Protection des victimes de violences conjugales : la loi est publiée (fr)

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  Auteur: Me Bruno Dravet, Avocat au BARREAU DE TOULON et à la COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE [1]

Date: le 1 octobre 2020


La loi visant à protéger les victimes de violences conjugales a été publiée au Journal officiel du 31 juillet. Focus sur les principales dispositions.L. n° 2020-936, 30 juill. 2020, JO 31 juill.[2]

Tour d’horizon des nouvelles mesures visant à protéger les victimes de violences conjugales :

• Logement commun

Sauf circonstances particulières, la jouissance du logement commun est attribuée, au conjoint, au partenaire ou au concubin qui n’est pas l’auteur des violences, et ce même s’il a bénéficié d’un hébergement d’urgence (C. civ., art. 515-11). En outre, le préavis de départ du locataire victime de violences conjugales peut désormais être réduit à un mois (L. n° 89-462, 6 juill. 1989, art. 15, I, 3° bis, nouv.).

• Ordonnance de protection

Lorsque le juge délivre une ordonnance de protection, il en informe sans délai le procureur de la République, auquel il signale également les violences susceptibles de mettre en danger un ou plusieurs enfants (C. civ., art. 515-11, dernier al.).

Bracelet anti-rapprochement

Il est désormais précisé que le juge qui prononce une interdiction de se rapprocher doit fixer la distance à respecter (C. civ., art. 515-11-1).

• Droit de visite et d’hébergement

Le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention qui ordonne un contrôle judiciaire en cas d’infraction commise soit contre son conjoint, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, soit contre ses enfants ou ceux de son conjoint, concubin ou partenaire, se prononce, par une décision motivée, sur la suspension du droit de visite et d’hébergement de l’enfant mineur dont la personne mise en examen est titulaire (CPP, art. 138).

• Exclusion de la médiation familiale et pénale

En cas de divorce, le juge peut, au titre des mesures, proposer une mesure de médiation. Mais cette dernière est désormais expressément exclue en cas de violences conjugales ou en cas d’emprise manifeste de l’un des époux sur son conjoint (C. civ., art. 255 et art 373-2-10). La médiation est également exclue en matière pénale (C. pén., art. 41-1, 5°).

• Obligation alimentaire

En cas de condamnation du créancier pour un crime commis sur la personne du débiteur ou l’un de ses ascendants, descendants, frères ou sœurs, le débiteur est déchargé de son obligation alimentaire à l’égard du créancier, sauf décision contraire du juge.

• Indignité successorale

Le conjoint violent peut désormais être déclaré indigne de succéder. Après le 2° de l’article 727 du Code civil, il est ainsi inséré un 2° bis en ce sens.

• Harcèlement moral au sein du couple

L’article 222-33-2-1 du Code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé : « Les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 150 000 € d’amende lorsque le harcèlement a conduit la victime à se suicider ou à tenter de se suicider ».

• Secret médical

La loi autorise la révélation du secret médical lorsque les violences mettent la vie de la victime en danger immédiat et que celle-ci se trouve sous l’emprise de leur auteur. Ainsi, le médecin ou à tout autre professionnel de santé porte à la connaissance du procureur de la République une information relative à des violences exercées au sein du couple relevant de l’article 132-80 du Code pénal lorsqu’il estime en conscience que ces violences mettent la vie de la victime majeure en danger immédiat et que celle-ci n’est pas en mesure de se protéger en raison de la contrainte morale résultant de l’emprise exercée par l’auteur des violences. Le médecin ou le professionnel de santé doit s’efforcer d’obtenir l’accord de la victime majeure ; en cas d’impossibilité d’obtenir cet accord, il doit l’informer du signalement fait au procureur de la République (C. pén., art. 226-14).

• Vie privée et traçage numérique de son conjoint

Le traçage numérique de son conjoint est dorénavant puni d’une peine de deux ans d’emprisonnement et de 60 000 euros d’amende (C. pén., art. 226-1). En outre, les atteintes à la vie privée sont sanctionnées plus sévèrement lorsque fait que les faits sont commis par le conjoint, le partenaire ou le concubin de la victime (C. pén., art. 226-4-1, art. 226-15, art. 222-16 et art. 227-23).

• Protection des mineurs

Les articles 21 à 24 de la loi accroissent la protection des mineurs vis-à-vis des contenus à caractère pornographique.

Aide juridictionnelle

L’aide juridique provisoire est attribuée de plein droit. L’article 20 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique est complété par deux alinéas ainsi rédigés : « L’aide juridictionnelle est attribuée de plein droit à titre provisoire dans le cadre des procédures présentant un caractère d’urgence dont la liste est fixée par décret en Conseil d’État ; L’aide juridictionnelle provisoire devient définitive si le contrôle des ressources du demandeur réalisé a posteriori par le bureau d’aide juridictionnelle établit l’insuffisance des ressources ».

• Carte de séjour

Il est également précisé que l’autorité administrative ne peut procéder aux retraits de la carte de séjour lorsque la communauté de vie a été rompue en raison de violences familiales ou conjugales (CESEDA, art. L. 313-25, art. L. 313-26 3 et art. L. 314-11).