Compromis de vente : que se passe-t-il quand l’acquéreur refuse finalement d’acheter ?

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.
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Louise Bargibant, avocat au barreau de Lille [1]
Septembre 2020


En matière de vente immobilière et en pratique, avant la vente définitive chez le Notaire, un compromis de vente est signé entre les parties.


Ce compromis, souvent rédigé par un agent immobilier ou par un Notaire, doit être soigneusement rédigé.


Il est en quelque sorte un « contrat préparatoire » qui va permettre de constater les engagements réciproques des parties et notamment celui de vendre pour le vendeur et celui d’acheter pour l’acquéreur.


Bien souvent, il va fixer une « date butoir » c’est-à-dire une date à partir de laquelle il sera possible pour le vendeur de mettre en demeure l’acquéreur de réitérer l'acte authentique (de signer l’acte définitif chez le Notaire).


Ainsi, à partir de cette date, le vendeur pourra soit contraindre l’acquéreur à acheter (exécution forcée de la vente) soit poursuivre la résolution de la vente (en clair se délier du compromis) et solliciter des dommages-intérêts.


A noter toutefois qu’il existe une certaine « protection » légale pour l’acquéreur non-professionnel avec le « droit de rétractation » de l’article L. 271-1 du Code de la construction et de l’habitation qui prévoit que l’acquéreur non-professionnel d’un immeuble d’habitation peut se rétracter dans un délai de dix jours.


Mais une fois ce délai de rétractation dépassé, que se passe-t-il si l’acquéreur refuse finalement d’acheter sans raison légitime ? En clair, que se passe-t-il si l’acquéreur décide de ne pas réitérer la vente devant Notaire alors que toutes les conditions suspensives (notamment celle du prêt) étaient levées ?


A quoi s’expose-t-il ? Quels sont les recours du vendeur ? Y-a-t-il des formalités à respecter ?


La possibilité de demander l’exécution forcée de la vente

Lorsque la date butoir de signature de l’acte authentique est dépassée et que l'acquéreur refuse finalement de le signer sans raison légitime, le vendeur pourra en principe et à l’expiration de la date prévue, engager une procédure d'exécution forcée de la vente (à réserver le cas où la réitération en la forme notariée aurait été enfermée dans un délai extinctif dont la survenance emporterait extinction du compromis).


Bien entendu, avant de pouvoir engager ce processus de « vente forcée »' en Justice, il sera nécessaire que soit constatée la défaillance de l’acquéreur.


Pour ce faire, en pratique, le vendeur mettra en demeure l’acquéreur de signer l’acte authentique sous un certain délai et si l’acquéreur ne signe pas, il pourra constater sa défaillance et solliciter en Justice l’exécution forcée de la vente.


Attention, il convient de respecter scrupuleusement les formalités et délais du compromis afin de constater la défaillance de l’acquéreur.


Le vendeur qui aura ainsi constaté la défaillance de l’acquéreur (refus de réitérer la vente) pourra faire intervenir le Juge afin qu’il constate la défaillance de l’acquéreur et constate judiciairement la vente.


L’objectif sera donc pour le vendeur d’obtenir un jugement constatant la vente (étant précisé qu’il pourra également solliciter des dommages-intérêts).


Cette procédure d’exécution forcée en nature a cependant plusieurs inconvénients.


L’inconvénient majeur de cette procédure est que le bien immobilier sera indisponible à la vente pendante toute la durée de la procédure (procédure assez longue, qui peut s’étaler sur plusieurs années, de deux ans en moyenne).


De plus, l’issue de cette procédure est incertaine : au delà de l’aléa judiciaire inhérent à chaque procédure judiciaire, il faut garder à l’esprit que si l’acquéreur est condamné à acheter mais qu’il est insolvable, le vendeur sera dans une impasse...


Voilà pourquoi, bien souvent, le vendeur va préférer reprendre sa liberté de vente en optant pour la résolution du compromis afin de se dégager du lien contractuel en demandant des dommages-intérêts.


La possibilité de demander les dommages-intérêts ou la mobilisation de la clause pénale

Le vendeur pourra en effet opter pour une deuxième option : la résolution de la vente avec demande de dommages-intérêts.


Dans ce cas de figure, le vendeur pourra poursuivre la résolution du compromis pour se dégager du lien contractuel en demandant en Justice que l’acquéreur défaillant soit condamné à lui verser des dommages-intérêts.


Si celle-ci est prévue au compromis, il pourra également mobiliser la clause pénale à condition de respecter scrupuleusement les conditions du compromis et notamment la formalité préalable de mise en demeure de signer l’acte définitif.


La clause pénale est une clause par laquelle le vendeur et/ou l’acquéreur s'engage(nt), en cas d'inexécution de son obligation principale, à verser à l'autre, à titre de dommages-intérêts, une somme forfaitairement fixée (pour un exemple de clause pénale : « En application de la rubrique " réalisation " et après levée de toutes les conditions suspensives, il est convenu, au cas où l'une des parties viendrait à refuser de régulariser par acte authentique la présente vente dans le délai imparti, qu'elle pourra y être contrainte par tous les moyens et voies de droit, en supportant les frais de poursuites et de recours en justice et sans préjudice de tous dommages-et-intérêts. Toutefois, la partie qui n'est pas en défaut pourra, à son choix, prendre acte du refus de son co-contractant et invoquer la résolution du contrat. Dans l'un et l'autre cas, il est expressément convenu que la partie qui n'est pas en défaut percevra de l'autre partie, à titre d'indemnisation forfaitaire de son préjudice, une somme égale à 10 % du prix de vente »).


Cette clause pénale est fréquemment fixée à 10 % du prix de vente.


Le vendeur pourra alors saisir le tribunal afin de solliciter que l’acquéreur soit condamné à lui verser la somme prévue au titre de la clause pénale.


Le Juge pourra condamner l’acquéreur au paiement de cette somme étant précisé que le Juge dispose toutefois d’un pouvoir modérateur (le montant de la clause pénale pouvant être modéré ou augmenté d'office par le juge si elle est manifestement excessive ou dérisoire).


En résumé, le vendeur ne sera pas sans recours si l’acquéreur refuse finalement de signer sans motif légitime (à réserver notamment le cas de l’acquéreur d’une modification substantielle des conditions de la vente entre le compromis et la vente définitive).


Il faut donc garder à l’esprit qu’un compromis de vente immobilière, comme tout contrat en général, peut être lourd d’engagements.


Il ne faut donc pas prendre à la légère la signature d’un compromis de vente et il ne faut pas hésiter à se faire assister et conseiller par des professionnels du droit immobilier lors de tout processus d'acquisition.