la vue du chef d’escorte, sans tenter de dissimuler son action, et en l’absence de tout soupçon d’acte illicite, l’interception des papiers en cause n’était pas justifiée.


Pour la CEDH, l’interception et l’ouverture de la correspondance de Me Laurent, en sa qualité d’avocat, avec ses clients ne répondaient à aucun besoin social impérieux


Dans son arrêt rendu le 24 mai 2018 la Cour européenne des droits de l’homme a donc reconnu une violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privée et de la correspondance) de la Convention européenne des droits de l’homme et a condamné la France.


Retrouvez également sur ce sujet notre article publié dans le Village de la Justice La nécessaire, mais constamment attaquée, protection du secret professionnel des avocats en Europe [1]