Les principales modifications du régime de l’hypothèque à la suite de la réforme du droit des sûretés applicable au 1er janvier 2022

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Anthony Bem, avocat au barreau de Paris
Décembre 2021


Quelles sont les principales modifications apportées au régime de l’hypothèque à la suite de la réforme du droit des sûretés applicable à compter du 1er janvier 2022 ?


Les principales modifications du régime de l’hypothèque à la suite de la réforme du droit des sûretés applicable au 1er janvier 2022 L’ordonnance n°2021-1192 du 15 septembre 2021 a réformé le droit des sûretés afin d’ « améliorer les règles relatives aux sûretés réelles immobilières ». (Article 60, I, 12° de la loi PACTE)


Il existe une pluralité de suretés réelles ; notamment les privilèges, le gage immobilier, les hypothèques.

En pratique, l’octroi d’un prêt bancaire est souvent conditionné par l’octroi d’une garantie au remboursement de la dette au profit de la banque.


Dans ce contexte, les particuliers ou professionnels consentent quasi systématiquement des suretés réelles à leur banque, autrement dit, des garanties qui portent sur leurs biens, mobiliers ou immobiliers.


L’article 2323 nouveau du code civil tel qu’issu de la réforme a défini la sureté réelle comme suit :


« La sûreté réelle est l'affectation d'un bien ou d'un ensemble de biens, présents ou futurs, au paiement préférentiel ou exclusif du créancier. »


L’hypothèque est ainsi une sûreté réelle qui confère à son bénéficiaire des droits sur un immeuble spécialement affecté au paiement d’une dette.


Le bénéficiaire d’une hypothèque peut donc à la fois profiter  :

  • d’un droit de suite : il s’agit de la faculté offerte au créancier de saisir le bien entre les mains du tiers-détenteur afin de se faire payer sa créance si le bien venait à être cédé ;
  • d’un droit de préférence : il s’agit du droit d’être payé, par privilège, à d’autres créanciers.

Avant la réforme, l’article 2393 du code civil définissait l’hypothèque comme étant « un droit réel sur les immeubles affectés à l'acquittement d'une obligation ».


La réforme a posé une nouvelle définition de l’hypothèque en son nouvel article 2385 du code civil comme étant « l’affectation d’un immeuble en garantie d’une obligation sans dépossession de celui qui la constitue ».


L’hypothèque peut toujours être légale, judiciaire ou conventionnelle, cependant le régime des hypothèques légales a été modifié en distinguant d’une part, les hypothèques légales spéciales et d’autres part, les hypothèques légales générales.


Ainsi, l’article 2392 nouveau du code civil dispose que :


« Les hypothèques légales sont générales ou spéciales. Le créancier bénéficiaire d'une hypothèque générale peut inscrire son droit sur tous les immeubles appartenant actuellement à son débiteur. Il peut prendre des inscriptions complémentaires sur les immeubles entrés, par la suite, dans le patrimoine de son débiteur.

Le créancier bénéficiaire d'une hypothèque spéciale ne peut inscrire son droit que sur l'immeuble sur lequel elle porte.»

D'une part, l’article 2393 nouveau du code civil énumère les créances auxquelles une hypothèque légale générale peut être attachée, à savoir :

«  Celles de l'un des époux contre l'autre ; 2° Celles des mineurs ou des majeurs en tutelle contre l'administrateur légal ou le tuteur ;

3° Celles de l'État, des départements, des communes et des établissements publics contre les receveurs et administrateurs comptables ;

4° Celles du légataire, sur les biens immeubles de la succession, en vertu de l'article 1017 ;

5° Celles des frais funéraires ;

6° Celles ayant fait l'objet d'un jugement, contre le débiteur condamné ;

7° Celles du Trésor public, dans les conditions fixées par le code général des impôts ;

8° Celles des caisses de sécurité sociale, dans les conditions fixées par le code de la sécurité sociale. »


D'autre part, l’article 2402 nouveau du code énumère également les créances auxquelles une hypothèque légale spéciale peut être rattachée, à savoir:


« 1° La créance du prix du syndicat des copropriétaires relatives à l'année courante ainsi qu'aux quatre dernières années de vente d'un immeuble est garantie sur celui-ci ;

2° La créance de celui qui a fourni les deniers pour l'acquisition d'un immeuble est garantie sur celui-ci pourvu qu'il soit authentiquement constaté par l'acte d'emprunt que la somme était destinée à cet emploi, et par la quittance du vendeur que ce paiement a été fait des deniers empruntés ;

3° Les créances de toute nature échues sont garanties sur le lot vendu du copropriétaire débiteur ;

4° La créance d'un héritier ou d'un copartageant, par l'effet du partage, du rapport ou de la réduction est garantie sur les immeubles partagés, donnés ou légués ;

5° Les créances sur une personne défunte et les legs de sommes d'argent, d'une part, les créances sur la personne de l'héritier, d'autre part, sont respectivement garanties sur les immeubles successoraux et les immeubles personnels de l'héritier comme il est dit à l'article 878 ;

6° La créance de l'accédant à la propriété titulaire d'un contrat de location-accession régi par la loi n° 84-595 du 12 juillet 1984 définissant la location-accession à la propriété immobilière est garantie sur l'immeuble faisant l'objet du contrat, pour la garantie des droits qu'il tient de ce contrat ;

7° Les créances de l'État, de la commune, de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ou de la métropole de Lyon [… ] sont garanties sur les immeubles faisant l'objet des mesures prises en application de ces dispositions. »


Par ailleurs, les hypothèques légales spéciales remplaceront désormais les privilèges immobiliers spéciaux.


Tout comme pour les titulaires d’une hypothèque, les titulaires de privilèges immobiliers spéciaux bénéficiaient d’un droit de suite ainsi que d’un droit de préférence et devaient faire inscrire leur sûretés au fichier immobilier.


Cependant, la prise de rang des privilèges immobiliers spéciaux s’opérait rétroactivement à la date de naissance de la créance.


Désormais, la prise de rang des hypothèques légales spéciales s’opérera au jour de son inscription au fichier immobilier.


Ainsi, seuls les privilèges immobiliers généraux seront dispensés d’inscription au fichier immobilier.


Par ailleurs, la réforme apporte quelques modifications au régime de l’hypothèque conventionnelle puisqu’il sera désormais possible d’en obtenir sur des immeubles futurs.


De plus, la réforme met fin à une jurisprudence de la Cour de cassation aux termes de laquelle le tiers-détenteur désormais appelé tiers-acquéreur d’un bien immobilier, débiteur d’un droit de suite « n’était pas fondé à se prévaloir de la prescription de la créance principale à l’appui de sa demande de mainlevée du commandement de payer valant saisie ». (Cass. Civ. 2ème, 19 février 2015, n°13-27.691 [1])


En effet, le tiers-acquéreur bénéficie de garanties nouvelles puisqu’il pourra désormais, comme le peut une caution, opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal. (Article 2455 nouveau du code civil)


Le tiers-acquéreur pourra également lorsqu’il n’est pas personnellement obligé à la dette, s’opposer à la vente de l’immeuble hypothéqué, s’il existe d’autres immeubles, à l’appui de la même dette en possession du débiteur principal et en requérir la discussion préalable. (Article 2455 nouveau du code civil)


Enfin, l’hypothèque judiciaire conservatoire sera désormais régie par le code des procédures civiles d’exécution, de façon à pallier les carences en la matière du code civil.


En conclusion, la réforme a apporté des modifications qui tendent à simplifier ainsi qu’à unifier le régime des sûretés réelles et notamment de l’hypothèque qui se présente souvent comme une garantie incontournable pour accéder à un prêt bancaire.