Comparaison des systèmes France / Italie en propriété intellectuelle (fr) (it)

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Compte-rendu de la réunion du 17 juin 2014 de la Commission conjointe Propriété intellectuelle et Italie du barreau de Paris, réalisé par Vincent Téchené, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo — édition affaires


Commission ouverte conjointe : Propriété intellectuelle et Italie
Co-responsables : Fabienne Fajgenbaum et Martina Barcaroli, avocats au barreau de Paris


Intervenants : Federica De Gregorio et Dorothée Jarrige du cabinet Perani & Partners, avocats à Milan.


Mots clefs : Droit comparé, propriété intellectuelle, Office italien des marques, design, marques, dessins, modèles, nouveauté, auteur, co-auteur, procédure d'opposition, concurrence déloyale



La procédure d'opposition des marques en Italie

Alors que cette procédure existe en France depuis 1991, l'opposition est opérationnelle en Italie seulement depuis 2011, qui était l'un des derniers pays de l'Union européenne à ne pas avoir mis en place cette procédure prévue par la Directive 89/104 du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des Etats membres sur les marques (N° Lexbase : L9827AUI).

La mise en place de cette procédure recèle de véritables difficultés dues à la fois à la nécessité de formation des examinateurs de l'Office italien des marques et au fait que, dès le début, la procédure d'opposition était possible à l'encontre de tous les produits et services, contrairement à la France qui a connu une entrée en vigueur progressive par classe.

Les normes réglementant la procédure d'opposition en Italie sont :

- les articles 174 à 184 du décret législatif n° 30/2005 ;
- les articles 46 à 63 du règlement d'exécution n° 33/2010 ;
- le décret du ministère du Développement économique du 11 mai 2011 ;
- la circulaire n° 582 de l'Office italien des brevets et des marques (UIBM).

L'opposition doit être formée auprès de l'UIBM contre les demandes de marques italiennes publiées dans le Bulletin officiel de l'UIBM ou contre la portion italienne des marques internationales publiées dans la Gazette de l'OMPI.

L'opposition doit être formée dans les 3 mois de la publication de la demande de marque italienne au Bulletin officiel de l'UIBM, pour les demandes de marques nationales déposées depuis le 1er mai 2011, ou du premier jour du mois suivant la date de publication de la marque à la Gazette de l'OMPI pour les marques internationales désignant l'Italie. Contrairement à la France, ce délai n'est pas prorogeable. Doivent être alors déposés le formulaire d'opposition désignant le déposant, les bases de l'opposition, le justificatif de taxe et les motifs de l'opposition qui sont exposés de façon succincte mais qui pourront être ensuite développés dans le cadre du premier mémoire.

Le pouvoir est nécessaire en Italie. Celui-ci est taxé à hauteur de 34 euros. Il doit être seulement signé par l'opposant et peut être déposé après le délai d'opposition de 3 mois, au plus tard avec le premier mémoire. Mais, il doit toujours être déposé, et ce même si les parties arrivent à une solution amiable qui conduit au retrait de l'opposition sans dépôt du premier mémoire. Dans de ce cas, il devra être déposé avant le retrait de l'opposition pour des raisons administratives et fiscales.

L'opposant doit être titulaire de la marque antérieure, qu'elle soit enregistrée ou déposée. Il peut également s'agir du licencié, à moins que le contrat de licence exclue cette possibilité. Peuvent également former une opposition, l'ayant droit des marques visées à l'article 8 du Code de la propriété industrielle italien et jouissant d'une notoriété, ainsi que le conjoint, les enfants, les parents et les autres ascendants ou descendants jusqu'au quatrième degré.

La titularité effective de la marque peut être prouvée postérieurement à l'opposition. Ainsi le cessionnaire de la marque, dont la cession n'aurait pas été transcrite au moment de l'opposition, peut former opposition à son nom et pourra par la suite présenter les documents prouvant sa titularité dans le délai de 3 mois.

Les bases de l'opposition possibles sont :

- la marque antérieure identique pour des produits ou des services identiques ;
- la marque antérieure identique ou similaire pour des produits ou des services identiques ou similaires en cas de risque de confusion ;
- les droits antérieurs visés à l'article 8 du CPI italien, à savoir, le portrait de personne, les patronymes, les signes utilisés dans les domaines artistique, littéraire, scientifique, politique ou sportif, les dénominations et sigles de manifestations et ceux d'organismes et d'associations à but non lucratif, dès lors qu'ils jouissent d'une notoriété.

En revanche, il n'est pas possible de former une opposition sur la base :

- d'une marque antérieure non enregistrée (marque de fait) ;
- d'une dénomination sociale, d'une enseigne ou d'un nom de domaine ; - d'une marque non enregistrée notoire au sens de l'article 6 bis de la Convention de Paris ;
- d'une marque antérieure enregistrée qui jouit d'une grande notoriété pour des produits ou des services différents.

Ces droits peuvent être invoqués uniquement dans le cadre d'une action judiciaire.

Contrairement à la France, aucune disposition spécifique ne prévoit en Italie qu'une collectivité territoriale peut former opposition. L'article 8 du Code de la propriété industrielle italien prévoit que l'opposant est l'ayant droit de droits du secteur artistique, sportif, politique, etc. ou les associations sans but lucratif titulaires de certains droits. Si les collectivités territoriales ne sont pas expressément visées par le texte, elles pourraient être considérées comme des sujets compris dans la notion de "titulaires de droits", selon l'interprétation qui en sera faite par les tribunaux italiens.

Cet article soulève des problèmes en Italie par la généralité de ses termes et parce que ne sont pas expressément visées comme en France les marques notoires. Dans une affaire, les détenteurs des droits sur un personnage de dessin animé à forte renommée en Italie ont formé opposition en se fondant sur la notion de signe notoire. L'office italien des marques a accueilli l'opposition mais la décision est confuse car cette dernière évoque la notion de "marque notoire" alors qu'il ne s'agit pas d'une marque notoire mais d'un "signe notoire artistique". Cette décision donnera probablement lieu à un recours devant la commission des recours et sera sûrement censurée car elle n'est pas correctement motivée.

L'opposition doit être formée et déposée en italien.

En Italie, les taxes sont de 250 euros et 34 euros (pour le pouvoir), soit un total de 284 euros contre 310 euros en France. Le justificatif du paiement des taxes doit être joint à l'acte d'opposition. La traduction des documents doit être déposée auprès de l'UIBM dans le délai de 30 jours à compter du dépôt des documents dans une langue étrangère.

Dans le délai de 2 mois du dépôt de l'acte d'opposition formelle, l'UIBM vérifie l'admissibilité et la recevabilité de l'opposition. Elle communique les délais de la procédure aux parties par poste certifiée ou par LR/AR.

La période de cooling-off est initialement fixée par l'UIBM pour une période de deux mois prorogeable sur requête conjointe des parties jusqu'à douze mois maximum. Ce délai court à compter de la date de la première communication aux parties et non de sa réception. Les parties peuvent demander une seule prorogation pour un total de douze mois ou demander plusieurs prorogations au gré de l'avancement des tractations. Comme au niveau communautaire, la législation italienne prévoit un opting-out, mais il est implicite : le dépôt du mémoire est interprété comme manifestant la volonté du déposant de sortir de la période de cooling-off.

Si une solution amiable est trouvée et est communiquée à l'Office avant l'expiration de la période de cooling-off, les taxes d'opposition sont remboursées. En l'absence d'accord, s'ouvre alors la phase contradictoire.

Dans le délai de deux mois à compter de l'expiration de la période de cooling off, l'opposant doit compléter l'acte d'opposition en déposant :

- le pouvoir, s'il n'a pas été joint à l'acte d'opposition ;
- une copie et la traduction en italien des certificats d'enregistrement ;
- les documents prouvant le bien-fondé de l'opposition.

Le mémoire doit être déposé par le déposant dans le délai de deux mois fixé par l'UIBM. Ce dernier peut inviter les parties à un autre échange de mémoire.

Le déposant peut demander des preuves d'usage de la marque antérieure, mais uniquement si celle-ci est enregistrée depuis plus de cinq ans à compter de la date de publication de la demande d'opposition. Les preuves d'usages ne peuvent être demandées qu'avec le premier mémoire du déposant.

Elles doivent être présentées par l'opposant dans les 60 jours de la demande. L'opposition est rejetée si l'opposant ne présente aucune preuve d'usage ou si celles qui sont présentées sont insuffisantes. Les critères d'évaluation de la preuve d'usage sont plus sévères qu'en France où il est seulement nécessaire de rapporter la preuve de l'usage pour un seul produit ou service, alors qu'en Italie, l'UIBM exige de rapporter la preuve de l'usage pour chaque produit et service. Il est à noter qu'un article du Code de la propriété industrielle italien dispose que l'usage ne doit pas nécessairement être réalisé dans le commerce mais qu'il peut ressortir de l'apposition de la marque lors de sa fabrication en Italie, même si le produit n'est pas commercialisé sur le sol italien.

Si le déposant demande les preuves d'usage, le délai de deux mois imparti au demandeur pour déposer son mémoire est également prorogeable à six mois maximum. De véritables difficultés existent car les délais connus de l'opposant et ceux notifiés par l'office, qui tarde souvent à transmettre le mémoire de l'opposant, sont dans la plupart des cas différents.

La procédure d'opposition ne connaît pas de phase orale ; il s'agit d'une procédure strictement écrite par échange de mémoires.

Par ailleurs, alors qu'en France aucun remboursement n'est possible, en Italie, le remboursement des frais officiels par la partie perdante à la procédure est prévu, dans la limite de 300 euros pour les frais de procédure. Le montant du remboursement est fixé de manière discrétionnaire par l'examinateur qui, en pratique, alloue toujours le maximum.

La décision de l'office est susceptible d'un recours dans les soixante jours suivant la date à laquelle la décision est rendue, devant la commission des recours de l'UIBM, composée de magistrats, avocats et professeurs de droit. Le Président de cette commission fixe les délais et la date de l'audience à laquelle l'Office peut participer. La procédure est orale ; mais cette phase n'est pas obligatoire car il est possible de procéder par échange de mémoires. La commission des recours peut rejeter le recours s'il est jugé irrecevable ou non fondé ou, au contraire, reconnaître le bien-fondé du recours et annuler la décision contestée en tout ou partie. La décision est notifiée aux parties et publiée à la Gazette officielle.

La décision de la commission des recours est elle-même susceptible d'un pourvoi en cassation dans le délai de 60 jours à compter de la notification de la décision, mais uniquement pour des motifs de droit.

Malgré la longueur de la procédure -comparée à la rapidité de la procédure française- et les incertitudes qui l'entourent, il est conseillé de déposer des oppositions en Italie car très souvent les procédures aboutissent soit à un accord entre les parties durant la période de cooling off, soit au retrait du dépôt litigieux. Pour renforcer l'efficacité de ce système, il est intéressant de doubler l'opposition par une mise en demeure, préalable au dépôt de l'opposition. En effet, il convient de tenir compte de la réalité économique de l'Italie dont le tissu entrepreneurial est pour l'essentiel composé d'indépendants et de TPE/PME conseillés par leur expert-comptable. L'avertissement du déposant et le dépôt d'une opposition leur fait donc craindre de lourdes conséquences, les incitant à retirer leur demande d'enregistrement de marque.

En outre, il convient de comparer les délais de la procédure d'opposition italienne à ceux des procédures judiciaires en Italie. Les décisions de première instance interviennent dans un délai de 2 à 5 ans. Dès lors, les références jurisprudentielles de principe sur lesquelles s'appuient les juristes italiens sont pour la plupart issues de décisions communautaires, puisque les arrêts de la Cour de cassation italienne sont rendus sur des procédures initiées plus de 10 ans auparavant lorsque le Code de la propriété industrielle italien n'était pas encore en vigueur.


2 - Le régime des dessins et modèles en Italie

Les dessins et modèles enregistrés en Italie sont également valables dans la République de San Marin et réciproquement.

Comme en France, les dessins et modèles doivent posséder un caractère propre et être nouveaux ; en outre depuis 2010, ils doivent respecter une condition de licéité, c'est-à-dire ne pas être contraires à l'ordre public et aux bonnes mœurs. Un dessin ou modèle est considéré comme nouveau si aucun dessin ou modèle identique n'a été divulgué avant la date de son dépôt. L'identité n'est pas entendue strictement de telle sorte qu'un dessin ou modèle qui ne différerait que par sa taille ou des détails insignifiants ne pourrait être enregistré. Les détails insignifiants sont ceux qui ne sont pas visibles ou qui ne conditionnent pas le choix du consommateur. La jurisprudence est parfois hésitante sur la question, si bien que les couleurs ont pu être considérées comme conditionnant le choix du consommateur.

Comme en France, la divulgation antérieure au dépôt affectant la nouveauté du dessin ou du modèle peut être le fait du designer ou d'un tiers. En revanche, si la divulgation a été faite par le designer dans les 12 mois précédant la date de dépôt, elle n'affecte pas la nouveauté. De même, si la divulgation a été le fait d'un tiers qui était tenu au secret, la nouveauté n'est pas affectée.

Le dessin ou modèle doit posséder un caractère propre, c'est-à-dire qu'il ne doit pas susciter une impression de déjà-vu dans son ensemble auprès de l'observateur averti, par rapport à un dessin ou un modèle divulgué avant la date de protection accordée au dépôt. L'observateur averti n'est ni le consommateur moyen, ni l'expert du secteur. Pour apprécier le caractère propre d'un dessin ou modèle, il est également tenu compte de la marge de manœuvre dans le secteur concerné.

Si les trois conditions sont réunies, il est possible de déposer une demande de protection de dessins et modèles en Italie. Ce dépôt peut être effectué par toute personne physique et toute personne morale, représentée ou non par un avocat inscrit au barreau ou par un mandataire inscrit à l'office italien. Si le dessin et modèle est déposé par plusieurs personnes, il n'y pas d'obligation de se faire représenter par un avocat ou un mandataire commun ; chaque co-auteur peut se faire représenter individuellement.

Pour le pouvoir, le pouvoir spécial doit être simplement signé, alors que le pouvoir général doit être fait par acte notarié et enregistré. Le pouvoir est également taxé à hauteur de 16 euros.

Le dépôt peut être effectué auprès de l'office des marques et dessins et modèles qui a son siège à Rome mais également devant la Chambre de commerce et de l'artisanat.

Le dépôt peut être effectué uniquement en version papier devant l'office, alors que devant la chambre de commerce et de l'artisanat il peut être effectué en version papier ou en version électronique.

Dans tous les cas, il faut déposer des images du dessin ou du modèle ; si le dessin ou modèle est tridimensionnel, il est également possible de déposer des échantillons. Il est obligatoire de déposer le pouvoir ainsi que de s'acquitter de la taxe qui est différente selon qu'il s'agit d'un dessin individuel ou collectif et si le dépôt est effectué en version papier ou électronique.

Comme en France, le dépôt multiple est possible à condition qu'il concerne un produit qui rentre dans la même classe de la classification de Locarno. Il est également possible de retarder la publication du dessin ou du modèle lors de son enregistrement pour une période maximale de 3 mois à compter de la date du dépôt. La protection court à compter du dépôt de la demande d'enregistrement, la publication de l'enregistrement étant effectuée en Italie 18 à 24 mois après la demande.

L'office n'effectue aucun examen en ce qui concerne la nouveauté du dessin ou du modèle. Il se limite à un examen de forme de la demande. Si l'office a des doutes, il peut directement s'adresser au designer qui dispose d'un délai de 60 jours pour présenter ses observations. Le rejet de la demande ouvre droit à un recours devant la commission des recours dans un délai de 60 jours.

La durée de protection est de 5 ans renouvelables pour une période maximale de 25 ans.

Le montant de la taxe de dépôt d'un modèle en version papier est de 100 euros et de 50 euros en version électronique. Pour les dessins et modèles multiples, les montant sont multipliés par deux : 200 euros en version papier et 100 euros en version électronique.

Avant 2001 et l'entrée en application du Règlement communautaire de 1998, le cumul de protection était interdit. La protection du droit d'auteur était réservée aux oeuvres dont le caractère artistique était séparable du caractère industriel du produit. Lorsque l'Italie a été contrainte de reconnaître en droit interne le cumul de protection, elle a tenté de trouver un moyen de contourner cette obligation.

Pour pouvoir reconnaître le cumul, il faut que l'objet ait une valeur artistique et qu'il présente un caractère créatif. Toutes les discussions portent bien entendu sur la valeur artistique de l'objet.

Les juridictions ont donc tenté de justifier la valeur artistique en se basant sur des critères objectifs. Le premier critère choisi était la destination du produit : était alors observé si l'objet était destiné uniquement au marché des objets de design ou s'il se retrouvait également sur le marché des oeuvres d'art. Mais ce critère a rapidement donné des décisions contradictoires.

Les juges ont alors tenté de retracer l'histoire du produit : était alors vérifié si l'objet avait démontré par son succès et sa reconnaissance par les milieux artistiques qu'il avait un caractère artistique qui dépassait sa vocation simplement commerciale entre le moment de sa naissance et la demande de protection par le droit d'auteur. Là encore, ce critère a été vivement critiqué car seuls bénéficiaient finalement de la protection des objets anciens, alors qu'en principe dès sa naissance un objet de design est susceptible d'être protégé par le droit d'auteur.

Actuellement les juges tentent de définir si l'objet au moment de sa création était destiné à apparaître comme représentatif d'un courant de design, d'un esprit de son époque.., s'il avait dès le départ vocation à incarner autre chose que sa seule destination commerciale.

En pratique, le cumul de protection est quasi inexistant.

Parallèlement à la détermination jurisprudentielle de ces critères très restrictifs, l'Italie a connu une véritable saga législative sur le régime transitoire du cumul de protection. Lors de l'entrée en vigueur du décret en 2001, de nombreux objets de design, qui n'étaient plus protégés par le droit des dessins et modèles, faisaient l'objet d'une production industrielle. Pour protéger toutes ces entreprises, le législateur a commencé par proposer un moratoire de 10 ans, à compter du 19 avril 2001 (date d'entrée en vigueur du décret), durant lequel le droit d'auteur n'était pas opposable aux exploitants des dessins et modèles tombés dans le domaine public. Cette disposition a été censurée.

Le moratoire de 10 ans a donc été remplacé par une règle selon laquelle, exceptionnellement, le droit d'auteur sur les objets de design ne pouvait pas s'appliquer rétroactivement : le cumul de protection ne pouvait donc pas s'appliquer aux objets de design déjà créés avant la publication de la loi. Cette disposition a également été censurée.

La non-rétroactivité a donc été abandonnée et remplacée par une règle selon laquelle le droit d'auteur devait être appliqué aux exploitants qui auront commencé à exploiter des œuvres protégeables avant l'entrée en vigueur de la loi. La Cour de justice de l'Union européenne a été saisie et, entre-temps, le législateur est à nouveau intervenu.

L'avant-dernière version du projet prévoyait une rétroactivité du cumul pour les œuvres exploités avant 2001 sauf pour les œuvres dont l'exploitation a commencé dans les 12 mois précédents l'entrée en vigueur du décret et pour les 5 années successives.

La dernière version du texte prévoit que le cumul n'est pas reconnu pour des produits fabriqués jusqu'au 19 avril 2014 et qui concernent des objets tombés dans le domaine public le 19 avril 2001.

Les dessins et modèles non enregistrés bénéficient également d'une protection mais sa portée est moindre : la protection est limitée à 3 ans ; ils ne sont protégés que pour les violations intentionnelles (contrairement aux dessins et modèles enregistrés, protégés également pour des violations non-intentionnelles) ; il est nécessaire de prouver la date à compter de laquelle le designer jouit de la protection par la divulgation, alors que l'enregistrement crée une date certaine de protection.

Comme en France, il est possible d'intenter une action en contrefaçon et une action en concurrence déloyale, mais les dommages-intérêts obtenus sont souvent moindres en concurrence déloyale.


3 - Les appellations d'origine

La protection des appellations géographiques en Italie est très proche du système français. La plus ancienne appellation protégée date de 1796. Le système s'est construit par secteur sous l'impulsion des professionnels de chaque secteur qui ont cherché à protéger leurs produits (vins, fromages, charcuterie). Lorsque le Règlement communautaire est entré en vigueur (Règlement (CE) n° 2081/92 du 14 juillet 1992, relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d'origine des produits agricoles et des denrées alimentaires N° Lexbase : L6813I3Q), toutes les appellations d'origine ont été enregistrées automatiquement au niveau communautaire. En effet, mis à part dans le domaine des vins il n'y pas d'enregistrement national. En revanche, l'Italie reconnaît dans ses articles 29 et 30 du Code de la propriété industrielle italien une protection aux appellations et aux indications géographiques qui ne font pas l'objet d'enregistrement.

Sont des AOP ou des IGP le nom d'une région, d'un lieu déterminé, d'un pays, servant à identifier un produit qui en est originaire et dont les qualités, la réputation et les caractères sont exclusivement ou essentiellement dus à son milieu géographique d'origine comprenant des facteurs humains, naturels et de traditions. Cette définition peut s'appliquer tant aux AOP qu'aux IGP. En Italie, la définition ne précise pas s'il s'agit exclusivement de produits alimentaires, de sorte que la protection peut s'appliquer aux produits artisanaux. La doctrine est d'ailleurs favorable à l'application de cette protection aux produits artisanaux.

Dès lors qu'il n'existe pas d'enregistrement des AOP et des IGP ni nécessairement de comités de défense, toute la difficulté est de prouver qu'une indication géographique peut bénéficier de la protection de la protection des articles 29 et 30 précités.

Un récent arrêt du tribunal de Milan illustre parfaitement cette difficulté. Cette décision concerne les pizzoccheri della valtellina, spécialité culinaire, recette typique de la région de la Valtellina. Dans cette affaire, une société de la ville de Bergame, qui n'est donc pas située dans cette région, a produit un type de pâtes appelées "pizzoccheri della valtellina". Si la spécialité culinaire d'origine n'était pas enregistrée, un comité de producteurs locaux était constitué. Ce dernier et une société ont attaqué la société bergamasque pour atteinte à l'indiction géographique et ont déposé des preuves documentaires prouvant que cette recette était une tradition culinaire locale utilisant des aliments produits localement, à travers des Encyclopédies de cuisine, des guides touristiques... Ils ont également démontré qu'ils étaient recevables à agir sur la base de l'article 30 du Code de la propriété industrielle italien et de la concurrence déloyale et qu'il n'y avait pas de liens historiques entre les "pizzoccheri della valtellina" et le territoire de Bergame. Enfin, ils ont rapporté la preuve que l'usage que faisait la société bergamasque portait atteinte à la dénomination "pizzoccheri della valtellina", en d'autres termes que cette société pouvait produire ce genre de pâtes mais n'avait pas le droit de les appeler ainsi. Dès lors, la société bergamasque profitait indûment de la réputation de cette spécialité culinaire. Elle a donc été condamnée : le comité de défense a vu son préjudice d'image indemnisé (100 000 euros) et la société qui s'était constituée à côté de ce comité a été indemnisée pour son préjudice économique en raison du détournement de sa clientèle (130 000 euros).

Mais une récente décision de la CJUE doit être ici signalée, concernant la spécialité "Salame Felino" qui est un saucisson pur porc (CJUE, 8 mai 2014, aff. C-35/13 N° Lexbase : A9708MKR). Son nom provient de la ville de Felino (Italie), agglomération située dans la province de Parme (Italie). L'association de producteurs de ce produit alimentaire a assigné une société pour concurrence déloyale au motif que celle-ci avait mis en vente un saucisson dénommé "Salame Felino", alors que celui-ci avait été produit en dehors du territoire de la région de Parme, à savoir en Lombardie, à Cremone (Italie). Les juridictions italiennes ont estimé que l'association de producteurs ne pouvait pas se prévaloir du Règlement n° 2081/92, car la dénomination "Salame Felino" ne constituait ni une appellation d'origine protégée, ni une indication géographique protégée au sens dudit Règlement. Toutefois, constatant que les produits litigieux ne provenaient pas du territoire de Parme alors que le "Salame Felino" avait acquis une réputation parmi les consommateurs eu égard à ses caractéristiques découlant notamment du milieu géographique, elles ont condamné les producteurs de ce produit pour acte de concurrence déloyale. La Cour de cassation italienne, saisie d'un pourvoi, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour de Justice des questions préjudicielles. La CJUE, dans son arrêt du 8 mai 2014, énonce que le Règlement n° 2081/92 doit être interprété en ce sens qu'il ne confère pas de régime de protection à une dénomination géographique dépourvue d'enregistrement communautaire, mais que celle-ci peut être protégée, le cas échéant, en vertu d'une réglementation nationale portant sur les dénominations géographiques afférentes aux produits pour lesquels il n'existe pas de lien particulier entre leurs caractéristiques et leur origine géographique, à condition toutefois que, d'une part, la mise en oeuvre de cette réglementation ne compromette pas les objectifs poursuivis par le Règlement n° 2081/92 et, d'autre part, qu'elle ne contrevienne pas à la libre circulation des marchandises, ce qu'il appartient à la juridiction nationale de vérifier. Cette décision pourrait remettre en question celle rendue dans l'affaire "pizzoccheri della valtellina".


Voir aussi

« Erreur d’expression : opérateur / inattendu. » n’est pas un nombre.