L'eugénisme et les nouvelles technologies (fr)

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.
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L'EUGÉNISME ET LES NOUVELLES TECHNOLOGIES
« Parce que vous êtes un grand seigneur, vous vous croyez un grand génie ! »
(Beaumarchais, Le Mariage de Figaro)

Intervention de Maître Jean-François Péricaud, avocat Honoraire, membre du comité scientifique de la GBD, à l'occasion du 5eme Anniversaire de la GBD " TRANSHUMANISME : L’HUMAIN AUGMENTÉ

Avril 2019

INTRODUCTION

Les nouvelles technologies mettent en cause la manière de concevoir la vie de chacun, dans ses rapports avec l'autre. La discussion les concernant est donc fondamentale dans la connaissance et l'approfondissement du droit et la définition des obligations incombant à ceux qui le pratiquent, qu'il s'agisse des techniciens, des juristes ou de simples citoyens. S'il ne faut pas négliger comme critère de valeur le rang social, celui-ci n'exclut évidemment pas d'autres critères d'appréciation du mérite d'un homme en raison de sa place dans une société donnée, en tenant compte précisément de l'évolution des nouvelles technologies. Celles-ci paraissent donc essentielles dans l'épanouissement de toute civilisation. Mais, ne pouvant s'exonérer d'une conception déterminée de l'Homme, cette conception doit-elle ou non engendrer une restriction à l'application des nouvelles technologies ? Il convient ainsi d'examiner successivement la finalité de ces nouvelles technologies, leur enjeu et leur domaine d'application, avant de comparer le transhumanisme et l'eugénisme et l'application de leurs règles, en droit international ainsi que leur sanction judiciaire.


LA FINALITÉ DES NOUVELLES TECHNOLOGIES

René Descartes, dans son « Discours de la méthode », se garde bien d'affirmer qu'il aurait une connaissance parfaite de toutes les sciences, concernant l'homme ou la nature, mais il ne désespère pas d'accéder à cette connaissance, en déclarant ceci : « (...) comme un homme qui marche seul et dans les ténèbres, je me résolus d'aller si lentement et d'user de tant de circonspection en toutes choses, que, si je n'avançais que fort peu, je me garderais bien au moins de tomber (...) ». Il affirmait alors vouloir consacrer tous ses efforts « à chercher la vraie méthode, pour parvenir à la connaissance de toutes les choses » dont son « esprit serait capable ». Les "nouvelles technologies" ne peuvent ainsi se concevoir que si elles tendent à une amélioration de la condition humaine, ce qui implique qu'elles aient pour objet primordial de concilier science et technicLue, avec le respect de l'Homme. Ainsi les Lumières au XVIllème siècle n'eurent pas d'autre objectif que d'assurer cet accord entre science et morale.


L'Histoire, hélas, ne leur donnera pas satisfaction. Leur espoir de voir l'Homme s'humaniser, c'est-à-dire non seulement respecter les Droits de l'Homme mais accroître leur protection, fut déçu ! La Terreur, le Directoire, le Consulat puis l'Empire, en France, ne parvinrent qu'imparfaitement à cette protection, voire même la remirent en cause ; le meilleur exemple de cette remise en cause est la promulgation de la loi Le Chapelier, qui abroge toute corporation protectrice des ouvriers, en ce compris l'ordre des avocats. Le fascisme, le communisme et même le libéralisme feront ainsi largement passer « la science/technique » avant le développement des Droits de l'Homme. Prenons un exemple, presque contemporain, auquel il serait possible d'associer les conflits des XXème et XXlème siècles.


L'ENJEU DES NOUVELLES TECHNOLOGIES

En 1945 les Etats-Unis veulent envahir le Japon, mais avec le moins de morts possibles, c'est-à-dire avec le moins de morts parmi leurs soldats ! Il en découlera les bombes atomiques d'Hiroshima et de. Nagasaki : des milliers de morts parmi la population civile de ces deux agglomérations, femmes, enfants. Le but recherché — éviter la mort de soldats américains - paraissait sinon légitime, à tout le moins et pour certains ... moral. La conséquence - l'élimination des habitants de ces villes - fut cependant la condamnation de tous les principes moraux. Comment peut-on, en quelque sorte, justifier l'élimination de toute une population indépendamment de tout objectif, ,militaire.- Le massacre des populations civiles à Hiroshima et Nagasaki n'était justifié par aucun objectif militaire ; par ce massacre, il fallait persuader les Japonais de cesser le combat alors que leur résistance aurait pu se perpétuer durant des années! À ce titre, on ne peut pas, d'ailleurs, ne pas se rappeler les désordres technologiques qui ont frappé, même en temps de paix, et risquent encore de frapper notre planète tels que le sinistre provoqué à Tchernobyl par l'énergie nucléaire ! À l'heure où le pouvoir politique veut — semble-t-il — fermer nos usines d'énergie nucléaire existantes, cette fermeture et la rénovation des sites pollués puis l'éventuelle création de nouvelles centrales de traitement, soulèvent moult difficultés, non résolues à ce jour. D'où l'on peut déduire que les nouvelles technologies, même si on les présente comme l'avenir de l'homme, peuvent constituer aussi une menace pour l'humanité, dans l'hypothèse où elles ne respecteraient pas les droits de l'Homme : le droit à la vie et à la dignité humaine et même, selon la constitution américaine, le droit au bonheur.


L'être humain, en l'espèce, peut jouer un rôle déterminant ; mais il peut également subir les conséquences parfois mortelles provoquées par ces nouvelles technologies, même s'il s'agit de leur démembrement, à savoir pollution de la terre, atteinte au bien-être et à la santé de l'être humain, pandémies, etc ...

Pour avoir ainsi cherché à vaincre le cosmos, l'humanité s'exposerait ainsi à en être la victime expiatoire ! Il n'est, par conséquent, pas exagéré de dire que du respect de l'être humain vont dépendre non seulement le développement harmonieux des sciences sociales mais encore la survie de l'humanité. On ne peut, à cet égard, qu'admirer la prémonition exprimée par Blaise Pascal dans « Les Pensées » (éd. Havet, Justice ler 1...) : « Qu'est-ce que l'homme, dans la nature Un néant à l'égard de l'Infini, un tout à l'égard du Néant, un milieu entre rien et tout ». Il lui faut donc vivre tel qu'il est, en se conformant non seulement aux « lois de la Nature », mais aussi au respect de ses concitoyens. C'est dans le même sens que Platon, dans le « Banquet », présente « l'IDÉE » comme « l'essence de la vie » ; encore ne faut-il pas la trahir ! Ce qui nécessite de fixer le domaine d'action des nouvelles technologies, sans les exclure a priori, mais en surveillant rigoureusement leur développement.

DOMAINE D'APPLICATION DES NOUVELLES TECHNOLOGIES : LE RESPECT DES DROITS DE L'HOMME ET LA NÉCESSAIRE EXTENSION DE CE RESPECT À TOUTE CIVILISATION

Le but et, à la fois, la limite de ces nouvelles technologies, nous paraissent être de parfaire nos connaissances, sans jamais porter atteinte à l'humanité et à ses valeurs, c'est-à-dire à ses « impératifs catégoriques », selon Emmanuel Kant. Nous ne voulons plus de faiseurs de bombes, ni de dictateur : plus jamais de guerre, comme le disait Aristide Briand, à la Société des Nations. Sous prétexte d'amélioration de l'Homme par le progrès des élites, plus de sous-hommes qu'il soit permis de sacrifier à la découverte scientifique. Plus de docteur Mengele ! Les « nouvelles technologies » ne parviendront à se développer que si elles respectent l'Homme. L'Homme avant tout, même si le développement de la science s'en trouve sinon paralysé, du moins ralenti. Comme l'écrivait La Rochefoucauld, « les vertus se perdent dans l'intérêt, comme les fleuves se perdent dans la mer ».


Mais il n'y a là rien de nouveau : il s'agit toujours du voyage d'Ulysse vers Ithaque la Bienheureuse ! c'est-à-dire de la satisfaction du bonheur de l'Homme, dont les religions comme la morale laïque se doivent d'assurer le plein épanouissement. La discussion ne porte, en réalité, que sur la méthode propre à assurer cet accomplissement. Les « nouvelles technologies », selon l'alternative suivante, peuvent-elles favoriser l'une ou l'autre des options ci-après énoncées et, dans l'affirmative, dans quelles conditions ?

- la connaissance sans la Foi, avec pour seul appui la Raison de l'Homme, selon les Pères de l'Église et la littérature classique, de Montaigne, Pascal, madame de Sévigné, La Bruyère et Nietzsche:; selon celui-ci, « les Idoles » édifiées par la Foi doivent purement et simplement être démolies à coup de marteaux ;

- ou la connaissance renforcée par la Foi, d'aprèS Guillaurne d'Ockham, Luther et Emmanuel Kant, et bien d'autres.

À chacun de choisir l'une ou l'autre de ces options, avec pour axiome commun la défense de l'Homme, c'est-à-dire du « noli me tangere fondamental » cité par cet éminent juriste que fut le Doyen Carbonnier !

« Les Nouvelles technologies » peuvent-elles favoriser l'une ou l'autre de ces options et, dans l'affirmative, dans quelles conditions ? La réponse à cette question se trouve, selon nous, dans la comparaison entre transhumanisme-et-eugénisme.

LE TRANSHUMANISME OPPOSÉ À L'EUGÉNISME

De tout temps, les civilisations ont tenté de faire correspondre l'évolution de la connaissance avec celle de la MORALE ! Elles ont même cru que cette double évolution coïncidait, dans la mesure où il ne pouvait y avoir, selon elles; amélioration de la connaissance sans que celle-ci ne soit accompagnée, d'une manière concomitante et d'égale intensité, d'un progrès moral. Le développement du domaine de la connaissance humaine devait dont provoquer inéluctablement celui de la règle morale ; était-ce un objectif impossible à atteindre ? On peut le craindre. Non seulement, les découvertes de la Science n'ont pas empêché les hommes de se faire la guerre, mais de surcroît « les nouvelles technologies » semblent avoir aggravé la négation de la Morale, tant dans la sphère privée, entre les individus, que dans la sphère publique, dans les relations entre États. Si l'on considère que toute société implique une hiérarchie avec, à son sommet, les philosophes, puis les guerriers et enfin les simples citoyens, on ne peut pas ne pas se poser la question du transhumanisme opposé à l'eugénisme.


Francis Galton est né à Birmingham en 1822 ; il est cousin de Charles Darwin. La comparaison s'arrête là, car autant Darwin recherche le bonheur de l'Homme, autant Galton s'oriente vers son malheur. Ce sont les gènes de l'Homme qui, d'après lui, font L'HOMME et non pas son milieu familial et social : « (...) une nouvelle science voit le jour, du moins est revendiquée comme telle — c'est l'Eugénisme — » (François Kersaudy et Yannis Kadari : « Les derniers secrets du Troisième Reich », page 12). La propre Encyclopédie Larousse du XXe siècle s'y réfère expressément, en soulignant qu'assister les handicapés coûte cher à la société, là où, a contrario, l'encouragement des élites renforcerait « la force et la grandeur des nations » (même article). Selon les mêmes auteurs, « dans les amphithéâtres, de futurs cadres du régime national-socialisme sont alors séduits par les discours tenus et les théories exposées » par Adolf Hitler et, parmi eux, le docteur Mengele, surnommé « l'ange de la mort ». À Auschwitz il séparera, après un examen rapide, les déportés destinés aux chambres à gaz de ceux qui, provisoirement, auront la vie sauve ! La paix, avant septembre 1939, ne permit pas au nazisme de mettre en oeuvre cette théorie de l'eugénisme, la Seconde Guerre mondiale, à partir de septembre 1939, lui en donnera malheureusement l'occasion ! Le nazisme s'appuie sur de prétendues découvertes scientifiques qui confirmeraient cette théorie de l'eugénisme et plus particulièrement sur des ouvrages tels que la « Mise en œuvre de la destruction des vies dépourvues de valeur », du psychiatre Alfred Hoche et du juriste Karl Binding. De la stérilisation des handicapés, le nazisme passe rapidement alors à leur mise à mort, en particulier par l'utilisation du gaz mortifère : l'Aktion T4. De la stérilisation obligatoire des handicapés, le nazisme a évolué ainsi vers l'euthanasie. L'eugénisme se définit alors comme la « prétendue science » ayant pour objet d'étudier les conditions les plus favorables à la reproduction humaine et à l'amélioration consécutive de la race, en en écartant les handicapés et, plus généralement, tous ceux qui, par leur intelligence prétendument inférieure ou leurs malformations, ne "mériteraient" pas de vivre et viendraient, en quelque sorte, "polluer" l'existence de leurs concitoyens, doués de raison et physiquement sains. En d'autres termes, l'eugénisme tend à exclure ceux qu'il qualifie de « sous-hommes », au profit de « la race supérieure » des seigneurs ; en réalité, Hitler a adopté la thèse de l'eugénisme dès la publication de « Mein Kampf ».

Qu'une telle évolution ait été possible, au XXe siècle et dans l'une des nations les plus civilisées d'Europe, fait frémir.


C'est le 20 janvier 1942, au bord du lac du Wannsee, que Heydrich réunit ceux qui mettront en oeuvre cette philosophie de la mort des plus faibles ; assistaient à cette conférence ... les futurs bourreaux du peuple juif, dont Adolph Eichmann. ils y décident la « solution finale », c'est-à-dire l'extermination du peuple juif.Pressentant cette évolution — diabolique — nombre de penseurs du XXe siècle en ont été frappés de stupeur ! L'une d'entre eux, Hannah Arendt, qui allait "couvrir" le procès Eichmann en Allemagne vingt ans plus tard, a expliqué que, même après avoir découvert l'existence des camps de concentration, elle-même et son mari, pendant plusieurs mois, n'ont pas voulu croire qu'ils relevaient d'un plan concerté, ayant pour finalité la suppression totale de groupes humains entiers les Juifs d'abord, mais aussi les Tziganes, les homosexuels, les francs-maçons, les Témoins de Jéhovah, les criminels récidivistes, les "inaptes au travail", les "incapables", etc... L'eugénisme, selon le Dictionnaire Larousse du XXe siècle, se définit, dès lors, comme la science qui a pour objet étudier lès conditions les plus favorables à la reproduction humaine et à l'amélioration consécutive de la "race", cependant que le transhumanisme serait le mouvement culturel et intellectuel international prônant l'usage des sciences et des techniques, afin d'améliorer r la condition humaine, notamment .par l'augmentation des capacités physiques et mentales dés êtres humains, sans pour autant exclure ceux de nos semblables qui n'auraient pas un coefficient intellectuel suffisant ou souffriraient de tares physiques. Ne pas confondre ces deux doctrines est sans doute le souci primordial des penseurs contemporains tels — notamment qu'Emmanuel Levinas (l'éthique comme ouverture sur l'infini), Hannah Arendt, déjà citée (« La crise dé la culture », 1972), Hans Jonas (« Le Principe responsabilité, une éthique pour la civilisation technologique », 1979), Tristan Engelhardt (c Les fondations de la bioéthique »), Van Rensselaer Potter et Julian Huxley. C'est celui-ci qui introduisit, précisément dans les années 1950, le terme de « transhumanisme ». En ce sens, le transhumanismes implique formellement la condamnation de l'eugénisme. Des deux camps qui s'affrontent, de la sorte, non seulement en théorie mais dans la pratique, lequel triomphera de l’autre ? La réponse à cette question lancinante se trouve, notamment, dans ce qu'il est convenu d'appeler la bioéthique.


L'épreuve des deux guerres mondiales comme la persistance des conflits actuels opposant des ethnies opposées, a d'abord favorisé une réaction, au niveau des relations entre États, puis une remise en cause des principes mêmes qui ont inspiré, en France, l'évolution de notre droit. En 1983 est créé, en France, le premier comité national permanent : le comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé.

En 1985, le Conseil de l'Europe crée le comité ad hoc des experts pour la bioéthique.

En 1991, la Commission européenne crée le groupe des conseillers pour l'éthique de la biotechnologie.

En 1993 est publié en français le premier dictionnaire encyclopédique de la bioéthique. En 1993 également, l'UNESCO crée le Comité international de bioéthique.

En 2005, l'Assemblée générale de l'UNESCO adopte la Déclaration universelle sur la bioéthique et les Droits de l'Homme.

Quatre principes sont ainsi édictés, à la faveur de ces conférences internationales en ce qui concerne la bioéthique : principe d'autonomie, principe de bienfaisance, de non-malfaisance et de justice. Cette réflexion s'inspire des philosophes classiques, tels Aristote, Emmanuel Kant ou Stuart Mill. Il s'agit de mettre en valeur l'éthique kantienne, c'est-à-dire « la morale du devoir ». La traduction de ces principes se trouve dans le Code civil et le Code de la santé publique français. Il s'agit, dans notre Code civil, des articles 16 et suivants. Il n'est pas inutile d'en rappeler les principes généraux. La loi doit assurer la primauté de la personne (art. 16 du Code civil) ; chacun a droit au respect de son corps (art. 16-1 de ce Code). Ce respect ne cesse pas avec la mort (art. 16-1-1 ).

Il ne peut être porté atteinte à l'intégrité du corps, sauf en cas de nécessité médicale pour la personne ou, à titre exceptionnel, dans l'intérêt thérapeutique d'autrui (art. 16-3). Toute pratique eugéniste tendant à l'organisation de la sélection de personnes est interdite (art. 16-4). Ces dispositions sont d'ordre public (art. 16-9). Ces mêmes dispositions sont reprises par les articles L.1110-1 et suivants du Code de la santé publique. Sans en faire une présentation exhaustive, l'article L.1110-2 rappelle que « la personne malade a droit au respect de sa dignité ».


D'après l'article L.1110-5 dernier alinéa : « Toute personne a le droit d'avoir une fin de vie digne et accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance. Les professionnels de la santé mettent en oeuvre tous les moyens à leur disposition pour que ce droit soit respecté. » Selon l'article L.1110-5-1, ces moyens ne doivent cependant pas être poursuivis « lorsqu'ils résultent d'une obstination déraisonnable ». Cette dernière disposition légale a donné lieu récemment à une jurisprudence, condamnant à nouveau cette « obstination déraisonnable » (affaire Lambert).

LA SANCTION PAR LA JURISPRUDENCE

La Jurisprudence s’est donné pour finalité d’approfondir ces notions. Seront en particulier citées les décisions de justice ci-après, émanant tant du Conseil d'État que du Conseil constitutionnel et de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH). Selon l'arrêt du Conseil d'État du 2 juillet 1993, un médecin ne peut pratiquer une expérimentation sur une personne après sa mort, hors le cas. de prélèvement d'organes, qu'à la triple condition d'avoir constaté la mort, dans des conditions analogues à celles définies par les articles 20 à 22 du décret du 31 mars 1978, de le faire pour une nécessité scientifique reconnue et d'avoir obtenu le consentement de la personne exprimé de son vivant ou, à défaut, l'accord de ses proches, s'il en existe (Conseil d'État, 2 juillet 1993 D. 1974.74, note Peyrical). La sauvegarde de la dignité de ta personne humaine contre toute forme d'asservissement et de dégradation est un principe à valeur constitutionnelle (Conseil constitutionnel, 27 juillet 1994, D.1995.237, note Mathieu). Une peine exagérément disproportionnée peut s'analyser en un traitement contraire à l'article 3 de la Convention européenne de Sauvegarde des droits de l'Homme (CEDH section II, 14 décembre 2004, n° 25875/03). Aucun des principes cruciaux de la vie, de la maladie ou de la mort d'un homme ne peut ainsi échapper au contrôle de la Justice.

EN CONCLUSION

C'est en cela que notre droit conforte la sauvegarde des droits de l'Homme, en assurant le respect de ceux-ci, à l'encontre des doctrines prônant l'eugénisme comme l'euthanasie ; il sera, à cette condition, possible, selon le souhait de Fénelon, d'éviter, « sous le prétexte de se polir », d'être « amolli pour la volupté, et endurci contre la vertu et contre l'honneur » (Fénelon pour la fête de l'Épiphanie, second point, Morceaux choisis des auteurs français, page 258).

Le philosophe Arthur Schopenhauer, dans son livre « L'Homme comme volonté et comme représentation », a repris le raisonnement de Dostoïevski comme celui de Freud. Dans tout homme, il existe des "souterrains" qui expriment sa vraie valeur, selon Dostoïevski et, d'après Freud, une force aveugle, le « Ça », qu'il faut opposer au « Surmoi » et au « Moi », le « Surmoi » étant l'influence de la société sur tout homme et le « Ça » ses instincts profonds, de sorte que de la confrontation du « Surmoi » et du « Ça » découle la personnalité d'un individu déterminé. La représentation, d'après Schopenhauer, serait en quelque sorte la face apparente et non immergée de l'iceberg et la volonté sa partie immergée et cachée. Le déséquilibre entre ces deux faces rendrait l'Homme malade de névrose, voire de psychose, et serait l'origine de ses rêves, mais aussi parfois de ses crimes. Ce qui serait vrai sur un plan individuel, le serait également pour les conflits entre les hommes. Quel parti faut-il prendre entre ces forces antinomiques ? La réponse de l'homme civilisé et sain d'esprit devrait être qu'en sauvegardant sa personnalité, tout homme doit rechercher non seulement son bonheur individuel, mais aussi et sans doute d'abord celui des autres hommes. Cette recherche a la valeur d'un « impératif catégorique ».