Licenciement: la faute lourde n'est plus privative des indemnités de congés payés

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.

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Auteur : Nicolas MERMILLOD

Mars 2016


Considérée comme la faute la plus importante, la faute lourde se caractérisait jusqu'alors par la privation de toutes indemnités, y compris de congés payés. La situation vient de changer suite à une question prioritaire de constitutionnalité.


Selon la jurisprudence, la faute lourde est constituée lorsqu'elle est exceptionnellement grave et qu'elle est commise avec une intention de nuire à l'employeur. Concurrence déloyale, divulgation de secrets en lien avec l'activité de l'entreprise, malversations financières figurent parmi les motifs de licenciementpour faute lourde les plus généralement prononcés.


La faute lourde permettait à l'employeur de priver le salarié fautif de toute indemnité, y compris l'indemnité compensatrice de congés payés.


Les choses viennent d'évoluer, puisqu'à l'occasion d'une QPC, le Conseil Constitutionnel vient de décider, dans une décision en date du 2 mars 2016, publiée au JO du 4 mars 2016, que la privation des indemnités de congés payés était inconstitutionnelle. Cette décision est applicable immédiatement.


Le Conseil avait en effet relevé une différence de traitement pour les salariés licenciés pour faute lourde selon que leur employeur était affilié ou non à une caisse de congés payés. Certains salariés licenciés pour faute lourde avaient en effet droit de toucher cette indemnité dès lors que leur employeur était affilié à une caisse de congés (ce qui était le cas dans le secteur du BTP, des transports et du spectacle notamment).


Sur le plan pratique, cette décision prive le licenciement pour faute lourde d'une grande partie de son intérêt, surtout lorsque l'on sait à quel point la jurisprudence admet de manière très restrictive cette qualification de faute lourde.


Pour illustrer la difficulté de caractériser une telle faute, l'on peut se reporter à un arrêt de la Chambre Sociale en date du 22 octobre 2015.


Dans cette affaire, le directeur d’établissement d’une association s’était octroyé une augmentation, une prime exceptionnelle ainsi que des acomptes sur salaire sans modalités de remboursement et il avait embauché des proches en leur offrant des avantages anormaux.


Un tel comportement avait naturellement entrainé son licenciement, prononcé pour faute lourde par l’employeur.


Le licenciement fut contesté.


Après le Conseil de Prud’hommes, la Cour d’appel fut saisie. Elle confirma la faute lourde.


La Cour de cassation censure et casse l’arrêt de la Cour d’appel en considérant que si les actes commis étaient effectivement préjudiciables à l’employeur, ils ne caractérisaient pas pour autant l’intention du salarié de nuire à l’entreprise et ne pouvaient dès lors être qualifiés de faute lourde.


Il faut néanmoins signaler que seule la qualification de faute lourde permet à l'employeur de solliciter des dommages intérêts. Cette responsabilité résultant de sa seule intention de nuire.