L’infection liée aux soins (fr)

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.
France  > Droit privé > Droit de la santé >     



Auteur : Sophie Hocquet-Berg, Professeur de droit privé et de sciences criminelles - Université de Lorraine (Metz) Avocat au barreau de Metz http://www.sophie-hocquet-berg-avocat.com
20/02/2017


Contexte : Dans une décision rendue le 3 novembre 2016, la Cour de cassation rappelle qu’il suffit qu’une infection soit consécutive aux soins dispensés dans un établissement pour engager la responsabilité de plein droit de ce dernier sur le fondement de l’article L. 1142-1, I, alinéa 2 du code de la santé publique.

Litige : A la suite d’une double fracture fermée de la jambe droite, un patient est hospitalisé dans une clinique où il est pratiqué un encloutage verrouillé à foyer fermé. Un peu moins d’un an plus tard, il subit des soins au sein de la même clinique et, en particulier, le retrait de la vis distale et du clou centro-médullaire. Un mois et demi après cette intervention, une radiographie et un prélèvement bactériologique mettent en évidence un staphylocoque doré. Une échographie révèle ensuite la présence d’un corps étranger qui est retiré. Une action en réparation est engagée devant la CCI d’Aquitaine qui ordonne deux expertises successives. Par la suite, une action en référé est introduite devant le juge judiciaire qui ordonne une troisième expertise. Devant le juge de l’indemnisation, le patient fait valoir que la présence du corps étranger est liée aux soins pratiqués et à l’origine de l’infection présentant un caractère nosocomial. La cour d’appel d’Agen rejette ses demandes aux motifs que le lien de causalité entre l’hospitalisation et l’infection n’est pas démontré, dans la mesure où les experts ont émis des avis divergents à cet égard et qu’il n’est pas établi que l’infection à staphylocoque doré dont il est atteint ait son origine dans son hospitalisation à la clinique.

Solution : La Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel aux motifs : « Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait tenu pour acquis que l’infection contractée par M. X était consécutive à des soins et constaté que ce dernier avait été hospitalisé au sein de la clinique, de sorte que celle-ci se trouvait soumise à une responsabilité de plein droit, sauf à rapporter la preuve d’une cause étrangère, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve et violé les articles L. 1142-1, I, alinéa 2, du code de la santé publique et 1315, devenu 1353 du code civil ».

Analyse : Les établissements ne renoncent pas à faire feu de tout bois pour échapper à la lourde responsabilité qui pèse sur eux en matière d’infection nosocomiale. Ne pouvant guère agir au stade de l’exonération, compte tenu de la rigueur avec laquelle les éléments constitutifs d’une cause étrangère sont appréciés, ils placent leur ligne de défense en amont, en contestant le caractère nosocomial de l’infection que la patient a contractée en leur sein. Il convient pourtant de rappeler qu’aux termes de l’article R. 6111-6 du code de la santé publique, « les infections associées aux soins contractées dans un établissement de santé sont dites infections nosocomiales ». Il en résulte que, pour être qualifiée de nosocomiale, il suffit que l’infection ait un lien avec les soins dispensés. Les juges ne peuvent donc pas considérer que l’infection constitue un aléa thérapeutique à partir du moment où ils ont constaté l’existence d’un lien direct et certain entre l’intervention et le dommage (1re Civ., 18 févr. 2009, n° 08-15.979, Bull. I, n° 37).

En des termes dépourvus de toute ambiguïté, la Cour de cassation a encore récemment rappelé, « qu’après avoir constaté que, même si l’infection avait pu être provoquée par la pathologie de la patiente, liée à un aléa thérapeutique, cette infection demeurait consécutive aux soins dispensés au sein de la clinique et ne procédait pas d’une circonstance extérieure à l’activité de cet établissement, la cour d’appel a écarté, à bon droit, l’existence d’une cause étrangère exonératoire de responsabilité » (1re Civ., 14 avril 2016, n° 14-23.909, à paraître au bulletin). Autrement dit, l’établissement de santé est responsable de plein droit de toute infection du patient consécutive aux soins qui lui ont été dispensés en son sein.

Pour s’exonérer de sa responsabilité, il lui incombe de rapporter la preuve d’une cause étrangère.

C’est cette solution que rappelle la présente décision.