La loi de sécurisation de l'emploi, 14 mois après son entrée en vigueur (fr)

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Compte-rendu de la réunion du 08 septembre 2014 de la Commission Social du barreau de Paris

Commission ouverte : Social
Co-responsables : Paul Bouaziz et Alain Sutra, avocats au barreau de Paris

Intervenants : Stéphanie Dumas, Henri-José Legrand, avocats à la Cour


Mots clefs : Droit du travail, droit social, emploi, CE, CHSCT, BDES, PSE, licenciement économique, licenciement collectif,


Introduction

  • Une loi à sujets multiples entrés en vigueur à des dates différentes:

pour mémoire,

- volet « emploi/licenciement collectif/PSE » applicable depuis le 1/07/2013

- volet « consultation du CE » applicable depuis le 1/07/2013, et délais appliqués « à défaut d’accord » issus du décret du 27 décembre 2013

- volet « BDES » en vigueur depuis le 14/06/2014 pour les entreprises employant au moins 300 salariés (14/06/2015 pour les autres) et « bascule » complète vers la BDES au plus tard le 31/12/2016

- mise en place d’une ICCHSCT depuis le 1/07/2014

- volet temps partiel applicable depuis 1/07/2014 pour nouveaux contrats, mais dérogation jusqu’au 1/01/2016 pour contrats conclus avant 1/07/2014

- volet « formation » en vigueur au 1/01/2015

- volet « santé/prévoyance » en vigueur au 1/01/2016 si pas d’accord avant

  • Le retour d’expérience implique d’écarter certains sujets…….

Parce que traités dans d’autres séances de la commission (formation, temps partiel, prévoyance…)

ou parce que pas de visibilité ou de retour: c’est notamment le cas des dispositifs de maintien de l’emploi type accords de mobilité, accords de maintien de l’emploi (d’après le Ministère, 4 accords de maintien de l’emploi signés au 30 juin 2014, dont un aux conditions de départ « avantageuses » qui a entraîné le départ de 160 salariés alors qu’il s’agissait de préserver 102 emplois…).

Trois grands thèmes:

- Les nouvelles règles de consultation et les délais

- La consultation sur les orientations stratégiques et la BDES

- Les nouvelles règles du licenciement collectif et le contentieux


1. Consultation et délais

Nouvel article L.2323-3:

« Dans l'exercice de ses attributions consultatives, définies aux articles L. 2323-6 à L. 2323-60, le comité d'entreprise émet des avis et voeux. Il dispose d'un délai d'examen suffisant.

Sauf dispositions législatives spéciales, un accord entre l'employeur et le comité d'entreprise ou, le cas échéant, le comité central d'entreprise, adopté à la majorité des membres titulaires élus du comité, ou, à défaut d'accord, un décret en Conseil d'Etat fixe les délais dans lesquels les avis du comité d'entreprise sont rendus dans le cadre des consultations prévues aux articles L. 2323-6 à L. 2323-60, ainsi qu'aux articles L. 2281-12, L. 2323-72 et L. 3121-11.

Ces délais, qui ne peuvent être inférieurs à quinze jours, doivent permettre au comité d'entreprise d'exercer utilement sa compétence, en fonction de la nature et de l'importance des questions qui lui sont soumises et, le cas échéant, de l'information et de la consultation du ou des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.

A l'expiration de ces délais ou du délai mentionné au dernier alinéa de l'article L. 2323-4, le comité d'entreprise est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif. L'employeur rend compte, en la motivant, de la suite donnée à ces avis et voeux ».


Ce qui ne change pas:

• Nécessité de garantir l’effet utile de la consultation

• Le schéma de la consultation : « Pour être consulté, le CE doit disposer, d'informations précises et écrites transmises par l'employeur, de la réponse motivée de l'employeur à ses propres observations , d’un délai d’examen suffisant ».


Ce qui change:

Instauration d’un délai à l’issue duquel, si le CE n’a pas exprimé d’avis, il est réputé avoir rendu un « avis négatif ».

Si le CE exprime un avis avant l’expiration du délai, la consultation est terminée.

L’employeur n’est pas tenu d’attendre l’expiration du délai pour mettre en oeuvre son projet.

Le nouveau dispositif ne fait qu’encadrer et tirer les conséquences du silence du CE: solution pas entièrement nouvelle, (cf. Réf. Créteil, 10.02.2000, Câbles PIRELLI, 00/129), mais solution déterminée a priori qui table sur la bonne foi de toutes les parties au cours du processus de consultation (postulat de départ: l’information remise est complète, loyale et sincère, sa transmission fluide…alors que parfois…).

• Le délai encadre les consultations de toutes les instances (CCE, CE, CHSCT, ICCHSCT)

• Le délai encadre les expertises éventuelles


Quelques questions:


- Obligation de négocier accord sur les délais?

La lettre du texte (« à défaut d’accord ») peut le laisser croire… Réf. PARIS, 24.06.2014 : « les dispositions précitées n’impliquent aucune obligation de négociation à la charge de l’employeur ….Le CE ne peut valablement soutenir que la société X s’est placée hors du cadre posé par ces articles en n’engageant pas de négociations avec les élus du comité pour fixer un délai de consultation ni que la société X aurait volontairement et explicitement renoncé à appliquer ces délais en prévoyant un délai de consultation plus long (…) le fait pour l’employeur de revendiquer l’application des dispositions légale ne peut être assimilée à une déloyauté » (RG 14/54998.


- Quelle forme prend cet accord?

La loi parle d’accord avec les membres élus (donc, pas un accord collectif signé par les OS). NB: la circulaire fait référence à la forme du Règlement Intérieur signé par les OS (sic) un accord adopté à la majorité.


- Quels délais ?

- En principe, 1 mois

- Porté à 2 mois si expertise . Le texte ne précise pas s’il s’agit uniquement des missions légales de l’expertcomptable du comité d’entreprise. Selon la circulaire du 18 mars 2014, il peut s’agir d’une mission légale (L2325-35) ou d’une expertise technique (L2325-58) ou d’une « expertise libre »

- 3 mois en cas de saisine d’un ou plusieurs CHSCT : Saisine par l’employeur bien sûr, mais aussi par le CE ? autosaisine ?

- 4 mois si instance de coordination des CHSCT

L’accord peut allonger le délai.

Il peut le réduire, à condition de respecter le délai minimum légal de 15 jours (art L.2323-3).

Il peut modifier son point de départ

Rappel: délai calendaire: de date à date, hormis s’il expire un samedi ou un dimanche ou un jour férié ou chômé, auxquels cas il est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant.

Les délais doivent permettre au CE « d’exercer utilement sa compétence » et tenir compte de la complexité du sujet à traiter.

Difficultés concrètes: neutralisation des périodes de fermeture pour congés…


- Quel point de départ?

- « remise de l’information »: dans la mesure où le CE, personne morale, ne se confond pas avec ses membres, l’envoi des documents à chaque membre avec la convocation vaut-il remise de l’information au CE?

Faut-il généraliser la pratique d’une réunion de remise d’information?

- Ou information de la mise à disposition dans la BDES

Combien de réunions?

La loi ne dit rien. Au moins deux?

Quid si employeur envoie documents et convocation à une réunion J + 15?

Ne pas oublier la faculté de demander la convocation de réunion exceptionnelle à la majorité des titulaires… Art. L2325-4: La faculté d’organiser les modalités de consultation par accord collectif ou usages (conclu avec les OS) demeure.

L’accord ou l’usage ne peut cependant comporter que des « dispositions plus favorables relatives au fonctionnement ». Il ne peut donc pas prévoir un délai inférieur à 1 (2, 3 ou 4) mois.


- Quelles consultations?

– Les consultations non visées qui sont déjà encadrées (ex: licenciement collectif)

– Les consultation visées mais d’ores et déjà encadrées: notamment la consultation en cas d’introduction de nouvelles technologies (L2323-13), le rapport sur la situation économique dans les entreprises de moins de 300 salariés (L2323-47), le bilan social (L2323-72)

– Les procédures de simple information ou de communication de documents. Par exemple, procédure de communication des documents comptables et financiers (L2323-8).


- Tous les domaines de compétence du CE sont-ils couverts ?

– D’autres dispositions du code prévoient la consultation du CE: notamment L.3121-7 (astreintes), L.6322-6 (CIF), L.3142-42 (congé ou temps partiel pour création d’entreprise), L.1242-5 (embauche CDD ou CTT après lic éco), L.1242-8 (embauche cdd de 24 mois commande exceptionnelle à l’exportation), L.3121-37 et D.3121-16 (dérogation à durées quotidienne et hebdomadaire maximales de travail), L.3312-7 (accord d’intéressement), L.3121-24 (remplacement heures supp par repos compensateur)…. Ces nombreux textes ne sont pas compris dans la liste dressée à l’article L2323-3, alinéa 3.

– Mais, ces textes ne sont-ils pas que des applications particulières des principes généraux de consultation des articles L2323-6 à L.2323-60 ?

Sauf meilleur accord, les délais légaux sont des délais prefix: insusceptibles d’être suspendus ou allongés.

La loi prévoit cependant une exception au principe, « en cas de difficultés particulières d’accès aux informations nécessaires à la formulation d’un avis »:

  • établir « les difficultés particulières »,
  • établir le caractère « nécessaire »…

Compétence du président du TGI, qui peut ordonner la communication et prolonger le délai…s’il n’est pas déjà expiré.

cf. Référé Nanterre, 28.02.2014: rejet de la demande d’un CE qui ne réagira pas tout au long de la procédure de consultation et se borne à relever qu’il n’a pas l’information nécessaire, et décidera d’agir après que la direction aura considéré à l’expiration du délai que la consultation est achevée: le juge reproche indirectement aux élus leur inertie, et constate qu’il ne peut plus rien prolonger …(RG14/00634).

Nécessité d’être réactif, de prendre les mesures conservatoires nécessaires (mandat, réunion exceptionnelle…)

Très peu de jurisprudence sur le sujet: probablement parce que des accords sont trouvés et respectés… cf. Référé Paris, 22.08.2014: par raisonnement a contrario (rejet d’une fin de non recevoir), rappel de la compétence en la forme des référés. Point de départ du délai de deux mois (car expert): l’exécution de l’ordonnance enjoignant la communication d’informations (RG 14/56669).

Le recours à l’expertise comptable est encadré par des délais…… mais toutes les missions légales ne sont pas (encore?) concernées: - PSE

- Opération de concentration (R 2325-6-2) :
remise du rapport huit jours après notification de la décision de l’autorité saisie.
demande d’information: 3 jours après désignation
réponse de l’employeur: 5 jours….

- Orientations stratégiques (R 2325-6-1):
remise du rapport (si demandée) quinze jours avant l'expiration du délai de consultation.
demande d’information: 3 jours après désignation
réponse de l’employeur: 5 jours….

Là encore, nécessité d’avoir un comportement réactif…

Beaucoup d’accords initiés par les directions (répondre en 5 jours, c’est parfois court…)

Quelles sanctions en cas de violation des délais?


2. BDES et orientations stratégiques

Une nouvelle obligation de consultation annuelle (ANI du 11 janvier 2013, transposé aux articles L.2323-7-1 à L.2323-7-3 du CT).

• Objectif : « effectivité d’un dialogue social de qualité notamment sur la répartition des richesses que produit l’entreprise.» (3ème alinéa de l’annexe à l’article 12 de l’ANI) … et faire en sorte que l’anticipation ne soit plus un voeu pieux.

• Objet de la consultation : « orientations stratégiques » et sur les conséquences de celles-ci sur « l’activité, l’emploi, l’évolution des métiers et des compétences, l’organisation du travail, le recours à la sous-traitance, à l’intérim et à des contrats temporaires ».

Vraiment nouveau?? GPEC, comptes prévisionnels… leur examen suppose de connaître les « orientations stratégiques » dont ils sont la traduction

• Qu’est ce que « l’entreprise » ? Le groupe ? Quid d’un groupe dont la direction se trouve en dehors du territoire national ?

Le dispositif a été conçu pour un modèle de société mono-site franco-française: les choses se compliquent quand le CE est mis en place dans une filiale, qui plus est d’un groupe étranger…

• Processus de consultation : l’avis du comité et ses propositions « d’orientations alternatives » sont transmises à l’organe chargé de l’administration ou de la surveillance, lequel répond de manière argumentée. Cette réponse est enfin communiquée au comité qui a la faculté d’y répliquer.

• Support: la BDES


Objectif :

Se substituer aux informations et rapports récurrents du comité d’entreprise. Vers un nouveau modèle des rapports entre employeur et CE, qui préfigure une refonte des IRP ?

Servir de support à la consultation annuelle sur les orientations stratégiques et leurs conséquences, sans préjudice d’explications pédagogiques de l’employeur et d’un débat ; Cette consultation donne la possibilité au CE de se faire assister d’un expert-comptable (nouvelle mission prévue par l’article L. 2323-7-1) ;

Retracer les sommes perçues au titre du CICE et leur utilisation ;

Participer à rendre effectif le dialogue social dans l’entreprise.


Contenu:

Varie selon l’effectif de l’entreprise (+ ou – 300 salariés).

Peut donner lieu à négociation (branche, groupe ou entreprise).

Doit correspondre au minimum à ce qui existait auparavant dans les documents régulièrement mis à disposition des IRP.

Il ne doit donc pas y avoir perte d’informations («exhaustivité »).

En pratique,

Quelques accords un peu médiatisés (CAP GEMINI, PEUGEOT), mais beaucoup de décalage (retard?) dans la mise en place (demande de report de la mise en oeuvre présentée par le président de l’ANDRH, déclinée par le DGT le 8/07/2014…)

  • création d’un Comité paritaire stratégique international où siègent les DSC
  • organisation du « partage » des PMT à trois ans avec CCE et comités d’établissement
  • charte de « discrétion »
  • consultation des comités d’établissement dont les avis sont transmis au CCE

Les difficultés recensées:

- Parmi les informations obligatoires, des données N + 3, par hypothèse sensibles…

Comment convaincre la société de tête hollandaise ou américaine de mettre son plan stratégique dans la BDES?...

- Modalités d’accès (et contrôle?) en fonction des mandats?
- périodicité des mises à jour?
- Traitement de la confidentialité

L’expert comptable peut être une solution.

Pas de jurisprudence sur le contenu de la BDES.

Réf. CRETEIL, 7.04.2014: dès lors que la BDES n’était pas encore mise en place, le CCE est valablement consulté sur la base d’un dossier d’information « classique », l’obligation de consulter sur les orientations stratégiques étant entrée en vigueur avant l’obligation de mettre en place la BDES (RG14/00318).


3. Licenciement collectif

Les petits licenciements économiques (-10 salariés)


1) Une procédure globalement inchangée au titre du Livre I


- La consultation des représentants du personnel

• Consultation du CE, ou à défaut des DP (L. 1233-8 du Code du trav. – Cass. Soc. 29 mai 2013 n°12-12.952)
• Une seule réunion est en principe envisagée, mais en pratique deux réunions ont généralement lieu pour fournir au CE des réponses motivées aux observations qu’il aura formulées lors de la 1ère réunion (L. 1233-9 du Code du trav.)
• Documents à adresser avec la convocation : « tous renseignements utiles sur le projet de licenciement collectif (La ou les raisons économiques, financières ou techniques du projet de licenciement; Le nombre de licenciements envisagé ; Les catégories professionnelles concernées et les critères proposés pour l'ordre des licenciements ; Le nombre de salariés, permanents ou non, employés dans l'établissement ; Le calendrier prévisionnel des licenciements ; Les mesures de nature économique envisagées. » (L. 1233-10 du Code du trav.).


- L’entretien préalable

• Convocation à entretien préalable (par LRAR ou remise en main propre contre décharge).
• L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de 5 jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation (L. 1233-11 du Code du trav.)


2) Une incertitude sur le type de communication avec l’administration: information a posteriori ou notification après la 1e réunion du CE?

• Information de l'autorité administrative du ou des licenciements prononcés (L. 1233-19 du Code du trav. non modifié)
• Dans les 8 jours de l’envoi des lettres de licenciement (D. 1233-3 du Code du trav.)
• Aucun texte n’interdi(sai)t de licencier avant d’avoir notifié le projet à l’administration
• L. 1233-53 nouveau dispose pourtant qu’en cas de petit licenciement : « l'autorité administrative vérifie, dans le délai de vingt et un jours à compter de la date de la notification du projet de licenciement, que : 1° Les représentants du personnel ont été informés, réunis et consultés conformément aux dispositions légales et conventionnelles en vigueur ; 2° Les obligations relatives à l'élaboration des mesures sociales prévues par l'article L. 1233-32 ou par des conventions ou accords collectifs de travail ont été respectées ; 3° Les mesures prévues à l'article L. 1233-32 seront effectivement mises en oeuvre. »

• Erreur de rédaction ou nouveauté ?
Cette disposition est située dans la section 4 sur les grands licenciements pour motif économique!
Aucun texte ne prévoit une notification préalable à l’administration pour les petits licenciements pour motif économique, ⇒Un espoir de rectification ?
« Au 1er alinéa de l’article L. 1233-53 du même code, les mots : « et les entreprises de 50 salariés et plus lorsque le licenciement concerne moins de 10 salariés dans une même période de 30 jours » sont supprimés. » (Art. 105 Projet d’ordonnance portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives). Mais l’ordonnance finalement publiée n’en fait pas mention (Ord. n°2012-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives).

Pas plus que la dernière ordonnance parue à ce jour (Ord. n°2014-699 du 26 juin 2014 portant simplification et adaptation du droit du travail n’en fait pas non plus mention).


3) De nouveaux calendriers au titre du Livre II parfois aussi contraignants qu’en cas de « grands » licenciements collectifs

En cas de consultation au titre du Livre II (marche générale de l’entreprise, et/ou compression d’effectifs), application des nouvelles règles issues de la Loi de Sécurisation de l’emploi (L. 2323-3 du Code du trav.).

Pour mémoire: • Les délais de consultation sont déterminés par accord avec le CE (min. 15 jours)
• A défaut d’accord, les délais de consultation du CE sont : (R. 2323-1-1 du Code du trav.)
o D’un mois en l’absence de désignation d’expert libre ni de saisine du CHSCT
o De deux mois en cas de désignation d’un expert libre par le CE
o De trois mois en cas de saisine du CHSCT et de désignation d’experts

Remarque: L’avis du CHSCT est transmis au CE au plus tard 7 jours avant l’expiration du délai au terme duquel le CE doit rendre son avis (R. 2323-1-1 du Code du trav.).

⇒ Des délais quasi aussi contraignants qu’en matière de grands licenciements !


Les grands licenciements économiques(10+ salariés)


1) Rappel des dispositions applicables : l’alternative entre voie négociée et voie unilatérale

Objet de la négociation :

- Contenuminimum obligatoire : le PSE (L.1233-24-2 C. trav.)

- Contenu facultatif (L.1233-24-2 C. trav.)

  • Modalités d’information et de consultation du CE (nombre et calendrier des réunions, documents à produire, conditions et délais de recours à l’expert-comptable)
  • Pondération et périmètre d’application des critères d’ordre des licenciements
  • Calendrier des licenciements
  • Nombre de suppressions d’emploi et catégories professionnelles concernées
  • Modalités de mise en oeuvre des mesures de formation, d’adaptation et de reclassement

- Dispositions légales non négociables (L.1233-24-3 C. trav.)

  • Obligation d’effort de formation, d’adaptation et de reclassement
  • Règles générales d’information et de consultation du CE (caractère préalable de la consultation, informations écrites et précises, délai d’examen suffisant, réponse motivée de l’employeur, accès à l’information détenue par les administrations publiques et les organisations agissant pour leur compte)
  • Obligation de proposer le CSP ou le congé de reclassement
  • Communication au CE de tous renseignements utiles sur le projet de licenciement collectif
  • Obligation de mettre à l’étude les suggestions relatives aux mesures sociales envisagées et les propositions alternatives au projet de restructuration
  • Règles de consultation applicables lors d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire


Forme de l’accord : Seulement accord d’entreprise (ou d’UES) : pas de groupe ni d’établissement

  • Signature et dépôt après l’avis du CE sur la procédure


Conditions de majorité renforcée par rapport à l’ANI : Caractère dérogatoire de la règle de calcul de la validité de l’accord : condition de majorité de 50% des OS représentatives dans l’entreprise sur la base des suffrages recueillis par les OS représentatives dans l’entreprise (et non sur celle de la totalité des suffrages exprimés) (L.1233-24-1 C. trav.).


2) Rappel des dispositions applicables : l’objet de la consultation du CE

2 avis :

  • Sur le Livre 2 (« l'opération projetée et ses modalités d'application, conformément à l'article L. 2323-15 »)
  • Sur le Livre 1 (« le projet de licenciement collectif : le nombre de suppressions d'emploi, les catégories professionnelles concernées, les critères d'ordre et le calendrier prévisionnel des licenciements, les mesures sociales d'accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi »).

Toutefois, les éléments du Livre 1 qui font l'objet d’un accord majoritaire ne sont pas soumis à la consultation du CE:

  • Si accord majoritaire global : consultation du CE sur le projet d’accord et sur le Livre 2, mais pas sur le Livre 1 (circulaire, fiche 1, p.7)
  • Si accord majoritaire partiel : consultation du CE sur le projet d’accord, sur le Livre 2, et sur les modalités du projet qui ne font pas l’objet de l’accord (circulaire, fiche 1, p.7)

A noter : l’employeur doit étudier et apporter une réponse motivée aux propositions alternatives du CE (L. 1233-33).


3) Rappel des dispositions applicables : les nouveaux délais de consultation du CE

Le délai de consultation accordé au CE est fonction du nombre de licenciements envisagé lors de la réunion 1 du CE (L.1233-30 C. trav.)

  • Moins de 100 licenciements : 2 mois
  • Entre 100 et 250 licenciements : 3 mois
  • Plus de 250 licenciements : 4 mois

Point de départ du délai de consultation : 1ère réunion de consultation du CE sur les Livres 1 et 2 (L.1233-30 C. trav.)

  • La concomitance des procédures d’information/consultation Livre 1 et Livre 2 est facultative. Si la 1ère réunion du CE ne porte que sur le Livre 2, le délai imparti au CE pour rendre ses avis ne

commencera à courir qu’une fois que le CE aura également été consulté sur le Livre 1 (Circulaire, fiche n°1, page 5)

  • A défaut d’avis dans les délais, le CE est réputé avoir été consulté


4) Rappel des dispositions applicables : l’expert du CE

Désigné lors de la 1ère réunion L1 du CE (L.1233-34 C. trav.)

  • Le même que celui désigné, le cas échéant, pour assister les OS dans la négociation (Circulaire, fiche 1, p.4)

Calendrier des échanges (L.1233-35 C. trav.) : 10 jours / 8 jours / 10 jours / 8 jours

Présentation du rapport de l’expert : 15 jours avant l’expiration du délai du CE pour rendre ses avis (L.1233-35)

En cas de difficultés avec l’expert, procédure d’injonction (L.1233-57-5 C. trav.) « Toute demande tendant, avant transmission de la demande de validation ou d'homologation, à ce qu'il soit enjoint à l'employeur de fournir les éléments d'information relatifs à la procédure en cours ou de se conformer à une règle de procédure prévue par les textes législatifs, les conventions collectives ou un accord collectif est adressée à l'autorité administrative. Celle-ci se prononce dans un délai de cinq jours » => Bloc de compétence administratif.

Selon la Circulaire (fiche 2, p.6/7)

  • L’initiative de saisir la Direccte incombe au CE (ou à défaut aux DP) et aux OS
  • En revanche, pas aux salariés (ni à l’expert)
  • Pas non plus à l’employeur (≠ CHSCT)
  • La demande d’injonction doit être motivée et doit expliciter la nature des informations demandées, les raisons pour lesquelles l’employeur n’y a pas répondu initialement et justifier que cette information est indispensable pour les éclairer les IRP
  • La Direccte peut être amenée à auditionner les parties
  • Si la Direccte enjoint de communiquer certains documents, elle tiendra compte, au moment de l’homologation/validation, des suites données par l’employeur « en appréciant la nature et le degré du

manquement de l’employeur »

  • Les demandes d’injonction n’ont pas pour effet de reporter le terme du délai de la consultation


5) Rappel des dispositions applicables : le contrôle de la Direccte lors de l’homologation / validation

Appréciation globale du projet

  • Qualité du dialogue social et des mesures sociales d’accompagnement
  • Qualité des échanges avec la Direccte en cours de procédure

Pas de pouvoir de contrôle du motif économique (Instruction du 26 juin 2013, p 2)

Pas de pouvoir sur le montant des indemnités de rupture

Accord collectif majoritaire : contrôle plus restreint du contenu du PSE

  • Les mesures prévues aux articles L. 1233- 61 à L. 1233-63 du Code du travail
  • Pas le contenu, ni la proportionnalité des mesures
  • Contrôle de forme de l’accord, de régularité de procédure

Document unilatéral : contrôle plus étendu

  • Proportionnalité des mesures prévues par le PSE aux moyens et à la taille de l’entreprise et du groupe
  • Contrôle de l’équilibre des critères d’ordre et de leur pondération
  • Contrôle des catégories professionnelles
  • Contrôle du plan au regard de l’importance du projet / de l’employabilité des salariés
  • Contrôle des efforts de formation et d’adaptation (s’agit-il des seules dispositions contenues dans le PSE ou également des éléments antérieurs (plan de formation, adaptations effectuées…)? A priori les deux puisque les « exigences seront plus fortes si l’entreprise n’a pas mise en oeuvre d’actions de formation depuis longtemps » (Circulaire 19 juillet 2013 p13))
  • Bien que le montant des indemnités de rupture ne fasse pas partie du contrôle de la Direccte, l’instruction du 26 juin 2013 précise qu’il est nécessaire de veiller à ce que ces dernières « ne pèsent pas exagérément au détriment des mesures actives de reclassement qui doivent être privilégiées » (p 2).

NB: la loi relative à l’économie sociale et solidaire (31 juillet 2014) rajoute, tant pour la validation que pour l’homologation, le contrôle par la Direccte des articles L. 1233-57-9 et s. (« loi Florange » : information du CE , de l’administration, des élus en cas de fermeture d’établissement et recherche de repreneur).


6) Rappel des dispositions applicables : le calendrier de décision de la Direccte

• La décision de l’administration est notifiée à l’employeur (D.1233-14-1)

  • Validation de l’accord majoritaire = 15 jours à compter de la réception de l’accord

– La circulaire (fiche 2, p.13) recommande à la Direccte de respecter le même délai pour un accord partiel + document unilatéral

  • Homologation du document unilatéral = 21 jours à compter de la réception du document
  • Ce sont des délais maximaux, rien n’interdit à la Direccte de prendre sa décision plus tôt (TA Montreuil 3 juin 2014 n°1401992 Altérion)

Point de départ du délai : à compter de la réception d’un « dossier complet », qui selon la circulaire, fiche 2, p.8, inclut notamment :

  • « les modalités de mise en oeuvre des mesures de formation, d’adaptation et de reclassement prévues à L. 1233-4 et L. 1233-4-1 »
  • « En cas d’accord collectif sur le PSE, un tableau récapitulatif du résultat des dernières élections »

• La décision doit être explicite et motivée, mais le silence gardé à l’issue des délais vaut décision d’acceptation (validation / homologation)

  • Notification des licenciements possible dès la notification de la décision homologation / validation (L.1233-39)
  • Le délai d’envoi des lettres de licenciement conditionné à la notification à l’administration ne s’applique plus que dans les entreprises de moins de 50 salariés (L.1233-39)

En cas de refus :

  • L’employeur présente une nouvelle demande après y avoir apporté les modifications nécessaires
  • Lorsqu’une irrégularité de procédure a été constatée, l’employeur doit reprendre la procédure d’information/consultation au moment où a eu lieu cette irrégularité.
  • Dans tous les cas, il doit consulter le CE sur le projet de licenciement modifié. (L.1233-57-7)

– Pas de délai butoir « absence d’avis vaut avis » dans ce cas ?
– Faut-il reconsulter le CHSCT? TA Nîmes 19 juin 2014 n°1401055 – Affaire Moncigale (non)


7) Rappel des dispositions applicables : les pouvoirs de la Direccte en cours de procédure

Pouvoir d’injonction (L. 1233-57-5 C. trav.)

  • Enjoindre l’employeur à fournir les éléments d’information relatifs à la procédure en cours ou à se conformer à une règle de procédure : motivation de la demande
  • Elle dispose de 5 jours pour se prononcer (après audition si besoin) : insusceptible de recours gracieux ou hiérarchique pendant la procédure
  • L’initiative de saisir la Direccte incombe au CE (ou aux DP) et aux OS (pas les salariés, l’expert, l’employeur)
  • Les demandes d’injonction n’ont pas pour effet de reporter le terme du délai de la consultation

Pouvoir de proposition / observation (L. 1233-57-6 C. trav. )

  • L’Administration peut faire toutes observations ou propositions à l’employeur concernant

– Le déroulement de la procédure ou les mesures sociales du PSE
– Compléter ou modifier le PSE en tenant en compte de la situation économique de l’entreprise

  • Ses observations/propositions sont aussi adressées aux IRP, et en cas d’accord négocié aux OS
  • Elles sont portées à la connaissance des salariés par voie d’affichage sur les lieux de travail
  • L’employeur répond à la Direccte et en adresse copie aux IRP et aux OS en cas d’accord négocié

Pouvoir en matière d’expertise CHSCT

  • Procédure d’injonction, la Direccte se prononce dans les 5 jours (R.4616-10)

- L’employeur peut être à l’initiative de la saisine de la Direccte (≠ CE), notamment s’il entend contester la nécessité de l'expertise, la désignation de l’expert, le coût, l'étendue ou le délai de l'expertise (renvoi à L.4614-13 al. 2)


8) Rappel des dispositions applicables : le recours au juge administratif

Compétence : (L. 1235-7-1 C. trav.) �* Contestations de la décision de validation ou d’homologation de l’accord collectif ou du document unilatéral.
�* Pas de contestation des autres éléments (PSE, accord collectif …) dans un litige distinct de celui sur la validation ou l’homologation
�* Pas de recours en cours de procédure (fin du référé sur la régularité de la procédure de consultation des IRP dans le délai de 15 jours suivant chacune des réunions du CE – al. 1 art. L.1235-7 abrogé)
�* Exclusion du recours gracieux ou du recours hiérarchique
�* Voie du référé administratif ouverte (L.1235-7-1 se réfère au Livre V du CJA)

Délais de recours : (L. 1235-7-1 C. trav.)
�* Pour l’employeur = 2 mois à compter de la notification de la décision de la Direccte à l’employeur
�* Pour les OS, et les salariés = 2 mois à compter de la date à laquelle cette décision (explicite ou implicite) a été portée à leur connaissance
– Importance de la preuve de cette information : intervention d’un huissier pour constater l’affichage de la décision de l’administration à envisager
– Les IRP ne sont pas visés par la loi mais par la Circulaire du 19 juillet 2013. Quid du CE ? Décisions divergentes : TA Cergy Pontoise 7 et 13 fév. 2014 n°1400713 Heinz (oui) - TA Nîmes 19 juin 2014 n°1401055 – AffaireMoncigale) (non
– Les salariés même non concernés par les licenciements aussi (TA Cergy Pontoise 7 et 13 fév. 2014 n°1400713 Heinz)
– Quid du CHSCT ? TA Versailles 4 juillet 2014 n°14/02915 – Affaire SKF France (oui)
– Quid du syndicat? Décisions divergentes (TA Cergy Pontoise 7 fév. 2014 n°1400713 (oui) vs. TA Nîmes 27 nov. 2013 n°1302334 (non pour les non signataires – infirmé par CAA Marseille 15 avril 2014)…)

Délais de jugement :

  • Le Tribunal Administratif statue dans un délai de 3 mois.

�* En cas d’appel, ou à défaut de décision prise par le TA dans le délai de 3 mois, la Cour d’appel administrative a 3 mois pour statuer.
�* A défaut de jugement rendu par la CAA ou en cas de pourvoi en cassation, l’affaire est portée devant le Conseil d’Etat qui n’a pas de délai pour statuer
⇒ L’objectif est de garantir la rapidité de la procédure


9- Le bilan

Quelques chiffres

445 procédures (SSL n°1636 – Juil. 2013 à Avr. 2014)
�* 250 décisions d’homologation, 138 décisions de validation, 24 décisions mixtes et 33 refus
�* 40% en Ile de France (sièges sociaux) et le reste entre les régions à forte implantation industrielle (Nord Pas de Calais) ou connaissant des difficultés particulières liées aux filières économiques qui y sont dominantes (Bretagne) • Dans 75% des cas, il y a eu négociation
1/3 des négociations en amont de la procédure et 2/3 en parallèle
• Dans 2/3 cas, la négociation a débouché sur un accord collectif majoritaire
• Alors que 30% des PSE donnaient lieu à contentieux devant le TGI avant la LSE, 7% des procédures font désormais l’objet d’un contentieux • 85% des recours sont formés contre des décisions d’homologation portant sur des documents unilatéraux
95% des décisions d’homologation ou de validation ont été explicites et motivées, dans les délais (hors Procédures Collectives)
• Le taux de refus d’homologation des documents unilatéraux est de 10%


Retour d’expérience sur la négociation et la consultation des IRP

  • Beaucoup plus d’approches négociées que par le passé => changement de posture
  • Y compris des accords unanimes!
  • Les délais maximum de consultation du CE sont tenus => ça marche!

⇒ Clarifier dès le départ le calendrier global de la procédure donne de la visibilité et de la confiance

  • Les experts rendent leurs rapports dans les calendriers légaux (tout en signalant s’ils n’ont pas eu des réponses à certaines de leurs questions) => fin des « rapports intermédiaires » ?
  • Sur l’instance de coordination du CHSCT: peu de mise en oeuvre pour l’instant (à notre connaissance)


Retour d’expérience sur la pratique des Direccte

  • Des pratiques non encore homogénéisées entre les Direccte
  • Développement des e-mails / de la communication « off » en parallèle des communications officielles
  • Une maîtrise parfois surprenante des textes / des demandes surprenantes:


- Ex. pas compétent pour statuer sur les difficultés avec l’expert du CHSCT (??)
- Ex. menace de refus de validation si l’accord collectif n’est pas déposé préalablement
- Ex. demande de joindre le PV des dernières élections (pour un accord unanime….)
- Ex. refus d’examiner le dossier s’il n’est pas transmis sur le portail dématérialisé (portail qui à l’époque ne marchait pas…)

=> Bonnes pratiques :

  • Entamer le dialogue très tôt et pratiquer un aller-retour régulier avec la Direccte
  • Etre diligent et répondre aux demandes et injonctions de l’expert et de l’Administration, sinon la Direccte en tient compte dans sa prise de décision sur homologation / validation (Circulaire du 19

juillet 2013, p7) (NB : Si pas d’homologation / validation : pas de notification des licenciements)

  • Privilégier la négociation puisque l’objectif de la loi est de renforcer le dialogue social et la qualité du PSE (Instruction du 26 juin 2013)
  • En fonction de la susceptibilité de l’inspecteur du travail, le mettre éventuellement dans la boucle


Les décisions de justice

  • Compétence matérielle

�- Toute demande, avant transmission de la demande de validation ou d’homologation, portant sur l’application d’une règle de procédure, est adressée à l’autorité administrative (le CCE, qui estimait ne pas pouvoir être consulté avant la fin des négociations avec les OS, a assigné l’employeur devant le TGI – TGI Nanterre réf. 15 oct. 2013 n°13/02451 - Affaire Bonna Sabla) �- Dès lors que la réunion informelle du CE qui s’est tenue le 24 mai 2013 (avec remise d’un document de présentation du projet de restructuration) n’est pas la R1 de lancement de la procédure et que les convocations à cette R1 ont été envoyées le 3 juillet 2013, le TA est seul compétent pour juger les demandes tendant à faire constater l’illégalité du projet unilatéral pour insuffisance des mesures de reclassement (TGI Créteil réf. 21 nov. 2013 n°13/01404 – Affaire Ricoh). �- L’article L. 1235-7-1 donne compétence au juge administratif pour connaître de tous les litiges relatifs aux procédures de licenciement collectif, « à l’exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux ; que cette exclusion s’entend aussi de l’introduction de l’action en référé » (TGI Nanterre réf. 14 oct. 2013 n°13/02140 – Affaire Canon).

  • Compétence territoriale

�- Lorsque l'accord collectif ou le document de l'employeur relatif au projet de licenciement collectif en cause identifie le ou les établissements auxquels sont rattachés les emplois dont la suppression est envisagée et que ces établissements sont situés dans le ressort d'un même tribunal administratif, ce tribunal est compétent pour connaître d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision administrative validant l'accord collectif ou homologuant le document de l'employeur; dans tous les autres cas […] le tribunal compétent est celui dans le ressort duquel se trouve le siège de cette entreprise (CE 24 janv. 2014 n°374163).


Les décisions de la justice administrative

Référé-suspension (L. 1235-7-1 du Code du trav.)

�- Rappel des conditions : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. » (L. 521-1 du Code de justice adm.) �- Le caractère urgent doit s’apprécier de manière globale et concrète, en prenant en compte l’intérêt de l’ensemble des parties prenantes, et pas uniquement au regard des salariés concernés par le licenciement. La demande de suspension est rejetée au motif qu’elle aurait entraîné un état de cessation des paiements (CE 21 fév. 2014 n°374163 – Affaire IPL Atlantique). ⇒ Pas de présomption d’urgence inhérente à une décision portant sur un PSE �- Les premiers licenciements étaient susceptibles d’être prononcés avant la date du jugement au fond (urgence) ET l’information reçue par les IRP portait sur le groupe en Europe alors que le projet portait sur plus de 1200 emplois dans le monde (illégalité) ; la demande de suspension est donc justifiée (TA Cergy Pontoise 7 et 13 fév. 2014 n°1400713 – Affaire Heinz). �- La demande de suspension est rejetée dès lors que la mise en oeuvre des licenciements n’était pas susceptible d’intervenir avant le jugement au fond de la requête du CE (TA Montreuil 5 mai 2014 n°1402206 –Affaire Lufthansa).


Fond : Irrégularités de procédure de consultation du CE/CHSCT

�- Les irrégularités de procédure ne sont de nature à entraîner l’annulation de la décision de validation que si elles ont eu pour effet de fausser les débats ou d’empêcher les IRP de rendre un avis en toute connaissance de cause (présence en surnombre de collaborateurs de l’employeur, transmission de la liste détaillée des postes de reclassement 3 jours après la 1ère réunion 1 => n’empêche pas le débat) (TA Montreuil 7 fév. 2014 n°1311393 – Affaire Darty IDF, confirmée par CAA Vers. 24 juin 2014 n°14VE00884). Idem TA Montreuil 3 juin 2014 n°14/01992 – Affaire Astérion France.

�- Il n’est pas établi que l’absence de transmission à l’expert de certains éléments économiques sur le groupe et l’insuffisance de chiffrage du plan n’auraient pas permis au CCE de rendre son avis. L’expert a en effet rendu un rapport volumineux et détaillé, et même si certaines de ses demandes de renseignements étaient restées sans réponse, le CCE a pu avoir une appréciation globale sérieuse des moyens financiers du groupe et analyser les obligations de reclassement des salariés (TA Grenoble 18 avr. 2014 n°1400318 – Affaire UES ND Vrac Pulve). Idem sur l’imprécision alléguée des informations TA Orléans 15 juillet 2014 n°14/01688 – Affaire République du Centre.

�- L’employeur n’est pas tenu de remettre le document unilatéral au CE avant de le soumettre à homologation. Toutefois, le CE devant être consulté sur les mesures sociales d’accompagnement prévues par le PSE, la procédure de consultation est entachée d’irrégularité si le PSE inclus dans le document unilatéral comporte des modifications substantielles par rapport à la version soumise à consultation du CE (TA Paris 23 mai 2014 n°1402928 Lutetia).

�- Le défaut de communication par l’employeur au CE de sa réponse à l’administration portant sur les capacités économiques et financières du groupe constitue une irrégularité substantielle de nature à entraîner l’annulation de la décision d’homologation (CAA Marseille 15 avr. 2014 n°14MA00387 – Affaire Call Expert).

�- L’ordre du jour des réunions de CE établi unilatéralement par le mandataire judiciaire (s’agissant d’une consultation obligatoire) est sans incidence sur la régularité de la procédure (TA Rennes 7 juillet 2014 n°14/02033 – Affaire FOBI).

�- Les PV de CE ne sont pas au nombre des pièces devant figurer au dossier de demande d’homologation (CAA Douai 17 juillet 2014 n°14DA00728 – Affaire VG Goossens).

�- Le défaut de consultation sur les orientations stratégiques n’entre pas dans le champ du contrôle de l’administration, nonobstant les liens que peuvent avoir de telles orientations sur la décision de restructurer la société (TA Nîmes 19 juin 2014 – Affaire Moncigale).


Fond : Irrégularités de procédure administrative

�- La décision d’homologation ne vise pas l’article L. 1233-57-5 relatif au pouvoir d’injonction, pas plus qu’elle ne mentionne l’injonction adressée en cours de procédure à la société Heinz de transmettre au CCE des informations sur le périmètre d’appréciation du motif économique, sur les catégories professionnelles de l’entreprise et sur la répartition du personnel dans ces catégories, informations que le Direccte a estimées indispensables à la régularité de la procédure. Elle ne mentionne pas non plus la réponse de la société à ladite injonction. Il ne s’agit pas d’une simple omission de visa sans incidence sur la légalité de la décision mais bien d’une insuffisance de motivation qui va à l’encontre de l’esprit de la loi nouvelle et encourt l’annulation (TA Cergy Pontoise 22 avril 2014 n°1400714 – Affaire Heinz).

⇒ Devant le TA de Cergy Pontoise, ne vaut-il pas mieux avoir des décisions implicites (plutôt qu’expresses mais insuffisammentmotivées….) ? Cf. également TA Cergy Pontoise 22 avril 2014 n°14/00989 – Affaire TNS Sofres.

�- En cas de demande portant à la fois sur la validation d’un accord partiel et l’homologation d’un document unilatéral, la Direccte ne peut qu’instruire de manière concomitante les deux documents. Ayant examiné en même temps les deux documents, l’autorité administrative peut rendre une décision commune. Par ailleurs, rien n’interdit à la Direccte de rendre sa décision plus tôt que les délais de 15 et 21 jours, qui sont des délais maximaux. Dès lors, il ne peut lui être reproché d’avoir rendu sa décision d’homologation du document unilatéral de façon prématurée en respectant un délai de 15 jours au lieu de 21 jours (TA Montreuil 3 juin 2014 n°1401992 – Affaire Astérion France).

�- L’administration n’a pas à vérifier la régularité des désignations des DS signataires (TA Versailles 4 juillet 2014 n°14/03072 – Affaire Sanofi Aventis).


Fond : Insuffisance du PSE

�- Dans un contexte de liquidation judiciaire, s’agissant de l’obligation de reclassement, l’omission relative à des emplois précaires (CDD) et non immédiatement disponibles ne saurait, à elle seule, en tout état de cause, faire regarder le PSE comme insuffisant (TA Nîmes 6 déc. 2013 n°13/02452 – Affaire Call Expert).

�- L’autorité administrative vérifie que le mandataire a élaboré un PSE compte tenu des moyens financiers de la société et, en cas d’appartenance à un groupe, à la participation éventuelle de celui-ci. Toutefois, l’obligation de reclasser les salariés dont le licenciement est envisagé n’incombe qu’à l’employeur. Les autres sociétés du groupe ne sont pas, en cette seule qualité, débitrices envers les salariés d’une obligation de reclassement et ne répondent pas à leur égard des conséquences de l’insuffisance des mesures de reclassement (TA Montreuil 28 janv. 2014 n°1310820 – Affaire Aviapartner).

=> Mode d’emploi de ce qu’il faut faire pour le mandataire judiciaire

- Le juge administratif contrôle la proportionnalité du PSE aux moyens de l’entreprise et du groupe : est insuffisant le plan dans lequel les aides à la mobilité externe sont inadaptées aux besoins des salariés (congé de déménagement plafonné à 150€, prise en charge des frais de déménagement plafonnée à 2000€, indemnité de changement de domicile fixée à 800€, aide au reclassement du conjoint fixée à 2000€) et prévoyant une aide à la formation de 4500€ (qui correspond davantage à une formation de base, et pas au besoin d’une formation rapide et individualisée) ou une aide à la création d’entreprise de 6000€. La somme globale de 500 000€ prévue par le plan ne sera pas dépensée en temps utile pour faire preuve de l’efficacité requise. (TA Châlons en Champagne 11 fév. 2014 n°1302032 – Affaire SAS ODCF; confirmé CAA Nancy 23 juin 2014 n°14NC00528).

�- Est en revanche suffisant le PSE prévoyant une aide financière à la conduite du bilan de compétence de 2500€ et de validation des acquis de l’expérience de 2000€; une prise en charge des frais de déménagement de 1000 à 2500€, des aides aux formations d’adaptation à hauteur de 5000€ portée à 6000€ en cas de personnes handicapées, aide à la formation au nouveau poste de travail de 5000€ et de 6000€ pour les personnes fragiles ou vulnérables (TA Paris 23 mai 2014 n°1402928 – Affaire Lutetia).

�- L’inexistence de postes de reclassement disponibles dans le groupe n’est pas de nature à établir qu’une recherche effective et sérieuse de postes de reclassement n’aurait pas été effectuée. De plus, le syndicat soutient que les mesures d’accompagnement du PSE ne sont pas proportionnées aux moyens du groupe (pas d’indemnité supra-légale…), mais il ne précise pas en quoi le plan serait insuffisant au regard de ces moyens. (TA Lille 26 mars 2014 n°1307584 – Affaire Calaire Chimie).


Fond : Critères d’ordre / catégories professionnelles

�- L’administration n’a pas à se prononcer sur la régularité des catégories professionnelles lorsque celles-ci résultent du jugement du Tribunal de commerce approuvant le plan de cession (dans un contexte de liquidation) (CAA Versailles 13 mai 2014 n°14VE00587 – Affaire Vauban ; idem TA Caen 23 juillet 2014 n°14/01157 – Affaire Avinov).

�- Il incombe à l’employeur de définir dans le document unilatéral le périmètre d’application des critères d’ordre; en revanche, le périmètre retenu de peut aboutir à désigner, a priori, les salariés qui seront licenciés. En l’espèce, périmètre retenu : 85 agences prises isolément, chacune comprenant de 9 à 362 salariés, ce qui méconnaitrait le principe d’objectivité, surtout pour les agences où tous les emplois sont supprimés (TA Cergy Pontoise 11 juillet 2014 n°14/04270 – AffaireMory Ducros).

⇒ Cela signifie-t-il que l’employeur peut quand même, de manière unilatérale, définir un périmètre infraentreprise ? ⇒ Pourquoi une agence n’est-elle pas un périmètre objectif ?


Les prochains contentieux ?

Responsabilité de l’Etat : notamment lorsque des plans ont été annulés pour un défaut de motivation de la Direccte ?

Contentieux prud’homal : évolution à attendre sur le barème des dommages-intérêts ?


Voir aussi

« Erreur d’expression : opérateur / inattendu. » n’est pas un nombre.