Coronavirus COVID-19 : La Chine pourrait-elle être poursuivie juridiquement en droit international (int)

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Catégorie : Monde >  Droit international >  Droit international public 



Auteur : Dr. Abbas Poorhashemi, Président de l'Institut Canadien d'expertise en droit international (CIFILE)
Date : Juin 2020


Alors que la société internationale surmonte les défis posés par la propagation rapide du coronavirus COVID-19, les questions juridiques tant sur le plan national qu’international se posent. Une question majeure qui se pose est de savoir s’il y a lieu de poursuivre le gouvernement chinois pour les dommages causés par cette crise mondiale. Dans ce contexte, quelle est la réponse et la solution envisageable en droit international pour résoudre les problèmes liés à cette crise mondiale.

Au-delà des répercussions politiques et sanitaires, cette pandémie mondiale a présenté des perturbations majeures sur l’économie mondiale : baisse des mouvements commerciaux directs sur des secteurs spécifiques du marché, des restrictions de voyage, des obligations en matière de santé et de sécurité au travail, des interruptions des chaînes d'approvisionnement alimentaires, des difficultés à respecter les obligations contractuelles et les implications des accords financiers.

Compte tenu de l'immense perte humaine et économique causée par la pandémie de Covid-19, certains pays comme les États-Unis ont indiqué qu'ils étaient prêts à intenter une action en justice contre la Chine. En l'état actuel du droit international, ont-ils une base pour déposer une action en justice? Quels tribunaux sont compétents en la matière ?

Il est certain que selon les principes fondamentaux du droit international, la violation des obligations internationales des États ou tout fait internationalement illicite par un État engage sa responsabilité internationale. Ainsi, les États demandeurs devraient prouver que la Chine a violé ses obligations internationales. Dans ce cas, seul le fait internationalement illicite, tel que la violation d'un traité international ou la violation du territoire d'un autre État, sera pris en considération. Il n'y a pas de devoirs et d'obligations juridiques générales qui s'appliquent à la Chine en tant que violation du droit international.

Pour engager éventuellement la responsabilité internationale du gouvernement chinois à la suite de la pandémie de COVID-19, quel tribunal serait compétent pour ce type de poursuites ? Il y a quatre scénarios possibles pour un procès juridique probable contre la Chine:

Tout d'abord, ils peuvent intenter une action devant les tribunaux nationaux. Selon le principe du droit international, les tribunaux nationaux ne sont pas compétents pour juger d'un différend international entre États. Dans cette perspective, les actions civiles collectives lancées par des avocats américains pour intenter des poursuites devant le système judiciaire américain, comme l'affaire portée devant les tribunaux de Floride, du Nevada ou de Californie, ne respectent pas les règles générales du droit international. Comme indiqué ci-dessus, les plaintes individuelles déposées devant les tribunaux nationaux n'ont aucun fondement juridique, de sorte que la Chine peut invoquer son immunité contre une telle juridiction. Dans le cas où un tribunal local aurait rendu une décision juridique dans cette affaire et condamnerait la Chine à une indemnisation, la décision ne pourrait pas être exécutoire. En outre, la doctrine judiciaire appelée «immunité souveraine» ou «immunité des États» offre aux gouvernements étrangers une protection contre les poursuites devant les tribunaux américains. La doctrine protège le gouvernement chinois ou ses subdivisions politiques, départements et agences contre toute poursuite sans son consentement dans aucun pays, y compris aux États-Unis.

Deuxièmement, le procès peut être intenté devant la Cour internationale de Justice (CIJ). La CIJ est un organe judiciaire principal des Nations Unies pour le règlement des différends entre les États. La Cour pour être compétente de résoudre leurs différends doit obtenir leurs consentement. Dans ce cas, ni la Chine ni les États-Unis ne reconnaissent la compétence de la cour de La Haye. Il est toute fois possible que certaines victimes touchés par le coronavirus COVID-19 à travers le monde, y compris les pays membres de la Cour pénale internationale, demandent au bureau du Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) d’ouvrir une enquête en vue d’engager des poursuites pour déterminer si une ou plusieurs personnes spécifiques mentionnées dans la plainte devraient être ou non, inculpées par la commission de crimes présumés.

Troisièmement, la Cour pénale internationale (CPI) serait l'autre option. La CPI poursuit des individus pour des crimes internationaux tels que le génocide, les crimes contre l'humanité, les crimes de guerre et le crime d'agression. Dans ce cas particulier, ni la Chine ni les États-Unis n'ont pas ratifié le statut de Rome de 1998.

Pour cette raison, en l’état actuel du droit international, il n'y a pas de tribunal international compétent pour qu'un État puisse porter plainte contre la Chine.

La dernière option est le Conseil de sécurité de l'ONU qui a le pouvoir, en vertu du Statut de Rome de la CPI, de renvoyer des affaires à la CPI ou d'adapter une résolution contre la Chine sur la base de sa «responsabilité principale pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales». Dans ce cas, la Chine pourrait exercer son droit de veto, car le droit de veto du Conseil de sécurité est accordé uniquement à la Chine, aux États-Unis, à la France, au Royaume-Uni et à la Russie.

Finalement, chaque type de tribunal national ou international a sa compétence, ce qui signifie qu'il a le pouvoir de décider des types spécifiques d'affaires. Tout gouvernement ou individu pourrait intenter des poursuites contre le gouvernement chinois pour avoir demandé des remèdes pour avoir causé la pandémie de COVID19. Cependant, sur la base du principe du droit international, il semble qu'il n'y ait pas de tribunal national ou international compétent pour porter plainte contre la Chine. C’est la raison pour laquelle, une action judiciaire civile contre la Chine est pas une solution a portée limitée aux crises pandémiques qui affectent toute l'humanité dans le monde entier.

Le principe de coopération a été considéré comme l'une des pierres angulaires du droit international. Selon ce principe, tous les États ont l'obligation de coopérer collectivement dans une telle situation.