Internet : Référencement du nom d'une personne illicite si le contenu est répréhensible, Cass. Civ. I, 10 septembre 2014, n° 13-12464 (fr)

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Auteur : Anthony Bem,
Avocat au barreau de Paris
Publié le 06/10/2014 sur le blog de Me Anthony Bem



Cour de cassation, Civ. I, 10 septembre 2014, N° de pourvoi : 13-12464



Mots clefs : Internet, référencement, e-réputation, vie privée, personne illicite, blog, contenu répréhensible



L'utilisation du nom d'une personne comme mot-clé pour le référencement d'une page internet est-elle licite ?


Le 10 septembre 2014, la Cour de cassation a jugé que l'usage du nom d'une personne comme mot-clé afin de faire référencer une page internet par les moteurs de recherche n'est pas en tant que tel fautif mais le devient lorsque le contenu de la page à laquelle ce mot-clé est associé est répréhensible (Cass. Civ. I, 10 septembre 2014, N° de pourvoi : 13-12464).

La bonne réputation numérique dépend des contenus mis en ligne sur internet.

Or, le référencement de certains types de contenus sur internet peut être problématique.

Ainsi, en tapant nos noms et prénoms sur internet dans un moteur de recherche comme Google, certaines pages internet venant en résultats de requêtes peuvent être problématiques et/ou préjudiciables.

Les contenus illicites sur internet sont nombreux, il peut s'agir, de manière non exhaustive, de :

- faux profils sur les réseaux sociaux et d'usurpation d'identité ;
- propos diffamatoires ou injurieux ;
- atteintes à l'intimité de la vie privée ;
- atteintes au droit à l'image ou de l'image ;
- atteintes aux droits sur les données à caractère personnel, médicales ;
- faux avis ou commentaires négatifs de clients ou de patients ;
- dénigrement commercial ;
- etc ...

Or, la mauvaise E-réputation d'une personne peut avoir des conséquences négatives personnellement et/ou professionnellement.


Il est donc parfois nécessaire de demander la suppression :

- amiablement auprès des sites internet éditeurs ou hébergeurs des contenus litigieux ;
- amiablement auprès des moteurs de recherche sur internet tels que Google, Yahoo ou Bing ;
- judiciairement auprès du juge en cas de refus de suppression amiable par les sites internet ou les moteurs de recherche.


En l'espèce, une personne en conflit avec trois autres sur un projet de publication, les a critiquer sur son blog et y a publié la citation directe devant le tribunal pour injures et diffamation qu'il leur avait fait signifier.

De plus, leurs noms et prénoms a été introduit par ce blogueur comme "meta balises " ou "balise meta" ou meta tag par analogie avec l’anglais.

La balise meta constitue une information sur la nature et le contenu d’une page internet, ajoutée dans l’en-tête de la page (head), qui n'est pas forcément affichée sur la page et qui est destinée à tous les moteurs de recherche ou navigateurs web.

Par l'usage de leurs noms et prénoms comme meta balises, le blogueur orientait vers ses pages web les internautes qui faisait des recherches dans les moteurs de recherches avec les noms et prénoms de ses "adversaires" comme mots clés.

Selon ces derniers, l'association systématique d'un nom patronymique à certaines pages web, du seul fait de la manipulation d'un tiers, afin d'associer systématiquement ces pages à ces personnes, plutôt que les autres pages qui peuvent l'intéresser, porte atteinte aux droits de la personnalité.

Ainsi, les trois intéressés ont estimé que le blogueur se livrait à une utilisation non autorisée de leurs données personnelles, constitutive d'une atteinte à leur vie privée.

Pour les demandeurs, les nom et prénom patronymiques, en tant qu'éléments d'identification personnelle et de rattachement à une famille, relèvent de la vie privée et familiale, protégée notamment par l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.

Ils ont donc demandé au juge de dire qu'en utilisant leurs nom et prénoms comme méta-balises (méta-tags) dans le code source de ses pages web, le blogueur a porté atteinte à leurs prénoms, nom, vie privée et données personnelles et d'en ordonner sa sa cessation.

La Cour d'appel les a débouté de leurs demandes considérant que l'utilisation du nom d'une personne en tant que méta-balise ne constituait pas une atteinte à la vie privée, dès lors que le site internet vers lequel renvoyait ces méta-balises ne serait pas lui-même attentatoire à la vie privée.

La Cour de cassation a confirmé l'arrêt d'appel en jugeant que :

« saisie d'une atteinte à la vie privée et aux données personnelles de M. Y..., Mme Z... et M. A..., la cour d'appel, par motifs propres et adoptés, et non tenue de suivre les demandeurs dans leur argumentation analogique avec le droit des marques, a, en droit, sans dénaturer leurs conclusions ni violer les articles 8 de la Convention européenne des doits de l'homme, 9 et 1382 du code civil, exactement jugé que le choix du nom d'une personne physique comme mot-clé destiné à faciliter le référencement par les moteurs de recherche sur internet des pages qui le supportent n'est pas fautif lorsqu'il n'est associé à aucune autre donnée personnelle, et ne le devient, le cas échéant, que lorsqu'est répréhensible le contenu de la page à laquelle ce mot-clé est associé, et, en fait, a relevé que les demandeurs avaient été déboutés de leurs prétentions s'agissant du contenu intrinsèque des pages litigieuses ».

Ainsi, le fait d'utiliser le nom et le prénom d'une personne comme méta-balise dans le code source d'une page internet, dans le seul but de se servir du nom de cette personne afin d'attirer sur un site internet les internautes qui effectueraient des recherches sur ladite personne à partir d'un moteur de recherche, n'est pas en tant que tel constitutif d'une atteinte aux droits de la personnalité.

Par conséquent, le fait d'utiliser le nom et le prénom d'une personne comme mot clef (ou méta-balise dans le code source d'une page internet), dans le seul but de se servir du nom de cette personne afin d'attirer sur un site internet les internautes qui effectueraient des recherches sur ladite personne à partir d'un moteur de recherche n'est fautif qu'à la condition qu'il soit associé à une autre donnée personnelle ou lorsque le contenu de la page à laquelle ce mot clé est associé est « répréhensible ».

Le terme « répréhensible » permet d'englober de multiples contenus susceptibles d'être jugés comme illicites.

Ce terme renvoi en effet vers une notion de contenu simplement condamnable et non illicite comme le droit l'exigé auparavant.

Malgré la solution de cette décision, il résulte de celle-ci que le juge peut interdire l'utilisation des nom et prénom comme méta-balises (méta-tags) d'une page web en cas d'atteinte notamment au droit au respect de la vie privée, violation du droit à l'image ou des données à caractère personnel, diffamation, injure, sur une page web.

Le simple fait qu'un contenu soit litigieux semble donc suffisant pour obtenir la suppression des noms patronymiques sur internet et leur déréférencement.


Voir aussi

« Erreur d’expression : opérateur / inattendu. » n’est pas un nombre.