Le divorce sans juge, qu’est-ce que ça change ? (fr)

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Interview de Me Anne-Laure CASADO dans le Parisien

Cabinet Mulons Associés, avocats au barreau de Paris
Janvier 2017



66 000 divorces à l’amiable ont lieu chaque année. Cela représente 53 % de la totalité des divorces.
On peut désormais enregistrer un divorce par consentement mutuel chez le notaire par l’intermédiaire de deux avocats sans avoir à passer devant un juge


Depuis le 1er janvier,fini la case tribunal pour les divorces à l’amiable. Une avocate spécialisée répond aux questions qu’on se pose.

Plus rapide ? Plus simple ? Sans garde-fou ? Qu’en est-il vraiment de la nouvelle procédure du divorce par consentement mutuel qui est entrée en vigueur le 1er janvier, suite à la promulgation de la loi de modernisation de la justice.

On l’appelle aussi le divorce sans juge car cette forme de divorce ne sera plus homologuée par la justice mais simplement enregistrée chez le notaire. Fini la case tribunal. Désormais, c’est l’avocat qui devient le garant de l’équilibre de l’accord trouvé entre les futurs ex-époux lors des séparations à l’amiable, qui sont au nombre de plus de 66 000 par an. Me AnneLaure Casado, avocate au cabinetMulon Associés (Paris XVIIe), dé-crypte cette « révolution » en droit de la famille.

Est-ce-que cela concerne tous les types de divorce ?

NON.Les divorces pour faute, par exemple, continuent à nécessiter un juge. Mais les divorces à l’amiable (également appelés par consentement mutuel), c’est-à-dire un peu plus d’un sur deux, sont concernés. Que vous ayez des enfants et/ou un patrimoine immobilier ou encore une société en commun, le nouveau système s’applique à tous. Ne pensez pas qu’il s’adresse uniquement aux époux qui sont d’accord sur tout, locataires et sans enfant…

Peut-on avoir le même avocat ?

NON. Désormais, chacun des époux doit être assisté de son propre avocat de manière à garantir son consentement libre et éclairé. Avec l’ancienne procédure, la très grande majorité des couples qui se séparaient par consentement mutuel avaient le même représentant (80 %). « L’avocat a désormais un rôle central.

L’intérêt de chacune des parties doit être respecté et c’est à nous de veiller à ce qu’un accord équilibré soit trouvé », précise Me Casado. Cela veut-il dire que les frais sont multipliés par deux ? « Pas forcément, assure l’avocate.

Le coût dépend de beaucoup de choses, de la complexité du dossier et donc du temps qui sera nécessaire pour aboutir à une convention, si l’avocat est extrêmement spécialisé, si son cabinet est à Paris ou en province… »

Le Juge peut-il quand même intervenir ?

OUI. Mais uniquement si le ou les enfants mineurs du couple sollicitent leur audition. « Si l’enfant n’est pas d’accord avec ce que ses parents ont décidé pour la garde par exemple », ajoute l’avocate. L’enfant, « capable de discernement » (la loi ne précise pas l’âge), doit donc être tenu informé de ce droit et indiquer dans un formulaire s’il souhaite l’exercer ou non.

Si la réponse est oui, la procédure de divorce par consentement mutuel connue jusqu’alors s’appliquera.

Des voix se sont élevées (associations familiales, féministes et même certains magistrats) pour dénoncer ce nouveau dispositif qui, faute de juge, ne protégerait pas le plus faible.

« Notre obligation est de défendre nos clients. Si j’ai une cliente victime de violences conjugales qui est prête à lâcher sur ses droits pour gagner sa liberté, je me battrai y compris contre elle. Rien ne pourra se faire sans ma signature », insiste Me Casado.

La procédure est moins longue ?

OUI. Normalement… Si tout se passe bien entre les futurs divorcés.

Dans l’ancien système, entre le dépôt d’une requête et la date d’une audience devant le juge, « on pouvait compter en moyenne trois mois », analyse Me Casado.

Aujourd’hui,lorsque le projet de convention de divorce est envoyé par les avocats aux clients, ces derniers ont un délai de quinze jours de réflexion pour le signer. S’ils sont d’accord, les avocats ont sept jours pour l’envoyer chez le notaire, qui a, par la suite, quinze jours pour l’enregistrer.

On dit alors que la convention est déposée au rang des minutes. « En un mois et demi, un divorce peut être prononcé. »


En chiffres

Le cap des quinze ans de mariage

C’EST UN FAIT. On divorce moins enFrance. En 2014, selon les chiffres de l’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques), 123 500 divorces ont été prononcés pour 240 000 mariages (- 1,1 % par rapport à 2013).

Plus d’un sur deux (53 %) était un divorce par consentement mutuel. Cette tendance à la baisse se manifeste d’ailleurs depuis plusieurs années, puisqu’on note un recul des divorces de 8 % entre 2010 et 2014. Cela est il dû à une baisse simultanée des mariages ? Non, puisque les unions ont seulement baissé de - 1 % pendant ces quatre années.

Les experts mettent plutôt en avant un changement de comportement lié aux difficultés économiques des foyers qui entraîneraient les époux à différer leur divorce. Une conséquence de la crise en somme.

Toutefois, il existe de grandes disparités selon les départements. On divorce ainsi plus fréquemment dans les grandes villes, notamment à Paris (un mariage sur deux ne survit pas) et dans le Sud, que dans l’ouest de la France. Selon le ministère de la Justice, les séparations interviennent en moyenne après quinze ans de mariage.

A ce moment-là, les hommes ont environ 43 ans et les femmes 41 ans et demi. La plupart des couples mariés qui se séparent avaient le plus souvent fondé une famille.

Plus de la moitié des divorces prononcés en 2014 (53 %) impliquait ainsi des mineurs, soit 113 000 enfants.

Toujours selon l’Insee, le divorce pèse plus économiquement sur les femmes.

Elles perdent jusqu’à 19 % de leurs revenus (ce taux pouvant aller jusqu’à 26,5 % lorsqu’elles travaillent à temps partiel) contre seulement 2,5 % pour les hommes.