Dans quelles mesures est-on responsable juridiquement de son animal ? (fr)

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Auteur: Patrick Lingibé, avocat, ancien bâtonnier de Guyane, membre du Bureau de la Conférence des Bâtonniers, ancien membre du Conseil National des Barreaux, spécialiste en droit public, médiateur Professionnel EPMN, membre du réseau international d’avocats GESICA
Décembre 2018



Si on est propriétaire d’un animal de compagnie, et si celui-ci commet des dégâts matériels ou physiques, on est en principe responsable.
En droit, responsable veut dire répondre de ses actes.
En l’occurrence, le maître doit répondre des dommages causés par son animal.
Cet article fait le point sur le cadre légal applicable souvent méconnu.


Le maître est-il toujours responsable en cas de dommage causé par l’animal ?

L’article 1243 du code civil prévoit que « le propriétaire d’un animal, ou celui qui s’en sert, pendant qu’il est à son usage, est responsable du dommage que l’animal a causé, soit que l’animal fût sous sa garde, soit qu’il fût égaré ou échappé ».


La loi précise donc que le responsable est le propriétaire ou celui qui s’en sert.


Si une personne confie son animal à un vétérinaire, ou s’il le pensionne dans un chenil, il ne sera pas responsable en cas de dommage.


Attention toutefois, s’il confie son animal à un ami, le temps d’une promenade, les tribunaux considèrent généralement que le propriétaire reste responsable.


Il convient de noter que l’article 1243 du code civil fait référence aux animaux dont l’activité peut être contrôlée par l’homme, ce qui exclut par voie de conséquence les animaux sauvages.


Texte de l’article 1243 issue de la modification de l’article 2 de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations :


« Le propriétaire d’un animal, ou celui qui s’en sert, pendant qu’il est à son usage, est responsable du dommage que l’animal a causé, soit que l’animal fût sous sa garde, soit qu’il fût égaré ou échappé. »


Une présomption de responsabilité pèse sur le gardien de l’animal, c’est-à-dire le propriétaire ou celui qui en a la garde pendant une durée suffisante : il est présumé être fautif en cas de dommage.


Concrètement cela signifie que la victime n’a pas à prouver une quelconque faute du gardien pour obtenir réparation. En droit, on dit que la charge de la preuve est renversée.


Si le propriétaire souhaite s’en défendre, il va devoir prouver qu’il n’est pas responsable ou que la responsabilité est partagée.


Sous quelles conditions le propriétaire peut-il échapper à sa responsabilité ?

Il existe trois cas principaux dans lesquels le propriétaire peut s’exonérer de sa responsabilité.


  • Premier cas : lorsque le dommage est dû à la faute d’un tiers. Par exemple, un chien devenant violent après avoir entendu des coups de pétards dans la rue.
  • Deuxième cas : le maître peut également s’exonérer de sa responsabilité en cas de faute de la victime, par exemple si cette dernière s’est fait mordre après avoir elle-même excité l’animal.
  • Enfin troisième cas : en cas de force majeur. La force majeure est un événement imprévisible, irrésistible, et extérieur. Un événement qui échappe donc totalement à la volonté du propriétaire de l’animal, par exemple si l’animal renverse un passant car il est effrayé par un coup de tonnerre.


Ces trois situations sont de nature à exonérer le propriétaire de tout ou partie de sa responsabilité en cas de dommage causé par son animal de compagnie.


Plus précisément, s’agissant de la faute de la victime ou de la faute d’un tiers, le propriétaire ou le gardien ne seront exonérés totalement que si ces fautes présentent les caractéristiques de la force majeure. Dans le cas contraire, la responsabilité est dite « partagée ».


Attention toutefois, lorsque l’animal s’est perdu ou s’est échappé, les juges ne l’assimilent pas à un cas de force majeure.


Ainsi, si l’animal cause des dégâts, le propriétaire reste responsable [1] :

« Attendu que le propriétaire d’un animal, ou celui qui s’en sert, pendant qu’il est à son usage, est responsable du dommage que l’animal a causé, soit que l’animal fût sous sa garde, soit qu’il fût égaré ou échappé ;

Attendu, selon le jugement attaqué que, le 31 août 1993, un choc s’est produit entre le véhicule conduit par Mlle Y... et le chien de M. X... ; que Mlle Y... a assigné ce dernier en réparation de son préjudice matériel ;

Attendu que, pour débouter Mlle Y... de sa demande, le jugement, après avoir énoncé qu’il appartient à celui qui invoque un dommage de rapporter la preuve d’une faute ayant causé ce dommage, retient que Mlle Y... ne rapporte pas la preuve d’une telle faute ;

Qu’en statuant ainsi, le Tribunal a inversé la charge de la preuve et a violé le texte susvisé ; »


Le propriétaire encourt-il des sanctions pénales ?

Il convient de distinguer la responsabilité civile de la responsabilité pénale.


La première a pour but principal la réparation du préjudice, la seconde de sanctionner un trouble causé à la société, parfois par une peine d’amende qui ne revient pas à la victime mais au Trésor public.


Depuis loi n° 2008-582 du 20 juin 2008 relative à la prévention et à la protection contre les chiens dangereux, le code pénal prévoit des peines aggravées pour les atteintes à l’intégrité physique causées par des chiens[2].


Le propriétaire de l’animal peut encourir, en cas d’accident grave, jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 45.000 € d’amende.


Texte de l’article 222-19-2 du code pénal :


« Lorsque l’atteinte involontaire à l’intégrité de la personne ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de trois mois prévue par l’article 222-19 résulte de l’agression commise par un chien, le propriétaire ou celui qui détient le chien au moment des faits est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende.


Les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75.000 euros d’amende lorsque :


  1. La propriété ou la détention du chien est illicite en application de dispositions législatives ou réglementaires ou d’une décision judiciaire ou administrative ;
  2. Le propriétaire ou le détenteur du chien se trouvait en état d’ivresse manifeste ou sous l’emprise manifeste de produits stupéfiants ;
  3. Le propriétaire ou le détenteur du chien n’avait pas exécuté les mesures prescrites par le maire, conformément à l’article L. 211-11 du code rural et de la pêche maritime, pour prévenir le danger présenté par l’animal ;
  4. Le propriétaire ou le détenteur du chien n’était pas titulaire du permis de détention prévu à l’article L. 211-14 du code rural et de la pêche maritime ;
  5. Le propriétaire ou le détenteur du chien ne justifie pas d’une vaccination antirabique de son animal en cours de validité lorsqu’elle est obligatoire ;
  6. Il s’agissait d’un chien de la première ou de la deuxième catégorie prévues à l’article L. 211-12 du code rural et de la pêche maritime qui n’était pas muselé ou tenu en laisse par une personne majeure conformément aux dispositions prévues au II de l’article L. 211-16 du même code ;
  7. Il s’agissait d’un chien ayant fait l’objet de mauvais traitements de la part de son propriétaire ou de son détenteur.


Les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et à 100.000 euros d’amende lorsque l’atteinte involontaire à l’intégrité de la personne a été commise avec deux ou plusieurs des circonstances mentionnées aux 1° et suivants du présent article. »


Texte de l’article 222-20-2 du code pénal :


« Lorsque l’atteinte involontaire à l’intégrité de la personne ayant entraîné une incapacité totale de travail de moins de trois mois prévue par l’article 222-20 résulte de l’agression commise par un chien, le propriétaire ou celui qui détient le chien au moment des faits est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30.000 euros d’amende.

Les peines sont portées à trois ans d’emprisonnement et à 45.000 euros d’amende lorsque :

  1. La propriété ou la détention du chien est illicite en application de dispositions législatives ou réglementaires ou d’une décision judiciaire ou administrative ;
  2. Le propriétaire ou le détenteur du chien se trouvait en état d’ivresse manifeste ou sous l’emprise manifeste de produits stupéfiants ;
  3. Le propriétaire ou le détenteur du chien n’avait pas exécuté les mesures prescrites par le maire, conformément à l’article L. 211-11 du code rural, pour prévenir le danger présenté par l’animal ;
  4. Le propriétaire ou le détenteur du chien n’était pas titulaire du permis de détention prévu à l’article L. 211-14 du code rural ;
  5. Le propriétaire ou le détenteur du chien ne justifie pas d’une vaccination antirabique de son animal en cours de validité lorsqu’elle est obligatoire ;
  6. Il s’agissait d’un chien de la première ou de la deuxième catégorie prévues à l’article L. 211-12 du code rural qui n’était pas muselé ou tenu en laisse par une personne majeure conformément aux dispositions prévues au II de l’article L. 211-16 du même code ;
  7. Il s’agissait d’un chien ayant fait l’objet de mauvais traitements de la part de son propriétaire ou de son détenteur.


Les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75.000 euros d’amende lorsque l’atteinte involontaire à l’intégrité de la personne a été commise avec deux ou plusieurs des circonstances mentionnées aux 1° et suivants du présent article. »


La répression est parfois jugée sévère puisque le propriétaire d’un chien blessant un passant peut être condamné, pénalement, même s’il n’a pas commis de faute délibérée [3] :


« Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que, le 4 août 2009, un chien appartenant à Mme Y... a mordu une passante ; que, pour déclarer la prévenue coupable de blessures involontaires, les juges retiennent qu’en laissant son chien sortir de sa propriété sans être contrôlé et tenu en laisse, elle a commis une négligence caractérisant le délit ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations, d’où il résulte que la faute commise par la prévenue a directement causé le dommage, la cour d’appel a justifié sa décision ; »

L’abandon d’un animal domestique est également réprimé par le code pénal à l’article 521-1. Le propriétaire encourt alors deux ans d’emprisonnement et 30.000 € d’amende.


Texte de l’article 521-1 du code pénal :


« Le fait, publiquement ou non, d’exercer des sévices graves, ou de nature sexuelle, ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30.000 euros d’amende.

En cas de condamnation du propriétaire de l’animal ou si le propriétaire est inconnu, le tribunal statue sur le sort de l’animal, qu’il ait été ou non placé au cours de la procédure judiciaire. Le tribunal peut prononcer la confiscation de l’animal et prévoir qu’il sera remis à une fondation ou à une association de protection animale reconnue d’utilité publique ou déclarée, qui pourra librement en disposer.

Les personnes physiques coupables des infractions prévues au présent article encourent également les peines complémentaires d’interdiction, à titre définitif ou non, de détenir un animal et d’exercer, pour une durée de cinq ans au plus, une activité professionnelle ou sociale dès lors que les facilités que procure cette activité ont été sciemment utilisées pour préparer ou commettre l’infraction. Cette interdiction n’est toutefois pas applicable à l’exercice d’un mandat électif ou de responsabilités syndicales.


Les personnes morales, déclarées pénalement responsables dans les conditions prévues à l’article 121-2 du code pénal, encourent les peines suivantes :


  • l’amende suivant les modalités prévues à l’article 131-38 du code pénal ;
  • les peines prévues aux 2°, 4°, 7°, 8° et 9° de l’article 131-39 du code pénal.
  • Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux courses de taureaux lorsqu’une tradition locale ininterrompue peut être invoquée.

Elles ne sont pas non plus applicables aux combats de coqs dans les localités où une tradition ininterrompue peut être établie.

Est punie des peines prévues au présent article toute création d’un nouveau gallodrome.

Est également puni des mêmes peines l’abandon d’un animal domestique, apprivoisé ou tenu en captivité, à l’exception des animaux destinés au repeuplement. »


Quelle règle s’applique en cas de décès de son animal ?

Peu de gens connaissent les règles applicables en cas de décès de son animal de compagnie.


Celles-ci dépendent du poids de l’animal.


Pour les animaux de moins de 40 kilos, le propriétaire pourra enterrer son animal dans son jardin si sa tombe se trouve au moins à 35 mètres des premières maisons et points d’eau. En tout état de cause, il est formellement interdit de jeter le cadavre de l’animal dans une poubelle, décharge publique ou autres endroits inappropriés, sous peine d’une amende de 150 euros.


Si le propriétaire enterre son animal mort dans son jardin, il doit recouvrir celui-ci d’un linge et le déposer dans une boite en bois ou carton ou à même le sol si le trou est dans ce cas à une profondeur d’1,20 mètre.


La dépouille doit être recouverte de chaux vive.


Pour les animaux de plus de 40 kilos, il est interdit d’enterrer la dépouille de l’animal dans son jardin.


Il appartient au propriétaire de recourir à un service d’équarrissage chargé d’enlever les cadavres d’animaux dans un délai de deux jours après la déclaration de décès.


Il convient de préciser que le propriétaire dispose d’un délai de 48 heures pour avertir le service d’équarrissage.


Enfin, il est également interdit de jeter la dépouille de son animal dans une poubelle, égouts, ou autres endroits, sous peine d’une amende de 150 €. A cela s’ajoute une sanction : l’absence de déclaration du décès de son animal au service d’équarrissage, expose son propriétaire à une amende de 3.750 €


Il appartient en tout de cause au propriétaire concerné de se rapprocher des services de sa mairie ou de tout vétérinaire de sa région pour connaitre les modalités de récupération de la dépouille de l’animal.


Texte de l’article L. 226-6 du code rural :


« I. - Les propriétaires ou détenteurs de cadavres ou parties de cadavres d’animaux sont tenus d’avertir, dans les meilleurs délais et au plus tard dans les quarante-huit heures, la personne chargée de l’enlèvement.

II. - Les cadavres ou parties de cadavres d’animaux doivent être enlevés dans un délai de deux jours francs après réception de la déclaration du propriétaire ou du détenteur.

Les autres sous-produits animaux dont l’élimination est obligatoire doivent être collectés dans un délai fixé par arrêté du ministre chargé de l’agriculture.

III. - Le délai de déclaration à la personne chargée de l’enlèvement des cadavres et parties de cadavres d’animaux, d’une part, et le délai de conservation des sous-produits animaux et produits dérivés dont la collecte est obligatoire, d’autre part, peuvent être allongés lorsque leur entreposage répond à des conditions sanitaires définies par voie réglementaire

IV. - Si, dans les délais prévus au II, il n’a pas été procédé à l’enlèvement des sous-produits animaux, les propriétaires ou détenteurs sont tenus d’en aviser l’autorité administrative. Dans ce cas ou lorsque le propriétaire de cadavres d’animaux ou parties de cadavres d’animaux reste inconnu à l’expiration d’un délai de douze heures après leur découverte, il est procédé à l’enlèvement de ces sous-produits animaux dans des conditions déterminées par voie réglementaire. »


Notes

  1. 1 Cass. 2ème civ., 2 avril 1997, pourvoi n° 95-20.735 : Bull. civ. II n° 101
  2. 2 Articles 222-19-2 et 220-20-2 du code pénal.
  3. 3 Cass, crim, 29 mai 2013, n° 12-85.427, bulletin criminel n° 121.