Directive européenne. Secret d’affaires, Obtention, utilisation et divulgation illicites, Mesures de protection et de réparation (eu)

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Date: Octobre 2016



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La directive 2016/943/UE relative à la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgues (secrets d’affaires) contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites (ci-après « la directive «) a été publiée, le 15 juin 2016, au Journal officiel de l’Union européenne.

Celle-ci a pour objet de parvenir au bon fonctionnement du marché intérieur en établissant une protection unifiée des secrets d’affaires sur le territoire européen mais également d’avoir un effet dissuasif contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites de ces secrets sans mettre en péril les droits et libertés fondamentaux ou l’intérêt général, notamment la sécurité publique, la protection des consommateurs, la santé publique, la protection de l’environnement et la mobilité des travailleurs.

En effet, alors même que les secrets d’affaires sont l’une des formes de protection de la création intellectuelle et de savoir-faire innovants les plus couramment utilisées par les entreprises, ils sont peu protégés par le cadre juridique existant de l’Union contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites. Ainsi, la fragmentation des législations nationales en matière de protection juridique de secrets d’affaires affecte le niveau de protection de ceux-ci d’un Etat membre à l’autre, ainsi que les échanges transfrontaliers. Il convenait de mettre en place, au niveau de l’Union, des règles rapprochant les droits des Etats membres, de façon à garantir des possibilités de réparation au civil suffisantes et cohérentes dans le marché intérieur, en cas d’obtention, d’utilisation ou de divulgation illicite d’un secret d’affaires.

● Définitions

La directive établit, à son article 2, une définition homogène du secret d’affaires en excluant, notamment, les informations courantes, les compétences et l’expérience acquise par les travailleurs dans l’exercice normal de leurs fonctions. Ainsi, pour être qualifiées de secrets d’affaires, les informations doivent, de manière cumulative, répondre à trois critères. Les informations sont secrètes en ce sens que, dans leur globalité ou dans la configuration et l’assemblage exacts de leurs éléments, elles ne sont pas généralement connues des personnes appartenant aux milieux qui s’occupent normalement du genre d’informations en question, ou ne leur sont pas aisément accessibles ; elles ont une valeur commerciale parce qu’elles sont secrètes ; enfin, elles ont fait l’objet, de la part de la personne qui en a le contrôle de façon licite, de dispositions raisonnables, compte tenu des circonstances, destinées à les garder secrètes.

La directive prévoit, également, dans quels cas l’obtention, l’utilisation ou la divulgation d’un secret d’affaire est considéré comme licite ou non. Ainsi, l’obtention est considérée comme illicite lorsqu’elle implique un accès ou une appropriation non autorise de tout document, objet, matériau, substance ou fichier électronique que le détenteur du secret contrôle de manière licite et qui contient ledit secret, ou de tout autre comportement considéré comme contraire aux usages honnêtes en matière commerciale. Par ailleurs, l’utilisation du secret est illicite lorsqu’elle est réalisée par une personne qui a obtenu le secret de façon illicite, qui agit en violation d’un accord de confidentialité ou qui agit en violation d’une obligation contractuelle ou de toute autre obligation de limiter l’utilisation du secret.

Toutefois, un certain nombre de dérogations sont prévues en vue de protéger les droits fondamentaux et, notamment, le droit à la liberté d’expression et le respect de la liberté des médias, la protection d’un intérêt public général, l’exercice légitime de représentant des travailleurs ou tout intérêt légitime protégé par le droit de l’Union ou le droit national.

● Mesures, procédures et réparations

La directive présente des mesures, procédures et réparations que les Etats membres doivent prévoir pour qu’un recours civil soit disponible contre l’obtention, l’utilisation ou la divulgation illicites de secrets d’affaires. Ces mesures doivent être équitables, effectives et dissuasives, sans être inutilement complexes ou couteuses, ni comporter des délais déraisonnables ou entrainer des retards injustifiés.

L’article 8 de la directive instaure un délai de prescription applicable aux demandes sur le fond et aux actions ayant pour objet l’application des mesures, procédures et réparations qu’elle prévoit, ne dépassant pas six mois. Son article 9 prévoit des mesures spécifiques visant à protéger le caractère confidentiel du secret d’affaires faisant l’objet d’un litige, au cours des procédures judiciaires intentées pour sa protection ou après la fin de ces procédures. Il est, notamment, possible de restreindre le cercle des personnes habilitées à avoir accès tant aux éléments de preuve qu’aux audiences, aux parties au litige ainsi qu’à leurs avocats. Les Etats ont la possibilité d’imposer des obligations de confidentialité aux parties, leurs avocats ou autres représentants, le personnel judiciaire, les témoins et toute autre personne participant à une telle procédure judiciaire.

En outre, la directive consacre, en son article 10, la possibilité pour les autorités judiciaires compétentes d’ordonner des mesures provisoires et conservatoires en vue d’obtenir la cessation ou l’interdiction de l’utilisation ou de la divulgation du secret d’affaire à titre provisoire. Lorsqu’une décision judiciaire rendue au fond constate qu’il y a eu obtention, utilisation ou divulgation illicite d’un secret d’affaires, l’article 12 de la directive prévoit que les autorités judiciaires compétentes peuvent ordonner à l’encontre du contrevenant des mesures telles que des injonctions et des mesures correctives, des mesures de sauvegarde et des mesures de substitution. Ces mesures sont sans préjudice des éventuels dommages et intérêts prévus à l’article 14 de la directive, dus aux détenteurs de secrets d’affaires qui sont en droit de demander réparation en cas de dommages subis à la suite de l’appropriation illicite de tout document, objet, matériau, substance ou fichier électronique contenant le secret d’affaires ou dont le secret d’affaires peut être déduit. Ces dommages et intérêts sont fonction du préjudice que celui- ci a réellement subi du fait de l’obtention, de l’utilisation ou de la divulgation illicite du secret d’affaire en tenant compte de tous les facteurs appropries.

Enfin, l’article 15 de la directive dispose que les autorités compétentes peuvent ordonner, sur requête du demandeur et aux frais du contrevenant, des mesures appropriées pour la diffusion de l’information concernant la décision, y compris sa publication intégrale ou partielle, tout en protégeant le caractère confidentiel des secrets d’affaires.

La directive est entrée en vigueur le 5 juillet 2016 et les Etats membres sont tenus de la transposer dans leur ordre juridique national au plus tard le 9 juin 2018.

(JO L157 du 15 juin 2016)