Le document unique d'évaluation des risques (fr)

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Compte-rendu de la réunion du 28 avril 2014 - Commission Droit social du barreau de Paris, réalisé par Réjane Del Fabbro, Rédactrice en chef "Protection sociale" ,


Commission ouverte : Droit social
Responsable : Paul Bouaziz et Alain Sutra, avocats à la cour


Intervenant : Michel Ledoux, avocat à la Cour, Christophe Mure, ingénieur-conseil à la CRAMIF (Caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France) et Françoise Pelletier avocat à la cour


(Voir Annexes en bas de l'article)[1]



Aujourd'hui, seulement 58 % des entreprises auraient établit un document unique et environ 48 % d'entre elles auraient mis en place un plan d'action. Pourtant, il s'agit d'une obligation légale créée par un décret du 5 novembre 2001 (décret n° 2001-1016 N° Lexbase : L4900AZI) et intégrée à l'article R. 4121-1 du Code du travail (N° Lexbase : L3097INZ) pour toute entreprise ayant au moins un salarié. Ce document obligatoire est, aujourd'hui, un des items du système de prévention en matière de risques et de sécurité au travail. En effet, tous les dirigeants sont tenus d'établir et de mettre à jour un document unique résultant de l'évaluation des risques. Le chef d'établissement doit procéder à un inventaire des risques identifiés dans chaque unité de travail de l'entreprise ou de l'établissement, l'objectif de cette évaluation étant de tirer un plan d'action afin de mettre en oeuvre une politique de prévention et ainsi, préserver la santé et la sécurité des salariés.

Bien que l'employeur soit le seul responsable de l'évaluation et de la transcription des risques dans le document unique, la démarche de son élaboration se doit d'être collective. Ainsi, il est judicieux de faire participer les salariés, les institutions représentatives du personnel (IRP), le médecin du travail, la CARSAT (Caisse d'assurance de retraite et de la santé au travail) ou la CRAM (Caisse régionale d'assurance maladie) et toute personne ou institution qui sera concernée. Une fois élaboré, ce document devra être mis à disposition des salariés et de toute institution représentative, au même titre que le règlement intérieur.


I - Les enjeux du document unique

Les enjeux humains. En 2012, on recense un million d'accidents du travail. Parmi ces accidents, 558 ont engendré la mort du salarié et 55 maladies professionnelles ont été déclarées. Ces accidents du travail sont synonymes pour la victime de souffrances physiques et mentales, de préjudices professionnels pouvant engendrer un changement de poste, une perte d'emploi possible et une évidente répercussion sur la vie privée. Bien que le salarié soit la première victime, les répercussions se ressentent également auprès de l'encadrement avec une perte de crédibilité professionnelle et de confiance mais aussi auprès du chef d'entreprise qui pourra rencontrer des difficultés de recrutement face à une mauvaise réputation de son établissement.

Les enjeux financiers. Au-delà des risques humains, les accidents du travail représentent un véritable coût pour l'entreprise : qu'il s'agisse des cotisations ou bien encore des indemnisations complémentaires versées à la victime. Il existe également un coût indirect engendré par une perte de production, une baisse de rendement, la mise en place de nouvelles embauches, etc..

Les enjeux répressifs. L'absence de document unique est sanctionnée par une contravention de cinquième classe. De plus, elle est synonyme de faute inexcusable de l'employeur.


II - L'élaboration du document unique

Bien qu'il existe des modèles types de document unique que l'on peut trouver sur internet, il est cependant fortement déconseillé d'en faire usage. En effet, la démarche se doit d'être casuistique, chaque risque devant être appréhendé de manière singulière. Néanmoins, M. Mure, ingénieur-conseil à la CRAMIF, préconise une méthode d'élaboration du document unique à suivre en cinq étapes.

Préparation de la démarche. L'élaboration du document unique se doit d'être une démarche participative : CHSCT, IRP, DP, médecin du travail doivent être consultés afin de définir la méthode et les outils indispensables à sa mise en oeuvre. Il s'agit, ici, d'établir le travail réel : c'est pourquoi, il est important d'associer les salariés qui seront à même de définir leurs propres conditions de travail et donc, les risques encourus. Bien que cette démarche soit collective, c'est le chef d'entreprise qui demeure responsable de la validation finale. Cette préparation suppose une réflexion sur les risques potentiels : les accidents du travail qui ont déjà existés, les produits chimiques pouvant être dangereux, etc.. Ils vont ensuite être définis par unités de travail, en fonction des postes et de la polyvalence des salariés. Il conviendra de ne pas oublier les personnes extérieures, comme les stagiaires par exemple, qui ne sont pas salariés de l'entreprise mais assimilés.

Evaluation des risques et rédaction du document unique. Une fois la démarche engendrée, il faudra analyser les risques, leurs fréquences, la durée d'exposition du salarié à ceux-ci et leur gravité. Le risque n'a pas besoin d'être avéré, il doit simplement exister (ainsi, il est pour l'heure impossible de définir les risques encourus par les ondes d'un système wifi). Lorsqu'il s'agit de cabinets de petite taille, la définition des risques va être plus difficile à établir. Il sera utile d'avoir une approche pragmatique : faire le tour des locaux pour établir ce qu'il y a comme risques et ainsi les prévenir par des mesures simples comme par exemple l'installation de rampes dans les escaliers pour éviter les chutes, la vérification du bon état des marches, etc..

De plus, les risques psycho-sociaux doivent également être pris en compte. Ainsi, la charge de travail, les urgences, le stress au travail doivent être évalués dans le document unique.

Le risque devra être caractérisé afin d'être échelonné selon deux critères :

  • e échelle de gravité du dommage (faible, moyenne, élevée, très élevée) ;
  • probabilité de survenue du dommage (rare, faible, moyenne, élevée)

Ces deux critères vont permettre d'établir des priorités face aux risques les plus graves afin de les traiter pour les évaluer de manière la plus efficace possible.

Construction du plan de prévention. Une fois les risques listés, on va regarder quelles sont les mesures que l'on peut mettre en place pour les supprimer ou tout du mois les amoindrir. On retrouve ces principes de prévention à l'article 4121-2 du Code du travail (N° Lexbase : L8844ITQ) :

  • éviter les risques ;
  • évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
  • combattre les risques à la source ;
  • adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
  • tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;
  • mplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
  • anifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1(N° Lexbase : L0724H9P) et L. 1153-1(N° Lexbase : L8840ITL) du Code du travail ;
  • endre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
  • nner les instructions appropriées aux travailleurs.

Tous ces éléments vont être retranscrits dans le plan d'action.

Réalisation du document unique. La mise en place des actions de préventions va se faire conjointement avec les salariés et le médecin du travail. Ainsi, il suffira parfois d'aménager un poste de travail via une inclinaison d'écran différente, la mise en place d'un repose-pied, une meilleure luminosité, etc..

Concernant le risque incendie il conviendra de définir les lieux pour les fumeurs, mais aussi de former les personnes au maniement des extincteurs.

Les risques de trajets qu'effectue le salarié pour se rendre sur son lieu de travail ne doivent pas être évalués dans le document unique. En revanche, si le trajet fait partie de l'activité (par exemple, se rendre chez un client) celui-ci devra être évalué en préconisant par exemple, l'utilisation des transports en commun.

Le personnel non salarié de l'entreprise venant travailler de manière ponctuelle (les fournisseurs, personnel de nettoyage...) doivent être pris en compte dans le document unique uniquement à partir de 400 heures de travail prévues dans l'année à venir ou bien s'il s'agit d'un travail dangereux (en théorie, les risques que comportent l'intervention d'un électricien dans un cabinet d'avocat par exemple, doivent être évalués).

Comme énoncé précédemment, il faudra également intégrer dans le document unique les risques psycho-sociaux : la gestion des pauses, le dialogue avec les salariés ou encore la participation d'un psychologue du travail peuvent permettent de les prévenir.

Mise à jour du document unique.

Ce document unique doit être mis à jour ;

  • au moins une fois par an ;
  • lors de toute décision relevant d'un aménagement important modifiant les conditions de travail (C. trav., art. L. 4612-8 N° Lexbase : L1754H9T) ;
  • chaque fois qu'une information complémentaire doit être transmise (lors de la survenue d'un accident du travail par exemple).


III - Les risques et sanctions en cas d'absence de document unique

Tout employeur est tenu, en vertu de l'obligation générale de sécurité qui lui incombe, d'évaluer les risques éventuels et de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des salariés de son entreprise. Ainsi, il doit élaborer et tenir à jour un document unique d'évaluation des risques recensant l'ensemble des risques pour la santé et la sécurité des salariés.

L'absence de document unique, en cas de contrôle de l'inspection du travail, peut être sanctionné de 1 500 euros d'amende par unité de travail et de 3 000 euros par unité de travail en cas de récidive (C. trav., art. L. 4741-2 N° Lexbase : L3366IQQ et R. 4741-1 N° Lexbase : L3068IAU). De plus, l'employeur peut-être condamné pour délit d'entrave si le document unique n'est pas à la disposition des représentants du personnel. De ce fait, l'employeur qui n'a pas élaboré un document unique ne risque dans les textes qu'une contravention de cinquième classe.

En revanche, les risques juridiques sont bien plus importants. En effet, l'absence de document unique est assimilable à une faute inexcusable de l'employeur car elle est synonyme d'absence de prise en compte des risques.


Annexes

  1. Annexes


Voir aussi

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