La curieuse catégorie des communautés de droit commun au Liban (lb)

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.


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Auteur : Bechara Karam, Docteur en droit, Professeur Assistant à la Faculté de Droit de l’USEK


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Article publié dans la Revue Juridique n°17 de l'Université Saint-Esprit de Kaslik, partenaire de la GBD



Abstract
The Lebanese law recognizes two categories of religious groups: communities that enjoy an autonomy in their personal status laws and jurisdictions, and communities that don’t have such privilege, but apply instead the “civil” 
law in their personal status matters. There is no communities of this second category in Lebanon today, and its legal system suffers from many problems, such as the lack of civil laws for the personal status. The purpose of 
this article is to explore the difficulties related to the application of the legal system of the “ordinary law” communities.


Kamal Salibi avait qualifié le Liban de « maison aux nombreuses demeures »[1], empruntant la formule à l’Évangile de Saint Jean[2]. Ces nombreuses demeures sont les différentes communautés religieuses au Liban, qui jouissent d’un statut important dans le régime juridique libanais, et entretiennent des relations compliquées avec l’État.

Le droit des religions, ou droit des cultes, à distinguer du droit religieux qui est le droit interne des religions, est ce domaine du droit qui étudie le statut juridique des groupements religieux, ainsi que leur relation avec le droit étatique[3]. Ce droit, au Liban, ploie sous le poids de l’Histoire. En effet, l’Histoire a donné à un certain nombre de communautés des privilèges juridiques et juridictionnels. Le Droit a dû respecter l’Histoire, et confirmer les droits acquis de ces communautés dites « historiques ».

Ceci fut réalisé par le fameux arrêté numéro 60 L.R. du 13 mars 1936, émanant du Haut-Commissaire français, « fixant le statut des communautés religieuses », modifié et complété par l’arrêté numéro 146 L.R. du 18 novembre 1938[4]. Cet arrêté a voulu poser les fondements du droit des cultes au Liban et en Syrie, tous deux sous mandat français, avec plus ou moins de succès[5]. L’arrêté numéro 60 L.R. consacra son premier titre aux « communautés à statut personnel », qui ne sont rien d’autres que les communautés historiques[6]. Ces communautés religieuses historiques bénéficient d’une autonomie législative et juridictionnelle dans leurs affaires de statut personnel.

La question se pose pour les autres communautés non historiques : quelle serait leur situation juridique ? Le deuxième titre de l’arrêté numéro 60 est consacré aux « communautés de droit commun », sans les définir, mais, par élimination, et à travers les dispositions du titre, nous pouvons conclure qu’il s’agit là du cadre juridique des communautés non historiques.

Derrière l’arrêté numéro 60 L.R., sont « des hommes qui sont républicains et qui ont une vision française des institutions de l’État et de la séparation des pouvoirs religieux et civil »[7]. Ils ont dû concilier les principes avec lesquels ils étaient familiers en France, avec les prérogatives des communautés présentes au Liban et en Syrie ; en d’autres termes, concilier les droits des communautés avec les droits des individus[8]. La catégorie des communautés de droit commun, en tant que catégorie alternative, rentre dans cette politique, et peut-être qu’elle a trouvé son inspiration dans les associations cultuelles du droit français[9] (quand bien même la notion de cultes reconnus s’éloigne du droit des associations).

Cette catégorie des communautés de droit commun reste sans application, ou presque[10]; aucune communauté de droit commun n’existe actuellement au Liban. Il est légitime dès lors de poser une série de questions : pourquoi une telle catégorie fut introduite dès le début ? Quels groupements sont supposés s’organiser en tant que communautés de droit commun ? Pourquoi n’existe-il pas actuellement de communautés de droit commun ? Nous allons tenter de rechercher les réponses à ces questions, dans le régime juridique de ces communautés. En effet, ce régime restreint l’accès potentiel à la catégorie, d’où sa vocation limitée (paragraphe 1), et ce régime souffre d’une infériorité vis-à-vis des communautés à statut personnel, ce qui a aussi un effet dissuasif (paragraphe 2).

La vocation limitée des communautés de droit commun

Dans la logique de l’arrêté numéro 60 L.R., la catégorie des communautés de droit commun est une catégorie résiduelle (A), et le régime juridique de ces communautés exclut certains types de groupements (B).

Une catégorie résiduelle

La catégorie des communautés de droit commun s’insère dans le système de statut personnel établi par l’arrêté numéro 60 L.R. Il faudrait, avant d’évaluer sa vocation (2), apprécier sa place par rapport aux autres éléments de ce système (1).

Le système de l’arrêté numéro 60 L.R.

L’arrêté numéro 60 L.R. du 13 mars 1936, modifié par l’arrêté numéro 146 L.R. du 18 novembre 1938, a conçu un système cohérent de statut personnel, basé sur la reconnaissance légale des communautés religieuses. Le système distingue entre deux catégories de communautés religieuses. La première catégorie est celle des « communautés à statut personnel », comprenant les communautés considérées comme historiques, et qui bénéficient d’une autonomie législative et judiciaire dans le domaine de leur statut personnel[11]. C’est ce que certains désignent par le « fédéralisme personnel»[12].

Ces communautés ont été mentionnées dans une liste annexée à l’arrêté. La liste comprend les communautés musulmanes, y compris les communautés non-sunnites, qui n’étaient pas reconnues du temps des ottomans, ainsi que les communautés chrétiennes et juives qui bénéficiaient du temps des ottomans d’une autonomie dans leurs questions de statut personnel[13]. L’arrêté numéro 60 L.R., concernant ces dernières communautés non-musulmanes, a confirmé l’Histoire. Par contre, concernant les communautés musulmanes, surtout les sunnites, il a contredit l’Histoire[14] en réduisant l’Islam au statut d’une communauté non-musulmane[15].

Ceci suscita la colère des musulmans, surtout en Syrie[16] (l’arrêté numéro 60 L.R. étant commun au Liban et à la Syrie) et le Haut-Commissaire dut promulguer l’arrêté numéro 53 L.R. du 30 mars 1939 excluant les musulmans de l’application de l’arrêté numéro 60 L.R[17]. Depuis, les situations juridiques des communautés musulmanes et des communautés chrétiennes ont connu des développements différents, mais ceci dépasse le but de notre article[18].

La deuxième catégorie de communautés de l’arrêté numéro 60 L.R., celle qui nous intéresse dans cet article, est la catégorie des « communautés de droit commun » : c’est-à-dire les communautés religieuses[19] non-historiques, et qui ne bénéficient d’aucune autonomie dans leur statut personnel. En principe, il n’y a rien d’aberrant à ce qu’un État favorise certaines communautés par rapport à d’autres, tenant en compte leur importance, dans un souci de bonne gouvernance[20] . Mais le problème de l’arrêté numéro 60 est que le privilège donné aux communautés favorisées est exorbitant : autonomie législative et judiciaire en matière de statut personnel.

La liste des communautés historiques favorisées de l’annexe 1 parait quasi-exhaustive[21], comprenant même des communautés très faibles numériquement[22]. C’est ainsi qu’il convient de s’interroger sur les groupements pouvant, en effet, être reconnus en tant que communautés de droit commun.

La place des communautés de droit commun dans le système de l’arrêté n° 60

L’annexe numéro 1 de l’arrêté 60 L.R. comprend la liste des communautés à statut personnel[23] : 16 communautés, auxquelles furent ajoutées en 1938 la communauté protestante, et en 1996 la communauté copte orthodoxe. Malgré la « mansuétude » de l’annexe, certains groupements religieux étaient exclus, tels que les Yézidis, ou les Zoroastriens[24]. La version initiale de la liste en 1936 omettait essentiellement la communauté protestante (ou évangélique). L’ancien article 22[25], figurant sous le titre relatif aux communautés de droit commun, disposait :

« Nonobstant les dispositions précédentes, la communauté protestante du Liban conserve en matière de statut matrimonial les pouvoirs juridictionnels et les attributions consacrées par la tradition et la reconnaissance tacite des pouvoirs publics ».

Nous en déduisons que, initialement, dans l’esprit du législateur, la communauté protestante (ou plutôt les communautés protestantes[26]) n’étant pas une communauté à statut personnel, aurait dû s’organiser en tant que communauté de droit commun, mais en conservant le privilège relatif au statut matrimonial mentionné dans l’article 22. Or, deux ans plus tard, l’arrêté numéro 146 L.R. de 1938 ajouta la communauté protestante à la liste des communautés historiques[27]. Cette « promotion » est significative, car elle nous éclaire sur la vocation de la catégorie des communautés de droit commun. Cette catégorie était prévue comme une catégorie résiduelle pour les communautés non-historiques, considérées comme des communautés de second plan. Par « historicité », nous devons comprendre la présence historique de la communauté au Liban[28], et la reconnaissance historique de ses privilèges (surtout au temps des ottomans). Il parait que les autorités du mandat avaient hésité, dans un premier temps, à décider si la communauté protestante devait faire partie des communautés historiques (de là, la réserve de l’ancien article 22 mentionné ci-dessus, à propos des privilèges acquis du temps des ottomans[29]). Quoiqu’il en soit, le droit libanais n’a jamais connu une communauté de droit commun, à l’exception de l’éphémère « communauté orthodoxe pour le soutien des émigrés russes à Beyrouth », mentionnée par le Professeur Rabbath[30]. Apparemment, il est plus facile de déterminer les groupements exclus de cette catégorie, que de trouver des groupements qui puissent en faire partie.

Groupements exclus de la catégorie des communautés de droit commun

Le régime juridique des communautés de droit commun exclut les groupements non religieux (1) ainsi que les groupements religieux dissidents (2).

Exclusion des groupements non religieux

D’aucuns réclament la création d’une communauté séculière au Liban, qui prendrait la forme d’une communauté de droit commun[31]. Une lecture attentive de l’arrêté numéro 60 L.R. montre que la catégorie des communautés de droit commun ne concerne que les seuls groupements religieux.

De prime abord, l’intitulé de l’arrêté précise le genre de communautés dont il s’agit : « l’arrêté numéro 60 L.R. du 13 mars 1936 fixant le statut des communautés religieuses » (car le terme « communauté » en soi peut désigner toute sorte de groupement[32]) ; dès lors, à chaque fois que l’arrêté parle de communautés, nous devons comprendre : communautés religieuses (ainsi, dans le premier titre « des communautés à statut personnel », et dans le deuxième, « des communautés de droit commun »).

Il faut constater, d’une manière générale, que les cadres prévus pour les religions et cultes sont peu compatibles aux groupements athées ou philosophiques[33]. Les athées, agnostiques ou indifférents, sont protégés – lorsqu’ils le sont - par d’autres moyens[34].

Ensuite, un deuxième argument peut être tiré des dispositions de l’alinéa 2 de l’article 10 et de l’alinéa 1er de l’article 17[35], qui citent, côte à côte, les membres d’une communauté de droit commun, et ceux qui n’appartiennent à aucune communauté[36] ; or, le législateur n’est pas supposé commettre de redondances[37], et chacune de ces deux expressions doit avoir son sens particulier.

Enfin, les dispositions du titre des communautés de droit commun laissent induire assez clairement leur caractère religieux, tel l’alinéa 2 de l’article 15, qui parle de « service du culte », ou l’article 16 qui mentionne l’énoncé des « principes religieux et[38] moraux ». D’où il résulte que la catégorie des communautés de droit commun n’est pas adaptée aux groupements non religieux.

Exclusion des groupements religieux dissidents

Posons l’hypothèse suivante : suite à des dissidences au sein d’une communauté à statut personnel, un groupement décide de se séparer. Le seul article de l’arrêté numéro 60 L.R. relatif à cette hypothèse, l’article 13, dispose qu’ « en cas de sécession[39] collective d’une communauté ou d’un groupement autonome de celle-ci, la sécession s’étend également aux biens meubles ou immeubles de la communauté ou du groupement intéressé ». L’article se trouve sous le titre des communautés à statut personnel, mais ne dit rien sur la qualification juridique du nouveau groupement.

Le groupement séparé peut-il acquérir une légitimité en prenant la forme d’une communauté de droit commun ?

La catégorie des communautés de droit commun n’est presque jamais proposée comme solution alternative. Dans une affaire de ce genre, un évêque insatisfait de l’élection d’un nouveau Patriarche arménien orthodoxe en 1956 (sur fond de guerre froide[40]) s’était séparé de la communauté-mère. Selon le Comité de législation et de consultation du ministère de la Justice libanais, le groupement séparé ne pouvait exister en tant que nouvelle communauté à statut personnel à défaut d’un acte législatif de reconnaissance[41]. Aucune mention de la communauté de droit commun comme solution échappatoire ; de même pour un cas récent d’un culte catholique divergent [42].

Mentionnons aussi le cas des Témoins de Jéhovah, interdits de s’organiser au Liban[43]. Peut-être que dans ces cas, le pouvoir public ne voulait pas multiplier ses interlocuteurs religieux dans un souci de stabilité[44], ou peut-être qu’il subissait la pression des communautés historiques, qui ne désiraient pas perdre du terrain[45].

Notons que l’article 15, relatif à la reconnaissance des communautés de droit commun, exige que « leurs doctrine et morale » ne soient pas contraires aux lois organiques des communautés.

Les termes de l’article, quoiqu’ambigus, peuvent limiter l’accès d’un groupement séparé au statut d’une communauté de droit commun.

Quoi qu’il en soit, au moins dans un seul cas, une demande expresse de reconnaissance d’une communauté de droit commun fut présentée. Un Monseigneur a demandé la reconnaissance de « l’Église catholique apostolique primitive orthodoxe d’Antioche[46] » en tant que communauté de droit commun. Le Conseil d’État refuse de lui accorder cette reconnaissance, au motif qu’elle aussi nécessite un acte législatif[47]. Au moins le refus ici n’est pas un refus de principe, mais basé sur les conditions de reconnaissance d’une communauté de droit commun.

Le régime juridique dissuasif des communautés de droit commun

Il ne suffit pas qu’un groupement soit compatible avec la vocation des communautés de droit commun, il faut aussi qu’il satisfasse aux conditions de reconnaissance (A). Cette reconnaissance entraînera des effets, qui, en l’état du droit positif libanais, sont plutôt décourageants (B).

La reconnaissance d’une communauté de droit commun

Il est nécessaire que le pouvoir public ait une « autorité de référence[48] » avec qui dialoguer. Le droit propose aux groupements religieux des cadres juridiques dans lesquels ils s’organisent, afin que le fait religieux, comme tout autre fait, soit pris en charge par le droit. Le système de reconnaissance adopté par l’arrêté numéro 60 L.R. permet au pouvoir public de savoir avec qui dialoguer, et à qui se référer en cas de besoin. Il parait que cet arrêté, en matière de communautés de droit commun, a prévu la possibilité de communautés de droit commun reconnues mais aussi non reconnues. Il faudrait souligner cette distinction (1), avant de passer en revue les conditions de fond et de forme de la reconnaissance.

Les modalités d’existence des communautés de droit commun

Les termes « reconnaître », « reconnaissance » ou « reconnue » sont utilisés par l’arrêté numéro 60 L.R. dans deux registres différents : une communauté peut être reconnue en tant que communauté à statut personnel[49] ; ou elle peut être reconnue en tant que communauté de droit commun[50]. Donc l’expression « communauté reconnue » peut signifier l’une ou l’autre selon le contexte.

Concernant les communautés de droit commun, contemplons pour un moment les dispositions du second alinéa de l’article 17 de l’arrêté numéro 60 L.R. :

« Toutefois les mariages contractés par les syriens ou libanais selon les rites d’une communauté de droit commun reconnue ou non reconnue, seront considérés comme valides si les actes les constatant ont été dressés selon les règles fixées par les dispositions ci-dessus ».

La loi admet donc l’existence de communautés de droit commun non reconnues. Ajoutons à cela que l’article 15 de l’arrêté dispose que les communautés de droit commun « peuvent » obtenir la reconnaissance, et non « doivent ».

Enfin, l’ancien article 24, dans sa rédaction initiale (en 1936)[51], disposait : « La communauté qui a perdu la reconnaissance ou ne l’a pas obtenue continue de subsister comme communauté de droit commun, à moins qu’elle ne contrevienne à l’ordre public et aux bonnes mœurs ».

Comme une communauté peut obtenir reconnaissance en tant que communauté de droit commun, la « communauté de droit commun » mentionnée dans l’article est sans doute une communauté de droit commun non reconnue.

Il faudrait donc admettre l’existence de deux genres de communautés de droit commun, reconnues et non reconnues[52].

L’arrêté numéro 60 L.R. envisageait un système assez courtois, qui protégeait la liberté individuelle de conscience, tout en ménageant les prérogatives des communautés historiques. Dommage que ces bonnes intentions n’eussent jamais l’occasion d’être exécutées.

Les conditions de la reconnaissance

Pour être éligible à la reconnaissance en tant que communauté de droit commun, un groupement doit satisfaire à des exigences de fond relatives à sa doctrine, et son importance numérique ; la reconnaissance doit, en outre, avoir la forme d’un acte législatif.

Selon l’article 15 de l’arrêté numéro 60, les communautés de droit commun « peuvent obtenir la reconnaissance si leur doctrine et leur morale ne sont contraires ni à l’ordre public et aux bonnes mœurs, ni aux lois organiques des États[53] et communautés ». L’article 5, relatif à la reconnaissance des communautés historiques, exige lui aussi que leur statut ne contienne aucune disposition contraire aux lois organiques des États et communautés.

Il faut admettre qu’il est un peu difficile de comprendre l’intention de l’arrêté quand il exige ce respect des lois organiques des communautés, sans même préciser de quelle catégorie de communautés il s’agit[54].

Quoiqu’il en soit, cette exigence contribue à exclure les schismes et les hérésies de la catégorie des communautés de droit commun.

Les statuts incluant les « principes religieux et moraux de son organisation » seront présentés à l’autorité gouvernementale (article 16), qui contrôlera la conformité de ces principes avec l’ordre public, les bonnes mœurs, et les lois organiques des communautés[55].

L’article 15 exige une autre condition : il faut que « leur importance numérique et leurs garanties de pérennité paraissent justifier ce privilège[56] ». La reconnaissance est ainsi liée à « une représentativité, une utilité sociale » qui justifient le « régime juridique particulier » ; les communautés non représentatives « ne bénéficient alors que de garanties minimales[57]», situées en tout bas de l’échelle des communautés religieuses au Liban.

La reconnaissance d’une communauté de droit commun nécessite-t-elle un acte législatif ou un acte administratif ? L’article 16, alinéa second, répond : « Ce statut sera, s’il y a lieu, reconnu et mis en vigueur par un acte législatif ».

Le statut dont il est question, est celui qui contient les principes religieux et moraux de la communauté. Notons que ce statut devra être présenté à l’autorité gouvernementale, mais sera reconnu par un acte émanant du législateur.

Le texte est clair quant à l’exigence d’un acte législatif, et la jurisprudence a eu l’occasion de le rappeler. Dans un cas que nous avons déjà cité[58], le requérant voulait faire reconnaître son Église en tant que communauté de droit commun, et il avait prétendu qu’une déclaration devait suffire, par application du droit des associations (peut-être rapprochant les communautés de droit commun des associations cultuelles du droit français[59] ?).

Le Conseil d’État avait rappelé les dispositions de l’arrêté numéro 60 et exigé une reconnaissance par acte législatif[60].

Que gagnerait un groupement religieux à se faire reconnaître comme communauté de droit commun ?

L’infériorité du régime juridique des communautés de droit commun

La reconnaissance en tant que communauté de droit commun n’apporte pas l’autonomie juridique en matière de statut personnel, comme c’est le cas pour les communautés historiques (1), mais elle accorde néanmoins à la communauté quelques privilèges (2).

L’absence d’autonomie en matière de statut personnel

L’article 17 de l’arrêté numéro 60 L.R. dispose que « le statut personnel des Syriens ou Libanais appartenant à l’une des communautés visées aux articles 14 et suivants [communautés de droit commun] ou n’appartenant à aucune communauté religieuse, est réglé par la loi civile ». Ces dispositions ont été réitérées par le deuxième alinéa de l’article 10 ajouté en vertu de l’arrêté numéro 146 L.R. Par contre, les membres des communautés à statut personnel « sont soumis en matière de statut personnel au statut légal de leur communauté », tel que le dispose l’article 10, alinéa premier. Le contraste est évident. Or, quel est cette « loi civile » de statut personnel, et comment la trouver ? En matière de successions et testaments, il existe une loi qui pourrait faire fonction de « loi civile », il s’agit de la loi sur la succession des non-mahométans[61] du 23 juin 1959. Son article 128 dispose : « Cette loi n’est pas applicable sur les successions des membres des communautés musulmanes » ; d’où, à contrario, elle s’applique aux membres d’une communauté de droit commun, entre autres[62].

Dans le domaine du mariage et de la filiation, l’absence de lois civiles est plus flagrante. Les membres d’une communauté de droit commun n’ont pas de loi gouvernant leur mariage, et ils partagent ce souci avec ceux qui ne sont membres d’aucune communauté. Afin de combler ce « vide législatif », les alternatives les plus diverses sont proposées. Certains considèrent que la mention « loi civile » dans l’arrêté devait faire référence à une loi déjà existante au moment de sa promulgation, et cette loi serait le droit civil français[63]. D’autres proposent le recours au choix contractuel de la loi du mariage (tel que fit un couple libanais qui a conclu un mariage civil contractuel au Liban[64]).

Le choix contractuel du droit applicable au mariage fut par la suite repris par un projet de loi, non abouti[65]. Rappelons que tout Libanais peut se marier civilement à l’étranger et faire reconnaître ce mariage au Liban ; en cas de litige, la jurisprudence libanaise appliquera le principe « locus regit actum[66]».

La promulgation d’une loi civile de statut personnel aurait permis au système de l’arrêté numéro 60 L.R. de reprendre vie, au moins partiellement[67], et de donner un sens à l’expression « droit commun » dans l’appellation « communautés de droit commun ». La dernière tentative dans ce sens a été le projet de loi malchanceux de mariage civil facultatif, du Président Hraoui. Dans les motifs du projet de loi, sont mentionnées les communautés de droit commun[68].

Des prérogatives réduites

L’arrêté numéro 60 L.R. de 1936 octroie quelques droits aux communautés de droit commun. Tout d’abord, elles ont le droit de s’organiser librement et d’administrer leurs affaires « dans les limites de la législation civile », tel que dispose l’article 14. Ce droit parait être commun aux communautés de droit commun reconnues et non reconnues. Toutefois, la communauté doit notifier aux autorités compétentes les nominations des ministres du culte habilités, selon le statut de la communauté, pour célébrer le mariage, selon l’article 18.

Le deuxième de ces droits, limité aux seules communautés de droit commun reconnues[69], est la capacité « à l’acquisition, à titre onéreux ou gratuit, des immeubles et biens nécessaires au service du culte, au logement des desservants (et au cimetière) », selon l’alinéa second de l’article 15. Cela signifie, a contrario, que ces communautés ne peuvent acquérir de biens de rapports. Il n’y a pas de telles limitations pour les communautés à statut personnel (article 8). Cependant, chose curieuse, alors que les communautés de droit commun peuvent acquérir à titre gratuit les biens nécessaires au culte, les communautés historiques ne peuvent « recevoir des libéralités qu’après autorisation accordée par décret ou arrêté local » (article 8 alinéa 1).

« Les mariages contractés par les syriens ou libanais selon les rites d’une communauté de droit commun reconnue ou non reconnue, seront considérés comme valides si les actes les constatant ont été dressés selon les règles fixées par les dispositions ci-dessus ».

L’article 19 dispose que :

« Quiconque désire contracter mariage devant un ministre du culte d’une communauté de droit commun, doit se munir d’une autorisation de l’agent de l’état-civil du lieu de sa résidence ».

Ces textes suscitent quelques remarques. D’abord, la célébration d’un mariage par un ministre d’un culte de droit commun ne signifie pas l’application d’autres lois que la supposée « loi civile ». Ensuite, les prérogatives du ministre du culte de droit commun sont clairement inférieures à celui d’un culte à statut personnel : le premier a besoin de l’autorisation de l’agent de l’état-civil (article 20)[70]. Enfin, même un ministre de culte d’une communauté non reconnue peut dresser un acte de mariage selon les règles de la loi civile, et cet acte sera valide. Nous voyons ici un régime assez libéral – ou plutôt, qui est supposé être libéral, car, à notre connaissance, ces articles n’ont jamais été l’objet d’applications jurisprudentielles.

Selon Philippe Gennardi, directeur du contrôle général des waqfs durant le mandat français (cet organe préparait les textes relatifs au statut personnel), l’arrêté numéro 60 L.R. devrait permettre « à toute communauté d’obtenir, sous des conditions à déterminer, sa reconnaissance légale[71]». Or, comme nous l’avons vu, pour des raisons de droit (régime juridique problématique) autant que pour des raisons de fait (défaut de groupements éligibles), les communautés historiques demeurent les seules communautés religieuses reconnues au Liban.


Le privilège le plus important est le droit des ministres du culte de ces communautés à célébrer des mariages. En effet, l’article 17 alinéa 2 dispose que :


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  2. « Il y a beaucoup de demeures dans la maison de mon Père ; s’il en était autrement, je vous l’aurais dit, car je vais vous y préparer une place ». L’Évangile selon Saint Jean, 14 : 2, <https://bible.catholique.org/ evangile-selon-saint-jean/3277-chapitre-14>, consulté le 23/12/2016.
  3. F. MESSNER et al., Traité de droit français des religions, éd. du jurisclasseur, 2003, p. 9 n° 17 et 18. Notons que l’expression « droit des religions » est, des fois, distinguée de l’expression « droit des cultes ».
  4. L’arrêté n° 60 L.R. a été publié dans le JO de la République libanaise, Lois et décrets, mercredi 29 avr. 1936, et l’arrêté n° 146 L.R. est paru dans le JO, Lois et décrets, lundi 2 janv. 1939, p. 2674.
  5. L’application de cet arrêté fut perturbée par la suite, comme nous le mentionnerons infra.
  6. Art. 1 al. 1 : « Sont légalement reconnues, en tant que communautés à statut personnel, les communautés historiques dont l’organisation, les juridictions et la législation sont fixées par un acte législatif ».
  7. N. MÉOUCHY, « La réforme des juridictions religieuses en Syrie et au Liban (1921¬1939) : raisons de la puissance mandataire et raisons des communautés », in P.-J. LUIZARD (sous la direction de), Le choc colonial et l’Islam, La découverte, 2006, p. 362, <http://www.cairn.info/le-choc-colonial-et-l-islam--9782707146960-page-359.htm> consulté le 13/12/2016.
  8. L’art. 11 de l’arrêté dispose que « quiconque a atteint sa majorité et jouit de son libre arbitre peut, avec effet civil, sortir d’une communauté à statut personnel reconnue, ou y entrer », ce qui consacre non seulement le droit de changer de communauté, mais aussi de n’être membre d’aucune.
  9. Les associations cultuelles, ou « associations pour l’exercice du culte », ont été introduites par le titre IV de la célèbre loi française du 9 déc. 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État. Il s’agit, selon l’art. 18 de la loi, des associations « formées pour subvenir aux frais, à l’entretien et à l’exercice public d’un culte ». L’Église catholique refusa ces associations qui ne prenaient pas en compte son principe hiérarchique ; et finit par s’organiser dans des associations dites diocésaines. V. P.-H. PRÉLOT, « Association à objet cultuel », in F. MESSNER (sous la direction de), Droit des religions, CNRS éd., 2010, p. 86 et s. ; M. FLORES-LONJOU, Associations cultuelles, Delmas, 1996, p. 9 et s. et p. 14 et s.
  10. Nous disons « presque », car le Professeur Edmond Rabbath mentionne la « communauté orthodoxe pour le soutien des émigrés russes à Beyrouth », qui n’existe plus, cependant. E. RABBATH, La formation historique du Liban politique et constitutionnel : essai de synthèse, Publications de l’Université libanaise, nouvelle éd., 1986, p. 104 note n° 32.
  11. E. TYAN, Cours de Statut personnel, 1947, p. 15 et s. ; V. aussi sur l’autonomie, M. KAMOUH, « Constitution et minorités religieuses », Revue Juridique de l’USEK 2016, n° 15, PUSEK, p. 73-74.
  12. A. MESSARRA, « Les aménagements juridiques des libertés religieuses au Liban », Les Cahiers de droit 1999, vol. 40, n° 4, p. 933, <http://id.erudit.org/iderudit/043583ar>, consulté le 25/10/2016.
  13. Ces communautés non-musulmanes chrétiennes et juive, « dans les personnes de leurs chefs, jouissent en vertu d’anciens privilèges, de certaines prérogatives administratives et judiciaires », G. YOUNG, Corps de droit ottoman, At the clarendon press, 1905, vol. II, p. 1 - 2 ; V. aussi Cass. mixte lib. n˚ 817, 13/6/1927, Répertoire de jurisprudence libanaise (Juridictions mixtes 1924-1946), Beyrouth, Ministère de la Justice, 1947, p. 835 ; N. MÉOUCHY, « La réforme des juridictions religieuses en Syrie et au Liban (1921-1939) : raisons de la puissance mandataire et raisons des communautés », p. 361.
  14. Durant l’ère ottomane, l’Islam n’a jamais été une communauté, mais une « umma », E. RABBATH, La Constitution libanaise : origines, textes et commentaires, Publications de l’Université libanaise, 1982, p. 102 ; V. aussi N. MÉOUCHY, « La réforme des juridictions religieuses en Syrie et au Liban (1921-1939) : raisons de la puissance mandataire et raisons des communautés », p. 359 ; J. ABOUJAOUDE, Les partis politiques au Liban, USEK, Bibliothèque de l’USEK, 1985, p. 188 et p. 190.
  15. La Constitution libanaise de 1926 avait déjà égalisé théoriquement entre les communautés, en ne nommant aucune comme religion d’État, dans son article 9.
  16. Sur les protestations musulmanes contre l’arrêté n° 60, surtout en Syrie, V. N. MÉOUCHY, « La réforme des juridictions religieuses en Syrie et au Liban (1921-1939) : raisons de la puissance mandataire et raisons des communautés », p. 366 et s. ; E. RABBATH, La formation historique du Liban politique et constitutionnel, p. 106-107 ; ID., La Constitution libanaise, p. 98 – 103 ; B. B ASILE, Statut personnel et compétence judiciaire des communautés confessionnelles au Liban, USEK, Bibliothèque de l’USEK, 1993, p. 54.
  17. Art. 1er de l’arrêté n° 53 L.R. du 31 mars 1939 : « Les arrêtés n°s 60 L.R. du 13 mars 1936 fixant le statut des communautés religieuses, et 146 L.R. du 18 nov. 1938 modifiant et complétant l’arrêté 60 L.R. sont et demeurent sans application à l’égard des musulmans », JO de la République libanaise, Lois et décrets, jeudi 27 avr. 1939, p. 2926.
  18. Actuellement, au Liban, l’organisation judiciaire et législative des communautés musulmanes s’intègre à celle de l’État, alors que l’organisation judiciaire et législative des communautés non-musulmanes est indépendante de l’État. P. GANNAGÉ, Au fil du temps : études juridiques libanaises et proche-orientales, PUSJ, 2013, p. 206 – 207. Même pour ces dernières communautés non-musulmanes, l’arrêté n° 60 ne fut pas mis en exécution, et elles durent attendre une loi du 2 avr. 1951 – non moins polémique – qui vint délimiter le statut juridique et les compétences des communautés chrétiennes et juives en matière de statut personnel.
  19. 19. Il s’agit effectivement de communautés religieuses, comme nous le verrons infra.
  20. Plusieurs pays européens, dont les Constitutions affirment la laïcité de l’État et l’égalité des religions devant la loi, accordent des places privilégiées aux religions influentes. Par ex. en Italie, il est évident que l’Église catholique a une situation privilégiée : l’État reconnait l’indépendance et la souveraineté de l’Église catholique dans son ordre propre (art. 7 al. 1). V. O. F. CARULLI, « Lo stato italiano e la Chiesa cattolica : indipendenza, sovranità e reciproca collaborazione », Stato e Chiese (revue en ligne), 2014, n° 3, <http://www.statoechiese.it/images/stories/2014.01/fumagalli_lo_stato.pdf>, consulté le 25/12/2016. En Espagne, les religions « profondément enracinées » bénéficient d’un traitement de faveur, par ex., l’État signe avec eux des traités et des accords. A. DE LA HERA et R. M. MARTINEZ DE CODES (édité par), Spanish legislation on religious affairs, Madrid, Ministerio de Justicia, Centro de Publicaciones, 1998, p. 13 – 14. Un décret royal de 2015 est venu régler le statut de ces communautés religieuses profondément enracinées, <http://www.eurel.info/spip.php?rubrique193&lang=fr> (consulté le 25/12/2016). En Grèce, l’art. 3 de la Constitution déclare la religion grecque-orthodoxe la religion dominante en Grèce (sans être mentionnée expressément comme religion d’État), C. PAPASTATHIS, « Grèce», in F. MESSNER ( s ous l a di r ecti on de) , Droit des religions, p. 379 et s. Par contre, en France, depuis la loi de 1905, le caractère reconnu du culte a disparu, et les divers cultes sont soumis au même régime. Y. DESMURS-MOSCET et I. ROUVIÈRE-PERRIER, actualisé par T. RAMBAUD, « Cultes », J.-Cl. Adm., fasc. 215, 2009, n° 59 et s.
  21. 21. L’annexe 1 dans sa version initiale contenait 16 communautés : le Patriarcat maronite, le Patriarcat grec orthodoxe, le Patriarcat catholique melkite, le Patriarcat arménien grégorien (orthodoxe), le Patriarcat arménien catholique, le Patriarcat syrien orthodoxe, le Patriarcat syriaque ou syrien catholique, le Patriarcat assyro-chaldéen (nestorien), le Patriarcat chaldéen, l’Église latine, la communauté sunnite, la communauté chiite, la communauté alaouite, la communauté ismailieh et la communauté druze, les synagogues d’Alep, de Damas et de Beyrouth. La communauté protestante fut ajoutée par l’arrêté n° 146 L.R. de 1938 ; la communauté copte en 1996, ce qui élève le nombre à 18.
  22. 22. Dans les années 1920, la population du Liban et de la Syrie était estimée à 2 millions (dont 600 milles pour le Liban). Les chaldéens comptaient presque 1300, et leur communauté fut reconnue au même titre que les maronites qui comptaient 187000. Pour les nombres, La Syrie et le Liban sous l’occupation et le mandat français 1919 – 1927, Librairie et éditions Byblion, 2008, p. 2930-.
  23. L’art. 1 de l’arrêté n° 60 L.R. relatif aux communautés à statut personnel, réfère à cet annexe. L’annexe est intitulée : « Liste des communautés jouissant d’une reconnaissance de droit ou de fait ».
  24. N. MÉOUCHY, « La réforme des juridictions religieuses en Syrie et au Liban (1921¬1939) : raisons de la puissance mandataire et raisons des communautés », p. 369 ; J. EL-HAKIM, « Système juridique en Syrie », 2010, p. 5 note n°10, <http://fidr.it/red_ art.asp?id=13>, consulté le 12/12/2016.
  25. 25. L’ancien art. 22 fut remplacé en vertu de l’arrêté n° 146 de 1938.
  26. La communauté protestante ou évangélique comprend la douzaine d’Églises représentées dans le Conseil suprême de la communauté évangélique. L.-H. DE BAR, Les communautés confessionnelles du Liban, éd. Recherche sur les civilisations, 1983, p. 176 ; V. aussi l’art. 1er du nouveau Code de statut personnel de la communauté évangélique en Syrie et au Liban du 1 avr. 2005.
  27. 27. Cette reconnaissance fut confirmée par l’art. 1 de la loi libanaise du 2 avr. 1951 relative à la délimitation des compétences des autorités confessionnelles des communautés chrétiennes et de la communauté israélite.
  28. « On entend par dimension historique des communautés, la permanence dans le temps, de la cohésion de leurs membres respectifs, la permanence et l’extension de leurs valeurs, leurs symboles et leurs institutions dans un milieu déterminé. [...] L’existence historique des communautés [...] [fait] d’elles les unités fondamentales de la société », J. ABOUJAOUDE, Les partis politiques au Liban, p. 160-161.
  29. L.-H. DE BAR, Les communautés confessionnelles du Liban, p. 169 et s. ; Sur la situation des protestants dans l’empire ottoman, V. G. YOUNG, Corps de droit ottoman, vol. II, p. 107 et s.
  30. « On pourrait, à cet égard, citer comme exemple, unique, semble-t-il, le récépissé n° 812, délivré par le ministère de l’Intérieur, en date du juin 1944, à une association de ce genre, portant le nom de “Communauté orthodoxe pour le soutien des Émigrés russes à Beyrouth” ; communauté qui, selon toute apparence, a cessé d’exister depuis la seconde Guerre mondiale ». E. RABBATH, La formation historique du Liban politique et constitutionnel, p. 104 note n° 32.
  31. Comme par ex. I. Traboulsi (<https://www.annahar.com/article/11312>, consulté le 25/12/2016) ; ou P. Morcos (<http://www.justiciabc.com/Modules/Attorneys/ UploadFiles/441320140_File1.pdf>, consulté le 25/12/2016). Ce dernier auteur mentionne l’avis d’une association civile qui considère « la communauté de droit commun » comme une communauté non religieuse.
  32. Sur le sens de la communauté en droit et politique libanais, V. J. ABOUJAOUDE, Les partis politiques au Liban, p. 155 et s. Selon l’auteur, une communauté au Liban est « une catégorie socio-religieuse », p. 158.
  33. Par exemple, en France, un groupement appelé « Union des athées » dont le but est le « regroupement de ceux qui considèrent Dieu comme un mythe », n’a pas pu obtenir reconnaissance en tant qu’association cultuelle, car « il ne se propose pas de subvenir aux frais, à l’entretien ou à l’exercice public d’un culte ». C.E. fr., 17 juin 1988. Par contre, une association internationale pour la conscience de Krisna a été reconnue comme association cultuelle : C.E. fr., 14 mai 1982, arrêts consultés sur <www.legifrance. gouv.fr>.
  34. Par ex., les « organisations philosophiques et non confessionnelles » ont été reconnues par la déclaration n11° relative au statut des Églises et des organisations non confessionnelles,annexée en 1997 au Traité d’Amsterdam modifiant le traité sur l’Union Européenne, E. ABDELGAWAD, « Groupement philosophique non confessionnel », in F. MESSNER (sous la direction de), Droit des religions, p. 385-387. De même, la liberté individuelle de conscience peut être protégée indépendamment du droit des communautés ou religions.
  35. Art. 10 al. 2 : « Les membres syriens et libanais d’une communauté de droit commun ainsi que ceux qui n’appartiennent à aucune communauté sont régis en matière de statut personnel par la loi civile » ; art. 17 al. 1 : « Le statut personnel des syriens ou libanais appartenant à l’une des communautés visées aux articles 14 et suivants ou n’appartenant à aucune communauté religieuse, est réglé par la loi civile ».
  36. L’art. 11 de l’arrêté n° 60 permet de quitter une communauté sans avoir à rejoindre une autre.
  37. C’est l’argument économique, selon Chaïm Perelman, basé sur l’idée d’une rédaction non redondante de la loi.
  38. Selon la rédaction française d’origine. Recueil des Actes Administratifs du Haut-Commissariat de la République française en Syrie et au Liban, Année 1936, vol. XVIII, Imprimerie Jeanne d’Arc, p. 159. Alors que le texte arabe mentionne : « principes religieux ou moraux ».
  39. Notons que l’article utilise le terme « sécession ». En terminologie canonique, l’on parlerait de « schisme », (séparation), et « hérésie » (divergence doctrinale). J. MATHIEU-ROSAY, Dictionnaire du christianisme, Marabout, 1990, vis « schisme », p. 289-288 et « hérésie », p. 169.
  40. Une certaine compétition existait entre le Catholicossat arménien d’Etchmiadzine sous influence soviétique, et le Catholicossat d’Antélias au Liban, soutenu par le parti Tachnag anti-soviétique. V. L.-H. DE BAR, Les communautés confessionnelles du Liban, p. 86-87.
  41. Comité de législation et de consultation du ministère de la Justice libanais, Consultation n° 699/r/64/1956 du 15/12/1956. D’autres consultations du Comité ignorent aussi l’alternative des communautés de droit commun (consultation n° 624/r/64/1965 du 6/9/1965 et consultation n° 600/r/1963 du 7/12/1963, ibid., p. 9252).
  42. Ainsi, dans un cas récent, une personne qui professait des enseignements désapprouvés par l’Église catholique, s’est vue interdite de pratiquer son culte car ce culte sortait du cadre des communautés reconnues. C.E. lib., n° 188, 22/12/2011, Al-Adl 2012, III, p. 1314 et s. Selon l’art. 20 de la loi du 2 avr. 1951, les litiges relatifs aux dogmes religieux sont du ressort des seules autorités confessionnelles.
  43. Selon Rabbath, la cause en est des pressions exercées par les communautés chrétiennes. Selon l’Association européenne des témoins chrétiens de Jéhovah, il faudrait remonter à une interdiction de la part du Conseil des ministres le 27 janv. 1971 pour cause d’inspiration du Sionisme international. Information citée dans : <https://www.justice. gov/sites/default/files/pages/attachments/2015/09/29/lbn104650.e.pdf>, consulté le 8/12/2016.
  44. Par ex., quand il s’agit de vérifier l’identité catholique des congrégations catholiques en France, l’État se réfère à la hiérarchie de l’Église. D. LESCHI, « Administration des cultes », in F. MESSNER, (sous la direction de), Droit des religions, p. 16. « Après 1905, s’appuyant sur l’article 4 de la loi, l’administration (...) n’hésita pas à déclarer illégales les associations cultuelles catholiques qui s’étaient formées conformément à la nouvelle loi, mais en contradiction avec les consignes de la hiérarchie catholique ».
  45. V. A.MESSARRA, « Les aménagements juridiques des libertés religieuses au Liban », p. 934.
  46. E. RABBATH, La formation historique du Liban politique et constitutionnel, p. 104 note n° 32.
  47. C.E. lib., n° 4, 4/3/1976, Al-Adl 1978, I, jurisp., p. 31 et s. Cet arrêt a été rendu suite à un recours en révision. Pour mieux comprendre cette saga jurisprudentielle, V. C.E. lib., n° 246, 21/2/1968 et C.E. lib., n° 309, 1/3/1968, Recueil Chidiac 1968, jurisp., p. 75 ; Al-Adl 1968, II, jurisp., p. 555 n° 397.
  48. D. LESCHI, « Administration des cultes », p. 16.
  49. 49. Art. 1 : « sont légalement reconnues », art. 2 : « la reconnaissance légale », art. 3 : « aptes à bénéficier de la reconnaissance légale », art. 4 : « pour obtenir cette reconnaissance », art. 5 : « reconnaissance de la communauté », art. 22 : « communauté de statut personnel reconnue », etc.
  50. Art. 15 : « elles peuvent obtenir la reconnaissance », art. 16 : « en sollicitant la reconnaissance », art. 17 : « communauté de droit commun reconnue ou non reconnue », etc.
  51. L’article faisait partie du « Titre III : Dispositions générales », qui comprenait trois articles. L’article 5 de l’arrêté n° 146 de 1938 avait abrogé ce titre et l’avait remplacé par de nouvelles dispositions.
  52. 52. Ce système ressemble un peu au système belge, où coexistent des confessions reconnues – en raison de « la valeur sociale de la religion ou du groupement » « sur la base du service rendu à la population », et des confessions non-reconnues qui exercent librement leur culte, mais sans les avantages conférés aux cultes reconnus. R. TORFS, « Belgique», in F. MESSNER (sous la direction de), Droit des religions, p. 96-97.
  53. Ces lois organiques des États sous mandat français sont mentionnées dans les visas de l’arrêté n° 60 : la Constitution libanaise, la Constitution syrienne, le statut organique du Gouvernement de Lattaquié, le statut organique du Gouvernement du Djébel Druze.
  54. Dans la mesure où les diverses doctrines religieuses s’opposent en certains points, et dans la mesure où ces doctrines font parties de leurs statuts, n’y aurait-il pas alors opposition inéluctable entre leurs statuts ?
  55. 55. Ce contrôle du contenu de la doctrine du culte contraste avec la jurisprudence libérale de la CEDH (CEDH, 26 oct. 2000, Hassan et Tchaouch c. Bulgarie, n° 78), ou encore le droit américain, où les Églises sont déclarées auprès de l’Internal Revenue Service (IRS) qui s’abstient de tout contrôle de la doctrine religieuse, <https://www.irs.gov/uac/ about-irs>, consulté le 26/12/2016.
  56. Le droit français pose une condition de cette sorte pour la reconnaissance des associations cultuelles (l’art. 19 de la loi du 9 déc. 1905 concernant la séparation entre les Églises et l’État).
  57. F. MESSNER et al., Traité de droit français des religions, p. 25 n° 64.
  58. C.E. lib., n° 4, 4/3/1976, Al-Adl 1978, I, jurisp., 31 et s.
  59. 59. Les associations cultuelles de droit français sont avant tout des associations, constituées selon la loi du 1er juill. 1901 relative aux associations (art. 18 de la loi du 9 déc. 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État). Ainsi, l’association cultuelle est soumise aux formalités de déclaration, V. circulaire du ministre de l’Intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales français, NOR/IOC/D/10/16585/C, 23 juin 2010, p. 5, <http://circulaire.legifrance.gouv.fr/pdf/2010/06/cir_31322.pdf>, consulté le 28/12/2016.
  60. Notons ici l’opinion du Professeur Edmond Rabbath qui considère qu’un acte administratif soit suffisant pour la reconnaissance d’une communauté de droit commun, et qui considère que l’exigence d’un acte législatif soit une exigence jurisprudentielle. E. RABBATH, La Constitution libanaise, p. 101.
  61. Le terme « musulman » était utilisé par les ottomans pour désigner l’islam sunnite. Il est probable que le terme « mahométan » a paru plus convenable pour englober toutes les dénominations musulmanes. Or, comme l’a dit le Président de la Chambre des députés en 1929, cheikh Mohammed El-Jisr : « Il nÿ a aucune différence entre mahométan et “musulman” mon cher collègue ; c’est tout un ». JO de la République libanaise, Débats parlementaires, 2e session ordinaire, séance du 22 nov. 1929, p. 6.
  62. Déjà du temps de l’arrêté n° 60 L.R., une loi du 7 mars 1929 s’appliquait au testament des non-musulmans. Depuis la fin du 18e, et début du 19e siècle, c’était le droit musulman qui s’appliquait aux successions et testaments des musulmans, et des chrétiens, I. AOUAD, Le droit privé des maronites au temps des émirs Chihab (1697-1841), Geuthner, 1933, reproduction 1998, p. 59 et s.
  63. Comme par ex. T. A L-HUSSEINI, qui relève que l’arrêté parle de « loi civile » tout court, et non de loi civile future ou éventuelle.
  64. Les époux ont préalablement radié la mention de leurs communautés au registre de l’état civil.
  65. 65. L’art. 1er de ce projet proposait de substituer à l’article 25 de l’arrêté 60 L.R. le texte suivant : « Si un mariage est conclu selon la forme civile, au Liban ou à l’étranger, il sera soumis au droit civil choisi par les époux pour régir les effets du mariage, à condition que ce droit ne contienne pas ce qui est contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs », Ministère de la Justice libanais, « Projet de loi relatif à la conclusion du mariage civil facultatif au Liban » (en arabe), <http://www.justice.gov.lb/CP/viewpage.aspx?id=1225&language=1>; Ministère de l’Information de la République libanaise, « Le projet de loi sur le mariage civil facultatif : une réforme de l’intérieur, sans rupture avec le système », <http:// www.ministryinfo.gov.lb/fr/News/Politics/Details/14-02-01/loi_sur_le_mariage. aspx?media=print>, liens consultés le 25/10/2016.
  66. V. par ex., TI Mont-Liban (Jdeidé), 3e ch. civ., n° 34, 8/2/2007 ou TI Mont-Liban (Jdeidé), 5e ch. civ., n° 181, 15/6/2010.
  67. Ainsi, les communautés de droit commun, les non-affiliés et les Libanais non-musulmans ayant conclu un mariage civil à l’étranger (cas de l’art. 25 de l’arrêté n° 60 L.R. par ex.) auront enfin cette « loi civile » supposée régir leurs mariages.
  68. 68. Ce projet étendait le choix du mariage civil facultatif aux communautés historiques, alors que selon l’arrêté numéro 60, une personne ne peut, en même temps, être membre d’une communauté historique, et appliquer un régime de mariage civil. Cette personne pourrait tout simplement quitter sa communauté (art. 11).
  69. En droit français, les associations cultuelles prévues par la loi concernant la séparation des Églises et de l’État (1905), qui sont le cadre juridique des cultes, sont régies aussi par la loi du 1er juill. 1901 relative aux associations. Or, une association non reconnue ne peut être propriétaire (comme c’est le cas d’une communauté de droit commun non reconnue) ; par contre une association reconnue peut être propriétaire des seuls biens nécessaires à la réalisation de son objet (art. 6 de la loi de 1901).
  70. Mais tous les deux doivent communiquer l’acte de mariage à l’agent de l’état-civil dans un délai de 5 jours (art. 20 et art. 23). Cela dit, notons que l’acte de mariage conclu par un ministre d’un culte de droit commun doit être rédigé en arabe, alors que selon l’article 22 de l’arrêté numéro 60 L.R. relatif aux communautés à statut personnel, cet acte sera rédigé dans « la langue usuelle de la communauté », quoique le ministre du culte devra, pour des raisons administratives, en donner avis en arabe à l’agent de l’état civil.
  71. 71. Cité par N. MÉOUCHY, « La réforme des juridictions religieuses en Syrie et au Liban (1921-1939) : raisons de la puissance mandataire et raisons des communautés », p. 365.