Défense des héritiers ou légataires contre la poursuite en paiement du cautionnement du défunt (fr)

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Auteur : Maître Anthony BEM


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Auteur : Anthony Bem
Mars 2017


Le 4 janvier 2017, la Cour de cassation a rappelé les conditions propres à décharger l'héritier de son obligation de paiement de la dette successorale. (Cour de cassation, 1ère chambre civile, N° de pourvoi: 16-12293)

En principe, le cautionnement souscrit par le défunt en faveur d'une banque est dû par les héritiers ou légataires universels, au titre du passif successoral.


En effet, l'article 786 du code civil dispose que :

« L'héritier acceptant purement et simplement ne peut plus renoncer à la succession ni l'accepter à concurrence de l'actif net.

Toutefois, il peut demander à être déchargé en tout ou partie de son obligation à une dette successorale qu'il avait des motifs légitimes d'ignorer au moment de l'acceptation, lorsque l'acquittement de cette dette aurait pour effet d'obérer gravement son patrimoine personnel.

L'héritier doit introduire l'action dans les cinq mois du jour où il a eu connaissance de l'existence et de l'importance de la dette ».


Ainsi, la loi impose le respect de conditions pour que le cautionnement puisse donner lieu à une obligation de règlement par les héritiers ou légataires universels.

En l'espèce, une caution est décédée après avoir désigné une personne en tant que légataire universel.

Cette dernière a accepté purement et simplement la succession.


Dans ce contexte, la banque lui a demandé le paiement de sa créance résultant de l'engagement de caution souscrit par le défunt.

L'héritier a néanmoins demandé en justice l'autorisation d'être déchargé de son obligation à cette dette successorale.

Au cas présent, le légataire n'avait pas été tenu informé de la créance revendiquée par la banque avant son acceptation pure et simple de la succession.

Pour cause, les cautionnements souscrits par les défunts ne figurent pas toujours en pratique au passif successoral tant que la caution n'a pas été condamnée en tant que telle par une juridiction.

Ainsi, le légataire universel a contesté son consentement car il était entaché d'une erreur substantielle.

L'erreur substantielle est celle qui porte sur un fait, qui sans laquelle il n'aurait pas accepté la succession.


Or, en l'espèce, la succession s'est révélée être déficitaire compte tenu du cautionnement litigieux.

Par conséquent, en application de la règle légale précitée, les juges de première instance et d'appel ont cru pouvoir décharger l'héritier du paiement de la dette successorale correspondant à l'engagement de caution.


Toutefois, la cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel car elle a considéré que cette dernière avait jugé selon un motif étranger aux conditions propres à décharger l'héritier de son obligation à la dette successorale.

Selon la cour de cassation, le légataire successoral ne pouvait pas être déchargé du passif successoral qui résulte du cautionnement au seul motif que la banque « ne rapporte pas la preuve, comme [elle] l'affirme, qu'[elle] avait fourni tout document utile pour que les ayants droit de M. X... puissent prendre leur décision d'acceptation de la succession en toute connaissance de cause ».

L'erreur substantielle qui entache le consentement d'un légataire universel ne se satisfait pas du simple fait qu'aucune information sur l'étendue du passif successoral ne lui a été donnée dans le délai imparti.

Pour cause, l'action en nullité de l'acceptation de la succession pour erreur est distincte de l'action en décharge du passif successoral, en ce que la première, si elle aboutit, anéantit rétroactivement tous les effets juridiques qui sont attachés à l'acceptation, tandis que la seconde, si elle aboutit, conserve à l'héritier acceptant tous les effets de son acceptation, hormis l'obligation d'amortir le passif successoral dont le juge le décharge.

Il convient ainsi de distinguer l'action en décharge du passif successoral et l'action en nullité de l'acceptation de la succession pour erreur.

L'action en décharge du passif successoral suppose simplement que l'héritier acceptant prouve qu'il avait des motifs légitimes d'ignorer, au moment de son acceptation, que l'acquittement du passif successoral dont il sollicite la décharge, aurait pour effet d'obérer gravement son patrimoine personnel.

Il résulte de cette décision que, dans le cadre de l'action en décharge du passif successoral, les juges ont concrètement l'obligation de constater que l'héritier ignorait, au moment où il a accepté la succession, que l'apurement du passif successoral aurait pour effet d'obérer gravement son patrimoine personnel, ce qui n'avait pas été le cas de la part de la cour d'appel.


Au cas présent, la cour d'appel ne pouvait donc pas valablement se borner simplement à relever que la succession était déficitaire sans vérifier si l'apurement du passif successoral aurait pour effet d'obérer gravement le patrimoine de l'héritier acceptant.