E-commerce : droit de communication sur les marques des fabricants par les revendeurs en ligne, CA de Paris, Pôle 5, chambre 1, 18 juin 2014 (fr)

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Auteur : Anthony Bem,
Avocat au barreau de Paris
Publié le 29/06/2014 sur le blog de Me Anthony Bem


Cour d’appel de Paris, Pôle 5, chambre 1, 18 juin 2014 Robert Bosch Gmbh et France / Oscaro.com)


Les sites internet distributeurs de produits marqués et régulièrement acquis sont-ils en droit de communiquer en utilisant ces marques dans leur campagne de publicité et de promotion ?


Le 18 juin 2014, Cour d’appel de Paris a jugé que les sites d’e-commerce distributeurs de produits marqués et régulièrement acquis sont en droit de les revendre sous la marque et peuvent librement faire référence à celle-ci à des fins promotionnelles.


En l’espèce, la société Bosch fabrique et commercialise notamment des produits d’équipements et de pièces destinées à l’industrie automobile.

Elle est titulaire, pour désigner ces produits, des marques communautaire et internationale “Bosch” couvrant la France (verbale et figurative).

La société Bosch a découvert que la société Oscaro.com, spécialisée dans la vente en ligne de pièces et accessoires automobiles à prix discount, se livrait à une campagne publicitaire dans le cadre de laquelle était diffusée plusieurs fois par jour, sur les ondes radiophoniques, l’accroche “en ce moment sur Oscaro.com, tout Bosch est en promo” et faisait par ailleurs un usage massif et selon elle abusif des marques “Bosch” sur son site internet.

Dans ces circonstances, la société Bosch a assigné la société Oscaro.com devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de marques (1) et concurrence déloyale (2).

Les premiers juges ont notamment débouté la société Bosch de sa demande en contrefaçon de marques et déclaré recevable sa demande en concurrence déloyale mais l’en a déboutée comme mal fondée.


Sur la demande de condamnation pour contrefaçon de marques

La société Bosch soutenait que la reproduction massive de ses marques dès la page d’accueil et sur l’ensemble des pages du site internet de la société Oscaro.com, ajouté à l’utilisation répétée et démultipliée de la référence “Bosch” dans les slogans publicitaires diffusés sur les ondes radiophoniques, excède les limites d’un usage nécessaire et légitime de la marque par le revendeur pour les besoins de la promotion de ses produits et tend à faire croire à tort au consommateur à l’existence d’un lien commercial entre la société Oscaro.com et la société Bosch titulaire de la marque.

Or, si le site marchand de la société Oscaro.com faisait bien un usage répété du signe “Bosch”, aucun risque de confusion n’était pour autant avéré de nature, en particulier, à laisser croire à l’utilisateur qu’un partenariat économique serait institué entre les sociétés Oscaro.com et Bosch.

En effet, la société Oscaro.com se présente clairement et sans la moindre équivoque comme le revendeur, pour son propre compte, de pièces automobiles de toutes marques (79 marques au total) et indique systématiquement la provenance des produits qu’elle distribue en mettant en évidence l’identité de ses fournisseurs qui peuvent être les fabricants ou des grossistes.

L’utilisateur du site internet peut ainsi lire que la société Oscaro.com “se fournit directement auprès des plus gros équipementiers ou des principaux grossistes en pièces détachées” et encore, que ses produits “sont en provenance des plus grands équipementiers qui fournissent en pièces d’origine les constructeurs eux-mêmes : Bendix, Bosch, Champion, Ferodo, Hella, Knecht, Lucas, Magnetti-Marelli, Monroe, NGK, Sachs, Valeo.

La marque “Bosch” est toujours accompagnée de la désignation générique d’une pièce automobile (balai essuie glaces, feu arrière, démarreur, alternateur, bougie d’allumage ...) et du pourcentage de réduction appliqué à cette pièce.

Par conséquent, les juges d’appel ont estimé qu’« une telle circonstance, mise en regard du bandeau d’annonce “Bosch en promotion”, indique à l’évidence au consommateur qu’il est en présence d’offres commerciales en cours pour des produits de cette marque sans pour autant lui faire croire à l’établissement d’un partenariat économique entre la société Oscaro.com et la société titulaire de la marque ; Pour juger que l’usage illicite des marques de la société Bosch par la société Oscaro.com n’était pas caractérisé, la cour d’appel a jugé que :

« l’utilisateur du site procède aisément à une distinction entre les sociétés Bosch et Oscaro.com et comprend d’emblée que la société Oscaro.com, revendeur multi-marques de pièces automobiles propose des offres promotionnelles pour les produits de la marque “Bosch” ;

Qu’ainsi le site internet de la société Oscaro.com est exclusif de tout risque de confusion aucun élément ne venant susciter dans l’esprit de l’utilisateur normalement avisé et moyennement attentif un quelconque rattachement au plan économique ou au plan commercial entre les sociétés Oscaro.com et Bosch.

Considérant que le spot publicitaire radiophonique “Sur Oscaro.com tout Bosch est en promo” ne laisse pas davantage entendre que la société Oscaro.com, toujours présentée comme “spécialiste de la pièce auto” entretiendrait des relations commerciales privilégiées avec la société Bosch, dont la marque n’est utilisée qu’en référence à l’opération promotionnelle visant les produits “Bosch” et pour indiquer au consommateur l’origine commerciale des produits promus ;

Que dès lors, la marque a été utilisée conformément à sa fonction essentielle d’indication d’origine et la société Bosch est mal fondée à reprocher à la société Oscaro.com un usage excédant les limites d’un usage nécessaire de la marque dans le cadre de sa communication publicitaire sur des produits dont elle assure légitimement la distribution au regard de la règle de l’épuisement des droits ;

Qu’il échet en effet de rappeler que le droit de revendre des produits marqués licitement acquis, posé à l’article L.713-4 du code de la propriété intellectuelle, s’étend au droit, pour le revendeur, de faire la promotion des produits marqués et d’utiliser la marque pour les besoins de cette promotion ;

Considérant que le grief d’usage abusif de la marque ne vaut pas davantage pour le site internet qui ne reproduit la marque que pour désigner un article présenté à la vente à prix réduit dans le cadre de la campagne promotionnelle visant les produits “Bosch” ».

Cette décision consacre ainsi le principe selon lequel les sites d’e-commerce distributeurs de produits marqués et régulièrement acquis sont parfaitement en droit de les revendre sous la marque et peuvent librement faire référence à celle-ci à des fins promotionnelles dans leur campagne de communication et de publicité.


Sur la demande de condamnation pour concurrence déloyale

Selon la société Bosch, l’usage de la marque dans la publicité par la société Oscaro.com aurait été un prétexte pour, en réalité, utiliser la marque dans le but de promouvoir des produits d’une autre marque et, de manière générale, ses propres activités.

Elle fait à cet égard valoir que le slogan publicitaire “Tout Bosch en promo” est trompeur en ce qu’il vise toutes les gammes de produits de la marque y compris celles qui ne sont pas commercialisées par la société Oscaro.com telles que l’outillage électroportatif ou encore les appareils ménagers.

Cependant, les juges ont relevé que la société Oscaro.com se présente sur son site marchand comme dans ses publicités comme spécialisée dans les pièces détachées et accessoires automobiles de sorte qu’il est « peu probable que le consommateur moyen, normalement avisé et raisonnablement attentif, comprenne que le slogan publicitaire en cause puisse viser des produits relevant d’autres catégories que l’automobile ».

Il découle de ce qui précède qu’aucun acte de concurrence déloyale ne pouvait être valablement reproché au site internet Oscaro.com par la société Bosch qui a donc été déboutée de l’ensemble de ses demandes.


Voir aussi

« Erreur d’expression : opérateur / inattendu. » n’est pas un nombre.


WEBMINAR : LE NOUVEAU DROIT DES MARQUES LA RÉFORME DES PROCÉDURES SESSION DU 30 AVRIL 2020